Note de l'auteur : je suis désolée d'avoir mis aussi longtemps pour mettre à jour cette histoire. Mais même en écrivant dans tous les endroits possibles et imaginables (dans le bus, dans la bibliothèque, dans le restaurant de la fac…), cela reste assez difficile par rapport aux vacances, où je peux écrire à temps complet. Et encore, ce chapitre s'est révélé bien plus long que je ne l'avais prévu – alors je l'ai coupé en deux. Pardonnez-moi de vous laisser une nouvelle fois avec un cliffhanger, mais je vous promets que j'essayerai de faire de mon mieux pour écrire plus vite.

Pour les anglophones, je suis en train de traduire ce chapitre. Si tout se passe bien, il devrait être sur le site dans moins de trois semaines (en cadrant large.)

(Petit P.S. : qui a vu le Seigneur des Anneaux Lord of the Rings – ? Je l'ai vu trois fois, je l'ai lu plusieurs fois déjà depuis Noël, et j'ai adoré. C'était juste une petite question à laquelle vous n'êtes pas obligés de faire attention… :o])

Disclaimer : comme d'habitude, rien de ce que vous lirez ci-dessous ne m'appartient. En aucune façon. Voilà, c'est bon. En avant pour l'histoire ? J

Les Chroniques des Maraudeurs

Chapitre 9 : La Voix dans les Ténèbres

_ Enervatum !

James cligna des yeux très rapidement, la respiration brusque et irrégulière, en proie à une terreur sans nom. Il faut que je bouge, il faut que j'esquive le sortilège… Il faut que je rattrape Sirius… Ses dernières sensations avant d'avoir été frappé par le rayon de lumière revenaient à toute vitesse, tellement vivaces qu'il avait l'impression qu'une seule seconde s'était écoulée depuis. La réalité lui revint brusquement avec l'impression d'être passé une quinzaine de fois sous le Magicobus. Chaque pouce de son corps lui faisait mal et un mal de tête ignoble lui vrillait le crâne. Il se calma, se força à respirer normalement.

_ James ! James !

Reconnaissant la voix de Sirius – une voix tremblante, inquiète – il ouvrit grand les yeux, mais ne rencontra que du noir. Le noir complet. Affolé, il voulut se lever, mais une main posée sur son épaule l'en empêcha.

_ Du calme, James, reste allongé. Ça vaut mieux, je crois.

_ Sirius, bredouilla James, je ne vois rien… du noir partout… Est-ce que je…

_ Non, Jamsie, tu n'es pas aveugle, fit Sirius comme s'il avait lu dans ses pensées. C'est la question que je me suis posée aussi. Il fait noir comme dans un four, là-dedans, mais on s'y habitue un minimum après quelques minutes.

Sa voix, bien qu'un peu moins inquiète, était basse, comme s'il craignait que quelqu'un l'entende. James cligna de nouveau des yeux vers la direction d'où venait la voix de son ami, essayant de s'accoutumer à la pénombre – et de chasser son mal de tête. En vain. Il abandonna et, les yeux grand ouverts dans le noir, regarda de tous côtés, cherchant un rayon de lumière. Il y en avait un, faible et ténu, quelque part vers sa droite. James, un peu rassuré, le suivit des yeux, et son regard tomba sur une silhouette allongée sur le sol juste à côté de lui, une silhouette qui lui était très familière et qui ne bougeait pas…

_ Remus ! Est-ce qu'il est…

_ Ne t'en fais pas, le coupa Sirius. Il est dans le même état que toi il y a deux minutes. Et j'imagine, dans le même état que moi il y a dix minutes. Je ne sais pas ce qui m'a ranimé, mais j'imagine que c'était la même chose que toi – cette voix bizarre venue de je ne sais pas où.

Les yeux de James commençaient à s'habituer à l'obscurité il distinguait mieux Remus, et pouvait voir qu'on avait étendu une sorte de couverture sur lui, de manière à ce qu'il n'ait pas froid. Et il put voir que Sirius n'avait pas sa cape sur lui tandis qu'il se passait une main derrière la nuque et ajoutait d'une voix un peu plus rauque :

_ Je n'aurais jamais cru que ça pouvait durer aussi longtemps, dix minutes.

James s'appuya sur ses coudes pour se relever Sirius l'aida à s'adosser à un mur qui semblait fait de pierres grossièrement taillées, glacial au toucher. Le mal de crâne revint immédiatement.

_ …Merci, Sirius. Tu n'as pas froid sans ta cape ?

Sirius haussa les épaules :

_ Non, moi j'ai fait trois ou quatre fois le tour de la pièce en courant – ça réchauffe. Il en a plus besoin que moi, ajouta-t-il avec un signe de tête en direction de Remus. James hocha la tête avec un léger sourire. Puis une idée lui traversa l'esprit.

_ Dis-moi – où est Rogue ? Il est ici ?

_ Non, répondit Sirius d'un air sinistre, en s'asseyant entre James et la forme immobile de Remus. J'ai cherché dans tous les coins, mais je ne l'ai pas vu.

_ Tu crois que… qu'il lui est arrivé quelque chose ?

_ Je ne sais pas, c'est moi qui me suis fait mettre KO en premier. Tu as vu quelque chose, toi ?

_ J'ai seulement entendu ce mot – Stupéfix – ça doit être la formule pour le sortilège. Peut-être que Remus le connaît, ajouta James, avec un regard inquiet pour le corps immobile effondré contre le mur.

_ En tous cas, continua-t-il en se frottant les yeux, Rogue était toujours conscient quand je suis tombé dans les pommes, je me souviens très bien l'avoir entendu hurler de peur. Tu ne t'inquiètes pas pour lui ?

_ Tu sais, Jamsie, j'ai l'impression que où qu'il puisse être en ce moment, ça ne peut pas être pire que notre situation actuelle, non ?

_ Mouais, si tu le dis…

Il y eut un petit instant de silence James se rendait compte que Sirius avait probablement raison. Ils étaient enfermés dans une espèce de cave sans lumière, il faisait un froid de canard et Remus était toujours inconscient, ce qui signifiait qu'ils n'étaient que deux à pouvoir se défendre. Contre qui ou quoi, il n'en avait aucune idée.

James se prit à souhaiter que Rogue soit là. Au moins il y aurait eu un peu plus d'animation…

_ Sirius ?

_ Oui ?

_ Celui qui nous a… disons, assommé – c'était la même voix que celui qui nous a ranimé, non ?

_ Une voix grave, assez puissante, qui donnait l'impression de provenir du fond d'un puit ?

_ C'est ça. Je pense que c'était le même type. Il nous a assommé puis ranimé – ça n'a aucun sens… Tu crois qu'il est toujours dans la pièce ?

_ Je pense que oui je n'ai vu aucune porte s'ouvrir jusqu'à maintenant. Il n'a pas pu sortir.

_ Il a peut-être transplané ? suggéra James. Sirius secoua la tête :

_ Non, on entend toujours une espèce de " Pop " quand quelqu'un transplane. Et là je n'ai rien entendu de ce genre.

James promena son regard à travers la pièce, sans parvenir à distinguer quoi que ce soit.

_ C'est absurde. Pourquoi quelqu'un s'amuserait à faire ça, nous réveiller l'un après l'autre à quelques minutes d'intervalle et nous observer pendant ce temps ?

Il s'aperçut qu'il parlait aussi bas que Sirius, cependant. Comme si lui aussi avait peur de quelqu'un tapi dans les ténèbres, écoutant tout ce qu'ils disaient pour on ne sait quelle raison obscure…

_ Je ne sais pas, James… mais ce dont je suis sûr, c'est que nous ne sommes pas seuls ici. Il y a quelqu'un avec nous, et je donnerais cher pour savoir qui c'est.

Comme en réponse, la voix grave partit de nouveau, de quelque part dans le font de la pièce elle répéta ce même mot bizarre, " Enervatum ! " et Remus, toujours immobile, laissa échapper un gémissement sourd. Sirius alla s'asseoir à côté de son ami et James se tourna vers lui.

_ Remus ? Est-ce que ça va ?

Remus ne dit rien pendant une ou deux secondes, le temps de rassembler ses esprits, supposa James puis il ouvrit grand les yeux, et murmura d'une voix plutôt faible :

_ Où… où on est, là ?

_ Doucement, Rem – ne bouge pas, fit James d'un ton inquiet. La pleine lune était passée depuis à peine deux jours, et l'état de son ami ne devait pas être brillant…

_ Ça va, merci – juste un peu de vertige. Vous savez ce qu'on fait ici ?

Il murmurait toujours, mais sa voix se raffermissait peu à peu.

_ On ne sait pas où on est, fit Sirius à voix basse. Dans une pièce toute noire, ça c'est sûr, mais je n'ai pas la moindre idée de ce qu'on fait ici.

Il tourna un instant les yeux vers le fond de la pièce, là d'où était partie la voix. James regarda dans cette direction, puis se tourna de nouveau vers Remus pour demander :

_ Peut-être que tu sauras, Rem – " Stupéfix ", c'est la formule de quel sortilège ?

Les yeux de Remus s'arrondirent :

_ C'était ça ? Quel idiot, j'aurais dû y penser avant… C'est le Sortilège de Stupéfixion, et le contre-sortilège c'est " Enervatum ".

Sirius eut un petit rire.

_ Comptez sur notre encyclopédie à pattes pour éclairer notre lanterne. Content de te voir de nouveau parmi nous, Rem.

Remus eut son sourire tranquille en remarquant le soulagement qui perçait dans la voix de son ami. James se contenta d'un sourire, un peu crispé. Être capable de mettre un nom sur le sortilège qui les avait eus les uns après les autres ne constituait pas un billet de sortie mais c'était déjà ça. Du coup, James avait l'impression bizarre que la pièce n'était plus aussi sombre.

_ Quelqu'un nous a Stupéfixés, marmonna Remus en se redressant légèrement, mais pourquoi ? Enfin, c'est dingue…

Il s'interrompit brusquement, et promena son regard perçant autour de la pièce, comme s'il cherchait quelque chose. Ou plutôt quelqu'un.

_ Où est Severus ? Il était avec toi, James, si je me souviens bien…

_ Tu te souviens bien, Remus, fit Sirius. Mais il n'est pas ici.

Remus fronça les sourcils, et James fut sûr de déceler un commencement d'inquiétude dans les yeux bleus gris qui brillaient dans l'obscurité.

_ Où pensez-vous qu'il soit ?

