Titre : Seconde chance

Auteur : Aakanee

Genre : drame

Base : FF8

Seconde Chance

Chapitre 1

Djoan

  [Trois semaines plus tard]

  Il regardait le soleil couler doucement sur le jardin, éclairant chaque branche d'arbres, chaque fleur, faisant ressortir l'éclat de leurs couleurs diaprées. Ici le printemps était déjà bien avancé et laissait une brise légère charrier dans l'air les milliers de senteurs épicées du renouveau. Celles délicates du jasmin qui poussait en abondance près de l'entrée, celles plus subtiles de la menthe sauvage qui s'élevait de-ci, de-là, parmi les herbes folles ou encore celles de la fleur de cerisiers, dont la beauté rosée ou blanche illuminait les quelques arbres qui avaient été plantés dans l'immense parc. Le ciel était d'un pur azur qu'aucune trace cotonneuse et blanche ne venait briser, laissant toute liberté aux rayons de l'astre de venir jouer de sa chaleur sur chaque chose.

  Une journée parfaite.

  Sa main glissa doucement en silence le long de la vitre qui le séparait de cet univers de gaieté et de douceur. Il aurait aimé pouvoir ouvrir la fenêtre, il aurait aimé pouvoir laisser la brise entrer dans cette pièce et l'embaumer. Il aurait aimé pouvoir quitter le monde étouffant dans lequel il était enfermé tout en sachant qu'il n'en avait pas le droit. Ils ne le comprendraient pas. Ne comprendraient pas son besoin de fuir cette atmosphère lourde et macabre, son besoin de fuir cette réalité qui n'arrivait pas vraiment à le toucher.

  Pas autant qu'elle n'aurait du.

  Pas autant qu'il aurait fallu.

  Il savait… il savait qu'il aurait du être dévasté, en pleur, écrasé sous le chagrin. Il savait qu'à cet instant, il aurait du être assis sur son canapé, face à eux, et laisser ses larmes couler lentement sur ses joues alors qu'un de ses amis tenterait vainement de le consoler. Mais il n'arrivait pas à ressentir autre chose d'une mélancolique tristesse et un sentiment de vie gâchée qui le culpabilisait plus encore que son impossibilité de pleurer. Il n'arrivait pas à ressentir autre chose que le remord d'avoir laissé tout ceci arriver, de l'avoir privé de ses plus belles années.

  Tant de temps perdu.

  Tant de temps envolé, passé à vivre une vie qui n'aurait pas du être. Il avait l'impression qu'ils n'avaient pas réellement goûté l'existence ces cinq dernières années, enfermés dans une routine terrifiante et dénuée d'intérêt. Sans surprise. Sans rien.

  Ils ne s'aimaient pas. Ne s'étaient jamais réellement aimé. De l'amitié, oui, il en avait eu l'un pour l'autre et du désir aussi. Un désir purement charnel lorsque la solitude s'était faite trop forte, mais rien d'autre. Jamais ils n'avaient ressenti ce petit déclique, jamais il n'y avait eu cette flamme qu'il avait pu percevoir chez certains de ses amis. Pas de coup de foudre, pas d'amour, pas de désir de plaire à l'autre. Rien. Jamais. Ils s'étaient trouvés un jour où tout deux en avaient besoin et avaient partagé le réconfort de quelques minutes passées dans le giron d'un autre, oubliant problèmes et solitude. Juste quelques instants de pure luxure. D'oubli.

  Quelle erreur !

  Elle était tombée enceinte.

  Bien entendu tous ses amis avaient été ravis pour lui. Combien de fois lui avaient-ils répété à quel point il formait un couple parfait ? Combien de fois lui avaient-ils dit qu'ils étaient fait l'un pour l'autre, que cela c'était tout de suite vu. Combien ? Il ne savait plus.

  Si seulement ils savaient… si seulement ils savaient à quel point ils s'étaient trompés.

  Seules deux personnes étaient au courant et c'était mieux ainsi.

  Ils avaient décidé de sauvegarder les apparences, pour leur enfant. De toute cette histoire, il était la seule bonne chose qui en était ressorti. Ils avaient du se marier bien sûr et bien sûr, toute la BGU, à leur plus grand malheur, avait été invité à profiter de leur bonheur.

  Tout le monde avait vu en eux ce jour là, un couple heureux. Et ils avaient maintenu les apparences pendant les cinq longues années qui avaient suivi. Si de l'extérieur, ils avaient mené une vie de couple normal, il n'en avait pas été de même à l'intérieur. Ils dormaient dans des chambres séparées, ne se voyaient pratiquement jamais, se parlaient peu.

  L'amitié qui avait un jour existée entre eux avait peu à peu fait place à de l'indifférence et de la frustration, chacun souffrant de ne pas pouvoir vivre la vie qu'il aurait voulue, mais ne le montrant jamais. La seule chose qui les avait empêchés de se séparer ou de s'effondrer, avait été la seule qui les avait obligés à se lier : Djoan.

