Seconde Chance

Chapitre 7

Famille

Il ouvrit doucement les yeux pour ne faire face qu'aux ténèbres. Il avait froid, horriblement froid, comme si des milliers de serpents de glace glissaient lentement le long de son corps. Et il ne voyait rien, n'entendait rien, ne sentait rien. Perdu. Jamais il n'avait eu à faire face à une telle situation auparavant. A ce vide, cette absence. Plus de cris, plus de pleurs, ni de joie, plus aucun de ses sentiments qui se déversaient lentement en lui et qu'il ressentait même s'il ne le voulait pas. Plus de crainte ni de réconfort, plus de tendresse ni de colère. Rien.

Le néant.

Il avait beau essayer de se concentrer, de se focaliser, il ne pouvait rien voir, rien toucher, rien entendre et il frémit légèrement. Il n'aimait pas ça. Détestait ça. Toute sa courte vie, il avait évité, dans la mesure de ses moyens, de trop s'approcher des gens. Hormis ses proches, il fuyait presque chaque contact physique, chaque léger effleurement pour ne pas avoir à sentir en lui la pression de leurs émotions, parfois même de leurs pensées. Sa mère avait donnait un nom à cette étrange faculté, un nom qu'il avait toujours eu du mal à retenir. Comment était-ce déjà ? En… entathie… emathie… non, empathie. Oui c'était bien ça !

Il sourit presque fièrement d'avoir pu se le remémorer. L'empathie. Le pouvoir de ressentir les émotions des autres. Il avait à la fois aimé et détesté ce don. Surtout détesté. Vivre avec ces sentiments étrangers qu'il ne pouvait contrôler, auxquels il ne pouvait se fermer, était parfois trop lourd pour ses petites épaules. Il supportait tout juste ceux de sa famille. Mais maintenant qu'ils avaient disparu de son esprit, qu'il se retrouvait seul, complètement seul, il lui semblait qu'il lui manquait quelque chose. Quelque chose d'important. Il détestait cette sensation de vide. Il voulait… il voulait…

Il se mit à sangloter doucement.

Il voulait son père, sentir ses bras autour de lui, sentir son amour diffuser dans ses pensées et le réchauffer. Il avait si froid.

_ Papa… souffla-t-il doucement.

Sa voix porta à peine avant de s'éteindre presque aussitôt et il pleura de plus belle. Il savait que son père ne viendrait pas. Il ne pouvait pas. Sa mère lui avait dit que ce ne serait pas facile, il savait qu'il devait être fort, mais c'était si dur et il se sentait si fatigué. Il avait presque envie de se laisser aller, de dormir. Fermer les yeux et tout oublier. Oublier ce sentiment de solitude écrasant.

Il se coucha doucement sur le sol froid. Il ne voyait toujours rien, mais pouvait maintenant sentir ce contact lisse, presque glissant sous lui, étrangement confortable et ferma les yeux…

… Pour les rouvrir presque aussitôt. Enfin, il croyait. Peut-être pas.

Le lieu s'était modifié. Très loin sur sa droite, il pouvait maintenant voir une lumière dorée et douce qui diffusait ses rayons jusqu'à lui, éclairant légèrement l'espace où il se trouvait. Il pouvait également observer le sol briller sous son corps, onduler presque, comme une eau calme. Une eau noire et opaque qui reflétait uniquement l'or de la lueur. Rien d'autre. Il ne pouvait pas se voir dans cet étrange miroir.

Il toucha sa surface avec précaution et pour la première fois, la sentit évoluer sous ses doigts, se déplaçant vers la source de lumière, l'invitant presque à faire de même. L'invitant presque à rester coucher et fermer à nouveau les yeux.

Cette contradiction le troubla, le déchirant presque intérieurement. Une partie de son âme voulait aller vers cette lueur, alors que l'autre lui soufflait de ne rien en faire et de se rendormir. De se reposer, enfin.

Il hésita un court instant, puis finalement se leva avec précaution, étirant ses muscles douloureusement endoloris, comme s'il avait passé des jours étendu ici et commença à avancer. Un pas après l'autre, regardant autour de lui pour essayer de distinguer autre chose, mais il n'y avait rien sinon les ténèbres à perte de vue et cette lumière. Il continua donc dans sa direction. Il lui sembla presque que des heures s'étaient écoulées avant qu'il n'ait l'impression de s'en être quelque peu rapproché. C'était frustrant, il ne paraissait pas avancer et la fatigue le gagnait à nouveau, l'envie de s'étendre et de se laisser envelopper par le voile glacial du sol sur lequel il évoluait. Il allait abandonner lorsque soudain, la lumière l'enveloppa totalement, l'aveuglant presque et il butta dans un mur invisible qui faillit le faire chuter. Il retrouva son équilibre juste à temps et se frotta les yeux pour chasser les papillons multicolores qui dansaient devant. Il secoua un peu la tête et regarda avec précaution autour de lui.

Les choses n'avaient pas beaucoup changés. Du moins, de son point de vu. Il était maintenant encerclé par cette lueur qui s'étendait à perte de vue. Au loin, il pouvait distinguer une auréole de ténèbres et à ses pieds, le sol semblait maintenant fait d'une eau blanche et aveuglante qui ne reflétait toujours que l'or. Le seul véritable changement était ce mur transparent qui se dressait maintenant devant lui. Ce mur ou ce miroir, il ne pouvait en être tout à fait sûr, sinon qu'il ne reflétait pas son corps. Il posa une main dessus. Il pouvait à peine discerner sa présence tant il se fondait parfaitement dans l'espace et lorsqu'il leva les yeux pour en distinguer le sommet, il n'en vit aucun.

Son attention fut soudain distraite par un mouvement sur sa gauche et il put voir au loin, à travers la surface, une silhouette. Il se retourna légèrement pour regarder derrière lui mais ne distingua aucune forme. Ce n'était donc pas un miroir. Laissant ses doigts courir sur sa paroi, il remonta rapidement le mur, presque en courant, pour s'arrêter brusquement quand il put enfin la voir. C'… c'était impossible. Et pourtant…

Pour la première fois peut-être, il se demanda où il était.

Devant lui, à quelques mètre à peine, se détachait parfaitement la silhouette familière de Seifer, entouré de ténèbres, assis par terre la tête entre les mains, se balançant d'avant en arrière comme il l'avait déjà vu faire à de trop nombreuses reprises. Il pouvait voir ses lèvres bouger, mais n'entendait rien de ce qu'il disait et eut envie de hurler lorsqu'il vit une larme rouler sur sa joue pour tomber à ses pieds. Il souffrait, c'était évident. Encore. N'en avait-il donc pas eu assez ? Pourquoi fallait-il que ses tourments le poursuivent toujours ?

Il frappa ses petits poings sur le mur et cria son nom, mais le blond ne sembla pas l'entendre et continua à se balancer et à réciter sa mélopée sans fin.

_ Seifer… murmura-t-il plus doucement, sachant qu'il ne pourrait jamais percevoir sa voix.

Le voir ainsi le déchirait, parce qu'il était peut-être le seul à avoir compris combien le blond avait souffert et souffrait toujours, parce qu'il avait partagé un peu de sa détresse. Parce qu'il avait adoré chaque instant passé avec lui, chaque sourire qu'il était parvenu à lui arracher à force de grimaces et de pitreries. Parce qu'en l'espace de deux mois, il était devenu un deuxième père pour lui et qu'il ne voulait plus le voir souffrir. Qu'il ne voulait pas le perdre lui aussi.

