Note de l'auteur : j'espère que je ne ferai pas lyncher – quoique, je le mériterais amplement, vu le retard que j'ai pris et le temps qu'il m'a fallu pour enfin publier ce chapitre. Et encore, ce n'est que la première partie (qui fait quand même 20 pages). Cette fois-ci, j'espère ne pas vous laisser avec un cliffhanger trop terrible, et dites-vous bien que je continue à écrire la suite. Je ne laisserai jamais tomber cette histoire – elle me tient bien trop à cœur pour ça – alors pas d'inquiétude à avoir là-dessus. Ne vous en faites pas, vous verrez la suite dans un moment – moins longtemps que la dernière fois, j'espère ! :o)

For you English-speaking folks and dear readers (and possibly reviewers): do not worry, I'm in the process of translating this chapter – I promise I'll try to make it quick, but there is a lot to translate and that makes quite a amount of work – and so I guess it'll take some time. But I swear you'll see the end of this story… someday. I'm not too keen to let the characters go, now I have played and have had so much fun with them… ah. Do not think I've stopped writing, though. I'll never do such a thing – writing is too much fun :o]

*~*~*

Disclaimer: Aucun des personnages mentionnés ci-dessous ne m'appartient, et sont la propriété de JK Rowling. C'est vrai, quoi, 'faut pas rigoler avec des choses comme ça – je pourrais me retrouver avec un procès aux fesses avant de pouvoir dire anticonstitutionnellement. Sans blague.

*~*~*

Les Chroniques des Maraudeurs

Chapitre 10 : La longue nuit

Première Partie

Avant que Sirius n'ait eu le temps de jeter un cri ou de manifester un quelconque signe de protestation, il se retrouva à descendre les escaliers en ruine devant la Vieille. Il hésita une seconde, ne sachant pas ce qu'il trouverait en bas et peu enthousiaste de le découvrir, mais un seul coup d'œil en arrière lui suffit pour se décider. Il préférait cent fois le noir et l'inconnu plutôt que de rester près de l'être qui descendait lentement les marches derrière lui, appuyant une main sur le mur de droite et tendant l'autre devant elle pour prévenir tout obstacle. La main droite n'hésitait presque jamais à trouver le mur, et Sirius se dit qu'elle devait probablement connaître ce trou comme sa poche. C'était lui, l'obstacle éventuel, et il avala difficilement sa salive à l'idée de cette main pleine de croûtes le poussant dans le dos pour le faire avancer s'il continuait à hésiter. Aussi il dévala rapidement quelques marches en se fiant plus à son instinct qu'à la lointaine lueur des torches de la grande salle au-dessus de lui. Bientôt, il quitta totalement le rectangle de lumière jaune, et entra dans l'ombre.

L'obscurité ne gênait pas Sirius outre mesure – il avait ses peurs et ses démons, mais la peur du noir n'en faisait pas partie. Néanmoins, lorsqu'il sentit en posant son pied devant lui – trébuchant douloureusement au passage – que l'escalier était terminé, il jeta les yeux autour de lui, et frissonna. Cette pièce était bien moins sombre que le cachot noir comme la poix où il s'était réveillé, mais elle était également beaucoup plus étroite. Sirius sentit son estomac se contracter et ses côtes se refermer autour de son cœur, le comprimant comme un étau. Il ferma les yeux une seconde et respira profondément.

Ressaisis-toi, mon vieux, se dit-il en s'efforçant de rester calme. Doucement. Réfléchis : cet épouvantail est aveugle, elle est toute rabougrie, et elle a l'air d'avoir au moins deux cents ans. Et elle n'a même pas de baguette magique. Il n'y a aucune raison de t'inquiéter. Rien ne peut arriver… rien ne peut arriver… Il se répéta cette dernière phrase plusieurs fois pour bien se l'imprimer dans la tête, et respira normalement. Il réussit à garder son calme même lorsque la vieille femme s'approcha de lui en chancelant légèrement la main gauche de cette dernière était posée sur une sorte de coffre en bois épais et sombre qui arrivait à peu près à la hauteur de cuisses de Sirius, et de sa main droite elle tendit vers lui un long index maigre à l'ongle noir, tout en grommelant de sa voix éraillée :

_ Toi – monte là-dessus et assieds-toi en tailleur. Et pas bouger. Compris ?

Sirius fronça les sourcils, mais obéit. La Vieille s'approcha alors de lui, et lui enserra la tête de ses deux mains glacées. Sirius eut un sursaut et une exclamation d'horreur, et recula légèrement.

_ Pas bouger, j'ai dit ! rugit la vieille, et un frisson courut dans le dos de Sirius. Mais il se pencha de nouveau en avant et, s'il grimaça lorsque les mains décrépites se posèrent de nouveau sur ses tempes et ses oreilles, il ne bougea pas d'un poil.

_ Tête dure, tête obstinée, gronda la vieille aveugle à mi-voix. Tête vide, mais cœur plein. Voyons ça. Peur, colère – dégoût aussi, hein ? Bah, ça ne fait rien. Quoi d'autre ?

" Oh, intéressant. Oui, intéressant. Tu tiens à eux, oui, tu tiens à eux et tu ne veux pas qu'on leur fasse du mal… ah, tu as peur, vraiment peur maintenant, hein ? Bien, très bien.

Sirius se rendait compte que cette situation n'était pas sans rappeler le Choixpeau Magique à la Cérémonie de la Répartition il essaya de ralentir le flot de pensées qui couraient dans sa tête. Cette vieille sorcière lisait en lui comme dans un livre ouvert. Il força son esprit à se concentrer sur quelque chose d'insignifiant : la citrouille grillée d'Halloween, par exemple. Malheureusement, personne ne peut garder ses pensées focalisées sur un seul point, même avec la meilleure volonté du monde. De fil en aiguille, il se mit à penser à Véga qui ratait toujours ses tentatives de grillade de citrouilles. Puis il se traita mentalement d'idiot tandis que le visage de la Vieille se rapprochait encore.

_ Tiens, une sœur… tu es plein de surprises, toi, hein ? Une grande sœur, qui plus est… mais cela n'est pas mon affaire. Ce que je veux savoir c'est…

Sirius savait bien ce qu'elle voulait savoir. Il commençait à ressentir une espèce de torpeur, comme ce moment entre l'éveil et le sommeil, où on ne sait pas encore si on dort ou non. Cela venait peut-être du froid de glace des deux mains de la Vieille pressées contre ses tempes. Trois mots résonnaient dans sa tête – " magie sans baguette " – mais il comprit trop tard. La pensée lui vint tout naturellement à l'esprit, en réponse à la question de la vieille femme. L'agate.

_ Oui, mon garçon… l'agate. Cette agate que l'autre veut tellement… qui lui est si chère… que vous avez gardé pendant – combien de temps ?

On l'a depuis mon anniversaire, pensa Sirius en réponse sans pouvoir s'en empêcher. Le 17 novembre. J'ai onze ans cette année.

Il se sentit très fier à cette pensée. La Vieille ne dit rien, mais il entendit sa voix dans sa tête :

Comment est-elle tombée entre vos mains ?

On l'a trouvée, répondit Sirius. Il se sentait bizarre, comme dans un rêve, avec une sensation de flottement et d'indécision. Pourquoi répondait-il aux questions ? Et pourquoi n'y répondrait-il pas, d'ailleurs ? C'est tout à fait naturel de répondre à quelqu'un, et la moindre des politesses…

_ Où ça ? siffla la Vieille à voix basse.

Dans mon lit, pensa Sirius. Je me suis cogné et elle est tombée. Elle était dans mon lit. Dans un petit sac de peau. Elle était jolie, cette agate… oui, elle était très jolie… noire avec des veinures blanches, comme les paysages de matins dans les films de Moldus en noir et blanc… clair-obscur…comme le matin…

Clac !

Le sortilège se rompit brutalement la Vieille le rejeta en arrière et elle lui lâcha la tête. Sirius eut un sursaut brusque en sortant de son espèce d'état hypnotique il bascula, battant des bras pour tenter de reprendre son équilibre, et s'écroula en arrière, tombant du coffre sur lequel il était assis. Sa tête heurta le sol dur avec un bruit sourd.

_ Ca suffira pour toi, marmonna la vieille aveugle, tandis que Sirius se relevait en grimaçant. Tu sais des choses, mais trop peu. Et tu es trop têtu pour que j'en tire plus. Pas intéressant.

Sirius ne dit rien, mais se passa la main derrière la tête, parmi les boucles brunes, là où il était tombé. Il sentait déjà une bosse se former à l'endroit où son crâne avait heurté le sol et lorsqu'il regarda ses doigts, il y avait quelques gouttes écarlate dessus. Ça fait déjà la deuxième fois que je me cogne la tête à cause de cette foutue pierre, pensa-t-il en essuyant le sang sur sa robe de sorcier. Je trouve que ça commence à bien faire, cette histoire.

De plus, une vague nausée s'installait petit à petit dans son estomac, accompagnée d'un léger vertige il réprima un haut-le-cœur tandis que la Vieille le poussait vers l'escalier. Depuis combien de temps elle n'a pas pris de douche, celle-là ? Sirius se concentra sur le rayon de lumière jaune qui tombait sur l'escalier il trébucha légèrement sur une marche et se sentit verdir. Du coup, il ralentit, et inspira un grand coup. La longue goulée d'air le calma il avala sa salive et se ressaisit petit à petit.

Lorsqu'il revint à la lumière des torches de l'immense salle, puis quitta l'escalier pour poser le pied sur le dallage de pierre inégal, Sirius avait retrouvé ses couleurs et un peu de son assurance habituelle. Ce ne fut pas sans une certaine surprise qu'il découvrit les visages blêmes de James et Remus qui l'attendaient. La terreur et l'angoisse qui couraient dans leurs yeux, néanmoins, furent vite remplacée par le soulagement.

_ Eh ben ? fit Sirius en se rapprochant d'eux, sans un regard pour Belegaer le vampire qui se tenait derrière eux, raide comme un arbre gelé. Vous en faites, des têtes ! Je vous avais pourtant dit que j'étais indestructible.

Remus baissa la tête pour cacher son sourire, et James eut un petit rire nerveux.