  C'était le petit bonhomme le plus gentil et le plus adorable qui lui avait été donné de connaître et il aimait son fils plus que tout au monde. Lui seul l'empêchait de totalement regretter ces dernières années et il aurait été près à refaire les mêmes erreurs si cela lui avait assuré de l'avoir auprès de lui pour le reste de sa vie. Il avait la chevelure noire de sa mère, mais son regard et son visage, ainsi que son énergie, il les tenait de lui. Il était rieur et enjoué, ne faisait presque jamais de caprice, savait s'occuper seul et comprenait quand il ne fallait pas venir les déranger. Il avait aussi une sensibilité hors du commun, ressentant parfaitement les émotions des gens qui l'entouraient, les jugeant tout de suite à leur juste valeur sans jamais se tromper. Il avait ce don inné de mettre tout le monde à l'aise et de se faire aimer. Pour autant, il savait ne pas en abuser. Du haut de ces cinq ans, il paraissait parfois beaucoup plus vieux et mûr que n'importe quel autre enfant de son âge.

  Il avait rapidement compris que sa mère et lui ne s'aimaient pas, mais faisaient tout pour lui donner un semblant de famille, lui offrant tout leur amour et tout le bonheur dont ils étaient capables. Il avait aussi immédiatement compris quand sa mère était tombée malade. Il avait su qu'elle ne s'en remettrait pas et l'avait bravement accepté, même s'il avait bien sûr laissé couler ses larmes. Il avait été fort pour elle, se montrant encore plus enjoué en sa présence, faisant tout pour la faire rire et alléger sa souffrance. Il l'avait accompagné jusqu'au bout lors de ses derniers instants, lui répétant encore et encore combien il l'aimait et lui offrant tout son soutien. Il avait été certainement bien plus précieux que tout autre et il savait que malgré tout, elle était morte heureuse et fière, grâce à lui.

  Djoan l'avait aussi soutenu, car malgré tout, il avait aimé sa femme dans un sens, un peu comme une sœur peut-être, il ne savait pas trop. Mais sa maladie avait retissé les liens que les quatre premières années de mariages avaient peu à peu détruit. Dès qu'ils avaient su, le mur qu'ils semblaient avoir construit entre eux, s'était effondré et, s'il restait un sentiment de vide, au moins avaient-il rebâtit leur amitié. Une amitié qui s'était renforcé tout au long des mois qui s'étaient écoulés et avaient vu son état se dégrader. Mais pour autant, il n'y avait pas eu de véritable amour et c'est pour ça qu'aujourd'hui, il n'arrivait pas à être aussi triste qu'il l'aurait voulu. C'est pour ça qu'il n'arrivait pas à laisser couler les larmes qu'il aurait voulu verser et cette culpabilité le rongeait.

  Il savait qu'elle avait aimé Djoan autant, sinon plus, que lui et que, pas plus que ce n'était son cas, elle ne regrettait sa naissance. Mais il savait aussi que cette union forcée avait gâché leur vie dans un certain sens et que la sienne s'était éteinte brutalement sans qu'ils n'aient pu rien faire pour changer cet état de fait.

  Il le regrettait.

  Oui, il regrettait de s'être laissé influencer par ses amis. Il regrettait de ne pas s'être monter suffisamment fort et d'avoir trouver le courage de faire cesser cette mascarade. Et maintenant, il était trop tard.

  Toujours trop tard.

  Il sentit soudain une main sur son épaule et se retourna pour voir le visage grave et soucieux de Laguna lui faire face. Un peu plus loin derrière lui se trouvait son amant, Kyros, qui berçait doucement un Djoan endormi dans ses bras. Il était le seul, avec quelques-uns uns de leur proches, dont Ward et leur médecin personnel, ainsi que quelques secrétaires discrètes, à connaître leur liaison. Ils avaient préféré la garder secrète, même auprès de Squall, autant par soucis de discrétion sur leur vie privée que par convenances personnelles. En fait de convenances, c'était surtout la peur de la manière dont les gens pourraient réagir. Ils ne craignaient pas temps la réaction de la population d'Esthar qui aimait beaucoup trop son président pour dire quoi que ce soit, que celles des autres pays qui pourraient provoquer de graves répercussions pour leurs activités et leur économie. Ils avaient aussi, autant Laguna que Kyros, peur de perdre l'estime de leurs amis et celle de Squall en particulier. Laguna ne voulait pas avoir retrouver son fils pour mieux le perdre et Seagill refusait de voir son compagnon souffrir. Bien sûr rien ne les assurait que le jeune homme réagirait violemment, mais la crainte empêche de faire bien des choses. En fait, lui-même soupçonnait que Squall prendrait la nouvelle avec son stoïcisme habituel, n'en aimant pas moins son père, ayant déjà dans son entourage des amis bisexuels dont il faisait parti. Il avait bien essayé d'en convaincre Loire, mais son ami pouvait parfois être plus entêté qu'un mulot. Même Kyros n'était pas parvenu à le faire changer d'avis, malgré la maigre promesse arrachée, de lui avouer un jour.

  _ Zell, ce n'est pas ta faute, souffla doucement Laguna, comprenant très bien pourquoi le jeune homme n'osait faire face à ses amis. Tu n'as pas à te culpabiliser.