_ Je n'en ai pas la moindre idée, dit James. Il y eut un court silence, tendu, tandis que tous trois laissaient leur imagination fournir une réponse à la question de Remus. Au mieux Rogue s'en était sorti par un sprint si soudain et si rapide que le mystérieux assaillant n'avait pas eu le temps de réagir… mais c'était totalement improbable. Au pire… deux solutions s'offraient à eux, la moins logique comprenant Rogue enfermé dans un cachot différent du leur – car il semblait évident qu'ils se trouvaient dans un cachot – et la plus plausible était que celui qui les avait attaqués l'avait tout simplement tué, ou Stupéfixé et abandonné dans la neige, ce qui revenait au même.

Malgré la réflexion de Sirius plus tôt, et malgré toute son antipathie à l'égard de Rogue, James ne pouvait s'empêcher de se faire du souci pour lui. Il ne nourrissait pourtant aucune sympathie pour ce type – au contraire, il le détestait même cordialement – mais pour rien au monde il n'aurait voulu le voir mourir. James pouvait mourir d'envie de lui lancer un Sortilège Bloque-Jambes ou un Furonculus, mais ça n'allait pas plus loin.

_ Si seulement j'avais ma baguette, marmonna Remus qui fouillait minutieusement ses poches pendant le silence qui avait suivi les mots de James. Celui-ci sursauta légèrement et se rendit compte après un bref examen qu'on l'avait également dépossédé de ses vingt-sept centimètres et demi d'acajou. Et d'après ce qu'il distinguait du visage de Sirius, et surtout d'après le juron grommelé d'une voix sourde venant de sa direction, sa baguette et celle de Remus n'étaient pas les seules à manquer à l'appel.

James enfonça ses mains gelées dans ses poches dans une tentative pour les réchauffer et surtout pour tenter d'éloigner le sentiment bizarre qui lui creusait un vide dans l'estomac. Sa baguette magique n'était à lui que depuis quatre mois, et pourtant il se sentait étrangement nu et désarmé maintenant qu'on la lui avait prise. Comme si le fait de lui enlever sa baguette le privait non seulement de protection, d'allié, mais aussi de toute possibilité de défense.

Après tout, ils n'étaient que trois garçons de onze ans, plutôt maigres, et même si Sirius et lui étaient tous deux assez grands pour leur âge, il se doutait bien qu'ils n'avaient aucune chance face à des adultes, et à plus forte raison des sorciers sans doute capable de bien autre chose que de Stupéfixer quatre garçons en un clin d'œil…

Heureusement, il y avait toujours l'agate. Cette petite pierre noire et blanche qui reposait tranquillement dans son sac de peau au fond de sa poche, et en laquelle James avait fini par voir une espèce de grigri, de talisman contre tout ce qu'on pourrait lui jeter à la figure… Il plongea la main dans sa poche.

L'agate…

_ Eh, balbutia James d'une voix blanche, attirant l'attention de ses deux amis à la fois par son exclamation étranglée et la recherche de plus en plus frénétique dans toutes les poches dont il pouvait se rappeler l'existence, l'agate… l'agate…

_ Quoi, " l'agate, l'agate " ? demanda Sirius d'un ton brusque, bien qu'il se doutât de la nature du problème en voyant le regard d'horreur pure qui obscurcissait les yeux de James. Remus s'approcha le long du mur.

_ On l'a volée, articula finalement James. Elle n'est plus dans ma poche, et il fallait annuler le Sortilège Colle-Forte pour la sortir de là… C'est impossible qu'elle soit tombée…

_ Tout de même, Mr Potter, grinça une voix railleuse venue de quelque part dans la pièce noire comme un four, je me demandais combien de temps cela vous prendrait pour vous en apercevoir.

* * *

Lily était bien obligée de l'admettre, même si cela la vexait profondément parfois on s'ennuyait très facilement quand le Quatuor Infernal n'était pas dans les parages. Bon, c'était vrai que la salle commune n'avait jamais été aussi calme, avec une ambiance aussi propice à la lecture – mais c'était ennuyeux à mourir. Mondingus avait égayé l'atmosphère à un moment en ressortissant le cadeau de Noël qu'il avait destiné à ses camarades – un énorme lion en peluche ensorcelé pour chanter d'une voix de fausset :

Vive Poudlard ! Non, franchement,

Je n'ai jamais vu un lieu d'un tel enchantement.

Les élèves étudient, et s'entendent tous entre eux

Et une blague de temps en temps ne peut que pimenter le jeu !

Les professeurs n'en font qu'à leur tête.

Permettez-moi de vous en présenter certains,

Puisque tout est permis en ces jours de fête

Et que pour eux aussi, c'est Noël ce matin !

Nous avons Rowena Walsh, Maîtresse des Potions

Je ne veux pas savoir ce qui se mijote dans ses chaudrons.

Le professeur Binns est meilleur qu'un Sortilège Morphée

Mais pour qu'on voie au tableau il n'a pas besoin de s'écarter.

Lady Minerva est sévère mais jamais elle n'est teigne

Les Métamorphoses ont du charme depuis qu'elle enseigne.

Rebus Ricochet prend sa retraite bientôt

Gare aux Forces du Mal s'il a moins mal au dos.

Professeur Flitwick, quel bon vent vous amène ! Je parle littéralement.

Les fenêtres sont toujours fermées en cours d'Enchantements.

Enfin, Albus Dumbledore, pour mon dernier couplet

Est un grand sorcier, et directeur de Poudlard

Mais il cache un lourd secret… chut, c'est un vieux renard

Il ne faut pas qu'on sache que ses chaussettes sont trouées !

Joyeux Noël à toutes ces braves gens

Et puissent-ils continuer à enseigner vaillamment !

Bien sûr, toute la salle commune avait explosé de rire, et devant le succès remporté, Mondingus avait apporté sa peluche chantante pour le repas de la veille. Les occupants de la Grande Table avaient réagi assez différemment les uns des autres. McGonagall avait un peu froncé les sourcils, mais avait parue assez flattée du compliment. Ricochet avait à peine entendu un mot sur deux, et adressa un grave signe de tête à Dumbledore – il croyait que la chanson était un compliment chanté. Flitwick avait fait quelques manières, mais s'était vite rendu et avait ri avec les élèves. Dumbledore avait adressé un sourire à Fletcher, et l'avait félicité pour son inventivité. Mais Walsh n'avait pas apprécié du tout. Les lèvres pincées, les yeux rétrécis, elle s'était vraiment mise en colère, surtout lorsque McGonagall s'était tournée vers elle avec un grand sourire ironique :

_ C'était de l'humour, Rowena.

Walsh l'avait fusillée du regard.

Cependant, elle avait pu avoir sa revanche. Une heure environ après que Lily ait vu Remus, Sirius et James partir pour la bibliothèque, Mondingus avait donc ressorti sa peluche et en avait fait profiter de nouveau la salle commune de Gryffondor, puis l'avait emportée avec lui, pensant faire une blague aux Serpentard. Le problème était que Peeves, l'esprit frappeur, avait trouvé là une excellente idée pour faire enrager Adams et mettre la pagaille. Il s'était donc emparé du lion en peluche et avait fui avec ses habituels – et insupportables – caquètements de triomphe. Mondingus n'avait que faire de l'ordre et de la tranquillité du château, mais le fait que Peeves lui ait volé quelque chose lui appartenant le mettait en fureur. Il s'était élancé aux trousses de l'esprit frappeur qui gloussait de plaisir en voyant le désordre qu'il avait causé.

Malheureusement pour Fletcher, il était tombé au détour d'un couloir non pas sur Adams, comme il aurait pu le craindre, mais sur Walsh. Il ne gagna rien au change – au contraire. Enchantée de prendre enfin Mondingus en faute – et de pouvoir se venger du petit couplet – Walsh confisqua la peluche et enleva quinze points à Gryffondor. Le Grand Mondingus Fletcher n'eut plus qu'à s'en retourner à sa salle commune, la mine défaite, vaincu.

Lily ne savait pas bien quoi faire de lui, tandis qu'elle l'observait par-dessus le livre qu'elle essayait de finir. Si Sirius avait vu son héros en ce moment… Mondingus avait plutôt piètre allure, recroquevillé en boule dans un fauteuil moelleux et s'exerçant à transformer un fer à cheval – probablement un de ses cadeaux de Noël, pensait Lily, qui avait appris depuis longtemps à ne pas s'étonner des occupations de Fletcher – en siège de toilettes miniature. Ses cheveux sombres tombaient en boucles épaisses sur ses yeux bruns, dont la lumière semblait partie, et ses sourcils étaient froncés par la concentration. C'était étrange de le voir aussi sérieux.

Au fond, Lily ne pouvait s'empêcher de le plaindre un peu. Les deux premiers mois – et, d'après les élèves plus âgés, les deux années précédentes également – Fletch avait semblé bénéficier d'une chance infernale, échappant sans arrêt à Adams et à toute forme d'autorité sans le moindre effort apparent. Il doit avoir un secret, pensait Lily. Il devait avoir quelque chose. Et les nombreux efforts qu'il montrait à présent dans l'accomplissement d'une farce qui lui aurait probablement paru enfantine quelques semaines auparavant prouvaient qu'il avait dû perdre ce secret.

Mue par la curiosité autant que par l'envie d'aider, Lily ferma son livre et alla vers lui.

_ Mondingus ?

Mondingus devina de suite l'identité de la personne qui s'adressait à lui, sans avoir besoin de relever la tête et sans même reconnaître la voix. Lily Evans était l'une des seules à s'adresser à lui avec son prénom en entier. Beaucoup se contentaient de " toi " et les amis l'appelaient " Fletch ", mais pas la petite Lily. Il releva la tête et esquissa un sourire en direction du visage parsemé de taches de rousseur et entouré des longs cheveux roux sombre en désordre.

_ Qu'est-ce qu'il y a, Lily ? Si tu t'inquiètes à propos des points que j'ai fait perdre, ne t'en fais pas, ils ne sont pas si nombreux que ça.

_ Non, Mondingus, ce n'est pas pour ça. Euh…

Maintenant qu'elle se retrouvait devant lui sans avoir réfléchi une seconde à la question à poser, Lily se sentit soudain très bête. Fletcher s'en aperçut et son sourire s'élargit, assez moqueur.

_ Quoi, petite Lily Jolie ? Que veux-tu me dire ?

Petite Lily Jolie… même sa vieille voisine de soixante-dix ans morte cinq ans auparavant ne lui avait jamais sorti un truc pareil. Lily aurait bien voulu avoir sur le bout de la langue un commentaire bien senti. Mais ce n'était pas le cas, alors elle demanda abruptement :

_ Qu'est-ce qui te tracasse ?