_ Qu'est-ce qu'elle voulait ? demanda-t-il.

_ Vous poser des questions, répondit brusquement la Voix, et le vampire aux oreilles pointues s'avança une nouvelle fois, poussant James vers l'escalier où l'attendait la Vieille. Pendant un bref instant, James eut l'air terrifié. Puis il se retourna et ses yeux rencontrèrent ceux de Sirius. Ces yeux-là étaient fixés sur lui, inquiets mais vifs et plein de feu, et de ce qui ressemblait à de la colère. Il ne me laissera pas tomber.

Et quelque part au fond de lui-même, dans une obscure partie de son esprit, James se calma. Il avait confiance en Sirius et Remus. Sirius était revenu intact du souterrain de la Vieille, pourquoi n'en serait-il pas de même pour lui ?

Ce fut donc d'un pas raffermi qu'il attaqua la première marche de l'escalier pour descendre dans le noir.

* * *

Lily monta l'escalier à pas lents, marmonnant pour elle-même des bouts de phrases peu amènes au sujet de Madame Pomfresh et des infirmières en général. Rester dans le couloir n'était pourtant pas déranger, non ? Il fallait croire que si, vu la façon dont l'infirmière lui avait ordonné d'aller dans sa salle commune et de ne pas " rester plantée là ", puisqu'elle était "inutile". Pfft. Inutile. Et alors ? Au moins j'aurais pu écouter ce qu'ils disaient…

Maintenant qu'elle y pensait, Lily se disait que c'était peut-être la raison pour laquelle Madame Pomfresh lui avait parlé sur ce ton, sec et pressant – pour qu'elle n'écoute pas aux portes. La conversation qu'elle devait avoir en ce moment avec le professeur Walsh et Albus Dumbledore était sans aucun doute de première importance, et extrêmement grave… que n'aurait pas donné Lily pour en saisir au moins un morceau !

Lorsque Olivia et elle avaient trouvé Rogue gisant immobile dans la neige, comme mort, son premier sentiment avait été la panique complète. Puis Olivia avait levé les yeux, et bredouillé avec un énorme soulagement dans la voix :

_ Il est vivant – son cœur bat. Mais je ne sais pas ce qu'il a…

Lily passa la main derrière la tête de Severus, grimaçant au contact des cheveux graisseux, pour finalement sentir une bosse grosse comme un œuf de poule.

_ Quelqu'un l'a assommé, Olivia, murmura Lily en regardant vers la Forêt Interdite dont la lisière n'était qu'à quelques mètres. Olivia suivit son regard, et pendant une ou deux secondes aucune des deux ne dit rien. Un coup de vent glacial comme la peur passa. Le soleil se couchait tôt en hiver, et la neige glacée commençait déjà à prendre une nuance bleutée, bien qu'il ne fut qu'environ six heures.

_ Il faut le ramener au château, décida Olivia, d'une voix qui tremblait un peu moins. Lily hocha la tête, mais ajouta aussitôt :

_ Et comment tu veux faire ça ? Il pèse son poids, et avec toute cette neige on sera crevées avant d'arriver à la porte d'entrée…

Olivia eut un petit rire nerveux mais définitivement supérieur.

_ On voit que tu n'es qu'en première année.

Lily fronça les sourcils, vexée.

Olivia sortit sa baguette de sa poche, la pointa sur Rogue et dit Mobilicorpus ! Rogue se mit à bouger ses épaules se soulevèrent, puis son torse, puis le reste du corps, et enfin le garçon se mit à flotter à un pied du sol, la tête tombant sur la poitrine, les jambes et les bras ballants, comme une marionnette à fils. Il faudra que je me penche sur ce sortilège, se dit Lily, mi-vexée et mi-admirative. Il m'a l'air très intéressant.

Elle marcha derrière Olivia qui guidait la forme immobile de Rogue vers le château. Puis, frappée par une idée soudaine, elle s'arrêta net, et tourna de nouveau les yeux vers la Forêt.

_ Olivia ! Attend une minute ! cria-t-elle, et elle vit Olivia se retourner vers elle à quelques mètres. D'ici, la silhouette de Rogue suspendu dans les airs, les pieds à trente centimètres du sol et vêtu de la cape noire et de la robe noire de Poudlard ressemblait à une chauve-souris géante, grotesque et inoffensive.

_ Qu'est-ce qu'il y a, Lily ? demanda Olivia étonnée.

_ Je… vas-y sans moi, je te rejoins tout de suite, fit Lily, le regard toujours tourné vers la forêt. Je veux vérifier quelque chose.

_ D'accord, dit Olivia, en remettant Rogue en marche d'un petit mouvement du poignet qui tenait la baguette. Puis elle stoppa et pivota sur ses talons si brutalement que Rogue faillit piquer du nez par terre il tangua dangereusement, basculant comme autour d'une barre, puis par on ne sait quel miracle d'équilibre il reprit lentement sa position normale, toujours inconscient. Olivia n'avait rien remarqué.

_ Ça ne va pas, chez toi ! s'écria-t-elle avec un grand geste de sa baguette – Rogue, derrière elle, fut balayé à au moins un mètre vers la gauche. Et si celui qui a assommé ce Serpentard revient et tombe sur toi ? Tu n'auras aucune chance !

Mais Lily tenait à son idée. Elle secoua la tête :

_ Il faut que je vérifie quelque chose, insista-t-elle. S'il te plaît…

Olivia fit une grimace, puis rajusta son écharpe autour de son cou et marmonna :

_ Bon, mais dépêche-toi. Il ne faudrait pas qu'il reste trop longtemps dans le froid.

Lily tourna les talons et courut vers l'endroit exact où elles avaient trouvé Severus. Mis à part ses empreintes de pas, ainsi que celles d'Olivia et de Lily elle-même, elle finit par en découvrir d'autres…

_ Olivia ! cria-t-elle. Il y avait quelqu'un d'autre !

_ Oui, d'accord, c'était peut-être l'agresseur, fit Olivia d'un ton agacé. Visiblement, elle commençait à avoir froid, et s'impatientait. On le dira aux profs et ils l'attraperont…

_ Non, ces empreintes sont trop petites… en fait – en fait il n'y a pas qu'une série d'empreintes – il en y a deux – non, trois…

_ De quoi tu parles ? demanda Olivia, et cette fois elle avait plus l'air étonnée qu'agacée. Trois séries d'empreintes ?

_ Je crois… l'année dernière on a fait du camping sauvage pendant les vacances d'été, avec ma famille. On a rencontré un type qui nous a expliqué les empreintes et tout, et comment reconnaître quand il y avait plusieurs personnes. Pétunia n'a pas arrêté de râler et de se plaindre qu'elle s'ennuyait, mais moi ça m'intéressait…

_ Oui, bon. Et alors ?

Alors… Lily avait bien une idée, mais elle semblait complètement dingue et totalement improbable… cependant… cependant son instinct lui hurlait que c'était bien ce qui s'était passé.

_ Olivia, murmura-t-elle, toute hérissée de chair de poule, je crois que James, Sirius, et Remus étaient là.

Cette fois, Olivia la fixa comme s'il venait de lui pousser une deuxième tête. Les yeux légèrement écarquillés, la tête un peu penchée en avant, elle articula un " Hein ? " interloqué. Lily leva les yeux vers elle, et répéta un peu plus fort, mais la voix toujours étranglée :

_ James Potter, Sirius Black, et Remus Lupin, tu sais ? Ils ont disparu depuis un peu plus de trois heures maintenant, et je les ai cherchés partout pendant une heure, mais je ne les ai pas trouvés. Et là je vois des empreintes – regarde, il suffit de les suivre – qui passent derrière la cabane de Hagrid, et puis là, et puis…

Lily avait suivi les empreintes tout en parlant. Intriguée, Olivia alla vers elle, Rogue toujours flottant derrière elle. Elle vit Lily s'arrêter net, et se mettre à trembler.

_ Lily ? Qu'est-ce qui ne va pas ?

Le regard que Lily tourna vers elle fit courir un frisson dans sa nuque. De la terreur pure courait dans ses yeux verts quand elle se retourna et pointa le doigt sur quelque chose par terre, à côté de trois espèces de trous dans la neige.

_ Il… ils…

Elle était devenue pâle comme un linge et ne trouvait plus ses mots. Olivia commença à avoir vraiment peur.

_ Ils sont tombés, finit-elle par articuler. Et – regarde.

Lily se baissa et ramassa quelque chose. Lorsqu'elle le tendit à Olivia, celle-ci put voir qu'il s'agissait d'un gant – un gant en laine, de couleur rouge dans la doublure était cousue une étiquette avec de petites lettres blanches. J. W. Potter.

_ Le gant de James, murmura Lily, dont la voix tremblait plus que jamais. Il est tombé ici, et les deux autres aussi sans doute. Et aucun d'eux ne s'est relevé de lui-même. Quelque chose les a emmenés – ou plutôt les a soulevés – peut-être avec un sortilège comme le tien…

_ Un Sortilège de Lévitation ?

Lily hocha la tête, et regarda la forêt. Olivia s'approcha d'elle, et lui toucha doucement l'épaule.

_ Lily… si c'est vrai, s'ils ont vraiment été emmenés, on les retrouvera, dit-elle d'une voix douce. Regarde, Mondingus a disparu mais il a été retrouvé rapidement, et presque indemne.

_ Oui, presque, murmura Lily, tremblante. Presque indemne.

Elle avait ramassé le gant et l'avait mis dans sa poche puis elle finit par suivre Olivia et Rogue à l'intérieur du château. Lorsque tous trois s'étaient retrouvés dans le Grand Hall, elle avait monté les escaliers quatre à quatre jusqu'à l'infirmerie. Madame Pomfresh avait ouvert de grands yeux lorsqu'elle avait vu Rogue – il faut dire qu'avec sa cape et sa robe trempées de neige fondue, les flocons toujours accrochés à ses cheveux et ses yeux noirs à demi ouverts mais sans vie, il ne passait pas inaperçu, sans compter qu'il flottait toujours à un pied du sol. Madame Pomfresh avait immédiatement fait apparaître un brancard et l'avait monté à l'infirmerie, et Lily et Olivia avaient suivi en courant derrière elle.

