Disclaimer : Presque tout ici appartient à JK Rowling.

Les Chroniques des Maraudeurs

Première année

Chapitre 5 : Toilettes et Tribulations

Les Trois Mille Deux Cent Un Mauvais Coups en Tous Genres les aidèrent énormément pour améliorer leur style de blagues. Mondingus Fletcher ne le leur réclama jamais – il devait l'avoir appris par cœur. Il observait les choses de loin, un léger sourire au coin des lèvres, sans toutefois oublier de faire ses propres blagues.

Sirius n'avait toujours pas digéré le fait que sa sœur se faisait " draguer ". Aux repas, il regardait Mondingus, puis Véga, puis Mondingus, craignant presque de surprendre un clin d'œil complice, ou un regard énamouré – mais Véga semblait ne prêter aucune attention à son héros. Il finit par demander à Lily si elle avait bien parlé à Véga, comme Fletcher l'en avait prié.

_ Tu sais, Sirius, avait-elle répondu avec un petit rire, la cause de Mondingus est perdue d'avance et il le sait. Ca fait trois ans qu'il lui tourne autour, apparemment, et ça fait trois ans qu'elle l'ignore superbement. Arrête de t'inquiéter comme ça, et si tu veux des ragots tout frais, va du côté de Lisa et des jumelles Scott. Compris ?

A force de laisser ses yeux traîner partout, Sirius finit par remarquer que Mondingus n'était pas le seul à soupirer après Véga. Un grand type de Poufsouffle brun aux yeux gris dont les filles admiraient le ton hâbleur, assuré et conquérant avait apparemment décidé de jeter son dévolu sur la jeune fille. Amos Diggory était en septième année, et l'avait ignorée royalement jusque là mais maintenant qu'elle était en cinquième année, elle devenait digne d'intérêt, et il s'empressait tellement autour d'elle que les filles de Poufsouffle de septième année en étaient jalouses. Malgré un léger agacement, Véga le laissait à ses illusions, se contentant de le rembarrer gentiment quand il devenait trop assommant. Sous ses dehors secs et sérieux, elle avait le cœur bien trop tendre pour faire sciemment du mal à qui que ce soit, même à un enquiquineur comme Amos.

Mis à part ses petits " problèmes de famille ", Sirius semblait n'avoir aucun souci dans la vie. James admirait vaguement son optimisme toujours teinté de sarcasme, qui semblait étanche à tout. Même les remarques acides de Rowena Walsh qu'il appelait " la Dame de Fer " le laissaient de marbre. En Métamorphoses, il faisait les yeux doux à Minerva McGonagall du haut de son mètre quarante. La jeune femme fronçait les sourcils d'un air sévère, mais souriait une fois le dos tourné du culot monstre de ce gamin de onze ans, faisant semblant d'ignorer qu'il l'avait surnommée " Lady Minerva ", moitié pour rire et moitié par respect.

James lui-même n'avait jamais été si heureux de sa vie. Pour la première fois, il avait de vrais amis, qui ne l'avaient pas laissé tomber quand il avait eu besoin d'eux, même si leur aventure nocturne n'avait pas finalement été si dangereuse que ça – Curly le chien gigantesque n'avait rien d'une bête féroce malgré sa formidable apparence.

Quant à ses parents, ils lui manquaient moins qu'il ne l'aurait cru. Les premières nuits, l'absence de bisou du soir maternel lui fit bizarre, mais rien de plus. Son père ne lui manquait pas – il était si souvent absent de la maison pour son travail que James trouvait presque naturel qu'il ne soit pas là. Ce n'était pas un méchant homme, mais la passion de son travail ajoutée à une légère froideur et une perpétuelle retenue rigide dans ses émotions n'encourageait pas à la sentimentalité. Jamais James ne l'avait appelé " Papa ", et William Potter n'avait pris son fils dans ses bras que rarement. Cet état de choses était triste, mais inchangé depuis longtemps, et à force toute la maison s'y était habituée.

C'est pourquoi James adorait autant Poudlard, l'atmosphère de bizarrerie et de douce folie qui y régnait. A la maison, surtout les fois où son père y était, il se sentait enfermé à Poudlard, avec ses amis à ses côtés, il avait l'impression d'être vraiment libre.

Car même si le château restait un lieu fermé, les quatre garçons se faufilaient dans tous les coins et recoins, partout où ils pouvaient. Au cours du mois d'octobre, ils avaient repéré plusieurs de ces fameux passages secrets dont Adams et Mondingus Fletcher semblaient avoir le monopole. Les autres première années de Gryffondor commençaient à les admirer et les envier même un peu un peu de leur gloire rejaillissait sur Lily, puisqu'elle était la seule fille à faire partie de leur petite bande. Des surnoms comme " le Quatuor Fabuleux " ou " la fine équipe " circulaient déjà entre les première années de Gryffondor du côté des adultes, cependant, le terme " quatuor infernal " revenait plus souvent, surtout quand Adams prenait la parole. Il était le seul sur qui les quatre étaient certains de tomber dès qu'ils s'aventuraient dans n'importe quel coin sombre, bizarre, effrayant. On aurait dit qu'il était partout. James, Remus et Sirius n'avaient pas peur de lui, mais Peter en était positivement terrifié.

Car depuis l'histoire du livre de Mondingus, de la Tour Nord et de Curly, James, Remus et Sirius avaient gagné l'admiration éperdue de Peter. Surmontant sa peur, il traînait de plus en plus avec eux, et était de tous les mauvais coups, de toutes les farces. La célébrité que la bande commençait à acquérir lui avait donné un peu d'assurance, et il se mettait même à prendre des initiatives parfois ; des échos avaient dû circuler parmi les Serpentard également, car Severus Rogue ne l'embêtait plus autant qu'avant.

Il faut dire que Rogue la mettait en veilleuse, depuis que nos quatre farceurs l'avaient pris pour cible. Une fois, c'était ses robes qui changeaient brusquement de couleur, un autre fois ses cheveux se dressaient tous seuls sur sa tête, une autre fois sa potion – en cours du même nom – s'envolait littéralement de son chaudron pour former une silhouette de serpent, ou de lézard, ou d'autre bête à sang froid… sans parler de son chapeau pointu qui, quelques fois, s'enfonçait complètement sur ses yeux sans raison apparente, et refusait de se laisser retirer. Une des blagues préférées de James.

Rogue tâchait de faire bonne figure devant ses camarades de Serpentard, mais fulminait en cachette – d'autant qu'on commençait à se moquer ouvertement de lui. Il n'y avait bien que sa petite bande pour lui rester fidèle, ainsi qu'une fille de Serpentard de première année à la mâchoire carrée et aux yeux humides de chien fidèle nommée Penny Mordacian, qui avait un faible pour lui. Néanmoins, à force de ruminer ses idées noires et sa rancune, un jour il eut une petite idée.

C'était à peu près deux semaines avant Halloween, au début d'une heure de cours de Potions. La préparation qu'ils touillaient ce jour-là était un Breuvage Barbant – une potion qui était censée faire pousser la barbe de qui la buvait. Sirius et James avaient déjà terminé la leur, Remus et Lily bataillaient encore sur les derniers ingrédients et Peter, qui avait été placé avec William Wilson, se grattait la tête d'un air perplexe, pendant que William se demandait où avait bien pu passer leur morceau de peau de salamandre qui était sur la table il n'y avait pas une seconde.

Rogue, de son côté, avait terminé sa potion. Le professeur Walsh passa derrière lui et Thomas Avery pour la tester sur le dernier une barbe de trois jours poussa sur le menton de Avery enchanté. Après lui avoir donné l'antidote et accordé un point à Serpentard, Walsh se tourna vers deux autres partenaires.