  Sa main effleura lentement sa joue vide de toute trace cristalline et le jeune homme le prit impulsivement dans ses bras.

  Lui et Kyros étaient les seuls à connaître la vérité. Depuis qu'il les avait surpris s'embrassant au détour d'un couloir, un jour où ils leur rendaient visite et lui avait fait jurer de ne rien dire, il s'était peu à peu créer entre eux une étrange amitié. La différence d'âge n'avait en rien affecté leur lien, bien au contraire et il se sentait plus proche des deux hommes que de beaucoup de ses amis. Depuis cette surprenante découverte, de taquineries en discussions sérieuses, ils avaient appris à mieux se connaître et ils étaient maintenant comme une deuxième famille. Djoan était bien entendu devenu leur petit-fils attitré, Squall n'ayant toujours pas d'enfant et il ne faisait aucun doute qu'il le resterait quoi qu'il arrive maintenant.

  Laguna resserra immédiatement son étreinte lorsqu'il sentit Zell se réfugier dans ses bras et se mis à caresser doucement sa chevelure, lui soufflant de mots de réconfort et de compréhension. Ceux-ci semblèrent avoir de l'effet sur le jeune homme qui put finalement pleurer, autant de peine que de soulagement et se mit à sangloter violemment contre son aîné. Ce dernier, sous le regard peiné de Kyros, l'attira finalement jusqu'au canapé où il continua à le bercer.

  Tous ses amis avaient observé la scène sans mot dire, connaissant depuis longtemps maintenant l'étrange amitié qui s'était créée entre eux, même sans en savoir tous les tenants et les aboutissants.

  Lorsque enfin le jeune homme se calma, ils vinrent finalement l'un après l'autre le prendre dans leur bras, pour partager sa douleur et lui rappeler que quoi qu'il arrive, ils seraient toujours là. Zell accepta chaque étreinte avec reconnaissance, mais son humeur changea rapidement lorsqu'ils commencèrent à tous lui dire combien il comprenait sa peine et la perte que cela créait dans sa vie.

  Comment ?

  Comment pouvaient-ils savoir ?

  Comment osaient-ils prétendre pouvoir comprendre ?

  Ils ne savaient rien d'eux !

  Au fond de lui, il savait que ce n'était pas leur faute et qu'il ne devait pas leur en vouloir, mais les entendre lui répéter sans cesse la même chose ajoutait à sa culpabilité et il se sentait sur le point de craquer.

  Laguna qui avait bien compris la chose, essaya tant bien que mal de le calmer par des regards explicites et une main accrochant fermement la sienne, mais cela ne suffit à contenir ses griefs et lorsque Squall vint lui à son tour lui dire à quel point il souffrait de la perte de Linoa et qu'il comprenait parfaitement combien elle pouvait lui manquer, il explosa.

  Il se leva d'un bond, se dégageant de l'étreinte de Laguna et renversant la table devant lui dans un immense fracas qui paralysa tout le monde et réveilla son fils en sursaut.

  _ TU NE SAIS RIEN ! Hurla-t-il au jeune homme en face de lui. VOUS NE SAVEZ RIEN ! VOUS NE POUVEZ PAS COMPRENDRE ! 

  _ Zell, tenta Quistis pour le calmer. Linoa était aussi notre amie.

  Le jeune blond la regarda un long moment avant de se mettre à rire et à pleurer en même, sous le regard inquiet de l'assemblé.

  _ Oui, Quistis, reprit-il alors doucement. Tu as compris, tu as tout compris. Linoa était votre amie… était mon amie… juste mon amie.

  _ Zell… Souffla doucement Squall peut sûr de comprendre ce que le jeune homme voulait insinuer par-là.

  _ Quoi Squall ? Tu ne me crois pas ? Pourtant c'est la stricte vérité. Nous ne nous sommes jamais aimés. Pas plus que toi, je n'ai éprouvé autre chose qu'un sentiment de protection pour elle. Et j'ai d'ailleurs échoué, sanglota-t-il doucement.

  Il se laissa alors tomber sur le canapé, ramenant ses jambes contre lui et laissant pleinement ses larmes couler, les yeux rivés au sol, incapable de regarder leurs expressions choquées. Seul la main de Laguna discrètement posé sur son épaule et la présence de Kyros et Djoan qui avaient pris place à ses côtés le réconfortèrent un peu.

  _ Je ne comprends pas, murmura finalement Squall.

  Zell accepta finalement de lever son regard sur lui, ses larmes taries et une expression résignée sur le visage.

  _ Je ne m'attends pas à ce que ce soit le cas, dit-il simplement. Nous n'avons été qu'une fois ensemble, un jour où nous avons découvert notre même solitude. Tu l'avais quitté depuis peu, je venais de rompre avec Syl, nous avions tous les deux besoins de réconfort et voilà.

  _ Syl ? Demanda à voix basse Irvine.

  _ La bibliothécaire, lui rappela Quistis en lui donnant un petit coup dans les côtes auquel il eut la décence de ne pas répliquer.

