- Rappelle-moi pourquoi j'ai dit oui à cette planque, déjà?
- Parce que tu es d'origine moldue et que tu es le chef. C'était ton idée, au départ, aussi.
- J'en ai, des idées... Ça j'en ai...
Accoudés au comptoir d'un pub du nord de Londres, Newton Bodstrom et Harry Potter serraient les mains autour de leur pinte de bière. Au dessus de leur tête, la télévision braillait les commentaires d'un match de football. C'était tout ce qui maintenait Newton éveillé, depuis une heure. Et encore, c'était un derby londonien. Rien qui n'intéressait vraiment l'ancien joueur de Liverpool et directeur du bureau des Aurors.
Harry, lui, ne cachait pas son ennui. Il était revenu d'une mission à l'étranger depuis une semaine en Angleterre, et il n'avait pas encore pu passer une soirée chez lui. Il avait été réquisitionné comme tous les autres Aurors qui n'étaient pas sur des affaires trop sensibles pour rejoindre le dispositif anti-terroriste.
Cela faisait déjà près de six heures qu'ils étaient en planque dans ce pub. Depuis une semaine, ils venaient ici tous les soirs à dix-sept heures, en espérant y trouver une de leurs cibles. Jusqu'ici, ils avaient fait chou blanc.
- Je devrais être chez moi, avec Ginny, tranquille...
- Et moi je devais aller voir le match de l'équipe de Stevie, mais je suis là aussi.
- Mais il n'y avait pas de Quidditch, ce soir... Ah, oui, c'est vrai, le football, comprit Harry, en désignant la télévision du menton.
Lui n'avait jamais vraiment compris l'intérêt des sports moldus. Avant de s'engager avec les Aurors, il avait caressé l'espoir de faire partie d'une équipe du championnat, comme Ginny. Mais ça ne s'était pas fait. Il s'était dit que c'était mieux de rentrer chez les Aurors, avec Ron. Sans s'en rendre compte, il jouait avec son alliance. Newton capta son geste, mais ne dit rien, réajusta sa casquette. Ils avaient jeté un sort pour insonoriser l'espace qui les entouraient et discuter tranquillement. Pas un des Moldus qui leur passaient à côté ne l'avaient remarqué. Harry n'était pas loin de penser que la précaution était superflue.
- Redis-moi, déjà, pourquoi on est ici alors qu'on pourrait tous les deux être ailleurs, un vendredi soir ?
- On a eu le tuyau que le réseau se réunissait à l'occasion ici. Il faut qu'on planque, dit Newton, comme pour se convaincre de l'importance de leur présence.
- Je ne sais pas si on peut faire confiance aux agents moldus. En tout cas, moi, je m'en méfierais. On ne sait même pas à quoi ressemblent les gars qu'on est censé surveiller !, s'agaça Harry, en cognant son annulaire gauche contre son verre.
- En tout cas, on est sûr que les terroristes moldus sont en lien avec des sorciers. Ils doivent bien se rencontrer quelque part. Et moi je suis persuadé qu'il n'y a pas de meilleur endroit qu'un pub. Je connais le flic qui nous a donné cette piste. Un gars de confiance.
- Si tu le dis..., lâcha Harry, en lançant un coup d'oeil à la pendule. Il n'y avait pas de sortilège pour faire avancer le temps.
- Écoute, Potter, si tu veux, pars, je reste ici jusqu'à la fin du match. S'il y a quelque chose, je te le ferais savoir. Tu as mérité ta soirée avec Ginny, concéda Newton, avec un sourire crispé.
Le visage d'Harry s'illumina. Il se voyait déjà chez lui, sur son canapé, avec Ginny, chacun leur bièraubeurre posés sur la table basse. Newton sourit.
- Vraiment, je peux ? Je resterais joignable. Toute la nuit. Au moindre truc bizarre, n'hésite pas.
- Vas-y, Potter, avant que je ne change d'avis.
- Merci Bodstrom, merci ! Je te revaudrais ça, s'exclama le brun en lui donnant une tape sur le dos. « On se voit au bureau demain », ajouta-t-il, avant de franchir la porte.
Newton ôta le sortilège d'insonorisation, embrassa la salle du regard. Il commençait à se demander ce qu'il faisait là, lui aussi. Personne de suspect depuis une semaine. Soit Lestrade s'était trompé, ce dont il doutait, soit il devrait faire preuve de plus de patience. Il remonta les manches sur ses avant-bras. Ses tatouages se mouvaient un peu trop. Une dame de cœur rousse s'obstinait à taper un valet de pique avec son sceptre sur son avant-bras gauche, sur le droit, un joueur de Liverpool enchaînait les jongles, pour tuer le temps. Ça devait être un véritable feu d'artifice de couleur sur son torse. Il se rencogna face à sa bière. « Allez, il reste dix minutes de jeu, plus le temps additionnel, parce que l'autre empaffé de Chelsea se roule par terre à chaque contact... », souffla-t-il, en buvant une gorgée, après avoir jeté un coup d'oeil sa montre. Il n'entendit pas la cloche qui tinta au dessus de la porte.
- Newton ! Viens, il faut qu'on retourne au ministère ! Allez, bouge-toi, Newt !
Une main lui secouait vigoureusement l'épaule, il se retourna sur son tabouret.
- Hein ?
Le grand blond ne comprit pas tout de suite qui était la tornade qui s'était abattue sur lui.
- Ginny ! Mais qu'est-ce-que tu fais ici ? Je viens de renvoyer Harry chez vous... Qu'est-ce qui...
Il n'eut pas le temps d'achever sa phrase.
- Quelqu'un a essayé de tuer Hermione, Newt ! On bouge, viens !
- Quoi ?
Il restait là, interdit, face à Ginny, qui s'impatientait. Les nuits de planque avaient fini par lui ramollir le cerveau, sans doute. Elle le saisit par la manche et le traîna dehors.
« Putain, Hermione », réalisa-t-il, alors qu'ils transplanaient dans la nuit pluvieuse.