Mondingus ne s'attendait pas à celle-là. Il haussa les sourcils d'un air interrogateur.

_ Qu'est-ce qui te fait penser que quelque chose me tracasse ? demanda-t-il, un peu sur la défensive. Lily avait une furieuse envie de regarder ses pieds ou de courir se cacher dans un coin mais elle se domina, et à la place, planta ses yeux verts dans ceux de Fletcher d'un air qu'elle voulait grave et scrutateur.

_ Tu te payes le luxe de faire enrager Adams anonymement pendant trois ans et là, d'un coup, tu te fais prendre à tous les coups, tu accumules les gaffes et les maladresses, on ne compte même plus le nombre de retenues que tu t'es prises depuis deux mois… Je ne suis ici que depuis quatre mois, mais je peux sentir quand quelque chose ne va pas.

Elle le regarda de plus près, et fut soulagée de sentir qu'elle ne rougissait pas.

_ Qu'est-ce qui te tracasse ? répéta-t-elle.

Mondingus remua légèrement dans son fauteuil, manifestement mal à l'aise. Il jeta un regard autour de lui, comme pour s'assurer que personne n'écoutait, puis se pencha en avant.

_ Tu sais garder un secret ?

_ Evidemment, fit Lily en haussant les épaules. Combien de fois une de ses copines d'école lui avait confié le secret le plus important du monde et fait jurer de ne le répéter à personne ? Cependant elle sentait bien que le secret que Mondingus était sur le point de lui confier n'avait rien à voir avec un petit coup de foudre d'écolière. Elle se rapprocha.

A ce moment, la porte de l'escalier du dortoir des filles s'ouvrit à toute volée et Véga entra dans la salle commune d'un pas rapide, arborant un curieux sourire. Ses longs cheveux noirs, savamment coiffés pour une fois, flottaient sagement sur ses épaules, et sa robe semblait impeccable, parfaitement repassée. Lily haussa les sourcils, surprise. Véga ne soignait pas autant son apparence, d'habitude.

_ Tu sors, Véga ? demanda-t-elle. Véga tourna les talons et remarqua sa présence ainsi que celle de Fletcher.

_ Euh… oui, dit Véga, très droite dans sa robe noire et sa cape d'hiver. Je vais dans la tour d'Astronomie, Sinistra nous a donné un devoir à faire, un devoir de…

_ D'Astronomie ? coupa Mondingus, qui pour une raison inconnue de Lily, semblait beaucoup s'amuser.

_ D'Astronomie, parfaitement, fit Véga d'un ton sec. Et il faudrait que j'aille vérifier quelque chose dans le Système Solaire de poche qu'il y a là-haut.

_ Mais Véga, tu fais ce que tu veux, glissa Mondingus avec un sourire malicieux. Tu n'as pas à te justifier, tu sais.

Les joues de la jeune fille rougirent très légèrement sous le discret maquillage. Le sourire de Mondingus, impitoyable, s'élargit encore.

_ Tu as tout à fait raison, Fletcher, dit Véga d'un ton glacial. Je n'ai pas à me justifier. Et encore moins envers toi.

Et elle s'éloigna d'un pas très raide. Avant qu'elle ne soit hors de portée de voix, Lily eut le temps de lui crier :

_ Eh, attend ! Si tu vois James et Sirius et Remus, tu peux leur dire de me donner des nouvelles ? Ça fait deux heures que je poireaute dans la salle commune…

Véga s'arrêta à peine pour marmonner :

_ Hm, hmm. Où est-ce que j'ai une chance de les trouver, ces trois zigotos-là ?

_ La dernière fois que je les ai vus, répondit Lily, ils allaient à la bibliothèque mais ils parlaient d'aller voir Hagrid juste après. Je ne suis pas venue avec eux, mais en fait j'aurais dû, j'ai un cadeau pour lui…

_ Ils ne savent pas ? s'étonna Véga, cette fois se retournant complètement pour regarder Lily et Mondingus. Hagrid n'est pas là. Il est parti ce midi pour relever ses pièges dans la Forêt Interdite. Il reviendra sans doute ce soir, ajouta-t-elle avec un léger sourire, avec une belette morte dans une main et un sac de lézards vivants dans l'autre, pour les expériences de Walsh. Ce ne serait pas la première fois.

Beurk, pensa Lily. Marrant comme certaines personnes par ailleurs adorables peuvent faire des choses absolument dégoûtantes.

_ Mais alors, dit Mondingus en fronçant les sourcils, où sont-ils ? A la bibliothèque ?

_ Je ne pense pas, fit Lily, c'était juste pour rendre un livre que Remus avait emprunté. Je ne crois pas qu'ils y resteraient deux heures. Mais on peut toujours essayer, ajouta-t-elle en s'éloignant en courant du fauteuil de Mondingus et en passant le trou du tableau de la Grosse Dame avant Véga. Prise par un début d'inquiétude causé par l'ombre d'un pressentiment – on ne savait jamais, avec ces trois-là – elle avait complètement oublié la confidence que Mondingus était sur le point de lui faire.

Mondingus, laissé seul, poussa un soupir il prit un Fondant du Chaudron dans une de ses poches et reprit sa baguette magique ainsi que le siège de toilettes miniature qu'il avait obtenu.

Et si je le faisais en porcelaine blanche avec des fleurs bleues dessus ?

* * *

Au son de cette voix – la même voix puissante et glaciale à la fois qui les avait ranimés les uns après les autres – Sirius et James avaient bondi sur leurs pieds. Une demi seconde plus tard, Remus était également debout, entre les deux, scrutant l'obscurité pour tenter de savoir d'où venait cette voix. Peine perdue. Mis à part les trois garçons, la pièce semblait vide.

_ C'est vous qui avez volé notre agate ? demanda James d'une voix forte qu'il tentait de maintenir stable. Pourquoi vous nous avez enlevés ? Qui êtes-vous ?

_ Cela fait beaucoup de questions à la fois, jeune Mr Potter, ricana la Voix. Par laquelle voulez-vous que je commence ? Voyons…

_ Montrez-vous ! hurla soudain Sirius d'une voix étrange, faisant sursauter Remus déjà sur les nerfs. James, en regardant son ami aux cheveux sombres, remarqua dans la pénombre à laquelle il s'habituait peu à peu que ses poings étaient si serrés que les ongles devaient lui rentrer dans les paumes des mains. Il fut un peu surpris, et à moitié effrayé de voir Sirius perdre son sang-froid à ce point.

Apparemment, la Voix fut également un peu étonnée de cette soudaine explosion. Quand elle parla à nouveau, James eut l'impression que le visage invisible s'était tourné vers Sirius.

_ Claustrophobe, Mr Black ? N'ayez pas peur, tout cela ne durera pas longtemps – pas trop longtemps.

_ Pourquoi nous avoir réveillés les uns après les autres ? demanda Remus.

_ Bonne question, Mr Lupin. D'abord, simple question pratique – je ne pouvais pas prononcer trois fois le sortilège en même temps.

Il est seul dans la pièce, en déduisit James.

_ Et puis surtout, j'étais curieux de voir comment vous réagiriez, les uns et les autres… assez intéressant à observer. Laissez-moi vous dire que je vous trouve plutôt courageux pour des gamins de votre âge.

Tant mieux pour lui s'il le pense, pensa James. Il sentait une espèce de grand trou dans son estomac et son cœur battait follement contre ses côtes, comme un oiseau qui se cognerait contre les barreaux de sa cage dans ses vaines tentatives pour s'évader. Il se mordit la lèvre en s'apercevant qu'il était terrifié. Il aurait tout donné pour se retrouver dans leur salle commune Lily gazouillerait comme à son habitude sur tel ou tel devoir d'Enchantement pour la rentrée, Remus mâcherait un Chocogrenouille, l'air pensif et les yeux rieurs, et Sirius rejouerait pour la centième fois un air de guitare quelconque, pour se " l'installer dans les doigts ", comme il disait. James connaissait maintenant par cœur des chansons comme Like a Rolling Stone, Yesterday et The Sound of Silence, des chansons que Sirius adorait et qu'il pouvait jouer et rejouer encore et encore, ajoutant un accord par-ci par-là, les pailletant d'arpèges délicates – ou simplement parce qu'il avait l'impression (souvent juste, il fallait le dire) d'avoir joué faux. La manie de Sirius avait le don d'exaspérer James. Mais là, entendre son ami réinterpréter pour la énième fois A Hard Day's Night aurait résonné à ses oreilles comme la chanson d'un Phénix.

_ Pourquoi cette agate est-elle si importante pour vous ? demanda Remus, parlant pour la deuxième fois. Sa voix tremblait imperceptiblement, d'angoisse sans doute, mais James y décela aussi une note de curiosité décidée. Et en y réfléchissant bien, sous la couche de peur et d'anticipation qui le couvrait des pieds à la tête, il retrouva cette curiosité décidée au font de lui-même. Pourquoi un simple caillou valait-il trois enlèvements ?

_ A nouveau, une excellente question, Mr Lupin, fit la Voix. A l'entendre, elle s'était tournée vers Remus. Malheureusement, je ne peux y apporter qu'une réponse incomplète. Cela n'est en aucune façon vos affaires, voyez-vous.

_ Si c'est pour ça que vous nous avez enlevés, rétorqua Sirius qui semblait avoir déjà repris du poil de la bête, la moindre des choses pour vous serait de nous expliquer un minimum, non ?

James pouvait sentir, dans cette voix et aussi dans la façon de se tenir de Sirius – moins raide, la tête plus droite – que son ami reprenait peu à peu son assurance habituelle. Pur courage ou simple réflexe sarcastique, en tout cas c'était déjà ça. Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir, voilà ce que semblait dire cette attitude. Un début d'optimisme commença à s'installer dans la tête de James.

_ Il se trouve, jeunes gens, que cette agate est bien plus importante pour moi qu'elle l'est pour vous, continua la Voix. Elle n'a de valeur que pour moi seul. Pour vous, qu'est-elle ? Un trésor de guerre ? Un cadeau ?

_ C'est ma sœur qui me l'a donnée ! dit Sirius très vite. Remus écarquilla légèrement les yeux et James faillit sursauter. Il n'avait pas la moindre idée pourquoi Sirius avait dit un truc pareil. Mais si jamais celui-ci avait un plan – bien que ce soit improbable – la dernière des choses à faire serait de mettre tout par terre avec une exclamation stupéfaite.

Il y eut un petit silence, pendant lequel aucun des trois garçons ne bougea un cil. Puis la Voix dit, d'un ton un peu bizarre :

_ C'est ça. Bien sûr.

