Seconde Chance
Chapitre 3
Espérance
Edéa cligna plusieurs fois des yeux, fixant Zell sans vraiment le voir, tentant de forcer son esprit à clarifier et emmagasiner toutes les nouvelles qu'il venait de lui annoncer. Pourtant seule l'une d'entre elles parvenait véritablement à faire chemin dans son esprit, se répétant sans cesse telle une litanie.
En vie.
Seifer était en vie.
En vie. En vie. En vie.
Elle porta soudain une main tremblante à sa joue pour se rendre compte qu'elle pleurait, mais c'est un sourire tel qu'elle en avait rarement eu qui fleurissait ses lèvres et illuminait son visage. Elle regarda les perles translucides qui coulaient maintenant sur ses doigts et réprima douloureusement le sanglot qui monta dans sa poitrine. C'était impossible. Impossible. Tout au long de ses années, de ses six longues années, elle n'avait jamais cessé d'espérer. Et maintenant que cet espoir se faisait réalité, elle n'arrivait pas à le croire. Elle avait tant cherché, dans chaque ville, dans chaque village, elle avait demandé à tellement de monde, vu tellement de Seed partir pour revenir les mains vides. Il lui semblait presque qu'ils avaient retourné chaque pierre de cette terre pour le retrouver, mais sans succès. Il avait comme disparu, évaporé, un peu comme s'il n'avait jamais existé. Et maintenant… maintenant, Zell venait lui dire qu'il était vivant et ici, à la BGU, à quelques mètres à peine. Non, elle ne pouvait pas le croire, c'était impossible. Et pourtant son être tout entier souhaitait qu'il ait dit la vérité, chaque fibre de son corps semblait se détendre, apaisant six ans d'un fardeau qu'il avait été si lourd de porter.
Vivant.
Elle pouvait presque sentir le mot rouler sur sa langue, lavant toute sa peine et son désespoir.
Il était vivant.
Elle avait envie de crier, de courir vers lui. Elle voulait tellement pouvoir le prendre dans ses bras et le serrer contre elle. Elle n'avait jamais vraiment su pourquoi, mais elle avait toujours préféré Seifer à quiconque. Elle s'en était toujours voulu et avait bien essayé de refouler ses sentiments pour donner à chacun le même amour, mais elle n'y était pas parvenue. Depuis le premier jour de son arrivée, depuis le jour où Cid était venu à l'orphelinat, portant au creux de ses bras cette boule de vie gazouillante de quelques heures à peine, elle avait sentit un lien affectif, à nul autre pareil, passer entre eux. Un peu comme une mère avec son enfant. Peut-être parce que son mari lui avait dit que sa mère était morte en le lui confiant, peut-être à cause de son si jeune âge, elle ne savait pas, mais elle l'avait tout de suite aimé. Elle avait passé tant de temps à s'occuper de lui. Il était si fragile, plus qu'aucun des autres enfants dont elle avait la charge. Et si sensible. Pendant presque trois ans, il était resté le plus chétif, le plus craintif et le plus gentil aussi. Puis les choses avaient peu à peu changé. Elle ne savait pas pourquoi, ni comment, mais il s'était endurci aussi bien physiquement que mentalement et elle l'avait vu peu à peu s'éloigner d'elle. Le lien était resté intact et semblait même s'être renforcé, mais il s'était pourtant fait plus distant, si ce n'était sa promesse et cet étrange regard qu'il lui lançait de temps en temps, comme s'il savait quelque chose qu'il voulait lui dire, mais qu'il était incapable de lui avouer. Et toujours cette attente, cette solitude, cette détermination à ne se lier à personne. Toujours bourreau, toujours tourmenteur et toujours cette même tristesse dans son regard lorsqu'il regardait les autres enfants jouer ensemble. Toujours cette hésitation à les rejoindre, avant de finalement se détourner ou les bousculer. Mais elle connaissait son sourire, cette légère courbure lorsqu'il les regardait et les écoutait rire, presque heureux de leur bonheur. Un bonheur qu'il se refusait pour une raison qu'elle n'avait jamais comprise.
** Elle pouvait le voir assis dans les branches de l'arbre, un pied pendant dans le vide, l'autre ramener contre son torse, observant silencieusement les autres enfants qui jouaient quelques mètres plus loin. Son regard était presque caché par une frange de cheveux d'or un peu trop longue qu'il ne lui faudrait par tarder à couper. Mais elle pouvait néanmoins voir son regard percer et fixer intensément ses camarades.
Zell éclata soudain de rire un peu plus loin, alors que Selphie s'était jeté sur lui pour le chatouiller et elle vit Seifer fermé les yeux à ce son, se laissant bercer par sa musique, comme il le faisait bébé par ses chants ou le bruit calme du ressac de la mer. Un fantôme de sourire effleura ses lèvres pendant un instant, avant que la tristesse ne reprenne le dessus et ne teinte ses grands yeux azurs, à nouveau ouverts, d'une couleur grise.
Elle s'approcha du chêne et elle le vit aussitôt tourner la tête dans sa direction.
_ Seifer, dit-elle.
_ Gouvernante, lui fut-il répondu d'un ton à la fois distant et plein de tendresse.
