Titre : Seconde chance
Auteur : Aakanee
Genre : drame
Base : FF8
Seconde chance
Chapitre 5
Fièvre
Il se réveilla doucement, l'esprit encore confus et le corps engourdit, comme prisonnier d'une gaine de coton dont il ne semblait pas vouloir sortir. Il essaya un instant de bouger, mais ses membres semblèrent lui peser des tonnes et il put tout juste tourner un peu la tête.
Où était-il ?
Il ne savait pas trop. Il tenta d'ouvrir les yeux, mais ses paupières étaient pour l'instant comme soudées les unes aux autres. Mais même ainsi, le lieu ne lui était pas familier. L'odeur qui y régnait chatouillait désagréablement ses narines et envahissait ses poumons comme à l'étouffer.
Et il avait mal.
Pourquoi ? Il… il n'arrivait pas à se souvenir. Hyne son esprit s'embrouillait et il avait encore tant envie de dormir. Mais il savait qu'il ne devait pas. C'était pourtant tellement tentant.
Il entendit soudain le son d'une porte s'ouvrant doucement, glissant facilement dans ses gonds, puis ceux de pas venant en nombre dans sa direction. Ils semblèrent s'arrêter à quelques mètres à peine de lui et lui parvint alors des voix qu'il ne reconnut pas immédiatement, mais qui lui étaient familières. Son esprit semblait enfin se faire moins cotonneux.
_ Comment va-t-il ?
_ Juste quelques côtes cassées. Le soin max a guéri tout le reste, il pourra donc sortir dès qu'il se réveillera. Il dort comme un bébé depuis qu'on l'a ramené ici, ce matin, ça fait maintenant plus de douze heures. S'il n'a pas récupéré après ça, je ne sais pas ce qu'il lui faut.
Un petit rire discret accompagna cette remarque qui mourut presque aussitôt, chargeant l'atmosphère d'un malaise presque palpable.
_ Je… je pense que cela ne durera plus très longtemps.
_ Merci, pouvez-vous nous laisser seuls ?
_ Bien sûr.
Il sentit l'une des présences fendre rapidement l'air avant de disparaître, alors que les deux autres se rapprochaient. Son lit se courba légèrement sous un nouveau poids et un bruit de chaise raclant un sol carrelé résonna juste à ses côtés.
_ Il est tellement pâle !
Sel…Selphie ?
_ Tu as entendu Kadokawi, elle a dit qu'il n'y avait aucun problème.
Et Squall.
_ Je sais, mais quand même.
Et l'évidence le frappa soudain. Il était à la BGU ! A l'infirmerie de la BGU !
Mais pourquoi ?
Il se força un peu à se concentrer et soudain, tous les évènements lui revinrent en mémoire, déferlant comme une lame de fond : le voyage, la nuit, le… le réveil et l'attaque. Hyne, Nagy, Yoji ! Et la douleur qui lui perçait le torse et noyait son regard d'une couleur carmine. La peur de mourir, de ne jamais revoir Djoan. Seifer… il l'avait sauvé, protégé, risquant sa vie pour le ramener. Il se souvenait vaguement de la rivière, de son courant qui l'emportait, ballottait son embarcation de fortune et une fatigue comme il n'en avait jamais connu. Le désir de lutter, de se raccrocher, impossible. Les ténèbres.
Où est Seifer ?
Il ouvrit les yeux et se redressa d'un bond, faisant sursauter ses deux compagnons. Il grimaça en sentant la douleur irradier son torse mais s'en moqua, il fallait qu'il le voie, qu'il soit sûr qu'il aille bien.
Hyne, fait qu'il aille bien !
_ Zell, s'exclama Squall en le serrant contre lui au grand étonnement de ce dernier, tu te réveilles enfin. Tu nous as fait une sacrée peur, tu sais.
Le blond les regarda, lorsque le jeune homme le lâcha rapidement, et leur adressa un petit sourire rassurant.
_ Désolé.
_ Que s'est-il passé ? Pressa Squall. Où sont les autres ?
Zell leur lança un regard étonné, sentant sa peur croître un peu plus.
_ Sei… Seifer ne vous a rien dit ?
_ …
Les deux jeunes gens ne semblaient pas à l'aise pour une raison qu'il n'arrivait pas à déterminer. Ils évitaient soigneusement de le regarder et se trituraient les mains. Une boule se forma un peu plus dans son estomac et il dut prendre sur lui pour ne pas sauter du lit et les planter là pour courir vers la chambre du blond. Au lieu de quoi, il se força au calme et scanna rapidement l'infirmerie. Seifer n'était pas là, c'est qu'il devait aller bien, sinon il aurait occupé un des nombreux lits vides qu'il apercevait… n'est-ce pas ? Oui, bien sûr que oui. Il se détendit un peu, mais ne put pas pour autant chasser complètement son malaise. Il finit néanmoins par répondre à Squall.
