Sommaire : Lors du Conseil d'Elrond, il est décidé qu'une dixième Marcheuse
accompagnera la Compagnie.
Disclaimer : Les personnages et les lieux appartiennent tous à J.R.R Tolkien, sauf Aislinn, fille de Glorfindel, et Lindalae, sa mère, et Rael, l'aigle. (J'en rajoute à chaque chapitre, décidément!) Je n'écris pas dans un but lucratif :o)
Read and Review ! Pas de flames mais les critiques constructives sont les bienvenues. et les compliments (même non mérités, héhé), si vous voulez, parce que j'adore ça! (Ca remplace admirablement bien le chocolat, je trouve)
Cette histoire sera traduite en anglais, si j'y arrive :o) (Enfin, c'est pas pour demain hein.)
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// indique la pensée des personnages.
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Chapitre 5 : Les Portes de la Moria
Le Caradhras avait vaincu.
La Compagnie se dirigeait à présent vers un itinéraire plus dangereux encore : la Porte de Durïn, entrée des Mines de la Moria. Les orques des Mont Brumeux étaient réputés pour hanter cette place, mais la plus part avaient été dispersés durant la Bataille des Cinq Armées et se regroupaient à présent au loin, selon les dires de Rael et des Aigles.
La fatigue et la faim rendaient l'humeur des compagnons plus que maussade, et personne ne prononça un mot alors qu'il tournait le dos au Col, et descendait le long de l'étroit sentier vers la vallée.
Le soir tomba alors qu'ils l'atteignirent. La lumière grise et triste ajoutait encore un poids sur leur c?urs. Gandalf décida sagement d'une halte.
Sam se mit aussitôt à cuisiner, car rien ne pouvait altérer son ardeur au moment du souper. Ils mangèrent sans grand plaisir, mais reprirent suffisamment de forces pour rester éveiller encore un moment.
Lors de leur départ, le Seigneur Elrond avait souligné que chaque membre de la Communauté était libre de la quitter lorsqu'il le voudrait, sans que personne ne puisse lui en rendre compte. A présent, Gandalf voulait savoir qui le suivrait dans les ténèbres de la Moria, et qui continuerait seul.
"Je vous suivrais Gandalf, dit Gimli avec vigueur. Je verrai les salles de Durïn, et ne sortirai pas sans avoir vu mon parent, Balïn."
"Je suis déjà entré en Moria, et en suis ressorti. Je n'avais pas alors d'aussi bon guide que vous, Gandalf. Je vous suivrai." déclara Aragorn d'une voix assurée.
"Je n'irai pas, à moins qu'il n'y ait un vote unanime contre moi" dit Boromir de mauvaise grâce. "Qu'en pensent les Elfes et les Hobbits? Le Porteur de l'Anneau devrait assurément donner son avis!"
"Je ne désire pas aller dans la Moria" dit Legolas, et personne ne douta de la sincérité de ses paroles, tant son visage semblait sombre.
Gandalf souhaitait passer dans les Mines moins que toute chose, mais il savait qu'aucun autre itinéraire ne s'offrait à eux. Jusque là, les votes s'équilibrait. Il se tourna alors vers Aislinn avec espoir.
La jeune Elfe hésita quelques secondes avant de répondre : "Je n'ai nul désir d'entrer en Moria, mais je sais qu'il n'y a pas d'autre moyen.. Tant que je vivrais, l'anneau ne repartira pas à Fondcombe. Nous ne pouvons nous permettre d'échouer, Mithrandir.. Je vous suivrai avec confiance, même si je sais qu'il m'en coûtera de m'enfoncer dans les ténèbres, si loin des arbres et des étoiles." Sa voix se brisa alors qu'elle terminait sa phrase, mais elle se reprit rapidement, et sa détermination était claire. "Rael nous attendra de l'autre coté de la Montagne."
Regardant tour à tour les hobbits, silencieux et mornes, le magicien attendit leur avis.
Frodon se décida enfin à parler. "J'avais déjà donné mon opinion au Col, et je n'en ai pas changé."
Gandalf soupira. "Qu'il en soit ainsi."
Aislinn demanda à prendre le premier tour de garde, car ses compagnons étaient visiblement trop accablés de fatigue pour rester vigilants. La guerrière avait déjà pu bénéficier d'une profonde nuit de sommeil, sur le Mont Caradhras. //Dans les bras de Legolas// songea-t-elle soudainement. Elle se remémora la sensation de ses bras l'enveloppant possessivement, de la douce chaleur qui l'avait guidée vers le sommeil, de son odeur particulière d'arbre et de forêt.
Secouant la tête avec agacement, Aislinn se força à chasser de son esprit de telles pensées, qu'elle jugeait si ridicules.. Comment un Prince, un guerrier comme Legolas aurait-il pu vouloir de quelqu'un comme .. elle? Même un Homme frissonnerait d'horreur, s'il savait la vérité.
//Souillée par les Orcs, à jamais.// pensa-t-elle douloureusement. Une larme roula sur sa joue alors qu'elle contemplait les étoiles.
Ses sens aiguisés d'Elfe l'avertirent rapidement que quelqu'un approchait, derrière elle. Elle ne bougea cependant pas, car le pas léger était celui d'un membre de son peuple, sans aucun doute possible.
Legolas s'assit auprès d'elle sans bruit. Lorsqu'il s'était brusquement réveillé et l'avait vu pleurer en silence, il n'avait pu s'empêcher de venir la rejoindre. A présent, il hésitait, ne sachant que faire. Une mèche argentée tombait devant le beau visage de la Rôdeuse. Il la replaça derrière son oreille pointue avec délicatesse, et son geste se termina en une douce caresse qui suivait la chute de ses larmes.
Aislinn se détourna brusquement, incapable d'en supporter plus. //S'il savait..//
"Pourquoi?" demanda-t-il simplement.
"Vous ne pouvez comprendre." Répliqua-t-elle farouchement, sans oser croiser son regard.
"En effet, Dame Aislinn, je ne puis appréhender ce qui vous tourmente, et personne ne le pourra, tant que vous resterez cachée derrière ce masque de raideur et de souffrance.." Legolas prit doucement sa main, et la plaça entre les siennes lorsqu'elle tenta de la retirer.