_ Pourquoi ne vas-tu pas jouer avec les autres enfants ?
Un petit sourire ironique passa sur ses lèvres et il sauta à terre à côté d'elle. Il atterrit sans mal, stabilisant aussitôt son équilibre, avant de la fixer du haut de ses six ans, une expression étrange sur le visage. Une expression qui lui signifiait qu'elle ne pouvait pas comprendre et qu'il n'avait pas le droit de lui expliquer. Puis, il lui saisit rapidement la main, pour observer un instant ses longs doigts avant de les monter à son visage et les poser rapidement en une caresse volée, qu'il s'empressa d'abandonner en la relâchant. Elle aurait souhaité pourvoir garder ce contact, mais il se recula, alors qu'elle-même s'agenouillait à sa hauteur.
_ Seifer, souffla-t-elle à nouveau. Pourquoi refuses-tu ce que les gens veulent tant d'offrir ? Pourquoi ?
Une ombre passa dans le regard du petit garçon qui le fit soudain paraître bien plus jeune encore et fragile, comme dans son enfance, et il sembla sur le point de parler. Mais il se ravisa et se contenta de se loger rapidement dans ses bras pour murmurer à son oreille :
_ Je serais ton chevalier, m… Gouvernante. Ton chevalier, je te le promets, je te le promets.
Et avant qu'elle n'ait pu refermer ses bras pour l'étreindre, il se dégagea et se détourna pour courir vers le groupe d'enfant. Elle le regarda s'éloigner, toujours aussi troubler par cette promesse dont elle ne comprenait pas l'origine, avant de sentir sur son cou un tracé chaud. Elle porta immédiatement la main à sa peau, pour la ramener légèrement humide d'une larme versée. Elle regarda une dernière fois l'étrange tête blonde qui courrait maintenant après Zell en le traitant de hérisson et soupira doucement.
Elle ne comprenait pas. **
Edéa sortit de ses souvenirs lorsque la main de Zell vint toucher doucement la sienne et elle regarda son visage légèrement inquiet.
_ Gouvernante, demanda-t-il, ça va ?
Elle hocha rapidement la tête et essuya du revers de la main, les dernières traces de ses larmes pour lui sourire doucement.
_ Il faut que je le voie. Pour Djoan… je ne sais pas encore, il faudrait que je parle avec lui, que je teste ses capacités, mais d'abord… Seifer, d'accord ?
_ Bien sûr, répondit aussitôt le jeune homme en se levant.
Il n'avait jamais douté un seul instant qu'elle voudrait d'abord voir son protégé, s'assurer qu'il s'agissait bien de lui. Il était difficile de ne pas voir la joie mélangée d'incrédulité et de peine que reflétait son visage. Il comprenait parfaitement son envie de le revoir. Elle avait été sans doute, avec Linoa, la seule personne qui n'ait jamais cessé de l'aimer, qui ne soit jamais réellement inquiétée. Bien sûr, il lui avait dit pour sa condition et cela lui donnait une raison de plus d'aller à sa rencontre. Et peut-être pourrait-elle faire quelque chose, si ce n'est pour son esprit, au moins pour sa condition physique. Il l'espérait en tout cas.
Edéa se leva juste après lui et après avoir déverrouillé la porte, ils sortirent rapidement pour se diriger vers les appartements du jeune homme. Ils eurent la chance de ne croiser personne en chemin, évitant ainsi d'éventuelles interrogations quant à leur empressement et leurs visages fermés. Bien sûr, le deuil qui les avait frappés pouvait très bien couvrir leur comportement étrange, mais mieux valait ne pas attirer l'attention. Certaines personnes haïssaient encore Seifer et il n'était certainement pas en état d'affronter maintenant les reproches ou pire encore.
Le court trajet se fit dans un silence de mort et lorsqu'ils arrivèrent enfin devant sa porte, Zell s'empressa de l'ouvrir et fit entrer Edéa dans la pénombre de son logement, avant de refermer derrière lui. Il avait clos rideaux et persiennes pour demeurer à l'abri des regards indiscrets, plongeant ainsi chaque pièce dans une obscurité quasi nocturne. Pourtant, l'un comme l'autre, les deux adultes se déplacèrent sans mal dans l'appartement.
Zell écouta un instant le silence étrangement pesant, avant de finalement guider Edéa jusqu'à sa chambre. Il ouvrit le plus doucement possible la porte, s'attendant à voir son fils assit sur le lit à veiller leur « invité », mais s'immobilisa aussitôt et ravala un hoquet au spectacle qui s'offrir à lui. La sorcière qui s'était immédiatement portée à ses côtés, se figea aussi, mais pas pour les mêmes raisons.
Seifer avait à nouveau sombré dans le sommeil, laissant la petite boule contre lui, le réconforter et le rassurer au point de laisser sa garde baissée. Ses bras enserraient toujours la taille fine de l'enfant et son visage était presque entièrement dissimulé dans sa chevelure. Ce dernier avait ses deux mains posées inconsciemment sur celles de l'adulte, comme pour s'assurer qu'il ne pouvait s'échapper et dormait également, le visage serein et presque souriant. Néanmoins l'entrée des deux adultes du attirer son attention car il le vire bouger un peu, bayer et ouvrir doucement un œil embrumé, avant de le refermer. Il délaissa finalement les mains de Seifer pour venir ses frotter les yeux de ses petites menottes et étouffer un nouveau bâillement. Puis, il les fixa une nouvelle fois et leur fit un petit signe de main auquel son père répondit, un peu hésitant.
