Disclaimer : Presque tout ici appartient à JK Rowling.
Les Chroniques des Maraudeurs
Première année
Chapitre 6 : Halloween… à la mode de Poudlard
Sans qu'il sache pourquoi, James ne croyait pas entièrement l'histoire de Remus. Ce n'était pas une question de confiance – Remus était son ami, et il lui faisait confiance – mais plutôt quelque chose qui lui trottait dans la tête et qui ne voulait pas s'en aller. Une petite voix, minuscule mais entêtante, qui disait : " Il ment " sans que James puisse ni s'en assurer ni s'assurer du contraire.
D'expérience, il savait que Remus était un bon menteur – peut-être un des meilleurs – et c'était ce qui le gênait le plus : où s'arrêtait la vérité chez son ami, et où commençait le mensonge ? Remus n'inventait pas des histoires quand il racontait une excuse à un professeur, il s'appuyait sur la réalité et brodait dessus. Qui sait s'il ne " brodait " pas également lorsqu'il racontait à ses amis pourquoi il partait chez lui et qu'il revenait avec une tête de déterré ? Surtout que sa mère n'avait pas l'air si malade que ça quand James l'avait vue, sur le Chemin de Traverse. Au contraire, elle lui avait même paru en parfaite santé. Comment ce faisait-il que trois semaines plus tard, elle soit malade au point de rappeler son fils à la maison ? Et qui plus est, pour un délai si court ?
James ne parlait de ses doutes à personne. Il avait une petite idée des réactions qu'il obtiendrait : Sirius hausserait les épaules en le traitant de parano, Lily sourirait en lui disant qu'il s'inquiétait pour rien et que Remus n'avait aucune raison de leur mentir, et Peter ouvrirait de grands yeux étonnés. Quant à aller voir Remus et lui en parler de front, il ne l'envisageait même pas. James n'avait rien sur quoi s'appuyer, aucune preuve, aucun indice, absolument rien il ne se voyait pas vraiment aller le voir et lui demander " Qu'est-ce qui se passe avec toi ? " juste comme ça.
_ Je vais attendre, se dit-il. On verra bien.
A la limite, la seule personne à qui il était tenté de parler de ses doutes était Véga – après tout, elle avait quinze ans, et sans doute considèrerait-elle ses interrogations plus sérieusement que Sirius, Lily, ou Peter. Mais Véga semblait très occupée ces temps-ci, et pas vraiment d'humeur à écouter les divagations d'un gamin de onze ans – c'était l'idée qu'en avait James. Sirius disait que c'était à cause des B.U.S.E.S., le Brevet Universel de Sorcellerie Elémentaire, que tout élève devait passer à la fin de sa cinquième année à Poudlard d'un autre côté, il ajoutait avec un froncement de sourcils que sa sœur avait un comportement bizarre depuis qu'elle était préfète. Elle sautait sur le moindre prétexte pour s'isoler, et parfois Sirius lui-même – qui, même s'il se donnait l'air de ne pas s'occuper des affaires de sa sœur ne pouvait pas s'empêcher de la surveiller de loin – n'avait aucune idée de l'endroit où elle était. Elle réapparaissait néanmoins quelques minutes plus tard, le sourire aux lèvres mais l'air sérieux comme à l'ordinaire. Sirius la taquinait beaucoup là-dessus, faisant notamment remarquer que ce n'était pas une attitude convenable pour une préfète. Elle haussait alors les épaules, et s'éloignait en prétextant un devoir de Potions. Et James riait sous cape en voyant Sirius hausser les épaules exactement de la même manière, et demander à son ami un tuyau pour ensorceler un livre. L'instant d'après, tout était oublié. Apparemment.
Le matin d'Halloween, très tôt, James se réveilla en sentant un courant d'air froid – il avait oublié de fermer les rideaux de son lit à baldaquin. Il se releva en partie et tendit une main vers le velours rouge, mais quelque chose l'arrêta : à travers le brouillard flou causé à la fois par le sommeil et l'absence de ses lunettes sur son nez, il distingua une silhouette qui se découpait dans la forme claire de la fenêtre ouverte. Intrigué, il prit ses lunettes sur sa table de nuit, s'assit dans son lit et regarda mieux. Quand il réalisa l'identité de la silhouette perchée sur la fenêtre, il eut un sursaut et sauta à bas de son lit.
Sirius était assis sur la fenêtre, un pied sur le rebord et l'autre pendant dans le vide. James ne voyait que son dos immobile et ses épaules recouvertes de la chaude cape d'hiver noire qu'il n'avait pas sorti de son placard jusque là.
James s'approcha le plus discrètement qu'il put, vaguement inquiet le sol était glacial sous ses pieds nus et silencieux. Néanmoins, il dut faire craquer une latte du plancher sans s'en rendre compte, parce que Sirius tourna la tête vers lui. Au soulagement – assez bizarre – de James, il souriait, mais d'un sourire un peu étrange, presque teinté de chagrin :
_ Il a neigé, James, fit-il d'un ton paisible, sa voix néanmoins un peu rauque.
James s'approcha, et Sirius se poussa légèrement sur la droite pour le laisser apprécier la vue. La fenêtre était étroite, et Sirius avait à peine la place de s'asseoir, mais James put tout de même embrasser le paysage du regard : le lac était gelé à ses bords, et tout le parc était recouvert de neige étincelante, presque bleue dans le petit matin. Plus loin, le Saule Cogneur semblait dormir, ses branches chargées et lourdes de neige, l'air presque innocent pour une fois. Près de la lisière de la forêt, James pouvait apercevoir Hagrid, Curly sur les talons, avancer pas à pas dans l'épais amas de neige fraîche. Il supposa que le garde-chasse devait relever des pièges, ou dégivrer les balais de l'école pour la leçon de vol d'aujourd'hui. Au loin, les arbres de la Forêt Interdite paraissaient inoffensifs, ayant perdu leur habituelle et menaçante couleur vert sombre, au profit d'une sorte de bleu à la fois clair et foncé. Enfin, à l'horizon, le soleil commençait tout juste à se lever sur les montagnes on pouvait voir la lumière froide, entre le doré et le jaune, avancer lentement mais sûrement sur les flancs sombres.
_ C'est… c'est magnifique, finit par dire James, les yeux brillants. On voit tout, d'ici. J'aurais jamais cru que le paysage était si beau, il y a tout le temps du brouillard.
Il y eut un petit silence, puis Sirius fit d'une voix à peine audible :
_ Tu sais, ma mère adorait la neige. Chaque année, au premier flocon, tous les deux on se levait avant le jour et on jouait à qui l'attraperait en premier.
James, d'abord surpris, écouta en silence. C'était la première fois que Sirius parlait de sa mère à son ami.
_ C'était souvent elle qui gagnait, elle avait un don pour repérer le premier flocon, l'endroit et le moment où il tomberait. Ensuite, mon père téléphonait à l'école pour savoir si elle était fermée à cause de la neige – en général, elle l'était – et on passait la journée à jouer tous les deux, Véga et moi. M'man ensorcelait les luges pour qu'elles ne se renversent pas, et moi je râlais parce que justement, j'adorais quand ma luge se renversait.