  _ Mais vous aviez l'air tellement heureux, intervint une nouvelle fois Squall.

  _ « Aviez l'air » étant le point important, souligna Zell.

  _ Mais pourquoi ?

  _ Je ne sais pas trop. Au début nous avons continué à fleureter plus par jeu que pour autre chose et puis, elle a découvert qu'elle était enceinte et vous l'avez appris. Vous étiez tellement heureux, toujours à nous dire combien nous formions le couple parfait. Peut-être d'une certaine façon, avons nous fini par le croire… pour un temps. Et puis, il y avait Djoan qui allait naître, dit-il en regardant son fils qui quitta le giron de Kyros pour venir se réfugier dans le sien.

  Il eut un pauvre sourire pour le jeune garçon qui se boudina contre lui, avant de lui ébouriffer tendrement les cheveux.

  _ Il lui fallait une famille, alors nous avons décidé de nous marier. Mais nous avons fait une erreur. Djoan n'en a pas été plus heureux pour autant et nous avons gâché nos vies. Ensuite… ensuite… je ne sais pas trop pourquoi nous avons continué. Pour garder les apparences, je pense... je ne suis pas sûr et puis…

  Il laissa sa phrase en suspens, incapable de continuer. Le reste, ils le savaient. Linoa était tombée gravement malade, apparemment les répercussions inattendues et dramatiques de sa possession. Edéa et les médecins avaient tout fait pour la soigner, mais le mal inconnu les avait laissés sans réponse et son état s'était peu à peu dégradé, jusqu'il y a quelques jours. Elle avait tout de suite su que son mal était létal et l'avait accepté, passant outre sa faiblesse et sa souffrance pour passer le plus de temps possible avec son fils et son mari, renouant leur amitié. Mais cela ne lui avait pas rendu les années perdues.

  Et maintenant, elle était partie, enterrée dans la tombe familiale de son père, sans qu'il n'ait jamais pu lui rendre sa liberté ou lui offrir la vie qu'elle aurait désirée.

  Le petit groupe le regarda un long moment, digérant lentement ce qu'il venait de leur dire dans un lourd silence que Selphie fut la première à briser. Elle s'avança lentement vers le jeune homme, s'accroupit devant lui, avant de les prendre, lui et son fils, dans les bras.

  _ Je suis désolée, souffla-t-elle doucement à son oreille avant de l'embrasser sur le front.

  Quistis fit de même et les deux garçons se contentèrent de poser une main amicale sur son épaule.

  _ Merci, dit-il simplement.

  Les quatre jeunes gens acquiescèrent, avant de finalement se retirer pour le laisser seul avec Kyros, Laguna et son fils.

  Beaucoup de choses venaient de changer et Zell commençait tout juste à le réaliser.

***

  Une semaine avait passé depuis cette pénible journée et Zell avait peu à peu commencé à apprendre à vivre seul avec Djoan. Kyros et Laguna étaient restés pour l'aider les deux premiers jours, mais avaient du finalement le laisser pour effectuer un long voyage diplomatique de plus de deux mois dans à peu près toutes les régions du globe. Ils avaient failli repousser leur départ, mais Zell avait finalement réussi à les convaincre qu'il pourrait se débrouiller seul… qu'il devait se débrouiller seul et les avait vus partir avec la promesse de revenir le plus vite possible.

  Le plus dur avait été d'expliquer la situation à Djoan qui, souffrant déjà énormément de la mort de sa mère, avait eu beaucoup de mal à voir ses deux grands-pères le quitter aussi, même pour une durée assez courte. Avec Zell, ils étaient la seule famille qui lui restait, le père de Linoa étant mort plus de deux ans auparavant. Bien sur, il y avait aussi ses « oncles » et « tantes », Irvine et Quistis, qui s'étaient marié un an après la défaite d'Ultimécia et Squall et Selphie qui ne formaient pas vraiment couple, mais étaient plus ou moins ensemble. Mais ce n'était pas vraiment la même chose. Il n'avait pas forgé avec eux un lien affectif aussi fort qu'avec ces deux papis gâteaux. Il fallait avouer que face au petit bout de chou, les quadragénaires fondaient littéralement et il ne comptait plus le nombre de fois où il les avait retrouvés se courant après dans la maison ou au palais lorsqu'il se déplaçait.

  Il avait finalement accepté leur départ après de longues heures de discussion, mais pas sans les avoir longtemps serrés dans ses petits bras et pleurer à chaudes larmes. Il lui avait ensuite fallu presque deux jours pour retrouver, parfois, un fantôme de sourire.

  Zell savait bien que la peine d'avoir perdu sa mère n'allait pas passer aussi vite et qu'il lui faudrait du temps pour retrouver sa bonne humeur, mais son rire lui manquait énormément. Plus même qu'il n'était capable de le dire et il désespérait de l'entendre à nouveau un jour. Lui-même n'était pas particulièrement enjoué, bien au contraire, et il savait que son humeur jouait sur celle de son fils. C'est pour ça qu'il avait décidé qu'ils passeraient la journée au parc en se levant ce matin là, espérant que quelques heures loin de la maison et de ses souvenirs allégerait un peu leur malaise et leur occuperait l'esprit.