_ Yoji a déclenché un massacre, dit-il en soupirant. Il s'est enfui au plus mauvais moment. Lui et Nagi se sont fait mettre en pièce, une vraie boucherie. Moi… moi j'ai été blessé et Seifer m'a sauvé de justesse. Il a tué quatre des Gouldes, Nagi en a eu une et il est probable que Nosfératu se soit chargé d'une autre. Quant à la dernière…
Il eut un geste vague dans le vide.
_ Mais je suis étonné que Seifer ne vous ait rien dit ? Où est-il ?
Squall allait dire quelque chose lorsque Cid entra dans la chambre et sa phrase lui resta en travers de la gorge.
_ Zell, dit le Commandeur, content de voir que tu vas bien. J'ai entendu ce que tu viens de dire et je suis désolé de la perte de ton équipe. Enfin, la mission est néanmoins un succès, tu auras probablement droit à une distinction pour fait de bravoure.
Le blond grimaça tristement. Il ne pensait pas vraiment que sa mission ait été une réussite et il ne croyait pas mériter un tel honneur. Certes presque tous les Gouldes avaient péri, mais à quel prix. Bon dieu, deux personnes étaient mortes, comment pouvait-on dire qu'il s'agissait d'une réussite ? Il sentit une vague de nausée lui broyer l'estomac. Et dire qu'il avait cru être à la hauteur. Peut-être… peut-être Squall n'aurait-il jamais du l'envoyer sur cette mission. Peut-être… Il sentit soudain Cid lui serrer vigoureusement la main pour le féliciter, ramenant ses pensées au présent.
_ Et Seifer ?
Le directeur ne sembla pas l'avoir entendu puisqu'il se retourna pour sortir sans lui répondre. Il regarda alors tour à tour Squall et Selphie. Les deux jeunes gens se fixèrent rapidement, s'échangeant un regard apparemment lourd de sous-entendus et Selphie se leva immédiatement pour fermer la porte. Squall s'assura quant à lui qu'ils étaient bien seuls dans la pièce, la scannant minutieusement avant de se retourner vers lui. Il allait dire quelque chose lorsque Selphie poussa un petit cri de surprise et que la porte fut à nouveau ouverte par le Commandeur. Celui-ci fixa quelques instants la scène et dit :
_ Squall, Selphie, j'ai besoin de vous voir immédiatement dans mon bureau, pouvez-vous me suivre s'il vous plait.
Les deux jeunes gens acquiescèrent en soupirant. Selphie s'avança vers lui pour lui déposer un petit baiser sur la joue en murmurant « Remets-toi vite » et Squall lui donna une petite tape amicale dans le dos.
_ Je suis désolé, soupira-t-il discrètement une expression impuissante et dégoûtée dans le regard.
Puis un peu plus fort.
_ Djoan est toujours chez Irvine et Quistis. Il va bien, enfin, il était paniqué, mais il a fini par se calmer et pour l'instant il dort. Ils ont dit que tu pouvais venir le récupérer dès que tu le souhaitais.
Zell hocha la tête de remerciement et les regarda partir, vraiment intrigué. Pourquoi toutes ses hésitations ? Pourquoi ce silence, ce regard, ces paroles ? Il n'aimait pas ça. Puisqu'ils n'avaient pas l'air de vouloir lui dire quoique se soit, il allait devoir se débrouiller. Il laissa ses jambes glisser hors du lit et attendit quelques secondes avant d'oser poser pied à terre. Il n'eut aucun vertige, aucune douleur incontrôlable et poussa un soupire de soulagement. Il enfila rapidement ses vêtements avec une seule envie, sortir d'ici au plus vite et prendre la direction du dortoir des étudiants.
Il entendit le médecin revenir dans la pièce alors qu'il terminait de lasser ses chaussures et la regarda.
_ Déjà prêt à partir, sourit-elle. Tiens, prends ça.
Elle lui tendit une pilule et un verre d'eau.
_ C'est un anti-douleur, pas d'effet de somnolence, pas de faiblesse, mais par contre, il est très efficace et crois-moi, tu vas en avoir besoin.
Il n'avait qu'à remuer un peu pour s'en convaincre, aussi prit-il de bon cœur le médicament pour l'avaler aussitôt.
_ Tiens, je t'en donnes une boite entière. Il faudra que tu viennes me voir régulièrement. Normalement, il n'y aura aucun problème, mais mieux vaut ne pas prendre de risque. Et, ah oui, évites les entraînements pendant quelques temps, conseil d'ami.