La réalité le frappa soudain. Avant que… que tout ceux-ci n'arrive, son père lui avait dit que Seifer était mourant. Qu'il n'y avait rien à faire. Il se souvenait de la douleur de son regard. Il se souvenait de ses paroles maintenant.

Il allait mourir.

Et s'il était ici et que Seifer l'était aussi…

_ Je suis mort, souffla-t-il sans vraiment y croire. Mort ?

_ Non, Djoan, répondit alors une voix derrière lui. Pas encore. Pas encore.

Il sursauta et se retourna pour faire face à la silhouette qui était soudain apparue. C'était une femme, assez grande, enveloppée d'une robe noire et argent qui s'étalait à ses pieds. Sa chevelure de jais et de carmin contrastait étrangement sur sa peau diaphane et faisait ressortir un peu plus sa beauté mystérieuse. Il recula légèrement, buttant contre le mur derrière lui, avant de demander d'une voix incertaine :

_ Qui… qui êtes-vous ?

La femme se contenta de sourire avec douceur, légèrement amusée, lui faisant comprendre que ce serait à lui de le deviner. Djoan se détendit alors quelque peu et ramena son regard sur Seifer.

_ Donc si je ne suis pas mort…

_ Lui non plus. Mais vous en êtes chacun très proche. Il ne reste plus beaucoup de temps.

_ Mais pourquoi souffre-t-il comme ça ? Demanda le petit garçon en ramenant son regard sur la femme.

Elle posa doucement une main sur sa tête pour caresser rapidement sa chevelure.

_ C'est sa fatalité. Il en toujours été ainsi.

_ Mais pourquoi ?

La femme se contenta de lui sourire tristement.

_ Ce n'est pas juste. Il ne le mérite pas ! Cria presque l'enfant.

_ Tu as peut-être raison, dit-elle. Mais les choses peuvent encore changer.

_ Comment ?

_ Tu le sais Djoan. Au fond de le toi tu le sais. Mais es-tu prêt à prendre un tel risque ?

Le petit garçon eut une moue boudeuse.

_ Maman m'a dit que se serait difficile et douloureux, mais je le veux.

La femme poussa un petit soupire et s'agenouilla devant lui, le regardant droit dans les yeux. Pourpre contre émeraude. Puissance contre détermination.

_ Je ne parle pas de ça, Djoan et tu le sais très bien.

L'enfant baissa la tête, vaguement honteux.

_ Je sais que tu es suffisamment fort pour survivre à cette épreuve Djoan, reprit-elle gentiment, traçant doucement le contour de sa joue enfantine. Je sais à quel point tu le veux. Mais es-tu prêt à prendre ce risque ? Es-tu prêt à mettre, non seulement ta vie, mais celle de ta famille, de tes amis, de millions de gens, en jeu ? C'est pour une bonne raison qu'il n'y a jamais eu de sorcier mâle dans toute notre histoire, Djoan. C'est pour une bonne raison qu'il était jusqu'ici impossible de transmettre nos pouvoirs à un homme sans le tuer. Tu le sais Djoan. Ta mère te l'a dit, cette puissance destructrice… Il est déjà très dur pour une sorcière de ne pas succomber à l'appel du pouvoir, ce serait presque impossible pour un sorcier. La tentation est trop grande et tu serais tellement puissant. Tellement plus puissant qu'Ultimecia ou que…

_ Toi… finit le petit garçon dans un murmure, relevant enfin ses yeux pour la regarder.

_ Ou que moi, sourit la sorcière démasquée.

_ Mais maman a résisté et Edéa aussi.

_ Edéa est forte et elle avait un atout majeur dans son jeu, Djoan. Ta mère… ta mère a résisté car elle et moi ne nous sommes jamais complètement liées. C'est également pour ça qu'elle est morte, je suis désolée.

L'enfant se contenta de hocher doucement la tête avant de tourner à nouveau son regard vers Seifer.

_ Et… et si je ne le fais pas ? Si je ne me lie pas à toi ?

_ Alors Seifer mourra et toi aussi peut-être, mais pas si je peux l'en empêcher.

_ Tu peux le sauver ? Demanda l'enfant plein d'espoir.

_ Non, Djoan, je suis désolée. Tu es le seul que je pourrais peut-être protéger, car tu as déjà la magie de Linoa en toi et que nous sommes donc en quelque sorte liés. Seifer… a ses propres liens, mais il est malheureusement trop tard.

Le visage du petit garçon se ferma et il retint à peine ses larmes.

_ Et toi ? Demanda-t-il doucement.

_ Je disparaîtrais. Jusqu'ici l'âme de Linoa me permettait d'exister tant que je n'avais pas totalement transmis mes pouvoirs, maintenant qu'elle a disparu… Mais ce n'est pas grave, Djoan. J'ai suffisamment vécu et j'ai accompli déjà bien trop de choses. De terribles choses. Il vaut sûrement mieux que je disparaisse enfin.

Le petit garçon renifla doucement et chassa rapidement ses pleurs.

_ Et si j'accepte ?

_ Si tu survis au transfert, répondit la sorcière, ta puissance sera sans égale. Elle se développera avec le temps, mais tu seras rapidement plus fort et dangereux que toutes les sorcières ayant jamais existées. Et si tu ne sais pas résister à son attrait… personne ne pourra jamais t'arrêter. Si tu choisis cette voix Djoan, ta vie sera très difficile, il te faudra te contrôler à chaque instant, ne jamais laisser tes sentiments prendre le dessus, car au moindre écart, au moindre accident, tu seras perdu et tous les gens qui tu aimes avec toi. Ce sont les sentiments d'Ultimécia, sa haine et sa douleur, sa trop grande douleur qui ont causé sa perte et ce sont les miens qui m'ont trahis tout autant. Crois-tu pouvoir vivre ainsi, Djoan ? Es-tu sûr d'être assez fort ?

Le petit garçon la considéra un long moment, avant de regarder Seifer, puis de ramener à nouveau ses yeux sur elle. Il prit une petite inspiration et dit :

_ Je le veux.

La sorcière soupira devant son évidente détermination. Elle savait que c'était extrêmement dangereux, mais la force qu'elle pouvait voir un lui, lui donnait un espoir. Un petit espoir. Peut-être saurait-il y échapper.

_ Très bien, dit-elle. Donne-moi ta main.

Djoan s'exécuta aussitôt et elle prit délicatement la petite poigne. Hyne, pensa-t-elle. Il est si jeune. Donnez-lui la force ! Et elle lui sourit pour le rassurer.

Elle allait forger le lien lorsqu'il l'arrêta soudain.

_ Adel ? Demanda-t-il apeuré. Tu m'aideras, hein ? Tu m'aideras à résister.

La sorcière le considéra quelques instants, surprise, avant de lui répondre gentiment.

_ Bien sûre et je ne serais pas seule.

Djoan lui sourit alors et ferma les yeux, la laissant les lier pour l'éternité.

***

Le hurlement s'arrêta soudain, laissant tous les spectateurs du drame sous le choc. Zell souleva un peu plus le corps, maintenant complètement inerte, de son fils pour le caler contre sa poitrine, glissant sa tête au creux de son épaule pour la soutenir. Il effleura doucement sa pommette, laissant, sans s'en rendre compte, ses larmes dévaler ses joues et sourit doucement devant son expression angélique.

_ Djoan ? Souffla-t-il. Djoan, réveille-toi mon poussin, ce n'est pas l'heure de dormir.

Mais son fils ne bougea pas. Il fronça légèrement un sourcil et le secoua délicatement pour ne pas lui faire mal. Il n'avait jamais bousculé son fils, il n'allait pas commencer aujourd'hui.