La voix – le murmure, plutôt – de Sirius mis à part, la petite pièce était entièrement silencieuse. James ne disait rien, ne faisait pas un mouvement pour l'interrompre. Il sentait qu'un moment comme celui-ci était rare, et pour rien au monde il n'aurait voulu briser le charme. Il ne pouvait voir que le profil de Sirius ; le visage de son ami était paisible, presque rêveur, mais son léger sourire tremblait imperceptiblement.
_ Mais le meilleur dans ce premier jour de neige, c'était le soir. On rentrait à la maison crevés à force de jouer, et P'pa nous préparait du lait chaud avec du miel, puis on s'asseyait par terre devant la cheminée – elle était tellement minuscule que je me demande toujours comment elle pouvait donner de la chaleur – et nos parents nous racontaient des histoires jusqu'à ce qu'on s'endorme. Véga s'endormait toujours avant moi – moi, je luttais de toutes mes forces pour ne pas m'endormir. Je voulais rester éveillé, parce que je savais que M'man resterait à côté de mon lit jusqu'à ce que je m'endorme pour de bon. Et puis, j'écoutais la fin de l'histoire.
Sirius baissa un peu la tête pleurait-il ? Non James le vit relever de suite les yeux et le regarder intensément :
_ Je sais pas du tout pourquoi je te raconte tout ça. Mais garde-le pour toi, s'il te plaît. Tu es le seul à qui ça me viendrait à l'idée de te parler de… d'avant.
James hocha simplement la tête, assez ému de cette preuve de confiance. Puis Sirius sourit – de son sourire habituel, sarcastique et lumineux à la fois :
_ Bon, on se les gèle ici. Tu veux ma place pour regarder ?
_ Non merci, fit James en souriant à son tour. C'est sympa, mais je préfère voir de l'intérieur. Il fait plus chaud.
_ Comme tu veux.
Sirius sauta légèrement du rebord il leva la tête, et fronça le nez :
_ C'est quoi, cette odeur ? Je la sens depuis que je suis réveillé.
_ Citrouille grillée. Les elfes de maison doivent commencer à les faire cuire tôt, je crois.
Il était facile de dire d'après le regard de Sirius que celui-ci n'avait pas de sympathie particulière pour les citrouilles grillées. James se mit à rire :
_ Fais pas cette tête, je te jure que c'est très bon ! Tu n'en as jamais goûté, ou quoi ?
_ Oh que si, grogna Sirius. Véga a une vraie passion pour les citrouilles grillées. Seulement, le problème c'est qu'à chaque fois qu'elle essaye d'en faire cuire, elle les rate. Ca donne des machins noirs bizarres, complètement brûlés, et après la cuisine reste inutilisable pendant une demi-journée, à cause de l'odeur. Tout un programme.
James se mordit la lèvre pour ne pas éclater de rire – il ne voulait pas réveiller les deux autres – mais ses yeux vert sombre riaient pour lui. Sirius eut un petit rire, puis demanda d'un ton redevenu sérieux :
_ Désolé de t'avoir embêté avec mes histoires. Mais j'en avais besoin. Je le referai plus, promis.
James ouvrit la bouche pour protester, lui dire qu'il n'avait pas du tout à être désolé et que ça ne l'embêtait en rien, mais il fut coupé par un grognement venant du lit de Peter, ainsi qu'un léger bruit indiquant qu'il changeait de position. Les rideaux s'écartèrent, et Peter sortit une tête ébouriffée et des yeux pleins de sommeil du baldaquin :
_ Salut, Peter ! fit Sirius d'un ton léger. Tu sais quoi ? Il a neigé.
Les yeux ensommeillés s'ouvrirent tout grands :
_ C'est vrai ?
_ Bien sûr que c'est vrai, dit James. Il a dû en tomber au moins cinquante centimètres cette nuit.
Les yeux brillants d'une joie enfantine, Peter se leva d'un bond et courut presque vers la fenêtre, trébuchant sur ses chaussettes à moitié enfilées.
_ Ouah, dites, c'est magnifique, fit-il d'un ton enthousiaste. Remus avait raison. Il l'avait dit il n'y a pas longtemps, d'ailleurs.
_ Qu'est-ce que j'avais dit ? demanda une voix étouffée, bientôt suivie d'un :
_ Oh, ça sent la citrouille grillée… Joyeux Halloween !
_ C'est vrai, ça, joyeux Halloween, tout le monde ! Faudra fêter ça. Qu'est-ce que vous diriez d'une petite blague, disons, à Malefoy ?
_ Sirius !
_ Vous avez raison, c'est pas très original. Alors un truc avec le Saule Cogneur ? Tim s'est vanté d'avoir réussi à graver ses initiales, mais je ne le crois pas. Si on y allait et qu'on y gravait " Gryffondor vaut de l'or " ? On pourrait voir si ce que dit Tim est vrai.
_ Là, je serais plus d'accord, fit James. Ce serait original. Mais pas avant le petit déjeuner – je ne sais pas pour vous, mais moi je crève de faim.
_ Je pense qu'il est inutile que nous votions à main levée, fit Remus avec un sourire, voyant l'expression pleine d'espoir de Peter à la mention de petit-déjeuner…
Les citrouilles grillées, à la grande surprise de Sirius, furent délicieuses, et il ne se priva pas de quelques commentaires bien sentis en direction de sa sœur. Véga eut l'air vexée, mais ne répondit rien, et se concentra sur sa dégustation. Elle sursauta quand Mondingus Fletcher dit tout près d'elle, pointant un doigt vers la table de Serdaigle :
_ Eh, je reconnais ce hibou ! C'est un de ceux de l'école, je l'ai utilisé la semaine dernière pour envoyer une carte à un de mes cousins… Ils sont censés envoyer des messages, pas en apporter !
_ C'est qui, le type du message ? demanda d'une voix intéressée Olivia O'Flaherty, une jeune fille de cinquième année assise en face de Véga. Arthur Weasley eut un petit rire, et lui fit :
_ C'est Jack Prewett, septième année, préfet-en-chef. Un des rares à savoir réunir sérieux et bonne humeur. Et en plus, il joue comme Attrapeur dans l'équipe de Quidditch de Serdaigle.
_ C'est un rêve, ce garçon. Il est libre ?
_ Ca, il faut le lui demander.
Les yeux d'Arthur brillaient de malice. Olivia soupira, et fit à Véga :
_ Avec ma chance, je suis sûre qu'il a quelqu'un. Il n'y a pas de justice dans ce monde, tout le monde le sait. Je me demande qui lui a envoyé cette lettre. Il a l'air content, en tous cas.
Véga haussa les épaules en souriant :
_ Tu peux toujours tenter ta chance, tu sais.
Puis elle se tourna vers son ami Dan pour lui dire quelque chose.
_ C'est marrant, ça, souffla Sirius à James. D'habitude elle parle à n'en plus finir, et là elle se contente de deux mots. Bizarre, ma sœur. Dites, pour le Saule, ça tient toujours ?
