Disclaimer : Presque tout ici appartient à JK Rowling.
Les Chroniques des Maraudeurs
Première année
Chapitre 8 : Découvertes et Disparitions
Lily fixa la table de nuit d'un air hébété pendant une bonne poignée de secondes, encore mal réveillée, se demandant si elle n'était pas encore au beau milieu d'un rêve. Ou plutôt d'un cauchemar. Comment un livre peut-il disparaître comme ça d'une table de nuit ? se demanda-t-elle, avant de réaliser la stupidité de cette pensée et de se frotter les yeux pour vérifier, encore une fois, la réalité de la situation. Hélas, quand elle rouvrit les yeux, La Lécanoncie, ou l'Art de la Divination par les Pierres Précieuses n'était toujours pas revenu à sa place. Il y a un sérieux problème.
Elle se secoua et sauta à bas de son lit. Tout était calme dans le dortoir il était tôt – normalement, encore trop tôt pour se réveiller –, ses camarades de chambre dormaient encore, et le soleil n'était pas encore levé. Sans bruit, Lily prit sa baguette, et commença à chercher partout – sous son lit, sous ceux des autres, sur toutes les tables de nuit, dans les placards – murmurant ça et là des Sortilèges Lumos et Alohomora… Elle aurait sûrement dû se sentir un peu coupable de fouiller comme ça dans les affaires des autres, mais l'inquiétude et les milliers de questions qu'elle se posait effaçaient facilement toute trace de culpabilité.
Elle ne trouva rien, et fut forcée de se rendre à l'évidence : le livre avait été emporté hors du dortoir. On l'avait tout simplement volé.
Lorsque Lily eut réalisé cela, un tas d'autres questions se ruèrent dans sa tête sans qu'elle puisse pour l'instant les démêler : Comment ? Qui ? Et surtout… pourquoi ? Quel était l'intérêt de voler un livre – de plus un livre qu'on pouvait emprunter à tout moment à la bibliothèque si on avait la patience d'attendre qu'il y soit rapporté… Ca n'avait pas de sens. Ou alors…
Ou alors il fallait absolument que le voleur obtienne ce livre, pensa Lily. C'était ce livre-là qui était important, et pas un autre… mais pour quoi faire, nom d'un chien ?
Elle s'était assise au bord de son lit et mâchouillait machinalement une mèche de cheveux roux sombres, sans pouvoir s'empêcher de penser que c'était de sa faute si leur livre le plus important s'était envolé. C'était elle qui avait insisté, hier soir, pour l'emporter dans son lit, et du coup les quatre autres n'avaient même pas eu le temps de l'ouvrir… Ils vont me tuer… Non, pire, ils ne vont plus jamais me faire confiance… Et Lily en était malade, rien qu'à cette pensée. James, Sirius, Remus et même Peter étaient devenus ses seuls vrais amis, les seuls sur qui compter quand elle avait un problème – ils le lui avaient répété assez souvent pour qu'elle le croie au contraire de l'école primaire, où elle avait Sandra, sa meilleure amie, pour se confier et se protéger l'une l'autre, Lily n'avait aucune " meilleure amie fille " à Poudlard, et si, comme elle en avait peur, les quatre garçons la rejetaient à cause de cette histoire, elle se retrouverait toute seule. Pas seule au premier degré, elle aurait toujours des " camarades de classe ", mais personne ne la soutiendrait comme ces quatre-là l'avaient soutenue…
Lily eut presque envie de pleurer tout d'un coup. Elle renifla et sortit ses cheveux de sa bouche, puis se pencha en avant pour attraper ses vêtements – de toute façon, elle ne pourrait jamais se rendormir. Quand elle eut enfilé sa robe noire, elle prit son sac et se leva pour descendre dans la salle commune sans réveiller personne, mais à ce moment-là elle entendit un mouvement dans le lit voisin : c'était Lisa, qui avait ouvert les rideaux et la contemplait avec deux yeux bruns endormis :
_ Eh ben, qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'as pas fait cette tête depuis que tu as raté ce devoir de Potions le mois dernier…
_ Boh, c'est rien, soupira Lily d'une voix un peu tremblante. Elle s'essuya le bout du nez sur la manche de sa robe de sorcière. Coup de blues. T'aurais pas vu mon bouquin, par hasard ?
_ Lequel ? Tu en avais deux hier.
_ Le plus gros – il n'est plus sur ma table de nuit. Un truc sur les pierres précieuses et la Divination, fit-elle d'un ton évasif. Lisa secoua la tête d'un air surpris – la Divination n'était au programme qu'à partir de la troisième année, qu'est-ce que Lily pouvait bien faire avec un truc pareil ? Lily haussa les épaules d'un air de dire que ce n'était pas grave, mais au fond d'elle-même elle aurait poussé un hurlement de désespoir. Lisa, ignorant totalement les problèmes de sa camarade de dortoir, se recoucha tranquillement et se rendormit aussitôt, trop heureuse de pouvoir profiter encore de la chaleur de son lit douillet.
Lily ferma la porte du dortoir doucement, avec précautions elle resta un moment sur le pas de la porte, son sac sur l'épaule, hésitante. Puis quelque chose lui traversa l'esprit et elle rouvrit la porte, courut presque vers son lit et retira les rouleaux de parchemin de dessous son oreiller elle les fourra dans son sac, ainsi que Joyaux et Légendes qu'elle avait bêtement oublié sur sa table de nuit dans son inquiétude. Son étourderie faillit la faire sourire, et en un éclair elle se retrouvait à nouveau devant la porte fermée de son dortoir.
Quand elle fut dans la salle commune, son premier réflexe fut de s'installer devant la cheminée mais elle se leva de son fauteuil brusquement et empoigna de nouveau son sac, une nouvelle idée lui ayant traversé l'esprit. Ses yeux se tournèrent vers la porte donnant sur l'escalier en spirale qui menait aux dortoirs des garçons, et elle hocha la tête avec un petit sourire. Après tout, pourquoi pas.
Elle marcha le long du couloir sur la pointe des pieds, ses chaussures à la main – elles faisaient un petit bruit sec à chaque pas, et Lily tenait à sa discrétion – vers la porte qu'elle cherchait quand elle l'eut atteinte, elle l'ouvrit doucement, et se faufila dans la pièce silencieuse.
Trois respirations paisibles s'élevaient régulièrement – ou presque, car d'après ce que Lily pouvait entendre, Sirius avait le hoquet. Peter ronflait doucement, et quand la jeune fille entrouvrit les rideaux, elle vit qu'il suçait le pouce et qu'il serrait son ours en peluche dans ses bras. Il était plutôt mignon dans son genre, et Lily réprima un petit rire pour ne pas troubler un sommeil si paisible. Elle alla sans bruit vers le lit de James et écarta doucement les rideaux.
Il avait l'air très jeune et complètement vulnérable sans ses lunettes, avec ses cheveux noirs et fous et ses yeux clos. Il fronçait les sourcils, et marmonnait dans son sommeil Lily crut qu'elle allait éclater de rire cette fois quand elle l'entendit murmurer distinctement :
_ Non, enlevez les patates, j'ai dit que je ne voulais pas chanter avec les gens à tête de tomate… allez, quoi, s'il vous plaît…
_ Euh… James ? chuchota Lily, au bord du fou rire. Elle se reprit en repensant au livre volé et chuchota encore :
_ James… réveille-toi, c'est important…
James ouvrit un œil endormi.
_ Ooh, les gens à tête de tomate sont déjà là…
_ Ne fais pas l'andouille, James, c'est moi, aboya Lily qui ne goûtait pas tellement la comparaison. Cette fois, James secoua la tête, et ouvrit grand les deux yeux, l'air paniqué et choqué :
_ Lily ?! Tu… mais… tu es une fille !!
_ Oh, très intelligente, ta remarque, dit la " fille " en question, d'un ton sarcastique. James devint très rouge :
_ Je… je suis en pyjama ! Et c'est un dortoir de garçons, je te signale !
Lily haussa les épaules :
_ J'ai un truc important à vous dire. Ca concerne ce bouquin sur les agates et la Divination.
_ Hic ! Et tu pouvais pas attendre une heure décente – hic ! – pour nous en parler ? grommela une voix étouffée venant du lit d'à côté. Sirius était réveillé, et son hoquet n'était apparemment toujours pas passé.
_ Qu'est-ce… qu'est-ce qu… ouille !
BOUM ! Peter venait de tomber de son lit à force de tendre le cou pour mieux entendre. Quand il vit Lily près du lit de James, il devint tout rouge et attrapa sa robe de chambre qui traînait par là – les petits nuages bleus et blancs de son pyjama devaient être pour quelque chose dans sa pudeur soudaine. Sirius enfila carrément sa cape par-dessus son pyjama et sauta sur le lit de James qui n'eut que le temps de replier ses jambes avec un cri de protestation :
_ Sirius ! T'es pas léger, nom d'un chien !
Trouvant l'idée bonne, Lily avait rejoint Sirius, et le temps que Peter s'installe également sur le lit du malheureux James qui ne pouvait que se faire une raison, elle commença à leur expliquer l'affaire.
* * *
_ Comment ça, " disparu " ?
_ Volé, si tu préfère. On nous a volé le bouquin. Parce que tu ne l'as pas retrouvé, hein Lily ? J'imagine qu'il n'était nulle part ailleurs ?
Lily baissa l'oreille et fit " Non… " d'une petite voix. James et Sirius froncèrent les sourcils. Lily s'attendit au pire.
_ Ce que je comprends pas, fit James après une seconde qui parut une éternité à la jeune fille, c'est pourquoi quelqu'un se donnerait autant de mal pour voler un vieux bouquin qui n'avait presque jamais bougé de la bibliothèque jusque là.
Lily releva un peu la tête, osant à peine y croire. Sirius, assis en tailleur à côté d'elle, fourra son menton dans sa main d'un air songeur.
_ T'as pas tort, Jamsie. Et c'est bizarre que ce soit ce livre précis à ce moment précis. Vous savez quoi ? Moi je crois qu'il y a quelqu'un dans l'école qui veut nous empêcher de découvrir certains trucs.
_ Tu crois, Sirius ? demanda Peter, haussant les sourcils d'un air incrédule. Et qui, à ton avis, et pourquoi ?
_ Qui, j'en sais rien, je ne suis pas devin, moi… Pour le " pourquoi ", par contre, je peux expliquer – d'abord ces pas, dans le couloir des cuisines – je me demande toujours qui c'était, et comment il ou elle a fait pour arriver juste devant nous sans qu'on le voie. Deuzio, comme a dit Jamsie, c'est bizarre que ce soit au moment où Remus le déterre pour nous de dessous la tonne de poussière de la bibliothèque qu'on se le fasse voler.
Lily sursauta :
_ Sirius, est-ce que tu es en train de dire que… que le voleur pourrait être Remus ?
_ Non, répondit immédiatement Sirius d'un ton définitif. Il ne faisait pas semblant, hier soir – si on ne l'avait pas amené à l'infirmerie il serait tombé dans les pommes quelques minutes après. En plus, ce bouquin ne lui est d'aucune utilité particulière. Et puis…
Sirius baissa un peu la voix, relevant la tête pour regarder tout le monde dans les yeux l'un après l'autre :
_ Et puis j'ai confiance en Remus. Il ne ferait pas ça.
James hocha simplement la tête, et Lily sourit, immensément soulagée au fond d'elle-même qu'aucun des garçons ne la blâme pour s'être fait voler le livre. Restait la question de savoir qui avait commis le larcin, et surtout pourquoi. Elle était un peu tentée de croire la théorie un peu dingue de Sirius – que quelqu'un veuille les empêcher d'en savoir plus, le vol du livre pouvant constituer une sorte d'avertissement – mais vraiment c'était trop gros. Elle se força à se rappeler qu'elle était à Poudlard ici, pas dans un film de James Bond – et que Sirius était un gars qui avait une sacrée imagination.
_ Seulement, continua Sirius, je vais sûrement me répéter, mais pourquoi s'intéresser à ce bouquin juste quand il refait surface ? Il doit y avoir quelque chose de vraiment important dedans, et c'est pour ça qu'on nous l'a volé – pour ne pas qu'on le découvre.
Peter eut l'air dubitatif. James fronça légèrement les sourcils :
_ Sirius, je crois que tu as un petit peu trop d'imagination. Tu parles comme si on avait un ennemi mortel et diabolique, à l'intérieur du château, tout prêt à nous attirer dans un piège… Tu veux que je te dise ? Tu es parano.
_ C'est pas la première fois qu'on dit ça, marmonna Peter.
_ En plus, fit remarquer Lily, si vraiment ce bouquin était si important ou si dangereux que ça, il serait dans la Réserve de la bibliothèque, pour que les élèves ne l'empruntent pas.
_ Hm, fit James. Pas si le genre d'informations qu'il contient ne peut nuire qu'à une seule personne, ou un tout petit groupe.
_ Surtout que jusqu'ici, il était suffisamment protégé par la couche de poussière – sans parler de son titre. C'était quoi, déjà, Lil' ?
_ La Lécanoncie, ou l'Art de la Divination par les Pierres Précieuses, récita-t-elle d'une traite.
_ Voilà. Il fallait un vrai rat de bibliothèque comme Remus pour chercher un livre pareil – c'est vrai, quoi, franchement tout le monde s'en fiche un peu, de la Lécanomanancie. Même les septièmes années ne l'ont pas au programme, je parie.
_ Lécanoncie, Sirius.
_ Si tu veux, Lil'.
_ Qu'est-ce qu'on fait, alors ? demanda Peter.
_ On passe par l'infirmerie voir comment va Remus, décida James, et ensuite…
Il eut un haussement d'épaules découragé, indiquant qu'il n'en savait rien. Ce fut à ce moment que Lily se rappela quelque chose :
_ Mais quelle imbécile ! s'exclama-t-elle en se frappant le front.
_ C'est pas le côté le plus flagrant de ta personnalité, ironisa Sirius, tandis que Lily se penchait et attrapait son sac qui traînait par terre à côté du lit. Ignorant Sirius, elle fouilla un petit moment dans son sac et sortit les deux ou trois rouleaux de parchemin qui contenaient ses notes sur les agates. Les yeux vert sombre de James s'allumèrent :
_ Tu avais pris des notes ?
_ Ben oui, fit Lily comme si c'était évident. Attends, là c'est Joyaux et Légendes… Ah, voilà.
_ Tes notes sur la Laquémonancie ?
_ Lécanoncie, Sirius.
