Note de l'auteur: Eh oui ! C'est moi ! Vous m'aviez oubliée, je parie… Normal, ça fait un sacré bail depuis la dernière fois que je me suis manifestée du côté de chez HP en français. J'espère que vous m'excuserez… Mais il s'est passé plusieurs choses qui ont fait que je n'ai pas écrit pendant un bon moment. Mais c'est passé maintenant, et voilà le 11ème chapitre ! Le problème, c'est qu'après je ne pourrai plus toucher à l'ordi jusqu'à mi-septembre, alors vous devrez vous contenter de celui-là pendant un bon bout de temps. J'ai raté mes exams de fin d'année, et je dois les repasser… sniff.

Et bon anniversaire à ma sœurette Amélie, qui a eu 16 ans hier ! :o)

Disclaimer: Les personnages, lieux et notions de magie ect. ont été créés par JK Rowling (dont c'est l'anniversaire en ce 31 Juillet ! Bon anniversaire, M'dame, et vivement le 5ème tome ! :o) et je ne fais que les emprunter pour ensuite les rendre intacts. Ou presque :D Oh, et le personnage de Bombastus est un petit clin d'œil et un coup de chapeau personnel à la BD d'Ayrolles et Masbou, De Cape et de Crocs, que j'adore et que je vous conseille – c'est excellent :o)

Les Chroniques des Maraudeurs

Chapitre 11 : La Longue Nuit (2/2)

Bon, alors ? Qu'est-ce qu'on fait ?

Cette question, James se la posait depuis un petit moment déjà en regardant autour de lui d'un air inquiet. La joie et l'excitation de la remontée à l'air libre étaient vite retombées, pour ne laisser qu'un sentiment de découragement, et une ombre de peur. Il était un peu plus de minuit d'après la montre de Sirius, et la Forêt Interdite paraissait encore plus noire et menaçante la nuit que le jour, ce qui n'était pas peu dire. On ne distinguait pas grand-chose entre les troncs d'arbre sombres, et franchement, James n'avait pas tellement envie de distinguer ce qui pouvait rôder autour d'eux.

Est-ce que Remus n'avait pas dit que des vampires avaient vécu là-dedans, à un moment ? se demanda-t-il avec un frisson, repensant à la grande silhouette aux yeux vides qui leur avait servi de gardien. Pour rien au monde il aurait voulu croiser à nouveau quoique ce soit qui lui ressemble.

_ Qu'est-ce qu'il fait sombre, marmonna Sirius juste à côté de lui, presque dans son oreille – tous trois ne s'éloignaient guère les uns des autres. Un vrai four.

Remus frissonna en resserrant son écharpe autour de son cou – le froid était bien plus mordant dehors que sous la terre. Puis il se tourna vers ses deux amis.

_ L'un de vous a-t-il une idée sur la direction qu'on devrait prendre ? demanda-t-il d'une voix pas très sûre. Les deux autres le regardèrent avec stupéfaction. Remus ne savait pas quoi faire ?

_ Ne me regardez pas comme ça ! s'exclama Remus d'un ton plutôt piteux. Non, je ne sais pas quoi faire – je n'ai jamais mis les pieds si loin dans la Forêt Interdite – je ne sais même pas où on est, exactement ! Comment pourrais-je le savoir, d'ailleurs ? Je n'ai pas le Troisième Œil !

James baissa le nez. Vu le sang-froid avec lequel son ami avait pris les choses en main plus tôt, il s'était presque attendu à ce qu'il les guide sans hésiter vers un endroit sûr. Il aurait dû savoir qu'un espoir pareil serait idiot.

_ T'angoisse pas, Rem, fit Sirius d'une voix calme en levant le nez vers le ciel noir, à peine éclairé par une petite lune décroissante, toute timide. Je ne crois pas qu'aucun de nous ait une idée précise de comment on va se sortir de cette mouise, mais je peux te dire une chose. On est sortis de là-dessous ensemble, on rentrera chez nous ensemble.

_ Si je puis me permettre, Sirius, ce que tu viens de dire est passablement ringard, fit Remus avec un sourire ironique, mais de la reconnaissance dans la voix. Mais l'essentiel est là. Merci.

Sirius haussa les épaules pour toute réponse, puis :

_ Bon, on y va ?

_ Où ? demanda James, qui regardait toujours les buissons environnants avec inquiétude. Et par où ? Comme tu l'as si bien dit toi-même, on n'a aucune idée de l'endroit où on veut aller, ni quelle direction prendre !

_ Comment tu veux que je le sache ? fit Sirius en levant les yeux au ciel. N'importe où, sauf ici ! Et si les autres débarquent par cette trappe, on fait quoi ?

_ Les gars, fit Remus d'un ton calme, ça ne sert à rien de se disputer. Au contraire.

_ T'as d'autres Paroles Sages dans ce genre, petit scarabée ? railla Sirius, montrant finalement sa nervosité. Remus fronça les sourcils.

_ Oui, si tu continues à faire l'imbécile. On n'a qu'à choisir une direction et s'y tenir – cette forêt ne s'étend pas à l'infini, que je sache ? On finira inévitablement par tomber sur une zone habitée ou quelque chose qui y ressemble.

_ Si quelque chose ne nous tombe pas dessus d'abord, marmonna James. Il repensait à ces histoires qu'il avait entendues parmi les Gryffondor plus âgés, et même parmi certains première année. Qu'il y avait des créatures bizarres dans la Forêt Interdite, des centaures, des loup-gar – James rougit jusqu'à la racine des cheveux. Remus. Arrête de penser à ça, arrête de penser à ça…

_ James ?

_ Quoi ?

Sirius le dévisageait d'un air bizarre.

_ Tu n'as pas peur, au moins ?

James se força à sourire.

_ Peur ? Pas du tout ! Pour qui tu me prends, voyons ? fit-il d'une voix qu'il réussit à maintenir stable avec un petit effort. Remus lui jeta un regard en coin, avant de sortir sa baguette de sa ceinture.

_ Lumos. On risque d'en avoir besoin, vous savez.

_ Tu es sûr que c'est prudent, d'allumer ta baguette comme ça ? fit James en se rapprochant. Ça pourrait attirer des trucs bizarres…

_ Mais ça pourrait aussi signaler qu'on est là, fit Sirius en prenant la sienne pour imiter Remus. Si quelqu'un tombe sur nous, il pourra nous aider.

Sur qui on pourrait tomber au beau milieu des bois, et en pleine nuit ? Ou… sur quoi ? pensa James, mais il se contenta d'allumer également la sienne. A l'aide de la faible lumière, il voyait le nez rougi par le froid de Sirius, et le léger nuage de vapeur qui s'échappait de sa bouche chaque fois qu'il respirait, ainsi que les légers tremblements de froid de Remus. Puis il se décida.

_ On n'a qu'à aller par là, dit-il en prenant la tête, marchant vers une sorte de couloir formé par un bosquet d'arbres serrés les uns contre les autres, comme pour se réchauffer. Remus le suivit la lueur de sa baguette s'ajouta à celle de James, produisant une lumière un peu plus puissante, qui s'accrut encore un peu plus lorsque Sirius les rejoignit. Les trois garçons avancèrent ainsi, très près les uns des autres, pelotonnés dans cette petite lumière vacillante mais rassurante d'une certaine manière. Plus personne ne dit mot pendant un bon moment.


_ Je sais ! s'écria Tim, claquant des doigts. Le vent, je parie ! C'est ça, hein, Lily ?

Lily hocha la tête avec un sourire, et un grognement de dépit parcourut les fauteuils entourant le sien. Il était près de minuit, et un certain nombre de Gryffondor ne dormaient toujours pas. Assis, affalés ou recroquevillés dans les confortables fauteuils écarlates de la salle commune de Gryffondor, Lisa Dodger, Tim Thomas et Fergus Finnigan, auxquels s'étaient finalement joints Mondingus Fletcher et Arnold Weasley pour essayer d'alléger la tension qui s'était installée depuis quelques heures, écoutaient Lily leur faire la lecture.

Il ne restait que trois autres élèves dans la salle, tous assis à la même table : Nestor Iapaffotot, penché sur un livre, fourrageant d'une main dans ses cheveux blonds et remontant de l'autre ses lunettes sur son nez, apparemment plus qu'à moitié endormi les deux autres n'étaient autres que Aymeric Peppery et Myrtille Laforêt, plongés dans une conversation animée, bien qu'à voix basse, à propos de Quidditch. Elle avait le doigt pointé sur une page d'un livre, et lui semblait défendre son point de vue sur telle ou telle tactique.

Lily lisait toujours Bilbo Le Hobbit à voix haute, mais doucement, pour ne pas que le professeur McGonagall débarque et n'enlève trente points à Gryffondor – ou plus. Elle en était aux Enigmes dans le Noir, et à chaque devinette posée par Gollum ou Bilbo, s'arrêtait et laissait réfléchir les autres, obtenant parfois des suggestions assez… étranges.

_ " …Alors cette fois, il tenta quelque chose d'un peu plus difficile et de plus déplaisant :

Il ne peut être touché, ne peut être entendu,
Ne peut être senti, ni ne peut être vu,
Se cache sous les escaliers et sous les collines,
Emplit tous les vides.
Il vient d'abord et suit ensuite,
Achève toute vie, et tue le rire. "

Une fois de plus, Lily ferma le livre tout en gardant la page, et leva la tête pour regarder autour d'elle et demander :

_ Alors ? Qui a une idée ?

Il y eut un silence, troublé seulement par le bruit des pages que Nestor tournait lentement. Mondingus eut l'air pensif.

_ " Se cache sous les escaliers "… " Emplit tous les vides "… Ça ressemble à ma grand-tante Augustine, ça.

Quelques rires étouffés coururent parmi les occupants des fauteuils, puis Fergus fit remarquer en se grattant le haut du crâne :

_ J'ai un ou deux gnomes qui se cachent sous mon escalier, mais on ne peut pas vraiment dire qu'ils tuent le rire tellement ils sont ridicules.

_ Comment ça se fait qu'ils ne vivent pas dans ton jardin, ces gnomes ? demanda Arnold d'un ton curieux. Fergus fit la grimace :

_ On a un Jarvey dans le jardin, et comme on n'arrive pas à s'en débarrasser, les quelques gnomes survivants ont cherché refuge sous notre escalier. Mon cousin John Patrick se moque de nous chaque fois qu'il vient nous rendre visite. Il dit que ça ne fait pas classe.

Tim cacha un sourire derrière sa main.

_ Et ils ne font pas trop de dégâts, tes gnomes ? demanda Lily, intéressée. Fergus haussa les épaules.

_ On les empêche de grignoter le bois en leur donnant des os de poulet avec du curry. On doit être la famille qui consomme le plus de curry dans tout le quartier, d'ailleurs.

Cette fois, Tim étouffa un petit rire. Mais Lily était de plus en plus intéressée.

_ Ma sœur adore le curry – on en a toujours qui traîne, à la maison.

Lisa la regarda fixement, un sourcil levé et l'autre froncé, sans rien dire toutefois.

_ Tu ne voudrais pas m'en prêter un pour l'été, Fergus ? Je suis sûre que Pétunia l'adorerait

_ Je – je ne crois pas, bafouilla Fergus, que tes parents apprécieraient… Je veux dire, c'est sale, ça fait du bruit quand ça grignote, ça te réveille au milieu de la nuit, faut toujours avoir un œil dessus… C'est pas de la tarte pour t'en occuper !

_ Il vient aussi s'installer dans ton lit ? demanda Lily avec un sourire qu'on pourrait qualifier de dangereux. En fait elle se délectait déjà à la pensée du hurlement de Pétunia découvrant un gnome au milieu de ses impeccables draps à fleurs.

_ Toi, tu as une idée en tête, rigola Mondingus. Mais ne t'y habitue pas trop. C'est interdit de ramener une créature magique dans une maison où tous les habitants sont Moldus. Pas avant d'avoir une sorcière ou un sorcier complètement formé dans la famille, en tout cas.

Lily eut l'air si déçue que Fergus se pencha pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille après quoi, un sourire s'épanouit sur son visage en même temps que Lisa fronçait de plus en plus les sourcils. Puis Mondingus fit, comme pour détourner l'attention :

_ Tu peux répéter la question, Lily ?