_ Ok. Comment tu comptes faire ça au fait ? fit Remus en reposant sa tasse de thé et en prenant le pot de confiture.
_ J'ai un canif de poche, de quand j'étais à l'école.
_ A quoi il pouvait bien te servir ? demanda James intrigué. Sirius eut un petit sourire penaud :
_ A rien, sinon à graver mes initiales en bas du mur d'enceinte de l'école. Pour " laisser une trace ", ajouta-t-il, faisant semblant d'ignorer que Lisa Dodger levait les yeux au ciel et que Véga soupirait entre deux morceaux de citrouille grillée.
_ T'as peur qu'on t'oublie ? fit Remus avec un sourire. James lui jeta un regard rapide. Sirius haussa les épaules :
_ Moi ? Non, c'était juste pour m'amuser.
Puis il ajouta avec un sourire sardonique :
_ D'ailleurs, je ne pense pas qu'ils m'oublieront de sitôt, dans cette école.
Certains se mirent à rire. Sirius, en ce moment-là, avait l'air particulièrement diabolique avec son sourire de loup.
Le cours de Défense contre les Forces du Mal fut aussi ennuyeux que d'habitude le professeur Ricochet leur parla de sa voix nasillarde et chuintante des joyaux ensorcelés utilisés par le Mage Noir Maximilien Fersen pour vaincre les armées du roi de Finlande. James écouta d'une oreille distraite, mais Lily semblait réellement passionnée par cette histoire, malgré la façon qu'il avait de la raconter. Il régnait une atmosphère étouffante dans la classe, et tout le monde se rua dehors dès que la cloche sonna, déconcertant Ricochet qui souhaita néanmoins un joyeux Halloween à tout le monde d'un air absent.
_ A votre avis, demanda James en refermant son sac qu'il avait seulement glissé sous son bras dans sa hâte de s'en aller, de Binns ou de Ricochet, lequel est le plus dangereux pour les nerfs ?
_ Je vote pour Binns, fit Sirius, qui même s'il n'en avait pas dit un mot de plus gardait manifestement sur le cœur la fois où Remus s'était moitié endormi, moitié évanoui en classe. Au moins, on ne dort pas en Défense contre les Forces du Mal, et on apprend quelque chose qui nous servira. Enfin, presque.
_ Je suis d'accord, dit Remus tandis que James jetait son sac sur son épaule. La Défense nous servira un jour. Quoique, de la façon dont l'enseigne Ricochet…
Il eut un léger mais nettement réprobateur froncement de sourcils.
_ Je rêve ? le taquina Lily. Remus Lupin, critiquer un professeur ? C'est quelque chose qu'on ne voit pas tous les jours. Tu es sûr que ça va ?
_ Je vais tout à fait bien, merci, fit Remus avec un sourire, ignorant Sirius dont le raclement de gorge semblait étrangement proche d'un " menteur ! " déguisé. A tes souhaits, Sirius, glissa-t-il avec un regard en coin vers l'intéressé, qui fit l'innocent.
_ Je trouve simplement dommage qu'on ne nous laisse pas une chance de faire de la pratique, continua-t-il. J'aimerais bien apprendre comment se débarrasser d'un Chartier ou d'un Strangulot, comment répondre à un sortilège que quelqu'un m'a lancé, ce genre de choses.
Il parlait sincèrement, et les quatre autres hochèrent la tête d'un air approbateur.
_ Tu marques un point, flûta Peter. J'ai failli me faire mordre par une Fée Mordeuse un jour, quand j'étais petit. Si ma mère n'avait pas été là…
Il frissonna. Lily lui jeta un regard compatissant.
_ N'empêche, fit-elle ensuite, cette leçon était intéressante – et puis j'adore tout ce qui se rapporte aux joyaux, surtout ensorcelés. Vous savez, chez les Moldus, il y a des diamants qui ont la réputation d'être maudits. L'Œil de l'Aigle est un vrai joyau de sorcier, connu et tout, et le Sancy, par exemple, ou alors le Miroir du Portugal sont…
_ Non, pitié ! s'écria Sirius en plaquant ses mains sur ses oreilles. Tu crois pas qu'on en a eu assez avec Ricochet ? Tu vas pas nous achever avec un autre cours sur les joyaux qui ont le mauvais œil !
Lily eut une moue vexée qui fit rire James.
En arrivant dans la Grande Salle pour le repas de midi, pas mal d'élèves laissèrent échapper une exclamation admirative : la salle était déjà décorée pour Halloween : orange et noir, avec de vraies citrouilles que Hagrid avait fait pousser avec amour il les avait évidées, et y avait découpé des yeux et des dents. James se promit de féliciter Hagrid pour ce travail. Les fantômes qui flottaient à quelques mètres du sol complétaient le tableau avec les chauves-souris vivantes qui voletaient un peu partout, et Sirius s'amusa beaucoup de la façon qu'elles avaient de s'installer au milieu de la chevelure des filles. L'une d'entre elles semblait apprécier particulièrement les longs cheveux bruns de Fleur Delaney elle se mit à crier, et tout le monde se mit à rire de sa façon de secouer violemment la tête, ses beaux cheveux tout emmêlés et son visage fin et délicat devenu tout rouge.
Après s'être tenu les côtes pendant un moment, Charlie McKinnon finit par avoir pitié d'elle et leva sa baguette. La chauve-souris se retrouva brusquement collée sur le plafond, et on pouvait deviner un air interloqué peint sur son petit museau noir. Fleur ne mangea pas grand-chose ce midi-là elle garda le silence, reniflant de temps en temps. Elle se souviendrait de son premier Halloween à Poudlard.
Sirius disparut juste avant le cours suivant mais comme il revint pour la sonnerie de début de classe, personne ne lui posa de question. A cause d'Halloween, les élèves eurent tellement de mal à se concentrer sur leur cours d'Enchantements de l'après-midi que le professeur Flitwick finit par organiser une course de chapeaux volants. Peter passa un bon moment à essayer de faire décoller le sien, et quand il y parvint enfin, Lily avait gagné haut la main. James et Sirius étaient arrivés en même temps, mais cela ne les empêcha pas de pinailler pendant quinze bonnes minutes Flitwick finit par les déclarer tous les deux deuxièmes ex-æquo. Le chapeau de Remus avait fait une course honorable, et avait terminé quatrième au dernier moment, juste devant le chapeau de Lisa Dodger avec qui il avait mené un duel sans merci. Lily ne put s'empêcher de remarquer combien l'enthousiasme de la course avait changé Remus : son ami avait les joues rouges comme des pommes d'api, le souffle court et les yeux brillants. Lisa, à peu près dans le même état d'ailleurs, reconnut sa défaite avec bonne grâce et ouvrit de grands yeux lorsque Remus s'inclina galamment devant elle et la félicita pour avoir été un adversaire si redoutable. Quoiqu'un peu embarrassée, la jeune fille pouffa de rire.