_ Attends, Remus, disait Lily en fronçant les sourcils. Normalement, si je me rappelle bien, on doit mettre les poils de chameau avant la peau de salamandre. Et ensuite on ajoute la salive de lama.

_ Tu es sûre que la salive de lama n'est pas avant les poils de chameau ?

_ Oui… enfin, non, je ne suis pas sûre à cent pour cent.

_ Ecoute, on n'a qu'à demander à James et Sirius puisqu'ils ont déjà fini et que ça a réussi.

_ T'as raison. Eh, les gars !

James et Sirius se retournèrent :

_ Hm ? fit Sirius.

_ Oh mon Dieu, pouffa Lily en le fixant. Sirius… tu as l'air d'un criminel en fuite avec cette barbe de trois jours. Ca ne te va pas du tout.

_ Merci, fit Sirius, vexé. James se mit à rigoler doucement dans son coin.

_ On attend que Walsh nous donne l'antidote, dit-il, alors que Remus cachait son sourire derrière sa main. Comment ça va, vous ?

_ Euh… on a un problème de poils de chameau et de salive de lama.

_ Hein ?

Tandis que Remus et Lily posaient leur question à James et Sirius, Peter se sentait de plus en plus perdu. William était parti à la recherche de leur peau de salamandre sous la table, voyant que Walsh ne regardait pas, et lui-même avait soulevé chaque livre, chaque fiole et chaque récipient pour voir si l'ingrédient ne s'y trouvait pas. Peter poussa un soupir et pensa avec un frisson à Walsh qui n'allait pas tarder, comme à son habitude, à le remarquer et ainsi sauter sur l'occasion d'humilier un élève devant tout le monde.

Tout à coup, sans qu'il sache pourquoi, il y eut une éclaboussure gigantesque, comme si quelqu'un avait jeté un pavé invisible dans son chaudron Peter se retrouva avec la figure couverte de liquide brunâtre, tandis que tout le monde plongeait sous les tables. William eut un tel sursaut qu'il se cogna la tête sous la sienne.

Quand le calme fut revenu, Walsh s'avança vers Peter, les yeux étincelants :

_ Pettigrow, j'aurais dû me douter qu'une catastrophe était sur le point d'arriver avec votre chaudron. Ce sera dix points en moins pour Gryffondor. Quand était-ce, la dernière fois ? Il y a une semaine ?

James, Sirius, Remus et Lily émergèrent lentement de dessous leur table. Peter, le menton tremblant et la tête baissée, cherchait un mouchoir des yeux pour s'essuyer la figure.

_ Qu'avez-vous fait, cette fois ? Qu'avez-vous ajouté à votre Breuvage pour qu'il explose comme ça ?

_ Mais… gémissait Peter, s'essuyant les yeux du liquide vaguement marron qui les couvrait, mais… j…je…

_ Quoi, Pettigrow ? fit Walsh de sa voix glaciale. Qu'avez-vous à dire ? Je suis toute ouïes, parlez !

Peter, au bord des larmes, n'arrivait pas à articuler un mot. James se leva pour intervenir :

_ Professeur, il est couvert de potion – il faudrait qu'il aille voir Madame Pomfresh…

_ Ne vous en faites pas pour lui, Potter, grinça Walsh en tournant ses petits yeux perçants vers le garçon. Le Breuvage Barbant, comme son nom l'indique, est un breuvage – il ne fait rien à la peau. Il faut juste que Pettigrow retienne la leçon et n'agisse plus de façon inconséquente.

Lily regarda en direction de Rogue les yeux noirs de celui-ci flamboyaient, et il n'avait jamais semblé aussi joyeux, ni aussi méprisant. Elle le fusilla du regard, puis jeta un coup d'œil à Peter. Son menton tremblait plus que jamais.

_ Mais enfin, professeur, fit Remus en se levant à son tour, même si ce n'est pas dangereux, il vaudrait mieux pour lui qu'il aille se nettoyer. Le liquide va sécher, et c'est déjà assez désagréable comme ça !

_ Sans compter que c'est cruel d'humilier quelqu'un comme ça, ajouta Sirius, les yeux étincelants. Et Peter n'avait rien fait. C'est cet abruti de Rogue qui a fait je sais pas quoi.

_ Je ne crois pas vous avoir demandé votre avis, Lupin, lança Walsh. Quant à vous, Black, avoir trois poils au menton ne vous donne pas le droit de me parler sur ce ton. Votre attitude irrespectueuse et votre accusation gratuite coûtera cinq autres points à Gryffondor. Maintenant rasseyez-vous, tous les trois.

Sans plus prêter attention à Sirius, dont les yeux clairs flamboyaient à présent, elle se tourna vers Peter il restait debout, la tête baissée si bas qu'on ne voyait que ses cheveux blonds trempés de liquide marron, et ses épaules qui tremblaient doucement.

_ Très bien, Pettigrow, fit Walsh de sa voix basse et froide. Je pense que vous avez fait perdre suffisamment de points à votre maison. Allez aux toilettes les plus proches – premier couloir à droite – et lavez-vous la figure. Je veux vous voir de retour ici avant la fin du cours, c'est compris ?

Peter traversa la pièce d'un pas lent, mal assuré, mais la tête levée. On voyait clairement les larmes qui se formaient dans ses yeux. Pendant un moment, personne ne dit rien – même pas les Serpentard. Puis la porte de la classe se referma et Walsh tourna ses yeux étincelants vers ses élèves :

_ Bien. Qui a terminé son Breuvage ?

* * *

Une fois qu'il eut fermé la porte, Peter courut vers les toilettes. Il poussa la lourde porte de chêne, s'enferma dans une cabine et s'effondra par terre, secoué de sanglots. Que Rogue lance un truc quelconque dans son chaudron, passe encore. Qu'il se retrouve couvert de machin de couleur brunâtre, il pouvait y survivre. Quant à se prendre un savon à la manière Walsh, il y était plus ou moins habitué. Mais tout ça combiné, plus l'injustice, plus l'humiliation subie et le fait que Gryffondor avait perdu quinze points à cause de lui l'anéantissait.

Quand ses larmes s'espacèrent, Peter se releva, et alla au lavabo se laver la figure. Il enleva les taches brunâtres et essuya les traces de larmes, et passa un bon moment à fixer le lavabo fissuré, à se demander pourquoi il était obligé de retourner en classe, et affronter tous les regards moqueurs et les ricanements des Serpentard. Puis des voix résonnèrent dans sa tête –

" …il faudrait qu'il aille voir Madame Pomfresh… "

" …c'est déjà assez désagréable comme ça ! "

" …c'est cruel d'humilier quelqu'un comme ça. Et Peter n'avait rien fait. "

James, Remus et Sirius l'avaient défendu. Ils s'étaient levés, et avaient fait face à Walsh pour lui. Eux étaient forts, courageux, ils n'avaient peur ni de Walsh, ni de Adams, ni même d'une quelconque énorme bête jaune qui vous saute dessus sans crier gare. Et ils étaient ses amis – ils ne le laisseraient pas tomber.

Son courage en partie retrouvé, Peter releva la tête, jeta un coup d'œil assuré à son reflet dans le miroir sale, et alla vers la porte. Il posa sa main sur la poignée, tira un bon coup…

La porte ne s'ouvrit pas.

Peter mit quelques secondes pour s'apercevoir que la porte n'était pas fermée de l'intérieur, ni de l'extérieur – elle refusait simplement de s'ouvrir. Peter l'entendait même chantonner tout bas.

Sentant son calme et son assurance s'envoler, Peter tira la poignée de toutes ses forces. Il tira, tira, et tira encore, mais sans résultat.

_ Oh non, murmura-t-il.

_ Non !