Il lui sourit et glissa la boite dans la poche de son jean.
_ Merci.
_ Bien, je te laisse regagner tes appartements, encore une bonne nuit de sommeil et tu pourras à nouveau sauter comme un cabri.
Nuit ?
Il regarda par la fenêtre pour constater qu'effectivement, le soir était déjà tombé. Il se souvenait de ce qu'elle avait dit un peu plus tôt. Ils étaient arrivés le matin. Qu'avait donc bien pu faire Seifer depuis tout ce temps ? Pourquoi les autres n'étaient-il pas au courant de ce qui s'était passé ? Ce n'était pas normal, Seifer aurait du les informer.
Et s'il lui était arrivé quelque chose ?Si…
Il lui sembla que son cœur avait cessé de battre. Il se sentit bouger sans même le vouloir et la minute suivante, il se retrouva en train de courir comme un fou dans les couloirs de l'université. Il entendit plus ou moins Kadokawi lui demander de ne pas forcer ainsi, mais il l'ignora parfaitement.
Cette impression de malaise. Ce regard.
« Je suis désolé. »
Pourquoi ? Pourquoi ? Il ne pouvait pas… il ne pouvait pas ! Ils lui auraient dit, ils auraient parlé. Ils savaient que Seifer était son ami. Il savait à quel point Djoan l'aimait. Alors ils lui auraient dit si…
Il secoua la tête. Ca ne pouvait pas être ça. Ca ne devait pas être ça !
Il lui fallut à peine cinq minutes pour traverser la BGU et parvenir jusqu'à la chambre de Seifer. Il s'arrêta devant sa porte et se donna quelques secondes pour reprendre son souffle et calmer les élancements qui lui chauffaient le torse, avant de frapper doucement d'une main tremblante, le cœur au bord des lèvres tant il avait peur.
Il attendit un peu.
Pas de réponse.
Oh mon dieu !
Non, il devait se calmer, penser rationnellement. Il y avait de grandes chances que Seifer soit seulement en train de dormir et qu'il ne l'ait tout simplement pas entendu. Il fallait que ce soit cela.
Il recommença donc plus fort cette fois-ci, tapant avec le plat de la main et en insistant plus longuement.
Et les secondes passèrent pour se faire minutes.
Toujours aucune réponse.
Et surtout, aucun bruit.
Son sang se glaça. Seifer devait être là. C'était obligé. Il savait qu'il n'avait le droit de sortir de sa chambre que pendant les heures de cours et d'entraînement ou encore pour les repas, alors en plein milieu de la nuit…
Il devait être là, il devait… Hyne…
_ SEIFER ! Cria-t-il soudain en frappant à nouveau du poing le lourd panneau de bois qui se dressait devant lui. SEIFER, TU M'ENTENDS ? OUVRE, C'EST ZELL ! OUVRE S'IL TE PLAIT !
Son boucan n'eut pour seule conséquence que de s'attirer les foudres du voisin de chambre du blond qui sortit pour l'engueuler.
_ Ca va pas non ! Vous savez l'heure qu'il est ????
Zell se fichait comme de sa première couche culotte de l'avoir réveillé, mais il s'excusa néanmoins et le jeune homme regagna sa chambre, non sans grommeler un juron à propos des couvre feux non respectés et en claquant franchement sa porte de mécontentement. Il s'en désintéressa immédiatement pour sortir de sa poche un passe qu'il se mit en devoir d'utiliser. Il lui fallut deux minutes d'efforts, autant pour calmer les tremblements de ses mains que pour ouvrir la serrure, avant d'entendre le « clic » caractéristique du verrou se débarrant et il entra aussitôt dans le petit appartement.
Il y faisait très sombre, les rideaux étant tous fermés et Zell chercha à tâtons l'interrupteur pour l'enclencher. La lumière jaillit soudain, l'éblouissant un instant et éclairant le salon/cuisine/chambre. La pièce semblait vide. La seule trace confirmant la présence de Siefer dans son appartement était négligemment posée sur une chaise et traînait en partie sur le sol. Comme par réflexe, Zell reposa correctement le trench-coat sur le dossier de fer avant de s'intéresser au reste du logement.
Il sentit son cœur manquer un battement lorsque, regardant du côté de la salle de bain, il aperçut par la porte entrouverte un corps étendu sur le sol.
Non, non, non, non, non ! Pas ça ! Pitié pas ça ! Pas lui !
Il se rua immédiatement dans la pièce pour s'agenouiller près du blond qui reposait ventre à terre, tout habillé. Zell voulut le prendre pour le retourner et il sentit immédiatement une chaleur brûler la peau de ses doigts. Le corps entier de Seifer était rongé par une forte fièvre et secouer de tremblements.