A sept heures, tout le monde se dirigea vers la Grande Salle, plus impressionnante que jamais dans la pâle lumière des chandelles flottant dans les airs comme au premier soir, complétée par la lumière rougeâtre des bougies placées dans les citrouilles de Hagrid, si grandes qu'un homme aurait pu y rester accroupi. Les professeurs étaient tous assis à la Grande Table, vêtus de leurs plus belles robes de sorciers. McGonagall était particulièrement remarquable ce soir-là, tout en rouge Walsh, de son côté, avait l'air plus pincée que jamais dans une robe d'un vert qui rappelait les arbres de la Forêt Interdite.
_ On va se régaler, se réjouit Sirius en se frottant les mains. En effet, des plats aussi variés que ceux du banquet de début d'année venaient d'apparaître dans les même plats en or. James se servit de suite de l'agneau et des pommes de terre, pendant que Remus et Sirius se disputaient le plat de frites. Lily régla la question en s'en servant la première – elle n'avait pas vraiment digéré le petit commentaire de Sirius à propos des joyaux ensorcelés, dont elle adorait parler. De plus, elle avait vraiment faim.
Le repas fut animé, mais amical – Fleur, depuis longtemps remise de sa frayeur, discutait avec Lisa Dodger et les jumelles Scott, Marissa et Marietta, de l'imbécillité naturelle des garçons. Les deux jumelles noires au petit nez rond étaient absolument identiques, à part leur coiffure : l'une avait ses cheveux noués en deux petits macarons de chaque côté de sa tête, et l'autre avait une couronnes de petites tresses sombres qui se terminaient par des perles de différentes couleurs. Mais comme elles échangeaient constamment leur coiffure, personne ne pouvait dire avec certitude qui était qui.
Néanmoins, durant tout le repas, Lily ne put s'empêcher de se dire que quelque chose n'était pas normal. Ce ne fut que lorsque ses yeux tombèrent sur une petite barquette de bonbons à la menthe qu'elle comprit la raison de cette drôle d'impression : Mondingus Fletcher n'occupait pas sa place habituelle, jamais très loin de Véga. Intriguée, Lily le chercha des yeux, mais ne le trouva pas elle tapota l'épaule de Remus à côté d'elle et fit :
_ Où il est, Mondingus ?
Remus interrompit sa conversation avec Fergus Finnigan, et regarda autour de lui, fronçant les sourcils.
_ C'est vrai, il n'est pas là… Comment ça se fait ? On est censés être tous là pour le festin d'Halloween…
Il se tourna vers Sirius et lui dit :
_ Mondingus n'est pas là.
_ Fletcher ?
Sirius eut l'air perplexe.
_ Ca alors, c'est bizarre… Jamsie ? Fletch a disparu !
James eut un sourire :
_ Du calme, il est sûrement en train de nous cuisiner une petite blague de son cru… après tout, Halloween reste Halloween.
_ Et Fletcher reste Fletcher, termina Sirius. T'as sûrement raison.
_ Je sais.
D'ailleurs, autour d'eux, les Gryffondor plus âgés semblaient trouver cette absence complètement normale. Quand Sirius en demanda la raison à sa sœur, Véga posa son verre de jus de citrouille et répondit :
_ Chaque année, Mondingus prépare une blague pour Halloween. On ne sait jamais sur quoi on va tomber, c'est toujours une surprise. Dan, Angie, c'était quoi, l'année dernière ?
Dan Hustler et Angie McAlmin étaient les deux meilleurs amis de Véga : Dan, petit et trapu, aux cheveux roux tirant sur le brun, était le dingue des trois, tandis que Angie, aussi grand que Véga et les cheveux plus clairs, était aussi plus calme. Ce fut lui qui répondit de sa voix tranquille :
_ Il avait mis une citrouille ensorcelée sous tous les lits des dortoirs de deuxième année. Même ceux des filles.
_ Je m'en souviens, fit Olivia O'Flaherty. Les citrouilles avaient sauté de dessous les lits à minuit pile et bondi sur toutes les deuxième années. On pouvait entendre les hurlements de notre dortoir.
_ Je me demande ce qu'il va sortir cette année.
_ Moi aussi !
Lily, rassurée, cessa de se poser des questions et remit de la sauce au poivre sur son steak. Quand ils eurent fini les plats principaux, les plats et les assiettes se lavèrent d'elles-mêmes et les desserts apparurent. Sirius, James et Remus parlaient avec animation – de Mondingus, sans doute – pendant que Peter enlevait le papier qui enveloppait un bonbon à la menthe.
_ Je suis allé vers le Saule Cogneur tout à l'heure, disait Tim Thomas, et vous savez quoi ? Quelqu'un a marqué " Gryffondor vaut de l'or " dessus.
_ Qui que ce soit, il est fou, fit Lisa Dodger d'un ton sévère. Et s'il est toujours vivant, il a une chance énorme.
_ En attendant, Dave – Dave Goujon, vous savez, le petit maigre de Poufsouffle, en Botanique. Il n'est pas content du tout. Il avait juré d'écrire en premier ses initiales sur le tronc, pour continuer le succès qu'ils ont en Quidditch, dans sa maison.
_ Succès mérité, d'ailleurs, admit un cinquième année nommé Aymeric Peppery, comme à contrecœur. C'est pourtant pas faute d'avoir essayé de les battre.
_ Ecoute, Aymeric, je ne veux vexer personne, mais c'est vrai que tu es le seul joueur potable dans l'équipe. Eux, ils en ont sept.
_ Pourtant, objecta Fergus Finnigan qui adorait le Quidditch, presque tous nos joueurs sont en septième année maintenant, non ?
_ Oui, Aymeric est le plus jeune. Ca ne l'empêche pas d'être le meilleur.
Aymeric eut un sourire :
_ Arrêtez avec ça, s'il vous plaît.
_ Au fait, vous avez entendu ça ? Ce petit crétin de Malefoy a été promu Attrapeur chez les Serpentard.
_ Merci les sous de Papa…
Abandonnant la conversation qui dérivait sur l'honnêteté plus que douteuse de l'équipe de Serpentard, Remus et James se tournèrent vers Sirius, qui mâchait son morceau de gâteau d'un air indifférent :
_ Sirius, pour le Saule Cogneur… c'était toi ? souffla Remus. Sirius, la bouche pleine, hocha seulement la tête avec un grand sourire. James secoua la tête en soupirant d'un air ravi :
_ Nom d'un chien, il va falloir travailler sérieusement pour te rattraper.
_ Oh, ch'est pas grave, Jamchie, mâcha Sirius. Ch'est pas une courche, tu chais. Et puis che préfère travailler à plujieurs que de faire cavalier cheul. Ch'est quand même plus marrant.
Et il sourit largement en direction de James et Remus.
_ Peter ! s'écria soudain Lily. Mon Dieu, qu'est-ce qui s'est passé ?
_ Appelle-moi Sirius, fit Sirius d'un ton modeste. Lily parut hésiter entre lever les yeux au ciel et éclater de rire. Peter regardait alentours d'un air inquiet.
_ Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
Le visage de Peter était devenu tout vert – mais vert, de la couleur d'une feuille d'arbre.
_ Tu es, bon… un peu vert, mais ça s'enlèvera dans trois minutes, fit James avec un sourire. Désolé, c'était pas destiné pour toi à l'origine.
_ C'est marrant, ça, fit Sirius en direction de Remus. Si je me rappelle bien, tu avais à peu près cette couleur-là juste avant la Cérémonie de la Répartition…
_ La ferme, Sirius, dit Remus d'un ton léger en prenant une part de gâteau au chocolat.
* * *
Mais Mondingus demeura obstinément invisible. Pas mal de Gryffondor le cherchèrent en vain jusqu'à l'heure du coucher, qui ne tarda pas, comme toujours après un festin. L'estomac rempli, la tête embrumée, les élèves n'avaient qu'une chose à l'esprit : leur lit moelleux à baldaquins rouges. James, Sirius, Remus et Peter firent un vague signe de la main à Lily avant de monter dans leur dortoir. Sirius, moins fatigué peut-être, essaya bien de lancer son oreiller en direction de Remus, mais celui-ci le garda au lieu de le renvoyer. La guerre de polochons fut étouffée dans l'œuf, et bientôt les quatre garçons dormaient à poings fermés, sans avoir entendu les hurlements espérés, qui auraient célébré Halloween dans le plus pur style Mondingus Fletcher.
Le lendemain matin, à la table des Gryffondor, beaucoup paraissaient d'ailleurs décontenancés, d'autant que Mondingus ne s'était pas montré à l'heure du coucher ni à l'heure du réveil – Arthur Weasley, avec qui Fletcher partageait le dortoir, était même vaguement inquiet. Il n'était même pas à l'infirmerie. Molly Ginger essaya de le rassurer en lui disant que ce n'était pas la première fois qu'on ne savait pas où était Mondingus. Comme c'était vrai, Arthur cessa de s'inquiéter et du coup se retourna vers un autre Gryffondor de troisième année pour lui demander des tuyaux sur le devoir de Potions qu'ils avaient à faire.
_ N'empêche, puisqu'on parle de Mondingus, fit James. Il y a quelque chose que j'aimerais comprendre.
_ Hm ? Quoi donc ? demanda Remus, levant la tête de l'Histoire de Poudlard que Lily lui avait gentiment prêté.
_ Comment – mais comment arrive-t-il tout le temps à échapper à Adams ? Je veux dire, je sais que nous on est plusieurs et que lui, il est seul, et que ça lui donne l'avantage d'une plus grande discrétion, mais quand même…
_ C'est vrai, ça, coupa Peter. Je l'ai aperçu une fois dans un couloir, il ensorcelait la porte de la Salle des Trophées. Puis je me suis retourné à un moment et j'ai vu Adams qui arrivait en douce. Et quand j'ai regardé vers Mondingus pour lui dire de faire attention, il avait disparu. Comme ça.
_ Ca devient une habitude chez lui, fit Sirius d'une voix sarcastique.
_ Mais c'est vrai ! s'écria Peter, pensant que Sirius ne le croyait pas. Peut-être qu'il a appris à transplaner ou un truc comme ça…
_ Ah non, là tu te trompes, Peter, fit Remus en fermant son livre pour de bon. D'abord, il faut avoir dix-sept ans pour passer le permis, tout le monde sait ça.
_ Pas moi, fit Lily d'un ton vexé.
_ Bon, presque tout le monde. Ensuite – et ça, je suis sûr que tu le sais toi aussi, Lily – on ne peut pas transplaner dans l'enceinte de Poudlard. Je viens de le lire là-dedans.
_ Pourquoi ? demanda Zoé Zig, intéressée.
_ Parce que le château est protégé, dit Véga d'un ton docte. Par de la Vieille Magie, très ancienne et très efficace. C'est pour ça que Poudlard est un des endroits magiques les plus sûrs en Grande-Bretagne – tu n'as rien à craindre de Tu-Sais-Qui ici.
_ Pourquoi tu ne veux pas dire Voldemort, Véga ? dit Sirius, presque sèchement. Véga haussa les épaules :
_ Oui, bon… je n'y pense pas, c'est tout.
Sirius leva les yeux au ciel, imitant une mimique habituelle chez sa sœur :
_ Franchement, Véga, tu crois que c'est sérieux de ne pas dire le nom de ce vieux dingue tordu ? Il doit adorer tout le barouf qu'on fait autour de lui. Le Seigneur des Ténèbres…Vous-Savez-Qui… carrément Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom… non, mais sans blague. Remarque, avec un nom pareil, ça m'étonne pas qu'il veuille en changer…
Le léger malaise qui s'était instauré quand Sirius avait prononcé le nom de Voldemort s'envola en partie Peter regarda Sirius d'un air incrédule :
_ Comment ça se fait que toi, tu l'appelles par son nom ?
_ Un enchaînement de circonstances, dit simplement Sirius, d'un ton définitif indiquant bien qu'il ne dirait rien de plus à ce sujet. Remus eut l'air pensif.
Le cours de Potions se passa plutôt bien Peter, depuis l'incident des toilettes, prêtait une attention toute particulière à son chaudron et ses ingrédients, et rien n'avait explosé jusque là. Rogue se tenait tranquille dans son coin, ruminant sans doute une vengeance sans merci – mais que pouvait-il faire, à un contre cinq ? D'autant que s'il s'attaquait à l'un, les quatre autres lui sauteraient dessus sans délai. Et si Wilkes, Avery, Rosier et Nott étaient avec lui dans les victoires, ils étaient nettement moins enthousiastes lorsque la défaite était assurée.
_ Ce n'est pas la peine de s'attaquer à eux de front, finit-il par conclure tandis qu'il rassemblait les morceaux d'aile de chauve-souris qu'il n'avait pas utilisé. Ca ne ferait que souder leur bande. En fait, ce serait tellement plus simple s'ils étaient séparés…
Un mauvais sourire étira ses lèvres pâles. Il tenait son idée – une idée tortueuse, machiavélique même, mais tout est permis avec des adversaires pareils, n'est-ce pas ?
Le seul à voir ce sourire fut Peter il frissonna et fut sur le point de faire passer le mot à James quand la cloche sonna. Les élèves coururent dehors avec un soupir de soulagement, si vite que Charlie McKinnon se cogna contre Peter et leurs deux sacs tombèrent. Le temps de ramasser tous ses livres et de les fourrer de nouveau dans son propre sac, Peter avait oublié Rogue et son sourire mauvais.
Mondingus n'était pas allé en classe ce matin-là, d'après Arthur il n'était pas non plus à la table du déjeuner. Cette fois, même Véga fronça des sourcils inquiets, et Sirius parut réfléchir pendant tout le repas.
Il réfléchissait toujours en allant en Botanique avec les autres le professeur Chourave ne les emmena pas à l'habituelle serre n°1 – ils se dirigèrent cette fois vers le Saule Cogneur, près de la lisière de la Forêt Interdite. Emmitouflés dans leurs capes d'hiver, les élèves suivaient leur professeur en file indienne, trébuchant dans la neige qui leur arrivait aux genoux. Les derniers avaient plus de chance, suivant le sillon creusé par les premiers.