Il se mit à tambouriner des poings sur la porte, désespérément, tout en appelant, le plus fort qu'il put :

_ Au secours ! Quelqu'un, n'importe qui ! Je suis enfermé, au secours !

Mais il eut beau hurler de toutes ses forces, personne ne répondit.

* * *

Pendant ce temps, dans la classe de Potions, Walsh semblait avoir oublié l'incident. Sirius avait perdu sa barbe de trois jours, et discutait à voix basse avec James. Remus et Lily avaient fini par réussir l'expérience, et prenaient des notes en silence. William Wilson, tout seul à sa table, baissait la tête d'un air piteux.

Une demi-heure, puis trois quarts d'heures étaient passés, et Peter n'était toujours pas revenu. Certains Gryffondor commençaient à s'inquiéter.

_ Où il est passé, le petit Peter ? murmurait Fleur Delaney à Lisa Dodger. Walsh lui avait dit de revenir immédiatement.

_ Il est peut-être resté dans les toilettes pour pleurer, fit Lisa. Tu as vu la tête qu'il faisait quand il est sorti ? Le pauvre.

A la fin du cours, Walsh enleva un autre point à Gryffondor à cause de l'absence de Peter qui ne s'était pas toujours pas montré. La plupart des élèves concernés firent la grimace – cela faisait beaucoup de points en peu de temps ; mais quatre étaient sérieusement inquiets.

James, Sirius, Remus et Lily coururent vers la porte des toilettes dès qu'ils purent sortir de la classe, après avoir rassemblé les affaires de Peter et les avoir fourrées dans son sac.

_ Peter ! appela Lily une fois arrivés devant l'épaisse et lourde porte en bois. Peter ? Tu es là ?

Aucune réponse ne leur parvint de derrière la porte. Remus essaya de l'ouvrir, sans résultat :

_ Peter, c'est toi qui as fermé à clé ? Ouvre, c'est nous !

Toujours rien. James observait la porte attentivement il finit par se redresser et dire :

_ Ca va peut-être vous paraître bizarre, mais cette porte n'est fermée ni de l'extérieur, ni de l'intérieur.

_ Alors elle s'est fermée elle-même, c'est ça ? railla Sirius. Elle doit être bloquée, c'est tout. Peter a dû trouver la porte fermée et aller autre part, et se perdre. On va le retrouver. Il doit bien être quelque part.

_ Et qu'est-ce que tu fais du cours de Métamorphoses qu'on a maintenant ? demanda Remus en haussant les sourcils.

_ On expliquera tout ça à McGonagall une fois qu'on l'aura retrouvé, répliqua James. Elle m'a à la bonne parce que j'écoute en classe, si vous voulez c'est moi qui parlerai.

_ Tout le monde sait que Jamsie est le chouchou de cette chère Lady Minerva, ajouta Sirius avec un sourire railleur. Allez, on y va.

Les trois garçons tournèrent les talons Lily fixa la porte d'un air dubitatif pendant une seconde, puis les suivit.

Ils remontèrent quelques étages, en appelant leur copain près de la classe d'Enchantements, ils croisèrent Véga qui allait vers les serres de Botanique avec les autres Gryffondor de cinquième année.

_ Hé, sœurette, lança Sirius dès qu'il la vit. T'aurais pas vu Peter, par hasard ?

_ Peter ? Non. Pourquoi, il s'est perdu ?

_ Ben, en fait, il voulait aller aux toilettes, mais ceux du sous-sol étaient bloqués, alors on pense qu'il a dû en chercher d'autres et se perdre.

Véga s'arrêta net, et dévisagea les quatre amis d'un air inquiet :

_ Vous étiez en Potions ?

_ Euh… oui, fit Lily.

_ Et Peter a été aux toilettes du sous-sol ?

_ Je suppose que oui, intervint Remus, mais il n'a sûrement pas pu y aller, vu que la porte est bloquée…

Véga avait toujours l'air aussi inquiète.

_ Ecoutez, je connais ces toilettes-là. Ceux des garçons, au sous-sol. Dan a voulu y aller, un jour, quand on était en deuxième année. La porte l'a laissé entrer, mais pas sortir.

_ Tu crois que…

_ Cette porte n'est bloquée que lorsque quelqu'un est à l'intérieur, continua-t-elle, la voix légèrement plus aiguë. Elle est, disons… joueuse. C'est tout le temps pareil avec celle-là, et ça peut durer longtemps, en plus. Ca veut dire qu'il y a quelqu'un qui est coincé, et que la porte ne veut pas s'ouvrir. Vous avez frappé ?

_ Oui, on a même appelé, mais personne n'a répondu.

Véga regarda alentours, puis son visage prit une expression résolue et elle tourna les talons.

_ Attends, Véga ! Où tu vas ?

_ Voir McGonagall et lui raconter. Elle saura quoi faire. Pendant ce temps, retournez en bas, et appelez encore.

Pendant que Véga courait vers la classe de Métamorphoses, James, Remus, Sirius et Lily descendaient quatre à quatre les escaliers qui menaient au sous-sol. Quand ils arrivèrent devant la porte, ils s'arrêtèrent un moment pour reprendre leur souffle.

_ Vous… vous croyez que c'est Peter qui est là-dedans ? demanda Lily d'une voix légèrement essoufflée.

_ Ca, on va très vite le savoir.

James s'approcha de la porte et demanda :

_ Y a quelqu'un ?

Comme il n'entendit rien, il frappa du poing contre la porte, et appela, plus fort cette fois :

_ Hé ho ! Est-ce qu'il y a quelqu'un là-dedans ? Peter, c'est toi ?

_ Vous êtes sûrs qu'il y a vraiment quelqu'un ? chuchota Sirius à Lily. Remus, qui tendait l'oreille, fit " Chut ! " et leur fit signe d'approcher.

Une demi seconde de silence complet s'écoula, puis les quatre purent entendre distinctement une petite voix, derrière la porte, murmurer faiblement :

_ Au… au secours…

_ C'est Peter ! s'écria Lily. Elle était toute pâle.

_ Tiens bon, vieux, on va te sortir de là-dedans en un rien de temps, fit Remus d'une voix rassurante. Il aurait vraiment voulu y croire.

Mais en effet, ils entendirent des bruits de pas résonner dans le couloir, et bientôt le professeur McGonagall arriva, Véga sur les talons.

_ Qu'est-ce qui se passe, ici ? Miss Black m'a dit que quelqu'un était coincé là-dedans…

_ C'est Peter Pettigrow, professeur, dit James en se retournant vers elle. Ca fait une heure que la porte refuse de le laisser sortir.

_ Une heure ? fit McGonagall en haussant les sourcils.

_ Son chaudron a explosé au début du cours de Potions et W… le professeur Walsh l'a envoyé ici pour se débarbouiller. Il est là-dedans, insista Remus d'un ton pressant.

Le professeur McGonagall prit sa baguette magique et marcha vers la porte.

_ Ouvre-toi, s'il te plaît.

La porte ne s'ouvrit pas.

_ J'ai dit : ouvre-toi, s'il te plaît, répéta le professeur McGonagall d'une voix très calme. Elle répéta sa demande plusieurs fois, mais n'obtint aucun résultat puis elle releva les manches de sa robe, leva sa baguette, et dit aux élèves par-dessus son épaule :

_ Très bien. Il y a des fois où la manière douce ne marche pas et où la magie est nécessaire. Maintenant, écartez-vous, je vous prie.

Elle pointa sa baguette sur la porte et dit " Alohomora ! " La porte s'ouvrit dans un grincement McGonagall entra. Les cinq élèves l'entendirent pousser une exclamation étouffée quand elle revint, elle soutenait un Peter qui avait l'air plus mort que vif.

_ Peter ! s'exclama James interloqué et inquiet. Qu'est-ce qui lui est arrivé ?