_ Peu importe. C'est ça ?
_ Oui – mais j'ai peur qu'il n'y en ait pas beaucoup qui puisse nous aider – je ne suis allée qu'à la moitié, ce bouquin était drôlement épais et il était tard.
_ C'est pas grave, Lil', fit James d'une voix rassurante. C'est déjà pas si mal… Alors ? Qu'est-ce que tu as ?
_ Euh… ah, voilà, j'en étais là. L'avant-dernière phrase – " …agates ont servi également à la Divination… deux agates précises mises l'une à côté de l'autre en pendentif sont supposées révéler la cachette de l'Œil de l'Aigle (voir chapitre 14)… " L'Œil de l'Aigle, bien sûr, j'avais oublié…
_ On est vraiment obligé d'écouter le cours d'histoire ?
_ Oui, Sirius.
_ Alors vas-y.
_ Bon. Alors vous vous rappelez le cours d'Histoire de la Magie sur les joyaux ensorcelés ? Maximilien Fersen, le roi de Finlande, et tout ?
_ Vaguement.
_ Fersen était un Mage Noir finnois, au XIVème siècle. Il vivait dans un château réputé inaccessible, et tous ceux qui s'en approchaient disparaissaient sans laisser de traces. Seulement un jour, c'est le propre cousin du roi de Finlande qui a disparu – il devait chasser un peu trop près des terres de Fersen et Fersen l'avait enlevé pour ses expériences de Magie Noire, il était célèbre pour ça mais comme tout le monde avait peur, personne ne lui disait rien. Seulement, là le roi s'est mis en tête de délivrer son cousin et de faire un exemple de Fersen – le jeter en pâture à un Suédois à museau court, ou peut-être un Norvégien à crête (on disait qu'il élevait des dragons) – pour décourager les autres Mages Noirs. Et Fersen, sans bouger de son château, a fait se déchaîner un orage tellement violent que toute l'armée du roi s'est retrouvée engloutie dans un ravin puis il a emmené le roi dans son château. Le roi est revenu tout seul à sa court quelques jours après, l'air d'avoir croisé le chemin d'un Détraqueur – ce qu'il avait vu l'avait rendu fou.
_ Elle est gaie, ton histoire. Mais dis-moi, c'est quoi le rapport avec les joyaux ensorcelés ?
_ Ce n'est que bien après qu'on a su comment Fersen faisait pour toujours arriver à se préparer si tôt à toutes les attaques organisées contre lui, comment il a su des heures et même peut-être des jours avant que le roi lançait son armée contre lui. Il détenait une pierre – une aigue-marine, c'est une pierre précieuse bleu turquoise, très belle – appelée l'Œil de l'Aigle, qui permettait de prévoir le futur proche, et donc de changer le cours des choses ; autant dire que Fersen était invincible. Quand il voyait qu'il allait être attaqué, il n'avait qu'à lever sa propre armée et tendre une embuscade à son adversaire – il gagnait toujours.
" Quand il est mort, l'Œil est revenu à son fils, mais il était loin d'avoir la connaissance de son père en matière de Magie Noire, et en plus c'était un piètre stratège. Il fut vite vaincu, au cours d'une bataille durant laquelle l'Œil de l'Aigle disparut…
_ Et on a une idée de ce qui lui est arrivé ? demanda Sirius, qui malgré ses réticences du début s'était laissé fasciner par l'histoire de Lily. Il avait toujours son menton dans sa main et ses yeux brillaient.
_ C'est vrai, fit James en bougeant légèrement – il commençait à avoir des crampes. Je ne crois pas que Binns en ait parlé, pendant le cours…
_ Il faut dire que tu n'était pas vraiment passionné par la leçon ce jour-là…, rigola Lily, mais tu as raison, Binns n'en a pas parlé, parce que les faits historiques s'arrêtent là. La légende dit que le vieux serviteur du château de Fersen connaissait autant la Magie Noire que son ancien maître, et que c'est lui qui a emporté la pierre… mais je me méfie de ces légendes, elles ont toujours tendance à tout mettre sur le dos des domestiques.
_ Et bien sûr, ce mystérieux serviteur n'avait pas de nom…
_ Oh, si il en avait un – je l'ai retenu parce qu'il m'a frappé. Il s'appelait Balthus Adamas.
James haussa les sourcils :
_ C'est quoi, déjà, le prénom de Adams ?
Lily se mit à rire :
_ Voilà, c'est pour ça que je l'ai retenu – leurs noms se ressemblent tellement que moi aussi je me suis demandée si le fameux Adamas n'était pas un lointain parent de notre concierge… Non, Adams s'appelle Brutus, et en plus je vous signale que j'ai vu une gravure d'époque du domestique : Balthus Adamas était petit, frêle, avec des cheveux blonds presque blancs et des yeux vert pâle. Rien à voir avec Adams. Désolée de vous décevoir, ajouta-t-elle avec un sourire.
Sirius, apparemment déçu, haussa les épaules. James fit en direction de Lily :
_ C'est une histoire géniale, Lily, mais enfin quel rapport avec les agates ? Tu as bien dit que l'Œil de l'Aigle était une aigue-machin, non ?
_ Une aigue-marine, James… Oui, mais La Lécanoncie disait que " deux agates précises mises l'une à côté de l'autre en pendentif sont supposées révéler la cachette de l'Œil de l'Aigle… " Deux petites agates, l'une blanc veinée de noir qu'on appelait le Matin, et l'autre noire veinée de blanc, le Soir. Apparemment, il fallait les monter en pendentif toutes les deux l'une à côté de l'autre, et… attendez une minute… " …le porteur du Soir et du Matin regardera dans la "surface qui réfléchit sans toutefois penser" qui devra se trouver près de lui… " C'est là que j'ai arrêté d'écrire, soupira Lily en refermant le rouleau de parchemin. J'avais mal à la tête à force de réfléchir et je me suis dit que ça aurait peut-être plus clair demain.
_ C'est déjà pas mal, fit James gentiment.
_ La " surface qui réfléchit sans toutefois penser " ? fit Peter en fronçant le nez. Qu'est-ce que c'est, à votre avis ?
_ C'est Remus qui est bon pour les devinettes de ce genre, fit remarquer Sirius. On pourrait aller le lui demander.
_ On se débrouillera pour aller à l'infirmerie cet après-midi pour lui apporter les devoirs, dit James. Et Lily, tu apporteras tes rouleaux de parchemin. Peut-être qu'il aura une idée.
Lily baissa le nez d'un air piteux.
_ Si seulement je ne m'étais pas fait voler ce bouquin si bêtement… Remus ne va pas être content. C'est lui qui l'avait trouvé, en plus…
_ Eh, arrête, tu veux ? lança Sirius d'un ton léger. A t'entendre, on croirait que tu te l'es fait voler exprès. C'est pas le cas, non ?
_ Ben, non, mais…
_ Alors l'affaire est close, Lily, fit James.
_ Mais oui, on trouvera autre chose, dit Peter en se levant du lit. James poussa un soupir de soulagement – il pouvait enfin étendre un peu ses jambes. Lily eut également l'air soulagée, mais pas pour les mêmes raisons.
_ Merci, les garçons. Vous êtes les meilleurs.
_ Oh, ça on le sait, fit Sirius avec un sourire exaspérant. Hein, Jamsie ?
Et il frappa dans la main de son copain. Peter eut un petit rire et Lily leva les yeux au ciel.
* * *
Au petit déjeuner, ils parlèrent de tout et de rien Véga avait remarqué l'absence de Remus, et ne manqua pas d'en demander la cause à ses amis :
_ Qu'est-ce qui lui est arrivé ? Il lui est forcément arrivé quelque chose, vous êtes toujours fourrés ensemble, tous les cinq.
_ Il est malade, fit Lily. La grippe, on croit.
_ Normal, il fait de plus en plus froid.
_ Ouais, intervint Fergus, d'ailleurs ils feraient mieux de faire quelque chose pour les cachots. On crève de froid dans la salle de Potions.
Emilie Emungo, sixième année et batteur de réserve dans l'équipe de Quidditch, approuva vigoureusement de la tête en reniflant. Elle s'enrhumait toujours dès la mi-novembre passée. Aymeric Peppery, assis à côté d'elle, lui tendit un mouchoir qu'elle prit avec un regard reconnaissant.
_ Tu ferais mieux d'aller voir Madame Pomfresh, Emilie, conseilla Frank Londubat. Le match contre les Poufsouffle est dans une semaine, et si jamais George se blesse comme la dernière fois…
_ Ca n'arrivera pas, Frank, assura un grand garçon brun de septième année avec le nez cassé et des cicatrices sur les pommettes et le menton.
_ J'espère bien ! J'ose espérer que notre jeu sera acceptable, cette année, grommela une voix de fille à l'autre bout de la table. Et non pas calamiteux comme l'année dernière. Et l'année précédente. Et aussi, je pense, les autres années précédentes…
_ Myrtille ! dit Aymeric d'un ton désapprobateur. Tu ne peux que déstabiliser les joueurs en disant des choses pareilles…
Myrtille Laforêt haussa les épaules et se retourna vers son assiette de bacon en marmonnant quelque chose d'inaudible à propos de joueurs inefficaces, jamais concentrés, ni suffisamment motivés. Car Myrtille Laforêt, aussi bizarre que cela puisse paraître, était l'entraîneur de l'équipe de Quidditch de Gryffondor. Ou plutôt avait été. Car cette année, les professeurs avaient décidé de supprimer le poste d'entraîneur, laissant à leurs capitaines respectifs le soin d'encourager et d'entraîner les équipes. Myrtille avait déjà assisté à un échec dans sa première année elle était entrée dans l'équipe l'année suivante, et, douée d'un sens de tactique et d'une autorité sans pareille, elle avait accédé au poste d'entraîneur dans la même année malheureusement, elle avait été incapable de mener son équipe à la victoire et avait quitté l'équipe au début de cette année.
_ Les éléments étaient contre elle, termina Frank, racontant l'affaire à Fergus Finnigan qui buvait ses paroles en bon fan de Quidditch qu'il était, ainsi qu'à James et Sirius, intéressés par l'histoire. Je crois que si on lui avait vraiment donné sa chance elle aurait mené Gryffondor au moins à la deuxième place – mais comme elle était très jeune, personne ne l'a prise au sérieux, et on s'est écrasés lamentablement comme les autres années.
_ Tout le monde sait que Gryffondor a la poisse collée aux balais, fit Mondingus en haussant les épaules. Ce n'est pas maintenant que ça va changer.
_ La poisse ?
James avait l'air perplexe.
_ Oui, la poisse, soupira Horace Hopdragon, un des Poursuiveurs, lui aussi de septième année. L'année dernière notre Attrapeur avait le rhume des foins pour la finale, il a laissé filer le Vif d'Or sous son nez et l'Attrapeur de Serdaigle, Prewett, en a profité, bien sûr… et puis il y a eu la fois où notre Gardien Nestor Iapafottot a pris de loin un Cognard pour le Souaffle et s'est jeté au-devant pour l'arrêter…
Lily fit une grimace.
_ Il en porte encore les traces, le pauvre.
Peter jeta les yeux sur un garçon de dix-sept ans, l'air rêveur et presque absent, avec des cheveux blonds et des lunettes, et vit qu'il avait en effet des marques rondes, vaguement rouges, sur la peau juste en face des verres. Je ne jouerai jamais au Quidditch, jura Peter pour lui-même, effrayé.
_ Et encore, termina Horace, ce n'est qu'un échantillon. Chaque année il se passe quelque chose, à tous les matchs.
_ Si seulement les profs n'avaient pas pris cette décision idiote… fit de nouveau la voix de Myrtille à l'autre bout de la table. On aurait peut-être pu faire quelque chose pour Gryffondor.
_ Elle est toujours comme ça ? chuchota Sirius à Frank en se penchant d'un air de conspirateur. Frank lui répondit sur le même ton :
_ Non, seulement avant un match – et cela même si on ne joue pas.
_ Mais toi, Frank, tu n'es pas dans l'équipe ? demanda James.
_ Non, j'ai un peu de mal à rester stable sur un balai. Mais j'adore les règles, ça me passionne.
Vu le hochement de tête enthousiaste de Fergus Finnigan, il comprenait totalement. Véga termina son bol de porridge et fit d'un ton définitif :
_ Je ne comprendrai jamais ce qu'il y a de si passionnant à se lancer une balle en cuir en essayant de ne pas tomber de son balai. Voler me donne mal au cœur.
_ C'est vrai ? demanda Lisa Dodger, sincèrement surprise. Moi j'adore ça, on se sent tellement libre sur un balai… C'est génial de voler !
_ Peu importe. En tout cas, Si, j'aimerais autant que tu ne te présentes pas l'année prochaine, ou après. Je ne veux pas avoir à écrire à P'pa pour lui dire que tu t'es cassé les deux jambes en tombant de ton balai.
_ Je ne tombe jamais de mon balai, Véga, rétorqua Sirius vertement. James eut l'impression que son ami aurait soudain tout donné pour intégrer l'équipe rien que pour contrarier sa sœur… Véga jeta un regard noir à son frère avant de se lever de table et de partir vers le grand escalier de marbre.
_ Complètement dingue, marmonna Sirius en la suivant du regard. Comme si j'allais m'amuser à tomber de mon balai… bien sûr, c'est toujours de moi que viennent les problèmes, elle il ne lui arrive jamais rien… Des fois je la déteste.
_ Mais non, Sirius, fit Lily avec un sourire, tu ne détestes pas ta sœur.
_ Ca c'est ce que tu crois.
_ Ca se voit que tu n'as pas vu la mienne.
Sirius haussa les sourcils et regarda Lily :
_ T'as une sœur, toi ? Comment elle est ?
_ Je te l'avais déjà dit – tu n'écoutes jamais quand on te parle ! s'exclama Lily en fronçant les sourcils. Oui, j'ai une sœur, elle s'appelle Pétunia et c'est mon plus gros problème dans la vie – à part ce devoir de Défense contre les Forces du Mal qu'on a à faire pour la semaine prochaine. Ca te va ?
_ Vous avez de la chance d'avoir quelqu'un, au moins, fit James. Moi j'ai personne avec qui me disputer, vous pouvez pas savoir à quel point c'est ennuyeux quelques fois d'être fils unique.
_ Eh ben si tu veux échanger avec moi, grommela Sirius en se resservant de la confiture de fraise, c'est quand tu veux. Véga me rend fou.