_ Djoan, répéta-t-il encore. Aller réveille-toi petit monstre, si tu te réveilles, je te promets de te faire des crêpes ! Je sais que tu adores ça.

Lorsque son enfant ne fit pas mine de se réveiller, il soupira doucement. Il devait être réellement fatigué, mieux valait le laisser dormir encore un peu. Ces derniers temps avaient été très épuisants et il semblait tellement paisible ainsi. Cela lui faisait mal au cœur de devoir le réveiller. Bah, les crêpes pourraient toujours attendre.

Il sourit un peu plus et se mit à le bercer, fredonnant doucement une mélodie qu'il avait apprise pour sa naissance. Il savait que Djoan avait toujours adoré cette comptine, même s'il ne chantait pas particulièrement bien et la lui réclamait souvent.

_ Zell ? Souffla soudain une voix près de lui.

Il releva la tête pour voir Laguna le dévisager, choqué et affligé pour une raison qu'il ne comprenait pas, le regard rempli de larmes.

_ Chut, dit-il doucement en posant un doigt sur ses lèvres. Tu vas le réveiller, je crois qu'il a besoin de sommeil.

Il ramena son regard sur son fils.

_ Regarde-le, il a l'air tellement épuisé. J'oublie parfois que ce n'est encore qu'un petit enfant. Je vais le laisser dormir encore une heure ou deux, après nous pourrons faire des crêpes.

Il n'entendit pas le hoquet de stupeur de ses amis lorsqu'il prononça ses paroles et se releva rapidement pour porter Djoan jusqu'au canapé et l'y étendre. Il plaça un petit coussin sous sa tête et tira une couverture sur son corps avant de s'asseoir à ses côtés et recommencer à chanter tout en caressant sa joue.

Laguna ferma les yeux en le voyant agir ainsi et serra les poings à s'en faire saigner. Il ne savait pas ce qui était le plus douloureux, savoir que Djoan était… mort… oh Hyne… ou voir Zell réagir ainsi. Son esprit avait dérapé, incapable d'accepter la vérité, il était en train de s'en créer une autre. Une autre qu'il allait falloir stopper s'il ne voulait pas le perdre lui aussi dans les Abymes de la folie.

Comment les événements avaient-ils pu dégénérer aussi vite ? En quelques secondes, il venait peut-être de perdre deux des personnes qui comptaient le plus dans sa vie et une troisième ne tarderait pas à suivre, même s'il n'avait, pour le moment, pas la même importance. Elle était la clef de voûte de ce drame et il était presque sûr qu'avec le temps, il aurait pu apprendre à aimer Seifer comme son propre fils, comme il l'avait fait avec Zell.

Et maintenant…

Il se força à repousser ses sentiments, sa douleur et sa peine. Il ne pouvait pas se laisser aller, pas pour l'instant. Il avait encore une toute petite chance de pouvoir sauver Zell, même s'il n'était pas certain que ce soit une bonne idée, et allait le faire. Devait le faire. Le laisser croire que son fils était encore vivant était peut-être la meilleure solution, mais vivre ainsi n'était pas vivre et combien même il souffrirait par la suite, il ne pouvait pas le laisser dans cette illusion. Combien même, il ne voulait que pleurer à cet instant, il n'en avait pas encore le droit.

Il fit un pas vers le jeune qui lui tournait maintenant le dos pour s'occuper de son fils, mais fut stoppé par la main qui n'avait pas lâché son bras depuis que Zell avait hurlé et qu'ils avaient compris. Il ne s'était pas rendu compte que Kyros l'avait agrippé, perdu dans sa propre peine et le tenait encore avec force. Il se tourna pour regarder son amant et pâlit un peu plus. Jamais il n'avait vu son compagnon si choqué. Il semblait à peine encore capable de tenir sur ses jambes et sa peau était si pâle, malgré son teint mât, que s'en était effrayant.

_ Kyros ? Demanda-t-il soudain très inquiet.

Le guerrier releva lentement la tête et lorsque son regard croisa le sien, sa respiration fut coupée. Ses grands yeux marrons semblaient incapables de focaliser, comme morts, les pupilles dilatées à l'extrême. Il n'était même pas sûr qu'il pouvait le reconnaître.

_ Non ! Dit-il.

Il ne pouvait pas lui faire ça, pas lui aussi ! Il ne pourrait pas tenir s'il n'avait pas un minimum de soutien.

_ Kyros ! Hurla-t-il presque en le secouant. Ne me fait pas ça ! Ne me lâche pas maintenant !

Mais son compagnon ne sembla pas l'entendre et il tomba à terre entraînant Laguna avec lui qui le prit dans ses bras pour ne pas qu'il s'effondre complètement.

_ Kyros, souffla-t-il à nouveau, maintenant terrorisé.

Il soutint du mieux qu'il put le poids mort du guerrier qui ne réagit toujours pas lorsqu'il commença à le secouer pour tenter de le sortir de sa torpeur.

_ Nonononononononononon !

Mais rien n'y fit.

Kyros lui avait dit un jour à quel point Djoan avait pris une part importante dans sa vie et il avait pu voir l'amour filial qu'ils se portaient. Il se souvenait même en avoir été légèrement jaloux. Mais il n'avait jamais cru que se pouvait être à ce point.

_ Kyros, je t'en pris.

Sa voix était désespérée, mais pas plus que le reste, elle ne fit réagir le guerrier.

_ Laguna...

Loire se retourna pour voir Cartlan l'écarter doucement et enfoncer une aiguille dans le bras de Seagill.

_ Il est en état de choc, dit simplement le médecin. Ce calmant va l'aider à dormir, il ira mieux ensuite, enfin… vous devriez plutôt vous occuper de votre protéger.

Le Président hocha à peine la tête et laissa Kyros au bon soin de Kaal pour se redresser péniblement. Mais que pouvait-il faire ?

Calme-toi ! Calme-toi ? Réfléchis. Il doit y avoir un moyen. Ne pas paniquer. Hyne, pourquoi ça ?

_ Laguna ?

Il releva la tête pour faire face à Edéa. La sorcière était un masque de sérénité, même si son regard trahissait son propre désarroi.

_ Laguna, je serais bientôt là. Occupez-vous de Zell, s'il vous plait.

Le président hocha rapidement la tête. Elle avait raison. S'occuper de Zell. Kyros était entre de bonne main. Pour l'instant, il devait sortir le jeune Seed de son état.

Il jeta un coup d'œil par la fenêtre et vit que l'aube était sur le point de se lever. Une nouvelle journée et tant de chose avait changé. Il avait presque du mal à le réaliser. Secouant la tête, il se força à organiser ses pensées et après voir pris une longue inspiration, se dirigea lentement vers Zell.

C'est assez ironique, pensa-t-il, comme les choses ne sont jamais ce qu'elles paraissent.

Aux yeux de beaucoup de monde, il était un clown, assez irresponsable en règle général, très niais même pour certains et pourtant, pour la quatrième fois au moins en deux mois, il se montrait plus à même à supporter et à agir sur les évènements que n'importe qui d'autre. Il devenait le pilier qui stabilisait un temps soit peu toute cette vie sur le point de s'écrouler.

Il eut un petit sourire triste. Il aurait aimé que cette tâche ne lui incombe pas.

Il arriva finalement près du jeune homme et après une brève hésitation, prit place à ses côtés. Zell ne sembla pas le remarquer pendant un long moment, continuant doucement à fredonner et il fut presque surpris de voir encore ses larmes couler. Il comprenait donc la vérité, dans un sens, il suffisait juste de la lui faire accepter. Hyne, il allait se détester de lui faire cela. Il posa finalement une main sur son épaule pour attirer l'attention du jeune homme qui releva aussitôt la tête.

