.
Notes de l'Auteure :
Une nuit mouvementée, comme souvent, mais depuis ce matin, j'ai mon omoplate et mon côté gauche de mon cou qui sont totalement bloqués. Je douille sa race.
Voici le cauchemar qui m'a mise en PLS ce matin en me réveillant.
Pour la chanson, j'ai choisi une douce musique Irlandaise 'The Cotton Mill' qui fera contraste avec la complexité et l'horreur du songe.
Bon courage...
.
.
.
« I took my love out for a walk in the merry month of May,
The birds were singing sweetly as we went along our way,
She said she loved me dearly and to me she would prove true,
If you will stay with me my love, sure I will stay with you. »
.
.
Nous ne nous souvenions pas de grand chose.
Mick et moi sommes retournés au travail ce jour-là, mais avec un sentiment très étrange au plus profond de nous. Nous avions oublié.
Mick portait toujours une vieille chemise à carreaux, avec un jean usé. Ses cernes ternissaient son regard bleu translucide et ses cheveux ébène n'étaient pas vraiment coiffés. Sa barbe de trois jours lui rongeait le visage, lui donnant un côté plus triste encore.
Comme souvent, j'avais mes longs cheveux châtains coiffés en une grande tresse dans mon dos, je portais une longue robe bleu marine, un peu étroite pour moi au niveau de ma taille.
Mick et moi travaillions dans un château, une immense propriété tenue par une riche famille. Il nous fallait nous occuper du manoir, mais aussi des jardins, tout en gardant un œil sur les enfants qui jouaient de-ci, de-là.
Néanmoins, Mick et moi n'étions pas à ce que nous faisions. Nos esprits se trouvaient ailleurs. Dans les méandres oubliés de nos souvenirs, comme si quelqu'un les avait effacés et que nous essayions de les retrouver sans pour autant y parvenir.
D'une façon automatique, nous ramassions dans le grand jardin vert de notre Irlande, des centaines et centaines de billes que les enfants avaient laissés là après leurs jeux.
Sans un mot, nous récupérions tout en mettant nos trouvailles dans des bacs en plastique.
Puis, lentement et sans un mot, nous sommes retournés sous la véranda, sur l'imposante table en bois pour tout trier et ranger.
.
Une des propriétaires du manoir, une femme de notre âge dans la trentaine, se dirigea vers nous pour nous demander de faire autre chose. Nous étions en train de trier et de ranger toutes les billes, pierres et autres objets trouvés dans le jardin pour les ranger minutieusement dans les boîtes correspondant à chaque chose précise.
Mais notre patronne nous ordonna de faire autre chose, même si nous n'avions pas terminé notre travail en cours. Au début, j'ai refusé, mais elle a insisté.
Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais ma colère a explosé à ce moment-là. Comme si mes souvenirs oubliés me rongeaient les tripes.
J'ai hurlé malgré moi :
- Non ! Non, à chaque fois, c'est pareil ! Nous commençons quelque chose et vous nous ordonnez de faire autre chose, sans discontinuer ! Nous commençons tout sans ne jamais rien terminer ! C'est illogique et nous sommes perdus ! Donc, non ! Nous allons finir ce rangement et ensuite, nous passerons au travail suivant !
C'était la première fois, depuis toutes nos années de travail, que je hurlais ainsi sur notre patronne.
D'ailleurs, Mick s'arrêta dans ses mouvements pour me jeter un regard à la fois choqué et interrogateur.
Je m'attendais clairement à me faire virer dans la minute...
.
Mais, non.
La patronne s'approcha de nous avec un air solennel sur le visage. Étrangement, elle ne fut pas en colère du tout, au contraire, elle dit simplement :
- Je sais que vous avez oublié ce qu'il s'est passé ces dernières semaines. Je sais pourquoi, je sais ce qui vous est arrivé. Je sais pourquoi toi, Mick, tu te sens si mal, en deuil. Alisone, je sais pourquoi tu sens que quelque chose d'étrange se trouve en toi. C'est vrai, dans un sens... Je peux vous aider à recouvrer la mémoire, uniquement si vous le souhaitez. Si vous êtes prêts...
Mick et moi, nous nous sommes jeté un regard interrogateur et inquiet.
D'un commun accord, nous avons accepté.
Qu'est-ce qu'il se passe en moi ?
Qui Mick a-t-il perdu ?
.
.
« We strolled along the dam, the birds sang loud and gay,
It was there I met my little brunette and she stole my heart away,
Her cheeks they were like roses red and her skin was white as snow,
She was the darling of my heart and the pride of the Springfield Road. »
.
La patronne nous emmena au fond du jardin, là où se trouvait une nacelle de paille. Une nacelle de montgolfière, dans laquelle nous grimpèrent ensemble. Le ballon n'était pas encore gonflé, toujours allongé sur l'herbe fraîche. Le rouge sur le vert.
La nacelle était très petite, j'avais à peine de quoi m'accroupir dedans, à côté de Mick et de notre Boss. Elle activa la montgolfière, qui se mit à gonfler peu à peu. Le ballon se leva dans les airs et nous emporta dans le vent.