* * *
Madame Pomfresh ne les laissa pas entrer dans l'infirmerie après le petit déjeuner, et ils durent aller en cours de Métamorphoses sans aucune nouvelles de Remus. Bizarrement, le professeur McGonagall, toujours prompte à mettre le doigt sur tout ce qui était inhabituel, sembla ne pas remarquer son absence, et fit cours sans rien demander à son sujet. James fut surpris.
La matinée, puis le repas de midi passèrent – et toujours aucun moyen de franchir le barrage humain que constituait l'infirmière.
_ Ca doit être vraiment grave, gémit Lily alors qu'ils se dirigeaient vers les serres de Botanique. Les autres fois, elle nous a laissé entrer le lendemain…
_ Lily, il a la grippe, fit remarquer Sirius. Un, c'est contagieux. Deux, ça t'assomme complètement, et trois tout ce dont tu as envie c'est de rester au lit et qu'on te laisse mourir en paix… eh Peter, je rigole !
_ C'est pas drôle, Sirius, bredouilla Peter qui était devenu plus blanc qu'un morceau de parchemin. James était partagé entre l'amusement et une légère inquiétude.
_ Peter ? Pourquoi tu as l'air aussi terrifié ? demanda Martin Riley qui passait à côté d'eux, l'air curieux.
_ Je m'amuse à lui faire peur, railla Sirius. C'est tellement facile… allez, ne te fâche pas, Peter ! s'exclama-t-il en frappant amicalement sur l'épaule grassouillette. Je disais ça pour rigoler, je te jure !
Peter grimaça un sourire. Il n'appréciait pas outre mesure l'humour un peu… spécial de Sirius.
Le professeur Chourave gardait toujours une légère rancune aux Gryffondor depuis l'incident du Saule Cogneur bien sûr, étant quelqu'un d'honnête et juste – elle n'était pas la directrice de Poufsouffle pour rien – elle ne les défavorisait jamais, mais gardait une certaine retenue avec eux. Ce jour-là, néanmoins, elle semblait d'humeur égale et les accueillit avec le grand sourire qu'elle réservait habituellement aux autres maisons.
_ Suivez-moi, je vous prie, en file indienne.
Les élèves suivirent leur professeur dans la lumière timide et froide, caractéristique de l'hiver, jusqu'à la deuxième serre.
_ Bien, aujourd'hui nous allons étudier les Mordants. Quelqu'un peut-il me dire ce que sont les Mordants ?
Sirius leva la main. Chourave haussa les sourcils.
_ Oui, Black ?
_ Du lierre rampant, un peu marron, avec des grandes canines qui mangent les petits enfants.
Il y eut quelques rires. Peter eut l'air excédé.
_ Arrête de me faire peur ! chuchota-t-il, l'air à la fois furieux et inquiet.
_ La première partie était exacte, soupira Chourave, jusqu'aux enfants. Cinq points pour Gryffondor. Les leçons de cette semaine seront donc consacrées aux Mordants, à leur mode de vie et leur alimentation. Nous allons élever ces plantes, et il vous faudra savoir ce qu'elles mangent… Qui peut répondre à cette question ? Zig ?
_ Elles sont carnivores, murmura Zoé en baissant les yeux.
_ C'est exact, mais rassurez-vous, aucun de vous ne sera sacrifié et donné en pâture aux Mordants. Nous allons les nourrir avec ceci.
Et Chourave leur montra du doigt des paniers à rebords fermés, dont s'échappait une odeur incertaine. Fleur, Zoé et Lisa se regardèrent, puis déglutirent avec difficulté. Cette leçon n'allait pas être facile.
En effet, il y avait des petits animaux morts dans les paniers, et malgré l'Enchantement Etouffe-odeur que Chourave avait placé dessus, ce n'était pas une vue ragoûtante. Il fallait s'approcher suffisamment des Mordants pour pouvoir leur tendre leur repas et reculer le plus vite possible. Même si ces plantes étaient encore jeunes, leurs dents étaient tranchantes, et les gants en peau de dragon se révélèrent très efficaces.
Cependant, ces gants ne couvraient que la main, et tout l'avant-bras restait sans aucune autre protection que l'uniforme et ce que l'élève portait dessous. Quelques vingt minutes après le début du cours, James tendait un écureuil mort vers le mur couvert de Mordants qui rampaient vers le plafond, quand un Mordant qui se trouvait à sa droite tendit rapidement le " cou " et le mordit dans le tendre de l'avant-bras.
_ Aïe !
James fit un bond en arrière. Les dents du Mordant avaient transpercé sa robe de sorcier et le pull-over qu'il portait en dessous c'était comme si douzaine d'aiguilles s'étaient tout d'un coup plantées dans sa chair, et du sang commençait à tacher le noir de sa robe.
Lily devint très pâle tout d'un coup, et Sirius se jeta en avant en braillant :
_ James ! Qu'est-ce que ce truc t'a fait ?
_ C'est rien, Sirius, fit James, qui ne pouvait s'empêcher de sourire devant l'air paniqué de Sirius qui avait l'air si assuré quelques minutes avant. Je me suis fait mordre.
_ Faites-moi voir ça, fit le professeur Chourave elle s'avança et prit doucement le bras de James. Hm. Il vaut mieux que vous alliez voir l'infirmière, Potter.
James prit son sac de sa main gauche Sirius demanda :
_ Est-ce que je peux l'accompagner à l'infirmerie, professeur ?
_ Je crois que c'est inutile, Black, fit Chourave d'une voix rassurante. Elle prit une plume un peu cassée dans sa poche et un morceau de parchemin sur lequel elle inscrit quelques mots.
_ Potter connaît le chemin – n'est-ce pas ?
_ Oui, professeur, fit James, légèrement déçu que Sirius ne vienne pas avec lui – ils auraient pu faire une surprise à Remus.
Quand il sortit de la serre, il entendit Sirius ricaner gentiment dans son dos :
_ Oui, professeur. Veinard, va.
James se retourna : Sirius lui souriait largement. James sortit en secouant la tête, réprimant un petit rire.
Il traversa le parc la neige glacée craquait sous ses pieds. La douleur dans son bras droit était assez vive, mais avoir enfin une excuse pour passer à l'infirmerie et voir comment allait Remus la lui fit oublier pour un moment.
Les couloirs étaient complètement déserts lorsqu'il poussa la porte pour rentrer dans le château. Il n'osait faire aucun bruit tandis qu'il marchait le long des murs de pierre, presque intimidé par la hauteur du plafond et surtout par le silence qui régnait à l'intérieur. Il faisait plus chaud à mesure que James déambulait dans les couloirs, et de la buée commençait à envahir les verres de ses lunettes. Arrivé à quelques mètres de la porte de l'infirmerie, il s'arrêta un instant pour les essuyer – et c'est là qu'il entendit les voix.
Deux voix, pas plus fortes que des murmures, qui venaient de l'intérieur de l'infirmerie, étouffées presque complètement par la largeur des murs et de l'épaisse porte en frêne. James n'avait pu les entendre que parce qu'il était resté près de cette porte sans faire aucun bruit. Il ne comprenait pas ce qui se disait, mais en s'approchant un peu, il reconnut les voix des deux personnes qui parlaient. Madame Pomfresh, et Remus.
James hésita. Que faire ? Frapper à la porte et interrompre la conversation ? Attendre un moment et frapper plus tard ? Ou bien…
Finalement, James céda à la curiosité et colla son oreille contre la porte. En écoutant attentivement, il pouvait comprendre le gros de la conversation. Si ma mère me voyait, elle pousserait des hauts cris, pensa-t-il avec un petit rire silencieux. Son petit garçon chéri écoutant aux portes. Oh combien choquant.
_ Franchement, Lupin, vous auriez pu trouver autre chose !
D'après sa voix, l'infirmière semblait partagée entre la colère et l'inquiétude.
_ Je n'avais pas le choix, madame.
_ Bien sûr que si, vous aviez le choix ! Vous auriez pu mentir, dire n'importe quoi mais pas faire ça !
_ J'avais déjà vu pratiquer ce sortilège, il n'est pas si difficile à accomplir quand on s'applique…
_ Ce sortilège est beaucoup trop compliqué pour un apprenti sorcier de première année. Je vous interdit formellement de l'essayer à nouveau – en tout cas pas avant que vous n'ayez passé vos BUSE. Vous n'avez que onze ans, pour l'amour du ciel ! Un seul faux pas et on vous aurait amené ici dans un comma profond ! Vous savez ce que ça signifie ?
_ Mais ça a marché, non ?
La voix de Remus, bien que faible, semblait presque pleine d'espoir.
_ Vous avez une fièvre de cheval, une mine épouvantable et vous allez garder le lit pendant au moins une semaine – je pense pouvoir vous dire que effectivement, " ça a marché ". Mais ne vous avisez pas de recommencer, Lupin.
_ Mais la prochaine fois je pourrais y aller moins fort…
_ Vous êtes sourd ? Il n'en est pas question ! J'ai pratiquement dû vous porter hier soir et ce matin, vous étiez un vrai désastre. La prochaine fois, comme vous dites, dites simplement que votre mère est malade et que vous allez la voir ! Et n'essayez pas de jouer les héros en vous jetant un sortilège puissant dont je suis complètement abasourdie qu'il ne vous ait pas tout bonnement tué ! Maintenant buvez ça.
_ Mais…
_ Plus un mot ! Vous vous êtes bien débrouillé jusqu'ici, que cela continue, c'est tout. Mais si j'apprend que vous avez encore utilisé un sortilège quelconque pour expliquer votre absence, j'en fait part au directeur. Point final !
Les voix tombèrent, et James n'entendit plus rien. Il colla son oreille à la porte, dévoré de questions et de curiosité. Il en avait presque oublié la douleur de son bras qui, d'ailleurs, ne saignait presque plus. Le sang battait à ses oreilles et les questions se bousculaient dans sa tête – qu'est-ce que tout cela voulait dire ?
Il sursauta en entendant des pas rapides approcher de la porte à l'intérieur de la pièce. James s'éloigna de quelques pas, puis marcha d'un pas normal vers la porte de frêne. Il frappa deux ou trois coups, et après quelques secondes, la porte de l'infirmerie s'ouvrit sur une Madame Pomfresh qui fronçait toujours les sourcils.
_ Potter ? Qu'est-ce qui se passe ? Si c'est pour voir votre ami, il dort. Laissez-le se reposer, il en a besoin.
_ Non, je me suis fait mordre en cours de Botanique.
_ Pardon ?
Devant l'air surpris de l'infirmière, James lui tendit le mot de Chourave elle le prit, y jeta un coup d'œil ainsi qu'à James et dit :
_ Suivez-moi.
Aussitôt entré dans l'infirmerie, James regarda alentours pour apercevoir Remus, mais ne le vit pas. Un rideau tiré autour d'un lit dans un coin lui fit comprendre que son ami dormait, comme l'infirmière le lui avait dit.
James était déjà entré dans l'infirmerie auparavant c'était une grande pièce aux murs de pierre claire, avec des lits tous alignés et des lavabos de la même pierre que les murs avec des gargouilles pour robinets – les yeux rouges pour l'eau chaude, bleus pour l'eau froide. Une porte au fond à gauche devait mener au bureau de l'infirmière. Malgré la taille de la pièce, il régnait une chaleur tout à fait acceptable.
Madame Pomfresh l'installa sur un lit et il enleva sa robe de sorcier et son pull pour qu'elle l'examine. L'entaille faisait deux ou trois pouces, mais elle n'était pas très profonde l'infirmière passa un chiffon trempé dans une potion jaune à la forte odeur de poivre pour la nettoyer, puis s'éloigna pour prendre quelque chose sur une étagère dans le fond de la pièce. Ce qui donna à James le temps de se tourner vers le rideau fermé, quelques lits plus loin, et de chuchoter :
_ Remus ? Rem', tu m'entends ? Remus !
Aucune réponse ne parvint de derrière le rideau James, qui s'y attendait, supposa qu'on avait dû lui donner une Solution Soporifique pour le garder endormi. C'était presque bien comme ça – James avait tant de questions en tête qu'il ne savait pas du tout par où commencer. Pendant que Madame Pomfresh prenait sa baguette et refermait l'entaille – ça tiraillait un peu – il réfléchissait à la meilleure question à poser. Et pendant que l'infirmière frottait son bras redevenu intact avec une espèce de poudre violette qui sentait la menthe, il choisissait une de ces questions et la tournait et la retournait dans sa tête, sans pour autant trouver la réponse –
Pourquoi Remus s'était-il jeté un sortilège pour se rendre malade ?
* * *
Madame Pomfresh garda James pendant une demi-heure à l'infirmerie la potion au poivre qu'elle avait utilisé pour endormir l'endroit avait failli l'endormir pour de bon, malgré la poudre violette pour masquer l'odeur. Allongé tout habillé sur son lit en attendant que le vertige passe, James essayait de réfléchir. Ce qu'il venait d'entendre le rendait complètement perplexe.
Ainsi il avait eu raison – Remus leur avait menti. Il leur avait menti pendant trois mois, disant qu'il allait voir sa mère malade – ce qui était faux. C'était lui qui était malade. Sinon, pourquoi Madame Pomfresh semblait-elle au courant de tout ? "Vous vous êtes bien débrouillé jusqu'ici, que cela continue…" "La prochaine fois, comme vous dites, dites simplement que votre mère est malade et que vous allez la voir…" elle était au courant, c'est sûr. Quoique puisse être son mensonge, elle le couvrait. Pourquoi, sinon pour le protéger ?
Mais le protéger de quoi ?
De nous, pensa aussitôt James, comme en réponse. Pour qu'on ne connaisse pas son secret. Mais il pourrait partager ce secret avec nous, non ? On est ses amis !
Ses amis… James ne savait plus quoi penser. Est-ce que Remus les considérait vraiment comme des vrais amis, Sirius, Lily, Peter et lui ? Il ne lui avait jamais posé la question, au fond. Trop personnelle. Ils ne se connaissaient que depuis trois mois, après tout mais James osait espérer qu'avec les frayeurs qu'ils avaient vécues ensemble, les blagues qu'ils avaient concoctées ensemble et les questions qu'ils s'étaient posées ensemble, ils avaient créé quelque chose de spécial… D'un autre côté, ils ne savaient pas grand-chose de vraiment personnel les uns sur les autres la question des frères et sœurs, par exemple, n'avait été abordée que rarement, et ce surtout entre Lily et Sirius – à propos des grandes sœurs. Remus n'avait pas ouvert la bouche durant toute la conversation, répondant à James qui lui demandait la raison de son silence qu'il n'avait rien à dire sur le sujet, et ce avec le léger sourire qui était sa marque de fabrique. James en avait déduit qu'il devait être fils unique c'était son cas ainsi que celui de Peter, mais cela ne les avait pas empêché d'exprimer leur opinion, et tous deux ne s'en étaient pas privé. Mais de Remus, pas un mot. Il était juste resté assis dans son fauteuil de la salle commune, jetant parfois quelques coups d'œil au-dessus de son livre sur les dragons de Grande-Bretagne, faisant partie du groupe mais comme à l'écart de la conversation.
