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Notes de l'auteure :

Cette histoire date du Lundi 16 décembre 2019.

Mais, j'ai décidé de la corriger pour la poster ici, ça reste dans le thème de mes autres histoires.

Le titre : 'Mo Bhantiarna'

Signifie : 'My Lady' en Gaélique Irlandais.

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Courir.

À perdre haleine. Sans pouvoir respirer.

Mick et moi.

Mick Davies.

Dans les rues de Londres. Oui, comme la chanson.

Une chasse parmi tant d'autres.

Rien ne change jamais.

La course. La fuite. La chasse.

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Nous avons volé. Encore, me diriez-vous.

Pourquoi ? Eh bien, pour manger.

Déjà 30 ans, mais toujours orphelins des rues.

Mick me tenait la main. Fermement. Il regardait sans cesse derrière lui. Ses cheveux noirs en bataille, ses yeux bleus translucides transis de terreur, sa chemise trop vieille et trop grande flottait sur son corps fin et pâle. Tout comme lui, mes longs cheveux noirs virevoltaient derrière moi. Ainsi que ma robe déchirée. Mes chaussures abîmées m'empêchaient de correctement prendre la fuite.

Pourtant, nous courions.

Entre les rues étroites, sous les échafaudages, dans des coins sombres, parfois atterrissant dans un cul-de-sac et faisant demi-tour en vitesse. Mais les Hommes de Lettres nous suivaient de près, armes en main, pour faire feu à tout moment.

Je me souviens de tout. Du battement frénétique du cœur de Mick. Comme du mien.

De notre tentative de nous cacher sous les bâches jaunâtres d'un immeuble à l'abandon. Nous connaissions ces rues mieux qu'eux, et pourtant... Ils couraient aussi vite que nous, tirant des balles partout autour de nous.

Nous avons essayé de nous faufiler sous un éboulis de pierres. En vain.

Ils étaient partout et nulle part à la fois.

Mick semblait de plus en plus inquiet. Paniqué.

De la sueur perlait sur son front. Il me regardait avec des yeux exorbités de terreur. Cela ne présageait rien de bon. Mick était le pilier de notre foi.

Sans lui, tout était fini.

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Un Homme de Lettres, ou plutôt une Femme de Lettres, nous repéra dans une allée sombre. Malgré le jour encore présent, l'air était plutôt frais, mais terne.

Mick me reprit par la main pour courir.

Seulement, mon cœur ne le pouvait plus. L'air devenait feu dans ma gorge. Mes poumons menaçaient d'exploser à tout moment. Mes jambes me retenaient à peine.

Mick le comprit bien vite.

Sous les menaces du revoler, il me fit grimper à un mur.

C'était une simple façade en pierres rouges friables. La terre se mélangeait à la moiteur de mes mains. Mick m'encourageait comme il le pouvait.

La femme en dessous de nous se mit à nous crier dessus.

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Le lierre mort était la seule source d'un semblant de nature sur ce mur tout aussi cadavérique que le reste de la rue. Le ciel gris au-dessus de nous rendait la scène encore plus sombre encore.

J'entendis un coup de feu. Je sursautai et me rattrapai de justesse à une pierre sanglante. Avec l'aide de Mick, nous pûmes atteindre le sommet.

Juste en bas, sous nos pieds, la Femme de Lettres nous attendait toujours.

Le pistolet levé vers nous, elle se mit à hurler derechef :

- Vous n'irez pas bien loin !

Elle n'avait pas tort.

Mick me lança un regard apeuré. Il le comprit lui aussi.

Oui, elle avait raison.

Lentement, nous rampions sur le sommet du mur pour continuer vers notre droite. Au milieu de ce quartier abandonné, nous avons vu comme un oasis en plein désert.

Une cuve remplie d'eau.

Bleu.

D'un bleu aussi profond que les yeux translucide de Mick.

La seule chose fortement étrange, était les bouées en plastique qui flottaient sur cette eau claire. L'une d'entre elles avait la forme d'un... Cercueil... Une prémonition ?

Une piscine appartenant à une riche famille, probablement. Et probablement que la famille en question abritait une adolescente Gothique.

Enfin, qu'est-ce que j'en sais, après tout...?

Mick et moi rampions vers cet oasis.

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La Femme de Lettres se mit à parler. Toujours en nous mettant en joue :

- Vous ne pouvez pas nous échapper ! Vous êtes piégés ! Vous devez payer pour ce que vous avez fait !