_ Laguna, sourit-il en le reconnaissant. Il est beau tu ne trouves pas, si calme, si paisible.

Son aîné se mordit les lèvres, mais se força à sourire, gardant son regard encrer à celui du jeune homme pour ne pas avoir à regarder le corps sans vie de Djoan. Il n'était pas sûr de le supporter.

_ Oui Zell, dit-il finalement. Il est superbe, mais il faut le laisser aller maintenant.

_ Non, répondit aussitôt le jeune tatoué. Je veux dire, je veux être là lorsqu'il se réveillera. Il est toujours tellement heureux lorsque c'est le cas.

_ Zell, soupira Laguna. Zell… il ne se réveillera pas.

_ Bien sûr que si, contra immédiatement son cadet, fronçant un sourcil de contrariété. Pourquoi ne le ferait-il pas ? Il est seulement un peu fatigué.

_ Zell…

_ Juste un peu fatigué, c'est tout. Il n'y aucune raison. Aucune.

Laguna put voir le masque commencer à se craquer et ferma un instant les yeux pour se donner la force de continuer.

_ Il est mort, Zell.

_ Aucune, murmura le jeune homme comme s'il ne l'avait pas entendu, commençant à se balancer légèrement d'avant en arrière.

_ Zell, je…

_ Non, non, pourquoi ne se réveillerait-il pas. Il va bien. Tout va bien. Il… il…

Il s'arrêta de bouger et se prit soudain la tête dans les mains.

_ Il… il est mort, souffla-t-il finalement d'une voix rauque. Au mon dieu, il est mort. Mort. Mort. Mort. Hyne, Laguna, je… non… je ne veux pas… je ne peux pas. NON !

Sans réfléchir, l'ex soldat aux yeux béryl saisit son cadet dans ses bras, le serrant avec force, presque à l'étouffer, sachant inconsciemment que c'était la seule chose à faire et bientôt, il put le sentir sangloter contre lui, alors que ses larmes brûlantes roulaient sur sa peau.

_ Non… L'entendit-il souffler contre lui. Non…

_ Je suis désolé, murmura Loire. Mon dieu, Zell. Je suis tellement désolé.

Et il continua à le tenir, incapable de le laisser aller, incapable de réellement réfléchir, perdu maintenant dans sa propre douleur, alors qu'il sentait le jeune homme se raccrocher à lui comme à une bouée.

Ce n'est qu'au bout de cinq minutes peut-être qu'il se rendit compte d'une chose étrange. Il sentit presque son cœur manquer un battement lorsqu'il prit conscience que quelque chose… ou quelqu'un, tenait fermement un pan de sa chemise, tirant dessus avec force. Il n'y avait d'abord pas prêté attention, pensant qu'il s'agissait de Zell, mais les bras du jeune Seed était maintenant passés autour de sa taille. Presque tremblant, sa respiration bloquée dans sa gorge, il baissa les yeux vers la forme inerte de Djoan et faillit presque s'évanouir.

C'était bien sa petite main enfantine qui s'accrochait désespérément à lui. Pourtant, il pouvait voir qu'il ne respirait pas, alors…

Ses pensées n'eurent pas le temps de cheminer plus loin. Avant même d'avoir vraiment réaliser ce qu'il se passait, le corps du petit garçon fut pris d'un spasme, puis une deuxième, jusqu'à convulser. Zell qui avait également senti son fils bouger, s'écarta soudain de son aîné et dévisagea, effrayé, la scène qui se jouait sous ses yeux.

_ Que… souffla-t-il lorsque Djoan cessa soudain ses mouvements spasmodiques pour arquer son dos et ouvrit les yeux.

Il resta quelques secondes ainsi devant les deux adultes médusés qui ne savaient quoi faire ni croire avant de prendre finalement une longue respiration laborieuse et retomber en sueur sur les coussins du canapé, haletant doucement. Il avait refermé les yeux, mais il respirait.

Il respirait.

Zell le regarda un long moment sans pouvoir y croire. C'était impossible. Il était mort. Il l'avait vu mort. Il avait tenu son corps sans vie, avait tâté son pouls inexistant. Il ne… il ne pouvait pas… il…

Il avança finalement une main tremblante vers son enfant sous le regard troublé de Laguna qui n'osait bouger ni même cligner des yeux de peur que ce miracle ne soit qu'un mirage de son esprit qui se fanerait au moindre geste. Il hésita un instant avant de toucher sa peau moite et sursauta presque lorsque le petit garçon ouvrit à nouveau son regard pour le dévisager et lui sourire.

_ Dj… Djoan ?

_ Papa, souffla le petit bonhomme d'une voix un peu éraillée mais heureuse. Tu vois, j'y suis arrivé.

_ Oh mon Dieu ! Djoan ! Cria Zell en prenant son fils dans ses bras et le serrant fièrement contre lui avant de l'inspecter minutieusement pour être sûr qu'il n'avait rien.

Il riait et pleurait en même temps, de même que Laguna qui s'était joint à lui pour s'assurer que l'enfant allait bien et ils ne consentirent à le lâcher qu'une fois sûrs qu'il ne s'agissait pas d'un rêve.

_ Djoan, dit alors Zell. Ne me refait plus, plus jamais ça, c'est compris ! Plus jamais.

Et il serra encore une fois son fils contre lui qui lui rendit son étreinte.

_ Je suis désolé, souffla le petit garçon avant de se dégager, un grand sourire aux lèvres. Mais j'ai réussi.

_ Quoi ? Souffla Laguna.

_ J'ai réussi.

Et avant même que les deux adultes n'aient pu faire le moindre geste, il sauta du lit sous les regards abasourdi des autres personnes présentes, plus agile qu'une anguille et courut vers le lit où reposait Seifer.

_ Djoan, attend ! Cria son père et se levant à sa suite, imité par Laguna.

Mais le petit garçon ne les écouta pas et grimpa rapidement sur la literie, ne prenant pas garde cette fois à ne débrancher aucun fil et posa ses mains sur le torse du blond qui se soulevait avec moins de force maintenant. Il se concentra légèrement et put presque sentir une main le guider, puis, d'instinct il laissa la magie passer à travers lui pour envelopper le corps de Seifer. Il ne resta ainsi quelques secondes avant de se reculer, un sourire satisfait aux lèvres et de se retourner vers les adultes.

_ Voilà, dit-il fièrement, il est guéri.

Personne n'osa bouger pendant quelques instants, dévisageant étrangement le petit garçon. Cartlan fut finalement le premier à réagir pour venir ausculter rapidement son malade et presque défaillir sous le choc. Il relut plusieurs fois les chiffres des machines après avoir essuyé ses lunettes, prit lui-même la température, le pouls et la tension de Seifer, avant de rester pendant une seconde immobile, trop stupéfié pour même parler.

_ C'est vrai, finit-il par dire. Il… il est guéri, c'est incroyable. Totalement guéri.

Et sans attendre, il demanda à ses assistants de le rejoindre pour débrancher le jeune homme, lui ôter ses perfusions et le désintuber.

Djoan sauta du lit pour les laisser faire et fut immédiatement soulever par Zell qui le prit contre lui.

_ Djoan ?

_ Je te l'avais dit, sourit à nouveau le petit garçon avant de bayer.

_ C'est merveilleux Djoan, dit gentiment Laguna, qui réfléchissait déjà aux répercussions de cette situation et sentait grandire en lui une nouvelle inquiétude. Merveilleux. Zell, tu devrais aller le coucher, il est visiblement épuisé. Je vais m'occuper de tout ici.