_ Ca fait effectivement une heure qu'il est enfermé là-dedans, apparemment, répliqua McGonagall en jetant un regard noir à la porte. Et cette chose refusait de le laisser sortir. Soutenez-le, je vous prie.

Remus prit un bras de Peter et le passa sur ses épaules Lily releva doucement son menton, et essuya gentiment les traces de larmes qui sillonnaient ses joues rondes.

_ Le pauvre, fit Sirius. Qu'est-ce que vous faites, professeur ?

_ Il faut l'emmener à l'infirmerie, répondit McGonagall en reprenant sa baguette, mais je ne peux pas le porter jusque là-haut.

Un petit mouvement de baguette, et un brancard apparut, flottant dans les airs à soixante centimètres du sol. Remus y déposa Peter, et McGonagall, sur un signe de tête, monta l'escalier, dirigeant le brancard avec sa baguette.

Véga les laissa quand ils arrivèrent au rez-de-chaussée, après un regard rassurant à son frère et aux autres. Lorsqu'ils arrivèrent à l'infirmerie, le professeur McGonagall échangea quelques mots avec Madame Pomfresh, l'infirmière, qui emmena Peter puis elle se retourna vers les quatre amis :

_ Nous retournons en classe, dit-elle. J'ai bien peur que le cours soit amputé de beaucoup, mais les élèves attendent. Et nous y allons tous, ajouta-t-elle d'un ton sans réplique, voyant que James et Sirius avaient l'œil tourné vers l'infirmerie. Vous irez voir Pettigrow après la classe.

Les quatre auraient pu protester, mais pas avec McGonagall. Bien que jeune, elle dégageait une sensation d'autorité et de pouvoir, et en ce moment particulier, les joues rougies d'avoir monté trois escaliers et les yeux étincelants, ils avaient encore moins envie de la contrarier.

Quand ils entrèrent dans la classe de Métamorphoses à la suite de McGonagall, le bruit des conversations cessa aussitôt, et ils entendirent un remue-ménage qui indiquait que tout le monde regagnait la place qu'il avait quitté. McGonagall fronça les sourcils, et demanda :

_ Miss Dodger, je crois vous avoir demandé de surveiller cette classe un minimum, avec McKinnon… que s'est-il passé ici ?

James et Sirius s'avancèrent légèrement, pour voir Lisa, l'air piteux, se dégager de dessous l'amas de morceaux de parchemin froissés en boule. Charlie, lui, était à sa place et rigolait sous cape.

_ Ben… bégaya-t-elle, ils… ils n'ont pas voulu m'écouter… et Charlie disait que les gronder ne servait à rien… j'ai insisté, mais ils m'ont dit que j'étais pas marrante, alors ils se sont amusés à me lancer des boules de parchemin…

Le professeur McGonagall écoutait, les sourcils froncés.

_ Je ne vous félicite pas, lança-t-elle à la classe quand Lisa eut fini de bafouiller. Vous aviez l'occasion de gagner quelques points en observant une attitude calme et responsable, et vous l'avez gâchée. Me voilà obligée de retirer cinq points à Gryffondor. Reprenez vos livres, et rattrapons notre retard.

Même James, qui d'habitude était le plus attentif aux cours de Métamorphoses, eut du mal à se concentrer sur le reste de la leçon. Il jouait nerveusement avec sa plume, et regardait sa montre toutes les deux minutes. Sirius, à côté de lui, avait les mâchoires serrées, et ne desserra pas les dents de toute l'heure. Remus et Lily échangeaient quelques murmures, et pas mal de Gryffondor les regardaient d'un air curieux.

Enfin, la cloche sonna et les libéra. Les quatre amis bondirent de leur sièges et coururent vers l'escalier – Lily faillit laisser tomber son sac en fourrant ses livres dedans et Remus trébucha sur une marche farceuse entre le troisième et le deuxième étage.

Arrivés à l'infirmerie, cependant, ils essuyèrent une déception.

_ Laissez-le se reposer, leur dit Madame Pomfresh. Il va bien, c'était juste la terreur et l'épuisement – se retrouver enfermé dans un espace clos l'a fait paniquer. Il sortira d'ici demain en fin de matinée.

_ Il le savait, murmura Sirius quand ils se retrouvèrent dans le couloir. C'était le premier mot qu'il prononçait depuis que McGonagall avait emmené Peter à l'infirmerie. Il était pâle de fureur. James se tourna vers lui, les sourcils dressés :

_ Quoi ? Qui savait quoi ?

_ Rogue. Je ne sais pas ce qu'il a fait, mais je suis sûr qu'il a tout concocté. Il a choisi Peter parce que c'est le plus faible d'entre nous, il a choisi le cours de Potions parce que Walsh déteste tout le monde et qu'elle adore humilier Peter – je suis prêt à parier qu'il a même choisi cette leçon parce que le Breuvage Barbant n'est pas toxique pour la peau et qu'il savait que cette satanée porte ne laissait sortir personne.

_ Tu crois pas que tu exagères ? fit Remus. Rogue n'aurait jamais planifié tout ça ! Il voulait juste créer des problèmes à quelqu'un, et comme il nous déteste parce qu'on se moque de lui, il s'en est pris au plus vulnérable d'entre nous !

_ Remus a raison, ajouta Lily. Tu es paranoïaque. Rogue n'est pas assez intelligent pour avoir tout prévu.

Mais Sirius secoua la tête :

_ Je crois que vous le sous-estimez. Vous n'avez pas entendu ce qui se dit ? Il connaît la magie noire, et son père est plutôt proche de Voldemort, côté idées et tout. Et je suis sûr qu'il est encore plus calculateur qu'on le croit – c'est un sale type, mais il n'est pas idiot.

Lily haussa les épaules James pensait à la bribe de conversation qu'il avait entendue entre sa mère et Nigel, le barman du Chaudron Baveux, le jour où il était allé acheter ses affaires de classe.

" Rogue ? Ils sont plutôt proches de Celui-Dont-on-ne-Doit-Pas-Prononcer-le-Nom, n'est-ce pas ? Je m'en méfie toujours, on ne sait jamais… "

_ Il ne faut pas toujours prendre " ce qui se dit " pour argent comptant, fit remarquer Remus avec un froncement de sourcils. Même si Rogue est vraiment un sale type – là je suis tout à fait d'accord avec toi – ça ne veut pas forcément dire qu'il est un Mage Noir, non ?

_ En tout cas, je ne vais pas le laisser s'en tirer comme ça, fit Sirius à voix basse. C'est à cause de lui que Peter s'est fait humilier par Walsh, rien ne serait arrivé s'il n'avait pas lancé ce je sais pas quoi dans son chaudron.

_ Du calme, Sirius, coupa James. Qu'est-ce que tu comptes lui faire ?

_ Rien de méchant, seulement lui donner une petite leçon.

_ Et on peut savoir comment tu comptes faire ça ?

Sirius eut un sourire de loup qui découvrit ses canines :

_ Sérieusement, Jamsie.

* * *

_ Là, fit Sirius en pointant le doigt sur une page de Trois Mille Deux Cent Un Mauvais Coups en Tous Genres, c'est ce qu'il nous faut.

_ Un Sortilège Mur-de-Verre ?

Ils étaient remontés dans le dortoir des garçons et avaient sorti le précieux livre de sa cachette au fond du placard de James Lily les avait suivi, non sans soupirer à la vue du désordre de vêtements et de livres qui régnait autour du lit de Sirius. Sirius suivit son regard il devint tout rouge, attrapa d'un geste vif quelque chose qu'elle ne vit pas et le fourra sous sa couverture.