Dire qu'il était étonné, aurait été un euphémisme. Djoan était peut-être adorable et très ouvert, mais, hormis lui-même, Linoa et ses deux grands-pères, il laissait rarement une autre personne le tenir ainsi dans ses bras, comme s'il craignait de s'attacher ou peut-être de ressentir leurs sentiments. Pourtant, il avait laissé Seifer, un *presque* parfait étranger, le porter comme s'il l'avait connu depuis toujours. S'il était un peu confus par les actions de son fils, il n'en restait pas moins étrangement soulagé de voir qu'il était parvenu à gagner la confiance du jeune homme qui semblait plus détendu. Son visage s'était fait plus doux et calme, abandonnant la peur qui paraissait le peindre même dans son sommeil et crispait chacune de ses courbes.
Il sentit la Gouvernante sursauter légèrement près de lui et se retourna pour voir son visage attristé, fixé un jeune homme qu'elle avait visiblement du mal à reconnaître, choquée. Il comprenait parfaitement l'expression incertaine qui jouait sur ses traits, lui-même ne l'avait pas reconnu avant de voir entre ses yeux, son éternelle cicatrice. Personne n'aurait pu le reconnaître dans son état.
Edéa ferma un instant son regard pour se redonner contenance et retenir les larmes qui menaçaient de venir rouler sur ses joues. Bien sûr, Zell lui avait dit pour sa condition et elle s'y était préparé. Mais même une description précise n'aurait pu empêcher le choc de le voir ainsi. Comment croire que ce corps famélique, à peine apparent derrière un enfant et si fluet sous la courbe des draps, puisse être celui du jeune homme vigoureux et musclé qu'elle avait connu ? Elle pouvait également apercevoir certaines des marques dont Zell lui avait parlé, barrant le derrière de ses avant-bras dégagés et sentit son estomac se révulser. Elle était d'autant plus mal que l'atmosphère de la pièce, elle-même, dégageait une impression de souffrance et de peur, bien que légèrement adoucie. Elle pouvait presque entendre ses cris. Elle se força néanmoins à calmer les battements violents de son cœur et de repousser la nausée qui l'assaillait. Ce n'était certainement pas le moment de se laisser aller. Ni maintenant, ni lors des prochaines semaines… des prochains mois. Rien ne serait facile maintenant et chaque pas demanderait plus d'efforts qu'elle n'était sûre de le deviner.
Elle s'avança finalement vers le lit, alors que Djoan se dégageait doucement de l'étreinte de son aîné, lui adressant un petit sourire triste auquel elle répondit d'un haussement de tête. Zell avait raison, son fils avait indubitablement un petit plus qu'elle n'arrivait pas à définir et il y avait cette étrange aura qui semblait l'envelopper, trop faible malheureusement pour qu'elle ne puisse réellement la discerner. Et l'aurait-elle pu qu'elle ne l'aurait pas fait à cet instant, bien plus concentré sur la deuxième forme, visiblement encore endormi qui reposait près de lui. Elle prit place délicatement sur le lit, alors que Zell qui s'était également avancer, prenait Djoan dans ses bras.
Le petit garçon baya une fois de plus et se serra contre son père, enlaçant son cou pour s'installer confortablement contre lui, ne lâchant pas pour autant Seifer des yeux, alors que Zell reculait légèrement, laissant entièrement place à la Gouvernante. Il la regarda tendre une main hésitante vers le visage du blond et lorsque peau et peau se touchèrent, un phénomène étrange se passa qu'il ne put expliquer. Djoan frémit légèrement et lui-même sentit que quelque chose venait de changer, mais il était incapable de savoir quoi.
Seifer sentit immédiatement la main qui glissa sur sa joue et hésita un instant avant d'ouvrir son regard, terrorisé sachant qu'il n'avait aucune échappatoire. Djoan avait disparu, laissant une sensation désagréable de vide, que ce nouveau touché semblait pourtant commencer à remplacer. Etonné, comprenant inconsciemment qu'il n'y avait rien de menaçant, bien au contraire, il n'hésita pas un instant avant de lever son regard sur la personne qui lui faisait face. Son expression s'adoucit aussitôt qu'il vit son visage et il crut rêver. Il savait bien que c'était impossible et pourtant… pourtant, elle était bien devant lui, souriante, irradiante, comme dans ses maigres souvenirs. Il redressa immédiatement la tête pour accentuer la caresse et il la sentit se rapprocher pour finalement le prendre dans ses bras. Toutes peurs, toutes craintes envolées, comme si elles n'avaient jamais existé, il se laissa aller dans ce giron offert, calant son visage contre sa poitrine pour être bercer par les battements réguliers de son cœur, le lent va et vient de sa respiration et sa douce chaleur. Il sentit ses bras se refermer doucement autour de lui et put presque entendre ce chant fredonné qui remontait le court de sa mémoire. Il inspira alors profondément, goûtant cette senteur de lait et de miel qui lui avait tant manqué et ronronna presque de plaisir quand il sentit ses doigts courir dans son dos pour le réconforter. Il laissa alors échapper à ses lèvres ce mot qu'il avait tant désespéré de prononcer un jour.