Le jeune homme fut trop heureux de répondre par l'affirmative, encore sous le choc de ce qui venait de se passer et sortit rapidement de la pièce pour regagner les appartements que Laguna lui avait donnés. Il s'arrêta néanmoins sur le pas de la porte.

_ Seifer ?

_ Je vais m'en occuper, répondit gentiment son aîné. Dès qu'il se réveillera, tu seras prévenu.

Zell acquiesça rapidement avant de fermer le panneau derrière lui.

Laguna soupira et jeta un rapide coup d'œil vers le lit ou Cartlan s'occupait toujours du blond, avant de s'installer devant l'intercom.

_ Edéa, dit-il simplement.

_ J'ai vu, dit la sorcière, mais je ne pourrais rien dire temps que je ne serais pas là.

Il hocha légèrement la tête avant de la laisser retomber en arrière et fermer les yeux, soudain terriblement fatigué. Pourtant il ne pouvait pas encore se permettre de dormir, il y avait encore trop de choses à comprendre et une petite voix lui disait qu'il aurait encore d'autres tragédies avant la fin de la journée.

***

Zell coucha délicatement son fils dans le grand lit de tentures bleues nuit, prenant bien soin de ne pas le réveiller. Il s'était rapidement endormi contre son torse alors qu'il faisait chemin vers sa chambre et il n'avait cessé depuis lors de surveiller son souffle pour être sûr qu'il respirait toujours.

Il avait été si proche de le perdre.

Il souffrait encore au souvenir de la douleur qui l'avait dévasté lorsqu'il avait su qu'il était mort. Lorsqu'il avait su qu'il ne pourrait jamais plus voir son sourire, entendre son rire, être témoin sa gaieté. Son univers s'était écroulé en un instant. Une terrible seconde de folie pure. Il ne pensait pas qu'il aurait survécu bien longtemps, la souffrance était trop intense. S'il avait eu quelque chose à laquelle se raccrocher peut-être, mais… mais la seule personne qui lui aurait peut-être donné la force de continuer, allait, elle aussi, mourir. Que lui serait-il resté alors ?

Rien. Plus rien. Même l'amour de Laguna et Kyros n'aurait pas suffit.

Mais son fils était bien vivant et Seifer… Seifer aussi.

Il caressa doucement la chevelure de son enfant et Djoan soupira de contentement dans son sommeil, se roulant en boule et agrippant inconsciemment sa main. Il sourit avec tendresse et faillit fredonner sa berceuse, mais s'arrêta net, le cœur comprimé dans la poitrine et un goût de cendre dans la bouche. Il déglutit péniblement et se força à respirer avec calme, refoulant la panique qui l'avait soudain submergée. Il ne pensait pouvoir un jour chanter à nouveau cette comptine.

Il secoua la tête, s'empêchant de vérifier si le cœur de son fils battait encore et l'observa un long moment. Il semblait si jeune. Etait si jeune. Et pourtant, ce dont il avait été témoin… il aurait voulu ne pas y penser, mais il n'avait pas le choix, il fallait faire face à la réalité. Son fils était un sorcier. Il ne comprenait pas encore trop comment ni pourquoi, mais il savait ce que cela impliquait. Et tout à la joie de le savoir vivant, il ne pouvait s'empêcher de craindre l'avenir. De craindre de l'avoir retrouvé pour mieux le perdre.

De craindre son propre enfant.

Il ferma un instant les yeux, avant de se pencher pour lui embrasser le front.

Quoi qu'il arrive, il ne laisserait pas cette peur gagner, il ne la laisserait pas l'empêcher de l'aimer autant qu'avant.

Jamais.

***

Laguna écarta doucement une mèche du front de Kyros et sourit légèrement lorsque son compagnon grogna dans son sommeil, chassant inconsciemment cette main taquine. Il attendit quelques instants et voyant qu'il ne réagissait pas, recommença, s'attirant une nouvelle protestation bougonne de la part du guerrier.

Lorsqu'il avait quitté le chevet de Seifer, toujours endormi, mais totalement remis, Cartlan lui avait dit que le calmant n'aurait bientôt plus d'effet et il s'était empressé de rejoindre Kyros. Cela faisait maintenant presque trois heures que les évènements avaient eu lieu, mais il avait l'impression que cela faisait des jours. Il avait également fini par découvrir les marques qui enchâssaient la peau du jeune homme et avait attentivement écouté les explications de Kaal. Sa colère ne s'en était faite que plus forte alors et sa fatigue également. Il se sentait vidé par trop d'émotions.

Sachant le jeune homme entre de bonnes mains, il ne s'était pas inquiété de le quitter et attendait maintenant patiemment que Kyros veuille bien se réveiller. Il effleura cette fois sa joue et fut enfin récompensé de ses efforts lorsqu'il vit la ligne de son regard commencer à se craquer légèrement, dévoilant à peine ses yeux encore embrumés et cotonneux. Il les referma pour les rouvrir presque aussitôt et bâtit plusieurs fois des paupières pour chasser le sommeil provoqué qui tentait à le faire replonger.

Sentant enfin la présence à ses côtés, il se tourna légèrement et sourit lorsqu'il reconnut Laguna qui le fixait tendrement.

_ Eh, dit-il d'une voix encore mal réveillée.

_ Eh, lui répondit Laguna. Comment te sens-tu ?

_ Comme si un camion m'était passé dessus. Que s'est-il passé ?

_ Tu ne te souviens pas ?

Kyros fronça les sourcils et tenta de retrouver le chemin logique de sa mémoire encore incertaine. Son visage se fit soudain plus sombre.

_ Je me souviens que j'étais dans la chambre de Seifer et que tu parlais à Edéa quand Djoan a…

Cette fois, il pâlit réellement.

_ Oh mon dieu, souffla-t-il, les yeux écarquillés d'horreur, Djoan !

_ Chut, souffla Laguna, avant qu'il ne recommence à paniquer. Tout va bien, Djoan va bien. Il est vivant.

Kyros serra la main qu'il avait attrapée inconsciemment et demanda d'une voix incertaine :

_ Vivant ?

_ Oui, bien vivant et en pleine forme.

Le soulagement qui passa sur le visage du guerrier à la peau mât fut évident et c'est presque tremblant qu'il se redressa en position assise.

_ Merci Hyne, souffla-t-il. Mais comment ?

_ Je n'en suis pas très sûr. Mais apparemment Linoa lui a transmis ses pouvoirs et il a survécu.

Laguna ne manqua pas le tressaillement de son compagnon au nom de la sorcière, mais ne le releva pas. Ce n'était pas la première fois qu'il se troublait ainsi, mais à chaque fois qu'il avait essayé de le pousser à se confier, il s'était immédiatement refermé.

_ Il a également sauvé la vie de Seifer, poursuivit-il. Il… il est très puissant. Mais ce petit miracle lui a coûté pas mal de force et Zell l'a emmené se reposer.

Kyros hocha distraitement la tête et sourit doucement.

_ J'aimerais le voir.

_ Il doit encore dormir et tu n'es pas encore remis, le sédatif que Cartlan t'a donné était puissant, je ne suis pas sûr…

_ Laguna, s'il te plait.

_ D'accord, soupira le Président qui n'avait plus la force de discuter. Essaye de te lever.

Seagill le remercia silencieusement avant de glisser ses jambes hors du lit pour les laisser pendre un petit moment, avant de tenter de se redresser. La tête lui tourna un peu lorsqu'il se leva, derniers effets des médicaments et il dut prendre légèrement appui sur Laguna pour ne pas tomber.