_ Exactement, un Mur-de-Verre, reprit-il quand il revint vers ses amis. Lily, toi qui es forte en Enchantements, est-ce que tu penses à un petit sortilège qui changerait les lettres d'une inscription ? Sur une plaque en bois ?

_ Euh…

Lily regardait le plafond en fronçant les sourcils quand elle réfléchissait.

_ Passe-moi ton Livre des Sorts et Enchantements, je suis sûre d'avoir déjà vu ça quelque part.

Elle feuilleta le livre une minute, puis son visage s'éclaira tout d'un coup :

_ Ah, il y a le Sortilège de Réinscription… ça permet d'afficher d'autres mots que ceux qui sont marqués d'habitude. D'abord on efface, puis il suffit de tracer des lettres avec sa baguette à l'endroit voulu. Même pas besoin d'imiter l'écriture, ça se fait tout seul. Et il suffit de dire la formule à l'envers pour e annuler les effets.

_ Lily, James n'avait pas exagéré, dit gravement Sirius, tandis que Remus et James la regardaient d'un air admiratif. Tu es un vrai génie.

Lily ne put s'empêcher de sourire. Puis James demanda d'un ton impatient :

_ Bon, quand est-ce que tu te décides à nous dire ce que tu concoctes, Sirius ?

_ Tu as raison, Jamsie. Voilà ce que je propose…

Et Sirius leur exposa son plan. A la fin, les trois autres en étaient bouche bée. Ca paraissait tellement fou, tellement impossible, tant de choses pouvaient tourner mal… Il y eut un petit silence, puis James eut un grand sourire :

_ Sirius, je suis à cent pour cent avec toi, mon vieux. Tu es complètement malade, ça a toutes les chances de foirer, mais je suis prêt à tenter l'expérience. Remus ?

_ Comptez-moi là-dedans, fit Remus à voix basse, son sourire bien à lui flottant sur ses lèvres.

_ Lily ?

Lily resta silencieuse une seconde, puis soupira :

_ Des gars comme vous sont un danger pour la voix publique. Mais j'accepte.

James et Sirius se frappèrent dans la main en signe de victoire.

_ Prend garde, Severus Rogue – le Quatuor Infernal est à tes trousses !

* * *

Le lendemain matin, assez tôt, les trois garçons retrouvèrent Lily dans la salle commune pour régler quelques petits détails pratiques, puis descendirent manger avec leurs camarades de Gryffondor.

_ Pas de nouvelles de Peter ? demanda Fergus Finnigan à James qui était assis en face de lui. Quand est-ce qu'il sort ?

_ Tout à l'heure, répondit James.

_ Le pauvre, dit Lisa Dodger. C'est vrai, Walsh a vraiment été vache hier. Surtout que c'était pas lui, pour une fois…

_ Ah bon ?

_ Non, apparemment c'était Rogue qui avait lancé je sais pas quoi dans son chaudron. Sirius l'avait dit, d'ailleurs.

_ Qui t'a dit ça ? demanda Fleur en rejetant en arrière ses cheveux bruns et lisses d'un geste gracieux.

_ C'est Martin, il a vu Rogue se lever et faire un truc bizarre avec sa baguette. Il n'a pas su dire ce que c'était.

_ Je le déteste, ce Rogue, avec son air méprisant, son nez crochu et ses cheveux gras, fit Zoé Zig de sa voix flûtée. On dirait que rien n'est assez bien pour lui.

_ C'est comme Malefoy, fit Tim Thomas. Avec lui, si tu n'es pas de sang pur, tu n'es pas un vrai sorcier ou une sorcière. N'importe quoi, ce type.

Lisa Dodger frissonna imperceptiblement :

_ Moi, il me fiche la trouille. Il est tellement froid, on dirait un vampire ou un serpent.

_ Pourquoi tu crois que le Choixpeau Magique l'a envoyé à Serpentard ? lança Sirius. Ils ont un sacré bestiaire, quand même, dans cette maison. Malefoy ressemble à un serpent, Penny Mordacian a un cou de taureau et Rogue a tout d'un crapaud. Un gros crapaud noir, visqueux et gluant…

_ Berk ! Arrête, Sirius !

Après le petit déjeuner, leur premier cours était Enchantements, au premier étage. A la grande joie des étudiants, il était temps pour eux de commencer à faire voler des objets – ils commencèrent avec des plumes. Lily fit s'envoler sa plume jusqu'au plafond celles de James et de Sirius s'élevèrent d'une quarantaine de centimètres, Remus parvint à faire planer la sienne à force de concentration, mais toute la classe n'eut pas cette chance : Tim Thomas eut beau pester, sa plume ne s'éleva pas d'un pouce. Lisa Dodger le rendait fou avec ses conseils et ses recommandations :

_ Mais non, Tim, c'est Win-gar-dium Levi-o-sa – enfin, à force tu devrais être habitué ! Tiens ta baguette correctement, on dirait que tu tiens une massue…

_ Lisa, ça suffit ! finit par s'exclamer Tim. Occupe-toi de ta plume à toi ! Si tu me donne encore un ordre, un seul, je demande à Flitwick de me trouver un autre partenaire !

Lisa le fusilla du regard, mais ne dit plus rien pendant toute l'heure. Tim fit semblant de ne pas remarquer Fergus Finnigan et Martin Riley qui s'étranglaient de rire, assis à quelques places d'eux.

Au moment de sortir, les quatre conspirateurs échangèrent quelques mots pour s'assurer que tout était prêt comme prévu, ils croisèrent les Serpentard qui allaient en classe de Botanique. Quand ceux-ci arrivèrent à un certain point du couloir, James échangea un regard avec Sirius, Remus et Lily, pour dire " C'est le moment ! " et marmonna quelques mots, pointant sa baguette sur Rogue. Rosier, Wilkes et Avery, qui discutaient avec lui, le virent changer brusquement de couleur, et se précipiter vers une porte toute proche. A première vue, l'inscription au-dessus indiquait " Toilettes – Garçons ", mais en y regardant bien, les trois Serpentard purent lire distinctement " Toilettes – Filles ".

_ Mais qu'est-ce qu'il fait ? murmura Wilkes, déconcerté.

_ Il a perdu la boule, qu'est-ce qui lui prend ? marmonna Rosier, interloqué.

Lily et James commençaient déjà à rire silencieusement, mais Remus posa une main sur le bras de Lily en disant :

_ Attendez encore une minute, vous savez que c'est loin d'être fini…

En effet, de l'intérieur des toilettes – que Lily, d'un discret coup de baguette, s'était empressée de fermer à clé de l'intérieur – on pouvait entendre un bruit étouffé de conversation animée, puis des sanglots bruyants et longs, ainsi qu'un hurlement presque désespéré –

_ Sortez-moi de là !!

C'était Severus Rogue. Sa voix habituellement basse était cette fois très haut perchée. La plupart des élèves – les Serpentard non inclus, bien sûr – étaient déjà écroulés de rire. James, Lily, Sirius et Remus se retenaient à grand-peine.

Avisant le professeur McGonagall qui remontait le couloir de son habituel pas impérial, Remus alla vers elle et fit :

_ Euh, professeur ? Il semble que Severus ait quelques légers problèmes…

_ Des problèmes ? fit McGonagall en fronçant les sourcils. Elle s'approcha et appela :

_ Rogue ! C'est vous ? Je peux savoir que vous fabriquez dans les toilettes des filles ?

_ Je suis enfermé ! hurla la voix de Rogue à travers la porte. Ouvrez-moi, ne me laissez pas avec elle !

_ Qui ça, " elle " ? murmura Fergus Finnigan à côté de Lily. Elle se retourna, tout sourire :

_ Il y a Mimi Geignarde qui hante ces toilettes, c'est un fantôme de fille qui aurait sérieusement besoin d'un psy. Elle pleure tout le temps, même moi elle m'a assommée.