Ce n'était pas comme si les autres se racontaient beaucoup, cependant il n'était jamais venu à l'esprit de James de parler de la froideur de son père ou de l'amour parfois étouffant de sa mère, et il était pratiquement sûr d'avoir été le seul à qui Sirius avait confié un de ses souvenirs d'enfance. C'était probablement mieux comme ça – chacun devait avoir son jardin secret à préserver pour qu'un groupe d'amis s'entende bien.
Mais là maintenant, cela n'avait rien à voir avec un " jardin secret " puisqu'il s'agissait de quelque chose d'aussi grave que la santé de l'un d'entre eux. Et sous l'espèce de colère que James ressentait envers Remus pour ne leur avoir rien dit, perçait un peu de remord. Après tout, les problèmes personnels de son ami ne le regardaient pas, et s'il ne voulait pas leur en parler c'était sa décision à lui. James n'avait pas à attendre de Remus qu'il leur dise tout, surtout si son problème était sérieux et aussi personnel.
N'empêche, il aurait pu… dire quelque chose, n'importe quoi…
Plus James essayait de raisonner aussi sérieusement et raisonnablement que possible, plus le sentiment un peu amer d'avoir été trahi se précisait. Il savait que c'était idiot, que Remus n'avait pas à leur rendre des comptes, mais pour une fois que James avait ce qu'il pouvait appeler des vrais amis, il aurait voulu tout leur dire et qu'ils lui disent tout… comme font les vrais amis.
Il ne se rendait simplement pas compte qu'il était encore un peu tôt pour la confiance absolue, et qu'il faut un peu plus que trois mois de blagues pour bâtir une vraie amitié.
Après tout, James n'avait que onze ans.
* * *
L'infirmière laissa partir James deux minutes avant la fin du cours de Botanique il décida d'aller à la salle commune pour attendre les autres. Il allait rentrer par le trou du portrait de la grosse dame quand il entendit une voix essoufflée derrière lui :
_ Jamsie ! James !
C'était Sirius qui courait, son sac sur l'épaule. Lily et Peter suivaient derrière. James se retourna avec un grand sourire.
_ Ca va, Jamsie ? souffla Sirius en arrivant à sa hauteur. Comment va ton bras ?
_ Tout va bien, Madame Pomfresh m'a soigné ça en deux minutes, mais elle m'a gardé parce que sa Solution Soporifique m'a donné le vertige pendant trois quarts d'heure.
_ Tu as vu Remus ? demanda Lily d'un ton presque inquiet.
James ne répondit pas tout de suite : il ne savait pas s'il devait leur faire part de ce qu'il avait entendu dans le couloir ou non.
_ Oui, finit-il par dire, mais il dormait. Madame Pomfresh a dit qu'il lui fallait pas mal de repos.
_ Oh.
Sirius avait l'air déçu.
_ Tu n'as rien manqué aujourd'hui, dit-il ensuite en dépassant James et en allant vers le portrait. Chourave a seulement donné le paragraphe 16, page 20 à lire pour la prochaine fois. Méduse, dit-il à la grosse dame. Le tableau pivota pour les laisser passer.
Une fois installé dans un fauteuil avec ses Mille Herbes et Champignons Magiques ouvert à la page 20, James essaya de se concentrer sur les Mordants et leurs habitudes alimentaires – sans y parvenir. Toutes ses pensées revenaient à Remus et à la conversation qu'il avait entendue en écoutant à la porte. Que pouvait-il avoir de si grave ? Pourquoi ne leur avait-il rien dit ?
James poussa un soupir exaspéré et ferma le livre d'un geste sec. Aucune de ses questions n'obtiendrait de réponse s'il continuait tout seul. Il fallait qu'il en parle à quelqu'un. Il leva les yeux de son livre et jeta un coup d'œil à la salle commune. Lily aidait Peter à finir un devoir d'Histoire de la Magie sur les découvertes magiques du VIIIème siècle et Sirius disputait une Bataille Explosive avec Mondingus Fletcher.
Pourquoi pas ?… James se demandait comment il le prendrait s'il lui en parlait Sirius était imprévisible. Il pouvait se moquer de lui, il pouvait hausser les épaules, il pouvait rire de son inquiétude… quoique… James se rappela soudain de l'expression grave que son visage avait pris pour un instant après qu'il lui ait parlé de sa mère, et demandé de ne rien dire à personne. Les yeux bleus de Sirius, si clairs, n'avaient jamais paru plus expressifs qu'alors, plus graves, ni plus confiants. Cela avait été fugace, mais avait marqué la mémoire de James qui n'y était pas habitué. James hocha la tête. Il avait pris sa décision.
Il rangea son livre dans son sac et se leva de son fauteuil, juste quand le portrait s'ouvrait pour laisser passer Véga qui semblait un peu agacée elle claqua presque la porte de la salle commune alors que la grosse dame criait :
_ Eh, faites un peu attention, jeune fille !
_ Problèmes, Véga ? demanda James d'un air curieux. Véga secoua la tête :
_ Non, pas vraiment. Juste Amos qui insistait pour me raccompagner à la porte de la salle commune. Il m'a suivie pendant tout l'après-midi, j'ai dû lui dire que j'avais un devoir de Potions à rendre pour demain pour qu'il me lâche.
_ Pourquoi tu ne lui dis pas en face qu'il t'embête ? fit James. La jeune fille eut l'air piteux :
_ Je n'en ai pas le cœur… il ne fait rien de mal, après tout, ce n'est pas sa faute s'il est comme il est.
James secoua la tête.
_ Tu avais le cran de gifler le père de Rosier au Chemin de Traverse, et tu as peur de dire à Diggory qu'il t'énerve ? Je ne te comprends pas.
_ Ce n'était pas pareil, il avait dit quelque chose de Sirius qui… enfin bon, c'est pas grave je trouverai un moyen, ne t'en fais pas, sourit Véga, qui rajusta la bretelle de son sac à dos et passa à côté de lui. Juste quand elle le dépassait, James dit :
_ Tu n'as qu'à… je ne sais pas, moi, dis-lui que tu as déjà quelqu'un !
Véga s'arrêta, puis se retourna à demi :
_ J'y penserai, dit-elle. Et elle alla s'asseoir à une table de la salle commune.
James se retourna vers Sirius quand il fut derrière lui, il chuchota :
_ Faut que je te parle.
_ Plus tard, Jamsie, fit Sirius d'une voix excitée. Je suis en train de mettre la pâtée de sa vie à Mondingus – tu ne l'as pas vue venir, celle-là, hein Fletch !
Mondingus fit une grimace. James posa sa main sur l'épaule de Sirius et murmura encore :
_ S'il te plaît, c'est important.
Sirius leva des yeux étonnés vers son ami voyant son expression, il abattit ses deux dernières cartes avec un de ses sourires de loup :
_ Et voilà, Fletch – une reine et un as. Je gagnais de toutes façons.
Avant de suivre James qui montait les escaliers vers leur dortoir. Arrivés en haut, James ferma la porte Sirius s'adossa au mur, un air curieux peint sur son visage rieur :
_ Alors, Jamsie ? Qu'est-ce qu'il y a de si grave ?
_ Euh…
Par quoi je commence ?
_ …C'est Remus.
Et James raconta à Sirius la conversation qu'il avait entendue tandis qu'il attendait dans le couloir, entre leur ami et l'infirmière. A la fin, Sirius avait l'air tout aussi perplexe que James lui-même, ce qui le rassura un peu. Maintenant ils étaient deux à se poser les mêmes questions.
_ Alors… Remus s'est jeté un sortilège ? Pour avoir la grippe ? fit Sirius après un moment de silence. James hocha la tête. Whoa. Ca c'est bizarre. Il devait avoir vraiment peur de ce devoir d'Astronomie.
_ Sirius…
_ Je rigole ! Non, il doit y avoir quelque chose d'autre, c'est sûr. Quelque chose d'important. Sinon il ne comploterait pas comme ça avec l'infirmière.
_ Je suis heureux de te l'entendre dire, marmonna James. Puis il ajouta avec une touche d'espoir :
_ T'aurais pas une idée ?
Sirius secoua la tête, fronçant les sourcils.
_ Pour l'instant, pas la moindre. Mais ça ne veut pas dire que je n'en aurai pas plus tard. Je vais y réfléchir sérieusement, Jamsie. J'avais depuis longtemps l'idée qu'il nous cachait quelque chose, mais… je ne pensais pas que ça aurait l'air aussi grave.
_ Tu… tu es inquiet ?
_ Hé, bien sûr que je suis inquiet ! C'est de Remus qu'il s'agit – le gars qui nous a sauvé la mise plus d'une fois – et puis je l'aime bien, moi.
Un petit silence suivit les mots de Sirius puis il regarda James droit dans les yeux et fit d'un ton sérieux :
_ Il faudra le lui demander, James. On lui demandera et on verra s'il nous répond – il pourra très bien ne pas le faire, mais ça on verra aussi.
James hocha la tête, heureux que ce soit Sirius qui ait exprimé cette opinion. Lui-même avait tourné et retourné la question dans sa tête, sans pouvoir se décider.
_ Et… s'il ne répond pas, justement ? Qu'est-ce qu'on fait ?
_ On ne lui pose plus de questions, soupira Sirius, avant d'ajouter, avec un sourire bien à lui :
_ …Mais on n'arrête pas pour autant de se poser des questions – et de chercher des réponses.
_ Quoi ? sursauta James. Tu veux dire… l'espionner, ou un truc comme ça ?
_ Ben, oui, fit Sirius d'un ton neutre. Mais attention – je veux dire amicalement, pas comme s'il était l'Ennemi n°1 – eh, il reste quand même notre pote !
_ Mais il ne va pas se vexer ?
_ Ca, on le verra quand on sera confronté à l'événement. Remarque, il peut aussi nous dire la vérité !
_ Ou nous mentir, fit remarquer James, en repensant aux talents de Remus dans ce domaine. Dis-moi Sirius – on en parle aux autres ? Lily, et Peter ?
Sirius réfléchit un instant, puis secoua la tête :
_ Non, tant qu'on n'est sûrs de rien il vaut mieux garder ça pour nous. Peut-être même qu'ils n'ont rien remarqué.
_ Pour Lily, pas sûr. Elle est très maligne.
_ Je n'ai jamais dit le contraire.
Sirius s'approcha de James qui s'était assis sur son lit, et regardait fixement devant lui.
_ Eh, fit-il d'une voix rassurante, on trouvera. Un de ces quatre, on trouvera ce qu'il a.
Puis il alla vers la porte. Juste avant de passer le seuil, il se retourna à demi et dit sur un ton rigolard :
_ Tu es conscient que tout cela ne nous regarde en aucune façon, d'ailleurs ?
James releva brusquement la tête vers la porte. Mais Sirius était déjà parti.
* * *
Remus revint en classe une semaine et demie après, l'air toujours fatigué mais tranquillement joyeux comme d'habitude. Il n'avait vraiment manqué aucun cours – ses quatre amis s'étaient arrangés pour lui faire passer les leçons importantes, et même le devoir surprise de Potions que le professeur Walsh avait préparé pour le début décembre ne le prit pas en traître. McGonagall demandait régulièrement de ses nouvelles, et sembla contente de le voir à nouveau dans sa classe. Sirius fêta l'occasion en chantonnant sur l'air de " Lady Madonna " des Beatles pendant toute l'heure de Métamorphoses et fit perdre cinq points à Gryffondor.
A la demande de Remus quand il revint, James et Sirius racontèrent le match de Quidditch que Gryffondor avait joué deux ou trois jours auparavant – leur maison s'en était tirée à peu près honorablement, restant à égalité avec Poufsouffle jusqu'à ce que l'Attrapeur de Gryffondor, Archibald Finch, remarque le Vif d'Or malheureusement ses robes de Quidditch étaient bien trop grandes pour lui, il l'avait manqué de quelques centimètres et la petite balle dorée s'était glissée dans sa manche droite pour ressortir par sa manche gauche. Les Gryffondor avaient crié victoire trop vite. Et l'affaire avait aidé l'Attrapeur de Poufsouffle, Aidan McMillan, à repérer le Vif. Il s'en été emparé et le jeu s'était terminé par une belle victoire des Poufsouffle. Fergus Finnigan ne décolérait pas contre le pauvre Archibald, malgré les tentatives de Martin Riley et des autres pour le calmer. L'amour du Quidditch de Fergus finit même par le pousser à proposer à Archie de lui confier ses robes pendant les vacances de Noël, pour que sa mère les reprise.
_ Il ne lui a pas proposé de les repriser lui-même ? demanda Remus en riant. Lily fit un grand sourire dans sa direction, et répondit dans un murmure de conspirateur :
_ Oh, mais si. Seulement, il ne veut pas que ça se sache.
Et ils avaient tous éclaté de rire.
* * *
Les jours passèrent sans que James et Sirius aient une chance de parler à Remus seuls à seul. En attendant, ils rongeaient leur frein, se disant qu'après tout, ce n'était pas si important que ça sans se convaincre ni l'un l'autre ni même eux-mêmes. Apparemment, ni Lily ni Peter n'avaient rien remarqué à propos de Remus, en tous cas aucun des deux n'en avait fait la remarque. Sirius disait que Lily était trop occupée dans ses bouquins et que Peter était trop occupé à voir Rogue et Adams dans tous les coins sombres pour remarquer quoi que ce soit.
Et puis, il y avait leur agate. Cette fameuse agate qu'ils avaient découvert dans une cachette si bizarre, et dont ils n'avaient toujours pas trouvé ce qu'elle faisait là. Bien sûr il y avait eu l'histoire que Lily avait racontée aux garçons (c'était la deuxième chose qu'elle avait dit à Remus, juste après " On a volé la Lécanoncie ! ") à propos de Fersen, d'Adamas, de l'Œil de l'Aigle et des agates qui permettaient de le trouver. L'idée de Remus à propos de " la surface qui réfléchit sans toutefois penser " avait été toute simple. Il était en effet bon à ce genre de devinettes, comme avait dit Sirius.