Puis il ajouta – et James fut sûr d'y déceler un léger sourire ironique :

_ J'ai failli vous croire, mon garçon.

Remus interrogea Sirius du regard, mais les yeux clairs ne dévoilèrent rien.

_ Bon, fit la Voix, je dois m'absenter. Ce fut un plaisir de discuter avec vous, jeunes gens, mais le devoir m'appelle. Je reviens dans peu de temps, cependant.

_ Attendez ! fit James. Et Rogue ? Je veux dire l'autre garçon qui était avec nous, qu'en avez vous fait ?

_ Oh, lui ? Je l'ai assommé à la manière Moldue et laissé là où je l'avais trouvé. Il n'y avait que vous trois qui m'intéressiez et je ne voulais pas m'encombrer inutilement. Cependant j'essaye d'éviter le plus possible de me faire remarquer, voyez-vous. Un petit Sortilège d'Amnésie et il a complètement oublié la raison de sa présence dans les parages – ainsi que votre présence à vous, mes pauvres amis.

_ Que lui avez-vous fait croire ? demanda Remus en fronçant les sourcils.

_ Qu'il voulait voir si l'occupant de cette petite cabane près de la forêt était chez lui. C'est tout simple, n'est-ce pas ?

La Voix lâcha un petit rire, puis jeta un " A tout à l'heure " bref et sec. Les trois garçons entendirent un " pop " distinct. Cette fois, ils étaient seuls dans la pièce.

James se tourna vers Sirius :

_ Ça va ? demanda-t-il un peu inquiet, repensant au tremblement qu'il avait senti plus tôt dans la voix de Sirius. Celui-ci hocha la tête, mais quand il répondit, sa voix était plus rauque que d'habitude.

_ Ça va, Jamsie, merci. Désolé d'avoir perdu les pédales comme ça, c'est juste que… le truc c'est que… je n'aime pas trop être enfermé, c'est tout.

Remus hocha la tête sans rien dire. James se rassit, et les deux autres firent de même. Le sol était toujours aussi froid, et il sentait toujours cet espèce de trou, dans son estomac.

_ Sirius, pourquoi as-tu dit que c'était Véga qui t'avais donné l'agate ? demanda Remus après un instant. C'était une des questions qui turlupinaient James il tourna la tête vers son ami assis en tailleur à côté d'eux.

_ Je voulais juste voir l'effet que ça ferait, fit Sirius, toujours de cette même voix bizarre, un peu rauque. Vous croyez qu'il savait où était l'agate avant d'atterrir dans ta poche, Jamsie ?

_ Je pense que oui, autrement il n'aurait pas pu suivre le fil jusqu'à nous – nous choisir nous, sur je ne sais pas combien d'élèves et de profs à Poudlard. Je me demande bien comment il a fait, d'ailleurs.

_ Je l'ai déjà dit, Jamsie, marmonna Sirius. Il est dans l'école et il nous observe. Tous les jours.

_ Comment serait-ce possible, Sirius ? fit Remus d'un ton septique. Dumbledore n'engage que des bons profs, des gens de confiance, qui…

_ Oui, oui, on dit ça, coupa Sirius, n'empêche que Walsh a continuellement l'air de vouloir nous massacrer tous et que Adams a l'air d'un vampire. Et il suffirait d'une tape amicale dans le dos de ce pauvre Ricochet pour qu'il tombe raide mort. Excuse-moi, mais comme personnel enseignant on a déjà fait mieux…

Remus eut l'air un peu vexé que Sirius critique son héros. James, quant à lui, laissa échapper un petit rire. C'est vrai que Poudlard ne ressemblait pas vraiment à l'école classique dont rêvaient les parents. La première fois où James avait entendu parler d'Albus Dumbledore avait été l'année de la nomination de celui-ci au poste de directeur, quelques deux ans auparavant. James s'en rappelait très bien – c'était lors d'une occasion rarissime : un petit déjeuner avec sa mère et son père. Il se souvenait de la voix de son père, grave et distante, qui lisait l'article de la Gazette du Sorcier, s'arrêtant parfois pour prendre une bouchée de toast ou une gorgée de thé, ou bien simplement pour faire un commentaire.

"Voyons ça… " Armando Dippet, directeur du collège de sorcellerie Poudlard depuis 1917 ne retournera peut-être pas l'année prochaine au vieux château qui était le sien depuis tant d'années. " C'est vrai que cela faisait longtemps qu'il était à Poudlard… je crois bien que mon père avait moins d'une dizaine d'années au moment de sa nomination comme professeur. " En effet, on reporte que le doyen de la fameuse école de magie aurait décidé de prendre sa retraite à la prochaine rentrée de septembre, ce qui clorait une longue et fructueuse carrière de 74 ans d'enseignement. " Ce muffin est bien trop sucré, Elizabeth. Il faudra corriger les elfes des cuisines. " Des rumeurs plus ou moins fondées indiqueraient que l'actuel professeur de Métamorphoses, Albus Dumbledore, serait le meilleur candidat au futur poste vacant. Il n'est nul besoin de rappeler que le professeur Dumbledore, sorcier éminemment respecté et de plus apprécié de tous, s'est notamment distingué lors de la dernière guerre du Monde Magique par sa bravoure, sa sagesse et sa détermination à vaincre le terrible Mage Noir Grindelwald, de sinistre mémoire. " J'ai connu la guerre, James –"

James avait sursauté en entendant son père s'adresser à lui directement.

"– et je suis en mesure de dire que cela forge le caractère. " Les rumeurs sont-elle fondées ? Dumbledore a certainement la prestance et l'aura – magique et personnelle – pour reprendre le flambeau du Directeur Dippet, mais saura-t-il diriger Poudlard aussi bien qu'il dirige ses classes ?… " Ainsi c'est Dumbledore qui a les meilleures chances… je n'en suis pas surpris. Ecoute-moi bien, fils. Si, dans deux ans, tu rentres à Poudlard (si Merlin le veut bien !) je veux que tu fasses attention. Cet homme est tout ce qu'il y a de bien – tout ce qu'ils disent là-dedans est vrai, Dumbledore est vraiment quelqu'un de bien, et de plus un sorcier très puissant – il a défait Grindelwald, il ne faut pas l'oublier – mais c'est un excentrique. Et un sorcier de son envergure ne devrait pas se permettre d'être excentrique. Ce n'est pas sérieux. M'as-tu compris ?"

Comme la recommandation de son père paraissait loin, à présent ! James s'était fait sa propre opinion d'Albus Dumbledore. Et cela surtout depuis les deux derniers jours – un homme, un sorcier capable de donner une chance à quelqu'un comme Remus, même " excentrique ", méritait amplement le respect.

Remus…

Complètement pris dans le tourbillon des derniers évènements, il avait totalement oublié la lycanthropie de son ami. Ce n'était pourtant pas quelque chose qu'on pouvait oublier comme ça – non, il semblait plutôt que James l'avait inconsciemment écarté de son esprit, pour se concentrer sur ses inquiétudes immédiates. Après tout, la pleine lune était passée depuis deux nuits, ils ne couraient aucun danger – et la seule inquiétude à avoir à propos de Remus était de savoir si le Sortilège de Stupéfixion avait eu des effets secondaires ou non, vu sa condition physique du moment. Et cependant…

Cependant James mourait d'envie de dire à Remus qu'il savait, qu'il connaissait son secret et qu'il le garderait pour lui. Ne serait-ce que pour lui enlever un souci de l'esprit, au moins un… bon, le moment n'était pas vraiment bien choisi. Si encore ils n'avaient été que tous les deux, James aurait pu parler sans se sentir trop stupide et maladroit… mais il y avait Sirius. Sirius qui ne savait pas, et qu'on ne pouvait pas envoyer à l'autre bout de la pièce pour qu'il n'entende pas la conversation… il se sentirait exclu. On le serait à moins, pensa James, surtout quand tu vois tes deux meilleurs amis se chuchoter à l'oreille des secrets dont tu n'as pas idée… Remarque, on pourra toujours le mettre au courant un jour ou l'autre. Quoique…

James se tritura les méninges pendant un bon moment. Finalement, il se décida. Oh, tant pis, s'était-il dit, Sirius est assez grand pour sentir quand c'est important, non ? Il n'était même pas à moitié convaincu lorsqu'il se tourna vers Remus qui discutait avec Sirius de l'improbabilité (ou pas) de la présence d'un espion à l'école.

_ Remus ? Je peux te parler, s'il te plaît ?

_ Bien sûr, fit Remus en se tournant vers lui, interrompant sa conversation avec Sirius. Une sensation de déjà vu faisait son chemin dans le cerveau de James.

_ Euh… seul à seul, ce serait mieux.

Et ça continue – l'histoire qui se répète…

_ Et moi, je fais quoi ? demanda Sirius en haussant un sourcil. James sentit ses joues prendre feu.

_ Désolé, mais c'est entre Remus et moi. Tu peux t'éloigner un peu, s'il te plaît ?

Oh, Sirius… pardon, Sirius…

Sirius lui jeta un regard curieux pendant une seconde. James fut presque sûr qu'il se sentait blessé quelque part – mais cette impression pouvait n'être qu'un effet de sa paranoïa. Ou de sa culpabilité. Cependant, Sirius ne posa pas de question il se leva simplement et alla s'asseoir contre le mur à l'autre bout de la pièce, complètement dans les ténèbres. Remus regardait James d'un air étonné.

_ Ecoute, Rem…

James laissa tomber sa voix jusqu'au murmure. Il ne voulait à aucun prix que Sirius l'entende.

_ Tu… Bon, autant en finir. J'ai compris ce qu'on avait pas compris il y a un mois, Sirius et moi. J'ai compris – je sais ce qui t'arrive chaque mois, Remus.

Remus ne bougea pas un cil. Mais il devint très pâle.

_ Comment… comment tu as deviné ?

_ J'ai fait le rapport entre tes absences et la pleine lune. Tu as manqué deux devoirs que Sinistra nous avait donné à faire parce que la lune était trop brillante pour qu'on voie quoique ce soit… parce que la lune était pleine… et chaque fois tu revenais bien plus malade que tu n'étais parti. Deux et deux font quatre. Tu es…

_ Tu es un loup-garou, fit une voix étouffée dans le fond de la pièce. James s'étrangla et Remus eut une sorte de hoquet. Cette fois, il était positivement livide.

_ Sirius ? finit par balbutier James, les yeux exorbités. Sirius… tu savais ?