Zell dut se faire violence pour repousser la nausée qui manqua de l'envahir et il souleva doucement le blond pour le porter jusqu'à son lit. Il ne fut pas vraiment surpris de son peu de poids, mais laissa de côté son mécontentement pour le ramener dans son lit le glisser sous la couverture. Une violente quinte de toux ébranla à cet instant son corps et Zell frémit en le voyant presque convulser, ne sentant impuissant. Il eut un instant peur qu'il ne s'arrête jamais et le serra contre lui pour empêcher son corps de s'arquer trop violemment.
Dès qu'il fut calmer, il l'installa le plus confortablement possible, reposant délicatement sa tête sur l'oreiller et recouvrant à peine le bas de son corps d'un drap, avant d'aller dans la salle de bain mouiller une serviette pour s'en servir comme compresse. Revenant dans la chambre et s'asseyant sur le bord du lit, il la posa doucement sur le front de Siefer qui frémit sous le contact glacé, mais il ne reprit pas connaissance. A le voir trembler ainsi, son premier réflexe était de remonter les couvertures, mais il savait que les frissons étaient un moyen pour le corps de combattre et de se réchauffer naturellement, aussi réprima-t-il ses impulsions.
Il le regarda et hésita un instant sur ce qu'il fallait faire. Il ne voulait pas le laisser seul, mais d'un autre côté, il avait besoin d'aide. Il ne pouvait pas le laisser ainsi. Il prit sa décision lorsqu'une nouvelle quinte de toux, presque plus forte que la précédente, ébranla à nouveau le blond et il se rua hors de la chambre, courant comme un dératé pour regagner l'infirmerie, ignorant la douleur qui lui vrillait les côtes.
Il fut encore plus rapide qu'à l'allée et faillit percuter le Docteur Kadokawi qui s'apprêtait à rentrer dormir. Il lui attrapa le bras d'une main tremblante et la femme, croyant qu'il se sentait mal, se positionna pour le soutenir.
_ Est-ce que ça va ? Je t'avais dit de ne pas faire d'efforts.
Zell eut un rictus malaisé alors que la souffrance refluait lentement et lui dit :
_ Pas de problème Doc, je vais très bien. Mais ce n'est pas le cas de Siefer. Il a une forte fièvre et de la toux, il faut que vous veniez le voir. Il est très mal.
Toute expression inquiète quitta le visage de Kadokawi pour devenir totalement impassible. Elle se tritura un instant les doigts et Zell la regarda étonnée.
_ Vous…vous venez ? Demanda-t-il doucement.
_ Non !
Une réponse brève mais ferme, exprimée sur un ton qui ne supposait aucune réplique. Zell lui jeta un regard horrifié.
_ Mais… mais pourquoi ? Vous devez venir le voir, c'est votre devoir, quels que soient vos sentiments pour lui.
_ Non.
Il sut à cet instant que rien ne la ferait changer d'avis et sentit un profond dégoût lui tordre l'estomac. Ainsi tout ce que lui avait dit Seifer était vrai, ils avaient été jusque là. Ils avaient osé. Il dut se mordre la lèvre jusqu'au sang pour ne pas la frapper.
_ Puis-je au moins avoir de l'aspirine ? Demanda-t-il d'une voix glaciale.
Et devant son évidente hésitation :
_ C'est pour moi, j'ai soudain très mal à la tête.
Le médecin soupira, probablement à deux doigts de lui faire remarquer que c'était impossible avec l'anti-douleur qu'elle lui avait donné, mais réouvrit néanmoins l'infirmerie pour aller lui en chercher un tube. Elle lui donna en évitant soigneusement son regard et le jeune homme se détourna immédiatement pour repartir sans même un remerciement. Il ne dit rien, ne lui lança aucune accusation, malgré les mots qui lui brûlaient la langue. Sa conscience de médecin agirait très bien d'elle-même.
Il regagna rapidement la chambre de Seifer.
Ce dernier était toujours allongé sur son lit et inconscient. Sa respiration était rauque et difficile et Zell frappa du poing le mur près de lui, ravalant difficilement les larmes qui noyaient son regard à le voir dans cet état. Il se détourna finalement pour aller vers l'évier et il prit un verre qu'il remplit d'eau avant d'y faire glisser deux cachets d'aspirine. Il laissa les comprimés fondre lentement et se força à se calmer. Une colère sourde le consumait comme jamais il n'en avait connu auparavant, même à la mort de Linoa. Une colère contre Kadokawi, contre Cid, contre ses amis, contre la BGU tout entière. Comment avaient-ils osé !Si seulement il savait à quel point il avait changé. Si seulement… Il avait envie de les secouer comme des pruniers, mais il savait que ce n'était pas le moment de se laisser aller. Il devait d'abord s'occuper de Seifer. Il aviserait pour le reste ensuite et cela risquait de faire mal.