"Je ne suis pas une Dame. Je n'en ai ni l'allure, ni les manières.. ni la pureté." Elle redressa soudain la tête, plongeant dans les prunelles bleues de Legolas, des larmes embuant les siennes. Elle se tenait très droite et digne, cherchant du réconfort derrière ses murailles, érigés au cour des années pour se protéger. "Je suis un monstre, déshonorée par les Orcs. Et personne ne peut rien faire contre cela."
Legolas sursauta, et il comprit. Sa peur des hommes, sa cuirasse de austérité, la lueur hantée de ses yeux lorsqu'il l'avait prise dans ses bras.. Toutes les pièces de l'énigme s'emboîtait parfaitement. La peine et l'amertume l'envahirent à la pensée des tourments, extérieurs et personnels, qu'Aislinn avait subi.
Discernant le choc sur les traits fins de l'Elfe, Aislinn se méprit sur ses sentiments. Elle avait depuis le jour du Conseil d'Elrond apprécié Legolas, son courage et sa force, et en était arrivée à lui accorder une confiance depuis longtemps enterrée. Se croyant trahie, la douleur l'aveugla. Elle se leva brutalement, et s'éloigna.
"Aislinn!"
La jeune Elfe ne broncha pas, et continua à marcher. Un bras l'agrippa, la forçant à se retourner. Elle fit face à Legolas, luttant de son mieux pour ne pas le frapper ou éclater en sanglot.
"Aislinn." répéta-t-il, plus doucement. Les sentiments se mêlaient en lui, chagrin, tendresse, colère.. Incapable d'exprimer ce qu'il ressentait, il lui caressa la peau douce de sa joue, lentement, comme s'il avait peur qu'elle ne s'échappe à nouveau.
"Pourquoi faites-vous cela? Je vous dégoûte. Je l'ai vu sur votre visage." Sa voix se brisa, et elle baissa les yeux.
Choqué, Legolas mis quelques secondes pour se reprendre. Puis, déplaçant sa main sous son menton, il releva lentement son visage, avant de l'attirer progressivement vers le sien. Il se pencha, et l'embrassa sur le front, puis sur le nez. Enfin, il effleura ses lèvres des siennes, et y déposa un doux baiser, chaste et tendre. Se redressant, il la contempla, et sourit lorsqu'il vit ses pommettes se colorer de rose.
"Je n'ai de mépris que pour les Orcs, Aislinn."
A ces mots, la jeune Elfe, submergée d'émotions contradictoires, ne chercha plus à contenir les larmes depuis si longtemps retenues. Elle sentit vaguement que Legolas l'avait prise dans ses bras, et caressait ses cheveux d'argent en lui murmurant des paroles apaisantes. Lorsqu'elle se fut calmée, il la guida avec autorité vers sa couche, l'assurant qu'il prendrait le prochain tour de garde. Elle ne tarda pas à se noyer dans les ombres d'un profond sommeil.
Lorsque le jour parut, le ciel était gris et morne, et le temps s'accordait à l'humeur des Compagnons. La perspective de s'engager en Moria n'avait rien de réjouissant.
Gandalf voulait suivre la rivière Sirannon, qui descendait jadis jusqu'aux Portes des Mines. Cependant, à son grand dépit, il se révéla incapable de la retrouver. La Compagnie erra durant le restant du jour, conservant la direction présumée par Gandalf. Tout n'était que pierres rouges, noires, et poussière grise et sèche. Pas un son, à l'exception de leurs pas, ne se faisait entendre, ni oiseau, ni rien de vivant. Rael volait loin au dessus d'eux, comme pour éviter de survoler de trop près ce pays désert. Gimli était d'impatient d'arriver en Moria, et il marchait en tête avec Gandalf, s'efforçant de se souvenir des récits de son père. Un pressentiment le fit partir de l'avant, et grand bien lui en fit, car, ayant grimpé un talus, il découvrit au delà les vestiges de l'ancienne grand'route. Un sentier inégal et raboteux serpentait non loin. Un filet d'eau noire, sans doute jadis la rivière recherchée par le magicien, coulait à côté.
Exultant d'excitation, le nain se retourna et appela à grand cris le reste de la Communauté.
"La Route de la Porte ! La Route de la Porte !"
"Voilà qui explique le mystère de la rivière disparue. Elle était vive et bruyante jadis.. Mais ce n'est visiblement plus le cas. Il semblerait que l'Ombre ait étendu sa griffe jusqu'ici." déclara soucieusement Gandalf. "Quoiqu'il en soit, il nous faut à présent suivre ce chemin. Je n'ai nulle envie de savoir ce que la nuit apporte dans les parages.."
Ils suivirent donc le sentier, et la fatigue cheminait avec eux. Ils marchèrent, et marchèrent, jusqu'à ce que l'épuisement les force à une courte halte. Mais il fallut repartir, et le sentier se poursuivit, morne et escarpé. Enfin, un brusque tournant leur redonna quelque espoir. En dépassant le coin, ils aperçurent les vestiges d'une sorte d'ancien aqueduc de pierre, qui semblait brisé. Son bord était déchiqueté et inégal, et un filet d'eau en tombait.
"Les Chutes de l'Escalier!" s'exclamèrent d'une même voix Gimli et Gandalf.
"Les choses ont bien changé. Jadis coulait ici une cascade puissante et abondante. Cependant, il n'y a pas de doute, nous ne sommes plus très loin. Nous devrions trouver les marches sans trop de difficulté, si ma mémoire est bonne." ajouta le magicien.
Et effectivement, ils les découvrirent rapidement. C'étaient de grandes marches taillées dans le roc, mais assez aisées à emprunter car construites à la mesure des courtes jambes naines. La Compagnie grimpa vivement, Gimli en tête. Sam était bon dernier, car il aidait Bill le poney, plutôt récalcitrant, à monter. Ils atteignirent assez tôt le sommet
Là, ils comprirent la raison de l'assèchement de la rivière. Le Sirannon avait été obstrué, et il emplissait à présent la vallée, sous la forme d'un lac sombre et dormant. Au delà de l'eau se tenait les Murs de la Moria.
Immense, infranchissable, la pierre ne présentait pas le moindre signe de fissure, de passage, ou d'entrée.
"Il nous faut contourner le lac, car je doute que qui que ce soit désire traverser l'eau sombre à la nage, surtout dans la lumière du soir." dit Gandalf.