_ Maman…
_ Mon fils, lui fut-il souffler en retour et il sourit doucement, inconscient des autres personnes présentes dans la pièce, qui les regardaient le visage marqué d'incrédulité.
Zell ne comprenait plus rien. La scène qui se jouait devant lui avait quelque chose de totalement irréelle. Il savait que Edéa et Seifer étaient liés par des sentiments extrêmement forts, mais les voir ainsi s'étreindre comme mère et fils… ces paroles échangées. Cela semblait à la fois décalé et étrangement naturel, un peu comme un tableau passé se fondant dans la réalité du présent, se superposant parfaitement tout en sachant qu'il ne pouvait se mêler.
Djoan devait aussi le ressentir car il bougea inconfortablement contre lui, fronçant ses petits sourcils, avant de demander lui doucement :
_ Pourquoi elle a les cheveux longs Edéa ?
Zell sursauta presque à cette question qu'il ne comprit pas, mais son fils le regarda avec tellement de sérieux qu'il ne put s'empêcher de regarder attentivement la Gouvernante pour vérifier par lui-même. Mais il ne vit rien que ce qu'il connaissait déjà, avec toujours cette impression dérangeante néanmoins.
Il allait répondre à son fils quand le charme du moment sembla se briser. L'atmosphère se fit plus légère et il vit Edéa et Seifer se séparer, le jeune homme s'écartant brusquement, comme brûler pour aller se réfugier dans le coin du lit, se tassant sur lui-même.
Il savait que tout cela était faux, que ce n'était pas la réalité, ne le serrait jamais. Il n'aurait pas du… pas du se laisser aller à croire ce qu'il ne pouvait avoir. Il ne voulait plus souffrir. Il dut détourner son regard de celui d'Edéa pour échapper à son expression peinée et hésitante, décontenancée et le fixa alors involontairement sur Zell. Le jeune combattant, bien que visiblement perdu, ne fit aucun geste violent envers lui, n'eut aucun regard meurtrier ou sadique. Bien au contraire, il tenta même de lui adresser un petit sourire qui se voulait rassurant et que Seifer ne comprit pas.
Pourquoi… pourquoi agissait-il ainsi ? Il aurait du le haïr, chercher à se venger pour tout ce qu'il lui avait fait. Il aurait… il aurait du le battre lui aussi, prendre sa revanche, le tuer même. Au lieu de quoi, il l'avait aidé, secouru, soigné et maintenant… maintenant il lui souriait ? Non, il ne comprenait plus, ne pouvait plus comprendre ces marques de gentillesse. Il détourna finalement son regard, incapable de soutenir celui du blond et frémit doucement.
Zell, à qui ce mouvement n'échappa pas, voyant Edéa détourner un regard plein de larmes, laissa son fils glisser doucement à terre pour le voir aller se glisser auprès de la gouvernante, alors que lui-même se portait près de Seifer. Il n'hésita qu'un instant avant de s'asseoir à côté de lui, prenant bien garde néanmoins de ne pas le toucher. Il ne savait pas trop ce qui s'était passé et ne s'en préoccupait pas vraiment pour l'instant, il aurait tout le temps de se torturer inutilement l'esprit plus tard. Maintenant, il devait surtout convaincre Seifer qu'il n'avait rien à craindre.
Il avança une main vers lui, avant de la retirer, se maugréant mentalement et inspira profondément.
_ Seifer, souffla-t-il finalement.
Le blond releva aussitôt la tête pour détourner aussi vite son regard et Zell soupira.
_ Seifer, regarde-moi s'il te plait.
Il attendit quelques instant et, ne le voyant pas bouger, se décida finalement à agir. Le plus doucement possible, essayant de ne pas l'effrayer d'avantage qu'il ne devait l'être, il posa une main sous son menton pour le forcer à le regarder. La réaction de Seifer ne se fit pas attendre et il se dégagea aussitôt, fermant fortement les yeux, crispé, attendant probablement qu'il ne le gifle. Zell se força à ne pas jurer et recommença avec plus de gentillesse encore, jusqu'à ce que leurs visages soient face à face. Il le lâcha alors, attendant patiemment qu'il ouvre lui-même son regard. Chose qu'il ne tarda pas à faire.
En sentant Zell le toucher, il avait cru que le jeune homme avait enfin retrouvé ses esprits et s'apprêtait à le corriger, mais lorsque aucun coup ne vint, sa curiosité se faisant plus forte, il ne put s'empêcher d'ouvrir les yeux pour le fixer.
_ C'est mieux, sourit doucement le tatoué, augmentant encore un peu plus l'incrédulité du jeune homme. Ecoute, je… je sais que tout ça doit te paraître inconcevable au vu de…
Ne pouvant trouver ses mots, il fit un geste vague en direction de ses cicatrices que Seifer s'empressa de cacher.
