Chapitre 5
Je peux mourir demain, ça ne change rien
J'ai reçu de ses mains
Le bonheur ancré dans mon âme
C'est même trop pour [une seule femme]
Et je l'ai vu partir, sans rien dire
Il fallait seulement qu'elle respire
Merci, d'avoir enchanté ma vie
Leurs adieux sont faits. Dans quelques minutes, ils franchiront le portail ouvert au milieu de la forêt de Storybrooke. La mousse sur le sol a la même couleur que les yeux d'Emma quand le soleil les éclaire ou dans ces moments si rares où, à force d'épuiser leurs corps, leurs barrières étaient suffisamment affaiblies pour y entrapercevoir une émotion, celle tant désirée, jamais révélée au grand jour. Elle se saisit de la main de son mari et se dirige vers le tourbillon. Il ne se retourne pas, elle oui. Vers Regina. Elle lui offre le même sourire triste et mélancolique qu'elle avait eu juste avant de prononcer ses vœux. Un sourire qui dit tout ce qu'elles auraient pu avoir et n'auront jamais. Un sourire qui imagine une autre vie, une autre main plus douce, plus fine, dans la sienne, un début, pas une fin. Puis elle n'est plus là, la spirale se referme et la gorge de Regina en fait de même. Elle tente d'inspirer mais rien ne vient, le poids sur sa poitrine ne s'allège pas, ses poumons demeurent vide, un vertige la gagne, des tâches noires gagnent sa vision. Etourdie, elle se retrouve à genoux sur le sol de la forêt.
Enfin, dans un râle, l'air rentre et la déchire. La brûlure est si intense qu'un faible cri lui échappe. Sa respiration reprend mais quelque chose a changé, son corps n'est plus le même. Dans sa poitrine, l'air entre et sort mais plus rien ne bat. Emma n'a pas emporté que son mari avec elle. Et durant plusieurs semaines, son masque en miettes, Regina ne parvient plus à faire semblant. Elle erre dans la ville où le fantôme d'Emma habite chaque recoin. Elles se sont rencontrées, parlé ou prises en tant de lieux qu'elle croit voir des envolées d'or blond du coin de l'œil à chaque pas qu'elle ose. Pas un matin sans qu'elle ne la sente contre elle avant d'ouvrir les yeux sur le vide. Pas un soir sans son odeur qui ouvre les vannes de ses souvenirs et de ses larmes. Pas une nuit sans qu'elle ne sente ses doigts l'effleurer et la prendre pour qu'elle n'arrive nulle part. Henry parti aussi, nul reflet pour lui montrer qu'elle devient trop légère à se vider ainsi. Elle ne peut réaliser seule, le poids de l'absence est trop lourd. Peu à peu, elle s'efface.
Et un matin, un matin absolument ordinaire, un matin pareil à tant d'autres, s'éveille à sa conscience qu'elle ne l'a pas quittée, qu'elle ne la perdra jamais. Oui, Emma est partie mais elle est encore là, en elle. Elle n'est pas vide, un cœur bat bien à l'intérieur, même si ce n'est pas le sien. Elle est toute entière habitée de souvenirs par centaines. Ses boucles qu'elle voient s'envoler dans le soleil, son corps dont elle connait la chaleur contre le sien, son odeur dans laquelle elle se baigne, ses yeux qui la font exister avec une intensité exaltante, sa bouche qui dessine la moindre de ses courbes, sa voix qui évoque des frissons dans chacune de ses cellules, ses doigts qui la mènent au plus haut. Emma toute entière est en elle. Leurs nuits, leurs années, leurs cris, leurs rires, leurs mots sont à elle pour toujours. Elle a aimé, elle a été aimée. Elle ne sera plus jamais seule.