Lily répéta, et le silence revint s'installer à nouveau. Il dura un certain temps, assez longtemps pour que Lily en vienne à penser aux trois garçons qui étaient probablement quelque part dehors, tremblant de froid, ou pire – emprisonnés dans quelque cellule sinistre par ceux qui les avaient enlevés, peut-être blessés – elle se sentit pâlir de nouveau. Elle était demeurée sans aucune nouvelle depuis qu'elle avait quitté l'infirmerie cet après-midi, que ce soit à propos de ses amis ou de Rogue, et tentait depuis quelques heures de s'empêcher de penser à ce qui avait pu ou pourrait arriver. La lecture à voix haute était un bon moyen de se vider l'esprit, mais l'inquiétude était trop grande pour rester ignorée.

Au moins, cela servait d'avantage : Lily était bien trop anxieuse pour penser à dormir. Apparemment, elle n'aurait aucun mal à tenir toute la nuit. Après avoir fini de lire le livre, peut-être qu'elle écrirait à Peter – pour lui expliquer la situation, le mettre au courant – et peut-être lui demander s'il pouvait venir. En fait, Peter manquait à Lily – elle aurait bien voulu avoir son innocence et son optimisme comique auprès d'elle pour la rassurer…

Le silence dura jusqu'à ce qu'Arnold ne dise :

_ " Ne peut être touché, ne peut être entendu… " " Emplit tous les vides… " C'est l'obscurité, c'est bien ça ?

_ C'est ça, Arnold, lui fit Lily avec un sourire légèrement crispé. L'obscurité. Quelque chose me dit qu'ils en sont entourés en ce moment…


_ Je n'ai jamais vu une forêt aussi sombre, chuchota Sirius à côté de James, le faisant presque sursauter. Il semblait qu'ils marchaient en silence depuis des heures – ce qui devait être le cas, d'ailleurs. Malgré plusieurs pauses plus ou moins longues, la forêt paraissait s'étirer sans fin tandis qu'ils avançaient. La dernière fois que Sirius avait consulté sa montre, il était trois heures et demie, mais cela semblait si loin…

_ On dirait que tout est noir ici, poursuivit-il – la mousse, les troncs d'arbres, les feuilles, et même le ciel au-dessus. J'ai l'impression d'être un caillou oublié par le Petit Poucet.

_ C'est quoi, cette histoire ? demanda James d'un ton curieux, essayant de ne pas prêter attention aux protestations affamées de son estomac. Sirius eut l'air scandalisé.

_ Quoi ?! Tu ne connais pas le Petit Poucet, l'Ogre, les Bottes de Sept Lieues, tout ça ?

_ Désolé, non, fit James vexé. Encore un truc Moldu, c'est ça ?

_ Ça se passe il y a très longtemps, dit Remus à voix basse avant que Sirius ne puisse répondre. Un paysan et sa femme avaient sept fils, le septième étant si petit qu'on l'avait appelé Poucet. Le problème, c'est qu'ils étaient si pauvres qu'ils ne pouvaient pas les nourrir tous – alors un jour, les parents décidèrent d'abandonner les enfants dans la forêt voisine pour ne pas les voir mourir de faim.

_ Quelle horreur ! s'exclama James. Ils sont fous, ces Moldus.

Comme Sirius faisait mine d'ouvrir la bouche pour protester, Remus continua :

_ Mais le Petit Poucet avait entendu ses parents parler. Alors il se leva et alla dehors ramasser des petits cailloux blancs et en remplit ses poches. De sorte que, le lendemain, tandis que les parents conduisaient les enfants au plus profond de la forêt, il en laissait tomber un tous les dix mètres, pour avoir un repère. Du coup, après que les parents aient disparu, les sept petits n'eurent qu'à suivre les cailloux qui brillaient dans la nuit.

_ Il avait dû en prendre vraiment plein les poches, le Poucet, railla James. Remus secoua la tête, tout en faisant attention de ne pas trébucher sur une branche.

_ Attend, c'est pas fini. Bien sûr, les parents étaient tellement contents de revoir leurs fils qu'ils ne parlèrent plus de la forêt pendant un bon moment. Mais comme ils mouraient toujours de faim, au bout de quelques jours ils recommencèrent leur coup. Et cette fois encore, le Petit Poucet entendit leur conversation et voulut sortir pour ramasser ses cailloux seulement cette fois, la porte était fermée à clé, et il ne put sortir.

" Le lendemain, il utilisa de petits morceaux de la miche de pain que les parents avaient donnée à chacun, mais quand il s'agit de les suivre pour rentrer chez lui, il s'aperçut que les oiseaux avaient tout mangé et…

Remus fut interrompu par un bruit bizarre, comme un glapissement, venant des buissons. Trois paires d'yeux inquiets se tournèrent dans cette direction, mais rien ne bougea, mis à part quelques flocons de neige pour l'instant isolés, qui commençaient à tomber. Le cœur battant, les garçons se regardèrent, retenant leur souffle.

_ On ferait mieux d'aller par là, chuchota Sirius d'une voix rauque en montrant la direction opposée au bruit. James et Remus hochèrent la tête.

Ils marchèrent en silence pendant un bon moment, sans oser ouvrir la bouche. Les arbres étaient toujours aussi sombres, et la faible lueur de leurs trois baguettes réunies leur permettait seulement de ne pas s'emmêler les pieds dans les fougères épaisses. Et encore, s'il n'y avait que des fougères… des plantes étranges, qu'ils ne se souvenaient pas d'avoir jamais étudié en classe de botanique, rampaient autour de troncs d'arbres parfois larges comme deux armoires, et ils s'enfonçaient jusqu'aux chevilles dans de la mousse sombre et humide. Les flocons de neige commençaient à se faire plus fréquents.

_ Je me demande bien quels animaux peuvent vivre là-dedans, marmonna James en extirpant sa cheville d'un petit trou rempli de boue glacée où il avait marché par mégarde.

_ Tu es sûr que tu veux savoir ? fit Sirius d'un ton sarcastique, mais toujours à voix basse. James réfléchit une seconde, puis secoua la tête.

_ Remus, à la fin de ton histoire, les enfants se perdent définitivement dans la forêt, c'est ça ?

_ Non, rassure-toi, dit Remus avec un petit sourire, quoique légèrement nerveux. Ils errent dans la forêt pendant quelques heures, échappent à une meute de loups, puis tombent sur une maison au fond des bois…

_ Chut ! coupa Sirius d'une voix qui envoya des frissons dans la nuque de James. Vous entendez ça ?

Il s'était immobilisé brusquement, les muscles raidis la main dans laquelle il tenait sa baguette tremblait visiblement. James et Remus essayaient de ne pas laisser échapper un souffle, de ne pas bouger d'un centimètre de peur de faire craquer une brindille. La neige qui tombait paraissait étouffer chaque bruit sous une couverture blanche, ou plutôt bleu nuit. Après quelques secondes de silence et d'immobilité totale qui semblèrent durer des siècles, James se détacha de quelques pas des deux autres, lentement, avec précaution et finit par apercevoir une silhouette qui se déplaçait, silencieuse comme une ombre, entre les arbres.

_ On dirait un humain, souffla James aux deux autres qui l'avaient suivi. Je me demande où il va…

Une idée folle lui traversa l'esprit et il ajouta sur le même ton :

_ On le suit ?

Sirius sursauta et une expression alarmée passa rapidement dans les yeux bleus gris de Remus, mais l'instant d'après, les deux amis emboîtaient le pas à James sans plus d'hésitation.

La créature – quelle qu'elle soit – semblait n'avoir aucune difficulté à se glisser à travers l'obscurité, évitant çà et là les arbres et les racines épaisses en revanche, les trois garçons devaient lutter contre diverses branches et fougères qui les faisaient trébucher ou leur fouettaient la figure, selon la hauteur. Mais James ne voulait pas renoncer. Ils tenaient là un fil, si ténu soit-il, qui pouvait peut-être – peut-être – les mener à quelque chose qui ressemblerait à une zone habitée et puis la curiosité commençait à l'emporter sur la peur.

James marchait légèrement devant les autres, et fut donc le premier à découvrir une clairière minuscule. Il essuya la neige fondue de son visage, et se rendit compte qu'elle ne tombait plus levant les yeux, il aperçut une sorte d'abri créé par des branches d'arbres entrelacées, à quelques mètres au-dessus de sa tête. Cet abri semblait rudimentaire, mais une sorte de magie (quelle qu'elle soit) suffisait à le faire tenir en place et protégeait le petit espace dénué d'arbres.

Il faisait toujours aussi froid, mais au moins la neige ne tombait plus – c'était déjà ça, se dit James.

_ Je me demande qui a pu jeter un sort pareil, murmura Remus à côté de lui. Il se tenait près d'un arbre avec Sirius, à l'abri, et James les y rejoignit.

_ Regardez : même les trous dans les branches ont été bouchés. Celui qui a construit ça doit être un bon sorcier.

_ J'ai bien envie de monter voir comment ce truc est aménagé, fit Sirius, plissant les yeux vers le haut.

_ C'est sûrement un piège, Sirius, fit Remus d'un ton de reproche. Ce n'est certainement pas pour rien si quelqu'un nous a attiré là.

_ Peut-être qu'il ne nous a pas repéré, répliqua Sirius, les yeux toujours levés. Peut-être même qu'il ne s'est pas attardé ici… Moi j'ai très envie d'aller voir.

_ Sirius, je te préviens… commença Remus un ton plus haut, mais Sirius ne l'écoutait pas – il était déjà parti vers un arbre qui avait l'air prometteur, James sur les talons tous deux se regardèrent, puis serrèrent leur baguette magique dans leur main une fois avant de la glisser dans leur ceinture en même temps.

Remus soupira d'un air désapprobateur, leva les yeux au ciel, mais finit par les suivre.

Sirius était un bon grimpeur, et James et Remus peinaient quelque peu derrière lui. James n'avait presque jamais grimpé à un arbre auparavant, et il pestait en silence en soufflant et s'écorchant les mains sur l'écorce glacée. Mais bon, il n'allait quand même pas laisser Sirius y aller tout seul, non ? Remus avait dit tout à l'heure que se disputer ne servirait à rien – se séparer était sûrement une mauvaise idée. Dans les livres, c'était toujours quand les héros se séparaient qu'un danger leur tombait dessus à l'improviste. Alors…

James n'eut pas le temps de terminer son raisonnement. Quelque chose venu de la droite le heurta soudain avec une telle force et une telle violence que, le souffle coupé, il lâcha la petite branche à laquelle il s'accrochait et bascula en arrière. Il eut le temps de voir au-dessus de lui le visage affolé de Sirius, entendit le cri angoissé de Remus, puis une douleur intense le frappa dans le dos, un voile rouge passa devant ses yeux et puis ce fut tout.


_ Non mais, ça va pas, non ? Vous auriez pu le tuer, espèce de sauvage… danger public… Scroutt à pétard… bouse de dragon… idiot de mauvais sorcier de…

Ce que Sirius accola à cette fin de phrase aurait fait grincer les dents de James en temps normal. Mais étant donné que le garçon était encore à peine à demi conscient, le seul mouvement qu'il fut capable de réaliser fut de plisser légèrement ses paupières closes. Ce qui n'échappa pas à tout le monde.

_ James ! Tu vas bien ?

James, ouvrant les yeux avec difficulté, aperçut les contours flous du visage de Remus penché au-dessus de lui, visage qui de l'inquiétude passa rapidement au soulagement.

_ Combien de doigts tu vois ?

James n'avait pas ses lunettes.

_ Rouge.

Remus lui tapota la joue avec un sourire sardonique, hochant la tête :

_ Tu vas très bien.

James cligna des yeux, et s'assit avec l'aide de Remus. Il se sentait déjà un peu moins vaseux.

_ Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-il après une seconde, cherchant ses lunettes du regard. Remus jeta un coup d'œil alentours :

_ Ce type t'est tombé dessus – ou plutôt il s'est jeté sur toi, et tu es tombé le dos dans la neige de quelque chose comme un mètre cinquante. Tiens, voilà tes lunettes.

_ Merci.

Le verre des lunettes de James était fêlé, mais se rappelant un sort qu'avait utilisé sa mère pour réparer une vitre fendue, il saisit sa baguette et dit " Reparo ". Aussitôt il n'y eut plus aucune trace de fissure sur ses lunettes, et il put distinguer clairement Sirius qui, avec de grands mouvements de bras, débitait un torrent d'insultes toutes plus créatives les unes que les autres sur un homme étrange – d'une tête plus petit que Remus, vêtu d'une longue robe de sorcier sale et déchirée d'un bleu foncé ou d'un violet douteux, il portait de hautes chaussettes rayées rouges et blanches, et un chapeau pointu qui rappelait très vaguement ceux que l'on portait à Poudlard, mais qui était d'une couleur mêlée de vieux vert et de bleu sombre. Des énormes lunettes à épaisses montures lui cachaient presque les yeux. A en juger par sa petite barbe blanche sommairement taillée en pointe, il devait être d'un certain âge, mais ne demeurait pas timide ou silencieux pour autant en effet, il ne cessait de baragouiner et d'agiter les mains, ce qui rendait son duo avec Sirius plutôt comique.