_ Mais qu'est-ce qui se passe là-dedans ? murmura McGonagall, l'expression apparemment hésitant entre la colère et la perplexité. La porte est fermée de l'intérieur…

_ Permettez, professeur, fit James en s'avançant, réprimant un grand sourire. Il y a un moyen de le savoir.

Il prit sa baguette, et sous l'œil surpris de son professeur, regarda ses amis tous les quatre levèrent leur baguette et dirent en même temps :

_ Invisibilis Muris !

La paroi des toilettes sembla trembler légèrement, comme une feuille de parchemin agitée par le vent puis, lentement, le mur devant eux commença à s'effacer, comme effacé par une gomme géante. Tout le monde put donc voir clairement Rogue, adossé à la porte, regardant avec un air horrifié le fantôme qui flottait devant lui en sanglotant – une jeune fille, coiffée d'une façon très démodée, avec des lunettes épaisses, un visage extrêmement boudeur et des longs cheveux filasses qui le cachait à moitié. Elle pleurait bruyamment, répétant :

_ Pourquoi être venu dans mes toilettes si c'est pas pour m'embêter ? Tout le monde vient ici pour m'embêter ! Tu es méchant, comme les autres ! J'irai dire à tout le monde que tu te promènes en cachette dans les toilettes des filles !

Cette fois, ce fut une véritable tempête de rire qui secoua la petite foule d'élèves. Il n'y avait d'ailleurs pas que des Gryffondor et des Serpentard : Lily aperçut Rachel Riley-Smith, une élève de Serdaigle, à côté de Dave Goujon et de Helena Alcott, deux première années de Poufsouffle avec qui ils partageaient les cours de Botanique. Tous riaient de bon cœur – Fergus en était à taper du poing contre le mur. Sirius s'appuyait sur James pour ne pas tomber, et James s'appuyait sur Sirius pour la même raison. Même Remus avait laissé tomber son masque ironique et sérieux il se tenait les côtes, et avait même ce qui ressemblait à des larmes de rire dans les yeux.

_ Euh…est-ce que quelqu'un peut m'expliquer ce qui se passe ? demanda soudain une petite voix timide derrière Lily. C'était Peter, qui avait bien meilleure mine que la veille il venait d'arriver, et se tenait là, une expression étonnée peinte sur son visage rond.

_ Ah, Peter, tu tombes bien, fit Sirius d'une voix joyeuse en le frappant amicalement sur l'épaule. On dirait que ce cher Severus s'est un peu trompé de toilettes, et qu'il s'est enfermé avec Mimi Geignarde.

_ Vous avez enfermé Rogue dans les toilettes ? souffla Peter, estomaqué.

_ Qui ça, nous ? Non. On l'a juste, disons… encouragé à y aller !

_ A y courir, plutôt, rectifia James avec un sourire sardonique.

_ Et on a, euh… fait en sorte qu'il ne puisse pas sortir, termina Remus sur le même ton.

_ Mais comment vous avez réussi ça ?

_ "With a little help from my friends", chantonna Sirius. On a tout fait ensemble. Et vous savez quoi, les gars ?

_ Non, quoi ?

Sirius jeta un coup d'œil à McGonagall qui faisait réapparaître le mur et ouvrait la porte, ainsi qu'à Rogue qui se ruait dehors aussi vite qu'il pouvait :

_ C'était énorme.

Et les cinq amis se mirent à rire, à rire, comme s'ils ne devaient jamais s'arrêter, tandis que le professeur McGonagall prenait Rogue par l'oreille en grondant :

_ Je n'ai jamais vu une chose pareille. Vous allez vous enfermer dans les toilettes – et de plus, celles des filles – vous poussez le verrou de l'intérieur, vous faites pleurer Mimi Geignarde, et vous suppliez tout le monde qu'on vous fasse sortir ? Nous allons nous expliquer avec le directeur, monsieur Rogue ! Jamais, jamais on ne…

Quand ils furent partis, la foule des élèves commença à se dissiper, petit à petit beaucoup riaient encore, et certains racontaient ce qui s'était passé à d'autres qui n'avaient pas eu le temps de voir la scène. Wilkes, Avery et Rosier étaient mortifiés, et rasaient les murs, rouges de honte.

_ T'as raison, Sirius, hoqueta Lily, reprenant tout juste son souffle. C'était vraiment énorme.

Remus avait repris son sérieux :

_ Il y a quand même quelque chose qui me gêne.

_ Quoi, Rem' ? demanda James en essuyant ses larmes de rire, essayant de redevenir sérieux lui aussi.

_ La façon dont on a procédé. On a utilisé les mêmes armes que Rogue – on a été tout aussi sournois et rusés que lui. Et là, il est victime d'une injustice à cause de nous – tout comme Peter l'a été à cause de lui.

_ Allez, Remus, fit Sirius d'un ton léger, on l'a battu, non ? Maintenant, il réfléchira à deux fois avant de s'attaquer à l'un d'entre nous ! C'est ça qui compte, pas vrai ?

Remus fronça légèrement les sourcils :

_ Oui, mais c'est pas comme si on l'avait affronté de front… ce qu'on a fait n'était pas vraiment du jeu. Vous vous rappelez la chanson du Choixpeau Magique ? " Si vous êtes rusés comme des renards / Malins, prêts à tout pour réussir / Vous irez à Serpentard / Où les ambitieux accomplissent leurs désirs "… Ce qu'on a fait n'est pas fair-play.

James fronça également les sourcils, tandis que Lily fixait Remus et que Sirius poussait un soupir légèrement agacé :

_ Toi et ton sacré sens de l'équité… non, franchement. A la guerre comme à la guerre, Rem', fit-il d'un ton grave, en regardant Remus droit dans les yeux. Si tu n'utilises pas les mêmes armes que ton ennemi, tu es fichu.

_ Sirius, je crois que tu prend cette histoire trop à cœur, fit Remus d'une voix douce. Après tout, nous ne sommes pas en guerre.

Il y eut un petit silence, un peu tendu, qui fut coupé par la voix de James :

_ Je n'en suis pas si sûr.

Sirius et Remus tournèrent les yeux vers lui d'un air curieux, ainsi que Lily et Peter. James fit un discret signe de tête vers la gauche ils suivirent son regard, et Peter frissonna imperceptiblement.

Flanqué de ses deux gorilles Crabbe et Goyle, Lucius Malefoy les regardait fixement, et c'était de la haine à l'état pur qui se lisait dans ses yeux de glace.

* * *

L'apparition de Malefoy et l'expression peinte sur son visage donna beaucoup à penser au petit groupe. Ils savaient tous que Malefoy, s'il ne méprisait pas Rogue autant qu'il méprisait les enfants de Moldus, le considérait comme du menu fretin. Même si Severus Rogue – d'après ce qu'on disait de lui, car les ragots et les murmures de couloirs comptaient parmi les moyens d'information de première importance à Poudlard, quoiqu'en dise Remus – connaissait la Magie Noire, apparemment il n'arrivait pas à la cheville de Lucius Malefoy en la matière ce dernier avait une tendance certaine à mépriser profondément ses pairs, et Rogue et sa petite bande de Serpentard ne faisaient pas exception.

Cependant, ce à quoi Lucius Malefoy semblait tenir plus que tout se réduisait à trois choses : la réputation de ce qu'il appelait les " vrais sorciers ", la réputation de Serpentard et sa propre réputation personnelle. Et même si Rogue, à ses yeux, était inférieur à lui, il était tout de même à Serpentard, et ils se devaient de se serrer les coudes face aux autres. La honte s'abat sur un Serpentard, et c'est toute la maison qui est concernée. Voilà donc pourquoi il avait semblé aussi furieux de ce qui était arrivé à son condisciple de première année.