_ …Et alors on s'est dit que tu aurais peut-être une idée sur la question.
Remus prit le rouleau de parchemin couvert de l'écriture hâtive de Lily, et fronça les sourcils. Quand il releva la tête, ses yeux étaient rieurs :
_ Et vous n'avez pas trouvé ?
_ Hein ? fit Sirius. Désolé, non. On a le droit d'être idiots ?
_ Arrête, Sirius, vous n'êtes pas idiots… seulement c'est vrai que ça me semble assez simple.
_ Et ce serait quoi, d'après toi ? demanda James en remontant ses lunettes sur son nez. Remus sourit.
_ Vous en connaissez beaucoup, vous, des surfaces qui réfléchissent ?
Lily avait froncé les sourcils en regardant le plafond. Puis elle avait ouvert la bouche, les yeux ronds :
_ Oh, Remus… ce ne serait pas… un miroir ?
_ Un miroir ?
Peter était perplexe.
_ Un miroir réfléchit ton image – mais il ne pense pas par lui-même…
_ Bravo, Lily. C'est aussi ce à quoi je pensais.
_ Je n'arrive pas à croire que je n'y ai pas pensé toute seule. C'est idiot, non ?
_ Mais non…
Donc, d'après cette théorie, il fallait porter les deux fameuses agates – le Soir et le Matin – ensemble sur le même collier, tout en regardant dans un miroir – ou dans une flaque d'eau, n'importe quoi qui te renvoie un reflet – pour connaître enfin la cachette de l'Œil de l'Aigle. Cela les avançaient bien. Tout n'était que de la théorie, et en plus ne les concernait pas – sauf si, comme l'avait suggéré Sirius, celui qui avait volé le livre sur la Liquémomacie – " "Lécanoncie, Sirius" – "Peu importe, Lily" " l'avait fait à dessein particulier. Ce qui restait encore à prouver.
Quant aux blagues, elles devenaient de plus en plus dures à bien accomplir il était difficile de rôder dans le château la nuit, à découvert, et James en venait à vraiment souhaiter avoir quelque chose qui permette de circuler partout sans être remarqué. Severus Rogue n'avait rien tenté contre eux depuis un bon moment, et cela devenait inquiétant de le voir déambuler dans les couloirs en les fixant avec un sourire rusé et méchant.
_ Je suis prêt à parier qu'il a quelque chose sur le feu, avait dit Sirius une fois en le croisant dans un couloir. Il a l'air trop tranquille pour être honnête.
James, Remus, Lily et Peter avaient été d'accord avec lui restait à demeurer sur ses gardes et le surveiller de près. L'union fait la force, comme on dit.
Du coup, James et Sirius avaient de quoi occuper leurs journées, entre espionner Rogue et observer discrètement Remus en attendant d'avoir une occasion de lui parler seul à seul. Ils finirent par l'avoir, au début de la deuxième semaine de décembre Lily aidait Peter avec un devoir d'Enchantements dans la salle commune, et il suffit d'un seul coup d'œil échangé entre James et Sirius pour dire " On y va ? "
_ Rem' ? On peut te dire un mot, s'il te plaît ?
Remus leva la tête de ses cours de Défense contre les Forces du Mal et dit avec un sourire :
_ Allez-y, j'écoute.
_ Ben… Plutôt seul à seuls.
Remus eut l'air un peu étonné, mais il se contenta de hausser les épaules et de ranger les rouleaux de parchemin dans son sac, après quoi il suivit ses deux amis en haut de l'escalier. Arrivé le dernier dans le dortoir, James ferma la porte puis il se tourna vers Sirius qui s'était adossé à son lit, ainsi que vers Remus qui préparait ses affaires de classe pour le lendemain.
_ Remus, faudrait qu'on parle.
_ De quoi ? demanda calmement Remus en s'asseyant sur son lit. James vint s'asseoir en face de lui, sur le lit de Sirius.
_ Remus, commença celui-ci d'un ton beaucoup plus grave que d'habitude, on sait que tu n'es pas allé voir ta mère il y a deux mois, ni le mois dernier.
James crut voir Remus pâlir légèrement. Il les fixait toujours néanmoins, de son regard bleu gris qui ne cillait pas.
_ Et puis surtout, continua Sirius, on sait que tu t'es jeté un sortilège pour te rendre malade la dernière fois, et que ce n'était pas tout à fait ce qu'on apprend dans la classe de Flitwick. Et que tu aurais pu y rester, dit-t-il ensuite, la voix soudain un peu rauque.
Remus ne dit rien pendant un petit moment puis il demanda, d'une voix toujours très calme :
_ Comment vous savez ça ?
_ Je me suis fait mordre par un Mordant le lendemain, et Chourave m'a envoyé à l'infirmerie, répondit James. J'ai entendu une conversation quand j'étais dans le couloir – et j'ai compris ce que vous disiez, toi et Madame Pomfresh. Je ne l'ai pas fait exprès, ajouta-t-il rapidement. Remus secoua la tête, et demanda :
_ A qui vous l'avez dit ?
_ A personne, répondit Sirius. On voulait d'abord te demander ce que tu avais vraiment.
Cette fois, James fut sûr d'avoir vu Remus pâlir réellement.
_ Et voir si tu nous répondrais, termina James. Remus le regarda avec une sorte d'espoir dans les yeux :
_ Je peux ne pas répondre ?
Sirius et James se regardèrent, puis James fit :
_ Oui, mais… ce serait mieux que tu nous le dises… c'est vrai quoi, on s'inquiète – chaque fois on dirait qu'il ne te reste pas un mois à vivre… enfin, euh…
Il s'interrompit avec l'impression d'être parfaitement stupide. Même Sirius lui jeta un regard en coin assez ironique. Mais Remus retrouva son sourire à lui, en même temps qu'un peu de couleur sur ses joues :
_ C'est vrai ? Alors c'est pour ça – vous êtes inquiets – franchement, c'est sympa de votre part.
Il passa une main dans ses cheveux brun clair qui lui tombaient sur les yeux et eut une petite grimace :
_ Si ça ne vous fait rien, je préfère ne pas répondre.
Sirius ne put retenir un soupir déçu. Remus se mit à rire :
_ Mais je peux vous rassurer de suite, je compte bien rester en vie, même si je n'en ai pas l'air – je vais bien.
_ Tu es sûr ? fit Sirius rapidement. Parce que si on peut t'aider, de quelque manière que ce soit…
Mais Remus secoua la tête, sans se départir de son léger sourire :
_ Je ne crois pas, non. Maintenant j'aimerais qu'on n'aborde plus le sujet, s'il vous plaît.
_ Bien sûr, Rem', murmura James. Sirius hocha la tête. Remus se leva de son lit et prit une de ses plumes dans son sac :
_ A tout à l'heure, j'ai promis de prêter une plume à Zoé, elle a encore cassé la sienne.
Il s'arrêta un instant, un sourcil haussé, l'air un peu perplexe :
_ J'ai l'impression qu'elle casse pas mal de ses plumes, d'ailleurs… faudra que je demande à ma mère de m'en envoyer, mon stock s'épuise à force de lui en passer…
_ Demande à Véga, elle ira en acheter la prochaine fois qu'elle ira à Pré-au-Lard, fit Sirius avec un clin d'œil à James qui cacha son sourire. Elle t'aime bien, elle sera enchantée de te rendre ce service.
Remus eut un sourire distrait, dit merci à Sirius et ouvrit la porte du dortoir ; cependant, il s'arrêta sur le seuil, et regarda intensément ses deux amis :
_ Merci, dit-il d'un ton grave, à voix basse. C'est vraiment génial d'avoir des copains aussi compréhensifs que vous deux. Vraiment, je vous remercie.
Il les regardait tous deux dans les yeux l'un après l'autre, et James finit par baisser les yeux et marmonner un " De rien " embarrassé. Quand Remus fut parti, il se tourna vers Sirius qui se mordait la lèvre.
_ Alors ? On fait comme on a dit ?
_ Définitivement, dit Sirius en fronçant les sourcils. Bien que ça ne m'enchante pas tellement…
_ Il nous fait confiance, Sirius, dit James à voix basse. Comment on va pouvoir faire ça ?
_ Hé, c'est pas comme si on allait commettre un crime ! On va juste le surveiller un peu, c'est tout. Si ça se trouve, ce qu'il a est vraiment grave mais il est simplement trop poli pour nous le dire, ou alors il a peur.
_ N'empêche que je déteste ça.
_ Moi aussi, Jamsie, et pas qu'un peu ! Mais tu as envie de savoir ce qu'il a, ou pas ?
_ Oui, mais…
_ Alors c'est tout ! Quand on trouvera, on ne le dira à personne et on gardera son secret – jusqu'à la mort s'il le faut, dit Sirius d'un air solennel.
_ Il faut toujours que tu en fasses trop, marmonna James qui ne put s'empêcher un sourire.
* * *
Pendant tout le mois de décembre, James et Sirius observèrent attentivement Remus, mais sans remarquer de changements. Remus restait Remus – le seul pratiquement à rester éveillé en Histoire de la Magie et en Défense contre les Forces du Mal, celui qui félicitait James et Sirius quand ils recevaient les meilleures notes en Métamorphoses, Enchantements, Potions et autres, au grand dam de Lily qui travaillait dur pour n'obtenir que la troisième ou quatrième place, et qui devenait folle quand ces deux flemmards qui semblaient ne jamais ouvrir leurs livres lui soufflaient les premières places sous le nez – rien ne changeait. Côté santé, rien non plus : il avait l'air tout à fait en forme, mis à part les cernes continuelles qui soulignaient ses yeux. Mais ça, leur avait-il dit, c'était depuis toujours, et il les considérait comme normales.
James avait beau réfléchir, discuter avec Sirius, il ne voyait pas de raison à ses absences bizarres. Peut-être était-ce un truc de Moldus ? Après tout, Remus connaissait pas mal de choses qui étaient totalement inconnues à James ou Peter mais qui craquaient l'étincelle chez Lily ou Sirius. Mais d'après ce dernier qui, s'il n'était pas tout à fait ce qu'on peut appeler d'origine Moldue savait beaucoup plus de choses sur eux que James, il n'existait pas de maladie pareille.
_ Il y a bien Véga qui devient bizarre pendant quelques jours tous les mois à la même époque, dit-il un jour d'un air songeur, mais je crois que c'est juste un truc de filles. Je veux dire, ma mère et elle pouvaient en parler pendant des heures en nous fermant la porte au nez, mon père et moi. J'ai jamais compris pourquoi, d'ailleurs.
* * *
Les vacances de Noël approchaient lentement, mais sûrement cela devenait même un des seuls sujets de conversations dans les couloirs où personne ne s'attardait longtemps à cause des courants d'air glacial. Dave Goujon, de Poufsouffle, dit un jour en cours de Botanique à Lily que Chourave était passée en classe de Métamorphoses pour prendre les noms de ceux qui resteraient à Poudlard il ajouta fièrement qu'il avait été l'un des premiers à s'inscrire, car on parlait déjà d'un défi entre différents élèves de Poudlard concernant le Saule Cogneur. Bien sûr, Sirius et James dressèrent l'oreille, et naturellement promirent leur participation. Lily soupira d'un air résigné. Elle se demandait ce que pouvait être la nature exacte de ce " défi ", mais aurait parié son coffre tout neuf à la banque Gringotts qu'il s'agissait de quelque chose de dangereux.
Ce fut à peu près ce qu'essaya de leur dire Remus le lendemain, en cours de Potions ils préparaient un Remède Refroidissant, ce qui n'était pas une partie de plaisir dans le cachot glacial. Le professeur Walsh, emmitouflée dans une cape dont le col remontait jusqu'au bout de son menton pointu, semblait les narguer, assise à son bureau.
_ Elle n'est pas humaine, c'est moi qui vous le dis, chuchota Sirius, retirant un instant ses gants en peau de dragon pour souffler dans ses doigts. On crève de froid et elle nous fait préparer un Remède Refroidissant. Comme si on en avait besoin.
_ Non vraiment James, j'insiste, disait Remus entre deux claquements de dents. Vous devriez faire attention – c'est vicieux, un Saule Cogneur. Un de mes voisins en avait un dans son jardin, il l'a élevé et tout, et en réponse, le Saule lui a arraché le poignet droit. Et personne n'a pu le lui recoudre – maintenant il se balade avec une fausse main – les Moldus appellent ça une " prothèse ", je crois.
James frissonna un instant, mais c'était plus de froid que de peur. L'idée était plutôt excitante, et un peu de danger ne pouvait qu'ajouter à la gloire d'avoir réussi à toucher le fameux Saule Cogneur devant tout le monde.
_ Sirius, c'est bien " prothèse " le mot exact ?
Sirius se tourna vers eux, les sourcils froncés, les yeux interrogateurs :
_ Dites, vous croyez qu'elle se reflète dans les miroirs, au moins ?
Il suivait toujours son cheminement de pensées. Lily se mit à rire, mais fut interrompue par un coup frappé à la porte. Walsh fronça les sourcils, et dit " Entrez " d'une voix impatiente. Le professeur McGonagall entra dans le cachot d'un pas rapide.
_ Minerva, dit Walsh de sa voix froide en la saluant d'un signe de tête. Pourquoi venez-vous interrompre ma classe ?
_ Je viens prendre les noms des Gryffondor qui resteront pendant les vacances de Noël, répondit McGonagall, très calme. Si vous voulez bien m'accorder quelques minutes, ce ne sera pas long.
_ Ne pouvez-vous pas faire cela plus tard ?
Le ton de Walsh aurait suffit à transformer un thé chaud en boisson glacée. McGonagall soutint son regard, et répondit avec un peu d'impatience dans la voix :
_ Je préfère le faire maintenant. Avez-vous une objection à cela, Rowena ?
Les petits yeux perçants de Walsh restèrent fixés sur McGonagall, comme si elle la jaugeait du regard puis elle alla s'asseoir à son bureau et dit d'une voix encore plus glaciale encore, si c'était possible :
_ Faites vite, je vous prie. Je ne veux pas prendre de retard par votre faute.
Le professeur McGonagall s'avança vers les Gryffondor et sortit un long rouleau de parchemin de sa robe de sorcière, ainsi qu'une longue plume d'aigle elle appela " Sirius Black ! " et Sirius répondit presque immédiatement :
_ Je reste, M'dame !