_ Eh, doucement ! Qu'est-ce qui se passe ? Sirius, qui c'est, ce type ?

Le bizarre personnage se retourna d'un trait vers James qui venait de se relever, fronçant des sourcils qu'il avait épais et broussailleux :

_ Jeune homme, sachez que " ce type " comme vous l'avez si poliment dit, aimerait également savoir qui vous êtes et ce que vous venez faire chez lui, en pleine nuit, et sans y être invité ! Car ce que vous étiez tous trois sur le point de faire se nomme tout bonnement " violation de domicile ", et je donnerais cher pour avoir votre version des faits, à condition qu'elle soit sensée et crédible ! Savez-vous que cela est passible de lourdes peines d'après la Loi Magique ? Ou peut-être n'êtes-vous pas sorciers – auquel cas je…

_ Holà ! Deux minutes ! s'écria James, noyé sous le flot de paroles. On peut expliquer…

_ Êtes-vous Moldus, oui ou non ?

_ Non, mais…

_ Très bien. Dans ce cas, je m'en réfèrerai à la Loi Magique de 1956 que j'ai consulté tout récemment, article 1805, paragraphe v, alinéa 15 ½, qui stipule clairement que…

_ Et moi je m'en réfèrerai au bon sens qui stipule clairement que se jeter sur quelqu'un et le faire tomber de deux mètres de haut c'est de la tentative de meurtre ! beugla Sirius, rouge de colère – il en fumait presque dans l'air glacial.

_ Attendez un peu – 1956 ? fit Remus d'un ton curieux. La Loi a changé il y a moins longtemps que ça, pourtant…

_ Combien ? aboya le petit vieillard.

_ Eh bien, vu qu'on est en décembre 1969, ça ferait…

_ Treize années, quatre mois, grommela le petit homme, pensant apparemment à toute autre chose. Et quinze jours, si mes calculs sont exacts. Saperlipopette, comme le temps passe vite…

Il se détourna des trois garçons, et fourragea dans ses cheveux sous son chapeau.

_ Quelle est la meilleure marque de balai de Quidditch aujourd'hui ? demanda-t-il presque à mi-voix.

_ Le Nimbus 1000, répondit James sans hésiter. Il est sorti il y a deux ans, et c'est le meilleur balai du monde.

_ L'avez-vous déjà essayé ? fit le vieil homme d'un air soupçonneux. La situation – les trois garçons de onze ans discutant balais avec un petit vieux, tout en grelottant de froid – devenait légèrement surréaliste, mais James conserva son aplomb pour répondre :

_ Non, mes parents attendent que je joue au Quidditch à l'école… et comme on n'est qu'en première année…

_ L'école ? s'écria l'étrange personnage. Seriez-vous élèves à Poudlard, par le plus grand des hasards ?

_ Oui, fit Remus, tous les trois.

Un immense sourire découvrit trois dents plantées sur la mâchoire inférieure.

_ Mes amis ! s'écria le petit sorcier. Mes chers jeunes amis – pardonnez mon impolitesse – j'ai moi-même étudié à Poudlard, il y a bien longtemps… Mais permettez-moi de me présenter : Bombastus Maximilianus Friedrich Horatius Von Ulm, arrière arrière arrière arrière petit-fils de Bombastus Johannes Teophrastus Almagestus Wernher Von Ulm lui-même ! J'ai été ainsi nommé en hommage à mon illustre ancêtre, auteur du célèbre De Revolutionibus orbium caeslestium Libri VII et inventeur du Vespertilion Fulminant !

" Un Moldu inestimable dans sa contribution à l'avancée de l'humanité.

Les trois amis se regardèrent d'un air interloqué ils restèrent ainsi sans rien dire pendant quelques secondes.

_ Euh… très intéressant, m'sieur, finit par dire Sirius d'un ton sceptique. Et c'est quoi exactement, le Vesper-machin Fluctuant ?

_ Le Ves-per-ti-li-on Fu-l-mi-nant ! répéta Bombastus patiemment. Je peux comprendre le fait que des enfants comme vous ne connaissent point cette invention révolutionnaire, mais sachez simplement qu'elle ouvrait la voie à tous les espoirs les plus fous – pour les Moldus, en tous les cas – la voie des airs ! En effet, il y a longtemps – trois cent quinze ans, pour être précis – mon ancêtre Moldu inventa une machine volante, à partir du système de propulsion " Cui Vacui Fauces ", grâce auquel il put, pour un moment bref mais glorieux, s'élever dans les airs !

_ Son système a marché ? demanda Remus, les yeux ronds. James se demanda un instant si Remus n'avait pas compris ce que le sorcier venait de dire. Il fut fixé quand son ami tourna une expression perplexe vers lui, un sourcil haussé et l'autre froncé, comme pour dire " J'y comprend rien ! "

_ Eh oui ! Vous rendez-vous compte – un Moldu, il y de cela trois cent quinze ans, et sans aucune aide magique d'aucune sorte, a volé ! Mais voyez-vous, j'ai repris ses travaux en y incorporant des rudiments de magie gravitationnelle et lévitationnelle, pour pallier au manque de force de propulsion au décollage et maintenir le sextant une fois dans les airs.

_ Euh… et en clair ? demanda James, perdu. Remus claqua des doigts lui venait apparemment de comprendre quelque chose.

_ Vous avez utilisé des balais de sorcier pour faire voler votre engin, c'est ça ?

_ Excellent, jeune homme ! s'écria le petit sorcier de air ravi du professeur qui, ayant posé une question particulièrement difficile, entend son meilleur élève y répondre correctement. C'est exactement cela. J'ai ici trois balais que j'ai incorporés à ma machine – l'aide qu'ils apportent pour la stabilité et le planage est extrêmement précieuse…

" Malheureusement, il me reste quelques problèmes importants à résoudre. Comme le décollage, par exemple. Mais cela viendra, cela viendra !

James, malgré lui, avait vaguement envie de voir cette fameuse machine. Elle devait avoir un drôle d'aspect, ne serait-ce qu'à cause des balais ! Un coup d'œil vers Remus lui souffla que son ami avait également quelques velléités d'aller y jeter un œil. Mais Sirius, lui, avait l'air de s'impatienter de plus en plus.

_ Dites, les gars, c'est pas que je veuille interrompre à tout prix vos savantes discussions, mais il fait froid, c'est la nuit, et tout ce dont j'ai envie là maintenant c'est de rentrer à la salle commune et de m'écrouler près de la cheminée. Pas vous ?

_ Sirius a raison, chuchota James à Remus. On devrait essayer de voir où on est exactement.

_ Peut-être qu'il le sait, lui, murmura Remus en réponse, lui montrant discrètement Bombastus. On pourrait lui demander, tu ne crois pas ?

_ Tout à fait d'accord. Mais c'est toi qui pose la question.

_ Pourquoi ?

_ Pourquoi pas ? fit Sirius, avec un sourire impitoyable. Remus soupira, puis se tourna vers le petit sorcier.

_ Excusez-moi, monsieur… monsieur Bombastus ?

_ Oui, cher jeune homme ? dit le savant en se retournant brusquement vers les trois garçons.

_ Ce n'est pas qu'on apprécie pas votre compagnie, monsieur, au contraire, mais… on a froid et on aimerait bien rentrer à Poudlard. Vous avez une idée de la direction à prendre ?

Bombastus caressa son menton mal rasé de sa main droite, l'air pensif.

_ Oh, bien sûr ! finit-il par s'exclamer. Je vous comprend – il est vrai que la température baisse considérablement ces temps-ci, la nuit. De plus…

Il sembla descendre de son petit nuage, et les regarda tour à tour en fronçant légèrement les sourcils :

_ De plus il est très inapproprié que des élèves de Poudlard se promènent dans la forêt à cette heure de la nuit ! Réalisez-vous qu'il est quatre heures du matin ?

_ C'est… c'est une très longue histoire, monsieur, bafouilla James. La situation devenait vraiment absurde – tout d'un coup il avait l'impression d'avoir été pris en faute par un professeur.

_ Alors, l'école est loin ?

A nouveau le silence Bombastus plissa les yeux derrière ses épaisses lunettes.

_ Prenez tout droit jusqu'à la grande souche morte, puis à gauche. Lorsque vous arriverez à l'arbre en forme de balai, vous irez encore tout droit, puis à droite au premier carrefour – là vous trouverez la lisière de la Forêt Interdite, et le château est juste en face, avec le lac au loin sur la gauche. Vous feriez mieux de partir tout de suite, ou bien la neige va vous tomber dessus.

" Moi, je retourne à ma machine… j'ai beaucoup trop de travail pour vous accompagner, je regrette. Bonne chance, mes jeunes aventuriers, et à notre prochaine rencontre !

Et dans un petit " Pop ! " il disparut, laissant les trois garçons immobiles et abasourdis.

Le silence régna pendant quelques secondes avant qu'ils ne se secouent.

_ Ce type est complètement cinglé, fit Sirius d'un ton interloqué.

_ Nous laisser en plan comme ça alors qu'on ne sait même pas ce qui peut rôder autour de nous – et, dites – vous avez retenu ses indications, vous ? bafouilla James, soudain très inquiet.

_ Pas de panique, fit Remus d'un ton qui se voulait rassurant. J'ai une bonne mémoire – tout droit, une grande souche, à gauche, un arbre en forme de balai, tout droit, la première à droite, et puis on tombe sur le château.

James poussa un soupir de soulagement. Sirius fronça les sourcils.

_ Bon, puisqu'on n'a rien d'autre à faire… Tu es sûr de toi, Rem ?

Remus acquiesça.

_ Tout à fait sûr. Vous pouvez faire confiance à mon sens de l'orientation.

Il y eut un court silence, juste le temps qu'il resserre les attaches de sa cape – des attaches qui – James le remarqua – au lieu d'être en argent comme celles des autres, semblaient faites d'une autre matière, grise elle aussi. Evidemment, puisque c'est un… oh, ça suffit !

_ On te fait confiance, Remus, fit James puis, réalisant qu'il y avait un peu plus d'émotion dans sa voix qu'il n'avait voulu y mettre, il ajouta d'un ton de plaisanterie :

_ On remet notre vie entre tes mains, mon pote.

Remus lui jeta un regard bref, éclairé d'un sourire qui atteignait les yeux bleu gris.

_ Merci, James.

Les trois allumèrent leur baguette, et s'enfoncèrent dans les bois. La neige ne s'était pas arrêtée de tomber, au contraire il neigeait plus fort que lorsqu'ils étaient entrés dans la clairière, et tous trois ramenèrent leur capuchon sur leur visage. Ce qui ne les empêcha pas de se faire peu à peu tremper jusqu'aux os.

_ De mieux en mieux, marmonna James quelques minutes de silence plus tard, regardant la neige tomber autour d'eux. Sirius eut une sorte de petit rire sarcastique.

_ De pire en pire, tu veux dire.

_ Remus, fit James sur un ton autre ton, voulant apparemment aborder un autre sujet, qu'est-ce qui se passe ensuite dans ton histoire ?

Remus frotta ses mains glacées l'une contre l'autre pour les réchauffer et demanda en claquant légèrement des dents :

_ Où… où est-ce que je m – m'étais arrêté ?

_ A la maison au fond des bois, fit Sirius. Lui aussi tremblait comme une feuille.

_ Ah… d'accord. Alors… le Petit Poucet et ses frères tombent sur cette maison, perdue au plus profond de la forêt. Ils tapent à la porte, et une belle femme, habillée de vêtements riches, leur ouvre à moitié et leur dit de décamper. Ils supplient, ils insistent, tant et si bien qu'elle finit par avoir pitié et leur ouvre pour leur donner à manger. Le problème, c'est qu'elle est mariée à un ogre…

_ Un ogre ? fit James avec un faible sourire.

_ Oui, James, un ogre. Et le plus méchant, le plus cruel, le plus affamé de cette partie du pays.

_ Pauvres Moldus, il faut toujours qu'ils aient une mauvaise idée de la magie…

_ La ferme, James ! J'écoute !

_ La ferme toi-même, Sirius. C'est pour me réchauffer.