C'est ce que les cinq amis, à force de cogitations, avaient déduit du petit incident des toilettes et de l'expression de Malefoy. Jusqu'ici, ils avaient toujours privilégié Rogue dans leurs farces, sans toutefois oublier de se rappeler au bon souvenir des autres Serpentard de première année, mais ils laissaient de côté les Serpentard plus âgés. Véga, ainsi que Arthur Weasley et Frank Londubat, deux Gryffondor de troisième année qui les aimaient bien, les avaient mis en garde – certains d'entre eux n'étaient franchement pas des enfants de chœur, et pouvaient se révéler vraiment dangereux si on les cherchait. Lucius Malefoy était de ceux-là, même s'il n'était qu'en deuxième année.

Cependant, Malefoy ne se manifesta pas plus que d'habitude durant la semaine qui suivit. Les cinq avaient beau le surveiller avec attention, le suivre de loin, il demeurait aussi normal que possible. Sirius suggéra même d'espionner les hiboux, au cas où leur ennemi recevrait des instructions de son père – ou directement de Voldemort, qui sait ? – pour disposer d'eux. C'était en cours de Métamorphoses, et ils devaient chuchoter pour ne pas se faire entendre de McGonagall.

_ Tu regardes vraiment trop la télé, Sirius, soupira Lily en levant les yeux au ciel. Remus rigolait doucement. Sirius haussa les épaules avec un sourire à lui.

_ La quoi ? demanda James intéressé.

_ Quelque chose d'intéressant à ajouter à ce que je viens de dire, Potter ? fit McGonagall, qui passait dans les rangs. James lui dédia son sourire le plus innocent :

_ Rien de plus intéressant que de métamorphoser un crayon en plume, professeur.

McGonagall le fixa de ses yeux perçants James ne cilla pas, et elle finit par continuer le cours.

_ T'as tort, Jamsie, chuchota Sirius quand elle se fut suffisamment éloignée. La télé, c'est quand même plus intéressant que de transformer un crayon en plume.

James haussa les épaules. Quelques secondes après, au milieu de deux théories abracadabrantes, Remus trouva le moyen de glisser qu'il serait absent le mardi soir et le mercredi suivant.

_ Encore ? chuchota Peter. T'étais pas parti le mois dernier ? Qu'est-ce qui se passe ?

_ C'est ma mère, elle a rechuté. Elle m'a envoyé un hibou, je l'ai reçu ce matin.

_ C'est pas trop grave, quand même ? demanda James à voix basse, vaguement inquiet.

_ Apparemment non, mais ça pourrait le devenir.

_ Pourquoi ton père ne s'occupe pas d'elle ? fit Peter. Remus ne répondit pas tout de suite, et Peter regretta immédiatement d'avoir posé la question, bien que le visage de son ami ne trahit aucune émotion particulière.

_ Mon père ne vit pas avec nous, dit Remus après une ou deux secondes. Sirius hocha la tête avec dans ses yeux clairs une sorte d'expression de douceur un peu étrange chez lui, et Peter, conscient d'avoir fait une gaffe quelque part et ne sachant pas comment s'en excuser, replongea dans son manuel de Métamorphoses. Le sujet fut clos pour le moment.

Néanmoins, Remus ne put éviter quelques questions quand il revint de chez lui le jeudi après-midi suivant, d'autant qu'il avait l'air pire que jamais les cernes sombres soulignaient ses yeux bien plus que d'ordinaire, et il semblait légèrement plus faible.

_ Explique moi une chose, Rem', fit James d'un ton vaguement inquiet. Comment ça se fait que chaque fois que ta mère est malade, on dirait que tu as attrapé quelque chose de pire ?

_ Vous savez où j'habite ? répliqua Remus sans se démonter. A quelques miles d'ici, vers la frontière d'avec l'Ecosse. Et il fait déjà drôlement froid par ici, si vous n'aviez pas remarqué.

_ C'est vrai, ça, fit Lily. D'ailleurs, je parie qu'il va bientôt neiger.

_ Merci, Lily. Je me suis attrapé un sale rhume là-bas. Du coup j'ai été voir Madame Pomfresh tout à l'heure, mais ce qu'elle m'a donné m'a un peu assommé. C'est pour ça que j'ai l'air patraque.

_ Tu n'as pas l'air patraque, tu es patraque, fit remarquer Sirius, en dévisageant son ami. Je me demande ce qu'elle t'a donné pour te mettre dans cet état.

_ J'aimerais pas avoir un rhume, ajouta Peter d'une petite voix, si c'est pour avoir l'air d'un zombie qui sort de sa tombe.

_ Merci, Peter, fit Remus d'une voix qui se voulait sarcastique, mais plus basse que d'habitude. On ne me l'avait jamais faite, celle-là.

_ Tu pourras te reposer en Histoire de la Magie, dit Lily. Je prendrai des notes toute seule, si tu veux.

L'Histoire de la Magie était si assommante que Lily et Remus s'étaient proposés pour écouter attentivement et prendre des notes, pour ensuite aider leurs amis à rattraper le retard qu'ils accumulaient en regardant par la fenêtre ou en écrivant dans leur Histoire de la Magie. Mais Remus secoua la tête :

_ Non, il vaut mieux qu'on soit deux, comme ça on peut confronter nos notes.

_ L'Histoire de la Magie pourrait tuer n'importe qui en bonne santé, et tu n'as pas l'air de l'être, fit Sirius d'un ton grave. A ta place, je ne prendrais pas ce risque…

_ Ca suffit, Sirius.

La leçon du jour portait sur la longueur réglementaire des baguettes magiques au XIIème siècle – sujet assommant au possible. La moitié des élèves dormait à moitié, et Remus fut bien plus silencieux que d'habitude pendant le cours Lily ne put s'empêcher de lui jeter quelques coups d'œil inquiets puis, voyant qu'il copiait à la même vitesse que d'ordinaire, elle finit par se rassurer et se concentrer sur son propre morceau de parchemin.

_ …Ainsi, en 1146, le Camp de la Baguette d'Argent fut dressé, et le Chef du Conseil des Sorciers de Grande-Bretagne Marcellus Javin put rencontrer ses homologues espagnol et français, le Prince Sorcier Bracon et le Gran Hidalgo de Magìa Paco El Del Molino et débattre de la longueur des baguettes magiques, pour finalement arriver à la conclusion que la baguette magique d'une sorcière ou d'un sorcier devait être proportionnelle à la taille de ladite sorcière ou dudit sorcier…

_ J'ai une idée diabolique pour Rogue, bâilla Sirius en griffonnant sur son morceau de parchemin. On n'a qu'à l'enfermer dans la classe d'Histoire de la Magie avec Binns. Ce type est pire que tout ce qu'on pourra jamais faire au p'tit Sevie.

_ Je suis d'accord, fit James d'une voix un peu traînante. Je me demande comment on arrive à survivre à sept ans ici, si une seule heure suffit à nous assommer littéralement… On fait un pendu ?

_ Ouaip. Tu commences. Vas-y, choisis un mot.

_ Ok. Euh… Ah !

James prit le morceau de parchemin dont il se servait comme buvard et fit dix petits traits. Sirius fronça les sourcils :

_ Oh là, attends une minute. Il est long, ton mot. Euh… " a ".

_ D'accord. Ca fait _ _ _ a _ _ a _ _ _.

_ C'est encore un truc bizarre, hein ? C'est pas juste, Jamsie. Y a plein de bestioles fantastiques que tu connais et moi pas.

_ T'as qu'à lire Vie et Habitat des Créatures Magiques un peu plus souvent. Et puis je te signale que tu ne te gênes pas de ton côté pour me mettre des mots pas possibles. D'ailleurs, ton dernier – je suis sûr que " pentaèdre " ça n'existe même pas. Tu inventes.