Son visage rayonnait il avait l'air d'avoir adoré la confrontation entre les deux professeurs, et semblait tout heureux de l'issue de celle-ci. Il faut dire que malgré ses " Lady Minerva " et autres légers sarcasmes, il préférait nettement McGonagall à Walsh.
Fleur Delaney retournait chez elle pour les vacances, ainsi que Charlie McKinnon, les deux jumelles Scott, Zoé Zig, William Wilson et Martin Riley. Fergus Finnigan restait à Poudlard (James suspectait que cela avait quelque chose à voir avec le Quidditch, ou bien avec ce fameux défi concernant le Saule Cogneur), ainsi que Lisa Dodger, qui d'après Lily, voulait garder un œil méfiant sur Tim Thomas qui avait manifesté beaucoup d'enthousiasme à la mention du Saule. Des cinq amis, Peter était le seul à retourner chez lui pour les vacances il avait le mal du pays et sa mère lui manquait. Ce ne fut pas sans un petit pincement au cœur que Lily dit " Je reste " quand McGonagall appela son nom, mais elle le refoula à la pensée qu'elle passerait Noël avec ses trois meilleurs amis. James, quant à lui, avait immédiatement répondu " Je reste ", heureux d'échapper à l'interminable repas de Noël façon Manoir Potter, où il était assis à une immense table avec ses parents à chaque extrémités, et où personne ne parlait sinon pour demander un morceau de dinde. Ici, au moins, il y aurait de la chaleur humaine. Remus restait également à Poudlard, et il ne paraissait pas aussi enchanté que James et Sirius Lily alla le voir à la fin de la classe, et lui demanda ce qui n'allait pas.
_ Tu aurais pu rentrer chez toi, lui dit-elle gentiment. Pourquoi tu tiens à rester si tu préfères être avec ta mère ?
_ Oh, ce n'est pas ça, répondit immédiatement Remus, avant d'ajouter avec un haussement d'épaules :
_ C'est juste que… c'est la première fois que je passe un Noël sans ma mère, c'est tout. Ça fait bizarre, mais c'est tout. Je m'y ferai.
Et il avait souri à Lily, qui ne put s'empêcher de compatir. Elle était aussi dans ce cas.
Le matin du premier jour de vacances fut un peu étrange d'abord James s'était endormi le soir sans entendre les légers ronflements de Peter, et quand il était descendu dans la salle commune le matin, il n'y avait que quelques élèves par-ci par-là au lieu de la foule habituelle. L'impression était plus flagrante encore dans la Grande Salle – il ne manquait pas que des élèves, mais aussi pas mal de professeurs. Dumbledore était toujours là bien sûr, ainsi que Walsh et McGonagall, Flitwick et Chourave Hagrid et Adams étaient toujours assis chacun à l'une des extrémités de la Grande Table. Mais certains des professeurs que James ne connaissait pas et dont Véga lui avait dit deux ou trois mots n'étaient pas là.
James aurait pensé que Poudlard pendant les vacances serait la même chose que Poudlard pendant le week-end – en plus calme. Il avait à moitié raison. Plus de la moitié des élèves étaient partis chez eux les couloirs étaient presque vides, la salle commune beaucoup plus clairsemée que d'habitude. Mais alors que pendant le week-end les professeurs donnaient toujours des tonnes de devoirs à faire, là ils avaient deux semaines pour travailler et James et Sirius avaient décidé d'en faire le moins possible. Ils adoraient se balader dans le château – ils ne croisaient presque plus Adams rôdant dans les couloirs – et dehors jusqu'à la cabane de Hagrid qui leur faisait de grands signes de la main depuis le seuil de sa cabane. Il finit par les inviter à prendre le thé, et les deux lascars retrouvèrent avec plaisir Curly l'énorme chien jaune, qui leur sauta dessus et se mit à leur lécher consciencieusement la figure à tous les deux, et le lit massif recouvert d'une courtepointe en patchwork, où ils s'assirent pour boire le thé brûlant que le garde-chasse leur avait préparé. Ils parlaient de Poudlard, des cours, des professeurs, et Hagrid leur racontait des histoires complètement dingues, du monde des sorciers qu'il avait entendues dans les bars ou simplement autour de lui. James et Sirius adoraient ces histoires. Hagrid avait une façon bizarre de les raconter, se laissant emporter par l'histoire et faisant beaucoup de déviations pour finalement oublier ce dont il était en train de parler – jusqu'à ce que James ou Sirius lui rappelle le sujet. Alors il devenait un peu rouge, et continuait dans un marmonnement qui devenait de plus en plus clair à mesure qu'il s'animait. Puis tout recommençait.
Lily et Remus venaient avec eux, parfois et souvent, Hagrid priait Lily de raconter des histoires de Moldus. Lily avait, bien sûr, un style de conteur totalement différent. Elle racontait ce que les Moldus croyaient à propos des sorciers tout le monde finissait par éclater de rire, et elle n'était jamais la dernière.
Deux ou trois jours avant Noël, cependant, quelque chose de grave se passa. En rentrant dans leur dortoir le soir après le repas, après avoir passé un bon moment dans la salle commune, James, Sirius et Remus trouvèrent la porte entr'ouverte. Ils se turent immédiatement, et jetèrent un œil à l'intérieur.
Tout était sans dessus dessous. On avait vidé le contenu de chaque armoire et tout jeté par terre, les draps et couvertures avaient été arrachés des lits et les valises vidées également. Le sol était recouvert de leurs affaires, robes de sorciers, livres, rouleaux de parchemin, plumes – le télescope de James était cassé, et plusieurs robes étaient déchirées. Et sur l'ensemble, flottait la neige formée par les plumes des oreillers éventrés.
Les trois garçons restèrent un instant sur le pas de la porte, comme frappés par la foudre Remus, le visage blême, fut le premier à s'avancer lentement dans la pièce sinistrée. Il se baissa pour ramasser son Histoire de la Magie de Bathilda Tourdesac qui gisait par terre et tourna des yeux stupéfaits vers James et Sirius restés sur le seuil :
_ Qui… qui donc a pu faire ça ?
James cligna des yeux plusieurs fois, comme pour s'assurer de la réalité de la situation. Sirius restait bouche bée, l'étonnement écrit en toutes lettres sur son visage. Puis il avala sa salive, et lâcha la bordée de jurons la plus impressionnante que James aie jamais entendue. Remus sursauta violemment et tourna des yeux ronds vers Sirius qui braillait toujours, et qui avait commencé à faire les cent pas dans la pièce, avec de grands signes de mains, trébuchant presque tous les deux pas sur un livre ou un autre obstacle.
Une, puis deux, puis trois têtes apparurent à la porte laissée ouverte.
_ Qu'est-ce qui se passe ? demanda un Fergus Finnigan sidéré quand il s'arrêta enfin pour reprendre son souffle. Sirius ? Tu es dingue ?
Puis il parcourut la pièce du regard, et ses yeux s'arrondirent à l'extrême, de stupéfaction ainsi que de peur. A côté de lui, Tim Thomas laissa échapper un hoquet étranglé et Mondingus Fletcher, qui avait entendu les jurons de Sirius de l'escalier alors qu'il montait à son dortoir, resta bouche bée pendant quelques secondes.
_ Nom d'un chaudron à pattes… Qu'est-ce qui s'est passé ici ?
_ C'est justement la question qu'on se pose, fit Remus d'une voix plus aiguë que d'ordinaire. Vous n'avez vu personne de suspect ?
Fergus secoua la tête.
_ Non, je n'ai vu personne… Tim ?
_ Non plus, balbutia Tim. Dites, ça doit être un dingue qui a fait ça…
_ Ou un voleur, lança une voix de fille derrière eux. Lisa Dodger venait d'arriver, en robe de chambre, brandissant sa baguette allumée comme une épée, un air menaçant peint sur son visage. Lily suivait derrière quand elle vit le désastre, elle se jeta en avant vers les garçons et s'écria :
_ Oh, mon Dieu… vous n'avez rien ?
James s'était assis sur son lit en désordre il secoua lentement la tête. Son visage avait pris la couleur des cendres de la cheminée de la salle commune.
_ Non, on a trouvé le dortoir dans cet état quand on est monté.
_ Un voleur, Lisa ? demanda Remus en haussant les sourcils. Il tenait toujours son Histoire de la Magie à la main et restait debout au milieu de la pièce, incapable de bouger. Lisa ignora Tim qui levait les yeux au ciel et hocha la tête :
_ Ben oui ! C'est classique ! Il ne vous manque rien ?
_ On… on ne sait pas, articula James. Il releva la tête et fixa Sirius et Remus dans les yeux :
_ On devrait tout ranger. Comme ça on verrait.
Sa main serrait quelque chose dans sa poche, et seuls Remus, Sirius et Lily comprirent. L'agate était toujours en sécurité. C'était déjà ça.
Mondingus alla chercher McGonagall elle apparut dans une robe de chambre écossaise, les cheveux emmêlés, et malgré le regard mêlé de stupeur et de fureur qu'elle promena autour d'elle pour évaluer les dégâts, elle ne ressemblait pas tellement à un professeur en cet instant. Tout furieux et choqué qu'il était, Sirius nota néanmoins que " Lady Minerva " avait de bien jolis mollets.
Plus tard, quand McGonagall et les autres élèves furent partis, Lily resta avec les garçons pour les aider à ranger leur dortoir leur professeur avait demandé une évaluation précise des dégâts, pour éventuellement remplacer les objets manquants. Ils travaillaient en silence, remettant les livres dans les valises, pliant les vêtements avec soin – même Sirius – et les rangeant à leur place dans les étagères, ramassant draps et couvertures et refaisant les lits… Il ne restait aucun oreiller intact, tous ayant été crevés et les plumes éparpillées. On avait retourné chaque robe de sorcier et fait toutes les poches.
Cependant, tard dans la nuit, lorsqu'ils eurent enfin terminé et que la pièce fut dans un état à peu près acceptable, les quatre s'assirent par terre au milieu du dortoir.
_ Il ne manque rien, fit par dire Remus d'une voix basse, fatiguée. On a cherché quelque chose ici mais on ne l'a pas trouvé.
_ A mon avis, ils cherchaient l'agate, murmura James en sortant le sac de peau de sa poche – il le transportait là-dedans depuis un mois, l'enlevant pour le mettre sous son oreiller sur le conseil de Lily pour le remettre dans sa poche chaque matin. Ils ont tout retourné pour la trouver – mais pourquoi ?
Sirius releva la tête, les yeux flamboyants.
_ On avait été prévenus, souffla-t-il. C'est sûrement la même (ou les mêmes) personnes qui nous ont volé le bouquin sur la divination par les pierres précieuses qui a fait le coup. Et vous vous rappelez ces pas qu'on avait entendu dans le couloir des cuisines, le lendemain du soir où on a trouvé l'agate ? On n'avait rien vu, hein ? Eh ben là non plus, personne n'a rien vu.
_ Tu penses que la personne qui a fait ça a trouvé le moyen de se rendre invisible ? demanda Remus d'une voix un peu plus stable.
_ Il y a plein de moyens de se rendre invisible, fit remarquer Lily. Potion de Transparence, Sortilège Corps-de-Verre… il y a même des Capes d'Invisibilité, si je me rappelle bien.
_ Je suis d'accord, fit James, mais la potion et le sortilège dont tu parles sont très difficiles à réussir, même les septième années n'y touchent pas… quant aux Capes d'Invisibilité, elles sont très rares, et pas du tout faciles à se procurer.
_ Imaginons que quelqu'un – n'importe qui – possède une de ces Capes. Ca expliquerait pourquoi on n'a rien vu dans ce couloir, et pourquoi personne n'a vu celui qui a mis notre dortoir à sac.
_ Qui ce serait, d'après toi ?
Sirius secoua tristement la tête :
_ Je n'en sais absolument rien.
Puis son regard brilla encore une fois :
_ Mais c'est quelqu'un de l'école, ça je pourrais le parier. Je pourrais même parier qu'il a quelque chose à voir avec " l'enlèvement " de Fletch, et je donnerais cher pour savoir ce qu'il veut de cette agate…
* * *
Dans un contexte pareil, Noël ne pouvait pas se passer dans une ambiance qu'on pourrait qualifier de " normale " et pourtant, quand il se réveilla le matin de Noël, James ne pensa à rien d'autre qu'au petit tas de paquets entassés au pied de son lit.
_ Joyeux Noël, James ! fit Remus avec un sourire. Il était assis en tailleur au bout de son lit, tenant une grande boîte dans les mains. Tu as ouvert tes cadeaux ?
_ Pas encore, fit James en réprimant un bâillement. Il descendit de son lit et ouvrit le premier paquet, un grand et lourd paquet qui ressemblait à un livre. Bingo. En déchirant le papier cadeau, James découvrit un petit mot dont il reconnut l'écriture hâtive et tranchante :
Cher fils,
Puisque tu rentres à Poudlard cette année, nous avons pensé que tu aurais le désir d'en connaître un peu plus sur l'école où tu vas passer les sept prochaines années.
Joyeux Noël,
Ton père et ta mère.
James fixa la petite carte de bristol pendant un moment, une sorte de boule bizarre grossissant dans sa gorge. Ce mot était si formel, si froid… " nous avons pensé que tu aurais le désir d'en connaître un peu plus sur l'école où tu vas passer les sept prochaines années "… sa mère avait dû supplier son père qu'il écrive quelque chose. Si c'était elle qui avait écrit, elle aurait signé " Maman et papa ". " Ton père et ta mère "… James avait presque envie de pleurer alors qu'il lisait le titre du gros livre qui reposait sur ses genoux : Histoire de Poudlard. Il ne put empêcher un petit rire nerveux, entre le rire et les larmes. Son premier cadeau de Noël loin de la maison et c'était ce bouquin. Avec un mot tellement froid qu'il ne le surprenait même pas. De toute façon, Père n'était jamais à la maison pour Noël.
James eut soudain conscience que Remus l'observait, toujours assis en tailleur sur son lit. Ses yeux bleus gris, néanmoins, ne semblaient pas scrutateurs et curieux, mais plutôt gentils et interrogateurs. Vaguement inquiets, même.
_ James ? Est-ce que ça va ?
James hocha la tête, et tourna des yeux un peu trop brillants vers Remus :
_ Tiens, regarde ça.