Il se révéla possible de passer par la rive gauche, qui n'était pas cernée par le vide. La berge était humide, et boueuse, et il leur fallait parfois s'enfoncer dans l'eau jusqu'au chevilles. Le silence autour d'eux était oppressant. Ils rejoignirent enfin l'autre coté, et à cet endroit, le lac se resserrait pour n'être plus qu'une petite crique, bordée d'arbres noirs et sinistres. Une bande de terre libre s'étendait le long de la montagne. L'eau verte et stagnante semblait plus malsaine encore, si c'est possible. Seuls deux immenses arbres, adossés à la falaise, semblaient avoir été épargnés par la corruption ambiante. Ils étaient encore vivants et solides, se dressant comme des colonnes, gardienne de la fin de la route. L'obscurité s'épaississait, et la lune ne tarderait plus à se lever.
"Enfin, nous y voilà! Ici se termine la route elfique de Houssaye. Elle fut construite en des temps plus heureux, et il régnait alors une amitié étroite entre gens de races différentes, même entre les Nains et les Elfes." annonça Gandalf.
"Le déclin de cette amitié ne fut pas le fait des Nains" déclara Gimli d'un air pincé.
"Et je n'ai jamais entendu dire que ce fut la faute des Elfes" répliqua Legolas sèchement.
Aislinn se tenait à ses cotés, figure calme et silencieuse comme à son habitude, quoique légèrement plus mélancolique, car Rael l'avait quittée pour survoler la Montagne. Elle posa sa main sur l'épaule de l'Elfe de manière apaisante. Il apparut alors à la Communauté à quel point la jeune femme s'était rapproché de Legolas, et par la même occasion à quel point elle avait changé. Préoccupés par leur recherche des Portes de la Moria, personne n'avait eu le temps de remarqué que le malaise d'Aislinn en sa présence avait disparu, et qu'elle recherchait à présent sa compagnie. Elle semblait plus à l'aise avec les deux humains, malgré quelques réserves tenaces envers Boromir. Elle avait même sourit à Aragorn. Enchanté du changement, ce dernier la traitait à présent avec la franche fraternité qu'il réservait auparavant aux autres, n'osant pas s'approcher de la rétive jeune Elfe.
La tension entre Legolas et Gimli était presque palpable, et s'étendit rapidement à toute la Compagnie.
"Allons, allons ! Moi, j'ai entendu dire les deux, et je ne pense pas que ce soit exactement le moment ou l'endroit de discuter de telles choses." intervint le magicien.
"Gandalf a raison." dit doucement Aislinn. "Avec l'Ombre si proche, nous ne pouvons ne permettre ce genre de dissensions.. Oubliez vos querelles pour le moment, je vous en conjure, car j'ai le sentiment que bientôt nous devrons tous être frères d'armes, face à l'ennemi. Le danger et la mort sont tapis en Moria.. (Son regard se perdit légèrement dans le vague). J'ai le don de double vue, de part ma mère, répondit-elle à l'interrogation muette de Gandalf. Si nous ne restons pas unis, notre destin rejoindra sans doute ce que je vois. Et je souhaite de tout c?ur que cela ne se réalise pas." La tristesse de son regard les effraya légèrement, mais elle se reprit rapidement et adressa un sourire conciliant à Gimli, puis à Legolas. L'un après l'autre, ils acceptèrent d'un signe de tête.
"Puisque cette histoire est réglée, je vous recommande de vous préparer à entrer dans la Moria. Il nous faut laisser une bonne partie de notre équipement, ainsi que le brave Bill." reprit Gandalf, empli de gratitude envers Aislinn.
Le visage de Sam se décomposa.
"Mais vous ne pouvez pas abandonner un pauvre poney dans un endroit comme celui-ci, monsieur Gandalf !" s'écria-t-il, chagriné et en colère.
"Nous n'avons pas le choix, Sam. Les mines ne sont pas faites pour les poneys, même pour ceux aussi braves que Bill. Ne vous inquiétez pas. Il saura retrouver son chemin. " dit doucement Aragorn.
Laissant Gandalf s'occuper de chercher la Porte, Sam et les autres se mirent à décharger les flancs du poney et à trier leur bagages, pour ne conserver que l'essentiel. Lorsque ce fut achevé, il fallut laisser partir Bill, et le pauvre Sam ne put s'empêcher d'éclater en sanglots.
Enfin, ils se retournèrent vers Gandalf, qui ne paraissait pas avoir progressé le moins du monde. Il se tenait dans la même position qu'auparavant, et il fixait la pierre entre les deux arbres comme s'il voulait y forer un trou avec ses yeux.
Soudain, les nuages qui voilait depuis le crépuscule se dissipèrent, et la lune éclaira la pierre grise. Lentement, des lignes apparurent faiblement, formant progressivement de longues arabesques et des runes d'argent. Le contour de la porte se dessina.
Au sommet, aussi haut que pouvait atteindre Gandalf, se trouvait un arc de lettres intersectées en caractères elfiques. En dessous, bien que les fils fussent par endroit estompés, se voyaient les contours d'une enclume surmontée d'une couronne avec sept étoiles. En dessous encore, étaient dessinés deux arbres, portant chacun un croissant de lune. Plus nette que tout le reste, brillait au milieu de la Porte une unique étoile aux multiples rayons.
"Les emblèmes de Durïn !" s'écria Gimli.
"Et l'Arbre des Haut Elfes !" s'exclama Legolas.
"Et l'Etoile de la Maison de Fëanor.." ajouta Aislinn, émerveillée.
"Ils sont fait d'ithildin, qui ne reflète que la lumière de la Lune." dit Gandalf en souriant. "J'aurai du m'en souvenir. Il est écrit :
*Les portes de Durïn, Seigneur de la Moria. Parlez, ami, et entrez.* En plus petit caractères, on peut lire : *Moi, Narvi, je les ai faites. Celebrimbor de Houssaye a gravé ces signes.*"
"Et vous comprenez ce que cela veut dire?" interrogea Merry.
"C'est assez simple. Vous donnez le mot de passe, les portes s'ouvriront et vous pourrez entrer." Répondit le magicien, avant de se tourner vers la Porte et de prononcer des paroles dans une langue inconnue.
"Annon edhellen edro hi commen ! Fennas nogothrim, lasto beth lammen !"
Rien ne se passa. Il essaya toutes les clés dont il se souvenait, des mots de l'ancienne langue elfique, des injonctions naines, mais en vain. Les Portes ne bougeaient toujours pas. La Compagnie, assise non loin, surveillait ses efforts avec une anxiété croissante.