_ Non, reprit Zell, en fait, je ne peux pas savoir, juste tenter de deviner. Mais écoute… en fait ce que j'essaye de te dire c'est que tu n'as rien à craindre ici, ok ? Personne ne te veut du mal. Certainement pas Djoan, la Gouvernante encore moins et moi pas plus.
Seifer cligna plusieurs fois des yeux, mais ne répondit pas. Zell décida alors de changer de tactique.
_ Arghh, je savais bien que j'étais nul pour gérer ce genre de situation. Ok, je vais parler en Zell, ce sera peut-être plus compréhensible. Moi hérisson, hérisson gentil, hérisson pas taper, même si un peu piquant. En plus on m'a toujours dit que les grande bêbête n'avait pas peur des plus petites, alors…
Un fantôme de sourire passa sur les lèvres du blond et Zell sut qu'il venait de marquer un point. Il décida de pousser son avantage.
_ Bien, je vois qu'on se comprend. Maintenant, essaye de ne pas me faire une crise cardiaque, d'accord, parce que Edéa est toujours une sorcière et que je n'ai pas envie de finir en steak haché. Je veux que tu restes avec Djoan et moi à la BGU. Mais ne t'inquiète pas, ajouta-t-il aussitôt voyant une nouvelle vague de panique poindre sur son visage, personne d'autre que nous ne sera au courant. C'est juste histoire de te laisser souffler un peu. J'ai une chambre d'ami, tout ce qui faut et puis, entre nous, Djoan n'est pas décidé à te lâcher et tu ne peux pas savoir à quel point ce gamin est borné quand il le veut.
_ Ehh !!! Protesta le jeune intéressé pour la forme, se peignant d'une moue adorablement vexée.
_ Oses dire que c'est faux, sourit Zell.
_ Tel père, tel fils, rétorqua l'enfant, pas du tout prêt à lâcher le morceau.
_ Tu vois, ponctua le tatoué à l'adresse de Seifer qui les dévisageait peu sûr de savoir comment réagir.
Et pour confirmer les dires de son père, Djoan abandonna Edéa pour venir une fois de plus s'installer contre Seifer qui referma instinctivement ses bras autour de lui, faisant sourire la petite famille de cette même expression satisfaite.
Seifer rougit doucement et Zell se racla la gorge, tentant de faire disparaître son sourire victorieux, chose qui semblait impossible.
_ Alors ? Demanda-t-il.
_ Je ne sais pas, souffla le blond pour la première fois, ne lâchant pas Djoan pour autant.
_ Seifer, dit alors Edéa qui avait enfin reprit contenance, soulager que Zell ait réussi à briser une glace qu'elle avait formée sans le vouloir, sans même comprendre comment. Laisse-nous t'aider, s'il te plait. Je… tu…
Elle ne parvint pas à terminer sa phrase, mais n'en eut pas besoin, le jeune homme avait parfaitement compris. Il les fixa alors intensément et réfléchi. Ils avaient l'air sincères et s'ils avaient voulu le faire souffrir, ils n'auraient certainement pas attendu aussi longtemps. De plus, il savait qu'Edéa ne ferait jamais rien contre lui et elle faisait visiblement confiance à Zell. Et puis Djoan… Il observa un instant l'enfant qui lui sourit sans retenu et il se surprit à lui rendre son sourire tout aussi franchement.
Deux choix s'offraient à lui. Soit rester ici, avec des personnes apparemment prêtes à l'accepter, même s'il avait encore du mal à le croire, soit retourner dans la rue et se nourrir à nouveau de ténèbres et de souffrance. Vivre ou survivre. La décision n'était pas difficile à prendre.
_ D'accord, souffla-t-il.
Aussitôt, les trois visages s'illuminèrent et ne purent s'empêcher de crier leur joie le faisant légèrement sursauter et se recroqueviller. Mais ils ne lui laissèrent pas le temps de se refermer et le prirent tous dans leur bras, de vrais sourires heureux aux lèvres. Et s'il ne pouvait encore partager cet instant, l'avenir lui sembla soudain moins noir et il se laissa même aller à espérer.
Espérer.
***
Trois semaines.
Déjà près de trois semaines depuis qu'il l'avait découvert et tant de choses faites et encore à faire. Le temps passait trop vite. Il avait parfois l'impression que le jeune homme vivait avec eux depuis des années et parfois depuis quelques jours à peine. Il était encore craintif et fuyant et pourtant ce n'était déjà plus la même personne. Mais il gardait toujours au fond de son regard, cette trace d'immense tristesse, de souffrance qu'il était impossible de faire disparaître, même lors de leurs quelques moments de simple bonheur.
Comme à cet instant.
Djoan avait réussi à le convaincre de jouer une fois de plus aux milles bornes et depuis presque dix minutes déjà, ils ne cessaient de rire et de se lancer des regards significatifs, s'accusant à tour de rôle de tricher. Il était assez étrange de le voir ainsi sourire. Il le faisait tellement rarement que chaque moment était une perle qu'ils cueillaient précieusement et faisaient durer le plus longtemps possible. Combien de fois en trois semaines ? Quatre, peut-être cinq fois tout au plus, avaient-ils réussi à lui arracher ne serait-ce même qu'une légère courbure de lèvres pendant quelques secondes. Et aujourd'hui, il riait pour la première fois.