_ Par ici, rassemblez-vous, dit le professeur Chourave une fois tout le monde arrivé à quelques mètres du Saule. Ne vous approchez pas trop – voilà. Aujourd'hui, comme je vous avais averti la semaine dernière, nous allons observer le Saule Cogneur. J'espère que vous avez tous lu le petit paragraphe concernant cette sorte d'arbre dans l'annexe de votre Mille Herbes et Champignons Magiques. Voyons, qui peut me dire…
_ Professeur, s'écria Fleur Delaney, regardez ça !
En y regardant bien, on pouvait lire, gravé dans le bois du tronc en grandes lettres hâtives et maladroites " Gryffondor vaut de l'or ". Toute la classe éclata de rire, et Chourave devint aussi verte que le bonbon à la menthe de Peter.
_ Eh bien, je vais retirer dix points à Gryffondor pour ceci ! s'écria-t-elle quand elle eut retrouvé l'usage de la parole. C'est un scandale ! C'est monstrueux ! Faire une chose pareille à un jeune arbre sans défense…
_ Elle y va fort, chuchota Sirius à l'oreille de James. Ce Saule a au moins trois ans, et je peux te dire par les coups qu'il m'a donné que ce truc est loin d'être sans défense. Il m'a pratiquement arraché la tête.
_ Tais-toi, siffla James. Tu veux qu'elle nous enlève plus de points ?
_ Quoi, tu n'acceptes pas ta défaite, Jamsie ?
James l'ignora et regarda avec inquiétude Chourave faire le tour de l'arbre à pas précautionneux. Pourvu que ça s'arrête là, pensa-t-il, avant de maudire Sirius et son culot infernal.
Les Gryffondor n'avaient jamais vu leur professeur de Botanique dans un état pareil. Elle paraissait furieuse, marmonnant pour elle-même tandis qu'elle tournait autour du Saule pour l'inspecter, sans toutefois s'approcher trop.
Puis, alors qu'elle se retournait vers sa classe, les élèves la virent s'arrêter net, bouche bée, comme foudroyée le seul mouvement autour d'elle était le petit nuage de vapeur qui sortait de sa bouche légèrement ouverte. Ils la regardèrent sans comprendre. Seule Lily suivit son regard, et elle se figea également. Chourave se mit à courir dans leur direction, et les élèves se poussèrent pour la laisser passer elle les dépassa et continua de courir vers la lisière de la forêt, et une silhouette assise dans la neige qu'ils venaient d'apercevoir. Lily bondit sur ses pieds et la suivit contents d'avoir une occasion de bouger – ils commençaient à avoir sérieusement froid – les élèves les suivirent.
C'était Mondingus Fletcher.
Il était assis dans la neige, les lèvres bleues, les sourcils gelés, les vêtements trempés un air complètement perdu, comme absent, était inscrit sur son visage habituellement rieur. Ses yeux bruns regardaient lentement autour d'eux d'une manière à la fois fatiguée et machinale il avait perdu son chapeau de sorcier et la neige trempait ses cheveux sombres.
_ Fletcher ! s'exclama Chourave. Finnigan, ajouta-t-elle en se tournant vers Fergus qui était le plus proche, allez chercher l'infirmière. Qu'est-ce que vous faites ici, Fletcher ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
_ Il neige… Il neige déjà ?
Ce fut la seule réponse de Mondingus Chourave toucha son front, regarda ses yeux et eut l'air à la fois perplexe et presque effrayée :
_ On dirait qu'on lui a jeté un sortilège de Confusion, ou bien un Sortilège d'Amnésie… Qu'est-ce que…
Elle obligea Mondingus à se lever et à faire quelques pas, tout en lui frottant énergiquement le dos les premières années les regardaient d'un air effrayé. Sirius fronçait les sourcils, James avait l'air soucieux, ainsi que Remus et Lily qui s'inquiétaient sérieusement.
Madame Pomfresh arriva après quelques minutes elle inspecta Fletcher de ses yeux experts, puis fit apparaître un brancard sur lequel Chourave installa le garçon. Ensuite elle marmonna quelques mots, pointant sa baguette magique sur lui le givre fondit de ses sourcils et un peu de couleur revint dans ses joues blêmes.
Quand l'infirmière retourna vers le château, précédée du brancard, personne ne parla pendant quelques secondes, puis le professeur Chourave dit sur un signe de tête :
_ On repart à la serre n°1, tout le monde.
_ Mais qu'est-ce qui s'est passé ? chuchota James d'une voix rauque, une fois s'être un peu éloigné du groupe d'élèves. Sirius, assez pâle, secoua la tête :
_ J'en sais autant que toi. Donc rien du tout.
Il semblait sous le choc.
_ Il n'a pas passé la nuit dehors, quand même ? demanda Lily d'une petite voix.
_ Non, répondit Remus en ramenant sa cape un peu élimée autour de ses épaules, sinon il serait mort de froid.
_ Dans ce cas, où était-il ? Et qu'est-ce qui lui est arrivé, pour l'amour de Dieu ?
Tout ce que les trois garçons purent répondre à la question anxieuse de Lily fut un haussement d'épaules découragé. Ils n'en savaient absolument rien.
* * *
Tout Poudlard ne parla que de cette histoire pendant tout le reste de la journée, et même le jour suivant. Personne ne savait quoi que ce soit – une fois que Mondingus fut d'attaque, le professeur McGonagall et Albus Dumbledore en personne l'interrogèrent rien n'en sortit. Mondingus Fletcher ne se rappelait d'absolument rien de ce qui s'était passé, et même une potion de Vérité du professeur Walsh ne donna aucun résultat. Quelqu'un lui avait jeté un Sortilège d'Amnésie, et comme il n'y était pas allé de main morte, personne ne sut pourquoi, ni où il avait disparu, quand il était réapparu, ou ce qu'il faisait dehors si près de la Forêt Interdite.
Mondingus resta à l'infirmerie pendant une semaine, à se morfondre dans son lit. Il avait terriblement honte. Il faut dire que s'il adorait attirer l'attention de tout le monde, il détestait qu'on se moque de lui, et il avait l'impression que dès qu'il mettrait un pied dehors, l'école entière le montrerait du doigt en disant : " Eh, Fletch ! Alors, tu n'as rien oublié aujourd'hui ? " Et puis surtout, il avait le sentiment très désagréable de s'être complètement fait avoir, ce qui ne lui arrivait jamais d'ordinaire. Il fut d'une humeur massacrante pendant tout ce temps – même quand James, Sirius, Remus et Lily pointèrent un nez timide dans l'infirmerie. Il ne se dérida pas lorsque Lily lui souhaita bon rétablissement en souriant d'un air désolé mais gentil, ni lorsque James lui dit de ne pas s'en faire et que la légende était intacte, ni lorsque Remus lui demanda – pour lui faire plaisir – de l'aide pour une blague à Rogue, ni lorsque Sirius fit pensivement remarquer qu'il n'avait jamais été aussi célèbre qu'à cause de cette affaire… " Fletch " continua de bouder.