_ Même pas vrai. Si tu crois que j'inventes, heureusement que tu ne joues pas avec ma sœur au Scrabble… Elle a des mots tellement bizarres qu'on croit qu'elle a un dictionnaire personnel dans la tête. " e ".

_ " e ", ça fait… _ e _ a _ _ a _ _ e. Et d'après toi, ça veut dire quoi, " pentaèdre " ?

_ J'en sais rien, c'est Véga qui a sorti ça une fois au Scrabble. Mais il est dur à trouver, hein ?

_ Je te le fais pas dire.

_ Vous jouez à quoi ? fit la petite voix de Peter à côté de Sirius.

_ Au pendu. C'est à Sirius de jouer.

_ Euh… " u ".

_ Raté !

James, un sourire ironique aux lèvres, commença à dessiner la potence.

_ T'as essayé " i " ? demanda Fergus Finnigan à voix basse.

_ Non. Jamsie ?

_ Encore raté ! J'adore ce jeu.

_ Tu es sadique, James, fit Lily avec un sourire, levant la tête de ses notes. Essaye le " h ", Sirius.

_ Pourquoi le " h " ?

_ Je sais pas.

_ Bon, " h ".

_ Tu vas te faire pendre, Sirius !

_ Encore ?

En plus de James, Sirius, Peter et occasionnellement Lily, Fergus Finnigan et Martin Riley s'était jetés dans la bagarre. Rien que pour cela, l'Histoire de la Magie devenait tout à coup intéressante.

_ Alors, finit par dire Sirius en regardant le morceau de parchemin par-dessus l'épaule de James. On en est à _ e _ r a _ r a _ _ e. Quelqu'un a une idée ?

Il y eut un petit silence, pendant lequel chacun réfléchissait. Puis :

_ Véracrasse, fit Peter d'une petite voix. Sirius leva un sourcil :

_ Quoi ?

_ Ben oui, " véracrasse " : v. e. r. a. c. r. a. s. s. e. C'est ça, James ?

_ Gagné, Peter, fit James d'une voix joyeuse. C'était ça. Un point pour Gryffondor, Pettigrow, ajouta-t-il en imitant la voix de McGonagall.

_ Si seulement j'étais aussi bon en Métamorphoses ou en Potions, marmonna Peter avec une petite moue mélancolique qui fit rire Sirius doucement.

_ Allez, Peter, fit-il d'un ton rassurant, rompant avec ses habitudes sarcastiques, un de ces quatre on organisera un concours de pendu. Et tu gagneras haut la main.

_ T'auras de la concurrence, fit remarquer James. Remus est plutôt bon au pendu lui aussi. La prochaine fois c'est toi qui choisis, hein Rem' ?

James n'obtint aucune réponse. Surpris, il se tourna vers son ami :

_ Remus ? Qu'est-ce que…

Loin de son habituelle attitude attentive en cours, Remus dormait profondément, la tête enfouie dans les bras. Ses cheveux châtains un peu fous lui retombaient plus que jamais sur les yeux, et un très léger ronflement s'échappait même de sa bouche ouverte. James se mit à rire doucement, et Lily se tourna vers lui :

_ Il dort vraiment ?

_ Apparemment, chuchota James. C'est drôle, ça, c'est sûrement le dernier que je m'attendais à voir s'endormir vraiment en cours… on le réveille ?

Après quelques secondes de réflexion, Lily secoua doucement la tête en souriant :

_ Non, laisse-le se reposer. Il a l'air épuisé, et puis il est tellement mignon quand il dort…

Sirius regarda la scène et eut un petit rire. Peter eut l'air inquiet :

_ Et si Binns le voit dormir ?

_ Ca fait deux mois qu'on joue au pendu dans sa classe, rétorqua James, et Mondingus m'a dit que lui-même piquait un roupillon une fois sur trois en Histoire de la Magie. Alors pour une fois…

Peter n'insista pas James, Sirius et lui continuèrent de jouer au pendu. L'heure passa lentement. Dix minutes environ avant la fin de la classe, Lily prenait toujours des notes tout en bâillant profondément elle jetait parfois un regard rapide, presque envieux, à Remus qui dormait toujours. Il commençait à remuer, et Lily se dit qu'il allait sans doute se réveiller, mais au lieu d'ouvrir les yeux et de se redresser, il eut un haut-le-corps et glissa brusquement de sa chaise avant de s'effondrer par terre. Lily jeta sa plume et se pencha sur lui, tandis que James sursautait et que Peter ouvrait de grands yeux. Binns se retourna plutôt vivement pour un professeur fantôme mort depuis des années, et la plupart des élèves se levèrent à moitié de leur chaise pour mieux voir.

_ Qu'est-ce qui se passe ? Remus, qu'est-ce que tu as ?

Mais Remus se relevait déjà en s'accrochant au bord de la table d'une main qui tremblait légèrement. Pendant un instant, Lily, qui était assise à côté de lui, crut déceler une expression complètement perdue dans ses yeux bleus gris grand ouverts ; mais l'impression fut fugitive, et s'effaça vite.

_ Qu'est-ce qui vous a pris, Loupiot ? balbutia Binns, déconcerté par le remue-ménage, très inhabituel dans sa classe. James nota au passage qu'il ne se souvenait même pas du nom de l'un de ses élèves les plus attentifs.

_ Je… excusez-moi, professeur, j'ai dû glisser, souffla Remus en reprenant péniblement sa place sur son siège, un peu gêné des regards fixés sur lui et des petits rires qui couraient parmi les élèves. Binns le regarda fixement, les sourcils froncés, puis se retourna vers le tableau. James et Sirius ne détachaient pas leur regard de leur ami.

_ Remus, ça va ? demanda Lily doucement, comme avec précautions.

_ T'en fais pas, Lily, tout va bien, répondit seulement celui-ci en reprenant sa plume. J'ai dû faire un cauchemar, c'est tout.

James chuchota à on tour :

_ Hé, c'est normal de s'endormir en Histoire de la Magie, tu n'as rien à te reprocher.

Remus haussa seulement les épaules. Sirius avait l'air soucieux.

_ Mais tu es sûr que…

_ C'est bon, ça va ! fit Remus à voix haute, d'un ton plutôt sec. Puis, voyant l'air presque peiné de Sirius, il corrigea d'une voix plus douce :

_ Excuse-moi, Sirius, je ne voulais pas te parler comme ça. C'est juste que… je devais ne pas m'endormir. Je sais, ce n'est pas une question de vie ou de mort, mais je déteste relâcher ma garde comme ça. Maintenant, s'il te plaît, j'aimerais bien rattraper Lily, ou elle va me prendre pour un feignant.

Sirius hocha la tête, et sembla ne plus y penser. Mais il croisa le regard de James, et celui-ci pu voir que comme lui, il avait quelques doutes sur la dernière remarque de leur ami ; tous deux savaient parfaitement que Lily n'aurait jamais pris Remus pour un feignant. James ne prêta que peu d'attention au reste de la leçon quelque chose l'ennuyait dans l'histoire que Remus leur avait racontée, qui ressemblait presque à une excuse. Il leur avait dit qu'il vivait près de la frontière écossaise, donc tout près de Poudlard puisque le collège se trouvait en Ecosse et cela collait avec son léger accent du nord de l'Angleterre. Mais dans ce cas, comment donc avait-il pu être malade dans le train le mois dernier ? Même avec beaucoup de tournants le voyage n'avait pas pu être si long…

Le lendemain, après une bonne nuit de sommeil, Remus était redevenu parfaitement normal, mais James ne cessa pas de se poser des questions pour autant.

*~*~*