  C'était le plus difficile. Ne pas penser à ces derniers mois, alors qu'ils n'avaient rien d'autre à faire, effacer quelque peu l'image de sa souffrance et sa faiblesse grandissante. Oublier pour quelques secondes au moins ses derniers instants, son dernier soupire. La tristesse. Les remords.

  Il fallait qu'ils s'occupent. Djoan ne retournerait pas en cours avant deux bonnes semaines encore, quant à lui, il ne savait pas quant Cid accepterait de lui donner une nouvelle mission, où même le laisser enseigner à nouveau.

  Il avait donc pris la décision de quitter la BGU pour quelques heures et ils étaient maintenant au parc, marchant main dan la main, le cœur un peu plus léger et grignotant du bout des lèvres une immense Barbe à Papa chacun.

  Djoan s'arrêta soudain et regarda son père avec beaucoup de sérieux avant d'exploser de rire. Prit complètement à court par la réaction de son fils, mais heureux de l'entendre enfin rire bien qu'en même temps un peu inquiet de la raison, Zell lui fit une grimace interrogatrice qui déclencha une nouvelle crise chez son fils.

  Celui-ci mit quelques instants avant de se calmer et souffla finalement entre deux hoquets :

  _ Tu as vraiment une barbe, papa.

  Zell fronça les sourcils, avant de finalement comprendre et essuyer la moustache qu'il avait créée avec le sucre cristallisé et de partir à rire lui aussi, rapidement reprit par Djoan. Père et fils durent s'asseoir sur l'herbe pour ne pas s'écrouler, relâchant enfin toute la tension qui pesait sur leurs épaules et ignorant les regards intrigués des passants. Bientôt les rires de Djoan se firent pleurs autant pas griefs de s'être laissé aller, que soulagement et il trouva refuge dans les bras de son père, qui n'était pas loin non plus de laisser ses larmes couler.

  Ce dernier le serra fortement contre lui, attendant que ses sanglots se calment, avant de le redresser et d'essuyer de ses joues les dernières traces de ses pleurs.

  _ Pardon papa, murmura finalement le bambin.

  _ Il n'y a aucune raison Djoan, sourit doucement Zell. Il n'y a pas de honte à pleurer, c'est normal.

  Le petit garçon secoua la tête, chassant ses derniers larmes avant de se redresser et de demander :

  _ Elle est où maman ?

  Son père soupira doucement à la question qu'il attendait depuis un certain temps et lui ébouriffa doucement les cheveux.

  _ Je ne sais pas bonhomme. Mais je sais qu'elle veille sur toi, soit en sûr.

  _ Promis ?

  _ Promis et chasse-moi ces vilains yeux rouges, elle ne voudrait pas que tu sois triste.

  _ Mais c'est dur.

  _ Je sais poussin, je sais.

  Et il se leva à son tour pour prendre son fils dans ses bras et le caler contre lui. Celui-ci mis aussitôt son pouce dans la bouche, chose qu'il ne faisait plus maintenant, sauf lorsqu'il voulait être consolé et posa sa tête au creux de son cou, chatouillant sa nuque avec sa courte chevelure tombante.

  _ On va rentrer si tu veux, souffla Zell.

  _ Non !

  Djoan se redressa presque aussitôt pour échapper à son étreinte et glisser à terre, le toisant le plus sérieusement du monde.

  _ Non, on a dit qu'on passait la journée au parc et moi je veux rester au parc.

  Et pour appuyer ses dires, il croisa ses bras et prit une mine boudeuse en fronçant les sourcils, défiant son père de le ramener chez eux.

  Zell essaya de rester sérieux devant sa frimousse déterminée, mais ses lèvres ne semblèrent pas vouloir lui obéir et formèrent aussitôt un sourire.

  _ D'accord, d'accord, petit monstre, tu as gagné, on reste.

  _ Ouai !

  Et avant même qu'il est pu faire un geste, la petite boule brune s'était élancé en courant et riant en direction des arbres.

  _ Djoan ! Attend ! Cria-t-il.

  Mais son fils était déjà hors de portée et il se lança à sa poursuite.

***

  Caché à l'ombre des arbres, il regardait les gens évoluer devant lui, inconscients de sa présence, profitant pleinement de cette superbe journée. Ils semblaient tous tellement gais, tellement heureux, habillés de couleurs vives et chatoyantes, courant, criant, riant, exultant d'une joie de vivre dont il ne pouvait goûter que l'extérieur. Une joie de vivre qu'il ne pouvait ressentir. Il aimait autant les regarder qu'il le détestait et chaque sourire qui effleurait leur visage était autant de douceurs à son regard que de couteaux retournés dans une plaie.

  Il vit soudain une petite troupe d'enfant passer devant lui, se chahutant un ballon et il laissa un fantôme de sourire effleurer ses lèvres avant qu'il ne disparaisse tout aussi vite qu'il était venu.