Pris de colère, il leva les bras au ciel et s'écria d'un ton de commandement, puissant comme l'orage :
"Edro ! Edro !" cria-t-il, et il frappa le roc de son bâton de chêne. " Ouvre-toi ! Ouvre-toi!"
Il fit suivre le même ordre dans toutes les langues qui furent jamais parlées dans l'Ouest des Terres du Milieu. Dépité, il jeta son bâton à terre, et s'assit sur un rocher, maugréant. Il sembla se plonger dans une profonde réflexion.
Aislinn, qui avait observé le magicien, fixait désormais la Porte, son beau visage tendu par la concentration. Soudain, son regard s'éclaira, et elle rit. Posant la main sur le rocher, elle énonça d'une voix claire :
"Mellon."
L'Etoile de Fëanor brilla d'un fort éclat, puis s'estompa, et les Portes de la Moria s'ouvrirent. La Compagnie écarquilla les yeux d'étonnement.
"Vous aviez tort, Gandalf, et vous aussi Gimli !" dit-elle avec un beau sourire, alors qu'elle se tournait vers eux. "Merry était sur la bonne piste, car votre traduction était légèrement erronée, mais sur le moment je n'y ai pas prêté attention. Elle aurait du être : *Dites "ami" et entrez*. Il m'a suffi de prononcer le mot elfique pour "ami", et les Portes se sont ouvertes. C'est tout simple."
Gandalf lui posa la main sur l'épaule, et lui rendit son sourire.
"Bien trouvé, astucieuse Dame ! Assurément Elrond a eu raison de vous envoyer avec nous. (Il regarda rapidement Boromir, qui grimaçait.) Mais une question reste en suspens : où avez vous appris à parler l'elfique des Temps Anciens?" Le magicien était grandement intrigué, car peu comprenaient encore cette langue en Terre du Milieu.
"J'aime apprendre, alors Maître Elrond m'a enseigné une partie de son savoir." Répondit-elle simplement. Elle détourna brusquement son regard vers le lac. "Nous devrions nous hâter, Gandalf ."
A cet instant, elle fut interrompue par un hurlement.
"Frodon!"
C'était Sam. Il désigna le lac, horrifié. Sorti de l'eau, un immense et humide tentacule vert pâle venait de saisir Frodon par la cheville. L'extrémité munie de ventouse agrippait son pied, et le tirait a toute vitesse vers le lac.
Avec une présence d'esprit remarquable, Sam se précipita vers la berge, dégaina son épée et taillada violemment l'immonde chose. Délaissant Frodon pour l'instant, elle recula vers le lac.. Quelques secondes plus tard, une dizaine de ses cons?ur fonça sur la Compagnie venue à la rescousse de Frodon et Sam. Ce dernier, aidé d'Aislinn, soulevait Frodon pour le mettre à l'abri, mais les tentacules ne le voyaient pas de cet oeil. Violemment heurtés par les 'bras', ils tombèrent en arrière, le souffle coupé. Deux autres appendices se chargèrent de ramasser un Frodon sans défense, et ils le hissèrent en quelques secondes au dessus du lac.
Legolas ne perdit pas une seconde. Sa première flèche partit comme le vent, touchant un des 'bras', rapidement suivi par la deuxième. La peau caoutchouteuse du monstre atténuait malheureusement les blessures, et cela ne fut pas suffisant.
Se reprenant rapidement, Aislinn se leva à toute vitesse et, tirant ses lames de leurs fourreaux noirs, elle se précipita vers l'eau noire du lac. Aragorn et Boromir se lancèrent immédiatement à sa suite.
La Chose était à présent presque entièrement hors de l'eau. C'était une sorte de poulpe, aux nombreux tentacules, et doté d'une affreuse 'bouche', emplie de dents carnassières. Elle s'apprêtait à avaler Frodon.
Des cris de guerre rauques au lèvres, Aislinn se battait comme une démone. Cet octopus monstrueux se préparait à dévorer Frodon, et la peur pour son ami hobbit décuplait ses forces. Croisant ses lames sur un des tentacules, de la même façon que sur la gorge de Boromir le jour du Conseil, elle le trancha rageusement.
La douleur prit la bête par surprise. Lâchant Frodon, elle poussa un grognement effroyable. Le hobbit atterrit droit dans les bras de Boromir.
"Dans les Mines !" hurla Gandalf à travers le vacarme du combat. "Dans les Mines !"
Le magicien s'élança dans les ténèbres. Merry, Pippin et Sam ne se le firent pas dire deux fois. Gimli les suivit rapidement.
Boromir, son précieux fardeau serré entre les bras, fila aussi vite qu'il le pouvait vers la Porte. Aragorn le suivait de près.
Aislinn couvrait leur fuite, tailladant les tentacules trop téméraires pour s'approcher d'elle. Elle reculait aussi vite qu'il lui était possible, mais ne pouvait regarder derrière, aussi ne vit-elle pas la pierre.. Trébuchant, elle laissa une brèche dans le mur de lames qu'elle maintenait auparavant. La Chose le comprit parfaitement. L'Elfe ne vit pas venir le coup. La frappant de deux tentacules à la fois, le choc la fit s'écrouler dans l'eau sale. Sa tête heurta un caillou, et elle ne sentit ni ne vit plus rien.
"Aislinn !" Sans hésiter une seconde, Legolas tira son couteau d'argent et se jeta sur le poulpe. Aragorn, entendant son cri désespéré, revint immédiatement sur ses pas pour lui prêter assistance. Tandis que le Rôdeur faisait reculer l'infamie, à grand coup d'Anduril, Legolas souleva l'Elfe inconsciente, ne sachant si elle vivait encore, et ils se précipitèrent vers l'entrée des Mines, où la Compagnie les observaient anxieusement.
"COUREZ !" hurlèrent-ils d'une même voix.
Personne n'eut besoin d'explications supplémentaires. Ils grimpèrent rapidement les premières marches, et il était temps, car déjà les tentacules venaient de pénétrer dans la Mine. Se hissant à l'aide de ses 'bras', la pieuvre géante saisit les Portes de chaque coté. Avec une force effrayante, elle les fit pivoter, et ce qui était l'Entrée de l'Ouest s'effondra avec un épouvantable fracas. L'obscurité s'abattit brusquement.
"Nous n'avons plus le choix, désormais. Il nous faut affronter les ténèbres de la Moria.."