Il serra les poings à s'en faire blanchir les jointures, prit une grande inspiration pour se détendre et retourna dans le lit. Il regretta un instant que la Gouvernante ne soit pas là pour l'aider, que le Soins Max ou même les Curaga soient inutiles dans ses cas là, mais il ne servait à rein de se lamenter sur ce qu'il n'avait pas.
S'asseyant doucement près du malade, il lui souleva délicatement la tête et, entrouvrant légèrement ses lèvres, fit glisser un peu du liquide pétillant dans sa bouche. Soulagé, il vit Seifer déglutire par réflexe et il put lui faire boire l'intégralité du verre. Puis, il le reposa délicatement sur l'oreiller et passa doucement une main sur sa joue en feu.
_ Je suis désolé, murmura-t-il simplement.
Il ôta la compresse, maintenant chaude, de son front et alla dans la salle de bain pour remplir un bac d'eau dont il se servirait pour la rafraîchir régulièrement.
***
Pendant près d'une heure la température sembla se stabilisé pour commencer même à baisser et Zell sentit une vague de soulagement le traverser. Il essuyait régulièrement la sueur qui coulait sur le visage de Seifer et avait finalement remonté un peu les couvertures lorsqu'il avait cessé de frissonner. Néanmoins, il était toujours régulièrement secouer par une toux difficile qui semblait à chaque fois lui voler un peu plus son souffle et cela continuait à l'inquiéter.
Sans vraiment savoir pourquoi, probablement autant pour se rassurer que pour le réconforter, il lui parlait de tout et de rien, comme ils le faisaient si souvent ces derniers temps. Il avait complètement oublier sa propre douleur pour se concentrer uniquement sur son malade.
Dégageant d'un petit mouvement de main une mèche rebelle retombée sur son visage, il le contempla un instant sans rien dire. Mon Dieu, il l'aimait tellement. Il venait seulement de l'accepter. Il l'aimait et il refusait de le perdre. Il ne pourrait pas le supporter, jamais. Pas plus qu'il ne pourrait supporter de voir Djoan souffrir. Il avait déjà assez pleuré la perte de sa mère, il ne pouvait pas lui en infliger une autre. Il lui manquait terriblement à cet instant. Sa présence réconfortante, sa douceur, mais il savait qu'il ne pouvait pas lui faire subir une fois de plus une telle épreuve. Il n'avait que cinq ans bon dieu ! Et pourtant… pourtant, il savait que sa présence aurait été d'une grande aide. Cette enfant avait une volonté de fer communicative et il savait que Seifer était incapable de lui résister. Un grand balourd de vingt quatre ans manipuler par un petit bout choux. C'était à la fois comique et attendrissant.
Il sourit doucement avant de replacer correctement une des couvertures et de se relancer dans son bavardage.
Une heure passa encore lentement. Il lui récitait parfois certains poèmes du recueil qu'il avait appris, d'autres fois, il fredonnait une vieille berceuse que sa mère lui chantait enfant, avant son arrivé à l'orphelinat. C'est étrange, mais il ne l'avait jamais oubliée. Sa température continuait à baisser et il crut que le cauchemar était terminé.
Mais, vers trois heures du matin, il le sentit soudain frissonner violemment et un nouvel accès de fièvre terrassa son corps déjà affaibli, prenant en quelques instants des proportions catastrophiques. Il gémit doucement, comme sous le coup d'une intense douleur et sa respiration se fit haletante, coupée par une toux qui ne semblait plus vouloir en finir.
Zell sentit son cœur manquer un battement.
Non ! Non ! Pas maintenant.
Sans perdre une seconde, il pénétra dans la salle de bain pour y faire couler un bain, réglant l'eau quelques degrés seulement en dessous de ce qu'il jugea être sa température, pour ne pas provoquer un choc qui l'aurait tué sur l'instant. Il retourna ensuite dans la chambre, ôta rapidement les draps et déshabilla complètement Seifer. Son corps était comme un poids mort dans ses bras, alors qu'il se débattait pour lui ôter chaque vêtement, ce qui le fit paniquer un peu plus. Le prenant alors à bras le corps, il le souleva et alla le plonger dans l'eau sans se soucier d'être trempé.
L'ex chevalier n'eut aucune réaction face au changement de température et Zell s'en inquiéta d'autant plus. Maintenant fermement sa tête pour qu'il ne se noie pas, il attendit un long moment sans bouger, ignorant l'engourdissement qui gagnait peu à peu ses bras immobiles et prisonniers sous son poids.