Elles avaient vu l'infirmière installer Rogue sur un lit, lui retirer sa cape et sa robe de sorcier trempées, empiler des couvertures sur lui et lui frotter énergiquement le visage et les bras puis elle avait pris sa baguette magique et murmuré quelque chose. Le corps raidi de Rogue avait semblé se détendre un peu, et ses yeux s'étaient fermés. Elle avait ensuite levé la tête et aperçu les deux filles pelotonnées dans l'embrasure de la porte.

_ Bon, vous deux, avait-elle lancé d'un ton pressé, rendez-vous utiles au lieu de rester là sans rien faire ! O'Flaherty, allez chercher le professeur Dumbledore, ou le professeur Walsh, ou les deux. Et vous, Evans, venez ici.

Olivia avait disparu, et Lily s'était avancée.

_ Frottez ses bras et sa poitrine, vite et régulièrement, ordonna Madame Pomfresh. Lily faillit faire la grimace mais se dit qu'après tout, Rogue lui serait peut-être éternellement reconnaissant qu'elle lui ait sauvé la vie. Peut-être même qu'elle pourrait lui faire faire ses quatre volontés, et lui faire jurer qu'il n'embêterait plus personne. Bien que très peu probable, la perspective avait un côté réjouissant. Lily continua donc de frotter la poitrine de Rogue sous le pull en coton gris, sans aucune douceur toutefois. Il ne fallait pas trop lui en demander.

Pendant ce temps, Madame Pomfresh était partie chercher quelque chose sur les étagères elle revint avec une grande bouteille au long goulot étroit. Marmonnant quelques mots, elle fit tourner sa baguette rapidement autour du fond de la bouteille le contenu se mit à tourbillonner et une légère fumée rouge se mit à sortir par le goulot. Elle souleva la tête de Rogue – " N'arrêtez pas, Evans " – et versa une gorgée dans la bouche du garçon. Pendant une seconde, elle le regarda avec anxiété, et même inquiète au sujet de ses trois amis, Lily ralentit le rythme de son massage. Puis, lentement, le liquide brûlant glissa dans sa gorge et il avala. L'infirmière poussa un soupir de soulagement.

_ Je prends le relais, Evans. Merci. Reculez-vous, maintenant.

Lily s'était empressée de reculer de quelques pas. Elle se rendait compte qu'il faisait chaud dans la pièce aussi elle dénoua son écharpe de son cou et la garda à la main, jouant nerveusement avec à l'occasion.

La porte s'ouvrit soudain, et Albus Dumbledore entra, suivi de près par Rowena Walsh Olivia venait immédiatement après. Quand elle tendit la main pour fermer la porte, Dumbledore lui dit:

_ Ne fermez pas la porte, miss O'Flaherty. En fait, je suis désolé d'avoir à vous demander de partir, vous et miss Evans, mais je m'y vois obligé. Voulez-vous nous laissez, s'il vous plaît ?

Lily allait protester, mais lorsqu'elle remarqua l'expression des yeux bleus brillants de Dumbledore, elle abandonna et alla vers la porte. Avant que Olivia et elle ne passent le seuil, Dumbledore leur dit avec un sourire :

_ Je vous remercie de ce que vous avez fait, en attendant que Mr Rogue le fasse lui-même. Vous lui avez rendu un grand service, et peut-être même purement et simplement sauvé sa vie.

Il leur sourit, et cela donna à Lily l'impulsion dont elle avait besoin. Elle s'avança bravement et dit tout en tripotant son écharpe entre ses doigts nerveux :

_ Monsieur le Directeur… excusez-moi, monsieur, mais je… j'ai des raisons de penser que…

_ Evans, on vous a demandé quelque chose, si je me souviens bien, fit Walsh d'une voix sèche. Mais Dumbledore leva une main et pria Lily de continuer, tout en la fixant d'un air curieux.

_ Je crois que trois élèves ont disparu, poursuivit Lily vaillamment. Potter, Black, et Lupin. Je les cherche depuis plus d'une heure, et j'ai vu des empreintes là où on a trouvé R – je veux dire Severus.

_ A propos, où l'avez-vous trouvé ? s'enquit Madame Pomfresh qui s'affairait toujours auprès de Rogue.

_ Lily et moi on se promenait près de la cabane de Hagrid, fit Olivia. Elle a aperçu le garçon et a remarqué qu'il était assommé. J'ai utilisé un Sortilège de Lévitation pour le ramener jusqu'ici.

_ Mais avant de partir, coupa Lily qui tenait absolument à parler, j'ai vu des empreintes. C'était trop petit pour être des empreintes d'adultes, et il y en avait trois séries… et puis il y avait la marque de trois corps tombés dans la neige… et puis…

Elle s'aperçut que sa voix tremblait de nouveau et se tut, ne voulant pas se mettre à pleurer devant tout le monde. A la place, elle prit le gant dans sa poche et le tendit à Dumbledore. Le directeur rajusta ses lunettes en demi-lune sur son nez crochu, et regarda le gant de plus près.

_ En effet, finit-il par dire lentement, il semble évident que ce gant appartient à Mr Potter. Et d'après ce que vous m'avez dit, messieurs Black et Lupin ont disparu avec lui – déduction assez aisée à faire, puisqu'on ne voit presque jamais ces trois-là séparés. Et vous l'avez trouvé près de Mr Rogue ?

_ A quelques pas, bredouilla Lily en reprenant le gant que Dumbledore lui tendait et le remettant dans sa poche. Qu'est-ce qui leur est arrivé, vous croyez ?

_ Il est un peu tôt pour des hypothèses précises, dit gravement Dumbledore. Néanmoins on peut supposer que, pour une raison ou pour une autre, quelqu'un a enlevé James, Sirius et Remus, et assommé Severus avant de le laisser dans la neige. J'espère en savoir plus quand il sera réveillé. Comment va-t-il, Pompom ?

_ Ce garçon a subi un gros choc, mais il est solide, assura l'infirmière, qui revenait d'aller chercher un pyjama dans une commode. Juste avant de tirer le rideau pour séparer le lit de Rogue des autres, elle ajouta :

_ Il devrait s'éveiller de lui-même dans une demi-heure, sinon moins.

_ Très bien.

Il prit une chaise qui traînait près de là ; Walsh en fit autant.

_ Une demi-heure ? s'écria Lily. Mais… et les autres ? Ils sont peut-être déjà morts à l'heure qu'il est ! Ne me dites pas que vous n'allez rien faire !

_ Voyons, Lily, dit Dumbledore d'un ton apaisant. Soyez raisonnable ! Que pourrions-nous faire d'autre ? Le seul qui serait en mesure d'éclairer notre lanterne gît inconscient dans ce lit laissez-le dormir, il a besoin de repos. Ne pouvez-vous pas le lui accorder ?

Lily secoua la tête. Le sang cognait si fort dans ses tempes qu'elle en avait mal au crâne. Elle se fichait éperdument du besoin de repos de Rogue elle avait même à peine remarqué que le directeur l'avait appelée par son prénom. Sans prêter la moindre attention au regard lourd de menaces que lui lançait Walsh, elle parla de nouveau, exprimant le fond de sa pensée :

_ Mais dans une demi-heure il fera nuit ! Et s'ils sont quelque part dans la neige, dehors, perdus ? Ils mourront de froid… ils mourront…

Cette fois, en dépit de tous ses efforts pour s'en empêcher, la voix de Lily s'étrangla dans sa gorge et elle se mit à pleurer pour de bon. Les larmes roulèrent sur ses joues sans qu'elle puisse les retenir. Si jamais c'était vrai… s'ils étaient vraiment…

_ Ça suffit maintenant, Evans ! dit Walsh d'un ton sévère. Pleurer ne peut servir absolument à rien. Vous savez très bien que nous ne pouvons rien tenter de nuit, ce serait bien trop dangereux !

Ces mots, ainsi que le ton sur lequel ils étaient articulés, firent l'effet d'une douche froide à Lily. Ses sanglots cessèrent d'un coup, et à travers les larmes qui lui brouillaient toujours la vue, elle se tourna vers la directrice adjointe et cligna des yeux pour y voir plus clair.

_ Ça veut dire que vous n'allez rien faire jusqu'à demain matin ?

_ Dès le lever du soleil, assura Dumbledore avec un regard sérieux à Lily, je demanderai à Hagrid de chercher dans tout le parc et même de fouiller chaque buisson de la Forêt Interdite à deux miles à partir de la lisière. Il la connaît bien, ainsi que les créatures qui y résident. Si James, Remus, Sirius, ou qui que ce soit quelque part par là, il les retrouvera, j'en suis certain. Pendant ce temps, moi et quelques professeurs chercheront à l'intérieur du château. On ne sait jamais.

Il s'interrompit, et regarda Lily droit dans les yeux et cette fois, celle-ci remarqua la flamme, petite mais vive, qui s'était rallumée dans les yeux bleus.

_ Nous les retrouverons, Lily. Soyez tranquille. Nous les retrouverons, et sains et saufs.

Lily retrouva peu à peu son calme elle essuya ses larmes sur son écharpe, et à la longue elle détourna les yeux et murmura en regardant ses pieds :

_ Merci… merci, monsieur le directeur. 'Scusez-moi de m'être laissée emporter.

Walsh émit un peu bruit méprisant, presque inaudible. Dumbledore lui jeta un regard d'avertissement, très bref, mais qui fut suffisant.

_ Montez dans votre salle commune, maintenant, ordonna Madame Pomfresh en sortant de derrière le rideau de Rogue. Toutes les deux. Vous êtes inutiles ici. Allez, ouste !

Olivia ouvrit la porte de l'infirmerie et sortit avec un " au revoir " hésitant et plutôt nerveux Lily la suivit après une seconde d'hésitation. Lorsqu'elles se retrouvèrent dans le couloir froid et plein de courants d'air, Olivia frissonna et fit :

_ Bon, je crois que le mieux à faire c'est de retourner à la Tour de Gryffondor. De toute façon, on ne peut rien faire d'autre, pas vrai ?

Mais Lily ne lui prêtait aucune attention. Elle écoutait attentivement ce qui se passait dans l'infirmerie, l'oreille collée contre la porte. Olivia fronça les sourcils.