_ Ca va aller ? S'inquiéta Loire.

_ Humhum, juste un petit vertige, ça va passer.

_ Bien, on va essayer de faire quelques pas.

_ Lag, sourit Kyros, ce n'est pas comme si j'avais été blessé ou quoi que ce soit.

_ Non, répondit le président en grimaçant, tu as juste craqué complètement dans mes bras au point de me foutre une trouille monstre. Trois fois rien franchement. Je ne voix même pas pourquoi je devrais m'inquiéter. Après tout, tu es juste une des personnes qui m'est les plus chers au monde.

_ Désolé, murmura l'ex soldat en se mordant l'intérieur de la joue.

Laguna soupira.

_ Non, c'est moi. Les dernières heures ont été vraiment pénibles et je n'ai pas pu dormir comme un gros bébé, contrairement à certain ! Dit-il avec humour.

Puis plus sérieusement.

_ C'est juste que…

_ Je sais, le coupa Seagill avant de l'embrasser doucement. Je sais.

Laguna sourit un peu plus et approfondit leur étreinte, éloignant au moins pour quelques secondes ses tourments avant de s'écarter à regret.

_ Bon, dit-il finalement. Et si nous allions voir tout ce petit monde.

***

Les deux quadragénaires n'eurent pas le temps d'atteindre la porte de la chambre de Zell avant que celle-ci ne soit soudain ouverte et qu'une petite tête brune ne saute soudain dans le couloir en riant.

_ Djoan ! Cria son père visiblement encore dans la chambre. Veux-tu bien attendre une seconde, petit monstre.

_ Mais papa, protesta le garnement avant de remarquer les deux personnes qui approchaient rapidement.

Un immense sourire fendit immédiatement son visage et il sauta presque de joie avant de se précipiter vers eux.

_ Grand-pa, Grand-père ! Hurla-t-il gaiement.

Kyros eut à peine le temps de se pencher avant de réceptionner la boule brune dans ses bras et la soulever pour le serrer contre lui.

_ Grand-pa, protesta l'enfant tout sourire. Tu m'étouffes.

_ Pardon poussin, murmura le guerrier en relâchant un peu sa prise, je suis juste content de te voir.

_ Moi aussi, ronronna presque Djoan en se calant contre lui.

Laguna sourit tendrement devant la scène, bientôt imiter par Zell qui, en les voyant, s'était empresser de fermer la porte pour les rejoindre.

_ Nous allions voir Seifer, les informa-t-il en arrivant à leur hauteur, mais seul Laguna sembla l'entendre et hocha rapidement la tête.

_ Et nous venions à votre rencontre, dit simplement ce dernier. J'avais en Kyros en manque de papouilles de son petit-fils, au bord de la crise de nerfs.

Zell rit un peu à cette remarque, mais son regard conserva une note sombre qui n'échappa à son aîné.

_ J'ai parlé à Edéa. Elle a dit qu'elle verrait ça dès son arrivé.

_ Merci.

Laguna lui posa une main sur l'épaule pour le rassurer avant de reporter son attention sur son compagnon qui écoutait avec intérêt comment le petit garçon avait sauvé la vie de Seifer.

_ Et c'est venu comme ça, pépia-t-il avec enthousiasme. Et il était guéri.

_ Juste comme ça, fronça un sourcil Seagill sur un ton bon enfant.

Djoan rougit légèrement.

_ Bah, non, p as tout à fait comme ça, avoua-t-il. Je crois pas que j'y serais arrivé tout, alors Adel m'a aidé.

_ Adel ? S'étouffa presque Laguna.

_ Oui. C'est elle qui m'a donné mes pouvoirs et elle m'a dit qu'elle m'aiderait à les contrôler.

_ Elle te parle ? Demanda Kyros soudain très sérieux.

_ Oui, enfin non. Elle m'a parlé au début, mais quand j'ai guéri Seifer c'était plus… je ne sais pas, comme s'il elle m'avait guidé. C'est difficile à expliquer.

Les deux adultes restèrent quelques instants sans bouger, trop stupéfié. Zell était moins étonné car Djoan lui avait déjà raconté, mais c'était également pour cette raison que savoir la Gouvernante en route le rassurait grandement.

_ Bon, dit-il, et si nous allions voir Seifer.

_ Ouai ! Cria le garnement en se dégageant des bras de son grand-père encore surpris.

Mais avant qu'il n'ait pu courir, il fut saisit par la main ferme de son père.

_ Tatata, jeune homme. On y va doucement.

_ Mais papa !

_ Pas de " mais papa " qui tienne, tu es encore fatigué et si Seifer dort encore, je ne veux pas que tu le réveille en courant dans sa chambre.

_ Bon d'accord, capitula Djoan en faisant sa moue la plus adorable qui ramena un sourire sur le visage de chaque adulte.

Pour l'instant, son " changement " n'avait pas l'air de l'avoir trop affecté, ce qui était plutôt rassurant, mais ils n'en sauraient pas plus tant que Edéa ne serait pas là.

Sans perdre une seconde de plus, le petit groupe gagna rapidement la chambre transformée en poste de soin et y entrèrent doucement. Les rideaux grands ouverts laissaient maintenant filtrer les premiers rayons de la journée, éclairant directement le lit sur lequel Seifer était désormais assis, recroqueviller dans un coin. Cartlan et ses assistants se tenaient à bonne distance et poussèrent un visible soupire de soulagement en les voyant entrer. Le jeune homme, lui, ne leva même pas la tête qu'il tenait entre ses mains, tremblant et lorsqu'il le vit Zell jura entre ses dents. Il avait été stupide. Stupide de laisser Seifer se réveiller seul dans un lieu qu'il ne connaissait pas, au milieu de gens qu'il ne connaissait pas et qui devait probablement lui rappeler ce qu'il avait vécu. Lâchant Djoan qui avait lui aussi comprit la situation et retenait ses deux grands-pères, il se porta immédiatement à sa rencontre, s'asseyant près de lui. Il ne fit rien pendant quelques instants le détaillant quelque peu. La dernière fois qu'il l'avait réellement vu, il était presque agonisant et maintenant, mis à part les légers tremblements qui secouaient son corps, il paraissait parfaitement en forme. Il lui semblait même qu'il avait gagné encore un peu de poids. Djoan avait visiblement fait plus qu'il ne le pensait.

Un petit soupire de soulagement passa ses lèvres de le voir ainsi bien vivant. Malgré ce que lui avait dit son fils, il n'avait pu s'empêcher de craindre le pire. Maintenant, ces dernières heures ne semblaient plus qu'un lointain cauchemar.

_ Seifer, souffla-t-il gentiment.

Le blond ne réagit pas immédiatement et Zell avança alors prudemment une main pour toucher son épaule.

_ Seifer, c'est moi.

Le jeune homme releva finalement la tête et le dévisagea un long moment avant de murmurer :

_ Zell ?

_ Oui, sourit le Seed, rassuré de ne pas le voir se refermer comme une huître et détourner son regard.

Il se détendit visiblement avant de le prendre dans ses bras avec force.

_ Seifer ? Demanda le jeune homme à moitié écrasé.

Seifer le lâcha aussitôt, rouge de honte et se recula.

_ Pardon… je… je… ça va ?

_ Oui, ne t'en fait pas.

_ Où… où sommes-nous ? Demanda-t-il finalement, regardant réellement pour la première fois autour de lui. Que s'est-il passé ?