Mais rien n'y fit.
Au bout de dix minutes, comprenant que la température ne baisserait pas, il le ressortit du bain et le sécha rapidement avant de l'envelopper, nu, dans une épaisse couverture et de le reposer sur le lit.
Il commença à sérieusement paniquer. Il ne savait pas quoi faire. Kadokawi refuserait de le soigner et il craignait de l'emmener dans un des hôpitaux publics de Balamb. Hyne savait ce qu'ils feraient.
Il ne voulait pas le perdre.
Une idée lui vint soudain. Ce n'était pas sûr qu'ils seraient là, mais il n'avait pas le choix. Il savait au moins qu'ils n'hésiteraient pas à l'aider. Il se rua hors de la salle de bain.
***
Drinnnnnnng !
Drinnnnnnng !
Drinnnnnnng !
_ Lag !
_ Hum……
Kyros secoua un peu son compagnon qui dormait comme un bien heureux à ses côtés, avant d'allumer la lumière.
Drinnnnnnng !
_ Lag ! Lag, réveille-toi !
_ Hum… 'uoi ?
Drinnnnnnng !
Loire ouvrit rapidement un œil ensommeillé qu'il referma aussitôt.
Kyros soupira et le secoua à nouveau.
_ Lag ! Téléphone !
_ Rhooooooo…veut dormir…
_ Laguna…
Le président eut une moue adorable de colère en se redressant, les yeux bouffis de sommeil et décrocha le récepteur d'un mouvement lent. Il tira la langue à un Kyros amusé près de lui avant de lui murmurer :
_ C'est de ta faute aussi si je suis si fatigué, à vouloir rattraper ces deux mois d'abstinence forcée.
_ Réponds au lieu de dire des bêtises.
Son compagnon soupira et porta le récepteur à son oreille.
_ Loire, keskignia ?
Kyros pouffa de rire et Laguna voulu lui frapper l'arrière du crâne d'une tape amicale, mais il stoppa son geste.
_ Zell ???? Qu'est-ce qu'il y a ? Il est arrivé quelque chose à Djoan ?
Le sourire de Seagill s'effaça instantanément et il se crispa. Si jamais il était arrivé quoique ce soit à Djoan ou même à Squall… Il n'osait même pas l'envisager. Il sentit sa gorge se serrer aussitôt à la pensée de l'enfant qu'il considérait réellement comme son petit-fils.
Laguna se détendit soudain et il soupira de soulagement.
_ Tu m'as fait peur, souffla d'une voix tremblante le président. Pourquoi m'appelles-tu alors?… Oui… Oui… Et ?
De longues secondes passèrent et Kyros vit le visage de Laguna se refermer dans une expression mi-furieuse, mi-inquiète.
_ Bien sûr, tu as bien fait ! Finit-il par dire. Je t'envois immédiatement l'hydre, se serra plus rapide. Nous vous attendons.
Il raccrocha rapidement et sans laisser à Seagill le temps de lui poser la moindre question, il composa un nouveau numéro.
_ Loire à l'appareil. Je veux que vous envoyez immédiatement l'hydre à la BGU… Oui, deux personnes vous y attendrons… Zell Dinch… Rien que lui et son compagnon, c'est entendu ?… Bien.
Sans perdre une seconde, il composa un troisième numéro.
_ Docteur Carltan ? Loire à l'appareil. J'aimerais que vous veniez au plus vite, je vais avoir besoin de vos services… Non, ce n'est pas pour moi… Forte fièvre te de la toux… Je ne sais pas. Je fais tout préparer pour votre arrivé.
Il reposa enfin le téléphone et resta un moment sans rien faire, ni dire. Les sourcils froncés dans une expression que Seagill lui avait rarement vue. Ce n'est que lorsque la main de Kyros se posa doucement sur son épaule qu'il sortit de ses pensées.
_ Que se passe-t-il ? Demanda ce dernier.
_ C'est Zell. Apparemment Seifer est malade et la BGU ne veut pas s'en occuper.
_ Seifer ? Almasy ?
_ Oui.
_ Mais pourquoi ne pas l'envoyer à l'hôpital ?
_ Il a peur que là aussi on refuse de le soigner.
_ Et toi tu acceptes sans hésiter ??? Après ce qu'il a fait à ton fils et à toute la population ?
Laguna soupira et dut se contenir pour ne pas se mettre en colère.
_ Déjà un, on a un peu trop tendance à oublier qu'il avait été ensorcelé. Deux, je et tu connais Zell et s'il dit que Seifer à besoin d'aide, alors je ne vais pas refuser. Trois, je te rappelle que c'est avant tout un être humain, un gosse même pour tout dire.