_ Lily ! Ce n'est pas sérieux ! D'abord ça ne te regarde pas du tout, et puis – et si tu te fais repérer ?

_ Ça n'arrivera pas si tu parles plus doucement, siffla Lily sans bouger de sa place. Tais-toi, je n'arrive pas à entendre ce qu'ils disent.

_ Toi, alors, soupira Olivia d'un ton excédé. Tu vas avoir des problèmes, c'est moi qui te le dis. En plus, je te signale que tu devrais parler plus poliment à une élève de cinquième année. Tu n'es qu'en première, toi.

_ Hm, hm, marmonna Lily. Olivia leva les yeux au ciel puis elle dit d'une voix hautaine :

_ Eh bien, je vais dans la salle commune, moi. Je n'ai pas envie de me faire attraper en écoutant aux portes, moi. J'ai un peu de plomb dans la cervelle, au moins.

Ne recevant aucune réaction, elle tourna les talons et s'éloigna de quelques pas puis elle s'arrêta et hésita quelques secondes avant de demander d'un ton incertain :

_ Combien de points tu crois qu'on a fait gagner à Gryffondor pour ce qu'on a fait – je veux dire le ramener et tout ?

_ Olivia ! s'exclama Lily à bout de nerfs. J'essaye d'entendre, là ! C'est sûrement très import…

Soudain la porte s'ouvrit, si brusquement que Lily faillit être plaquée contre le mur. Elle n'eut que le temps de bondir de deux ou trois pas en arrière avec un violent sursaut de surprise. Lorsqu'elle tourna les yeux vers la droite, Olivia avait disparu.

Grr. Lâcheuse.

_ Je me disais aussi, fit la voix sévère de l'infirmière. Je peux savoir ce que vous faites là, Evans ?

_ Euh… euh, je… bredouilla Lily, prise au dépourvu. Je… j'ai…

En baissant les yeux, elle tomba sur son écharpe rouge et jaune qu'elle tenait toujours serrée dans sa main gauche.

_ J'avais laissé tomber mon écharpe ! s'exclama-t-elle, brandissant soudain le tissu comme la preuve irréfutable de son innocence. Puis, réalisant qu'en fin de compte elle n'avait pas l'air si innocente que ça, elle marmonna :

_ Je l'avais laissé tomber et je suis revenue… pour… la ramasser…

_ Bien sûr, fit Madame Pomfresh en croisant les bras – bien que son expression montrât clairement qu'elle ne croyait pas la jeune fille le moins du monde. Lily se sentit rougir jusqu'aux oreilles. Elle n'osait pas regarder la porte ouverte derrière l'infirmière, de peur de tomber sur les yeux probablement déçus de Dumbledore, ou pire, sur ceux, moqueurs et perçants, de Walsh. Elle baissa le nez et murmura :

_ Je voulais juste savoir si vous aviez une idée… je veux dire, au sujet de James et Remus et Sirius…

L'expression de Madame Pomfresh changea légèrement, et pendant un instant, l'ombre d'un sourire passa sur son visage. Puis elle reprit son ton sévère pour dire :

_ Nous n'en avons pas la moindre pour le moment, et la place d'une élève n'est pas dans le couloir à écouter aux portes. (Lily rougit violemment.) Ça ne sert donc à rien de rester plantée là. Maintenant filez ! Je ne veux plus vous voir dans ce couloir. Allez !

Et elle tourna les talons, fermant la lourde porte en frêne derrière elle. Lily resta immobile à fixer la porte pendant un petit moment, puis s'éloigna avec un soupir. Au bout de quelques pas, elle entendit un " Psst ! Hep, Lily ! " et Olivia émergea de derrière un pilier en marbre. Lily lui jeta un regard noir.

_ Elle est partie ? demanda Olivia. Excuse-moi, mais tu comprends, toi au moins tu avais une raison d'écouter, avec l'histoire de Potter, Black et Lupin, je veux dire – mais moi, si elle m'attrapait, je n'avais aucune excuse… Eh, pourquoi tu me regardes comme ça ? Dis donc, tu n'es pas à prendre avec des pincettes, toi, aujourd'hui… On dirait Véga quand elle est de mauvaise humeur.

Véga… pensa Lily. Il faudra lui dire…

_ Il faudrait aller trouver Véga, dit-elle à haute voix tandis qu'Olivia frottait sa robe pour enlever la fine poussière grisâtre laissée dessus par le pilier en pierre. Celle-ci releva brièvement la tête :

_ Bonne idée. Mais je ne sais pas du tout où elle est. Tu as une idée ?

_ Ben, je crois que… commença Lily, mais une voix la coupa au milieu de sa phrase :

_ Qu'est-ce que vous faites là, toutes les deux ?

En se retournant, Lily vit un garçon de dix-sept ans environ, aux yeux bleus et aux cheveux châtains, qu'elle reconnut après un instant d'hésitation : il s'agissait de Jack Prewett, Préfet-en-Chef et Attrapeur dans l'équipe de Serdaigle – il avait été mentionné dans plus d'une conversation parmi les garçons, au moment du repas, et surtout par Fergus Finnigan qui était un véritable mordu de Quidditch. Il avait dans les mains un petit tas de livres et regardait les deux filles d'un air curieux. Essayant d'ignorer Olivia qui arrangeait sa robe et sa cape avec des gestes hâtifs et nerveux, Lily demanda d'une petite voix :

_ On… on cherche quelqu'un… Véga Black, tu vois qui c'est ?

_ Qui ? fit Jack en fronçant les sourcils.

_ Véga Black, elle est en cinquième année à Gryffondor – elle a les cheveux longs et très noirs, les yeux bleus et…

_ Et un sale caractère, termina Olivia avec un grand sourire au garçon de Serdaigle. Heureusement, toutes les Gryffondor ne sont pas comme ça… moi, par exemple, je suis plus civilisée.

Lily lui jeta un regard interloqué. Les joues d'Olivia étaient soudain toutes roses, et elle souriait toujours de toutes ses dents tandis qu'elle demandait sur un ton léger :

_ Alors, comme ça tu restes pour les vacances de Noël ? C'est drôle, on ne te voit presque jamais dans les couloirs… tu as quelque chose de prévu pour la St Sylvestre ?

Lily sentit un éclat de rire se frayer un chemin dans sa gorge. Elle baissa la tête et tenta de toutes ses forces de garder son sérieux, mais ne put retenir un petit bruit bizarre, entre une sorte de toux et un couinement étranglé. C'était tout ce qu'elle pouvait faire pour ne pas se mettre à pouffer de rire, ce qui n'aurait sans doute pas beaucoup plu à Olivia et à Jack. Olivia descendit brutalement de son petit nuage et jeta un regard noir à Lily, tandis que Jack disait, avec un léger sourire et un haussement les sourcils :

_ Euh, je crois que je vois de qui vous parlez, mais non, je ne l'ai pas vue. Désolé. Qu'est-ce que vous faites, toutes les deux ?

_ On allait à… commença Lily. Elle était sur le point de dire " à notre salle commune " mais Olivia lui coupa la parole en s'avançant vivement.

_ A la bibliothèque ! Oui, expliqua-t-elle d'un ton moins rapide, il faut que j'emprunte un livre sur les Potions. Sur les Philtres d'Amour, pour être plus précise, ajouta-t-elle avec un coup d'œil appuyé à Prewett. Une fois de plus, Lily lutta contre le fou rire.

_ Euh… eh bien, je crois que je vais t'accompagner, alors, finit par dire Jack. Je dois rendre ces livres et faire des recherches sur les Potions de Vérité.

_ Magnifique ! A la prochaine, Lily ! s'écria Olivia, faisant clairement comprendre à la jeune fille que sa présence n'était pas désirée. Tu me tiens au courant pour les trois, hein ?

Un peu étourdie, Lily regarda les deux s'éloigner de l'escalier en marbre, Prewett toujours stoïque et Olivia minaudant – " Et c'est quoi, ton nom, déjà ? " " Olivia O'Flaherty, mais je t'en prie, appelle-moi Olivia ! " Lily était partagée entre l'envie d'éclater de rire et celle de pousser un soupir agacé. Heureusement que je ne suis pas comme ça, pensa-t-elle en rigolant doucement, sa bonne humeur l'emportant à la longue. Je ne sais pas si Sirius, James et Remus resteraient avec moi si j'étais comme ça – d'ailleurs, je ne le serai jamais. Beurk ! Plutôt mourir.

Ses yeux se tournèrent encore une fois vers la porte de l'infirmerie à la pensée de ses trois amis l'idée d'aller de nouveau écouter la conversation qui se déroulait à l'intérieur revint la tenter pendant une seconde, mais elle la rejeta : elle ne voulait à aucun prix se frotter de nouveau à une Madame Pomfresh en colère, ni se refaire traiter d'" inutile ".

Cependant, même si Lily avait horreur de l'admettre, elle était bien inutile, dans le sens où elle était complètement impuissante – elle ne pouvait rien faire pour aider James, ou Remus, ou Sirius pour le moment. Personne ne le pouvait, pas même Dumbledore. Et la nuit passerait avant que quoique ce soit ne soit tenté pour les secourir, quelque que soit l'endroit où ils fussent. Et qui sait ce qui peut arriver en une nuit ?

Frissonnant dans les courants d'air froid, Lily resserra sa cape autour de ses épaules et alla vers l'escalier. Même la pensée du bon feu ronflant sans doute dans la cheminée de la salle commune ne la réconforta pas en fait elle aurait bien voulu avoir quelque chose sous la main pour se défouler et passer sa colère et son impuissance. C'était trop bête. Si seulement elle ne leur avait pas fait la tête lorsqu'ils étaient partis à la bibliothèque, elle aurait été avec eux, à leur côté, et pas toute seule dans ce château presque désert, à se ronger les ongles d'angoisse et à se faire traiter d'inutile. D'abord, je n'ai pas été inutile, pensa-t-elle avec un regain de colère. J'ai trouvé Rogue, j'ai aidé Madame Pomfresh à le réchauffer, j'ai servi à quelque chose, tout de même ! Ils devraient voir que ce n'est pas parce que je ne suis qu'en première année que je suis " inutile " !