Il lui tendit le mot de son père. Remus le parcourut des yeux, puis regarda rapidement James.
_ Je ne me rappelle pas une fois où il m'aurait tendu un cadeau, avec un joli papier enchanté pour changer de couleur toute les secondes, et un beau ruban, et m'aurait dit " Joyeux Noël, Jimmy " en souriant comme ma mère le fait. Même mes anniversaires, il les oublie. Il faut que je ne sois pas à la maison pour qu'il pense enfin à moi – et il a une drôle de façon de me montrer qu'il pense à moi.
Remus se taisait, les yeux fixés sur le livre que James tenait dans les mains. Puis quand il vit James baisser la tête, il dit d'une voix douce :
_ Vas-y, ouvre les autres. Peut-être qu'il y a d'autres mots mieux que celui-là.
James hocha la tête, et prit un autre paquet. Celui-là était rouge, avec un ruban orange vif après avoir déchiré le papier, James découvrit trois livres collés l'un à l'autre : Il volait comme un fou – une biographie de Dai Llevellyn dit " le Dangereux ", Le Quidditch à travers les âges, et Battre les Cognards – une étude des stratégies de défense dans le jeu de Quidditch. Il y avait également un mot qui allait avec.
" Jimmy chéri,
Ceci est un petit cadeau personnel, vu que ton père a scellé son petit mot sans que j'ai eu le temps d'écrire quelque chose… J'espère que son cadeau t'a fait plaisir. " Ici James eut un petit rire un peu amer. " Comme tu me parles de Quidditch dans beaucoup de tes lettres, j'ai pensé que tu aimerais ces livres… Tout en espérant que tu n'irais pas jusqu'à y jouer – ce sport est beaucoup trop dangereux, j'ai regardé quelques pages… C'est un miracle que certains joueurs soient encore vivants.
Gros bisous,
Maman "
James eut un grand sourire et ouvrit Battre les Cognards qui sentait bon le livre neuf. Les pages craquaient un peu.
Il referma le livre et regarda Remus celui-ci était toujours assis en tailleur sur son lit, et tenait toujours sa boîte dans les mains.
_ Qu'est-ce que c'est ? demanda James en montrant la boîte. Remus se mit à rire et souleva le couvercle : elle était remplie de bonbons de sorciers de toutes sortes, en particulier de Chocogrenouilles, de Ballongommes et de Fondants du Chaudrons.
_ Ma mère sait que j'adore ceux-là, dit Remus en prenant un Ballongomme. Et comme elle a peur que l'infirmière n'ait pas assez de chocolat en réserve – tu en veux un ? demanda-t-il à James en lui tendant un Chocogrenouille. Je crois que ce sont tes préférés, hein ?
_ Merci, fit James en se levant pour prendre la friandise. Il mâcha un moment, puis demanda :
_ Qu'est-ce que tu as reçu d'autre ?
_ Des nouvelles plumes – heureusement, je n'en avais presque plus – et une paire de chaussettes bizarres avec une surprise à l'intérieur, mais ça je suis sûr que ce n'était pas ma mère. Et toi, à part les livres ?
_ Quoi ?
_ Oui, regarde, tu as oublié quelque chose…
James alla vers son lit, surpris : il ne s'attendait pas à recevoir des cadeaux de quelqu'un d'autre que ses parents. Il y avait effectivement quelque chose : une paire de chaussettes en laine, tricotées à la main apparemment, et gonflées à bloc de…
_ Moi aussi j'ai des chaussettes… Oh ! Remus, il y avait aussi des choses dans les tiennes ?
_ Euh, oui, plein de Marrons Marrants, de Dragées Surprises et même une ou deux Bombabouses… Toi aussi ?
_ Ah, fit une voix malicieuse, je vois que vous avez reçu vos cadeaux…
Sirius était sorti de son lit sans bruit et les observait en rigolant.
_ C'était toi ? demanda James, avec un sourire.
_ Ouaip. Véga a tricoté les chaussettes – vous verrez, elles sont vraiment confortables, chaudes et tout – remarque, vaudrait mieux, depuis le temps qu'elle s'essaye au tricot… enfin, moi je lui ai donné des sous et une liste la dernière fois qu'elle est allée à Pré-au-Lard pour le week-end… Vous aimez ?
_ Et comment ! s'exclama Remus. Merci, Sirius !
_ C'est vraiment sympa de ta part, fit James en écho. Mais du coup j'ai rien à t'offrir…
_ Oh, c'est rien, coupa Sirius. Vous, vous n'avez pas de grande sœur pour faire vos courses, c'est tout.
Avant d'ajouter avec un clin d'œil :
_ Aussi assommante qu'elle soit, Véga a quand même ses avantages…
* * *
Le petit déjeuner ne dura pas longtemps, ce matin-là tout le monde avala son bol de porridge et ses toasts en vitesse pour courir dans la salle commune et parler des cadeaux. Peter avait envoyé une carte de Noël par hibou postal, avec un cadeau commun pour tous les quatre, une grosse boîte de Chocogrenouilles. Lily fit remarquer qu'avec tout ce qu'ils avaient reçu comme bonbons et sucreries, ils pourraient ouvrir une confiserie, tandis que Remus lisait tout haut le mot à l'écriture maladroite parsemé de fautes d'orthographes :
Chers James, Lily, Remus et Sirius,
Joyeux Noël ! J'espère que vous passez de bonnes vacances et que Rogue reste tranquille dans son coin. Qu'est-ce que vous lui faites subir pendant que je ne suis pas là ? Racontez-moi tout, s'il vous plaît !
Est-ce que Remus va mieux ? Tu ne m'avais pas dit la note que tu avais eu au rattrapage du devoir d'Astronomie. Ca fait la deuxième fois que tu manques un devoir de Sinistra, elle va avoir des soupçons elle va croire que tu les manques exprès… Désolé, je plaisante.
Encore joyeux Noël,
Peter
_ Ton sens de l'humour a déteint sur Peter, Sirius, dit Remus, pince-sans-rire.
Comme James et Remus, et sans doute Peter, Lily avait reçu une paire de chaussettes remplies de bonbons et de petites farces et attrapes plus, de la part de ses parents, un roman et une boîte de bonbons Moldus. Sirius, pour sa part, avait reçu de son père un crayon dont le trait pouvait changer de couleur à volonté. Il expliquait fièrement à ses amis que son père, bien qu'il soit un Moldu, connaissait parfaitement le chemin vers le Chemin de Traverse et avait acheté ce crayon magique là-bas.
_ Comment il a fait pour entrer ? demanda James. Il faut une baguette magique pour ouvrir la porte…
_ Il a celle de ma mère, dit Sirius assez vite. Pour ne pas laisser un silence maladroit s'installer, Lily objecta :
_ D'ailleurs, moi je n'avais pas de baguette la première fois que je suis venue… c'est le barman qui m'a ouvert. Je le trouve bizarre, avec ses deux incisives en moins.
_ Moi je le trouve sympa, fit James, en repensant au sourire de pirate qu'il connaissait bien.
_ Et Véga, dit Lily en se tournant vers Sirius, qu'est-ce qu'elle a reçu ?
Sirius s'apprêtait à répondre, quand la porte de la salle commune coulissa, pour s'ouvrir sur Véga qui semblait sur un petit nuage, les joues toutes rouges, les cheveux emmêlés et les yeux étincelants. Le badge de Préfète était accroché de travers sur sa robe.
_ Oh, bonjour, vous quatre ! Joyeux Noël !
_ Joyeux Noël à toi aussi, répondit James un peu surpris. Ca va ?
_ Tout à fait bien, merci beaucoup !
Et elle plaqua deux grosses bises sur les joues de son frère, qui rougit violemment et s'essuya du revers de la main dans un grand geste furieux. A la surprise des autres, elle fit également une bise à James, Lily, et Remus, dont les joues rougirent légèrement. Après quoi, elle monta quatre à quatre l'escalier vers les dortoirs des filles.
_ Complètement maboul, marmonna Sirius encore sous le choc, défaisant le papier d'un bonbon au caramel Moldu que Lily lui avait offert. Non mais je vous jure… ça se fait pas…
_ Dites, elle m'a semblée ne pas être tout à fait dans son état normal, balbutia Remus revenu de sa surprise.
_ Elle n'a pas d'état normal, grommela Sirius. Je savais déjà qu'elle était vraiment bizarre, mais à ce point-là… ça en devient inquiétant.
_Son amoureux lui a peut-être offert un cadeau, glissa malicieusement Lily. Sirius s'étrangla sur le caramel. Il toussa violemment, tourna au violet et leva des yeux furieux :
_ Son… son " amoureux ?… Fletcher !
Il se leva brusquement de son fauteuil et marcha à grands pas vers celui où Mondingus était assis, lisant paisiblement Mille ans de Farces et Attrapes. Les trois autres le suivirent des yeux, mi-inquiets mi-amusés.
_ Qu'est-ce que tu as fait à ma sœur ? rugit Sirius une fois planté devant lui. Mondingus leva de son livre des yeux à la fois étonnés et suspicieux :
_ Quoi ? Mais de quoi tu parles ?
_ Oh, fais pas l'innocent, Fletch', fit Sirius avec un signe de tête vers la porte du dortoir des filles. T'as pas vu comment elle est ? On dirait qu'elle a forcé sur la fumette – oh – c'est pas ça, au moins ? demanda-t-il, la voix soudain effrayée. Fletcher laissa échapper un petit rire un peu étranglé mais définitivement moqueur :
_ On peut savoir pourquoi tu penses à moi en premier alors que ça fait une heure que je suis assis là et qu'elle vient d'arriver ?
Sirius ouvrit la bouche, fronça les sourcils, mais ne répondit rien. Mondingus fit d'un ton plus sérieux :
_ Ecoute-moi, petit. Un, je ne suis pas le seul à avoir des vues sur Véga. Deux, elle est assez grande pour choisir avec qui elle veut sortir, et elle m'a fait comprendre que je ne faisais pas partie de son choix. Et trois, même si c'est ta sœur, ce qu'elle fait ou non ne te regarde pas. Absolument pas.
_ Mais…
Fletcher leva la main pour l'interrompre, et lui lança un regard d'avertissement. Sirius fit une moue, puis marmonna :
_ D'accord, ça va, je m'excuse. Mais tu avoueras que c'est louche.
_ Je suis d'accord. Mais ça ne me regarde pas non plus.
Sirius tourna les talons sans un mot derrière lui, la voix railleuse de Mondingus fit :
_ Joyeux Noël à toi aussi !
Sirius se laissa tomber dans le fauteuil qu'il avait quitté quelques minutes auparavant. Lily faisait de grands efforts pour ne pas rire, Remus avait l'air étonné et James compatissant.
_ Tu t'en remettras ? demanda Lily, le fou rire tremblant dans sa voix. Sirius lui jeta un regard noir.
_ Allez, Sirius, ce n'est pas la fin du monde, fit Remus en lui tapotant la main d'un geste rassurant. Tu ne sais même pas si c'est vrai, de toutes façons.
_ Et en plus, fit remarquer James, ce qu'a dit Fletch' est parfaitement vrai. Ça ne te regarde pas.
_ Merci, Jamsie, tu m'es d'une grande consolation, railla Sirius. James détourna la tête et se mordit la lèvre pour ne pas rire. Il était écarlate à force de retenir son fou rire.
* * *
Le jour de Noël se passa sans anicroche la nourriture fut absolument délicieuse, et Hagrid avait décoré la salle de branches de houx d'un vert profond. Les armures qui gardaient chaque coin de la pièce était couvertes de neige brillante, aussi immaculée que celle qui tombait dehors, mais qui ne fondrait jamais pour la bonne raison qu'elle était magique. Le repas de midi fut servi dans les assiettes et les verres d'or qui avaient servi au banquet de début d'année et à Halloween le jus de citrouille n'avait jamais semblé aussi délicieux, ni les mets aussi succulents. James et Remus en particulier s'empiffrèrent tant que Lily se demanda s'ils auraient de la place pour le repas du soir.
Elle ne croyait pas si bien dire. Vers la fin de l'après-midi, alors qu'ils étaient dans la salle commune à feuilleter les livres qu'ils avaient reçu à Noël, Remus, le teint verdâtre, se leva de son fauteuil en disant qu'il ne se sentait pas bien. Lily lui fit la leçon, allant presque jusqu'à lui dire qu'il l'avait bien cherché en mangeant autant à midi. Remus poussa un soupir, et se dirigea vers l'infirmerie, Lily sur les talons.
James avait presque oublié son accord avec Sirius à propos de leur ami il se tourna vers lui et lui jeta un regard entendu, mais Sirius se contenta d'un haussement d'épaules fataliste. Il n'avait pas dit un mot depuis la matinée il se contenta de prendre un Chocogrenouille dans la boîte que Peter leur avait envoyé.
Du coup, James réfléchit silencieusement. D'après la tête de Remus, il était évident qu'il disait la vérité – il avait vraiment une indigestion. Mais quelque chose ne collait pas. Quelque chose turlupinait James, depuis longtemps même, mais il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Tandis que Sirius boudait dans son fauteuil, James essayait d'assembler les pièces du puzzle. Remus était souvent malade – souvent – c'est à dire qu'il s'en allait à intervalles à peu près réguliers. Enfin, " à peu près "…
James plongea une main distraite dans la boîte de Chocogrenouilles, sans même regarder ses doigts rencontrèrent un petit morceau de parchemin un peu froissé – la carte de Noël de Peter. Machinalement, il la déplia.
" Est-ce que Remus va mieux ? Tu ne m'avais pas dit la note que tu avais eu au rattrapage du devoir d'Astronomie. Ca fait la deuxième fois que tu manques un devoir de Sinistra, elle va avoir des soupçons elle va croire que tu les manques exprès… "
" La deuxième fois "… " la deuxième fois que tu manques un devoir de Sinistra "…
Remus avait été absent fin septembre. Et fin octobre (qu'avait dit Peter, déjà, le mois dernier ? ah oui, " la dernière fois qu'il est rentré chez lui – c'était… euh… oui, à peu près une semaine avant Halloween. Le 23, ou le 24 peut-être… Je sais plus "…). Et fin novembre – c'était la dernière fois, quand il s'était jeté un sortilège. Madame Pomfresh lui avait fait jurer de ne pas recommencer il avait tenu sa promesse. Il s'était seulement arrangé pour aller à l'infirmerie… comme tous les mois…
Remus avait manqué deux cours d'Astronomie à un mois d'intervalle… et les deux fois, Sinistra leur avait donné un devoir à faire – parce que la lune était trop brillante pour voir correctement les étoiles… parce que c'était la pleine lune…
La lune est pleine chaque fois qu'il s'en va. Ou plutôt il est absent à chaque soir de pleine lune –
C'est un l…
James sursauta violemment. Non. Catégoriquement non. C'est impossible… non, impossible… Remus n'est pas… enfin, tout de même, c'est de Remus Lupin qu'il est question ! Il ne peut pas être un… pas lui ! Mon meilleur ami n'est pas un loup-garou !