Seagill sursauta sous le regard noir que lui lança son compagnon.
_ Je sais… Je voulais seulement être sûr que tu savais ce que tu faisais.
_ Je le suis.
Le ton était sans réplique et Laguna se leva rapidement pour se préparer.
***
L'hydre eut à peine le temps de se poser que Zell avait déjà sauté au sol, son précieux fardeau dans les bras. Immédiatement une civière fut à ses côtés et il posa Seifer dessus. Laguna qui avait attendu son arrivé avec Cartlan et Kyros, posa doucement une main sur le front du malade et frémit en sentant la forte fièvre qui rongeait le corps beaucoup trop pâle du jeune homme.
Sans perdre une seconde, le médecin commença à l'ausculter alors qu'il était rapidement emmené dans le palais présidentiel.
Voyant Zell tituber, Laguna se porta à ses côtés et le soutient.
_ Ca va aller ? Demanda-t-il inquiet.
_ Oui, oui, souffla le jeune homme. Je me suis cassé quelques côtes et ça fait un mal de chien, mais c'est supportable.
Loire eut un pauvre sourire et l'aida à marcher.
_ J'ai fait préparer des chambres. Je te conduis immédiatement à la tienne.
_ Et Siefer ?
_ Il est avec le meilleur médecin de tout le pays. Tu peux me croire, c'est mon médecin personnel. Quoique… Tu aies peut-être raison, ce n'est pas forcément bon signe quand on me connaît.
Zell ne put s'empêcher de sourire.
_ Aller, tu n'as pas à t'en faire. J'aimerais plutôt que tu nous expliques un peu mieux cette histoire. Mais avant, tes appartements.
***
_ Et voilà.
Laguna laissa échapper un juron sanglant alors que Kyros le regardait avec des yeux ronds, visiblement sous le choc des révélations du jeune homme.
_ C'est à peine croyable, susurra Loire en se levant. Comment… Comment… ?
Il crispa le poing et commença à marcher de long en large pour calmer sa colère. Il avait vraiment peine à croire qu'ils avaient osé faire ça. Pourtant, il ne pouvait pas mettre en doute la véracité des dires de Zell. Et que Squall ait pu participer à une telle mascarade… Ca le rendait littéralement malade.
Il se rassit brutalement sur sa chaise et poussa un profond soupir.
_ Que va-t-on faire ? Demanda prudemment Seagill. Il ne peut pas… il ne doit pas retourner à la BGU. Pas dans ses conditions. Nous pourrions demander son transfère chez nous. Il y a pas mal de travail pour un guerrier de sa trempe.
Laguna adressa un sourire chaleureux à son compagnon, simplement heureux qu'il n'hésite plus un seul instant à aider Seifer. Puis son regard glissa sur Zell qui semblait tomber de fatigue, mais les fixait des remerciements muets au fond des yeux.
_ C'est une bonne idée Kyros. Je verrais ça dès la première heure demain. Zell, il vaudrait mieux que tu rentres à la BGU avant que quelqu'un ne remarque ton absence, tu pourrais avoir de sérieux…
_ NON !
Le jeune homme s'était brusquement redressé, une moue de profond dégoût marquant ses traits.
_ Zell… commença Laguna.
_ Non ! Il est hors de question que je retourne là-bas. Je ne peux pas leur pardonner ce qu'ils ont fait. Il le traite comme un animal dangereux, mais même dans ses pires moments Seifer ne se serrait jamais montré aussi cruel. Je…j'en sais quelque chose. Ils me dégoûtent, tous autant qu'ils sont.
Le jeune homme était sur le point de craquer et dans un réflexe, Loire se leva et le prit dans ses bras pour le calmer. Zell se laissa aller contre la poitrine offerte, ravalant difficilement les sanglots qui lui enserraient la gorge.
_ Chut… Ca va aller. Ce n'est pas grave. Tu vas rester ici, murmura doucement Laguna. Ca ne pose aucun problème et si Cid y trouve à redire, il entendra parler du pays.
_ Djoan… Laissa échapper doucement Zell.
_ Je vais aller le chercher de ce pas. Il est chez Irvine et Quistis, c'est bien ça.
Il le sentit hocher doucement la tête et s'écarta finalement du jeune homme. Il soupira en voyant les lourdes cernes qui marquaient ses yeux.
_ Maintenant tu vas te coucher. Et je ne veux entendre aucune protestation, s'empressa-t-il de rajouter, anticipant la réaction du jeune homme. Tu as besoin de dormir, la nuit à été dure. Je te promets de te réveiller dès que le médecin viendra nous voir.