_ Oui, James, je savais, fit la voix de Sirius, trop solennelle pour ne pas être moqueuse. Seuls ses yeux étaient visibles dans la pénombre. Je ne suis pas aveugle, et je n'ai jamais les yeux dans ma poche, comme tu as pu le constater.

_ Mais… depuis combien de temps… ?

_ Oh, ça doit bien faire deux ou trois semaines…

Remus fit un pas en arrière, puis un autre, lentement, cherchant à tâtons quelque chose qui puisse lui servir de support. Quand il eut trouvé le mur de pierres, il glissa sans un mot et s'assit par terre, le visage blême. Puis il entoura ses genoux de ses bras et y enfouit sa tête. Mais pris par leur " dispute ", ni James ni Sirius ne le remarquèrent.

_ Mais pourquoi tu ne me l'as pas dit avant ? demandait James abasourdi à Sirius. Moi je ne l'ai deviné qu'avant-hier !

_ Dans ce cas, pourquoi toi, tu ne me l'as pas dit avant ? rétorqua Sirius. Puisque tu pensais que je ne savais pas, pourquoi ne pas m'avoir mis au courant ? On était supposés chercher tous les deux !

_ Je… j'ai pensé qu'il valait mieux que le moins de gens possible soient au courant, se défendit James. C'est important, un secret pareil – et puis j'avais peur… je pensais que…

_ …Que je m'empresserais de crier " au loup ! " et de laisser tomber Rem comme une vielle chaussette ? Tu me connais mal, mon vieux. Je ne fais pas dans le Judas – je ne suis pas comme ça, moi.

_ Moi non plus ! s'exclama James d'un ton amer, sans même chercher à savoir qui était ce Judas et ce qu'il avait fait. Moi non plus je ne suis pas comme ça ! La preuve – même à toi je n'ai rien dit ! Tu croyais vraiment que si tu me le disais, j'allais le dénoncer, le dire à tout le monde ? Tu me déçois, Sirius. Franchement.

Du coup, la situation se retrouva inversée : maintenant, c'était Sirius qui avait l'air mal à l'aise. Il regarda ses pieds pendant une seconde, puis releva la tête et fixa James droit dans les yeux.

_ Ecoute, James. Pour moi ça me semblait évident de ne rien dire – toi, Remus et Lily, et même le petit Peter, vous êtes les premiers vrais potes que je me rappelle avoir eu. Tu ne sais sans doute pas ce que c'est que d'être considéré comme le " type bizarre " de l'école, celui qu'il vaut mieux éviter – c'était plutôt cool la plupart du temps, mais des fois, ça devenait franchement dur à supporter. Alors quand j'ai deviné, pour Rem, j'ai préféré me taire, parce que j'aimais bien la tournure que les choses avaient prise depuis le début de l'année. Et puis, c'est vrai que ce genre de problème n'est pas vraiment le genre de truc qu'on peut prendre à la légère, tu sais, dire " Oh, mon Dieu ! Mais tu es un loup-garou ! " – il dit cela d'une voix très haut perchée – et refermer la parenthèse comme si rien ne s'était passé. On est pas dans un film. J'ai passé deux semaines et demi à me torturer – est-ce que je devais le dire à quelqu'un ? A toi ? A Remus ? Comment il aurait réagi ? Et toi ? C'est vrai, tu peux être tellement superstitieux sur certaines choses, je ne savais pas vraiment comment tu réagirais…

" L'autre jour, quand Rem était à l'infirmerie et toi dans ce fauteuil à penser à je ne sais quoi, moi, à côté, je me rongeais les sangs en me demandant pour la centième fois si c'était le bon moment pour te dire " Au fait, tu sais pourquoi Remus est absent tous les mois ? ". Ou bien courir à l'infirmerie et dire à Remus : " Je connais la vérité, mais dors tranquille, ton secret est en sécurité avec moi ". Pendant une heure j'ai laissé les secondes s'écouler, puis les minutes, et je n'arrivais à dire aucun mot. Et puis le moment est passé.

James écouta en silence, sans interrompre Sirius une seule fois. Ce n'était pourtant pas l'envie qui lui manquait, surtout au début – mais petit à petit, il se rendait compte que tout ce que disait Sirius s'appliquait à lui. Toutes les raisons qu'il donnait, ses hésitations – elles avaient été celles de James pendant deux jours.

D'ailleurs, au fond, James était assez fier de Sirius. Sirius pouvait être blagueur, teigneux, rancunier, pas sérieux, insupportablement sûr de lui parfois, n'empêche qu'il avait du cœur. Et qu'il se souciait de ses amis. Exactement comme Sirius était le premier vrai ami de James, James savait maintenant qu'il était également le premier vrai ami de Sirius, et du coup en était tout content. De plus, il était stupide de blâmer Sirius pour quelque chose qu'il avait fait également… n'est-ce pas ? Et puis surtout, c'était pour Remus. Alors, lorsque Sirius termina son discours par un " Bon, j'ai fait une connerie, tu as fait la même – on ne va pas en faire une montagne, hein ? Surtout qu'on en fera d'autres dans la vie… " un peu hésitant, James eut un sourire, et hocha la tête dans sa direction.

_ T'as bien raison là-dessus, Sirius. On a encore le temps pour faire des bourdes, d'ailleurs les adultes en font bien assez comme ça… hein, Rem ?

James venait de se rendre compte – avec un peu de honte – qu'il n'avait plus prêté attention à Remus depuis que Sirius avait pris la parole. Mais quel genre d'imbéciles on est ? se demanda-t-il en se détournant de Sirius et en parcourant les ténèbres du regard. On est vraiment stupides de se disputer alors qu'il doit être dans un de ces états… Où il est, d'ailleurs ? Finalement il le trouva : Remus n'avait pas bougé. Il était recroquevillé en boule dans son coin sombre, le menton sur ses genoux. Son regard fixe, vidé de tout, fit courir un frisson dans le dos de James.

_ Eh, Remus ?

Sirius avait presque chuchoté, pour le réveiller en douceur de cet état bizarre, comme une transe. Mais on aurait dit que Remus n'avait rien entendu. Son visage, blême dans le minuscule rayon de lumière, semblait gravé dans du marbre.

_ Enfin Rem, qu'est-ce que…

Mais il s'interrompit quand les lèvres bleues se mirent à remuer. James et Sirius tendirent l'oreille pour comprendre le murmure qui en sortit.

_ Je le savais, soufflait-t-il d'une voix tremblante. Je savais que ça finirait comme ça.

Ses yeux fixes, grand ouverts, semblaient immenses. James fronça les sourcils :

_ Quoi, Rem ? Qu'est-ce qui finirait comme ça ?

_ A chaque fois j'y ai droit, dit Remus, les yeux toujours fixes – seules ses lèvres bougeaient. A chaque fois. J'aurais dû le savoir. J'aurais dû m'en douter… c'est toujours comme ça, pourquoi ç'aurait été différent cette fois…

_ Il n'a rien entendu de ce qu'on a dit, ou quoi ? chuchota Sirius à James. James secoua la tête. Apparemment Remus s'était complètement fermé dès le début de la conversation. Au sens propre.

_ Mais bien sûr que c'est différent maintenant, Rem, fit Sirius sur un ton doux mais ferme, en posant les mains sur les genoux de Remus pour le forcer à le regarder et le ramener à la réalité. Je ne sais pas combien tu en as bavé avant, j'imagine que ça n'a pas dû être du gâteau tous les jours, mais je peux te dire qu'on est là, et qu'on y reste. Et Jamsie itou.

_ Ouais, approuva James. Ce n'est pas parce que tu es, disons… différent une fois par mois que ça ne fait pas de toi quelqu'un de bien ! Tu es quelqu'un de bien, et tu mérites d'avoir des potes – il n'y a aucune loi contre ça, que je sache !

James avait parlé d'un ton vif, pour le secouer un peu, et fut content de voir les yeux bleu gris sans vie, immenses, rencontrer les siens. Il ajouta immédiatement, un sourire naissant au coin des lèvres :

_ D'ailleurs, même s'il y avait effectivement une loi contre ça, je m'en ficherais royalement.

Remus cligna des yeux. On aurait dit qu'il se réveillait d'un profond état d'hypnose. Après un moment de silence qui parut interminable, pendant lequel son regard passa lentement de James à Sirius et de Sirius à James, il murmura d'une toute petite voix :

_ Vous… vous voulez dire que… vous voulez toujours rester amis avec moi ?

Sa petite voix étranglée lui donnait l'air nettement plus jeune que son âge, et ses yeux écarquillés renforçaient l'impression. James sentit que ce murmure-là était un cri du cœur. Quant à Sirius, son sourire remit un peu de feu dans ses yeux.

_ Il faut bien plus que ça pour se débarrasser de nous, mon vieux. Mais c'était bien essayé.

_ Tu vas devoir nous supporter pendant au moins sept ans, fit James sur le même ton, parce qu'on n'a pas l'intention de te laisser tomber. Jamais.

Et il détacha bien les deux syllabes.

A mesure que les mots de Sirius et James tombaient, les yeux bleu gris retrouvaient de leur vivacité habituelle Remus enleva lentement son menton de ses genoux et s'assit normalement. Il clignait des yeux, et cette fois James devina pourquoi ils avaient semblé si grands l'instant d'avant – ils brillaient de larmes à la lumière du rayon ténu qui tombait de quelque part dans le mur de droite.

_ Je… je ne sais pas quoi dire, finit-il par articuler lentement, un léger sourire étirant ses lèvres pâles. Personne n'avait jamais fait ça pour moi, vraiment je… vous êtes…

Il s'interrompit, et s'essuya les yeux avec un petit rire étranglé, encore fragile, comme une excuse.

_ Pardonnez-moi, j'ai complètement craqué… c'est pathétique, franchement… je fais tout pour ne pas craquer, et d'habitude, ça marche – mais là…

_ Arrête, Rem, tu n'as pas à t'excuser, fit James, soulagé que son ami commence à retrouver son état normal. C'est parfaitement normal d'avoir la trouille…

_ Surtout pour quelque chose d'aussi grave, renchérit Sirius. Dis-moi, quand tu as dit que personne n'avait jamais fait ça pour toi, tu veux dire quoi, exactement ?

_ Ben, fit Remus en se redressant et en se séchant les yeux pour de bon, c'est pas tellement facile de garder quelque chose comme ça secret dans une école primaire de sorciers – j'y ai passé deux ans, c'est là que j'ai rencontré Severus – puis on a déménagé et ma mère a préféré m'emmener tous les jours chez un vieil instituteur à la retraite qui vivait à quelques maisons de chez nous… Il était tellement content d'avoir à nouveau un élève qu'il ne s'est jamais demandé pourquoi j'étais malade tous les mois. Il était adorable.