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Un long chapitre pour une fois ! Pas simple du tout à écrire la Bataille du Poulpe.. Vous avez aimé? Détesté? REVIEEEEWWW SVP !!!! :o)
Disclaimer : Les personnages et les lieux appartiennent tous à J.R.R Tolkien, sauf Aislinn, fille de Glorfindel, et Lindalae, sa mère, et Rael, l'aigle. (J'en rajoute à chaque chapitre, décidément!) Je n'écris pas dans un but lucratif :o)
Read and Review ! Pas de flames mais les critiques constructives sont les bienvenues. et les compliments (même non mérités, héhé), si vous voulez, parce que j'adore ça! (Ca remplace admirablement bien le chocolat, je trouve)
Cette histoire sera traduite en anglais, si j'y arrive :o) (Enfin, c'est pas pour demain hein.)
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// indique la pensée des personnages.
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Chapitre 5 : Les Portes de la Moria
Le Caradhras avait vaincu.
La Compagnie se dirigeait à présent vers un itinéraire plus dangereux encore : la Porte de Durïn, entrée des Mines de la Moria. Les orques des Mont Brumeux étaient réputés pour hanter cette place, mais la plus part avaient été dispersés durant la Bataille des Cinq Armées et se regroupaient à présent au loin, selon les dires de Rael et des Aigles.
La fatigue et la faim rendaient l'humeur des compagnons plus que maussade, et personne ne prononça un mot alors qu'il tournait le dos au Col, et descendait le long de l'étroit sentier vers la vallée.
Le soir tomba alors qu'ils l'atteignirent. La lumière grise et triste ajoutait encore un poids sur leur c?urs. Gandalf décida sagement d'une halte.
Sam se mit aussitôt à cuisiner, car rien ne pouvait altérer son ardeur au moment du souper. Ils mangèrent sans grand plaisir, mais reprirent suffisamment de forces pour rester éveiller encore un moment.
Lors de leur départ, le Seigneur Elrond avait souligné que chaque membre de la Communauté était libre de la quitter lorsqu'il le voudrait, sans que personne ne puisse lui en rendre compte. A présent, Gandalf voulait savoir qui le suivrait dans les ténèbres de la Moria, et qui continuerait seul.
"Je vous suivrais Gandalf, dit Gimli avec vigueur. Je verrai les salles de Durïn, et ne sortirai pas sans avoir vu mon parent, Balïn."
"Je suis déjà entré en Moria, et en suis ressorti. Je n'avais pas alors d'aussi bon guide que vous, Gandalf. Je vous suivrai." déclara Aragorn d'une voix assurée.
"Je n'irai pas, à moins qu'il n'y ait un vote unanime contre moi" dit Boromir de mauvaise grâce. "Qu'en pensent les Elfes et les Hobbits? Le Porteur de l'Anneau devrait assurément donner son avis!"
"Je ne désire pas aller dans la Moria" dit Legolas, et personne ne douta de la sincérité de ses paroles, tant son visage semblait sombre.
Gandalf souhaitait passer dans les Mines moins que toute chose, mais il savait qu'aucun autre itinéraire ne s'offrait à eux. Jusque là, les votes s'équilibrait. Il se tourna alors vers Aislinn avec espoir.
La jeune Elfe hésita quelques secondes avant de répondre : "Je n'ai nul désir d'entrer en Moria, mais je sais qu'il n'y a pas d'autre moyen.. Tant que je vivrais, l'anneau ne repartira pas à Fondcombe. Nous ne pouvons nous permettre d'échouer, Mithrandir.. Je vous suivrai avec confiance, même si je sais qu'il m'en coûtera de m'enfoncer dans les ténèbres, si loin des arbres et des étoiles." Sa voix se brisa alors qu'elle terminait sa phrase, mais elle se reprit rapidement, et sa détermination était claire. "Rael nous attendra de l'autre coté de la Montagne."
Regardant tour à tour les hobbits, silencieux et mornes, le magicien attendit leur avis.
Frodon se décida enfin à parler. "J'avais déjà donné mon opinion au Col, et je n'en ai pas changé."
Gandalf soupira. "Qu'il en soit ainsi."
Aislinn demanda à prendre le premier tour de garde, car ses compagnons étaient visiblement trop accablés de fatigue pour rester vigilants. La guerrière avait déjà pu bénéficier d'une profonde nuit de sommeil, sur le Mont Caradhras. //Dans les bras de Legolas// songea-t-elle soudainement. Elle se remémora la sensation de ses bras l'enveloppant possessivement, de la douce chaleur qui l'avait guidée vers le sommeil, de son odeur particulière d'arbre et de forêt.
Secouant la tête avec agacement, Aislinn se força à chasser de son esprit de telles pensées, qu'elle jugeait si ridicules.. Comment un Prince, un guerrier comme Legolas aurait-il pu vouloir de quelqu'un comme .. elle? Même un Homme frissonnerait d'horreur, s'il savait la vérité.
//Souillée par les Orcs, à jamais.// pensa-t-elle douloureusement. Une larme roula sur sa joue alors qu'elle contemplait les étoiles.
Ses sens aiguisés d'Elfe l'avertirent rapidement que quelqu'un approchait, derrière elle. Elle ne bougea cependant pas, car le pas léger était celui d'un membre de son peuple, sans aucun doute possible.
Legolas s'assit auprès d'elle sans bruit. Lorsqu'il s'était brusquement réveillé et l'avait vu pleurer en silence, il n'avait pu s'empêcher de venir la rejoindre. A présent, il hésitait, ne sachant que faire. Une mèche argentée tombait devant le beau visage de la Rôdeuse. Il la replaça derrière son oreille pointue avec délicatesse, et son geste se termina en une douce caresse qui suivait la chute de ses larmes.
Aislinn se détourna brusquement, incapable d'en supporter plus. //S'il savait..//
"Pourquoi?" demanda-t-il simplement.
"Vous ne pouvez comprendre." Répliqua-t-elle farouchement, sans oser croiser son regard.
"En effet, Dame Aislinn, je ne puis appréhender ce qui vous tourmente, et personne ne le pourra, tant que vous resterez cachée derrière ce masque de raideur et de souffrance.." Legolas prit doucement sa main, et la plaça entre les siennes lorsqu'elle tenta de la retirer.
"Je ne suis pas une Dame. Je n'en ai ni l'allure, ni les manières.. ni la pureté." Elle redressa soudain la tête, plongeant dans les prunelles bleues de Legolas, des larmes embuant les siennes. Elle se tenait très droite et digne, cherchant du réconfort derrière ses murailles, érigés au cour des années pour se protéger. "Je suis un monstre, déshonorée par les Orcs. Et personne ne peut rien faire contre cela."