Assis à quelques mètres d'eux, il ne pouvait détacher son regard du blond, fasciné par cette expression qui transformait totalement son visage. Il n'avait pas beaucoup de souvenirs de son enfance à cause des GF, mais il était pratiquement sûr que déjà alors, il ne l'avait jamais vu ainsi se détendre. Il lui semblait ne plus voir la même personne. Mais cela valait déjà pour son comportement de tous les jours. Envolé l'insupportable tourmenteur, effacées les grimaces ironiques, perdues les réflexions blessantes. Il paraissait ne plus rien rester de l'ancien Seifer et d'un autre côté… il lui semblait maintenant se rappeler qu'il avait toujours observé cette même expression qui hantait son regard, même si elle se faisait moins douloureuse alors.
Un nouveau rire échappa à l'aîné et Zell l'observa encore plus attentivement. Oui, il avait définitivement changé.
Leur vie n'avait pas été facile pendant ces trois semaines et le chemin qui avait mené jusqu'à ce jour, avait été longue et pénible et il savait qu'ils étaient loin d'en avoir encore terminé. Pourtant, les résultats valaient la peine qu'ils s'étaient donnés. La première semaine, Seifer leur avait à peine parlé et chaque phrase prononcée n'avait pas dépassé la monosyllabe. De même, il avait continué à vivre dans une peur quasi continuelle, sursautant au moindre bruit, se refermant sur lui-même à chaque fois qu'ils l'effleuraient par mégarde et il lui avait fallu des heures de patience qu'il ignorait posséder pour qu'il arrête de détourner son regard à chaque fois qu'ils se croisaient. Djoan avait été d'un grand secours, étant la seule personne en présence de laquelle il semblait réellement se détendre, chose que même la Gouvernante n'état parvenu à lui inspirer. Et peu à peu, grâce à leurs efforts conjugués, leur volonté de lui parler même en sachant qu'il n'allait pas répondre, leur présence quasi continuelle à ses côtés, leur persévérance à l'impliquer dans leur tâche quotidienne comme s'il faisait parti depuis toujours de la famille, il s'était peu à peu ouvert et senti plus à l'aise.
Au jour d'aujourd'hui, il n'hésitait plus avant d'entrer dans une pièce, n'attendant plus une permission qu'il ne pouvait recevoir, parlait plus librement, ne fuyait plus autant leur contact et riait même. Le chat sauvage qu'il avait trouvé dans le parc de Balamb semblait s'être retirer, même s'il refaisait parfois surface, surtout lors de situation de stress et la nuit.
Oui, la nuit, c'est ce qu'il y avait de pire, un mal qu'il n'avait pas encore réussi à atténuer. En trois semaines, il n'avait jamais dormi complètement du soir au matin, à chaque fois réveillé par des hurlements à glacer le sang qui avait bien failli le faire découvrir la première nuit, réveillant presque toute l'aile où était situer ses appartements. Heureusement, depuis, grâce à la magie d'Edéa, plus aucun son ne pouvait filtrer en dehors, mais ils résonnaient parfaitement dans le silence de chaque pièce.
Combien de fois avait-il bondit de son lit pour courir jusqu'à la chambre d'amis ? Combien de fois avait-il assisté au même spectacle, le même visage déformé par la peur, les mêmes larmes qui dévalaient ces joues et ces longues minutes passées à jouer de mots apaisants pour qu'il accepte ne serait-ce que d'être approcher ?
Il ne savait pas.
Il ne connaissait presque rien de ce qui s'était passé ces six longues années. Il pouvait tout au plus deviner aux travers des cicatrices qu'il s'efforçait de cacher, au travers des phrases sans aucun sens qu'il laissait échapper à chaque réveil. Des tortures comme il ne voulait même pas les imaginer. Et toujours ces longues heures ensuite pour le calmer, pour tarir ses larmes, pour arrêter ses tremblements. De si longues heures. Et l'impression à chaque fois que tout était à refaire, qu'à chaque pas effectué, ils régressaient de trois. Mais c'était faux, même si c'est ce qu'il pensait à ces moments là, car chaque nouveau jour apportait son lot d'améliorations et chaque nouvelle nuit, des périodes de réconforts moins longues. Le fait que Seifer accepte de dormir avec lui avait aussi changé beaucoup de choses, car il pouvait maintenant le ramener plus vite à la réalité, le prendre aussitôt dans ses bras pour le bercer. Depuis une semaine même, il parvenait à se réveiller alors que ses cauchemars ne faisaient que commencer et prévenait ainsi la plus grande partie de sa détresse. Il n'en restait pas moins qu'il fallait souvent près de vingt minutes au jeune homme pour se laisser à nouveau porter dans les brumes du sommeil, s'endormant soit dans ses bras, soit dans ceux de Djoan lorsqu'il était lui aussi réveillé et venait le réconforter. Zell attendait alors encore un peu avant de sombrer à son tour, écoutant sa respiration légère, observant ses traits dessiner par les rayons lunaires. Il semblait tellement innocent dans ces moments, presque un enfant.