Tandis qu'elle montait le bel escalier blanc en ruminant des pensées sombres et en maugréant tout bas, elle serrait dans sa poche le gant de James sans même s'en apercevoir.

Elle était loin de se douter qu'en ce moment même, dans une pièce noire comme un four, le propriétaire de ce gant était ranimé d'un mot par une Voix sans visage.

* * *

Curieusement, James ne sentait pas vraiment de peur proprement dite tandis qu'il descendait l'escalier en ruine en fait, il ne sentait rien du tout. Tout cela paraissait tellement irréel – les murs sombres et humides, la faible lumière des torches de la Grande Chambre, comme il l'avait déjà surnommée, la pièce étroite et noire qui l'attendait en bas des marches – jusqu'à la main droite de la Vieille appuyée contre le mur pour se guider jusqu'en bas… Ça ne peut pas être la réalité, pensait James. J'ai dû me cogner la tête et m'assommer quelque part… Ce n'est pas possible qu'un truc pareil m'arrive à moi – il ne m'arrive jamais rien, d'habitude ! Mais il faut dire que les mots " comme d'habitude " n'avaient pas tout à fait la même signification à Poudlard et à la maison. Chez lui, la vie s'était écoulée tranquillement jusque là, entre l'école et les copains, la maison et sa mère, puis de nouveau l'école… Mais à Poudlard, depuis le début, la vie s'était révélée bien plus animée. D'abord il y avait eu les blagues, puis cette nuit de fin septembre où ils s'étaient retrouvés – lui, Sirius, Remus, Lily et Peter – dehors dans la nuit à chercher les Trois Mille Deux Cents Uns Mauvais Coups en Tous Genres de Mondingus pour tomber sur Hagrid et son énorme chien puis le mauvais tour de Rogue sur Peter et la vengeance qui avait suivi la découverte de l'agate puis la disparition de La Lécanoncie, ou l'Art de la Divination par les Pierres Précieuses ; la lycanthropie de Remus, et maintenant ça… Où cela s'arrêterait-il ?

Non pas qu'il regrettât tout ce qui s'était passé depuis le début de l'année – au contraire. Le simple souvenir des " aventures " qu'ils avaient partagées ensemble suffisait à faire briller ses yeux sombres, et si tout était à refaire, il le referait sans hésiter… Mais seulement jusqu'à cet après-midi, jusqu'à ce qu'ils passent la double porte pour descendre dans le parc. Ce qui s'était déroulé ensuite ne… ne cadrait pas – ne collait pas avec le reste. Jusqu'ici, ils avaient eu leurs propres affaires, leurs propres inquiétudes, sans que les adultes ne s'en mêlent – ou si peu. Mais là, soudain, tout prenait une dimension aussi démesurée que la salle dont il pouvait encore apercevoir un bout de plafond au-dessus de lui.

Comme en réponse à ses sombres pensées, il entendit la voix éraillée de la Vieille derrière lui :

_ Continue à descendre, toi, je n'entends plus le bruit de tes pas…

James, qui avait ralenti et s'était presque arrêté, sursauta et se remit à descendre l'escalier. Il avait complètement quitté la lumière qui tombait d'en haut à présent, et dans quelques pas il serait en bas. Plus que trois marches… deux… une…

Le pied de James faillit glisser sur la pierre si ancienne qu'elle était polie par les ans, et s'accrocha au mur comme il put pour se rattraper. Beurk… Les murs étaient glissants, recouverts d'une sorte d'algue visqueuse, sans doute entretenue par l'humidité. Il s'essuya la main sur sa robe de sorcier d'un geste dégoûté avant de regarder autour de lui.

En fait, sa vue ne lui servait pas à grand-chose, mis à part éviter une sorte de grand coffre en bois épais dans lequel il avait failli se cogner le genou. Ainsi, pour compenser, il écoutait de toutes ses oreilles et, malgré la tentation d'enfouir son nez dans son écharpe pour le réchauffer, demeurait la tête droite et le nez en l'air. Un froid de canard régnait dans la pièce, et il soufflait continuellement dans ses mains, qu'il avait glacées – surtout la gauche, car son gant gauche avait disparu. Ses gants n'avaient pas été dans la même poche que l'agate, et donc n'était pas gardé par le Sortilège Colle-Forte le gant avait dû tomber de sa poche lorsque James avait été Stupéfixé. C'était bien dommage.

_ Assis là, et pas bouger, grommela la Vieille en touchant de la main de coffre en bois. James s'assit, toujours soufflant dans ses doigts.

La Vieille s'avança en tâtonnant et ses mains se posèrent à plat sur les tempes de James, de chaque côté de sa tête. Le garçon sentit ses cheveux se dresser sur sa tête comme s'ils eussent été vivants, et un frisson le parcourut. Ces mains répugnantes semblaient de glace.

_ Voyons voir ça… gronda la vieille aveugle, et James sentit soudain ses muscles se relâcher malgré lui et son esprit se mettre à fonctionner au ralenti. Il lui était impossible de sauter d'une idée à l'autre comme il en avait l'habitude, et cette sensation était assez perturbante.

_ Voyons voir ça… tu as peur, faim, froid, et tu en as assez, hein ? Mais tu tiens bien. Laisse-toi faire… Là, c'est mieux. Du courage, du courage qui ne demande qu'à sortir le bout de son nez… peut-être pas maintenant. Pas prêt, pas décidé. Hm.

" Tu sais des choses, hein ? Et tu as envie d'en savoir plus encore. Bien, ça, bien. Tu sens les choses, ça t'aide à les comprendre, et… hé, gamin ?

James avait l'impression de s'endormir. Il avait toujours aussi froid, mais ne tremblait plus. Il n'y arrivait pas. Tout son corps était engourdi, jusqu'au bout des doigts, et il laissait ses pensées flotter dans une sorte de brouillard qui semblait très reposant. Il n'avait presque plus la force de réfléchir.

_ Suffit ! Choses sérieuses, maintenant, fit la vieille sorcière, et elle rapprocha son visage de celui de James, desserrant légèrement ses mains autour des tempes du garçon. Plus de tours de passe-passe. Peut-être que j'y ai été trop fort, moi.

James reprit un peu conscience il eut l'impression que le voile brumeux qui emprisonnait ses pensées et engourdissait son corps se soulevait quelque peu. Il sursauta légèrement en entendant la voix de la Vieille dans sa tête, bien que la bouche sans lèvres, à quelques centimètres de lui, ne bougeât pas.

L'agate, gamin… cette agate, qu'en sais-tu ?

James voulut parler, mais il ne parvint pas à desserrer les dents. Alors il pensa : Elle est belle.

La Vieille poussa un soupir exaspéré. Quoi d'autre ?

Elle est magique, poursuivit James dans sa tête. Elle a fait refroidir l'eau. Sirius a plongé la main et l'eau ne l'a pas brûlé. C'était difficile de formuler des pensées, des images qui revenaient sans crier gare, mais James était comme poussé à répondre par une extérieure, une volonté plus puissante que la sienne. Il s'apercevait à peine de l'incohérence des mots qu'il prononçait silencieusement. Mais… Elle n'est pas complète.

_ Pas complète ?

Quelque chose de fugitif passa rapidement sur le visage de la Vieille, presque masqué par l'ombre du capuchon miteux qui recouvrait sa tête. Mais James ne remarqua rien.

_ Que veux-tu dire par là ? siffla-t-elle.

Je ne sais pas, répondit James – ce qui était la vérité. C'était une idée absurde, et il ne comprenait pas la raison de cette pensée. Je crois… Je crois qu'il manque quelque chose… mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus… Cette agate n'est pas un tout. Quelque chose manque.

Il s'interrompit avec un frisson imperceptible. Devant lui, à quelques centimètres de son visages, les yeux aveugles avaient soudain semblé s'enflammer pour une raison inconnue. Mais cette vision fut si éphémère que James finit par se demander s'il n'avait pas halluciné.

Les mains de la Vieilles couvrirent de nouveau ses tempes, et James sentit de nouveau cette torpeur bizarre commencer à engourdir son corps. Mais cette fois, il n'était pas pris au dépourvu, et savait ce qui l'attendait s'il autorisait ses muscles et son esprit à se relâcher. Aussi il résista de toutes ses forces, obstinément, contre cette espèce de fatigue qui le rendait insensible au monde extérieur. Et à sa grande surprise…

Cela marcha plus ou moins.

Il parvint à garder la tête froide, et à surveiller les pensées qui s'installaient dans son esprit sans crier gare. Aucune phrase étrange ne lui venait à l'esprit, et même les mains glacées plaquées contre ses tempes ne le faisaient plus trembler. La Vieille soupira et grommela :

_ Bon, apparemment je ne peux plus rien tirer de toi… mais c'est égal. J'ai quand même appris des choses – peut-être.

Elle décolla ses mains des tempes de James, qui sentit un poids énorme s'envoler de sa tête. Il eut même un léger mouvement involontaire alors qu'elle le lâchait, comme si elle l'avait tiré vers elle pendant tout ce temps et qu'il avait lutté pour se dégager. Il reprit son équilibre et descendit du coffre en bois.

_ Escalier, gronda la Vieille en se guidant le long du mur vers les marches croulantes. En quelques pas, James fut au pied de l'escalier, qu'il monta à la volée dans son envie de revoir ce qui pouvait ressembler à de la lumière. De plus, il commençait à avoir faim.

* * *

_ Voyons, Lily, mange un peu, au moins !

Fergus Finnigan fixait sa camarade d'un œil inquiet. Lily n'avait quasiment pas touché à son assiette, et jouait d'un air absent avec sa fourchette, le menton dans la main et les coudes sur la table. Ce n'était pas bon signe.

_ Oh, Lily ! Tu m'entends, au moins ?

Pas de réponse. La fourchette dansait toujours dans les mains de Lily, et les grands yeux verts, dont l'habituelle lumière pétillante semblait absente, demeuraient dans le vague. Fergus se tourna vers Lisa Dodger et Tim Thomas qui étaient assis respectivement en face de lui et à sa gauche, et leur lança un regard éloquent. Tim haussa les épaules d'un air impuissant. Quant à Lisa, elle jeta un regard noir à Tim qui rentra la tête dans les épaules comme sous la menace d'une réprimande puis elle regarda Lily intensément.