Je sentis la colère monter en moi.

Mon pied glissa sur une pierre trop friable. Je me rattrapai de justesse au sommet du mur, sous le regard apeuré de Mick.

Mes mains meurtries et ensanglantées attrapèrent une pierre plus solide. Dans les larmes et la sueur, je me raccrochai au sommet en jetant un regard sur notre ennemi à nos pieds.

Sans trop réfléchir à mes paroles, je me mis à hurler à mon tour :

- Ce que nous avons fait ? Comme si nous l'avions choisi !

La haine s'empara de moi. Les larmes coulèrent le long de mes joues sales de poussières :

- J'ai grandi dans les rues ! Ma mère était sans domicile ! Et toxicomane ! Nous ne pouvions jamais dormir dans les refuges parce que pour ça, il fallait qu'elle soit clean ! Et, elle ne l'était jamais ! Nous ne pouvions pas non plus manger à la Soupe Populaire. Il fallait également qu'elle soit clean... Alors, j'ai appris à voler notre nourriture pour survivre. Ensuite, je suis partie. Je l'ai laissé avec sa drogue et... J'ai rencontré Mick...

Son regard croisa le mien. Il pleura aussi.

Son histoire était similaire, sauf qu'il n'avait jamais connu ses parents. Un orphelin de la rue.

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Pourquoi j'avais balancé tout ça à notre ennemi ?

Comme si elle pouvait comprendre quelque chose.

Mick et moi avions réussi à nous relever sur le sommet du mur. Quelques mètres à peine nous séparé de la cuve d'eau. Quelques mètres et une ruelle sombre sous nos pieds.

Il fallait sauter.

Pourtant, Mick me fit 'non' de la tête.

La Femme de Lettres sembla hésiter.

Comme si mon petit laïus avait fait fondre son cœur de glace. Elle rangea son revolver et intercepta nos pensées :

- Si vous sautez, je viendrai vous chercher moi-même dans cette piscine.

Peu probable.

Mick savait pourquoi.

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J'étais la plus proche de la piscine. Mon pied glissa sur une pierre rouge. Mick me rattrapa de justesse. Il me retint par le bras et me murmura :

- Non... Ali... Pitié... Non...

Mais j'avais déjà pris ma décision. Et Mick le comprit au dernier moment.

Je fis volte-face d'un seul coup et pris mon élan.

Pour sauter.

Le saut sembla durer une éternité.

J'entendis Mick hurler.

La Femme de Lettres cria également.

La bouée en forme de cercueil se rapprocha de moi.

Mes pieds touchèrent l'eau froide en premiers.

Je ne savais pas nager.

J'allais me noyer.

Le liquide était d'une pureté déconcertante. Je voyais tout sous cette eau translucide.

Comme les yeux translucides de Mick, c'était comme littéralement plonger dans son regard.

Je n'essayai même pas de bouger. C'était vain.

Mes pieds touchèrent le fond. Puis, ce fut au tour de mon dos. J'étais allongé dans le fond de la cuve, avec les yeux ouverts vers la surface. À trois mètres de moi.

L'air dans mes poumons se raréfia.

Les bulles arrêtèrent de monter vers le ciel. Je sentis comme un sommeil intense s'emparer de moi.

Mes paupières se firent lourdes.

Mes yeux se fermèrent.

L'oxygène ne parvenait plus jusqu'à mon cerveau. Mes poumons étaient secs comme le désert.

Je me suis endormie.

Pour toujours.

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Pourtant, ce fut une douleur atroce qui me réveilla, et me ramena violemment du Royaume des Morts.

Mes os se brisèrent.

Je ne pouvais même pas hurler. À chaque fois que je voulais crier, je me noyais.

Mes poumons étaient encore remplis d'eau.

Une personne s'amusait à danser sur ma poitrine. Mes côtes s'écrasèrent sous le poids du poing qui s'abattait sur moi.

Je pensais que cette personne voulait me tuer.

Encore.

Pourtant, elle suppliait le contraire :

- Allez ! Respire ! Come on ! Mo Bhantiarna...

Ce n'était pas la Femme de Lettres.

C'était Mick.

Qui essayait de me faire revenir à lui.

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Puis, je me suis réveillée.

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Lundi 16 décembre 2019.

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