_ Longue, très longue histoire, soupira Zell. Pour faire court. Tu es tombé malade en me sauvant, idiot…

Seifer grimaça un sourire à cette remarque.

_ … et comme personne ne voulait t'aider à la BGU, j'ai demandé à Laguna et Kyros, dit-il en indiquant les deux aînés qui s'approchèrent enfin, qui ont immédiatement accepté et t'ont même offert le meilleur médecin de cette ville et même probablement de cette terre. Nous sommes à Esthar au palais et le monsieur et ses assistants que tu vois là, sont les gens qui nous ont aidés à te soigner.

_ Merci, souffla timidement le blond en baissant la tête.

_ Oh, ce n'est pas nous qu'il faut remercier, sourit Laguna en déployant toute sa bonne humeur, mais Cartlan et surtout le petit bonhomme ici présent, dit-il en ébouriffant la tête de son petit-fils.

_ Djoan ? Demanda le jeune homme, surpris.

_ Ouaip ! Répondit le petit garçon en riant avant de se jeter contre lui pour se boudiner contre son torse.

Seifer jeta un coup d'œil interrogatif à Zell qui eut une grimace un peu forcée. Il répondit alors gravement :

_ Tu allais mourir, Seifer ? Djoan a accepté de prendre les pouvoir de Linoa pour t'aider.

Seifer qui berçait doucement le petit garçon très fier de lui, s'arrêta net. Zell ne… ce… ce ne pouvait pas être la vérité. Il ne pouvait pas avoir fait ça ! Pas pour lui. Surtout pas pour lui ! Il frémit légèrement.

_ Un… un.. non ! Souffla-t-il horrifié. Non, il ne fallait pas ! Oh mon dieu, qu'est-ce que j'ai fait ! Qu'est-ce que je fait.

Voyant qu'il réagissait mal, Zell s'empressa de le saisir par le bras. Il savait parfaitement ce qui rongeait le blond et n'allait certainement pas le laisser à nouveau sombrer.

_ Rien, rien du tout. Tu n'as rien fait Seifer. Rien fait de mal. Tu m'as sauvé la vie. Tu as empêché que Djoan ne devienne complètement orphelin. C'est tout. Ce qui c'est passé n'est pas ta faute, tu m'entends. Djoan a choisi seul, il pouvait refuser. Tu n'y es pour rien, c'est de son propre choix.

_ Mais ce n'est qu'un enfant, gémit le blond.

_ Il n'a peut-être que six ans, répondit sérieusement Zell, presque avec colère, mais tu es bien placé pour savoir qu'on peut lui donner plus de crédit que ça !

_ Je…

_ Tu es fâché contre moi ? Demanda soudain le petit garçon.

_ Non, non, Djoan, bien sûr que non, mais…

_ Parce que tu sais, je voulais vraiment devenir sorcier. Maman m'avait dit qu'il fallait attendre un peu, mais je l'aurais fait quand même.

Personne dans la pièce ne releva la remarque, au lieu de quoi, tous regardèrent intensément Seifer, attendant avec anxiété ces prochaines paroles. Le blond regarda un long moment Djoan, cherchant la vérité au fond de ses yeux, puis il finit par se détendre un peu.

_ Non, je ne suis pas fâché, dit-il finalement. Je suis très fier, au contraire.

_ Merci ! Cria le bambin tout sourire en se jetant à son coup, alors que toutes les personnes dans la pièce poussaient un soupire de soulagement.

Seifer sourit lui aussi en accueillant son étreinte, même si son expression demeura soucieuse alors qu'il regardait Zell. Ce dernier se contenta de hocher doucement la tête avant de lisser inconsciemment une mèche de la chevelure du blond.

_ Bienvenu parmi nous, dit finalement Laguna, l'accueillant ainsi implicitement dans leur famille.

_ Merci, répondit simplement le blond.

Mais même s'il l'avait voulu, il n'aurait pas pu ajouter autre chose, car au même instant, un garde frappa à la porte et entra rapidement.

_ Monsieur le Président, dit-il. Votre fils est là et demande à vous voir, il dit que c'est important.

***

Squall marchait de long en large dans le bureau de son père, alors que Selphie et Irvine attendaient patiemment, assis sur une chaise, aucun n'ayant le désir de lui demander de se calmer. Le jeune homme fulminait intérieurement autant à cause de ce qu'il avait découvert que contre lui-même et le temps qu'il avait perdu. Tellement de temps. Il s'était laissé manipulé comme un nouveau-né et cela l'irritait au plus au point. Mais qu'aurait-il pu bien faire ? Il n'avait pas voulu risquer la vie de Seifer, mais cela allait peut-être la lui coûter.

Stupide ! Stupide ! Stupide !

Et ce qu'il avait vu. Il en avait encore la nausée.

Il faillit frapper le mur du poing, mais circonspect n'en fit rien, au lieu de quoi, il reprit sa marche furieuse, défoulant sa colère dans ce pas cadencé. Il traversait peut-être pour la cinquantième fois la pièce lorsque la main de Selphie sur son bras l'arrêta.

_ Squall, dit-elle finalement. Ca ne sert à rien de t'en vouloir. Calme-toi s'il te plait. T'énerver ne fera pas avancer les choses, ni les changer.

Le jeune homme soupira et sourit doucement à sa compagne.

_ Excuse-moi, dit-il, c'est juste…

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase, la porte s'ouvrit brusquement pour se refermer dans un violent claquement qui les fit sursauter et révéler un Laguna au visage sombre qui les dévisagea un long moment. Jamais Squall n'avait vu autant de colère contenue et de sévérité sur ses traits et il frémit légèrement. Ses deux compagnons durent avoir la même pensée car il les sentit se tordre, mal à l'aise, sur leur chaise et détourner leur regard de celui, sans pitié, de son père.

_ Papa… commença Squall.

Avant de comprendre ce qu'il lui arrivait, il se retrouva brusquement projeté contre le bureau par toute la force brute de son aîné, le dos douloureusement appuyé contre son rebord à s'en casser les reins, le col fermement suspendu par sa main au point de ne presque pas toucher le sol. Le visage de son père était dangereusement proche du sien et pour une des rares fois de sa vie, il fut véritablement terrifié et pétrifié, incapable de réagir. Ses deux compagnons n'étaient pas mieux, complètement pris de court par la soudaine colère du président, maintenant débout, les chaises étalées au sol et ne sachant pas quoi faire.

_ Papa, murmura à nouveau Squall.

Les flammes béryls se plongèrent dangereusement dans son regard et il déglutit péniblement, ne cherchant même pas à se dégager.

_ Ne-m'appelle-plus-jamais-comme-ça ! Grogna Laguna.

_ Qu… quoi ? Balbutia le jeune Seed choqué par la réaction de son père.

De son propre père qui semblait soudain le renier. Il sentit son sang se glacer.

Laguna maîtrisa quelque peu sa colère et lâcha doucement son fils, le laissant presque s'effondrer à terre. Lorsque le soldat était entré et lui avait signalé la présence de son fils, son sang n'avait fait qu'un tour et il n'avait même pas entendu Kyros l'appeler, le supplier de se calmer en sortant de la pièce, courant rapidement jusqu'à son bureau pour le retrouver et avoir une sérieuse explication. Très sérieuse. Mais il savait également que se laisser ainsi dominer par ses sentiments ne le mènerait à rien. Il fit donc un pas en arrière et s'essuya rapidement le devant de sa chemise, comme si elle avait été souillée, un air de dégoût accroché au visage.

_ Président, tenta doucement Selphie derrière lui.