Legolas sursauta, et il comprit. Sa peur des hommes, sa cuirasse de austérité, la lueur hantée de ses yeux lorsqu'il l'avait prise dans ses bras.. Toutes les pièces de l'énigme s'emboîtait parfaitement. La peine et l'amertume l'envahirent à la pensée des tourments, extérieurs et personnels, qu'Aislinn avait subi.
Discernant le choc sur les traits fins de l'Elfe, Aislinn se méprit sur ses sentiments. Elle avait depuis le jour du Conseil d'Elrond apprécié Legolas, son courage et sa force, et en était arrivée à lui accorder une confiance depuis longtemps enterrée. Se croyant trahie, la douleur l'aveugla. Elle se leva brutalement, et s'éloigna.
"Aislinn!"
La jeune Elfe ne broncha pas, et continua à marcher. Un bras l'agrippa, la forçant à se retourner. Elle fit face à Legolas, luttant de son mieux pour ne pas le frapper ou éclater en sanglot.
"Aislinn." répéta-t-il, plus doucement. Les sentiments se mêlaient en lui, chagrin, tendresse, colère.. Incapable d'exprimer ce qu'il ressentait, il lui caressa la peau douce de sa joue, lentement, comme s'il avait peur qu'elle ne s'échappe à nouveau.
"Pourquoi faites-vous cela? Je vous dégoûte. Je l'ai vu sur votre visage." Sa voix se brisa, et elle baissa les yeux.
Choqué, Legolas mis quelques secondes pour se reprendre. Puis, déplaçant sa main sous son menton, il releva lentement son visage, avant de l'attirer progressivement vers le sien. Il se pencha, et l'embrassa sur le front, puis sur le nez. Enfin, il effleura ses lèvres des siennes, et y déposa un doux baiser, chaste et tendre. Se redressant, il la contempla, et sourit lorsqu'il vit ses pommettes se colorer de rose.
"Je n'ai de mépris que pour les Orcs, Aislinn."
A ces mots, la jeune Elfe, submergée d'émotions contradictoires, ne chercha plus à contenir les larmes depuis si longtemps retenues. Elle sentit vaguement que Legolas l'avait prise dans ses bras, et caressait ses cheveux d'argent en lui murmurant des paroles apaisantes. Lorsqu'elle se fut calmée, il la guida avec autorité vers sa couche, l'assurant qu'il prendrait le prochain tour de garde. Elle ne tarda pas à se noyer dans les ombres d'un profond sommeil.
Lorsque le jour parut, le ciel était gris et morne, et le temps s'accordait à l'humeur des Compagnons. La perspective de s'engager en Moria n'avait rien de réjouissant.
Gandalf voulait suivre la rivière Sirannon, qui descendait jadis jusqu'aux Portes des Mines. Cependant, à son grand dépit, il se révéla incapable de la retrouver. La Compagnie erra durant le restant du jour, conservant la direction présumée par Gandalf. Tout n'était que pierres rouges, noires, et poussière grise et sèche. Pas un son, à l'exception de leurs pas, ne se faisait entendre, ni oiseau, ni rien de vivant. Rael volait loin au dessus d'eux, comme pour éviter de survoler de trop près ce pays désert. Gimli était d'impatient d'arriver en Moria, et il marchait en tête avec Gandalf, s'efforçant de se souvenir des récits de son père. Un pressentiment le fit partir de l'avant, et grand bien lui en fit, car, ayant grimpé un talus, il découvrit au delà les vestiges de l'ancienne grand'route. Un sentier inégal et raboteux serpentait non loin. Un filet d'eau noire, sans doute jadis la rivière recherchée par le magicien, coulait à côté.
Exultant d'excitation, le nain se retourna et appela à grand cris le reste de la Communauté.
"La Route de la Porte ! La Route de la Porte !"
"Voilà qui explique le mystère de la rivière disparue. Elle était vive et bruyante jadis.. Mais ce n'est visiblement plus le cas. Il semblerait que l'Ombre ait étendu sa griffe jusqu'ici." déclara soucieusement Gandalf. "Quoiqu'il en soit, il nous faut à présent suivre ce chemin. Je n'ai nulle envie de savoir ce que la nuit apporte dans les parages.."
Ils suivirent donc le sentier, et la fatigue cheminait avec eux. Ils marchèrent, et marchèrent, jusqu'à ce que l'épuisement les force à une courte halte. Mais il fallut repartir, et le sentier se poursuivit, morne et escarpé. Enfin, un brusque tournant leur redonna quelque espoir. En dépassant le coin, ils aperçurent les vestiges d'une sorte d'ancien aqueduc de pierre, qui semblait brisé. Son bord était déchiqueté et inégal, et un filet d'eau en tombait.
"Les Chutes de l'Escalier!" s'exclamèrent d'une même voix Gimli et Gandalf.
"Les choses ont bien changé. Jadis coulait ici une cascade puissante et abondante. Cependant, il n'y a pas de doute, nous ne sommes plus très loin. Nous devrions trouver les marches sans trop de difficulté, si ma mémoire est bonne." ajouta le magicien.
Et effectivement, ils les découvrirent rapidement. C'étaient de grandes marches taillées dans le roc, mais assez aisées à emprunter car construites à la mesure des courtes jambes naines. La Compagnie grimpa vivement, Gimli en tête. Sam était bon dernier, car il aidait Bill le poney, plutôt récalcitrant, à monter. Ils atteignirent assez tôt le sommet
Là, ils comprirent la raison de l'assèchement de la rivière. Le Sirannon avait été obstrué, et il emplissait à présent la vallée, sous la forme d'un lac sombre et dormant. Au delà de l'eau se tenait les Murs de la Moria.
Immense, infranchissable, la pierre ne présentait pas le moindre signe de fissure, de passage, ou d'entrée.
"Il nous faut contourner le lac, car je doute que qui que ce soit désire traverser l'eau sombre à la nage, surtout dans la lumière du soir." dit Gandalf.