Et si psychiquement, il semblait s'améliorer, c'était aussi le cas physiquement. Toujours grâce à la magie d'Edéa et à un nouvel apprentissage de la nutrition effectué tout en douceur, il était parvenu à retrouver un poids à peu près convenable, même s'il restait encore trop maigre à son goût. Mais il avait encore le temps d'y remédier.
Il fut soudain distrait de ses pensées par un bruit de porte derrière lui et se retourna pour voir Edéa s'avancer silencieusement dans la pièce, souriant au spectacle qui s'offrait à ses yeux. Elle vint rapidement prendre place près de lui, ne lâchant pas les deux chamailleurs et souffla au bout de quelques instants :
_ Il rit ?!
_ Et oui, sourit doucement le tatoué. Djoan continue à faire des miracles.
_ Je vois ça, souffla-t-elle. Je… je n'aurais pas cru ça possible. Pas si vite. Mon dieu, c'est tellement étrange… cette mélodie… je me rends compte maintenant que je ne l'ai jamais entendu.
Zell lui jeta un rapide coup d'œil sans surprise, ses dires ne faisaient que confirmer ses suspicions. Pourtant la joie qu'il voyait jouer sur les traits de son aîné, lui rappelait celle dont il avait été le témoin quelques semaines plus tôt et il ne put s'empêcher de poser la question qui l'avait tarabusté alors.
_ Gouvernante, dit-il attirant son attention. Lorsque… lorsque vous avez vu Seifer pour la première fois, lorsque vous l'avez pris dans vos bras, il… euh…
_ Oui ?
_ Il s'est passé quelque chose d'étrange. Je sais que ça ne me regarde pas, mais…
Il hésita quelques secondes, ne sachant pas vraiment s'il était de son droit de poser la question, mais Edéa le pressa un peu plus.
_ Qu'y a-t-il Zell, dis-moi.
_ Et bien voilà, murmura le Zébulon en se grattant légèrement l'arrière du crâne, réflexe amusant pris involontairement à Laguna, il a dit une chose d'étrange à laquelle vous avez répondu et…
Il ne put malheureusement pas finir sa phrase, car au même instant, Seifer qui venait encore de perdre, prit enfin conscience de leur présence et se leva aussitôt pour les saluer.
_ Seifer, sourit la Gouvernante, oubliant complètement le Seed. Bonjour.
_ Bonjour, répondit doucement le blond en venant l'embrasser sur la joue.
Il ne salua pas Zell qu'il avait déjà plus tôt dans la matinée, mais le fixa néanmoins quelques longs instants, une ébauche de sourire aux lèvres. Zell le lui rendit aussitôt et le jeune homme se détendit totalement.
_ Seifer, reprit Edéa, vient t'asseoir, il faut que nous parlions. Et tu peux rester Zell, ce que je vais dire te concerne tout autant.
Les deux jeunes gens s'installèrent le plus confortablement possible, surpris par son expression sérieuse et Djoan, qui les avait rejoint, grimpa silencieusement sur les genoux de son père.
_ Voilà, dit enfin la Gouvernante. Seifer, il devient malheureusement difficile de cacher ta présence. Le… la tragédie qui a touché Zell et Djoan a couvert pendant un temps son comportement, mais les gens, notamment ses amis, Squall, Quistis et tous les autres commencent à se poser des questions.
Le jeune homme hocha doucement la tête. Il avait appris pour Linoa et en avait été beaucoup peiné car il avait toujours aimé la jeune femme, presque comme une sœur pour lui et les visages parfois assombris de Zell et Djoan lui rappelait souvent cette perte, même s'il semblait que sa présence les ait distraits pour un temps. Mais il craignait ce que la Gouvernante allait dire ensuite, n'osant comprendre ce qu'elle impliquait.
_ Ce que je veux dire, Seifer, c'est qu'il va falloir penser à faire connaître ta présence.
Et devant les visages horrifiés des trois personnes présentes, elle s'empressa d'ajouter :
_ Il vaut mieux que ce soit nous qui le signalions, plutôt que quelqu'un ne le découvre par hasard car nous pouvons ainsi nous préparer. Zell… tu ne peux plus rester indéfiniment cloîtrer, tes amis ne comprennent plus, surtout après ce que tu leur as révélé. Ils s'inquiètent et finiront par venir te voir. Déjà je les entends en parler. Seifer, dit-elle au jeune homme qui s'était recroquevillé, je sais… je sais que tu aurais aimé rester caché, mais c'est impossible. En plus, je crois qu'il est temps que tu retrouve une place dans la société, tu ne peux pas vivre indéfiniment dans l'ombre et peut-être… peut-être devenir un Seed pourrait-il t'amender, autant à tes yeux, qu'au reste du monde.
Elle avait prononcé les dernières phrases doucement, gentiment, mais cela n'avait pas empêché le jeune homme de se mettre à trembler. Il ne pouvait pas, il n'était pas prêt. Ces dernières semaines, il avait tout juste réappris ce que vivre voulait dire, si… si les autres venaient à connaître son existence, il ne ferait que replonger dans l'enfer, il le savait. Il le savait et il n'était plus prêt à l'affronter. Il avait à peine redécouvert la douceur et la joie et il lui faudrait les abandonner ? Qu'une fois de plus, il souffre ? Il savait… il savait que c'est ce qu'il méritait, mais Hyne, il ne voulait plus. Il ne voulait plus.