Toujours avec mystère, elle avoua :
- Votre voyage dans le passé commence maintenant. Vous allez réellement revivre vos souvenirs. Je vous préviens, c'est violent...
Je m'en doutais un peu.
Beaucoup, même.
.
La montgolfière se trouva dans les nuages, avançant vers le Nord. Ayant le vertige et la peur de voler, je me suis mise en boule dans le fond de la nacelle en fermant fort mes yeux.
Malheureusement, comme un aveugle utiliserait ses quatre sens restants pour compenser le cinquième, il se passa exactement la même chose pour moi.
Oui, j'avais les yeux fermés, mais je voyais tout :
Le vent qui poussait le ballon, le vide sifflant sous la nacelle, la brume qui couvrait une partie du paysage, l'odeur des montagnes, l'humidité et tout le reste me donnèrent des indices et des visions précises dans ma tête. Avec mon odorat et mon ouï, je pouvais voir ce qu'il se trouvait en-dessus.
Nous survolions des montagnes. Hautes, vertes, avec le sommet dans les nuages. Des villages pittoresques se trouvaient çà et là. Je pouvais voir les maisons multicolores bâties sur les flancs des cratères, à l'intérieur des volcans éteints.
Je fermais mes yeux plus encore, jusqu'à me faire mal aux paupières et aux globes oculaires. Mais je pouvais sentir le vent changer de son et l'odeur marine me chatouiller les narines. Désormais, la montgolfière se dirigeait au-dessus des flots marins. Les volcans laissèrent place aux falaises, puis aux plages, jusqu'aux vagues déchaînées. Nous traversions un océan.
N'y tenant plus, j'ai posé mes mains sur mes oreilles pour cacher un sens de plus et ainsi éviter de tout voir malgré mes yeux fermés. J'ai enfoui ma tête entre mes jambes, assise au fond de la nacelle, pour stopper les odeurs.
Ce n'était pas parfait, mais je voyais un peu moins ce qu'il se passait en bas.
.
La patronne posa la montgolfière au milieu d'un village abandonné sur la côte de l'océan. Elle nous dit de descendre et de laisser les souvenirs faire leurs chemins. Puis, elle repartit.
Mick me prit par la main et ensemble, nous commencions à marcher dans ce minuscule village portuaire. L'endroit ressemblait un peu à Reykjavik.
Nous nous laissions guider par notre instinct, jusqu'à tomber devant un bus de ville ouvert.
C'était un simple bus, entièrement gris, d'un seul étage avec le chauffeur derrière le volant du côté gauche. OK, nous n'étions donc plus en Irlande, de toute évidence.
Nous sommes montés à bord. Mick reconnut les cinq hommes, seuls, déjà dans le bus.
Des anciens amis à lui, perdus de vue depuis des années, qu'il salua chaleureusement.
Avec tout ça, j'ai presque failli rater le bus, qui ferma les portes devant moi. Je les ai ouvertes de justesse en me faisant mal aux mains.
J'ai grimpé à bord, pour me placer à côté de Mick, vers le fond du bus.
Ses amis n'avaient pas l'air heureux de me voir ici. Comme si je portais malheur, comme une femme portait malheur à bord d'un bateau de Pirates.
Néanmoins, Mick resta collé à moi, tout en parlant avec ses amis.
Pendant ce temps, le conducteur reprit la route, passant par des chemins étroits et tortueux sur les flancs des montagnes. Une situation qui m'apeurait horriblement.
Le bus bougeait dans tous les sens, nous étions tous debout, nous raccrochant aux supports contre les murs et sous le plafond. Le chauffeur nous ballottait de droite et de gauche, passant de justesse sur les bords fins et dangereux.
Mick parlait toujours aux cinq hommes.
Puis, une demi-heure plus tard, un sixième homme rejoint le groupe. Lui aussi se mit à parler et à poser des questions. Sauf que nous étions tous affreusement choqué et terrorisé.
Parce que l'homme devant nous, au milieu du groupe, c'était le chauffeur du bus.
Nom de Dieu, mais alors... Qui conduisait le bus ?!
.
.
« Now, we'll be getting married, for she has named the day,
And happy we'll be together as we go along our way,
We'll have a tiny little house and a garden for to till,
We'll bring our children up like us to work in the cotton mill. »
.
Nous avons tous tourné nos regards vers le volant du bus. Le chauffeur n'y était pas, puisqu'il se trouvait avec nous, en revanche, il y avait quelque chose...
Une ombre.
Une silhouette entièrement noire, comme un fantôme sombre.
Le bus quitta la route dans un soubresaut terrible et nous nous sommes tous accrochés fortement aux poignets sur les murs et le plafond.
La descente fut un Enfer.
Le bus fit des tonneaux sur lui-même. Encore et encore. Nous secouant comme dans une machine à laver géante, sans jamais s'arrêter.