_ Je peux continuer ? Bon. Alors il faut qu'ils mangent en quatrième vitesse avant le retour de l'ogre qui est parti chercher à manger. Mais il revient plus tôt que prévu et la femme cache les petits dans la grande huche…

Remus racontait, racontait, tandis qu'ils s'enfonçaient dans la nuit. Sirius, tout en écoutant l'histoire, jurait de temps en temps dans sa barbe contre le vieux fou qui les avait abandonnés dans la Forêt Interdite sans penser une seconde qu'il pourrait leur arriver quelque chose, comme tomber sur un animal bizarre – ou mourir de froid, pensa-t-il avec un petit rire intérieur assez sinistre.

Quant à James, il avait encore mal à la tête à cause de sa chute dans la neige et pouvait à peine sentir une once de chaleur quand il soufflait dans ses doigts pour se réchauffer. Le seul gant qu'il avait étant le droit, sa main gauche était rougie et endolorie – encore qu'il valait mieux avoir mal, le danger étant de ne plus rien sentir. Il avait entendu les adultes parler des dangers du froid, mais se maudissait de ne pas pouvoir se souvenir d'un sortilège pour se réchauffer ou réchauffer les autres.

_ …Et l'ogre de se mettre à renifler partout, pendant que sa femme lui jure ses grand dieux qu'il n'y a rien dans la maison qui corresponde à l'odeur qu'il décrit. L'ogre cherche dans sa mémoire, pour mettre un nom sur cette délicieuse odeur, riche, parfumée, fraîche et poivrée comme un matin de printemps… " Ça sent, " gronde-t-il, " ça sent… ça sent… "

Remus raconte sacrément bien les histoires, pensait James en regardant le visage pâle et fatigué, mais souriant de son ami ; le froid traçait des formes rouges sur ses joues là où elles étaient un peu creuses, mais les yeux bleus gris brillaient de leur lueur habituelle. James sentit son ventre se nouer légèrement, attendant la suite. Le suspense marchait.

_ " Ça sent… Ça sent la chair fraîche ! ! "

Sirius sursauta malgré lui, et James se figea. Remus promena son regard de l'un à l'autre, et se mit à rire doucement.

_ Dites donc, quand vous écoutez une histoire, vous ne faites pas semblant.

_ Et toi tu ne fais pas semblant de la raconter ! rétorqua James avec un sourire qui toutefois ne brillait pas complètement au fond de ses yeux sombres. Le froid l'engourdissait de plus en plus, et il avait la désagréable impression que la fatigue changeait lentement ses pieds en plomb. Remus le regarda d'un air curieux pendant que Sirius frottait son nez rougi par le froid. Sans rien dire, presque sans le regarder, il avait mis le bras sur les épaules de James d'un geste instinctif, comme si cela pouvait suffire à le protéger du froid glacial.

_ Eh, Jamsie, fit-il, d'un ton détaché, alors qu'ils arrivaient à " l'arbre en forme de balai " – qui était effectivement difficile à manquer – tu veux mon gant gauche ? On dirait que tu en as besoin.

En temps normal, James n'aurait pas hésité une seconde – ç'aurait été non tout de suite. Mais là… James était fier, mais n'était pas idiot. Et il avait vraiment froid.

_ Ok, Sirius, dit-il en claquant des dents. Merci.

_ De rien, mon pote, fit Sirius en lui tendant le gant en laine. Normal. Remus ? Tu peux continuer, s'il te plaît ? J'aime bien la façon dont tu racontes les histoires.

_ J'ai pas mal d'expérience, marmonna Remus avec un sourire. Bon, alors voilà qu'il ouvre tout d'un coup la huche et qu'il découvre les enfants cachés dedans. Bien sûr, il entre dans une colère noire et ordonne à sa femme de bien les engraisser et les faire se reposer pour qu'ils soient tendres et croquants à souhait le lendemain quand il les ferait cuire.

_ Euh, Rem… épargne-nous les détails, je te prie.

_ Bien. Seulement voilà, l'ogre et sa femme ont sept filles. Sept petites ogresses, comme leur papa. Et elles ont toutes des jolies petites couronnes sur la tête. Et on fait dormir les garçons dans la même chambre qu'elles…

James n'écoutait que d'une oreille à présent. Il n'avait même plus faim. Ses lunettes commençaient à se couvrir de neige et il sentait une douleur lancinante, maintenant continue, à l'arrière de sa tête. Ses vêtements trempés de neige fondue – sa cape, sa robe de sorcier et le jean, pull et la chemise qu'il portait en dessous – ne suffisaient pas à garder la chaleur de son corps et il tremblait dans la petite brise glaciale. Il trébuchait parfois, et sans le bras de Sirius autour de ses épaules, il serait déjà tombé.

Tout en racontant à voix basse, Remus restait vigilant, et jetait de temps en temps un regard inquiet à ses amis, tout en luttant lui aussi pour empêcher sa propre chaleur de s'envoler. Quelque chose qu'il avait appris à faire tout petit, qui lui était naturel. Mais avec l'humidité et la neige qui tombait toujours, il savait parfaitement qu'il n'aurait pas plus de chances que les autres s'ils n'atteignaient rapidement un endroit chaud et sec.

_ Mais au milieu de la nuit, l'ogre arrive, ivre mort, avec dans l'idée de se faire une petite collation de minuit. Le Petit Poucet ne dort pas, contrairement à ses frères qui ont tous beaucoup mangé au repas. Comme il n'arrive pas à les réveiller, affolé, il prend les casquettes de ses frères et les échange avec les petites couronnes des ogresses dans l'espoir que… James !

James avait de nouveau trébuché – ce fut une fois de trop. Cette fois, son corps affaibli se décontracta d'un coup, complètement, et il s'écroula. Sirius n'eut que le temps de resserrer sa prise pour l'attraper au vol avant qu'il ne heurte le sol.

_ Jamsie ! Jamsie, réponds – parle-moi, fais quelque chose !

Mais cette fois, James ne répondit pas. Le visage plus pâle que Remus, les yeux clos, sa respiration était si faible que les deux garçons avaient du mal à voir le petit nuage de vapeur qui s'échappait de sa bouche. Il ne faisait aucun autre mouvement.

_ James ! s'écria Remus, lui tapotant les joues. Réveille-toi, tu ne peux pas t'endormir ! Il ne faut pas que tu t'endormes, James !

Sirius le hissa sur son épaule, agrippant son bras pour le maintenir debout.

_ Allez, Jamsie. C'est pas le moment de dormir, mon vieux. Debout, tu n'as même pas ton pyjama à rayures ici ! Où tu crois qu'on est, au pieu ? Réveille-toi ! James !

La voix de Sirius montait légèrement vers les aigus. Il avait peur, une peur viscérale, qui le prenait aux tripes. Une peur bien plus grande que celle qu'il avait ressenti dans le souterrain, escorté par la Voix et Belegaer. Une peur plus grande que pratiquement toutes celles qu'il avait ressenties auparavant.

_ James ! cria-t-il d'une voix rauque, terrifiée. Reviens !

Les yeux de James bougèrent légèrement sous les paupières bleuâtres et il laissa échapper un gémissement faible. Remus et Sirius poussèrent un énorme soupir de soulagement.

_ C'est bien, James, vas-y, ouvre les yeux, fit Remus en frottant énergiquement les bras et le torse de son ami de ses propres mains engourdies par le froid. On est là et on ne s'en va pas. Concentre-toi sur ma voix. Tu m'entends ?

James fit un imperceptible mouvement de tête, les yeux toujours clos.

_ Il faut que tu ouvre les yeux, Jamsie, fit Sirius, la voix moins paniquée mais toujours aussi rauque. Et que tu les garde ouverts, surtout. Vas-y, je te parie trois Chocogrenouilles que tu peux le faire. Prêt ?

Les paupières se soulevèrent lentement, lourdement, pour découvrir à demi deux yeux verts sombres qui avaient l'air épuisé et complètement perdu.

_ Il faut qu'on lui parle constamment, dit Remus à Sirius, qui le hissa un peu plus haut d'une main tremblante. Qu'il ne s'endorme pas. Sinon…

Sirius n'avait pas besoin que Remus lui fasse un dessin. Il hocha la tête.

_ Eh, Jamsie, comment tu crois qu'on va raconter ça aux profs, hein ? A ton avis, on leur parle de l'agate ? Et de la Vieille, et de Belegaer, et de la Voix, et tout ?

_ On ne devrait pas être loin du château, maintenant, fit Remus d'un ton rassurant. Voilà le " carrefour " dont parlait Bombastus après on prendra à droite, et puis tout droit jusqu'à la lisière.

_ Il serait temps qu'on arrive, en effet. Jamsie, mon gars, faudrait que tu fasse un régime. Tu es trop beaucoup lourd à mon goût – eh !

Sirius s'interrompit en sentant James s'affaisser.

_ Non, non ! Surtout pas, Jamsie. Surtout pas maintenant.

_ Ne t'endors pas, James, supplia Remus. Reste éveillé. Je te jure qu'on n'est plus très loin…

_ Eh, Rem… Remus ?

James avait à demi rouvert les yeux et levé la tête.

_ Oui ? fit Remus, un immense soulagement dans la voix.

_ Tu peux… tu peux raconter, s'il te plaît ? Qu'est-ce que… qu'est-ce qui se passe… après ?

Remus sourit.

_ Eh bien, comme Poucet s'était débrouillé pour échanger les casquettes et les couronnes, l'ogre arrive complètement ivre, et… il tue ses propres filles au lieu des garçons.

Sirius eut une moue de dégoût James frissonna.

_ S… sympa, comme histoire.

_ Je suis d'accord avec toi. Peu après, le Petit Poucet réveille ses frères pour de bon et ils filent. Bien sûr, lorsque l'ogre s'aperçoit qu'il a tué ses enfants, il devient absolument fou furieux…

_ Tu m'étonnes…

_ Sirius… Et il enfile ses Bottes de Sept Lieues pour rejoindre les garçons. Ce sont des bottes magiques – chaque pas avec elles aux pieds et tu parcours vingt-huit kilomètres.

_ Ce serait… bien pratique, ça – hein, R… Remus ?

_ Tu l'as dis, James. Finalement, il est fatigué, et il s'endort au pied d'un arbre. C'est là que les garçons tombent sur lui…

Une fois de plus, Remus s'interrompit. La tête haute et le regard inquiet, le corps toujours parcouru de frissons, il scruta les environs pendant une minute. Sirius, soutenant toujours James, demeura immobile, observant les bois derrière Remus. Tous deux restèrent ainsi silencieux, attentifs, à surveiller le dos de l'autre. James gardait péniblement les yeux ouverts sa tête était lourde contre l'épaule de Sirius, qui sentait à peine son souffle contre son cou.

_ Je… suis là, les gars. Avec… avec v… vous.

Remus regarda brièvement derrière lui, et ses yeux brillèrent d'un éclat intense. Sirius tapota la main gantée de laine de James avec la main qui tenait la baguette, avec un petit rire légèrement crispé, mais ému et amusé.

_ Jamsie, t'es vraiment quelqu'un, tu sais.

Soudain Sirius dressa les oreilles vers la gauche – un bruit de feuilles qui bougent et de neige qui craque avait attiré son attention. Agrippant toujours le poignet de James de la main gauche, il sortit sa baguette de sa ceinture de la droite, tandis que Remus se rapprochait d'eux en serrant sa propre baguette dans sa main tremblante, si fort que ses jointures en étaient blanches.

Le bruit se rapprochait de plus en plus.

La respiration de Sirius était rapide et désordonnée il avait peur. Dieu sait ce qui pourrait débarquer par là, pensait-il. Et je suis prêt à parier que ce n'est rien de bon… La seule chose qui le rassurait un peu était, bizarrement, les battements du cœur de James qu'il sentait palpiter contre son épaule droite. Des battements faibles, irréguliers, et rapides comme un cœur d'oiseau blessé – mais qui signifiaient que James n'avait pas encore l'intention de laisser tomber. Il se battait toujours, avec toutes les forces qu'il lui restaient. La main de Sirius serra plus fort le poignet de son ami. Tiens bon, mon vieux. Moi aussi je suis là, et je ne te lâche pas.

_ Ça vient vers nous, murmura Remus dans un souffle rauque. Ça se rapproche.

Tout espoir de voir la silhouette s'en aller s'évanouit lorsque les pas s'arrêtèrent tout d'un coup, pour repartir de plus belle droit dans leur direction.

Ce ne fut que lorsqu'elle fut à quelques pas seulement du trio apeuré qu'ils reconnurent la gigantesque silhouette.