Lily n'avait pas bougé un cil durant cette petite pantomime.

Lisa ne dit rien pendant un moment, se contentant de regarder Lily, puis la table, puis de nouveau Lily, puis de nouveau la table. Puis, comme Fergus et Tim commençaient à échanger des regards interloqués, elle se rapprocha de Lily et dit d'un ton sérieux :

_ Moi j'en compte onze. Ou peut-être onze et demi, si tu comptes celle-ci, là, à moitié effacée.

Lily cligna des yeux, et tourna lentement la tête vers le visage impassible de Lisa.

_ Quoi ? De quoi tu parles ?

_ Des traces de cire de bougie, fit Lisa en haussant les épaules comme si la chose était évidente. Tu étais bien en train de les compter, non ? Ça fait vingt minutes que tu fixes cette table, et ça fait vingt minutes qu'on t'appelle et que tu ne réponds pas – tu dois être vraiment concentrée.

Lily ne saisit pas tout de suite. Puis, comprenant enfin, elle rougit et baissa le nez.

_ Excuse-moi, Lisa, je… j'étais ailleurs…

_ Ça, on l'a remarqué, fit Fergus d'un ton mi-railleur, mi-compatissant. Je dirais même que tu étais carrément sur une autre planète.

_ C'est parce que les trois autres ont disparu, c'est ça ? demanda Tim.

Lily hocha la tête en reniflant.

_ Eh, p'tite Lily jolie, fit une autre voix, à la droite de Tim. Ne t'en fais pas, ils vont réapparaître, et plus tôt que tu ne le crois si ça se trouve.

C'était Mondingus, qui sourit à Lily d'un air rassurant. Pour une raison obscure, elle se sentit légèrement mieux.

_ Qu'est-ce que tu en sais ? demanda Olivia d'un ton nerveux. Elle avait jusque là gardé un silence plutôt étrange aux yeux de ses camarades de cinquième année et venait juste de lever la tête.

_ Juste parce que tu t'es fait enlever à Halloween ne fait pas de toi un vétéran de guerre !

_ Eh ho, Olivia, du calme, fit Mondingus sans se démonter. Moi j'essaye de rassurer Lily, et toi tu m'insultes. Ce n'est pas la chose la plus intelligente à faire.

_ Ferme-la, répliqua Olivia, sur les nerfs. Je n'en ai rien à faire. Mais alors, rien à faire.

_ Dis donc, je ne t'avais rien demandé… !

_ Ça suffit, tous les deux, coupa Véga d'un ton sec et cassant, tranchant avec sa voix habituelle. Taisez-vous.

Elle avait à peine levé la tête, la nuque raide et la mâchoire serrée mais cela fut suffisant pour les faire taire. Elle non plus n'avait pas mangé grand-chose du repas, et son visage était fermé, plus pâle que d'ordinaire. Lily croisa son regard, et fut légèrement surprise de voir que l'inquiétude avait rendu les yeux bleus vifs durs comme des diamants. Quelque part, ce visage pâle l'inquiéta encore plus que le gant qu'elle avait trouvé dans la neige. Si l'inflexible Véga était soucieuse, alors les choses allaient vraiment mal.

En même temps, il était parfaitement normal qu'elle s'inquiétât pour son frère, non ?

_ Mange, Lily, fit Véga plus doucement. Ça ne sert à rien de s'affamer – ça n'aide rien ni personne.

Lily jeta un coup d'œil sur sa fourchette, et sur le morceau de pomme de terre piqué au bout, puis l'enfourna dans sa bouche. Il était froid, et elle ne sentit même pas le goût, mais il passa tout de même sans qu'elle ne ressentît le besoin de le recracher. Et puis ce n'était pas une chose à faire devant tout le monde.

Lily fut loin d'avaler autant que d'habitude, mais au moins il y avait quelque chose dans son estomac lorsqu'elle quitta la table. Lisa avait terminé son repas en même temps qu'elle, et l'accompagna. Véga les suivit une seconde après – elle avait à peine touché à son assiette.

Lorsque les trois filles arrivèrent devant le portrait de la Grosse Dame, celle-ci jeta un regard inquiet sur Lily et Véga.

_ Violet m'a raconté ce qui s'est passé, soupira-t-elle d'un ton soucieux. Et dire qu'ils sont passés par là cet après-midi… juste après le repas. Moi, je me suis dit, " ils vont rendre un livre, ils ne seront pas longs à revenir… " Comme j'avais tort ! Mon Dieu, mon Dieu, cela fait déjà le deuxième enlèvement, cette année ! On n'a pas vu ça depuis au moins vingt ans…

_ Harpie hideuse, coupa Lisa d'un ton agacé, voyant que Lily commençait à baisser le nez.

_ Mademoiselle, je ne vous permets pas… ! couina la Grosse Dame, furieuse.

_ C'est le mot de passe, marmonna Véga en se rapprochant du tableau, faisant clairement signifier qu'elle ne perdrait pas plus de temps à attendre à la porte. La Grosse Dame, les joues soudain aussi roses que sa robe, murmura en ouvrant le passage :

_ Oh… je suis désolée. Vous devez être bouleversées et…

_ Merci, jeta Lily en enjambant le panneau. C'est bon.

La salle commune était aussi calme qu'elle l'avait laissée, et seuls quelques septième année étaient assis dans les fauteuils près du feu, discutant ce qui semblait être une question particulièrement difficile – et ennuyeuse – d'Arithmancie. Lily et Lisa s'assirent à une table, pendant que Véga montait directement dans son dortoir. Après un moment de silence inconfortable, Lily remua sur sa chaise et fit :

_ Dis, Lisa… tu as un jeu de cartes ? Je veux dire, un jeu de cartes normal – la version Moldue, pas la version sorcier.

Lily n'avait pas encore pu se faire à ces cartes étranges, où les cavaliers se provoquaient en duel les uns les autres, où les rois comparaient la richesse de leurs couronnes respectives, et où les dames minaudaient et conspiraient avec les valets. Lisa secoua la tête.

_ Non, mais je crois que Mondingus en a un… On peut aller lui demander de l'emprunter, si tu veux.

Le ton sur lequel elle dit cela semblait si dénué d'enthousiasme que Lily se leva et eut un léger sourire :

_ D'accord, c'est bon – je vais chercher un bouquin dans le dortoir. Tu viens ?

_ Je viens, fit Lisa en se sautant de sa chaise en un éclair – on aurait dit qu'elle ne s'y était jamais assise. Je suis sûre que je peux ajouter quelques éléments à mon devoir d'Histoire de la Magie… à propos de cette armée de Nains qui ont aidé les Gobelins dans leur révolte en 1642. Je ne me rappelle plus quel chef gobelin les avait payés…

Une fois arrivées dans leur dortoir, les deux jeunes filles se dirigèrent chacune vers leur lit et la valise qu'elles gardaient dessous Lily sortit un petit livre à couverture cartonnée qui pouvait faire environ 300 pages, et Lisa farfouilla dans ses affaires jusqu'à ce qu'elle trouve ce qu'elle cherchait : deux rouleaux de parchemin déjà utilisés, sa plume, son encrier et un livre relié de cuir intitulé Première Rébellion des Gobelins – 1601-1686. Elle fourra tout cela en vrac dans son sac de cours, puis passa la porte du dortoir après Lily.

Les trois ou quatre septième année avait laissé les fauteuils près de la cheminée et s'étaient installés à une table près de la fenêtre. Olivia était arrivée dans la salle commune entre temps, ainsi que Mondingus, et tous deux se jetaient des regards noirs de temps à autre. Sans prêter attention aux deux, Lily prit un fauteuil tandis que Lisa tirait une table vide et une chaise près du feu et s'installait près de son amie, face aux flammes dont la lumière vive jouait sur les murs. Le silence régna pendant un moment ; Lily lisait, et Lisa mâchonnait le bout de sa plume d'un air pensif. Elle feuilleta le livre sur les Gobelins pendant quelques secondes, écrivit quelques mots, qui parurent faire l'affaire puis elle poussa un soupir d'ennui, posa sa plume sur la table et jeta un coup d'œil à la page que Lily était en train de lire. Un mot l'intrigua et elle ne put s'empêcher d'en faire la remarque.

_ Psst ! chuchota-t-elle pour ne pas trop troubler le silence de la salle commune. L'éditeur a mal corrigé les fautes d'orthographe ! Là, c'est marqué " dwarves ". " Dwarf ", c'est Nain en Anglais, mais le pluriel c'est " dwarfs ", pas " dwarves " ! Qui c'est, l'auteur, pour avoir fait une bourde pareille ?

_ Un prof de linguistique, marmonna Lily sans lever les yeux. En y pensant, cela faisait un bout de temps qu'elle n'avait pas tourné la page – à supposer qu'elle en eût tourné auparavant. Lisa, surprise par sa réponse, décida de sauter sur l'occasion pour la faire parler un peu, vu la tête qu'elle faisait.

_ Comment ça se fait ?

_ Il a fait exprès, fit Lily toujours à voix basse. " Dwarves ", ça fait plus respectable – je crois. Et puis ce n'est pas les Nains qu'on connaît – ceux-là sont différents.

_ Qu'est-ce que tu lis, au fait ? demanda Lisa, qui voulait à tout prix échapper à son devoir d'Histoire de la Magie qui en fait l'ennuyait encore plus que l'inaction complète.

_ Bilbo le Hobbit – c'est l'histoire de… Oh, mais si je commence à te raconter l'histoire, j'en ai pour des heures.

_ C'est un Moldu qui l'a écrite ? fit Lisa d'un ton pensif.

_ Oui, répondit Lily d'un air résigné en fermant son livre. Ecoute, si tu le veux, tu peux le prendre, moi je l'ai déjà lu…

Elle se tut un moment, puis rouvrit le livre, cette fois à la première page.

_ Tu sais quoi ? En fait je n'ai pas l'intention de bouger d'ici ou d'aller dormir tant que les trois autres ne sont pas retrouvés sains et saufs.

_ Moi non plus, dit bravement Lisa. Elle rangea son livre et son devoir d'Histoire de la Magie dans son sac, puis sa plume et son encrier, et vint s'installer dans le fauteuil le plus proche de Lily.