Il se révéla possible de passer par la rive gauche, qui n'était pas cernée par le vide. La berge était humide, et boueuse, et il leur fallait parfois s'enfoncer dans l'eau jusqu'au chevilles. Le silence autour d'eux était oppressant. Ils rejoignirent enfin l'autre coté, et à cet endroit, le lac se resserrait pour n'être plus qu'une petite crique, bordée d'arbres noirs et sinistres. Une bande de terre libre s'étendait le long de la montagne. L'eau verte et stagnante semblait plus malsaine encore, si c'est possible. Seuls deux immenses arbres, adossés à la falaise, semblaient avoir été épargnés par la corruption ambiante. Ils étaient encore vivants et solides, se dressant comme des colonnes, gardienne de la fin de la route. L'obscurité s'épaississait, et la lune ne tarderait plus à se lever.
"Enfin, nous y voilà! Ici se termine la route elfique de Houssaye. Elle fut construite en des temps plus heureux, et il régnait alors une amitié étroite entre gens de races différentes, même entre les Nains et les Elfes." annonça Gandalf.
"Le déclin de cette amitié ne fut pas le fait des Nains" déclara Gimli d'un air pincé.
"Et je n'ai jamais entendu dire que ce fut la faute des Elfes" répliqua Legolas sèchement.
Aislinn se tenait à ses cotés, figure calme et silencieuse comme à son habitude, quoique légèrement plus mélancolique, car Rael l'avait quittée pour survoler la Montagne. Elle posa sa main sur l'épaule de l'Elfe de manière apaisante. Il apparut alors à la Communauté à quel point la jeune femme s'était rapproché de Legolas, et par la même occasion à quel point elle avait changé. Préoccupés par leur recherche des Portes de la Moria, personne n'avait eu le temps de remarqué que le malaise d'Aislinn en sa présence avait disparu, et qu'elle recherchait à présent sa compagnie. Elle semblait plus à l'aise avec les deux humains, malgré quelques réserves tenaces envers Boromir. Elle avait même sourit à Aragorn. Enchanté du changement, ce dernier la traitait à présent avec la franche fraternité qu'il réservait auparavant aux autres, n'osant pas s'approcher de la rétive jeune Elfe.
La tension entre Legolas et Gimli était presque palpable, et s'étendit rapidement à toute la Compagnie.
"Allons, allons ! Moi, j'ai entendu dire les deux, et je ne pense pas que ce soit exactement le moment ou l'endroit de discuter de telles choses." intervint le magicien.
"Gandalf a raison." dit doucement Aislinn. "Avec l'Ombre si proche, nous ne pouvons ne permettre ce genre de dissensions.. Oubliez vos querelles pour le moment, je vous en conjure, car j'ai le sentiment que bientôt nous devrons tous être frères d'armes, face à l'ennemi. Le danger et la mort sont tapis en Moria.. (Son regard se perdit légèrement dans le vague). J'ai le don de double vue, de part ma mère, répondit-elle à l'interrogation muette de Gandalf. Si nous ne restons pas unis, notre destin rejoindra sans doute ce que je vois. Et je souhaite de tout c?ur que cela ne se réalise pas." La tristesse de son regard les effraya légèrement, mais elle se reprit rapidement et adressa un sourire conciliant à Gimli, puis à Legolas. L'un après l'autre, ils acceptèrent d'un signe de tête.
"Puisque cette histoire est réglée, je vous recommande de vous préparer à entrer dans la Moria. Il nous faut laisser une bonne partie de notre équipement, ainsi que le brave Bill." reprit Gandalf, empli de gratitude envers Aislinn.
Le visage de Sam se décomposa.
"Mais vous ne pouvez pas abandonner un pauvre poney dans un endroit comme celui-ci, monsieur Gandalf !" s'écria-t-il, chagriné et en colère.
"Nous n'avons pas le choix, Sam. Les mines ne sont pas faites pour les poneys, même pour ceux aussi braves que Bill. Ne vous inquiétez pas. Il saura retrouver son chemin. " dit doucement Aragorn.
Laissant Gandalf s'occuper de chercher la Porte, Sam et les autres se mirent à décharger les flancs du poney et à trier leur bagages, pour ne conserver que l'essentiel. Lorsque ce fut achevé, il fallut laisser partir Bill, et le pauvre Sam ne put s'empêcher d'éclater en sanglots.
Enfin, ils se retournèrent vers Gandalf, qui ne paraissait pas avoir progressé le moins du monde. Il se tenait dans la même position qu'auparavant, et il fixait la pierre entre les deux arbres comme s'il voulait y forer un trou avec ses yeux.
Soudain, les nuages qui voilait depuis le crépuscule se dissipèrent, et la lune éclaira la pierre grise. Lentement, des lignes apparurent faiblement, formant progressivement de longues arabesques et des runes d'argent. Le contour de la porte se dessina.
Au sommet, aussi haut que pouvait atteindre Gandalf, se trouvait un arc de lettres intersectées en caractères elfiques. En dessous, bien que les fils fussent par endroit estompés, se voyaient les contours d'une enclume surmontée d'une couronne avec sept étoiles. En dessous encore, étaient dessinés deux arbres, portant chacun un croissant de lune. Plus nette que tout le reste, brillait au milieu de la Porte une unique étoile aux multiples rayons.
"Les emblèmes de Durïn !" s'écria Gimli.
"Et l'Arbre des Haut Elfes !" s'exclama Legolas.
"Et l'Etoile de la Maison de Fëanor.." ajouta Aislinn, émerveillée.
"Ils sont fait d'ithildin, qui ne reflète que la lumière de la Lune." dit Gandalf en souriant. "J'aurai du m'en souvenir. Il est écrit :
*Les portes de Durïn, Seigneur de la Moria. Parlez, ami, et entrez.* En plus petit caractères, on peut lire : *Moi, Narvi, je les ai faites. Celebrimbor de Houssaye a gravé ces signes.*"
"Et vous comprenez ce que cela veut dire?" interrogea Merry.
"C'est assez simple. Vous donnez le mot de passe, les portes s'ouvriront et vous pourrez entrer." Répondit le magicien, avant de se tourner vers la Porte et de prononcer des paroles dans une langue inconnue.
"Annon edhellen edro hi commen ! Fennas nogothrim, lasto beth lammen !"
Rien ne se passa. Il essaya toutes les clés dont il se souvenait, des mots de l'ancienne langue elfique, des injonctions naines, mais en vain. Les Portes ne bougeaient toujours pas. La Compagnie, assise non loin, surveillait ses efforts avec une anxiété croissante.
Pris de colère, il leva les bras au ciel et s'écria d'un ton de commandement, puissant comme l'orage :
"Edro ! Edro !" cria-t-il, et il frappa le roc de son bâton de chêne. " Ouvre-toi ! Ouvre-toi!"