Cependant il ne put s'empêcher de hausser les sourcils d'un air incrédule quand la porte de l'infirmerie s'ouvrit pour laisser passer une jolie tête aux longs cheveux noirs qui ondulaient sagement sur les épaules, et deux yeux bleus qui scannèrent la pièce jusqu'à ce qu'ils trouvent ce qu'ils cherchaient :
_ Hé ?
_ Toi aussi, tu viens me consoler ? grommela Mondingus, secrètement ravi. Merci, j'ai eu assez de condoléances.
Véga entra complètement, ferma la porte et se planta devant son lit, les bras croisés :
_ Et puis quoi encore ? Tu es assez grand pour te débrouiller tout seul, et puis je n'ai pas que ça à faire, moi. Je venais voir si tu allais bien.
_ Bien sûr, fit Mondingus de son ton le plus sarcastique. J'ai perdu vingt-quatre heures sans savoir où elles sont passées, je me suis réveillé dans la neige sans savoir ni l'endroit où j'étais, ni le jour ou l'heure qu'il était, et maintenant je meurs de honte à l'infirmerie… tu te fiches de moi ?
Il y eut un petit silence, puis Véga dit avec son sourire le plus ironique :
_ Tu vas très bien. A la prochaine !
_ Attends ! s'écria Mondingus tandis qu'elle tournait les talons et s'éloignait d'un pas ferme. Je voulais pas t'enguirlander, c'est pas ça que je voulais dire…
_ Ah bon ? ironisa Véga, une main sur la poignée de la porte. Dommage, c'était très réussi. Ecoute, ajouta-t-elle d'un ton plus sérieux, je suis passée pour voir si tu t'en sortais bien, pas pour me faire engueuler, ni draguer, merci beaucoup. En plus je te signale que c'est bon pour un Serpentard d'avoir aussi peur pour sa réputation.
_ Pourquoi tu es venue me voir, alors ?
_ Je l'ai dit : je suis venue prendre de tes nouvelles. J'ai eu ma réponse : tu as repris ton sens de l'humour impossible en même temps que tes forces. Maintenant, salut !
_ Non, Véga ! Att…
Elle était déjà partie. Mondingus se renversa dans son lit en maugréant :
_ Mais quel imbécile, quel idiot, quel abruti… c'est pas possible…
Véga ne revint pas le voir – pour elle, sa mission était accomplie et s'arrêtait là. Quant à Mondingus, il revint en classe le lundi suivant contrairement à ce qu'il craignait, la majorité des élèves le laissa tranquille et personne ne se moqua de lui. Il y eut bien quelques ricanements chez les Serpentard mais après qu'il se soit faufilé dans leur salle commune pour quelques petites… mises au point, les Serpentard quelque soit l'année le laissèrent prudemment tranquille.
Les choses se calment vite à Poudlard quand il n'y a rien pour entretenir le feu mais de leur côté, notre " quatuor infernal " était loin d'oublier ce qui était arrivé à leur copain. Ils avançaient tout un tas de théories, toutes plus invraisemblables les unes que les autres, puis retombaient dans un silence découragé. Toujours rien.
Ils étaient tellement pris par cette affaire qu'ils en abandonnaient leurs blagues. James ensorcela bien le livre de Potions de Severus Rogue et y fit pousser quatre pattes – celui-ci courut après son bouquin pendant un bon moment – mais le cœur y était moins que d'ordinaire. En tous cas, ce petit incident innocent donna à Rogue une nouvelle raison de mettre en application le plan qu'il peaufinait depuis la disparition de Mondingus. Il suffisait de bien les observer, maintenant. Ensuite…
Après la mi-novembre, Véga glissa à James, Remus et Peter que la date d'anniversaire de son frère approchait et qu'il serait marrant de lui faire une blague pour fêter ses onze ans. Les trois garçons approuvèrent avec enthousiasme – ce serait une bonne récréation après avoir passé la moitié du mois à jouer aux détectives. Et puis, ils avaient peur de perdre la main.
Donc, lorsque Sirius se réveilla le matin de ses onze ans, il se retrouva non pas dans son lit chaud et douillet, dans son dortoir, mais assis dans un couloir sombre avec pour seule compagnie un tableau sur le mur, montrant un gros poney gris qui dormait debout et un petit chevalier qui lui criait :
_ Allons, allons, assez dormi, vil maraud ! Levez-vous et affrontez-moi comme un brave ! Vous avez violé mes terres, et vous allez payer cet affront de votre insigne vie !
_ Oh, la ferme, marmonna Sirius mal réveillé. Il se redressa péniblement – Dieu que le sol était dur et froid pour y dormir ! – et regarda autour de lui.
Il était dans un long couloir, rendu sombre par l'absence de soleil à travers les fenêtres, où on voyait une vague ligne grise indiquant que l'aube allait se lever le tableau du petit chevalier couvrait une grande partie du mur. Le bizarre personnage gesticulait en essayant de brandir une épée trop grande pour lui, et Sirius se demanda tout en frottant son cou endolori s'il n'allait pas tomber de son cheval.
_ Eh bien ? cria le chevalier d'une voix perçante. Seriez-vous trop lâche pour répondre à mon défi ? Maroufle ! Pendard !
Sirius ignora le déluge d'insultes qui suivit il commençait à comprendre. Apercevant un éclair dans le coin le plus éloigné du couloir, il s'approcha à pas de loup, et…
_ Aaah !
_ Aaah !
Le hurlement de James se mua en éclat de rire, auquel firent écho ceux de Remus et Peter. Sirius secoua la tête. Ils l'avaient bien eu.
_ Joyeux anniversaire, Sirius ! fit Remus d'une voix joyeuse. Tu t'y attendais pas, hein ?
_ Non, pas tellement. C'est Véga qui vous a mis au courant, j'imagine ?
_ Ouaip, fit James, qui riait toujours. Si tu avais vu ta tête quand tu t'es réveillé…
_ Et quand tu as hurlé !
_ Et quand le chevalier t'a provoqué en duel !
_ Tiens, d'ailleurs, fit Sirius en lorgnant du côté du chevalier qui semblait un peu déconcerté de la tournure des évènements, c'est qui, celui-là ?
_ Sir Catogan, expliqua James. Il garde la tour Nord. Tu te rappelles le premier soir, quand tu l'as envoyé paître et que Véga t'a enguirlandé ? C'était lui.
_ D'ailleurs j'ai toujours un compte à régler avec ce type, fit Sirius en jetant un regard noir à celui-ci.
_ Ca peut pas attendre ? Parce qu'on a faim, nous. En plus, fit Remus avec un sourire en coin, je ne veux pas te vexer, mais tu es sacrément lourd, même si on dirait que tu n'as que la peau sur les os. Surtout qu'il y a sept étages à monter jusqu'ici.