_ Tu avais l'école à domicile ? fit Sirius, les yeux agrandis. Whoa ! La chance !

Remus eut un sourire.

_ A domicile, enfin, si on veut… de toutes façons on n'avait pas le choix. Jusqu'à l'année dernière, j'étais pratiquement sûr de ne pas aller à Poudlard – de ne pas être autorisé à y aller, je veux dire.

Ses yeux se mirent soudain à étinceler.

_ Vous ne pouvez pas savoir le bonheur que ç'a été de recevoir ma lettre d'admission.

_ Je crois que je peux imaginer, rit doucement James. Rien qu'à te l'entendre dire.

_ Dis-moi, intervint Sirius, les profs le savent ?

_ Dumbledore le sait… et Madame Pomfresh, bien sûr. Et il l'a dit au professeur McGonagall dès le lendemain de la Cérémonie de Répartition. Il m'avait prévenu qu'il en parlerait au directeur de ma future maison, quelle qu'elle soit.

_ Et…

James hésita un peu.

_ Où tu vas, pendant… pendant tes transformations ?

Remus baissa encore sa voix.

_ Vous connaissez Pré-au-Lard ?

_ Un peu, répondit James, qui n'y avait encore jamais été.

_ Vaguement, fit Sirius – Véga lui en avait effectivement parlé, mais tellement souvent qu'il ne prenait même plus la peine d'écouter.

_ Il y a une vieille cabane, vers l'extérieur du village, qu'on appelle la Cabane Hurlante.

_ Ah ! s'écria Sirius en levant brusquement l'index droit. Remus s'interrompit et le regarda, imité par James, attendant la suite, mais Sirius se contenta de se gratter le haut de la tête et de marmonner :

_ Entendu parler, c'est tout. Continue, Rem.

_ Eh bien il y a… mais je ne sais pas si je dois vous le dire…

_ Vas-y, on ne le dira à personne. Promis.

_ D'accord. Il y a un passage secret sous le Saule Cogneur, dans le parc. Il mène juste dans la Cabane Hurlante. En fait… en fait il a été construit pour moi, pour que je puisse m'éloigner de Poudlard discrètement.

_ Mais il y a toute une bande de fantômes, là-dedans ! s'écria James. Véga m'en parlait l'autre jour… elle disait qu'ils s'étaient installés il y a très peu de temps mais que du coup, tout le monde évitait l'endroit…

Les deux autres pouffèrent de rire. James fronça les sourcils, les regarda l'un après l'autre, puis poussa un soupir.

_ D'accord, je suis un imbécile. Excusez-moi.

_ Pas de mal, James, fit Remus, essayant de garder son sérieux… sans y arriver vraiment.

Sirius se mit à réfléchir pendant une minute lorsqu'il releva les yeux, il avait l'air scandalisé.

_ Une minute… J'espère qu'ils ne te mettent pas dans une cage ! Parce que je te jure que s'ils le font, ils auront affaire à moi !

Remus parut touché de l'intention. Ses joues retrouvèrent un peu plus de couleur.

_ La Cabane a peut-être l'air de tomber en ruine, mais il ne faut pas se fier aux apparences. Les murs sont assez solides pour que je n'aie pas besoin de cage, avec des barreaux et tout. Cependant… cependant ce ne serait pas si terrible que ça que je sois dans une cage. Après tout, je suis dangereux.

James remarqua le léger changement dans sa voix les derniers mots étaient voilés par une amertume assez marquée. Ce ton lui serra le cœur. Il ne savait pas très bien quoi répondre à cela.

_ Eh, Rem.

Les yeux bleus gris avaient déjà presque retrouvé leur expression habituelle quand ils se tournèrent rapidement vers Sirius, qui venait de parler.

_ Peut-être que tu es " dangereux " une nuit par mois, mais ne vas pas t'imaginer que cette nuit dure tout le mois. Tu es un type normal les trois quarts du temps. Et d'ailleurs, tu veux que je te dise, franchement ? J'en connais quelques uns qui sont nettement plus bizarres que toi la nuit de la pleine lune, et ce à temps complet.

Il y avait à la fois du sérieux et de la légèreté dans le ton de Sirius, et Remus ainsi que James n'arrivait pas bien à démêler les deux. Remus se contenta de hocher la tête en direction de son ami, la gorge serrée. Il y eut un petit silence.

_ Et Lily? demanda soudain James.

_ Quoi, Lily ?

_ Eh ben… on lui dit, ou pas ?

Les trois garçons se regardèrent d'un air mal à l'aise.

_ Euh… commença Sirius lentement, je ne crois pas que ce soit une si bonne idée de le lui dire.

_ Je suis d'accord avec Sirius, fit Remus. Dumbledore m'a avertit que moins les gens sauraient, plus je serai en sécurité.

_ Pour Peter, je ne dis pas, insista James. Il n'est pas très courageux, et il pourrait paniquer – mais Lily ? Je veux dire, elle est intelligente, et puis assez courageuse, pour une fille… et elle est gentille. Et en plus elle t'aime bien, Remus.

Les joues de Remus rosirent légèrement, retrouvant ainsi leur couleur normale, celle qu'elles avaient lors de la nouvelle lune. Puis :

_ On dirait que tu cherches des raisons, James, dit-il. Franchement j'aimerais bien lui dire – si j'étais sûr de sa réaction – mais je peux te dire, de la petite expérience que j'ai, que les réactions des gens – même ceux qu'on croit connaître bien, sont parfois assez imprévisibles.

Il eut un large sourire, qu'ils distinguèrent parfaitement malgré la pénombre. James se disait bien qu'il disait cela en pensant à eux en y réfléchissant bien, cependant, il n'y avait pas de quoi sourire, car cela marchait dans les deux sens – des tas de personnes avaient sûrement très mal réagi quand ils avaient appris la vérité à propos de Remus. Néanmoins, il n'était pas en humeur pour une longue introspection, et il fit la moue, vexé de ne pas avoir le dernier mot sur la question de Lily.

_ Oh allez, Jamsie, fit Sirius avec un haussement d'épaules. Ecoute, voilà ce que je te propose. Si elle ne remarque rien, inutile de la mettre sur la piste. Si jamais elle devine et qu'elle vient nous en parler, là, on lui dira tout. Tu es d'accord, Rem ?

Remus hocha la tête :

_ Tout à fait d'accord.

James poussa un soupir.

_ Bon, d'accord, Sirius. Mais ça m'embête quand même. Je n'aime pas trop garder des secrets – je suis toujours mal à l'aise quand il faut que je cache quelque chose à des amis.

_ Tu sais, Jamsie, j'avais remarqué ça, glissa Sirius avec un sourire sarcastique. Tu étais hilarant, tout à l'heure, à t'étrangler et à devenir tout rouge. Excuse-moi de te dire ça comme ça, mais tu es le menteur le plus pitoyable que j'ai jamais rencontré.

James commença par essayer de faire à nouveau la moue, mais ne parvint pas à se retenir de pouffer de rire devant le visage de Sirius, sérieux comme un pape. Bien sûr, il exagérait, James n'était pas si mauvais menteur que ça, mais… quand même. Remus se mit à rire doucement, mais soudain ils entendirent un petit bruit. Un grincement de porte.

De la lumière – une lumière faible, qui ne les éblouit quasiment pas – tomba d'une ouverture dans le mur, tout à fait à leur gauche. Et aucune silhouette ne s'encadrait dans la porte. Néanmoins, la Voix qu'ils reconnurent tout de suite retentit dans la pièce.

_ J'espère que je ne vous ai pas fait trop attendre. Veuillez vous lever, je vous prie.

Perplexes, l'appréhension de retour au fond de leur cœur, les trois garçons se levèrent. Des pas retentirent au dehors du cachot – dans ce qui semblait être un couloir – et une large silhouette s'encadra dans la lumière.

_ Suivez cet homme, dit la Voix, toujours invisible. Et je préfère vous avertir tout de suite, essayer de jouer les héros serait proprement idiot. Surtout avec lui.

En effet, alors que les trois amis passaient devant l' " homme " grand, large d'épaules et pourtant assez maigre que la Voix leur avait désigné pour guide, il remarquèrent les yeux vides, le teint cireux et les dents qui mordaient très légèrement sur la lèvre inférieure. Un vampire. C'est… c'est un vampire. James avala sa salive, et il sentit Remus frissonner à côté de lui. Un regard lui suffit pour remarquer que son ami avait perdu toute la couleur que la vivacité et le naturel de la conversation avait rendu à ses joues – cependant, ses yeux bleu gris restaient alertes, et tranquilles. Comptez sur Remus pour garder son sang-froid dans les moments de crise.

Quant à Sirius, il regardait la bouche de la créature avec une étrange fixité. Lorsqu'il tourna les yeux vers James, ces yeux semblaient demander : " Mais qu'est-ce qu'on fait là ? Au secours ! " Les yeux écarquillés, James se contenta de secouer la tête en direction de Sirius. Il se posait lui-même la question.

Ils marchèrent un moment, le long d'un couloir qui semblait creusé profondément dans le sol. La terre dont les murs étaient faits – contrairement à leur petit cachot, dont les murs étaient de pierre – était froide et humide l'odeur qui s'en dégageait rappela fortement celle qui sortait des petits sacs contenant la nourriture pour les Mordants, en cours de Botanique. L'odeur de la chair en décomposition. L'estomac de James eut un sursaut désagréable. Du coup, il reporta son regard sur leur " geôlier ".

C'était la toute première fois que James voyait un vampire en vrai. Dans les illustrations des livres, les vampires étaient toujours représentés avec des canines au moins deux fois la taille normale, acérées, longues au point que les personnages sur les images avaient du mal à fermer la bouche et restaient là, lèvres retroussées sur des dents pointues et sanglantes, ce qui leur donnait un air légèrement abruti. La réalité était toute autre. Le vampire qui les accompagnait avait certes des dents légèrement plus longues que la moyenne, car on pouvait les remarquer lorsque la bouche était fermée mais c'était surtout la peau livide, presque jaune (cet effet était renforcé par la lueur des quelques torches flottant le long du mur), les joues creuses, et les yeux morts, sans expressions aucune – qu'une minuscule lueur rouge qui brillait tout au fond – qui trahissait le vampirisme. Et les oreilles de ce vampire-là semblaient avoir été taillées en pointe. Si on s'en sort vivants, qu'est-ce qu'on aura comme choses à raconter aux autres…

Si on s'en sort vivants…

La pensée qu'ils pourraient ne jamais revoir la lumière du jour effleura James il tenta de l'éloigner, frémissant. Tout va bien. Tout va bien. Du calme.