_ Tu veux rester ? demanda Lily d'un ton curieux. Je suis en train de dire que je ne vais sans doute pas dormir de la nuit !

_ Si tu peux le faire, pourquoi pas moi ? fit Lisa obstinément. En avant pour une nuit blanche !

_ Une nuit blanche ? fit une voix de garçon derrière le fauteuil de Lisa. Voilà qui semble intéressant, n'est-ce pas, mon cher Mr Finnigan ?

_ Tout à fait, mon cher Mr Thomas, fit la voix de Fergus derrière le fauteuil de Lily. Je suis partant, si c'est pour vous rendre service.

_ Et puis, ajouta Tim en apparaissant à côté de Lisa avec un clin d'œil, une nuit blanche, c'est toujours une aventure !

Lily eut un petit rire, et fit :

_ J'étais sur le point de demander à Lisa si cela l'ennuyait que je lui lise le livre à haute voix.

_ C'est intéressant, au moins ? De quoi ça parle? demanda Fergus en prenant un fauteuil.

_ D'aventure, dit Lily.

_ Il y a un prince ? demanda Tim en s'installant également.

_ Non, mais il y a un roi.

_ Il y a une princesse ? demanda Fergus.

_ Non, mais il y a des araignées géantes.

_ Il y a un vrai monstre ? demanda Lisa.

_ Oui, dit Lily, si tu comptes le dragon.

_ C'est génial ! s'exclamèrent les deux garçons en même temps. Vas-y, tu as notre complète attention.

_ Vas-y, Lily, dit Lisa, on t'écoute.

Et Lily commença sa lecture : " Dans un trou du sol vivait un hobbit… "

* * *

Cela fait combien de temps que James a disparu dans ce trou ? se demandait Sirius en se rongeant les ongles de nervosité. Est-ce que j'y suis resté aussi longtemps, moi ? Qu'est-ce que cette vieille chouette lui a fait ? Qu'est-ce que…

_ Sirius ?

La voix de Remus, toute basse qu'elle fut, le surprit il se tourna vers son ami dans un sursaut nerveux.

_ Hein ? Quoi ?

_ Doucement, Sirius, murmura Remus avec un regard en biais à Belegaer le vampire qui se tenait derrière eux, le visage blême et comme taillé dans le marbre. Le ton de la voix de Remus – rapide, et comme inquiet – mit la puce à l'oreille de Sirius, qui cette fois reporta toute son attention sur son ami.

_ Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il d'une voix à peine audible. Remus regarda alentours et murmura :

_ Ils ne savent pas, hein ? Pour ce soir ?

Sirius fronça les sourcils. De quoi diable Remus était-il en train de parler ? Et vu l'expression insistante des yeux bleus gris, il s'attendait manifestement à ce que Sirius sache à quoi il faisait allusion. Puis il chuchota très vite :

_ Pour la pleine lune de ce soir ?

Durant une brève seconde, Sirius sentit un vent de panique pure lui hérisser les cheveux de la nuque.

_ C'est la…

Mais la seconde d'après, s'étant discrètement assuré que le vampire aux oreilles pointues derrière eux ne le voyait pas, Remus fit un clin d'œil discret à Sirius, accompagné d'un sourire si rapide que Sirius le remarqua à peine. Mais ce fut suffisant pour le garçon.

Il a un plan, se dit-il. C'est ça, hein ? pensa-t-il en regardant Remus, mettant dans ses yeux autant d'espoir et de questions qu'il le pouvait. Remus ne dit rien, mais cligna une fois des yeux, le regard toujours aussi intense. Sirius réprima un sourire qui allait se nicher au coin de ses lèvres. Tout n'était donc pas perdu.

_ Je ne crois pas qu'ils le sachent, souffla-t-il dans un murmure rauque qu'il n'eut aucun mal à rendre effrayé et inquiet. Qu'est-ce qu'on fait ? On leur dit ?

_ Si ce que tu m'as dit est vrai, la Vieille va sûrement s'en apercevoir d'elle-même, chuchota Remus sur le même ton. Et alors là, ce sera la panique…

Sirius hocha la tête, mais bientôt une idée lui traversa l'esprit et il se mordit la lèvre :

_ Comment on fait sans les baguettes ? souffla-t-il à l'oreille de son ami. On n'a aucun espoir sans elles… tu te transformeras et personne ne pourra rien faire…

Il jouait toujours le jeu de Remus, au cas où Belegaer, ou bien la Voix l'entendît. En même temps, sans leurs baguettes, il savait bien qu'ils n'auraient aucune chance. Et il était hors de question d'abandonner James, qui était toujours dans le sous-sol avec la Vieille. Mais Remus avait apparemment réfléchi intensément tout en restant silencieux et immobile, et semblait avoir tout prévu. Il murmura d'une voix presque inaudible :

_ Le vampire les a dans sa poche – regarde bien.

Et en effet, dans une des poches de la longue veste sombre et élimée que portait Belegaer, Sirius aperçut un demi centimètre de bois clair, fin et poli, qu'il reconnut comme étant les douze pouces et demi de bois de bouleau appartenant à Remus. Et à en juger par les formes qu'il distinguait à travers l'épais tissu, celles de James et Sirius s'y trouvaient également. Mais comment allaient-il bien pouvoir faire pour les récupérer ? Sirius aurait préféré de loin boire une Solution Sifflante préparée par Peter plutôt que de s'attaquer à cette créature qui devait mesurer dans les deux mètres… Il se sentit pâlir légèrement.

_ La panique, Sirius, insista Remus en le regardant dans les yeux. Si on s'y prend bien, c'est peut-être notre porte de salut !

_ Mais comment… commença Sirius, mais il fut interrompu par des bruits de pas venant du bord du trou qui se rapprochaient d'eux – la Voix était de retour.

_ Votre ami revient, dit-elle. Ça va être le tour du dernier d'entre vous.

Ce fut à ce moment que James courut littéralement hors du trou – il avait monté les escaliers quatre à quatre – et que la capuche miteuse de la Vieille apparaissait à son tour.

_ Au suivant ! grinça-t-elle, et après quelques mots de la Voix murmurés à l'oreille de Belegaer, celui-ci poussait Remus vers l'escalier. Lorsque James le croisa, il lui fit un clin d'œil, puis se retourna vers Sirius et lui lança un dernier regard insistant. Sirius et James le suivirent des yeux ils le virent s'approcher de la Vieille et descendre les marches devant elle. Avant que Belegaer ne revienne, James se tourna vers Sirius, essayant de saisir le sens du clin d'œil de Remus. Sirius eut un sourire rapide, et ses yeux étincelèrent soudain – il venait de comprendre le plan de son ami. Aussi, il murmura très vite en réponse au regard interrogateur de James :

_ Jamsie, mon vieux, prépare-toi à agir ! Le vampire a les baguettes dans sa poche, et Remus a fait croire que c'était la pleine lune – la Vieille va savoir pour lui, les autres aussi – et on profitera de la panique pour prendre les baguettes et filer !

Ce fut le tour de James de pâlir. Ecarquillant les yeux, il fixa Sirius comme si celui-ci était devenu fou.

_ Mais comment… commença-t-il, utilisant sans le savoir les mêmes mots que Sirius quelques minutes auparavant. Mais Sirius lui fit signe de se taire, car le vampire revenait vers eux.

Pendant quelques minutes interminables, rien ne se passa. Le silence était tel qu'on aurait pu entendre le battement d'ailes d'une chauve-souris. Belegaer demeurait complètement immobile, son regard fixe tourné droit devant lui. Les bruits de pas s'étaient éloignés à nouveau vers l'entrée du souterrain, laissant les deux garçons à nouveau seuls avec le vampire aux oreilles pointues. Quant à James et Sirius, ils regardaient intensément le trou au milieu des dalles de marbre, les yeux fixes, les muscles tendus à l'extrême. Ils savaient – où plutôt sentaient – que quelque chose allait se passer. Quelque chose d'imminent. L'air se faisait de plus en plus tendu, la tension de plus en plus papable, et James, les nerfs à vif, sentait son cœur battre si fort dans sa poitrine qu'il lui faisait mal.

Bientôt… c'est bientôt… C'était tout ce à quoi il était capable de penser. Ses yeux le brûlaient à force de ne pas cligner des paupières, mais il ne devait pas laisser baisser son attention. Quoi que ce soit qui allait se passer, cela allait arriver à tout moment, et il voulait être prêt à agir. La peur lui serrait le ventre, et des fourmis lui couraient dans l'extrémité des doigts, mais en même temps, une étrange excitation lui montait à la tête et lui réchauffait la poitrine comme l'avait fait un jour sa toute première gorgée de Bièraubeurre. Il avait compris le plan de Sirius. Il allait attaquer un vampire de deux mètres de haut, récupérer sa baguette et s'enfuir à toutes jambes – s'ils réussissaient. James ne voulait pas penser à ce qui se passerait s'ils ne réussissaient pas. Il ne voulait pas du tout y penser.

Pourquoi Remus était-il si long ?

A l'instant même où James se posait cette question inquiète, un long hurlement inarticulé s'éleva du trou et Belegaer sursauta il alla rapidement vers les escaliers et jeta un coup d'œil en bas. Après s'être concertés du regard, James et Sirius s'avancèrent également.

La voix – qu'ils reconnurent comme étant celle de la Vieille – s'était remise à crier, après avoir repris son souffle les deux seuls mots que les deux garçons distinguaient dans ce charabia étaient " Monstre ! " et " Loup-garou ! " Ils se regardèrent.

_ C'est le moment où jamais, murmura Sirius.

_ Je suis prêt, fit James.

Les bruits de pas appartenant à la Voix sans visage descendaient les escaliers, tandis que Belegaer, apparemment troublé et presque effrayé, regardait dans le trou et articulait " Gaur ! " d'une voix très rauque. C'était le seul mot que les deux garçons l'avaient entendu prononcer.

_ Maintenant ! cria Sirius, et il se jeta en direction de Belegaer.