_ Non… souffla-t-il doucement.
Il préférait encore retourner dans la rue et vivre à nouveau dans l'ombre et les égouts plutôt que d'affronter une nouvelle fois la haine.
_ Non…
Il aurait du savoir que ce bonheur serait éphémère, il aurait du savoir qu'il lui serait arraché, alors que pour la première fois, il pouvait réellement le goûter.
_ Non…
Il se leva, légèrement vacillant. Il lui fallait partir d'ici, partir avant qu'on ne le découvre. Maintenant. Mais il n'eut pas le loisir de faire un pas. Une main se referma aussitôt sur son poignet et il fut tirer en arrière, retombant lourdement sur le canapé. Une deuxième main vint alors essuyer des larmes qu'il versait sans même s'en rendre contre et il leva la tête pour faire face à Zell.
_ Je ne peux pas, souffla-t-il au jeune homme qui le regardait plein de compréhension.
_ Bien sûr que si, lui répondit-il.
_ Non, je ne pourrais pas, je… je ne veux pas revivre le même cauchemar, dit-il en essayant de se dégager.
Mais Zell n'était visiblement pas prêt à le laisser partir.
_ Ca n'arrivera pas.
_ Zell, je t'en pris, lâche-moi.
_ Jamais.
_ Zell…
Sa voix s'était fait suppliante, mais le tatoué ne fit que renforcer sa prise, alors qu'il tentait encore de lui échapper.
_ Je ne te lâcherais pas, Seifer. Je ne t'abandonnerais pas, je serais toujours là, quoiqu'il arrive. Et tu vas y arriver. La Gouvernante a raison, il est temps que tu reprennes ta place dans le monde.
_ Tout ne fera que recommencer, souffla le bond, baissant la tête.
_ Bien sûr que non, répondit aussitôt Zell en la lui relevant, un sourire rassurant aux lèvres. Bien sûr que non, puisque je serais là pour te protéger.
_ Et moi aussi, affirma Djoan une expression déterminée au visage.
Seifer les dévisagea quelques instants. Ils n'allaient visiblement pas lâcher prise et peut-être avaient-ils raisons. Qu'avait-il à perdre de toute façon ? La torture, il l'avait déjà subit et s'il partait maintenant, il perdait tout ce qu'il avait jamais eu. Et ils semblaient tellement confiant… Pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'avoir peur, car il savait, au fond de lui, que rien ne serait aussi simple, comment cela le pourrait-il ? Il savait qu'il allait inévitablement souffrir. Il finit néanmoins par murmurer son accord.
_ Bien, dit la Gouvernante, visiblement heureuse des miracles que la famille Dinch était décidément capable d'accomplir. Je vais en parler à Cid de ce pas.
Seifer se contenta d'acquiescer et personne ne le vit frissonner doucement. Oui, rien était aussi simple et il savait déjà que rien de ce que Zell pourrait dire ou faire ne le protégerait de ce qui allait inévitablement se passer.
***
Cid regarda sa femme sortir de son bureau, visiblement débordante de joie qu'il ait accepté sa proposition et crispa un peu plus son poing, laissant le sang couler doucement le long de ses doigts pour venir goutter sur le sol. La porte se referma lentement et il relâcha finalement le morceau de verre qui entaillait profondément sa paume, dernier vestige de ce qui avait été autrefois une coupe à eau. Edéa était tellement prise dans son enthousiasme, qu'elle n'avait pas remarqué le bruit de verre brisé, ni l'expression sombre de son époux.
Il était vivant.
Il leva sa main devant son regard, regardant avec fascination le liquide carmin qui coulait abondamment de sa plaie et en retira sans vaciller le morceau cristallin qui y était demeuré. Le petit bout de verre chuta sans un bruit sur le tapis qui commençait à s'engorger et il laissa sa main retomber sur son bureau, ne prenant même pas garde à la bander.
Il était vivant.
Le sang forma rapidement une tâche gluante sur la surface boisée, qu'il ignora, ne ressentant même pas la douleur qui pulsait dans son membre blessé, comme anesthésié.
Il était vivant.
C'était impossible. Impossible, il ne pouvait pas l'être, il ne pouvait pas ! Mais c'était pourtant la réalité et il avait accepté son retour à la BGU. Que pouvait-il faire d'autre ? Il n'aurait jamais cru… jamais…
Il ferma les yeux et força sa colère et sa douleur à refluer, laissant place à une froide détermination. Il savait ce qu'il devait faire.
Il appuya sur le bouton de l'interphone, attendant que sa secrétaire ne réponde, passant en revu ce qu'il lui faudrait dire, les atouts qu'il lui faudrait abattre. Au bout de quelques instants enfin, une voix cristalline lui répondit.
_ Commandeur ?
_ Faite-moi venir Leonhart, immédiatement ! Demanda-t-il d'un ton brusque.
_ Bien… bien monsieur, lui répondit doucement sa secrétaire, peu habituée à une telle froideur.
Cid ignora totalement ce ton surpris et coupa aussitôt la communication pour retomber en arrière dans son siège. Il soupira doucement.
Si seulement…
A suivre…