_ " Bien sûr ! dit Gandalf. Et pourquoi donc ne se révèleraient-elles pas exactes ? J'espère que vous n'accordez pas discrédit aux prophéties, uniquement parce que vous avez contribué à les réaliser ? Vous n'allez sûrement pas supposer que toutes vos aventures et vos évasions vous sont arrivées par pur et simple hasard, pour votre seul bénéfice ? Vous êtes quelqu'un de très bien, Mr Baggins, et je vous aime beaucoup mais vous n'êtes qu'une toute petite personne dans le vaste monde, après tout !

" Dieu merci ! dit Bilbo en riant, et il lui tendit le pot à tabac. "

Lily ferma le livre et regarda autour d'elle. Il ne restait plus dans la salle commune qu'elle, Tim, Lisa, et Fergus tous les autres étaient montés se coucher. Et encore… Lisa dormait comme une bienheureuse, pelotonnée dans son fauteuil, et Tim semblait vraiment tout près d'en faire autant. Seul Fergus était resté quelque peu éveillé.

_ J'aime bien cette fin, dit-il. Et c'est vrai qu'à mon avis, tout ce qui lui est arrivé n'est sûrement pas arrivé par hasard. C'était trop bien orchestré.

_ Tu crois, Fergus ? demanda Lily d'une voix basse, fatiguée, mais avec un très léger sourire.

_ C'est évident. Tu vois, je ne crois pas au hasard. Dans cette histoire, les Hobbits, c'est nous et les profs, c'est les magiciens et les elfes. C'est eux qui tirent les ficelles, qui décident de tout – des leçons, des interros, tout ça… et nous, on s'en sort comme on peut, selon la situation.

Lily sourit et s'étira. Il était quatre heures et demi du matin, et les fenêtres étaient noires comme la poix. On ne voyait absolument rien dehors, à part la neige qui tombait. Dans la pièce, il n'y avait d'allumé que les petites torches de chaque côté de la cheminée le feu ne brûlait plus dans l'âtre, remplacé par des braises rougeoyantes qui faisaient monter une fine fumée grise, presque transparente.

Un silence total régnait dans la pièce, à présent qu'elle avait fini de raconter. Fergus garda les yeux fixés sur le livre que Lily tenait toujours à la main, avant de se lever et de bâiller profondément.

_ Excuse-moi, Lily, mais là j'ai vraiment, vraiment sommeil. Je ramène Tim dans son lit et je me couche – je n'en peux plus.

_ D'accord, Fergus, fit Lily avec un geste de la main. Dors bien. Moi je vais essayer de ramener Lisa au dortoir aussi – mais je redescend de suite. Je te promet de ne pas faire de bruit.

Fergus acquiesça d'un signe de tête et secoua doucement Tim. Le garçon fronça les sourcils et marmonna quelque chose d'inaudible, les yeux toujours fermés. Fergus eut un petit rire silencieux et se baissa pour le soutenir jusqu'à l'escalier, au moins. Lily entendit leur pas maladroit et alourdi par le sommeil monter dans la cage d'escalier, puis ils trouvèrent leur dortoir et le silence se fit à nouveau, troublé seulement par la respiration profonde et régulière de Lisa.

Lily resta assise pendant un bon moment, immobile. Ses yeux piquaient, et elle avait mal au dos à force d'être dans cette position. Une petite voix lui chuchotait que ce serait bien agréable d'imiter Lisa et de se pelotonner dans ce fauteuil qui avait l'air si confortable… mais elle s'y refusait absolument. Non. Pas de sommeil jusqu'à ce qu'on retrouve les garçons, elle se l'était juré, et elle entendait bien respecter sa promesse ! Il n'était pas dit que Lily Evans irait dormir quand ses amis étaient en danger. Bon, il était évident qu'il n'y avait tout de même rien qu'elle puisse faire, que tout se jouerait sans elle… Mais cela ne l'empêchait pas de se sentir mortellement inquiète et de se ronger les ongles comme une furie. Tout cela en se posant des centaines de questions, la plupart du genre :

Où sont-ils en ce moment ?

Qu'est-ce qui leur est arrivé cet après-midi ?

Et s'il leur arrive quelque chose de grave ?

Et s'ils sont dehors dans la neige, dans le froid ?

Et si ?…

_ Aïe !

Lily venait d'attaquer la peau à force de se ronger les ongles.

Lisa réagit à l'exclamation sourde en bougeant légèrement dans son fauteuil et en laissant échapper un " Mmmh… Eh, oh… " de protestation ensommeillé. Ce qui ramena l'attention de Lily vers sa camarade de classe. Avec un soupir résigné, elle se pencha vers Lisa et prit son bras pour le mettre sur son épaule.

_ Allez, Lisa. Je te ramène au dortoir – tu ne vas pas dormir ici, quand même.

La jeune fille se laissa soulever, puis mettre debout sans rien dire, puis elle sembla sortir suffisamment de son sommeil pour marmonner :

_ N… non… veux – je veux rester…

_ Mais tu dors ! Il vaut mieux que tu dormes dans ton lit, non ?

_ Mmh…

_ Bon, alors laisse-toi faire.

Soutenir Lisa jusqu'au dortoir était bien plus facile à dire qu'à faire, Lily le découvrit bien vite. Elle pesait son poids, et Lily n'avait pas beaucoup de muscle. De plus, elle était fatiguée, plus qu'elle ne voulait l'admettre, et les escaliers furent un vrai supplice. Arrivée à leur dortoir, elle allongea sans cérémonie Lisa toute habillée sur son lit, prenant à peine le temps de lui enlever ses chaussures, avant de s'asseoir sur son propre lit pour se reposer un peu.

Ses paupières se fermèrent avant qu'elle ne s'en soit aperçue, et elle se secoua encore une fois. Il ne faut pas que je dorme, il ne faut pas…

Sentant que si elle restait là sur son lit elle s'endormirait pour de bon, Lily descendit de son lit et sortit du dortoir sur la pointe des pieds. Lisa s'était rendormie et ronflait légèrement, l'air tout à fait paisible et heureux.

Une fois dans la cage d'escalier, Lily eut la surprise de voir une lumière plus forte émanant de la salle commune – quelqu'un avait apparemment rallumé le feu dans la cheminée. Elle descendit les dernières marches pour aller s'installer de nouveau dans un fauteuil près de l'âtre, et offrit un sourire fatigué à Mondingus Fletcher.

_ Je croyais que tu dormais, Mondingus.

_ C'est ce que tu devrais être en train de faire à cette heure-ci, je te signale.

Lily haussa les épaules, puis reporta son attention sur le feu.

_ Je n'arrive pas à dormir.

C'était un pur mensonge elle savait bien que, dès qu'elle fermerait les yeux, le sommeil la prendrait pour de bon. Mais Mondingus eut l'air de la croire. Il hocha la tête.

_ Je connais le truc. Ça m'arrive, des fois.

Lily détourna les yeux de la cheminée pour le regarder. Mondingus avait des cernes sous les yeux, et même si elles étaient discrètes, elles étaient assez faciles à repérer. Tout d'un coup, les questions qu'elle s'était posées à son propos lui revinrent en tête, ainsi que la petite conversation qu'elle avait eue avec lui plus tôt dans la journée, avant l'arrivée de Véga et le début de l'inquiétude qui lui rongeait les sangs en ce moment.

_ Mondingus…

_ Oui ?

_ Tu ne m'avais pas dit ce qui te tracassait, tout à l'heure.

Le garçon fronça légèrement les sourcils dans sa direction pendant un petit moment, puis il hocha la tête.

_ C'est vrai.

Il avait l'air aussi mal à l'aise que dans l'après-midi. Lily ne détachait pas ses yeux des siens.

_ Tu me promets de garder le secret, Lily ? C'est vraiment, vraiment important.

_ J'ai déjà gardé des secrets, Mondingus.

_ D'accord, mais celui-là…

Mondingus passa une main dans ses boucles brunes en désordre et soupira.

_ Bon. Tu as remarqué comment j'arrivais à faire des farces facilement au début de l'année ? Comment j'arrivais à ne jamais me faire prendre, ou presque ?

Lily hocha la tête.

_ Eh bien, j'avais quelque chose pour m'aider. Quelque chose de très rare, et de très précieux, qui était à moi depuis assez longtemps.

Lily retenait son souffle.

_ J'avais une Cape d'Invisibilité.

Les yeux verts de Lily s'arrondirent à l'extrême. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit pendant quelques secondes.

_ Une… une Cape de…

_ Hm, hmm. Tu ne peux pas savoir à quel point c'est pratique. Le nombre de choses qu'on peut faire avec – le nombre d'usages qu'on peut en faire. Je m'en suis servi dès que j'ai pu pendant quatre ans, dont trois à Poudlard… J'ai fait enrager Adams, et les profs… et les Préfets… Je la portait souvent pliée sous ma robe de sorcier, pour pouvoir m'en servir quand je voulais.

Les yeux de Mondingus restaient fixés sur le manteau de la cheminée, décoré de guirlandes brillantes qui semblaient bizarres dans l'atmosphère intimiste du " coin de la cheminée ". Les bûches craquaient doucement, faisant voler des étincelles et produisant un petit bruit de fond, le seul dans toute la pièce à part la voix du garçon.

_ Seulement… tu te rappelles Halloween ?

Lily hocha la tête, toujours sans rien dire.

_ Moi, je ne me rappelle presque rien – juste d'avoir ouvert la porte vers le parc, et puis… plus rien jusqu'à ce que Chourave arrive. Mais je me rappelle avoir eu ma Cape sous ma chemise, avant de quitter le château. Et quand j'ai repris mes esprits à l'infirmerie, Madame Pomfresh m'avait fait enfiler un pyjama, et j'ai eu beau chercher dans mes vêtements, je n'ai rien trouvé.

_ On t'a volé ta Cape d'Invisibilité ?

_ C'est la seule réponse possible. J'ai demandé à l'infirmière si elle n'avait rien trouvé dans mes vêtements, mais elle a dit non. Rien d'autre n'avait disparu, ma baguette était dans ma ceinture, et j'ai même retrouvé mon chapeau à quelques pas dans la neige… mais la Cape n'était plus là.

Les questions se bousculaient dans la tête embrumée par le sommeil de Lily. Mais elle ne pouvait trouver une seule réponse à une seule question. Elle secoua la tête.

_ Mondingus… tu crois qu'on va retrouver James, Sirius et Remus assis dans la neige demain matin, comme toi ?

_ Je ne sais pas, Lily… ce dont je suis sûr, ajouta-t-il avec un sourire à la petite jeune fille aux cheveux emmêlés pelotonnée dans le fauteuil à côté de lui, c'est qu'à trois ils ont plus de ressources que moi. Donc plus de chances de s'en sortir. Et…

Son regard revint se fixer sur le manteau de la cheminée, tandis que Lily se renfonçait un peu plus au fond de son fauteuil.

_ Et qu'ils ont bien de la chance d'avoir quelqu'un prête à abandonner une nuit entière de sommeil par inquiétude. Et par amitié.

Lily rougit sous ses taches de rousseur. Il n'était pas idiot – il avait bien deviné que son corps réclamait à grands cris un peu de repos, et que si elle restait obstinément éveillée, ce n'était pas à cause d'une simple et banale insomnie.

Puis quelque chose lui vint à l'esprit, qui la fit rougir encore plus et détourner les yeux. C'était la première fois qu'elle faisait quelque chose de ce genre – rester éveillée toute la nuit pour aucune raison logique et pratique, seulement l'envie d'être là, si jamais… Elle ne l'aurait pas fait pour n'importe qui. Elle ne l'aurait sans doute pas fait même pour Mondingus – d'ailleurs, elle ne l'avait pas fait quand il avait disparu pendant vingt-quatre heures. Il n'existait à Poudlard que trois personnes – peut-être quatre – pour qui elle se sentait prête à tout faire, à aller n'importe où, et il s'agissait de James, Sirius, Remus, et Peter. Et elle se sentait fière de cela – même si elle n'osait pas se demander si la réciproque était possible.

Est-ce que quelqu'un est ami comme ça avec Mondingus ? se demanda-t-elle. S'il disparaissait à nouveau, qui resterait debout toute la nuit à s'inquiéter ? Elle eut beau chercher, elle ne trouva personne. Pas même elle-même.