Mais cela ne l'empêcha pas d'avaler péniblement sa salive. Dans les livres qu'il avait chez lui, c'était toujours le moment où le héros invincible se retrouvait dans une situation impossible, sans sa baguette magique, sans balai, sans personne pour l'aider. Le moment où le lecteur lisait avidement, en sautant les descriptions, tout en se demandant comment son héros allait se sortir cette fois d'une situation qui constituait une mine pour toutes les péripéties qui avaient la moindre possibilité, la moindre chance d'arriver – le moment où le lecteur se disait " Tout peut arriver. " Absolument tout, le meilleur comme le pire.

Le point de non-retour. Voilà. James, Sirius, et Remus avaient atteint le " point de non-retour ". C'était une perspective à la fois terrifiante et excitante.

Et pourtant, James aurait tout donné pour revenir en arrière.

* * *

_ James ? Remus ? Sirius ?

Lily était arrivée à la bibliothèque, et scrutait chaque rayon pour voir si par hasard ils n'étaient pas là. Peine perdue – la vaste bibliothèque semblait déserte. Aucun étudiant n'était assis à une table, ou enfoncé dans un fauteuil avec un livre poussiéreux à la main. Le silence, tandis qu'elle avançait le long des étagères, était légèrement intimidant, et lui rappelait l'épais silence de la boutique de Mr Ollivander, là où elle avait rencontré James et Sirius pour la première fois. Elle secoua la tête, en se disant : Du calme. Ce n'est qu'une bibliothèque. Tu n'es pas sortie de l'auberge si tu te mets à avoir peur du silence.

Néanmoins, après avoir fait toute la bibliothèque, elle s'arrêta près de la Réserve et regarda à travers la porte grillagée, juste au cas où. C'était complètement idiot, parfaitement irrationnel, totalement illogique, mais elle ne pouvait pas empêcher une sensation étrange de s'installer dans le creux de son estomac, comme si un nœud était en train de se former petit à petit. Et le silence n'y était pour rien.

Ils doivent être quelque part. Mais ?

_ Evans ? Que faites-vous ici ? Vous devez avoir un mot signé de l'un de vos professeurs pour emprunter des livres dans la Réserve…

La voix tranchante de la bibliothécaire ramena brutalement Lily sur terre elle se retourna avec un sursaut et demanda, essayant d'avoir l'air naturelle :

_ Excusez-moi, Madame Pince, mais je cherchais trois amis à moi… Potter, Black et Lupin – ils sont passés il n'y a pas longtemps, je crois.

_ En effet, dit Madame Pince d'une voix moins brusque, Lupin venait pour signer le registre et les deux autres l'accompagnaient.

_ Signer le registre ? fit Lily, perplexe. Il ne devait pas plutôt rendre le livre ?

_ Non, absolument pas. Le livre a déjà été rapporté, il y a trois semaines, mais cet étourdi avait oublié de signer.

Lily réfléchit à toute vitesse. Cela devait avoir du sens quelque part. L'essentiel était de savoir où.

_ Et… ils ne sont pas restés, n'est-ce pas ?

_ Non, répondit la bibliothécaire avec un haussement de ses épaules maigres. J'ai trouvé leur attitude un peu suspecte, d'ailleurs. On aurait dit que Lupin avait oublié qu'il avait effectivement rendu ce livre.

_Oh, Remus a parfois tendance à être distrait, mentit Lily d'un ton léger, tournant les talons. Elle ne tenait pas vraiment à s'attarder.

_ Au revoir, Madame Pince.

_ Vous ne restez pas non plus ?

Le ton de la bibliothécaire semblait presque déçu.

_ Euh… non, désolée. Bonne journée !

Tandis que Lily passait la porte d'un pas rapide, elle entendit Madame Pince marmonner :

_ Toujours pareil. Jamais une âme pendant les vacances. C'est à se demander à quoi je sers, franchement.

Lily fit un détour par toutes les classes vides, passa des cachots à la tour Nord, sans que ses trois amis ne donnent signe de vie. Pendant une heure, elle courut de haut en bas à travers le château. Elle dit bonjour à Nick Quasi-sans-Tête, croisa Frank Londubat, se jeta derrière un pilier pour éviter Peeves… Au détour d'un couloir, elle tomba même sur Avery et Nott qui semblaient chercher quelque chose, ou quelqu'un. Elle passa à côté d'eux le menton levé d'un air méprisant. Mais, à la fin, elle ne trouva pas ceux qu'elle cherchait.

Du coup, en dernier ressort, elle monta quatre à quatre les escaliers menant à la salle commune, puis ceux menant aux dortoirs des garçons. Elle s'arrêta devant la porte et frappa plusieurs coups.

_ James ? Remus ? Les garçons, vous êtes là ?

Comme elle n'obtenait aucune réponse, elle sortit sa baguette, tapota la poignée de la porte et murmura Alohomora. La porte s'ouvrit lentement, sur une chambre complètement vide. La chaussette que Sirius avait reçu de sa sœur pour Noël dépassait de sa couverture, et lorsque Lily s'approcha pour la fourrer de nouveau dessous, elle s'aperçut que la courtepointe dissimulait également une bonne partie du petit linge de son ami, ainsi que des rouleaux de parchemin froissés et son exemplaire de Mille Herbes et Champignons Magiques. Lily abandonna la lutte et s'assit en face, sur le lit de James qui semblait moins en désordre, les coudes sur les genoux et le menton dans les mains.

Pour la centième fois aujourd'hui, elle laissa son esprit vagabonder, tournant inlassablement autour d'une question précise : Où sont-ils ? Ils pouvaient être n'importe où, en train de préparer une farce, d'essayer de se retrouver dans un couloir où ils n'avaient jamais encore mis les pieds, de frapper sur la porte des toilettes du sous-sol pour qu'on les fasse sortir… n'importe où, sauf en danger réel. Mais quelque chose au fond d'elle-même, quelque chose de confus et qu'elle n'expliquait pas bien, lui chuchotait à l'oreille que la situation n'était pas normale – quelque chose ne tournait pas rond. Elle fourra une mèche de cheveux sombres dans sa bouche, se mit à jouer machinalement avec la bordure du drap du lit de James, tourna et retourna les différents endroits où elle avait été tout en levant les yeux vers le plafond, fronçant les sourcils. Ses yeux ne rencontrèrent que des veinures et des fissures dans le plafond de bois sombre. Celle-ci ressemble à un œil, pensa-t-elle, puis celle-là ressemble plutôt à un dragon. Imaginer des formes aux rainures dans le plafond – ou aux nuages – étaient un des jeux préférés de Lily. Ayant trouvé le moyen idéal pour se changer les idées et pouvoir réfléchir après à tête reposée, elle s'allongea carrément sur le lit de James, sur le dos, et fixa son regard sur le plafond. Elle serait sans doute restée là un moment, à rire doucement d'une planche à voile, froncer les sourcils en direction de deux fissures qui formaient le haut d'un cœur mais également un autre genre de silhouette moins innocent, à sourire rêveusement à un charmant profil aux oreilles pointues… si elle n'était pas tombée sur une espèce de serpent qui se faufilait entre la planche à voile et l'œil. Cette forme imprécise fit naître le début d'une idée absurde dans son esprit. Tout d'abord, elle la rejeta, la trouvant hautement improbable puis, comme elle s'installait confortablement dans sa tête, elle fut bien obligée de la considérer.

" Severus Rogue. "

" Tu ne l'as vu nulle part. "

Lily secoua la tête et tenta de se concentrer sur une autre fissure du plafond, répondant à la voix dans sa tête : C'est normal, imbécile. Il doit être dans sa salle commune, avec les autres Serpentard.

" Ah oui ?" rétorqua la petite voix dans sa tête, revenant à la charge. " Dans ce cas, pourquoi Nott et Avery rôdaient-ils dans les couloirs avec l'air de deux chiens qui ont perdu leur maître ? Il se trame quelque chose avec Rogue, et tu le sais très bien. "

Oh, la ferme, fit Lily d'un ton sec et définitif – s'apercevant par là même qu'elle avait parlé à haute voix. Elle soupira et se retourna sur le ventre, le menton de nouveau dans ses mains. Qu'est-ce que je fais, alors ?

" Tu pourrais déjà commencer par te lever, " siffla la voix. " Ce sera mieux que de rester affalée là sans rien faire. "

Ça va, ça va, j'y vais. Lily enleva le menton de ses coudes et se leva de mauvaise grâce. Pour aller où, elle n'en avait pas la moindre idée. Elle haussa les épaules, et sortit du dortoir des garçons, fermant la porte derrière elle. La chanson de Jiminy Cricket, dans Pinocchio, lui trottait dans la tête.

Lorsqu'elle se retrouva sur le seuil, sa première pensée fut de descendre dans la salle commune et de les attendre bien sagement. Mais Lily n'avait pas envie d'attendre sagement. Elle voulait de l'action, et surtout ne pas rester sans rien faire, comme une gentille petite écolière. Sinon, elle sentait qu'elle deviendrait folle à tourner en rond.

Elle descendit les escaliers en courant, puis monta ceux qui menaient aux dortoirs des filles. Arrivée dans le sien, elle attrapa sa cape, la jeta sur ses épaules d'un mouvement vif et repassa la porte en courant tout en l'attachant correctement. Il fallait qu'elle prenne un peu l'air.

En passant dans le Grand Hall, elle tomba sur Olivia O'Flaherty, une Gryffondor de la même classe que Véga, qui flânait sans but dans le château.

_ Je m'ennuie, soupira Olivia en rejetant ses cheveux bouclés, mi-longs, par-dessus son épaule. Il n'y a rien à faire ici, l'hiver, tout le monde est parti, surtout les plus beaux garçons – et en plus Véga m'a laissé tomber pour s'enfuir je ne sais où.

Lily faillit dire que Véga se trouvait dans la Tour d'Astronomie, mais quelque chose la retint.

_ Tu peux venir avec moi, si tu t'ennuies à ce point, proposa Lily en haussant les épaules. Olivia parut légèrement intéressée.

_ Tu as rendez-vous ? Avec qui ?

_ Non, je n'ai pas rendez-vous, marmonna Lily. Je veux juste prendre l'air – aller à la cabane de Hagrid et revenir, ou un truc comme ça… Moi non plus je n'ai rien à faire.