Des loopings à n'en plus finir, jusqu'à ce que le bus se crash enfin, sur un sol de terre.
J'étais complètement sonné. Allongé sur le dos, de tout mon long, sur le sol du bus, les yeux fermés, l'esprit dans le cosmos. Mais toujours en vie. Miraculeusement, nous étions tous vivants.
Nous sommes restés ainsi, groggy, pendant plus de 2h dans le bus détruit, mais enfin à l'arrêt.
Mick aussi était dans le coaltar, se relevant lentement et douloureusement.
Un de ses amis rampa vers moi et il fit une chose très étrange :
Il posa sa main droite sur mon ventre. Puis, il se concentra.
Ensuite, il se tourna vers Mick, qui commençait à émerger lentement, et lui dit avec sérieux :
- Ta fiancée est enceinte. De trois mois. C'est un garçon.
.
Après cette révélation, qui eut l'effet d'une bombe, je me suis enfin réveillée et Mick m'a aidé à me relever. Nous étions désormais tous debout, et vivants, jetant des regards sur l'endroit dans lequel nous nous trouvions. Le bus s'était crashé au milieu d'une rue principale, et piétonne, d'un village portuaire. Nous étions en haut d'une pente et juste en dessous, la route se terminait dans l'océan tumultueux.
Les hommes commencèrent à s'énerver contre moi, disant que l'accident était de ma faute, car je portais malheur et que j'étais enceinte.
Ils ont essayé de me faire sortir de force de la carcasse du bus. Avant qu'ils ne réussissent à me jeter dehors, j'ai pu attraper Mick par les bras pour le faire sortir avec moi.
Une seconde près.
Si rapidement...
Une seconde après être jeté dehors, les freins du bus lâchèrent et la carcasse glissa le long de la pente pour se crasher dans l'océan, sous nos regards paniqués et horrifiés.
Une seconde près, nous étions à bord avec eux...
.
.
« We strolled along the dam, the birds sang loud and gay,
It was there I met my little brunette and she stole my heart away,
Her cheeks they were like roses red and her skin was white as snow,
She was the darling of my heart and the pride of the Springfield Road. »
.
Loin devant nous, les amis de Mick étaient toujours vivants, mais luttant contre les flots des vagues. Sous ses yeux transis de terreur, Mick vit ses amis mourir noyer, dans les courants marins et par le froid glacial de l'eau.
Une larme coula le long de ses joues, pendant que je cherchais une ambulance ou une voiture de Police du regard, autour de nous.
Je trouvai une voiture de patrouille, oui. Mais, pas de Police malheureusement.
Non, sur le véhicule, il y avait quatre lettres peintes sur la carrosserie.
Quatre lettres qui arrêtèrent mon cœur et coupèrent mon souffle :
BMOL
Je fis un malaise dans la seconde.
Mick me rattrapa avant que je ne tombe sur le béton.
- Ali ? Ali ! My God... Why... ?
Les yeux à moitié ouverts, j'ai pu lui montrer la voiture du regard. Lorsqu'il la vit à son tour, il me prit dans ses bras, pleurant de chagrin et de peur.
BMOL
= British Men Of Letters.
Le groupe dans lequel Mick travaillait avant.
Avant que nous ne soyons en couple. Depuis qu'il avait démissionné, son ancienne Boss et son ancien collègue cherchaient à nous tuer par tous les moyens.
Dr Hess et Mr Ketch.
.
.
« I'll bid you all good evening, for now I must away,
I'm off to see her parents and to hear what they will say,
She says they'll treat me kindly and our glasses they will fill,
And drink a toast to the bride and groom that work in the cotton mill. »
.
Nous avions désormais la réponse à nos souvenirs recouvrés.
Il nous fallait donc quitter cet endroit maudit.
Et vite !
Main dans la main, nous avons couru dans le village jusqu'à entrer dans une espèce de Centre Commercial sombre, à étage, et sans fenêtre.
En proie à une panique évidente, Mick monta à l'étage avec moi et nous demandions à tout le monde, à bout de souffle, comment quitter le village ?
Comment quitter les souvenirs ?
Une vieille dame nous dit d'aller voir le Sage, dans une petite pièce du rez-de-chaussée.
Il n'y avait pas d'escaliers à proprement parler pour descendre au rez-de-chaussée. Seulement un ersatz d'échelle, aux marches serrées et étroites.
Je fis attention en descendant, maintenant que je me savais enceinte, il ne fallait rien risquer.
Dans la précipitation, Mick trébucha et se rattrapa de justesse à un pilier de bois.
Un pilier qui se brisa par son élan. Il rattrapa le poteau juste à temps, parce que c'était un pylône porteur.
Eh merde...
.
.
.
Puis, je me suis réveillée...
.
« We strolled along the dam, the birds sang loud and gay,
It was there I met my little brunette and she stole my heart away,
Her cheeks they were like roses red and her skin was white as snow,
She was the darling of my heart and the pride of the Springfield Road. »
.
16.10.2022
Copyright © 2022 by Alisone DAVIES - All rights reserved.