Les yeux sombres de Mondingus étaient toujours fixés droit devant lui, et le sourire malicieux qui d'habitude éclairait son visage était absent. Lily se mordit la lèvre. Puis, dans un geste hésitant, elle avança sa main à elle et la posa sur la sienne qui était posée sur le rebord du fauteuil, tout en se traitant d'imbécile. Mondingus la regarda d'un air curieux, et elle faillit retirer sa main et s'excuser mais elle la laissa là, le cœur battant d'une hésitation presque apeurée. Et si il trouve ça idiot, ou faux, ou bizarre ? Qu'est-ce que je fais, moi ?

Un moment passa ainsi, assez long un moment étrange, presque gêné. Puis Mondingus tapota de son autre main la petite main potelée, légèrement tremblante, de Lily, et se leva avec un sourire.

_ Merci, P'tite Lily Jolie. Bonne nuit.

Lily eut à peine un signe de tête vers lui pour lui retourner le souhait, comme figée dans son fauteuil. Mondingus disparut dans la cage d'escalier vers le dortoir des garçons. Lily resta seule à fixer le vide devant elle, puis secoua la tête avec un gémissement. Quelle abrutie, mais quelle imbécile… Nom d'un chien…

Elle attendit de ne plus rien entendre du côté des dortoirs des garçons, puis s'extirpa – avec quelques difficultés – de son fauteuil, pour monter l'escalier dans la même direction. Seulement, ce fut à la dernière porte qu'elle s'arrêta pour entrer sans frapper… pas besoin.

Le dortoir de ses amis était exactement dans l'état où elle l'avait laissé lorsqu'elle l'avait quitté dans l'après-midi. Le lit de Sirius était toujours aussi en bazar, celui de Remus toujours aussi bien fait. Les baldaquins autour du lit de Peter étaient tirées, et ce depuis qu'il était parti au début des vacances. Ce fut sur le lit de James que Lily s'assit, ou plutôt s'effondra. Elle n'en pouvait plus.

Elle attrapa l'oreiller et l'entoura de ses bras, posant son menton dessus. Il gardait quelques vestiges de l'odeur de son propriétaire, mais cela ne gênait pas Lily. Au contraire, même – cette odeur la calmait, l'apaisait, et le tissu de l'oreiller était doux contre sa joue. Elle se balança lentement, légèrement, pendant quelques minutes. Puis elle ferma les yeux.


_ Vous êtes là !?

Sirius cligna des yeux, osant à peine y croire. Il aurait reconnu entre mille cette grosse voix, bourrue mais sympathique. A côté de lui, Remus ouvrit la bouche, et ses yeux s'arrondirent à l'extrême.

_ Hagrid !

_ Hagrid, c'est bien vous ?

Le géant portait un immense manteau en peau de taupe, et un passe-montagne qui couvrait – en partie seulement – ses cheveux noirs hirsutes. Il avait peut-être sept centimètres de neige accumulée sur les épaules et la tête.

_ Ça alors ! s'écria-t-il d'une voix joyeuse. Sac à dragons, ça me fait sacrément plaisir de vous retrouver tous les trois, et entiers ! Vous n'êtes pas blessés, au moins ? demanda-t-il d'un ton inquiet, en s'approchant d'eux à grands pas.

_ Nous, ça va, fit Sirius, pâle de soulagement. Mais James est dans un sale état.

Hagrid se pencha vers la tête aux cheveux noirs emmêlés et trempés de neige et souleva doucement le menton de James. Celui-ci, les yeux clos, émit un gémissement sourd, à peine audible.

_ Hm, grommela Hagrid. Pas bon, ça… pas bon du tout. Il est gelé jusqu'aux os. Attendez.

Il enleva son manteau et en enveloppa James, puis le souleva dans ses bras comme s'il ne pesait rien. Cela sembla un peu bizarre à Sirius. C'était étrange de ne plus entendre le battement de cœur qu'il avait écouté si attentivement pendant cette dernière heure, et de ne plus avoir le poids de James sur son dos et son épaule droite.

Hagrid les regarda d'un air soucieux.

_ Vous aussi, vous êtes glacés… suivez-moi, je vous emmène chez moi – c'est moins loin que le château.

A la pensée du thé brûlant qui les attendait sûrement dans la petite cabane, Sirius et Remus pressèrent le pas pour se maintenir à la hauteur de Hagrid. Celui-ci marmonnait d'un air furieux des bribes de phrases dans sa barbe, dont les garçons ne saisissaient pas tout. Mais peu importait. Ils étaient sauvés, tout allait bien. Dans peu de temps ils pourraient s'asseoir, se reposer, se remettre un peu de chaleur dans le corps, et cette idée suffisait à leur faire mettre un pied devant l'autre.

_ Hagrid, vous savez quelle heure il est ? demanda Sirius à un moment, tout en courant presque pour garder l'allure.

_ Doit être cinq ou six heures, fit Hagrid. Je n'ai pas de montre. Mais ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas une heure pour être dans la forêt.

_ Comment… Comment nous avez-vous trouvés ? fit Remus, légèrement essoufflé.

_ Quand je suis rentré de mes pièges hier soir, j'ai trouvé Dumbledore qui m'attendait dans ma cabane. Il m'a dit que vous aviez disparu, tous les trois, et sûrement pas de votre plein gré. Du côté de chez moi, en plus. Alors je me suis fait du mauvais sang, 'voyez ? Je me disais, si jamais ils sont quelque part par là, dans la neige, ils vont mourir de froid aussi sec… Et ça m'a travaillé toute la nuit. Alors j'ai fait ce que Dumbledore m'avait demandé de faire – d'aller fouiller les buissons, des choses comme ça – mais un peu plus tôt que prévu. Et puis je suis tombé sur vous, Dieu merci.

Son expression s'adoucit et il les regarda l'un après l'autre.

_ Vous avez dû en voir des vertes et des pas mûres, cette nuit.

Remus le regarda sans rien dire, les yeux brillants, puis il cligna des yeux et fit, d'une voix étranglée :

_ Je suis content que vous nous ayez cherchés " un peu plus tôt que prévu ", Hagrid.

Des petites rides apparurent au coin des yeux noirs, signes d'un grand sourire de la part du géant.

_ Allez, encouragea-t-il en se reprenant, courage, on est presque arrivés.

_ Il est temps qu'on arrive, murmura Sirius avec un coup d'œil au visage blême qui paraissait minuscule, perdu dans les plis du manteau de Hagrid.

Le ciel était toujours aussi sombre une fois sortis de la Forêt, mais au moins, il était visible. Déboucher sur le grand parc vide et plat après avoir passé si longtemps au milieu des troncs d'arbre serrés fut un immense soulagement pour Remus et Sirius – surtout ce dernier.

_ Ça fait du bien de se retrouver à l'air libre, marmonna-t-il en abaissant sa capuche un instant pour essuyer son front où se mêlaient la sueur et la neige fondue.

Et puis, il y avait le château. Poudlard se dressait au milieu du parc, imposant, hérissé de tours blanches qu'on distinguait à peine entre les flocons qui tombaient. Une poignée de fenêtres allumées étaient visibles cela faisait quelques petits points dorés, qui semblaient voler, rassurants dans les ténèbres. Un sourire vint lentement éclairer le visage pâle de Remus.

_ On y est, souffla Sirius. Ça fait plaisir, hein ?

Hagrid ouvrit la porte de sa cabane après l'avoir dégagée un minimum de la neige qui bloquait l'accès et entra, suivi de Remus et Sirius qui se regardèrent en entendant les formidables aboiements de Curly à travers la porte.

_ Normalement je vous aurais laissé passer en premier, s'excusa-t-il en se retournant vers eux, tandis que Sirius fermait la porte en tirant bien. Mais là, il y a un peu urgence.

Sans prêter attention au grand chien jaune qui avait couru vers lui pour lui lécher les mains – " Sage, Curly, sage " – il traversa la pièce pour déposer James sur le lit, lui enleva un instant l'épais manteau pour lui retirer sa cape trempée de neige fondue, puis l'emmitoufla de nouveau dans la peau de taupe il alla ensuite farfouiller dans le placard pour sortir une bouilloire et s'affairer autour de la cheminée.

_ Vous deux, dit-il par-dessus son épaule à Sirius et Remus qui enlevaient leur cape trempée, accrochez vos manteaux par là et sortez des couvertures de l'armoire. Faut vous réchauffer en attendant le thé.

Il y avait une vieille patère noire suspendue au-dessus du panier de Curly Remus changea le panier d'endroit et accrocha sa cape dégoulinante, imité par Sirius qui avait du mal à se dépêtrer des énormes pattes jaunâtres de Curly qui avait décidé de leur faire fête à tour de rôle.

Après avoir copieusement arrosé Remus de bave, le chien leva le museau en l'air, l'air intrigué. Sirius le vit renifler un peu partout, pour finalement arriver au pied de la courtepointe du lit sans un instant d'hésitation, il sauta dessus, et tomba sur James, pâle et complètement immobile dans le manteau de Hagrid.

_ Eh, dis donc, toi ! s'écria Sirius lorsque le chien commença à souhaiter la bienvenue au troisième larron comme il l'avait fait aux deux autres garçons. Hagrid, Curly est…

_ Je sais, je sais, grommela Hagrid, le dos tourné, toujours à la cheminée. Ça fait des années que j'essaye de lui enlever cette mauvaise habitude – je suis obligé de changer de lattes presque tous les hivers depuis quelques années, il finit toujours par les craquer… Ah, c'est prêt.

Il prit quatre tasses ébréchées et les posa sur la table, avant de les remplir à ras bord avec une dextérité étonnante.

_ Buvez, ça vous fera du bien.

Sirius n'osa pas boire tout de suite – la petite tasse était brûlante contre la paume de sa main. Mais que cette sensation était agréable ! Il était encore mouillé, mais assis dans une pièce chaude et sèche, avec un thé fumant dans la main. Quelque chose fondit en lui lorsqu'il avala la première gorgée, tandis que le liquide bouillant descendait lentement dans son estomac. Il ferma les yeux, ignorant la brûlure le long de sa gorge. Une sensation de chaleur douce l'envahissait jusqu'au bout des doigts, et il avait des fourmis un peu partout dans le corps. Mmh… Je me demande ce que Hagrid met dans son thé.

_ Allez, pousse-toi de là, gros père.

Hagrid s'était installé à côté de James, écartant Curly sans cérémonie. Déçu, le chien alla chercher réconfort du côté de Remus assis sur une chaise, qui lui gratta la tête doucement, tenant sa tasse de thé de l'autre main. Curly ferma les yeux et posa sa grosse tête jaune sur ses genoux, bavant généreusement sur sa robe de sorcier.

Maintenant, il s'agissait de réveiller James pour lui faire avaler quelque chose… Tout du moins, c'est ce que Hagrid tentait de faire, apparemment. Laissant son propre thé sur la table, il avait posé la tasse destinée au garçon sur la commode en bois, et frottait les bras et le dos de James d'une manière qui devait lui paraître douce, mais qui semblait on ne peut plus énergique.

_ Debout, petit. Allez, ouvre tes yeux… faut que tu te mettes un peu de chaud dans le corps, hein ? Après tu pourras dormir. Promis. Allons, James, réveille-toi maintenant…

Sirius se demandait d'où Hagrid pouvait bien sortir cette voix basse, rocailleuse mais chaude, dans son immense carcasse de trois mètres de haut et Dieu sait combien de large… Et il y avait aussi la manière à la fois douce et ferme, étrange chez un pareil géant, avec laquelle il s'occupait de James. Ça doit être l'habitude de s'occuper d'animaux, parfois petits ou fragiles, pensa Sirius. Je parie que ce type pourrait faire un super prof de Soins aux Créatures Magiques – meilleur que ce que raconte Véga à propos de Brûlopot, en tout cas.

Mais bientôt il cessa brusquement de se poser des questions, car James cligna des yeux et ses paupières se soulevèrent à demi. Sirius regarda fixement le visage pâle : les lèvres et les paupières étaient déjà moins bleues qu'elles l'avaient été tout à l'heure, et un minimum de couleur revenait prendre sa place sur les joues blêmes. Hagrid prit la tasse sur la commode avec un soupir de soulagement et en fit boire une gorgée au garçon. Le regard de Sirius fasciné était toujours fixé sur son ami : on aurait dit que le bloc de glace dont celui-ci avait semblé être entouré fondait petit à petit – c'était comme voir le mercure remonter dans un thermomètre.

_ James ? fit Remus d'une voix hésitante, un peu tremblante. Est-ce que ça va ?