  Ils étaient une dizaine, tous différents, mais tous liés par le même sentiment d'amitié qui rayonnait dans leurs yeux. Et à leur image s'en superposa une autre, bien plus ancienne, semblant remonter le fil de sa mémoire, la même joie, la même énergie, les mêmes sourires et le même plaisir, mais un autre lieu. Une immense maison perdue dans les plaines, entourés de forêts et bordée par la mer. Et dans le jardin, un groupe d'enfant si similaire. Le même soleil et la même brise, les mêmes couleurs chatoyantes. Oui il les revoyait parfaitement, jouant, courant et lui, les observant de loin, déjà affamé de ce bonheur qu'il ne pouvait toucher, qu'il n'avait pas le droit de goûter. Il revoyait leurs visages chaleureux, entendaient leurs rires et parfois sa propre voix. Coupante, cinglante, sans pitié. Ses moqueries et ses coups et les pleurs remplaçant alors le rire qu'il aimait tant, celui qui seul lui apportait parfois le repos.

  Sa cruauté.

  Il ferma les yeux espérant chasser ses images d'un passé qu'il préférait oublier, mais sans grand succès. Elles revenaient le hanter, à la fois chaleureuses et acides, réconfortantes et pénibles. Il les rouvrit alors pour observer le ciel, voir le soleil, sentir glisser parfois sur lui certains de ses rayons brûlants. Il ne s'était pas rendu compte combien il l'avait désiré avant de le sentir à nouveau chauffer sa peau trop pâle. Combien sa clarté lui avait fait défaut !

  Pourtant, il demeurait encore dans l'ombre, prisonnier de ses peurs et de sa honte, incapable de se montrer au monde, de faire face à sa colère et à sa haine. Cela faisait presque un mois maintenant qu'il avait été « libéré », mais il n'avait encore parlé à personne, ne s'étant même jamais encore montré. Il avait vécu dans les ombres et les caves, remontant les égouts pour se déplacer, dormant dans les bâtiments abandonnés, vivant des quelques restes qu'il pouvait trouver.

  Loin des hommes.

  Et toujours le regard baissé.

  Libre…

  Ce mot semblait si loin de la réalité, si loin qu'il n'était même pas sûr d'en comprendre la véritable signification. Il se sentait plus prisonnier de ce monde dont il ne connaissait plus rien que du cachot qui l'avait abrité pendant de si longues années. Presque six d'après ce qu'il avait pu découvrir. Six terribles années à souffrir et pourtant il aurait tout donné aujourd'hui pour y retourner.

  Presque tout donné.

  Pourquoi rester dehors alors, pourquoi ne pas retourner se livrer aux autorités ? Car il y avait ce petit « presque » qui faisait défaut, cette envie de revoir le monde, ce désir profond de ne plus subir de tortures, même s'il savait les mériter. Cet instinct de survie dont il n'avait pas réussi à se débarrasser.

  Et maintenant, il naviguait dans l'ombre, se nourrissant des quelques morceaux de vie qu'il pouvait saisir parfois au détour d'une rue ou caché à l'abri des arbres du parc.

  Il n'avait osé affronter la lumière que quelques jours auparavant, lorsqu'il avait redécouvert par hasard ces bois qui pouvaient aussi le dissimuler, trouvant quelques renforcement de roches où se reposer. Il avait alors commencé à regarder le monde bouger devant ses yeux, observant l'humanité, ses joies et ses peines, mais toujours de loin, spectateur extérieur d'un monde qu'il ne comprenait plus.

  Il avait aussi retrouvé pour la première fois depuis bien trop longtemps la douceur d'une eau fraîche et propre sur sa peau, alors qu'il avait violé la nuit précédente la surface glaciale du lac, lavant enfin un corps recouvert par des années de sang, de sueur et de saletés plus ou moins nettoyés parfois. Il lui avait fallu presque une heure, avec ses pauvres moyens, pour parvenir à ôter le plus gros des souillures et se rendre un peu plus présentable.

  Il avait prit encore quelques minutes ensuite pour nager dans les eaux calmes, retrouvant des sensations qu'il croyait perdues. Flux étrange du liquide glissant sur son corps, ivresse des profondeurs et du silence alors qu'il plongeait et s'enfonçait en quelques mouvements dans ses flots noirs d'encre, fatigue étrangement reposante de ses quelques instants passés à sillonner sa longueur la sensation de l'air venant caresser son corps nu et mouillé lorsqu'il était sortit, faisant frissonner doucement sa peau avant qu'il ne remette rapidement ses vêtements et le sommeil qui l'avait pris presque immédiatement, lui offrant enfin une nuit sans cauchemar.

  Il lui semblait qu'il n'avait jamais aussi bien dormi.

  Il avait été réveillé à l'aube par les pas des premiers promeneurs et observait depuis lors la vie suivre son court devant lui.