Ça y était. Le mot était lâché. Loup-garou. Remus Lupin était un loup-garou.
James cligna des yeux plusieurs fois, complètement sonné. A côté de lui, Sirius restait assis dans son fauteuil sans bouger, les yeux mi-clos, la respiration profonde et régulière – peut-être dormait-il. Il ne se doutait certainement pas de ce à quoi James pensait en ce moment. Il était en paix. James, lui, ne s'était jamais senti aussi mal. Sa tête tournait furieusement, et il sentait un bourdonnement sourd dans ses oreilles. Il savait – il savait – pourquoi ne l'avait-il pas su plus tôt, au fait ? Peut-être ne voulait-il pas le savoir. Peut-être refusait-il…
Est-ce qu'il devait le dire ? A qui ? A Sirius ? Mais auparavant, Sirius et lui croyaient à un mensonge assez grave pour mettre la santé de leur ami en jeu, mais jamais ils ne se seraient doutés que la vérité serait aussi grave… Un loup-garou… voilà pourquoi Remus avait toujours l'air épuisé après une pleine lune. James avait encore à l'esprit la blancheur de craie de ses joues ce jour-là, quand il s'était endormi en classe – mais s'était-il bien endormi ? On aurait dit qu'il s'était évanoui d'épuisement. Mais il avait insisté pour dire qu'il se sentait bien, que ce n'était pas la peine d'en faire toute une histoire. Pendant tout ce temps Remus avait tout fait pour que personne ne découvre son secret – et avait réussi, apparemment. Sauf que maintenant James connaissait la vérité.
Mais ils seraient les seuls. Car James n'allait pas trahir Remus – Remus restait son ami, loup-garou ou pas – il était humain vingt-neuf ou trente jours par mois. Et qui sait comment les autres pouvait réagir ?
James décida une fois pour toutes de ne rien dire. A personne.
* * *
Remus revint le surlendemain de Noël, l'air toujours aussi fatigué et le teint presque aussi vert, et cette fois James remarqua que Lily ne lui dit rien. Elle devait penser qu'il avait retenu la leçon, car elle fit même toute une histoire à propos du fait que l'infirmière l'avait laissé sortir alors qu'il avait une mine pareille.
_ Ca suffit, Lily, finit-il par lui dire. C'était juste une petite indigestion – je suivrai tes conseils et je ne recommencerai pas. Promis.
_ D'autant que tu as manqué le repas du soir, fit remarquer Lily d'un ton déçu. C'est dommage, c'était vraiment merveilleux, et puis Flitwick avait enchanté des flocons de neige pour qu'ils tombent à la fin du repas, et puis Dumbledore a distribué des pétards surprises, et le mien s'est transformé en une explosion de papillons, et Sirius a failli avaler un papillon avec son morceau de pudding, et…
Remus plaqua ses mains contre ses oreilles et se mit à fredonner " Vive le vent, vive le vent, vive le vent d'hiver… " Lily lui fit une grimace et leur tourna le dos pour aller s'installer dans un fauteuil à quelques mètres. James se tenait les côtes, et Sirius s'esclaffait. Il avait finalement perdu sa bataille contre le fou rire.
Quand les deux garçons se furent calmés, Remus reprit un air sérieux :
_ Vous savez, ce livre qu'on nous a volé – La Lécanoncie, ou l'Art de la Divination par les Pierres Précieuses… je devais aller le rendre aujourd'hui. J'aimerais aller voir Madame Pince et le lui dire…
_ On vient avec toi, décida James.
_ Ouais, renchérit Sirius. On n'aura qu'à lui dire qu'il a été volé quand on a cambriolé notre dortoir… ah, mais non, ça ne marchera pas vu qu'on a dit à McGonagall que rien ne nous manquait…
Remus haussa les épaules. James fit remarquer :
_ On pourrait aller voir Hagrid après, si on est encore vivants. Ça nous changera les idées, ajouta-t-il. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser " C'est un loup-garou… non, arrête, c'est ton pote. Ça se voit pas du tout, quand même… mais arrête de penser à ça ! " Il secoua la tête en marmonnant quelque chose d'inaudible. Sirius le regarda d'un air bizarre :
_ Eh ! Ça va, toi ?
_ Tout à fait bien, s'étrangla James. On y va ?
Ils y allèrent. Sirius – ainsi que Remus – jeta néanmoins quelques regards en coin à James, qui leur renvoya quelques uns, mal à l'aise.
Lorsqu'ils arrivèrent devant le bureau de la bibliothécaire, Remus sembla hésiter un peu il se tourna vers ses deux amis et demanda d'un ton nerveux :
_ Dites, si elle essaye de me tuer, vous connaissez le Sortilège de Désarmement ?
_ Vas-y donc, fit Sirius en le poussant dans le dos vers le bureau. Remus s'éclaircit la voix, et risqua :
_ Euh… Madame Pince ?
La bibliothécaire releva brusquement la tête et le fixa de ses petits yeux perçants.
_ Voilà, à propos de ce livre, La Lécanoncie, ou l'Art de la Divination par les Pierres Précieuses…
_ Ah, enfin ! s'exclama Madame Pince de son habituelle voix tranchante. Vous allez enfin signer le registre. Dites, Lupin, je peux savoir pourquoi vous ne l'avez pas fait quand vous avez ramené ce livre ?
Les yeux de Remus s'arrondirent il jeta un regard à James et Sirius qui avaient la même expression étonnée, puis se retourna vers Madame Pince :
_ Je vous demande pardon ? Quand est-ce je l'ai ramené ?
_ Mais il y a trois semaines ! Vous l'avez déposé sur mon bureau mais vous deviez être très pressé, parce que vous n'avez pas signé le registre des livres rendus.
Sa voix commençait à s'envenimer dangereusement quand elle siffla :
_ La prochaine fois – si vous voulez qu'il y ait une prochaine fois – pensez à signer ce registre ou il vous en cuira.
Remus se dépêcha de signer le registre et elle baissa de nouveau la tête vers le morceau de parchemin étalé devant elle sur la table. Remus fit une tentative :
_ Mais j… commença-t-il, pour se retrouver coupé au milieu d'un mot par la bibliothécaire qui le fusilla du regard :
_ Vous avez quelque chose à dire, Lupin ?
_ N… non, balbutia Remus. Bonne journée.
Madame Pince les regarda sortir de la bibliothèque d'un air suspicieux, les yeux rétrécis.
_ Qu'est-ce que ça veut dire ? demanda Remus à voix basse alors qu'ils se dirigeaient vers les grandes portes de chêne qui donnaient sur le parc. Je n'ai jamais ramené ce livre, je n'ai même pas eu le temps de le lire en entier…
_ Apparemment, c'est celui qui l'a volé qui t'a rendu ce service, fit Sirius, railleur. Puis, plus sérieusement, il fit :
_ Donc j'avais raison – c'était un avertissement. On nous a volé ce livre sous notre nez pour qu'on ne fouine pas dans des affaires qui ne nous regardent pas.
_ Raison de plus pour continuer à fouiner, observa James en ouvrant les doubles portes. Cet avertissement signifiait qu'on était près du but. On approche.
Mais Remus secoua la tête.
_ Il y a quelque chose que vous oubliez, dit-il d'une voix grave, tout en enroulant son écharpe autour de son cou – le vent était vif et froid dehors. Ce n'est pas dans notre dortoir qu'on a volé ce livre. L'avertissement nous était peut-être destiné à nous, mais quelqu'un d'autre en a fait les frais. Lily.
_ Elle est là-dedans avec nous, dit Sirius. C'est elle qui veut y rester. Si elle avait peur, elle nous le dirait, hein ?
_ Je ne pense pas qu'elle ait peur, fit James, pensif. En fait, je ne lui ai jamais posé la question… Vous croyez que…
Il s'interrompit, fronça les sourcils, et posa un doigt sur ses lèvres.
_ Chut… écoutez.
Ils avaient dépassé le Saule Cogneur, et à quelques mètres d'eux se trouvait la lisière de la Forêt Interdite la cabane de Hagrid, à quelques pas, avait les volets fermés et aucune fumée ne s'échappait de la cheminée, ce qui signifiait que son propriétaire était absent. Dommage, pensa Sirius il regarda autour de lui et chuchota :
_ Qu'est-ce qu'il y a, Jamsie ?
_ Quelqu'un nous suit.
Tous trois se turent immédiatement. Remus ferma les yeux un instant quand il les rouvrit, il tourna la tête vers la cabane désertée de Hagrid.
_ Il y a quelqu'un caché derrière, murmura-t-il. Sirius, James et lui échangèrent un regard Remus contourna la cabane par la gauche tandis que Sirius et James passaient à droite. Sans bruit, faisant attention de ne pas faire craquer la neige, James avançait lentement à côté de Sirius. Ils étaient beaucoup plus près de la Forêt Interdite, à présent elle paraissait encore plus sombre vue de près. Arrivant presque derrière la cabane, les deux amis marquèrent une pause, puis bondirent sur la forme noire cachée derrière la cabane en même temps que Remus.
Un glapissement retentit, suivit d'un juron sonore.
James, Remus et Sirius avaient bondi sur Severus Rogue.
_ Toi ! s'exclama Sirius d'un ton furieux et dégoûté. Qu'est-ce que tu fous ici ?
_ Sirius… marmonna Remus, avant de se tourner vers Rogue et de demander sur un ton plus calme que Sirius mais beaucoup plus froid que d'habitude :
_ Que fais-tu ici tout seul, Severus ?
_ Je me promène ! répliqua l'autre. J'ai le droit, non ?
_ Bien sûr, il faisait tellement beau que tu as décidé de faire une petite balade tout seul dans la neige, et de nous suivre par la même occasion ? railla James. Désolé, ça ne prend pas.
_ Maintenant, tu sais ce que tu vas faire ? dit Remus d'une voix trop douce pour être sincère. Tu vas tourner les talons et retourner tranquillement au château.
_ Sinon ? fit Rogue d'un ton bravache, croisant les bras sur sa poitrine maigre. Sirius eut son sourire de loup qui dévoilait ses canines et envoyait un frisson dans la nuque de celui à qui il était destiné.
_ Sinon… on va jouer. Hein, les amis ? On va jouer avec lui.
_ Et… vous allez me faire quoi ? demanda Rogue, la voix légèrement plus aiguë que la seconde d'avant. Il semblait nettement moins assuré sans ses petits camarades derrière lui pour le défendre au besoin.
Le sourire de Remus fut pire que celui de Sirius. Ses yeux brillèrent d'un éclat sardonique quand il répondit, impitoyable :
_ On fera de notre mieux, très cher.
Severus laissa échapper un petit bruit terrifié. James se mit à rire, un petit rire sarcastique. Rogue tenta de reculer en ne faisant semblant de rien. Ils n'entendirent pas un bruit de pas étouffés par la neige qui provenait de la Forêt Interdite.
Par contre ils entendirent très précisément le Stupéfix ! articulé s'une voix grave et puissante, ainsi qu'ils virent nettement le rai de lumière vive qui frappa Sirius de plein fouet ; il tomba sans un cri, et la neige étouffa le bruit de sa chute. Trop sonnés pour bouger, James, Remus et Severus restèrent là, debout, à fixer le visage aux yeux clos, à la bouche ouverte, à la terrifiante immobilité.
James se pencha lentement, très lentement, et prit le poignet de Sirius. Faites qu'il soit vivant, oh pitié, faites qu'il soit vivant… le cœur de James s'arrêta de battre une seconde quand il sentit un pouls, faible mais bien là, courir dans les veines de son ami. Il en aurait crié de soulagement.
_ Qu'est-ce qu'il a, Potter ? demanda Rogue, cette fois d'une voix beaucoup plus aiguë que d'habitude. Qui a fait ça ?
_ James ? murmura Remus, la voix étranglée. Qu'est-ce que…
Mais il n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Un autre rayon vif de lumière le frappa dans le dos, et il s'écroula sur-le-champ, inerte comme une poupée de chiffon. Rogue laissa échapper un hoquet de frayeur et James sentit toute couleur disparaître brusquement de son visage.
_ Potter ?
Cette fois, aucune trace d'ironie, de menace ou de hargne dans sa voix. Seulement de la peur, une peur panique. James sentait exactement le même genre de terreur faire des nœuds dans ses intestins.
_ Ils sont… ils sont vivants, au moins ? bégaya Rogue, le teint cireux. Il claquait des dents, et James n'était pas tout à fait sûr que le froid en était la cause unique. James se baissa et prit le pouls de Remus : tout comme Sirius, il était inconscient, mais vivait.
_ Ils sont vivants, mais je ne comprends rien… Je ne sais pas comment les réveiller, je n'ai pas la moindre idée de ce qu'ils ont…
James sentit une vague de panique lui retourner l'estomac. Qui avait fait ça ? Pourquoi ? Et comment allait-il les ramener au château ? Ça faisait une sacrée trotte et ils n'étaient pas légers…
Il se posait toujours la question tandis que Rogue dansait d'un pied sur l'autre, sursautant à chaque craquement de la neige, promenant des regards apeurés autour de lui. Il regrettait amèrement de s'être fourré dans cette galère. James, extrêmement nerveux, s'agenouilla près de Sirius et lui passa un bras autour de la taille pour le soulever.
_ Il faut les ramener, aboya-t-il à Rogue qui tremblait toujours. Prend Remus, toi, et soulève-le ! Je ne vais pas tout faire tout seul !
Mais Severus n'eut pas le temps de suivre cet ordre. Ou plutôt James ne le vit jamais réagir. Tout ce qu'il put entendre fut un cri provenant de la forêt, la même voix grave et profonde – Stupéfix ! A partir de ce moment, tout sembla se passer très vite et très lentement à la fois. Il sentit que Sirius glissait de son étreinte et tombait de nouveau par terre, entendit le hurlement terrifié de Rogue, puis la sensation que tout devenait noir et froid l'envahit et il perdit connaissance.
*~*~*