_ C'est bon, je vous suis.
Ils passèrent tout de même par leur dortoir – Sirius était toujours en pyjama, après tout. James trébucha à moitié sur quelque chose qu'il ne vit pas dans l'ombre ils descendirent ensuite dans la salle commune. Véga souhaita bon anniversaire à son frère avec un grand sourire, sans trop se préoccuper du regard noir qu'il lui lança. Sa bonne humeur revint néanmoins quand elle lui tendit tout un assortiment de confiseries qu'elle avait acheté durant sa dernière visite à Pré-au-Lard, le village de sorciers près d'ici où les élèves pouvaient aller dès leur troisième année. La confiserie, Honeydukes, était un vrai paradis pou les gourmands, où les amateurs de bonbons pouvaient trouver tout et n'importe quoi.
Mais la vraie surprise, ce fut Lucy, leur chouette, qui atterrit sur la table devant Sirius, manquant de peu son assiette de bacon, portant une enveloppe assez volumineuse. Jusque là, il avait peu utilisé la chouette, sauf – comme il l'avait promis – pour envoyer deux ou trois enveloppes " piégées " à son père, mais aussi des lettres un peu plus sérieuses où il racontait Poudlard, les professeurs – il avait fait un portrait saisissant de Binns et de ses cours soporifiques – et surtout les amis qu'il s'était fait à Poudlard. Posant sa fourchette, il détacha doucement l'enveloppe de la patte de Lucy qui s'envola avec un petit hululement de reproche, du genre " Vous êtes fous de me faire porter tout ça ! ". James le regarda d'un air curieux ouvrir l'enveloppe, jeter un coup d'œil à l'intérieur et réprimer à grand-peine un cri de joie.
Ce qu'il y avait à l'intérieur, pourtant, n'avait rien de si palpitant : c'étaient des vieilles feuilles de papier avec des lignes bizarres et ce qui ressemblait à des notes de musique. James avait déjà vu des partitions de musique, mais sur celles qu'il avait vues les notes ne restaient pas en place comme elles le faisaient sur celles-là ! Une vraie partition – une partition de sorcier – se recréait constamment, les notes se mêlaient et s'entremêlaient, elles vivaient et créaient elles-mêmes la musique…
_ Quoi ? demanda Sirius, remarquant l'air surpris de son ami. Tu n'as jamais vu de partition de guitare, ou quoi ?
_ Guitare ? Oh, non…
Véga leva les yeux au ciel et fit, dans un faux soupir de lassitude :
_ Ne me dis pas que P'pa t'a envoyé les feuillets que tu avais à la maison…
_ Ben si ! fit Sirius, ignorant le ton sarcastique de sa sœur et regardant les partitions l'une après l'autre. Toutes mes préférées – Like a rolling stone, et puis The sound of silence, Cecilia, Bridge over troubled water – et toutes celles des Beatles que je préfère… merci, P'pa ! Tiens, Something – celle-là tu vas l'adorer, Lily. Elle est jolie comme tout.
Tim Thomas réprima un petit rire.
_ Quoi ?
_ C'est les filles qui écoutent les Beatles, c'est pour les minettes, mais pas pour les garçons !
_ Depuis quand ? rétorqua Sirius, touché au point sensible. Je te signale que musicalement ils ont tout inspiré de la musique de maintenant…
Craignant sans doute une " dispute-discussion " comme Sirius savait bien en provoquer, surtout sur ce sujet, Mondingus lui demanda à l'oreille :
_ Et c'est quand, l'anniversaire de ta sœur ?
_ Quoi ? Ah, le 18 mai. Si on s'associait pour lui concocter une petite blague, histoire qu'elle ne me fasse pas le coup l'année prochaine… qu'est-ce que t'en dis ?
_ Ca marche !
La journée se passa tout à fat calmement, mais Sirius ne put pas échapper à la monumentale bataille de polochons que Remus déclencha dès qu'il eut mis un pied dans le dortoir. Si l'oreiller qu'il lança sur son ami en guise de déclaration de guerre fut d'une force terrible, la réponse le fut tout autant, et Remus bascula en arrière sous le choc. James se jeta dans la " bagarre ", et bientôt ce fut la guerre totale. Chacun pour soi. Peter essaya bien de se cacher derrière ses rideaux, mais James se jeta sur lui avec un cri sauvage et il fut bien obligé de saisir son propre oreiller pour se défendre.
Tous les quatre étaient à moitié aveuglés par les plumes qui volaient en tous sens, à moitié étouffés sous les oreillers et s'étranglaient positivement de rire – ils adoraient ça. Cette fois, néanmoins, Sirius commit une faute. Après un coup de polochon particulièrement violent de la part de James, il trébucha, essayant de garder son équilibre Remus, qui ne l'avait pas vu à travers les plumes, profita d'une brèche pour lancer un oreiller. Sirius chancela et s'abattit en arrière.
Bong !
La tête de Sirius résonna comme un tambour sur le bois de son lit à baldaquin et il ne bougea plus. Tout se figea : James, son oreiller à la main, Peter émergeant de derrière le lit, Remus devenu soudain plus pâle que les plumes de l'oreiller coupable, qui volaient encore à travers le dortoir – ces plumes restaient en suspension, comme soutenues par le silence qui s'était soudain abattu sur la petite pièce.
James lâcha soudain son oreiller, rompant l'immobilité du dortoir ; le cœur battant, il alla vers Sirius étendu au pied du lit sans mouvement. Il s'avança, et fit très doucement :
_ S… Sirius ?
Sirius se redressa brusquement, les yeux grand ouverts, l'air furieux. James poussa un énorme soupir de soulagement et Peter sortit complètement de derrière le lit, encore secoué. Quant à Remus, il ferma les yeux et se laissa carrément tomber assis par terre.
_ Vous êtes des malades, fit Sirius en se levant lentement, une main derrière la tête. J'ai vu trente-six chandelles, moi.
Puis il ajouta avec un grand sourire :
_ C'était intéressant. Quelqu'un veut tenter l'expérience ?
Remus secoua la tête en souriant. James regardait le pied du lit de Sirius, là où il s'était écroulé :
_ Eh ! C'est quoi, ce truc ?
_ Quel truc ?
James s'avança et s'accroupit au pied du lit. Intrigués, les trois autres s'approchèrent.
A cinq centimètres du sol environ, une petite plaque de bois dépassait de quelques millimètres, comme une porte minuscule. James avança le doigt et l'ouvrit avec beaucoup de précautions.
C'était une petite cachette, creusée dans le bois du lit. James, mû par la curiosité, y passa la main et en sortit quelque chose – un petit sac grand comme la paume de la main, cousu dans une peau bizarre.
_ Wow, chuchota Sirius. Je savais pas qu'il y avait des trésors dans les pieds de mon lit. C'est cool !
_ Qu'est-ce qu'il y a dans le sac, James ? murmura Remus.
James amena le petit sac dans la lumière, entre le lit de Sirius et le sien quand les quatre furent installés de manière à bien voir, il ouvrit le sac.
*~*~*