_ Où sont les garçons avec qui tu traînes toujours ? demanda Olivia en la fixant attentivement. Le petit frère de Véga est toujours avec toi, et James Potter, et le petit Lupin aussi…

_ Oh, ils ont autre chose à faire, fit évasivement Lily qui ne tenait pas à s'étendre sur la question. Olivia hocha la tête et rajusta sa cape. Lily la suivit à travers les double portes, puis en bas des escaliers de pierre brillant de neige glacée.

Le parc de Poudlard était magnifique en hiver. On aurait dit un gâteau d'anniversaire géant entièrement recouvert de sucre glace craquant et crissant sous les pas. Les arbres, dont les branches sans feuilles étaient courbées sous le poids de la neige, complétaient le tableau. Vers la droite, le sol s'effaçait, et tombait en falaise abrupte pour laisser apercevoir les montagnes, au loin et la cabane de Hagrid, vide, ressemblait à un champignon géant, se dressant au milieu de tout ce blanc comme une figurine de pâte d'amande sur le gâteau d'anniversaire.

Tandis qu'Olivia promenait des regards blasés autour d'elle, Lily gardait ses pensées fixées sur ses trois amis, ainsi que sur Rogue. Peut-être ce dernier leur avait-il fait quelque chose, une mauvaise blague ou quelque chose de plus sérieux – en tout cas il semblait avoir disparu en même temps qu'eux. Si jamais il leur a fait du mal… Si jamais… Lily n'était pas tellement pour la vengeance, mais lorsqu'on la cherchait, on la trouvait. Elle fit craquer les articulations de ses doigts d'un geste nerveusement machinal.

_ Hé ! sursauta Olivia. Ne refais jamais ça ! Je déteste quand on se craque les doigts à côté de moi, ça me donne la chair de poule !

_ Désolée, fit Lily en levant la tête. C'est juste que…

Elle s'interrompit, ouvrit grand les yeux et la bouche, et se mit à courir de toutes ses forces en direction de la cabane de Hagrid, laissant derrière elle une Olivia médusée. Lily venait d'apercevoir une silhouette aux cheveux noirs, portant la cape et la robe noire qui étaient l'uniforme de Poudlard, étendue sans mouvement près de la lisière de la Forêt Interdite. Tandis qu'elle courait, elle pouvait un peu mieux distinguer les cheveux d'un noir de jais, un peu longs, et le long corps maigre – Sirius !

Lily avait dû crier tout haut sans le faire exprès, car elle entendit derrière elle les pas rapides d'Olivia en se retournant, elle vit que la jeune fille arrivait en courant également, relevant le bord de sa robe de sorcière pour ne pas trébucher. Son cœur battait follement dans sa poitrine – la silhouette ne semblait pas bouger du tout. Faites qu'il soit vivant, oh Mon Dieu, faites qu'il soit vivant…

_ Sirius ? haleta-t-elle en se laissant tomber lourdement à son côté. Oh, Sirius ! Réponds-m…

Mais ce n'était pas Sirius. Lily s'en aperçut immédiatement une fois qu'elle eut repris ses esprits et son souffle. Elle prit une longue respiration, et retourna avec précaution le corps qui gisait devant elle. Cette fois, aucun doute n'était possible avec ces cheveux noirs et gras, ce nez crochu, cette bouche aux lèvres fines, légèrement entr'ouverte de surprise et ces yeux noirs qui, même avec leur expression stupéfaite et terrorisée du moment, gardaient quelque chose de malin et de méfiant…

C'était Severus Rogue.

_ R… Severus ? fit Lily, complètement abasourdie. Qu'est-ce que tu… Severus ?

Comme aucune réponse ne venait du garçon immobile, elle le prit aux épaules et le secoua doucement, un début de panique commençant à grandir dans son estomac.

_ Severus, réponds-moi ! Severus ? Qu'est-ce que tu as ?

Cette fois elle le secoua comme un prunier, se détournant à peine pour hurler, d'une voix bien plus pointue que d'ordinaire :

_ Olivia ! Au secours ! Olivia !

Faites qu'il ne soit pas mort, se répétait-elle frénétiquement, tandis qu'Olivia, très pâle, s'agenouillait à côté de Rogue et l'examinait. Et pourvu qu'il ne soit rien arrivé de ce genre aux autres…

Et son regard apeuré et inquiet se perdait dans les arbres sombres et sinistres de la Forêt Interdite.

* * *

Cette fois, je suis certain de n'avoir jamais vu de salle aussi haute, pensait James en entrant là où les guidait le vampire – et la Voix. Car elle ne les avait pas quittés d'une semelle, faisant quelques remarques ironiques, rabrouant les retardataires – quelques fois James, le plus souvent Remus – ou s'adressant au vampire qui ne répondait jamais, se contentant de hochements de tête. La Voix l'appelait Belegaer, ce que James supposait être son nom. Mais ce que cela voulait dire, il n'en savait absolument rien.

La salle, en effet, était immense. Bien plus grande que le Grand Hall, la Grande Salle ou les cuisines de Poudlard – ou même plus grande que le Grand Hall, la Grande Salle et les cuisines réunis. Les murs, dans cette salle, étaient toujours aussi froids et humides, comme dans les couloirs, mais les torches qui les éclairaient étant bien plus nombreuses, ils semblaient d'une sorte de gris foncé rougeoyant, de plus en plus sombre à mesure que le regard s'élevait vers le plafond. Les pierres étaient vieilles, et beaucoup étaient râpées et éraflées, indiquant que beaucoup de temps avait passé depuis qu'on les avait posées là. Et au milieu de la salle immense, au milieu du dallage de pierres usées, s'étalait un grand trou. Mais…

_ Halte ! fit la Voix, et les trois garçons ainsi que Belegaer le vampire stoppèrent net. Rien ne se passa pendant une seconde, puis la Voix retentit de nouveau :

_ Vieille ! appela-t-elle. La Vieille, sors de ton trou !

James, Sirius et Remus se serrèrent les uns contre les autres, d'instinct. Ils n'avaient pas la moindre idée de ce qui allait sortir par les escaliers croulants, mais cela ne pouvait être rien de bon. Le vampire aux oreilles pointues demeurait là, aussi immobile que s'il avait été de pierre.

Puis, enfin, quelque chose bougea dans les profondeurs du trou une forme monta péniblement – en rampant presque – le long des vieux escaliers, une forme petite, ratatinée comme par le poids des ans, portant une cape vieille, crasseuse et d'une couleur glauque, rapiécée en de nombreux endroits, où les toiles d'araignées s'accrochaient comme à n'importe quel coin du mur. Et lorsque cette forme leva la tête vers eux, aucun des trois garçons ne put réprimer un frisson : ce visage était comme pourri, avec des joues flasques, un nez minuscule et pointu et une bouche sans lèvres, donnant l'impression d'être resté des jours et des jours dans une eau croupie. Mais le pire, c'étaient les yeux. Deux globes blancs, énormes et écœurants, dont l'extrême bord était strié de petites veines écarlates. Ces yeux roulaient dans leurs orbites comme s'ils essayaient de distinguer une silhouette dans le noir, et les mains décrépies se tendaient dans le vide, tentant d'agripper quelque chose. Elle était aveugle.

_ La Vieille, répéta la Voix, les faisant sursauter à nouveau. Les voici. Ceux dont je t'avais parlé.

La Vieille sembla humer une odeur, le nez en l'air, les yeux toujours roulant dans leurs orbites puis elle parla, zozotant d'une voix grinçante qui se cassait dans sa gorge :

_ Ils me semblent bien jeunes, à moi. Oui, bien jeunes. Plus encore que toi.

_ Ils sont assez vieux pour savoir des choses, répliqua la Voix. Et je te les amène, pour que tu découvres ce qu'ils ont découvert. Pour que tu saches ce qu'ils savent. Pour que tu apprennes ce qu'ils ont appris – et que tu me l'apprennes par la même occasion.

La Vieille fit entendre un reniflement de mépris.

_ Toujours pressé, jamais attendre. A tant te presser tu finiras par tomber.

_ Peu importe, fit la Voix, et cette fois James sentit un léger agacement dans cette voix de basse qui grinçait au-dessus de ses oreilles. Commence par celui-ci.

La Voix chuchota quelque chose, et le vampire Belegaer poussa Sirius vers la vieille femme. James ne put que saisir le regard éperdu de Sirius et comprendre au vol son appel muet, désespéré – Aide-moi ! Ne me laisse pas ! – avant que son ami ne disparaisse en bas des marches de l'escalier.

*~*~*~*

Et voilà, un autre cliffhanger qui tue ! Désolée. Enfin, bref. Un énorme merci à tous ceux qui ont posté une review, chacune d'entre elles m'ont fait plaisir à un point… que vous n'imaginez pas. Vous êtes des amours. Continuez, s'il vous plaît, ne changez rien !

Saiji : j'ai corrigé le Chaudron Baveur, effectivement c'est une erreur qu'il m'aurait été facile d'éviter. J'espère que ce chapitre t'a plu – tu vis au Québec, non ? C'est à cause des expressions :o) Merci pour ton enthousiasme, vraiment c'est sympa ! Bye ! :o)

Jessica & Aurora the Owl : wow ! So you've read the French version first ? That's courage or I don't know anything about it ! (oh well, I don't actually, but that's not the point :o] ) I can promise I'll do everything in my power for this chapter to come out in English ASAP. See you ! :o)

HermioneGC : c'est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de fanfics en français sur " MWPP ", comme on les appelle en anglais – en français, ça donnerait LPQC (Lunard, Patmol, Queudver et Cornedrue) – mais ce sont mes personnages préférés, alors voilà. Je suis contente que ça t'ai plu :o)

Twinnie : c'est toi qui est Toulousaine, c'est ça ? Je me rappelle de toi, tu m'as laissé une review moitié anglais moitié français sur mon Miroir aux Alouettes… c'était super sympa. Pour Toulouse, oui, j'avais vraiment envie de dire quelque chose sur ma bio, pour les francophones qui passent. Surtout que, d'après ce que j'ai compris, il y en a à Toulouse qui n'ont toujours pas de fenêtres… Merci d'avoir suivi l'avis de ta copine, et remercie-la pour moi, d'ailleurs ! Effectivement, ça me fait vraiment plaisir de le savoir ! Merci encore, ô fidèle lectrice ! :o]

Luna 8826 : tu vois, je poste le lendemain de ta review – et pourtant, on ne peut pas dire que j'ai fait vite… ça fait plus d'un mois que j'ai posté le 8ème chapitre. Merci pour ta review, ton p'tit mot m'a fait vachement plaisir ! :o)

Bisous à tout le monde,

…namarië…

Belphégor ~ la Bizarre ~ !