Et sans plus attendre, il le força à s'allonger sur le lit, ôta rapidement ses bottes et glissa les couvertures sur lui. Zell se laissa aller sur le sommier incroyablement moelleux et sentit ses yeux se fermer sans qu'il le veuille alors même que le président n'avait pas encore quitté son chevet. Il tenta de repousser désespérément le sommeil, mais ne put résister à son appel et il sombra presque immédiatement dans ses ténèbres apaisantes.
Laguna sourit doucement en voyant le blond s'endormir presque aussitôt et entraîna Kyros hors de la chambre après avoir éteint la lumière. Il referma délicatement la porte et se laissa aller contre le chambranle.
_ Quelle histoire ! Souffla Seagill.
_ Hn ! Et crois-moi, elle est loin d'être terminée.
Kyros ne put s'empêcher de frissonner au ton de Laguna. Lorsque sa voix se faisait aussi froide, cela promettait beaucoup de problèmes pour ceux qui l'avaient mis en colère.
_ Que comptes-tu faire ? Demanda-t-il doucement.
_ Déjà, je vais aller chercher Djoan et je vais en profiter pour leur expliquer ma façon de penser. Ensuite, je vais retirer mes billes du jeu le temps qu'ils comprennent. On verra bien comment ils pourront s'en sortir sans mon soutien. Enfin… enfin, je vais avoir une petite discussion avec quelques personnes de ma connaissance.
_ Tu crois… Tu crois que Seifer a vraiment changé ?
La question ne contenait aucun sous-entendu méchant, juste une simple interrogation.
_ Je crois que personne n'a jamais su réellement qui il était. Sauf Zell peut-être.
Ils furent interrompus par l'arrivée de Cartlan.
Laguna lui sauta presque dessus.
_ Alors ? Demanda-t-il.
Le petit homme prit le temps de retirer ses lunettes et de les essuyer avec sa manche de blouse. C'était un tic qu'il possédait depuis que Loire le connaissait, c'est à dire depuis la grossesse de Raine et qui lui portait toujours sur les nerfs. Il fut tenter de les lui arracher des mains pour les lui reposer sur le nez, mais se contint. Il n'avait pas mentit à Zell en lui affirmant qu'il était le meilleur médecin qu'il connaissait. Il avait réussi à sauver Squall lors de l'accouchement difficile de son épouse, alors même que tous le proclamaient perdu. Et même si Raine avait succombé, au moins son fils avait-il survécu. Sans lui, il n'en aurait pas été de même. Il avait appris depuis lors la patience quant il s'agissait de le laisser agir ou parler.
Enfin, le sexagénaire remit ses verres et poussa un petit soupire.
_ Il a une pneumonie, dit-il simplement. Très grave. S'il avait été pris en charge plus tôt, mes pronostiques auraient été des plus favorables, mais dans la situation actuelle, je ne peux pas me prononcer. Il reste encore des tests à faire, mais il semblerait que nous ayons à faire à une forme très résistante de pneumocoque, il a aussi une dyspnée importante du à sa maladie qui pourrait s'aggraver…
_ Combien de chances ?
_ Je dirais une sur cinq.
Laguna frissonna.
_ Il n'y a rien à faire ? Questionna Seagill en prenant son compagnon dans les bras pour le réconforter.
_ Nous avons déjà entamé une antibiothérapie puissante, mais probabiliste, elle sera affinée lorsque nous serons sur de la nature du germe en cause, répondit platement Cartlan. Maintenant, il faut attendre. Si les antibiotiques s'avèrent efficaces et que sa dyspnée n'empire pas, il aura toutes les chances de s'en sortir. Je vais rester avec mes meilleurs assistants pour surveiller l'évolution de son état.
Kyros et Laguna se contentèrent d'acquiescer silencieusement.
_ Vous pouvez aller le voir si vous voulez.
Sur cette dernière phrase le médecin se retira pour retourner près de son patient.
_ On réveille Zell ?
Laguna secoua la tête.
_ Non, laissons-le dormir, il en a besoin. Les prochaines quarante huit heures vont être difficiles. Moi, je vais me rendre immédiatement à la BGU et ramener Djoan. Zell va avoir besoin de lui et quelque chose me dit que sa présence sera d'une plus grande d'aide pour Seifer.
_ Tu veux que je vienne ? Demanda Kyros en affermissant un peu plus son étreinte.
_ Je serais tenter de dire oui, mais il y a des choses que je dois régler seul et il faut que quelqu'un reste auprès de Seifer.
L'ex soldat hocha doucement la tête et laissa partir son compagnon qui, après avoir déposer un léger baiser sur ses lèvres, s'échappa rapidement en direction de l'hydre. Seagill le regarda partir en secouant doucement la tête, puis se dirigea d'un pas déterminé vers la chambre de Seifer.
A suivre …