Il se retourna pour dévisager froidement la jeune femme qui recula d'un pas et fit de même avec Irvine, le prévenant silencieusement de ne surtout pas essayer de parler en sa présence. Puis il reporta son regard sur son fils qui s'était redressé.

_ A moins que tu n'ais une très bonne excuse, Squall, dit-il d'un ton glacial. Je t'interdis de m'appeler encore une fois comme ça.

***

Cid regardait le paysage défiler lentement devant lui. Toujours le même, des étendues d'eau à perte de vu, une mer calme, baignée de soleil, aux reflets argents et ors. Parfois des poissons volants ou des dauphins venaient crever la surface et les accompagner pendant quelques centaines de mètres avant d'être distancés. Ils seraient bientôt arrivés. Déjà, au loin il pouvait voir les premières falaises s'élever, majestueuses, laissant la mer venir s'écraser à leurs pieds et creuser années après années leurs parois de pierres brutes.

_ Nous y serons dans une demi-heure environs, Commander, dit soudain une voix derrière lui.

Cid se retourna pour dévisager Nida et acquiesça rapidement, ordonnant par la même au Seed de le laisser seul. Il attendit que la porte se referme pour se détourner de la fenêtre et gagner à pas lent le petit bureau qu'il avait fait aménager. Il prit place sur le fauteuil et resta un long moment sans bouger, avant de sortir une clef qu'il gardait toujours sur lui et d'ouvrir le large tiroir qui lui faisait face. Il inspecta son contenu avant de le sortir et refermer le casier, puis l'étala devant lui. L'objet était entouré d'un foulard de satin qu'il déplia rapidement avant de le porter à son visage et d'un sentir le parfum. Le temps avait peu à peu fané l'odeur si particulière qui le caractérisait, mais elle persistait néanmoins, comme imprégnée dans le tissu. Une senteur de jasmin et d'orchidée qui l'avait toujours enivré, ensorcelé. Qui l'avait perdu. A jamais.

Il replia précieusement le carré qu'il glissa dans sa poche, avant d'observer l'arme qu'il avait jusqu'ici contenu. Un poignard d'argent de presque trente centimètres, encore parfaitement effilé et minutieusement travaillé. Une véritable œuvre d'art. Un présent. Un présent au goût de sang. Il caressa la croix qui décorait sa crosse et ferma un instant les yeux, se laissant perdre dans des souvenirs oubliés. Des souvenirs qui n'avaient cessé de le hanter. La soie d'une chevelure carmine, la profondeur d'un regard ébène, la grâce d'une caresse volée. L'amour. La haine. La faute.

Il rouvrit les yeux et glissa rapidement le poignard dans le fourreau à sa taille.

Il serait bientôt arriver. Tout serait bientôt terminé.

_ Ilyiana, souffla-t-il. Pardonne-moi.

***

_ Nous n'avions pas le choix, murmura finalement Squall. Cid nous menaçait de te livrer aux autorités de Galbadia si ne nous lui obéissions pas. Nous voulions trouver un moyen de le contrer. Je suis désolé, Seifer.

Le jeune homme, assis aux côtés de Zell, tenant inconsciemment sa main dans la sienne, se contenta de hocher rapidement la tête sans pour autant le regarder. Squall soupira et se tassa un peu plus dans son siège, intérieurement soulagé. Il avait eu beaucoup de mal à convaincre son père de le laisser tout leur expliquer une fois que ce dernier l'avait mis au courant des derniers évènements, mais il avait finalement accepté et les avait menés vers la chambre du blond où étaient restés ses compagnons. Il comprenait mieux à présent sa colère, ses paroles cruelles et ne pouvait pas lui en vouloir. Lui-même se détestait assez pour cela. Il avait encore un peu de mal à assimiler ce que lui-même avait révélé. Il savait que Seifer était en danger, il avait seulement pensé avoir plus de temps. Il n'avait pas cru que sa maladie pouvait être aussi grave. Combien d'erreurs avait-il encore commis ?

Il regarda le blond qui gardait obstinément les yeux rivés au sol ou bien parfois sur Zell ou son père et Kyros, mais jamais sur aucune des autres personnes de la pièce. Il semblait tellement fragile. Il ne reconnaissait pas le fier soldat qu'il avait combattu tant de fois. Etait incapable de trouver l'étincelle d'orgueil, ce rêve qui avait fait sa vie. Mais sachant ce qu'il avait découvert, il ne pouvait pas s'en étonner. Il regrettait juste de ne pas s'en être rendu compte plus tôt.

Il ne manquait à cette petite réunion que Djoan que Zell était allé le coucher lorsqu'il avait commencé à somnoler dans les bras de Seifer. Un sorcier. Encore une information qu'il lui faudrait du temps à digérer. Mais il n'était pas le seul sous le choc des nombreuses révélations. Ce qu'il leur avait appris de l'endroit qu'ils avaient découvert, avait laissé muet de stupéfaction les autres personnes présentes. Et l'ironie cruelle de cette histoire c'est qu'ils auraient pu le sauver bien avant, s'ils avaient seulement su. Su que quelques mètres sous la BGU, habillement dissimulé, se trouvait le complexe souterrain qui l'avait gardé prisonnier toutes ses années. Su que Cid était directement responsable de ses tortures.

Seul Seifer ne semblait pas troublé par ses révélations et il en venait à penser qu'il savait depuis longtemps déjà, tout cela.

Le silence retomba finalement dans la pièce, pesant, chacun réfléchissant à ce qu'il savait désormais. Des mesures devaient être prises, s'était évident, mais rien n'était aussi simple et les accusations ne seraient pas faciles à porter, d'autant qu'il n'était pas sûr que la population ne prenne le chevalier de la sorcière en pitié et ne récuse ce qu'il avait subit. Beaucoup penseraient certainement que ce n'était qu'un juste châtiment.

Ils furent sortis de leur pensées par un léger craquement de bois et regardèrent vers la porte pour voir Edéa appuyée contre son chambranle, blanche et tremblante. Elle avait visiblement entendu toute la conversation sans qu'ils n'en prennent consciences.

Seifer fut le premier à réagir lorsqu'ils la virent vaciller.

_ Gouvernante ! Cria-t-il en se lançant vers elle pour la soutenir.

Il l'empêcha tout juste de tomber et la soutint le temps qu'elle retrouve ses esprits.

_ Seifer, souffla-t-elle alors doucement. Je suis désolée.

_ Chut, murmura le jeune homme. Ce n'est pas votre faute. Ce n'est pas votre faute.

Elle le dévisagea un long moment, reprenant contenance et ferma les yeux, comprenant soudain.

_ Tu savais n'est-ce pas. Tu as toujours su. Pourquoi n'avoir rien dit ? Pourquoi t'être tu pendant ces deux mois ?

Seifer recula un peu.

_ Je…

Il se tut et la regarda tristement.

_ Aller, dit-lui. Dit-lui Seifer. Dit-lui enfin toute la vérité.

Le jeune homme hoqueta un voyant apparaître Cid devant lui, comme tout le monde dans la pièce et poussa légèrement Edéa pour la protéger.

_ Cid, siffla la sorcière.

Comment avait-elle pu être aveugle à ce point ? Comment avait-elle pu ne pas savoir ce qu'avait fait son époux ?

Kramer fit un pas dans la pièce, dévisageant une par une, les personnes présentes, s'arrêtant avec tendresse sur sa femme qui le dévisagea froidement, avant de reporter son attention sur Seifer.

_ Tout le monde est là à ce que je voix, dit-il d'un ton détaché. Seifer.

_ Père, répondit le blond, baissant légèrement les yeux.

A suivre…