  Il perçut soudain un bruit de course sur sa droite et tourna la tête juste à temps pour voir débouler à ses côtés une petite figure pâle et ébène qui darda immédiatement sur lui de grands yeux enchâssés d'émeraudes, après s'être brusquement arrêté à deux pas à peine. L'enfant ne devait pas avoir plus de cinq ou six ans et le regardait d'un air curieux, alors que lui-même semblait incapable de bouger ou de détourner les yeux, littéralement prisonnier de ses pupilles fureteuses. Un sourire fleurit presque immédiatement sur sa frimousse joyeuse et il se prit, sans le vouloir, à le lui rendre, craquant légèrement ses lèvres. L'enfant gloussa un peu avant de s'approcher encore d'un pas et de sursauter, alors que lui-même, retrouvant enfin sa mobilité, s'écartait par réflexe. Son dos cogna presque aussitôt l'écorce d'un arbre et il baissa instinctivement les yeux, se tassant sur lui-même. Il savait qu'il ne s'agissait que d'un enfant, mais son conditionnement était plus fort et il ne put s'empêcher de frémir lorsqu'il le sentit s'approcher encore un peu après une brève hésitation.

  Une petite main se posa alors doucement sur son épaule et, lorsque le jeune garçon sembla comprendre qu'il ne s'enfuirait pas plus loin, une autre vint jouer quelques secondes dans ses cheveux, avant qu'il ne s'accroupisse devant lui de telle sorte qu'il ne pouvait que le regarder. Encore une fois ses yeux s'encrèrent aux siens et l'enfant lui sourit à nouveau, rassurant cette fois, avant de finalement le saluer.

  _ Bonjour ! Dit-il doucement de sa voix claire et mélodieuse.

  Il le regarda un long moment avant de finalement bouger lentement la tête en réponse s'attirant un sourire plus franc et plus heureux cette fois.

  Etrangement la petite main retourna jouer un instant dans ses mèches un peu trop longues et coulées d'or, puis elle se retira et l'enfant s'assit en face de lui, un air très sérieux sur le visage. Il l'observa ainsi un long moment sans rien dire, semblant le jauger, alors que lui-même ne savait pas quoi faire, prit entre le désir de fuir et celui de goûter un peu plus longtemps cette présence chaleureuse et amicale. Il savait qu'il lui faudrait partir à un moment ou à un autre, avant que ses parents ne le retrouvent, mais pour l'instant, il semblait tout simplement incapable bouger, perdu dans son innocence et son sourire étrangement familier.

  Finalement l'enfant cessa de l'observer et visiblement satisfait par ce qu'il avait vu, se leva et vint s'asseoir dans son giron, le prenant complètement par surprise. Stupéfait et déstabilisé, il n'osa ni remuer, ni le toucher, alors que la petite boule de chaleur s'installait confortablement contre lui. Il laissa tout son poids peser contre son torse et saisit soudain une de ses mains écartées dans la peur de ne serait-ce que le toucher, pour jouer avec ses doigts, comparant leurs longueurs aux siens et caressant les cales qui y naissaient ça et là. Il n'osa pas la retirer jusqu'à ce qu'il la lâcha finalement et la posa alors rapidement à terre, le plus loin possible de ses petites menottes curieuses. L'enfant leva soudain la tête pour le regarder, souriant toujours et se retourna quelque peu pour déposer un rapide baiser sur sa joue. Il sursauta littéralement devant son comportement et le dévisagea, mais le jeune garçon pas le moins du monde farouche, soutint sans broncher son regard, le forçant à détourner les yeux le premier.

  S'il avait osé, il l'aurait sûrement prit dans ses bras, resserrant son étreinte sur son corps mince pour y trouver le réconfort. S'il avait osé, il l'aurait remercié, aurait rit de sa malice et aurait sourit à sa gentillesse. S'il avait osé, il lui aurait probablement rendu son baiser, embrassant la peau rosée de sa joue comme s'il était son propre enfant.

  Mais il ne pouvait pas. Il ne pouvait pas. Il s'étonnait déjà lui-même de pouvoir le regarder en face, de ne pas fuir devant son empressement à se boudiner contre lui. Oh, oui, il aurait voulu pouvoir le toucher, mais ses mains restaient obstinément encrées au sol, ses doigts s'enfonçant douloureusement dans la terre à moitié sèche au point de se faire saigner.

  Finalement, le petit garçon se retourna complètement et sans attendre, enlaça son cou, plongeant sa tête dans sa courte chevelure et l'étreignant tendrement. Il passa presque une minute ainsi avant qu'il ne se réalise qu'il avait mis ses bras autour de sa taille et le serrait maintenant avec force. Il se mit à trembler sans le vouloir et sentit les larmes cascader le long de ses joues. Des larmes de joies qu'il n'aurait jamais cru pouvoir encore verser un jour.

  Il inspira encore une fois profondément l'odeur de pomme fraîche de sa chevelure, savoura quelques instant encore la chaleur de son corps, puis, finalement, s'écarta à regret, se détachant doucement de son étreinte. L'enfant accepta sans protester et se redressa rapidement, un immense sourire toujours accroché aux lèvres.

  _ Merci, s'entendit-il souffler d'une voix qu'il eut du mal à reconnaître.

  Depuis combien de temps n'avait-il pas parlé ? Depuis combien de temps n'avait-il pas poussé autre chose qu'un hurlement ?