James cligna de nouveau des yeux une ou deux fois, promenant un regard vague et brouillé autour de lui puis il s'arrêta sur Sirius et Remus, assis à la table, qui le fixaient intensément. Il ne semblait y avoir aucun autre mouvement dans la petite pièce – même Curly avait apparemment saisi l'importance de la situation et demeurait immobile, attentif. Ou peut-être attendait-il d'autres caresses.

_ Au risque de…

James avala sa salive et fronça les sourcils, tentant de rappeler à lui tous ses souvenirs de ces dernières heures.

_ Au risque de paraître… cliché… où on est et qu'est-ce qui s'est passé ?

Remus eut un petit rire soulagé, et expliqua :

_ Hagrid est tombé sur nous, et il nous a amenés ici. Heureusement d'ailleurs, parce qu'apparemment on n'aurait pas tenu trop longtemps…

Il n'ajouta pas " Surtout toi " par délicatesse. Sirius, toujours un peu pâle, demanda :

_ Comment tu te sens, mon vieux ?

James hocha la tête. Hagrid lui tendit la tasse et alla prendre une chaise, au grand bonheur de Curly qui se précipita pour lui lécher les mains.

_ Ça… ça va mieux, fit-il, d'une voix un peu plus ferme.

_ Tu sais que tu nous as fait une sacré peur ! aboya soudain Sirius, faisant sursauter Curly. Ne refais jamais ça, tu veux ? On a eu une de ces trouilles…

Il y eut un petit rire étranglé, et James et Sirius tournèrent les yeux vers Remus, qui avala la dernière gorgée de son thé pour poser la tasse sur la table. Puis il les regarda tour à tour, attardant son regard sur James.

_ Ce que Sirius veut dire, avec sa délicatesse et son adresse habituelles, c'est qu'on s'est tous les deux fait beaucoup, beaucoup de soucis pour toi.

Le grand sourire de Hagrid se reflétait dans ses petits yeux noirs et chaleureux tandis qu'il promenait son regard sur les trois rescapés.

_ Remarquez, je ne veux pas avoir l'air déçu quand je dis ça, fit James en s'asseyant sur le lit, tenant sa tasse avec précautions, mais je me suis bien cru mort, à un moment.

Sirius marmonna quelque chose d'inaudible dans sa barbe. Les yeux bleus gris de Remus dansèrent d'un air malicieux, et James sentit un grand sourire se faire son chemin sur son visage encore un peu douloureux à cause du froid.


_ Lily ?

Quelqu'un lui parlait doucement, et elle sentait qu'une main légère était posée sur son épaule.

_ Mhmm…

_ Désolée, je n'avais pas vu que tu dormais, murmura la voix, mais le sommeil fuyait déjà Lily. Elle ouvrit les yeux à moitié, et chassa les mèches en désordre de ses yeux pour découvrir une silhouette pâle aux longs cheveux noirs mal ramenés en tresse derrière le dos, qui se levait pour aller vers le lit d'à côté.

_ Attends, Véga, appela-t-elle d'une voix ensommeillée. Je suis réveillée.

Véga revint vers elle, et s'accroupit près du lit. Lily releva la tête et passa une main sur sa joue encore chaude, là où les plis de l'oreiller et ses cheveux avaient sans doute laissé des marques sur la peau.

_ Qu'est-ce que tu fais là ?

Un sourire fatigué éclaira un instant le visage pâle.

_ Je pourrais te poser la même question, tu sais. Même t'enlever des points pour être dans un dortoir où tu n'as rien à faire. Après tout, je suis Préfète.

_ Alors il faudrait que tu enlèves des points à Gryffondor à cause de toi aussi, sourit Lily en se frottant les yeux. Quelle heure il est ?

_ Six heures, je crois. Ou plutôt cinq heures et demie. Oh, quelque part par là, en tout cas.

_ Toujours pas de nouvelles ?

_ Toujours rien. Tout le monde dort, dans ce château.

_ Je ne voulais pas m'endormir…

Véga lui jeta l'ombre de son habituel regard perçant.

_ A quelle heure tu t'es finalement endormie ?

_ Vers… vers cinq heures, je crois… dit Lily, obligée de compter sur ses doigts – son cerveau semblait trop embrumé pour faire quelque chose d'aussi difficile que du calcul mental. Véga fronça les sourcils.

_ Tu aurais dû dormir, cette nuit ! Qu'est-ce qui t'a pris ?

_ Ne parle pas trop fort, s'il te plaît… Je voulais être là, si jamais…

Lily s'interrompit, et regarda fixement Véga.

_ Et pourquoi tu es là, toi, d'abord ?

Véga eut une sorte de sourire ironique :

_ Pour avoir un peu la paix. Olivia ronfle.

Lily étrangla un petit rire. Puis elle se redressa dans le lit de James et posa l'oreiller qu'elle serrait toujours. Elle avait mal au dos d'avoir dormi dans cette position, même si peu.

Il y eut un petit silence, pendant que Véga allait ouvrir la fenêtre pour aérer et s'asseyait sur le lit voisin, celui de Sirius puis le regard de Lily tomba sur l'étui à guitare fatigué posé avec précaution contre le mur à côté du lit.

_ Eh, Véga… tu sais en jouer ? demanda-t-elle avec un signe de tête vers la guitare. Véga secoua la tête.

_ Je n'ai jamais su – je n'ai jamais appris. Jamais vraiment essayé, remarque…

Elle se leva et, lentement, soigneusement, sortit l'instrument de son étui. Lily connaissait bien cette guitare et un peu de son histoire elle avait été blonde un jour, mais son propriétaire l'avait repeinte en noir les cordes en paraissaient plus claires contre le manche sombre. Lorsque James lui avait demandé pourquoi il avait ainsi assombri son instrument, Sirius avait haussé les épaules et évité la question.

_ Véga ?

_ Hm ?

_ Pourquoi elle est noire, cette guitare ?

Véga leva les yeux de la guitare, le regard légèrement dans le vague.

_ C'est toute une histoire. Et elle n'est pas courte.

_ Vas-y, fit Lily doucement. S'il te plaît. Je t'écoute et je me tais.

_ Bon.

Véga baissa les yeux vers sa main gauche et plaça deux doigts maladroits, hésitants, sur deux des cordes de basse.

_ C'était un cadeau de notre mère… pour les huit ans de Sirius. Papa trouvait qu'il était trop jeune, et moi aussi – tu sais, à cette époque, Sirius n'était… pas très soigneux.

Elle s'interrompit et regarda le désordre autour du lit de son frère avec un petit rire.

_ Ça n'a pas changé tellement que ça, d'ailleurs.

Lily sourit. Il s'agissait bien du Sirius qu'elle connaissait.

_ Enfin bon, elle aimait beaucoup la musique Moldue, mais la guitare était son instrument préféré. Elle ne savait pas jouer elle-même, mais sa bibliothèque était pleine de livres Moldus sur l'apprentissage de la guitare, des trucs comme ça… et elle a transmis sa passion à Sirius. Sauf que lui, il a appris à jouer. Il me rendait folle à répéter toujours le même accord, au début… toujours la même position de la main, des doigts… Mais j'étais intriguée. Assez fière, même. Il travaillait dur, et c'était la première chose qui semblait l'intéresser vraiment.

Véga promena ses doigts aux ongles soignés sur les cordes, produisant de douces dissonances.

_ Et puis… et puis il y a deux ans et demi, maman est… notre mère est morte.

Les mains de Lily se crispèrent à lui faire mal sur ses genoux. Elle avala sa salive.

_ Si c'est pas trop indiscret… comment ?

Le regard que Véga leva devant elle était dur, tranchant, avec du désespoir et de la douleur nue derrière le bleu des yeux.

_ Des Mangemorts… elle a été une des premières victimes. Après ça… Sirius n'a pas parlé pendant deux mois entiers. Pas un mot, rien. Et sa guitare restait dans son placard – il n'y touchait plus. Son silence me rendait folle, et mon père aussi… Finalement, j'ai craqué – je ne sais plus ce que je lui ai dit, ou plutôt crié, mais je me souviens avoir pleuré pendant deux heures sans pouvoir m'arrêter. Et puis j'ai entendu quelque chose.

Un sourire très léger, hésitant, vint tenter sa chance sur les lèvres fines, mais les yeux étaient brouillés. Lily, les mains tremblantes, restait silencieuse.

_ Je ne sais plus ce que c'était, cette chanson… Une vieille chanson, douce, tendre, que maman aimait bien écouter – encore des Beatles, je parie… Peut-être A Taste Of Honey, ou alors This Boy. Il la jouait si bien… et pourtant, Dieu sait si elle était fausse, cette guitare. Tu parles, il n'y avait pas touché depuis plus de deux mois. Je n'en croyais pas mes oreilles, et mon père non plus. J'ai été dans sa chambre, doucement, pour ne pas le déranger… mais il m'a entendu venir. Il a levé ces yeux incroyables qu'il a – tu sais, quand il est vraiment ému, c'est fou ce que ses yeux sont clairs – et il m'a dit, comme ça, " T'as vu ? Je sais jouer ! " Il avait l'air encore plus étonné que moi. J'ai failli me remettre à pleurer, rien que d'entendre sa voix à nouveau.

" Le jour suivant, il est allé acheter des cordes, tout seul – et puis il s'est installé dans l'atelier de peinture de papa, et il n'est pas sorti de toute la journée. Le soir, sa guitare était noire, avec des cordes claires flambant neuves. Et elle ne l'a pas quitté. Il a complètement réappris à en jouer – ça a pris longtemps, et il fait toujours pas mal d'erreurs, de maladresses… mais quelques fois, tu l'entendrais jouer – on dirait que sa vie dépend de ses cordes.

Véga pinça une corde un peu fort, et Lily sursauta. Véga fit une petite grimace, ce qui donna le temps à Lily de sécher discrètement ses yeux humides. Elle regrettait presque d'avoir jamais parlé de cette guitare.

Soudain, un bruit inattendu retint l'attention de Lily – un aboiement, puissant et joyeux, venant de l'extérieur. Curly ? Il doit être tout près d'ici pour qu'on l'entende aussi bien ! pensa-t-elle. Véga l'avait aussi entendu elle remit la guitare dans son étui, et alla à la fenêtre.

_ Lily… Oh, Lily ! Viens… viens voir ça ! s'écria-t-elle, la voix plus haute qu'à l'ordinaire. Intriguée, Lily se leva et la rejoignit. Ses yeux s'agrandirent à un point qu'elle n'aurait jamais imaginé.

Dans l'obscurité encore épaisse, elle voyait quatre silhouettes, plus Curly, qui ayant quitté la cabane de Hagrid marchaient vers le château, à quelques mètres à peine des escaliers. Des quatre, l'une était Hagrid lui-même, pas de doutes là-dessus mais la vue des trois ombres beaucoup plus petites qui marchaient derrière lui avec plus ou moins de régularité la fit bondir et pousser un cri de joie.

_ C'est eux ! C'est eux, Véga ! Je parie que c'est eux !

Mais elle parlait aux rideaux. Véga avait déjà disparu dans l'escalier, et Lily la suivit en courant, le cœur battant à tout rompre. Et s'il leur était arrivé la même chose qu'à Mondingus ? S'il ne se souvenaient de rien de ce qu'il s'était passé ou – pire – de rien du tout – même pas d'elle ? Au moins ils avaient eu l'air de marcher normalement, pas comme s'ils avaient été blessés, mais si jamais…

Elle rattrapa Véga au moment de sortir de la salle commune – la Grosse Dame réveillée en sursaut eut un hoquet de protestation sidérée, mais Lily n'en avait que faire. Elle eut à peine le temps de remarquer que Véga serrait toujours l'étui à guitare dans la main. Comme celle-ci avait certaines difficultés à courir tout en le tenant, elle passa la bretelle de manière à l'avoir sur le dos, et continua à courir comme une dératée. Cela donna à Lily le temps de la rattraper, la dépassant presque.

Mais elle laissa Véga prendre la tête la jeune fille connaissait des raccourcis à travers des couloirs où Lily n'avait jamais mis les pieds, et si elle n'avait pas été littéralement sur les talons de la jeune Préfète, elle se serait bel et bien perdue. Après une course qui lui sembla interminable, les deux jeunes filles atteignirent enfin l'infirmerie, dont la porte était ouverte, la lumière allumée inondait le couloir en une tache jaune brillante.