Il fit suivre le même ordre dans toutes les langues qui furent jamais parlées dans l'Ouest des Terres du Milieu. Dépité, il jeta son bâton à terre, et s'assit sur un rocher, maugréant. Il sembla se plonger dans une profonde réflexion.
Aislinn, qui avait observé le magicien, fixait désormais la Porte, son beau visage tendu par la concentration. Soudain, son regard s'éclaira, et elle rit. Posant la main sur le rocher, elle énonça d'une voix claire :
"Mellon."
L'Etoile de Fëanor brilla d'un fort éclat, puis s'estompa, et les Portes de la Moria s'ouvrirent. La Compagnie écarquilla les yeux d'étonnement.
"Vous aviez tort, Gandalf, et vous aussi Gimli !" dit-elle avec un beau sourire, alors qu'elle se tournait vers eux. "Merry était sur la bonne piste, car votre traduction était légèrement erronée, mais sur le moment je n'y ai pas prêté attention. Elle aurait du être : *Dites "ami" et entrez*. Il m'a suffi de prononcer le mot elfique pour "ami", et les Portes se sont ouvertes. C'est tout simple."
Gandalf lui posa la main sur l'épaule, et lui rendit son sourire.
"Bien trouvé, astucieuse Dame ! Assurément Elrond a eu raison de vous envoyer avec nous. (Il regarda rapidement Boromir, qui grimaçait.) Mais une question reste en suspens : où avez vous appris à parler l'elfique des Temps Anciens?" Le magicien était grandement intrigué, car peu comprenaient encore cette langue en Terre du Milieu.
"J'aime apprendre, alors Maître Elrond m'a enseigné une partie de son savoir." Répondit-elle simplement. Elle détourna brusquement son regard vers le lac. "Nous devrions nous hâter, Gandalf ."
A cet instant, elle fut interrompue par un hurlement.
"Frodon!"
C'était Sam. Il désigna le lac, horrifié. Sorti de l'eau, un immense et humide tentacule vert pâle venait de saisir Frodon par la cheville. L'extrémité munie de ventouse agrippait son pied, et le tirait a toute vitesse vers le lac.
Avec une présence d'esprit remarquable, Sam se précipita vers la berge, dégaina son épée et taillada violemment l'immonde chose. Délaissant Frodon pour l'instant, elle recula vers le lac.. Quelques secondes plus tard, une dizaine de ses cons?ur fonça sur la Compagnie venue à la rescousse de Frodon et Sam. Ce dernier, aidé d'Aislinn, soulevait Frodon pour le mettre à l'abri, mais les tentacules ne le voyaient pas de cet oeil. Violemment heurtés par les 'bras', ils tombèrent en arrière, le souffle coupé. Deux autres appendices se chargèrent de ramasser un Frodon sans défense, et ils le hissèrent en quelques secondes au dessus du lac.
Legolas ne perdit pas une seconde. Sa première flèche partit comme le vent, touchant un des 'bras', rapidement suivi par la deuxième. La peau caoutchouteuse du monstre atténuait malheureusement les blessures, et cela ne fut pas suffisant.
Se reprenant rapidement, Aislinn se leva à toute vitesse et, tirant ses lames de leurs fourreaux noirs, elle se précipita vers l'eau noire du lac. Aragorn et Boromir se lancèrent immédiatement à sa suite.
La Chose était à présent presque entièrement hors de l'eau. C'était une sorte de poulpe, aux nombreux tentacules, et doté d'une affreuse 'bouche', emplie de dents carnassières. Elle s'apprêtait à avaler Frodon.
Des cris de guerre rauques au lèvres, Aislinn se battait comme une démone. Cet octopus monstrueux se préparait à dévorer Frodon, et la peur pour son ami hobbit décuplait ses forces. Croisant ses lames sur un des tentacules, de la même façon que sur la gorge de Boromir le jour du Conseil, elle le trancha rageusement.
La douleur prit la bête par surprise. Lâchant Frodon, elle poussa un grognement effroyable. Le hobbit atterrit droit dans les bras de Boromir.
"Dans les Mines !" hurla Gandalf à travers le vacarme du combat. "Dans les Mines !"
Le magicien s'élança dans les ténèbres. Merry, Pippin et Sam ne se le firent pas dire deux fois. Gimli les suivit rapidement.
Boromir, son précieux fardeau serré entre les bras, fila aussi vite qu'il le pouvait vers la Porte. Aragorn le suivait de près.
Aislinn couvrait leur fuite, tailladant les tentacules trop téméraires pour s'approcher d'elle. Elle reculait aussi vite qu'il lui était possible, mais ne pouvait regarder derrière, aussi ne vit-elle pas la pierre.. Trébuchant, elle laissa une brèche dans le mur de lames qu'elle maintenait auparavant. La Chose le comprit parfaitement. L'Elfe ne vit pas venir le coup. La frappant de deux tentacules à la fois, le choc la fit s'écrouler dans l'eau sale. Sa tête heurta un caillou, et elle ne sentit ni ne vit plus rien.
"Aislinn !" Sans hésiter une seconde, Legolas tira son couteau d'argent et se jeta sur le poulpe. Aragorn, entendant son cri désespéré, revint immédiatement sur ses pas pour lui prêter assistance. Tandis que le Rôdeur faisait reculer l'infamie, à grand coup d'Anduril, Legolas souleva l'Elfe inconsciente, ne sachant si elle vivait encore, et ils se précipitèrent vers l'entrée des Mines, où la Compagnie les observaient anxieusement.
"COUREZ !" hurlèrent-ils d'une même voix.
Personne n'eut besoin d'explications supplémentaires. Ils grimpèrent rapidement les premières marches, et il était temps, car déjà les tentacules venaient de pénétrer dans la Mine. Se hissant à l'aide de ses 'bras', la pieuvre géante saisit les Portes de chaque coté. Avec une force effrayante, elle les fit pivoter, et ce qui était l'Entrée de l'Ouest s'effondra avec un épouvantable fracas. L'obscurité s'abattit brusquement.
"Nous n'avons plus le choix, désormais. Il nous faut affronter les ténèbres de la Moria.."
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Un long chapitre pour une fois ! Pas simple du tout à écrire la Bataille du Poulpe.. Vous avez aimé? Détesté? REVIEEEEWWW SVP !!!! :o)