Le vampire ne s'attendait absolument pas à quelque chose d'aussi stupide – ou d'aussi courageux. Profitant de sa surprise, James se jeta sur son dos et entoura son cou de ses bras, serrant le plus possible. Belegaer se redressa brusquement de toute sa hauteur, avec une sorte de grondement sourd et féroce qui ressemblait à celui d'un loup, et se débattit violemment contre le garçon accroché à son dos. Evitant les bras qui battait l'air autour de lui, Sirius plongea sa main dans la poche et s'empara des baguettes. Des étincelles rouges et dorées jaillirent de l'extrémité de la baguette de jais lorsqu'il serra les doigts autour d'elle, et il sentit une petite vague de chaleur l'envahir de la main à l'avant-bras. Maintenant, tout est possible, pensa-t-il avec un sourire, les yeux pleins de feu.

Ce fut le moment que choisit Remus pour jaillir du trou comme un diable de sa boîte il alla donner droit dans le ventre de Belegaer qui se plia en deux, ce qui permit à un James meurtri de toutes parts de se glisser du dos du vampire par terre tandis que Remus hurlait :

_ Courez ! !

Sirius entraîna James, lui fourrant sa baguette dans la main et tendant la sienne à Remus, et tous trois détalèrent comme des lapins. James courait comme il n'avait jamais couru de sa vie il ne se retournait pas de peur de ralentir et avait l'impression que ses pieds volaient au-dessus du sol. Devant lui, Sirius semblait une sorte de brouillard de cape et de cheveux noirs, et il pouvait entendre le souffle court de Remus juste derrière lui. Arrivés à un escalier qui montait vers un autre couloir, Sirius ralentit une seconde mais James, jetant un coup d'œil derrière Remus vit Belegaer qui s'était relevé et fonçait vers eux à toute vitesse, ainsi que la Vieille qui vociférait au milieu de la salle. De plus, les bruits de pas de leur ennemi invisible se rapprochaient de plus en plus. Aussi il prit les devants et passa devant Sirius, qui le suivit sans plus d'hésitation. Remus n'avait pas ralenti.

Combien de temps coururent-ils ainsi, ils ne le surent jamais. Ce qui est sûr, c'est qu'ils coururent longtemps, à s'en faire éclater la poitrine, sans direction précise, suivant leur instinct. Ils prirent des dizaines de passages, des dizaines de couloirs, longèrent des murs humides et mal éclairés, sans s'arrêter ni même ralentir une seconde. Puis finalement, après avoir atteint une petite salle au plafond bas, et aux murs plus clairs, ils ralentirent, et s'aperçurent qu'ils n'étaient plus suivis. Ils s'arrêtèrent, et s'effondrèrent par terre, les poumons en feu, le souffle coupé, les jambes en coton.

Personne ne dit rien pendant un long, très long moment. Le seul bruit audible dans la pièce était celui de leur respiration sifflante, rauque et irrégulière, qu'ils tentaient de faire revenir à la normale. Aucun des trois n'avait jamais couru ainsi de toute sa vie, et ils n'avaient jamais eu aussi peur l'adrénaline commençait tout juste à descendre.

Puis James releva la tête et son regard croisa celui de Sirius quelque chose passa entre les deux, une sorte d'accord tacite, et ils se relevèrent. Une minute plus tard, Remus était également debout, et glissait sa baguette dans sa ceinture.

_ 'Faudrait pas traîner dans le coin, articula James. On devrait essayer de trouver un moyen de sortir d'ici.

_ Tout juste, James, fit Remus de la même voix essoufflée. Tu as une idée ?

_ Non, admit James, mais on va en trouver. Après tout, on a échappé à un vampire, à une voix sans visage et à un épouvantail d'au moins cent ans, non ? Pourquoi on ne s'échapperait pas d'ici aussi ?

_ Bien, Jamsie, on garde le moral, dit Sirius en allant inspecter l'une des trois portes. D'ailleurs, j'ai peut-être une idée.

_ Vas-y, dit toujours.

Sirius ne dit rien, mais alla ensuite à la porte suivante, puis à la dernière porte. James et Remus se regardèrent.

_ Bon, tu la dis, ton idée ?

_ Ouaip, fit Sirius d'un ton triomphant. A mon avis, c'est par là.

Il désignait la dernière des trois entrées.

_ Et comment tu peux savoir ça, petit malin ? demanda James d'un ton sceptique. Sirius haussa les épaules :

_ Ça sent moins le renfermé et le pourri par là. Et en plus, ça remonte. Ça te suffit ?

_ Pour moi, ça suffit amplement, fit Remus en empruntant le passage. James rangea sa baguette dans sa ceinture à l'instar de Remus, et suivit son ami. Sirius prit l'arrière-garde.

Ils suivirent ainsi leur nez, partant de là où l'air sentait le plus mauvais pour chercher de l'air plus pur ils se faisaient le plus discret possible, rasant les murs et marchant sur la pointe des pieds, mais il semblait en effet que leurs poursuivants avaient abandonné. Remus se méfiait, mais James se disait qu'ils pensaient sans doute que jamais les trois garçons ne parviendraient à trouver leur chemin dans ce dédale de couloirs et de salles. Et il commençait à craindre que ce ne fût le cas, vu le labyrinthe dans lequel ils se trouvaient.

Toutefois, la technique de Sirius avait au moins un avantage : l'odeur écœurante de décomposition avait quasiment disparu, et l'air était bien moins vicié maintenant. Plus vif aussi, et plus froid. James le nota quand il resserra presque inconsciemment sa cape autour de ses épaules – le froid était plus mordant, comme un vent d'hiver. Une idée se fit son chemin dans sa tête, une idée qu'il accueillit avec à la fois de la méfiance et de l'excitation : et si c'était vrai ? S'ils approchaient vraiment de la sortie ?

_ Dites, chuchota Remus tout à coup. Il avait ralenti le pas et fermé les yeux, le nez dans l'air froid.

_ Dites… vous sentez ?

_ Sentir quoi ? fit James d'abord, mais Sirius ralentit, lui aussi, et fit, les yeux brillants :

_ Oui… ça sent… ça sent comme…

James, vexé, ferma les yeux et inspira un grand coup. Alors seulement, il sentit une odeur infime, qu'il n'avait pas remarqué tout d'abord quelque chose de frais, de boisé – quelque chose qui lui faisait penser à la Forêt Interdite sous la neige. Un demi sourire naissant sur ses lèvres, ils se tourna vers ses deux amis et demanda, osant à peine y croire :

_ Comme des arbres et de la neige ?

Les deux autres hochèrent la tête, la même lumière brillant dans leurs yeux. Sirius fut le premier à se secouer et à prendre le chemin qui montait. Remus et James le suivirent, courant presque malgré leur fatigue. Ils marchèrent encore longtemps, ce qui leur sembla des heures durant – avant d'arriver à un couloir plus sombre que les autres, mais aussi bien plus sec et en écoutant attentivement, il leur semblait même entendre le vent siffler au-dessus d'eux.

_ On est tout près de la sortie, fit Sirius, de l'excitation plein la voix. Remus hocha la tête, et accéléra. Cependant, ils furent vite obligés de s'arrêter.

Le couloir débouchait dans un cul-de-sac.

_ C'est pas possible ! s'exclama Sirius tandis que James se courbait, s'appuyant des mains sur ses genoux. Remus, après une seconde pendant laquelle il parut découragé, s'avança jusqu'au bout du passage, et examina le plafond bas avec une grande attention. Il l'observa sous toutes ses coutures, et finit par taper des doigts. Le plafond résonna comme du bois.

Du bois… ? pensa James, reprit par un fol espoir. Il s'avança, et murmura, tendant sa baguette vers le plafond :

_ Lumos.

_ Merci, James, chuchota Remus, qui soufflait et époussetait le plafond, dégageant une espèce de trappe.

_ Bien joué, Rem ! s'exclama Sirius à voix basse en s'approchant également. Tu crois qu'on pourra ouvrir ?

_ Si on s'y met à trois, on pourra peut-être, même avec un sortilège Alohomora, fit Remus en remontant ses manches et en prenant sa baguette. Sirius et James sortirent la leur en même temps.

_ A trois, chuchota James. Un, deux…

_ Attends ! coupa Sirius. Tu veux dire " à trois " où bien après " trois " ?

Deux paires d'yeux lui lancèrent un regard mi-interloqué, mi-agacé.

_ Je rigole, fit-il en riant. Vas-y, Jamsie.

_ Un, deux… trois !

_ Alohomora ! crièrent d'une seule voix les trois garçons, et la trappe frémit dans ses jointures.

_ Ça ne suffit pas, fit Remus.

_ On recommence, proposa James. Un, deux… trois !

_ Alohomora !

Cette fois encore, la trappe ne s'ouvrit pas cependant, elle trembla si violemment que les trois amis purent apercevoir un peu de la neige de l'extérieur, éclairée par la lune décroissante.

_ La troisième fois est souvent la bonne, dit Sirius, enthousiaste. Une dernière fois, dans la joie et la bonne humeur !

Les deux autres eurent un petit rire.

_ Un, fit Remus d'une voix ferme, deux… trois !

_ Alohomora ! !

Le sortilège, lancé à trois avec force et enthousiasme, marcha cette fois. La trappe s'ouvrit brusquement, rejetée en arrière de toute la force des trois apprentis sorciers réunis. Le vent froid s'engouffra dans le couloir, fouettant les joues blêmes, revivifiant les visages, et mordant les trois nez pointés avec espoir vers le ciel. James était si heureux qu'il aurait pu hurler de joie, mais il se retint, et se contenta de sourire jusqu'aux oreilles. Il fut imité par Remus, et Sirius esquissa un pas de danse puis Remus lui fit la courte échelle, et il se glissa dehors, dans les fougères couvertes de neige, et aida son ami à monter. Sirius remonta le dernier, et les deux autres le hissèrent à travers la trappe. Puis James promena son regard autour de lui et reconnut les arbres sombres, les fougères entrelacées et la neige glacée, recouvrant tout comme un linceul blanc.

Ils étaient libres.

Mais ils étaient au beau milieu de la Forêt Interdite.

Fin de la première partie.

*~*~*

Merci à tous ceux qui ont laissé une review – ou pas – je remercierai tout le monde quand je posterai la suite du 10ème chapitre. Restez dans le coin ! :o)

Bisous,

Belphégor~la Bizarre !~ :o]