Les jambes de James tremblaient toujours lorsqu'il passa la double porte, mais rien de comparable à ce qu'il avait ressenti dans la Forêt juste avant de s'évanouir. Cela venait sans doute aussi de l'émotion – ils s'en étaient sortis. Ils s'étaient sauvés de la Voix, de Belegaer, de la Vieille, du souterrain, et finalement de la neige et du froid – ils étaient saufs, et ce grâce à eux trois, et grâce à Hagrid. Ils étaient en sécurité. Voilà ce qui trottait sans fin dans son cerveau embrumé, tandis qu'il marchait le long des couloirs de marbre et des murs de pierre sèche qu'il avait bien cru, à un moment, ne jamais revoir.

Un coup d'œil à ses deux amis lui fit voir qu'ils étaient à peu de chose près dans le même état que lui. Remus traînait légèrement les pieds, et ses yeux, bien que souriants, étaient soulignés de cernes sombres comme un lendemain de pleine lune quant à Sirius, il gardait la tête levée, mais ses yeux se fermaient tout seuls et il bougeait comme un pantin de plomb. James secoua la tête et passa une main sur l'épaule de Sirius, comme ça, pour le soutenir le sourire de loup de Sirius était bien fatigué, mais toujours aussi lumineux, et tandis qu'il posait son bras gauche sur l'épaule de James, il fit signe à Remus de s'approcher et fit de même. James sourit. Peu importe l'impression que c'était totalement ridicule et éculé, il se sentait bien. Fier. Fier de lui, et surtout fier d'eux – de les avoir. Il n'avait plus tellement froid, tout d'un coup. L'amitié réchauffe le cœur, cita-t-il avec un petit rire. Comme ça faisait du bien, d'avoir des vrais amis.

Hagrid alla taper à la porte du bureau-appartements de l'infirmière Madame Pomfresh apparut une minute plus tard, en robe de chambre et bonnet de nuit, une main devant la bouche pour étouffer un bâillement néanmoins, lorsqu'elle aperçut les garçons, elle fit un bond formidable qui faillit déstabiliser le bonnet de nuit.

_ Par le trident de Neptune ! Vous êtes là, Dieu merci… Comment allez-vous ?

Sirius ouvrit la bouche, mais elle ne laissa à personne une chance de répondre : ouvrant la porte de l'infirmerie proprement dite, elle les poussa dedans et leur indiqua trois lits alignés.

_ Asseyez-vous !

James jeta un coup d'œil à Hagrid dont la présence semblait faire rétrécir l'encadrement de la porte le géant tripotait son passe-montagne d'un air un peu mal à l'aise. N'osant pas contredire l'infirmière, il s'assit sur le entre Sirius et Remus, échangeant des regards perplexes avec ses deux amis.

L'infirmière fut vite de retour avec des pyjamas à rayures qu'elle tendit aux trois garçons qui tirèrent les rideaux pour un peu d'intimité puis elle alla à la porte.

_ Hagrid, merci – ce que vous…

_ C'est rien, coupa Hagrid embarrassé. J'ai fait ce que le directeur m'avait demandé de faire, c'est tout.

Madame Pomfresh hocha la tête, les yeux brillants.

_ Je sais, Hagrid, je sais. Mais…

Elle tourna un instant la tête pour regarder derrière elle, mais seul Sirius avait fini d'enfiler son pyjama et s'était glissé dans son lit – son regard s'attarda avec un froncement de sourcils sur un lit en face de lui, d'où dépassait une tignasse noire… Rogue.

L'infirmière se tourna de nouveau vers le garde-chasse qui tournait et retournait son passe-montagne dans ses grosses mains.

_ Hagrid, je sais que vous en avez fait déjà beaucoup, mais…

_ Je vous ai déjà dit que c'était rien, M'dame…

_ Je le sais bien, mais… Eh bien, si vous pouviez aller chercher le professeur Dumbledore, je vous serais bien reconnaissante. Et peut-être aussi le professeur McGonagall, puisqu'elle dirige la maison de ces élèves…

_ J'y vais de ce pas, M'dame.

_ Merci beaucoup, Hagrid.

Hagrid disparut du seuil au moment où James tirait le rideau pour jeter un coup d'œil autour de lui. Il en fut presque déçu il aurait bien aimé qu'il reste un moment… Mais l'encadrement de la porte ne resta pas vide longtemps. Une espèce de petit éclair noir et rouge sombre passa en trombe devant la porte, et il entendit le bruit mat d'une chute suivit d'un petit gémissement de douleur, suivi juste après d'une silhouette plus grande, aux cheveux noirs complètement défaits entourant un visage très pâle…

_ Sirius !

Véga se précipita dans la salle pour aller droit vers son frère, qui soudain avait l'air de vouloir se cacher sous son lit. Elle s'arrêta au pied du lit de son frère, tenta de se composer un visage, et posa les mains sur la barre transversale. Ces mains tremblaient.

_ Sirius… dit-elle doucement, presque avec hésitation. Tu… tu vas bien ? Tu n'as rien ?

Le garçon garda les yeux baissés, pour répondre à voix basse :

_ Ça va, Véga. T'en fais pas, je vais bien.

_ T'en fais pas ? !

La voix de Véga était furieuse.

_ Tu es mon frère, espèce d'imbécile ! Au cas où tu ne le saurais pas – c'est normal que je m'inquiète pour toi !

Elle contourna le lit et vint juste à côté de lui, sans prendre la peine de déguiser l'expression bouleversée de son visage.

_ J'étais inquiète… pour toi, pour tes amis, mais… surtout pour toi… Je me disais, et s'il ne revenait pas ? Qu'est-ce que je ferais, moi ?

Sa voix trembla et elle prit une de ses mains dans les siennes, sans qu'il fasse rien pour se dégager.

_ Qu'est-ce que je ferais sans mon frère ?

Sirius, apparemment conscient que James et Remus l'observaient attentivement tout en ayant l'air de rien, se mordit la lèvre, détournant toujours les yeux de ceux de Véga puis il serra brièvement – très brièvement – la main de sa sœur et leva le regard vers elle, souriant. De son sourire bien à lui.

_ Des conneries, évidemment.

Une expression étrange passa sur le visage tendu de Véga, et Sirius sembla hésiter un petit moment mais elle fut remplacée par un sourire un peu crispé, et Véga recula, lâchant la main de son frère.

_ James ! Remus ! Sirius !

L'éclair rouge sombre de tout à l'heure revint, sous la forme de Lily, qui grimaçait en posant le pied gauche par terre. Un pansement ornait son genou rond et Madame Pomfresh secouait la tête en levant les yeux au ciel.

_ Et ils n'écoutent jamais quand on leur dit de ne pas courir dans les couloirs…

Lily ne l'écoutait pas. Elle courut vers les lits où ses trois amis étaient blottis.

_ Oh, mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu ! J'ai pas dormi de la nuit, j'étais tellement inquiète… qu'est-ce qui vous est arrivé ? James, tu as une tête terrible…

_ Merci, Lily, moi aussi je suis content de te voir, fit James avec un sourire. Il n'aurait pas su dire pourquoi, mais il était bizarrement heureux de voir Lily, ses rondeurs, ses taches de rousseur, ses cheveux roux sombres en désordre, son nez tout rond, ses yeux verts si expressifs… elle était rigolote.

Et vraiment inquiète, aussi ! Tiens.

_ Tu t'es fait mal, Lily ? demanda Remus, montrant le pansement sur le genou. Lily baissa les yeux, puis releva la tête en un éclair :

_ Oh, ça ! C'est rien, j'ai glissé dans le couloir. Comment ça va, toi ?

Remus sourit à son tour. Lily était manifestement sur les nerfs, mais même dans cet état elle dégageait une telle impression de chaleur qu'il était impossible de ne pas sourire.

_ Ça va, Lily, ça fait du bien d'être rentrés. Ç'à été une longue nuit, tu sais. Tu n'as pas idée.

Lily eut une sorte de grimace bizarre, crispée.

_ Vous savez, j'ai de l'imagination.

Curieuse réponse, pensa James. Mais il était trop fatigué pour réfléchir.

_ Sirius ? Ça va, toi ? Comment s'est passée la nuit ?

Sirius hocha la tête avec un sourire.

_ Mon pyjama me gratte, mais à part ça, je vais bien maintenant. C'est ça qui compte, non ?

_ Oh, toi, marmonna Véga avec un petit sourire, il faut toujours que tu te plaignes de quelque chose…

_ Eh !

Sirius fixa Véga comme s'il venait de s'apercevoir de quelque chose d'important qu'il aurait manqué.

_ C'est pas ma guitare, ça ?

Véga eut l'air interloqué, puis ses yeux tombèrent sur la bretelle dans sa main et elle rougit.

_ Euh… si.

_ Passe-la-moi, tu veux.

Véga tendit rapidement l'instrument à son frère, comme s'il lui brûlait les doigts. Lily sentit un nœud se former au creux de son estomac lorsqu'il ouvrit l'étui pour sortir la guitare.

_ Alors comme ça, Lily, fit Sirius en installant sa guitare sur ses genoux et contre sa poitrine, et commençant à accorder les cordes, tu veux savoir comment a été la nuit ? Je vais te dire, moi, comment elle a " été ".

James secoua la tête. Sirius en faisait toujours trop. Remus, Lily et Véga eurent l'air intrigué.

Un accord bizarre, discordant sortit de la caisse noire et résonna pendant deux ou trois secondes, le temps que James se renverse dans son lit en gémissant, " Oh, non ! Pitié ! " Bien sûr, il fut suivi de la voix de Sirius, un peu éraillée, chantant – bien sûr – trop fort :

_ It's been… a hard day's night !

_ Oh non, pas question, jeune homme ! s'écria Madame Pomfresh en lui arrachant presque la guitare des mains. Vous avez besoin de repos, vous et vous camarades, et je n'accepterai pas un tel vacarme dans mon infirmerie !

Sirius se renfonça dans son lit en rigolant, et étendit la main pour que James y frappe en signe de victoire. Véga reprit la guitare et la rangea dans son étui pendant que Lily pouffait de rire – assez nerveusement, il faut dire – et que Remus secouait la tête en souriant.

James posa sa tête sur l'oreiller moelleux à souhait, souriant d'un air heureux. Véga semblait parler à Sirius d'un ton de reproche, Sirius défendait sa fierté comme d'habitude, Lily discutait avec Remus, mais elle était toujours tellement nerveuse qu'elle le laissait à peine placer un mot. Au-dessus de ces quatre voix, celle de l'infirmière revenait de plus en plus souvent, mais James ne comprenait pas ce qu'elle disait – au fond, ça n'avait pas d'importance.

La longue nuit était finie.

James s'endormit sans même s'en rendre compte.


Et voilà ! Fini ! Nom d'un chien, ça faisait trois chapitres… Effectivement, la nuit a été longue :o)

Whoa, j'ai beaucoup, beaucoup de monde à remercier ! Merci d'avoir laissé une review, même trois petits mots m'ont fait énormément plaisir. Evidemment je préfère quand les reviews sont plus longues, mais franchement c'est pas ça le plus important – le plus important, c'est quand même que vous appréciez la fic et que vous la trouviez bien, quand même !

Merci donc à, dans l'ordre des reviews : Athamée, Mordor (fan du Seigneur des Anneaux ? :o), HermioneQC, Aurora the Owl (thanks for the effort of reading in French! That's really brave of you!), Twinnie, Luna8826, Sun Princess, Sophie Black, Saiji (j'espère que celui-là t'aura plus au moins autant que les autres, vu que tu suis depuis le début – merci ! :o), Triskelion (another LotR fan – and another courageous English-speaker! You'll be able to read it in English soon, don't worry :), Litchi42 (j'adore les longues reviews – la tienne m'a fait faire un bond jusqu'au plafond quand je l'ai lue la première fois ! :), Meraude (ne t'en fais pas, j'ai bien l'intention de la finir – et je sais comment je vais la finir, d'ailleurs :o), Sadira (merci pour les commentaires pointus ! Et je continue le Témoin Inconnu, lentement mais sûrement ! :), Sweety, Cécilia (j'espère que tu resteras accrochée même s'ils sont sortis de la Forêt Interdite ! :), Sailor Digitale, Piloup (ouais, c'était mon p'tit coup de chapeau à Tolkien :o), Siria, Solla, Mymye-Potter, Hermione60, Lunard (j'envoie le chapitre de suite à ton site !), Miaraza, Miss Moony (ne désespère pas – je peux passer plusieurs jours sans écrire de même que je peux écrire sans arrêt pendant 6 heures – je l'ai déjà fait ! :)

Bon, maintenant je ne sais pas quand je pourrai poster la suite sur ce site. Mais vous pouvez être sûrs qu'elle sera bientôt en chantier. En attendant,

Bisous de Belphégor~ la Bizarre !~ :o]