  Trop apparemment et sa voix lui faisait maintenant défaut, éraillée et discordante. Mais le petit garçon sembla s'en moquer.

  _ De rien, répondit-il simplement, avant de tendre une main devant lui. Je m'appelle Djoan !

  Il se contenta une nouvelle fois de hocher doucement la tête, mais accepta de lui serrer doucement la main.

  _ Tu veux bien venir avec moi ? Demanda soudain le bambin le plus sérieusement du monde.

  Il sentit immédiatement sa gorge se serrer à cette idée et secoua aussitôt la tête de refus. Il ne pouvait pas se montrer. C'était tout simplement inimaginable. Mais l'enfant ne sembla pas vouloir l'écouter.

  _ S'il te plait !!! Plaida-t-il avec des petits yeux de chiot abandonné. Je me suis perdu. Je veux juste que tu m'accompagnes le temps de trouver mon papa.

  Il tenta de reculer, mais le tronc de l'arbre derrière lui l'en empêcha et le garnement en profita pour attraper sa main.

  _ Non… je…

  _ S'il te plait !

  Deux grosses larmes noyaient maintenant son regard et il se sentit fondre devant son expression. Avant même de réaliser ce qu'il faisait, il s'entendit répondre « oui » à sa plus grande horreur et vit aussitôt Djoan sauter de joie, avant de le tirer pour l'aider à se relever.

  Il hésita encore un instant, littéralement terrifié par ce qu'il allait faire, avant de finalement céder et se redresser péniblement. Son cœur battait si vite dans sa poitrine qu'il avait l'impression qu'il allait exploser. La peur irradiait chaque pore de sa peau et son regard semblait se perdre dans le flou.

  Il ne pouvait pas !

  Mais il était déjà trop tard. Il sentit Djoan le tirer derrière lui, tenant fermement sa main et avant même d'avoir pu protester, il était déjà hors du couvert des arbres, exposé complètement à la lumière et au regard du monde. Il sentit aussitôt la nausée le gagner alors qu'il baissait la tête et devait prendre sur lui pour ne pas simplement s'écrouler sur place ou s'enfuir en courant.

  Son regard tomba une nouvelle fois sur l'enfant, qui se contenta de lui sourire comme si de rien n'était, avant de le tirer sur le chemin.

  _ Aller, viens, pépia-t-il, allons chercher papa !

  Il inspira finalement profondément, se forçant à lui sourire et à écarter ses craintes, mais ne put relever la tête et se contenta une nouvelle fois d'acquiescer silencieusement. Il n'en fallut pas plus au gamin pour repartir aussitôt, le traînant littéralement derrière lui. Il se contenta au début de le suivre, puis peu à peu, le temps passant, il en vint à marcher plus fermement à ses côtés, ne se contentant plus de se laisser guider, jusqu'à ce qu'il prenne même conscience que son regard n'était plus encré au sol de terre et de pierre, mais vagabondait un peu partout alentour. Le plus souvent sur Djoan qui l'intriguait de plus en plus, visiblement peu effrayer à l'idée d'être accompagné par un parfait étranger et totalement confiant en lui, mais aussi sur les passants qu'ils croisaient. Certains ne prêtaient pas attention à eux, mais d'autres le dévisageaient et à chaque fois il se sentait frémir, attendant presque qu'ils se jètent sur lui pour le rosser. Le faite qu'ils ne fassent rien le déstabilisa un long moment avant qu'il ne prenne conscience qu'aucun d'eux ne l'avait reconnu et que c'était son état squelettique qui avait attiré leur regard.

  A côté de lui, Djoan ne semblait pas s'en soucier et n'arrêtait pas de babiller un discourt dont il n'avait pas suivi une seule parole mais dont le son mélodieux et joyeux le réchauffait étrangement.

  Il commençait tout juste à prendre un peu ses marques et à laisser ses craintes de côté, lorsqu'un cri le fit soudain sursauter et reculer précipitamment, lâchant la main de l'enfant.

  _ DJOAN !

  _ PAPA !

  Il vit le jeune garçon quitter rapidement ses côtés pour venir se jeter au cou d'un homme blond et il s'ensuivit immédiatement une discussion qui se termina par une main pointée dans sa direction, accompagner d'un regard appuyé et étrangement soulagé.

  L'homme souleva aussitôt son fils, lui ébouriffant les cheveux, avant de s'avancer vers lui à grands pas. Paniqué, presque paralysé, il recula précipitamment, prêt à s'enfuir, mais ses jambes cédèrent sous lui et il s'écroula à terre. Lorsqu'il releva la tête, le blond était déjà dressé devant lui et il se recroquevilla aussitôt sur lui-même pour se protéger, incapable maintenant de retenir ses tremblements.

  _ Je suis désolé, s'entendit-il murmurer. Je suis désolé. Je ne voulais pas. Je suis désolé.

  Enfouissant son visage dans ses mains, il attendit le coup qui ne vint jamais. Au lieu de quoi, c'est une exclamation étonnée qui vint résonner à ses oreilles et le fit frémir plus encore.

  _ Seifer ?!

à suivre…

critiques bienvenues comme d'hab ^^