Titre : Le fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient
Pairing et personnages pour ce chapitre : Saga x Aioros principalement, Radamanthe x Kanon établi, Shura, Aiolia, Milo, Angelo x Aphrodite (sous-entendu) et d'autres à venir
Rating : T
Note : Bonjour. Merci de venir découvrir cette nouvelle histoire qui comportera trois chapitres ou plus. Je me penche ici sur l'histoire d'un couple que j'aime beaucoup et j'espère que vous aimerez mon interprétation de leur relation. Il y aura des personnages et d'autres couples en parallèle.
Bonne lecture !
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Le fil rouge du Destin
Chapitre Un
Il est temps de gommer son attitude de victime et de redessiner son Destin
(Pascal Lefoeuvre)
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Le Sanctuaire
Troisième Maison
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Lorsque Kanon entra dans le salon des appartements privés du Temple des Gémeaux, il découvrit Saga assit sur le canapé, le visage défait.
L'air était saturé par l'odeur de tabac et le cendrier sur la table basse débordait de mégots. La cafetière vide et une tasse qui devait probablement l'être aussi complétaient le sinistre tableau.
- Tu as passé la nuit ici ? demanda-t-il en allant ouvrir la fenêtre pour aérer.
- Désolé pour tout ça, je pensais avoir le temps de ranger avant ton retour.
- C'est le monde à l'envers… fit remarquer Kanon en revenant vers son aîné. D'habitude, c'est toi qui passe derrière moi et qui râle pour le bordel que je laisse !
- Ça fait un moment que c'est plus le cas, lui rappela Saga en se levant. Faut croire que fréquenter Radamanthe a ses bons côtés, aussi.
- Ravi que tu le reconnaisses enfin… Alors, il se passe quoi pour que tu sois dans cet état ? T'étais censé avoir ralenti la cigarette, non ?
Saga débarrassa la table basse et emporta tout à la cuisine.
- Café ? proposa-t-il a son frère qui le suivait.
- Je veux bien. Rad' est doué pour pas mal de choses, mais son café est toujours aussi infect !
- Tu n'as pas manqué de le lui dire, je suppose.
- Et pas qu'une fois, confirma le cadet en sortant sa propre tasse du meuble au-dessus de l'évier. Je le soupçonne de continuer à m'en servir exprès pour me convertir au thé qu'il affectionne tant !
L'ainé eut un léger sourire.
Des trois Juges infernaux, Radamanthe était celui qu'il appréciait le plus… enfin, qu'il supportait le mieux, en tous cas.
Certes, il aurait préféré que Kanon et lui ne soient qu'amis, même les meilleurs du monde, s'ils le voulaient, plutôt que de les voir s'engager dans une relation amoureuse si passionnelle.
Mais on ne choisissait pas vraiment qui aimer ou non.
Il en savait quelque chose…
Son sourire mourut aussi vite qu'il était apparu.
Ce qui inquiéta Kanon et le ramena à la situation de son frère c'était si facile de se perdre dans ses pensées, dès qu'il évoquait son compagnon infernal...
Or, ce n'était clairement pas le moment pour cela.
Saga aurait pu s'enfermer dans ses appartements privés le temple des Gémeaux était double, et depuis leur résurrection, ils avaient chacun leur propre espace de vie tout équipé, en plus de la partie commune qu'ils partageaient. Ils mangeaient souvent ensemble, et avaient aussi pris l'habitude de se retrouver le matin pour un café ou un petit-déjeuner complet.
Enfin, quand Radamanthe ne passait pas la nuit avec Kanon, ce qui restait très rare, ou que celui-ci n'était pas aux Enfers, ce qui arrivait plus souvent. Ils étaient plus tranquilles et isolés à Caina, chez le Juge, qu'au Sanctuaire si peuplé de chevaliers curieux, qui plus est..
Alors, si Saga s'était installé dans leur salon commun, avec donc la possibilité de se faire surprendre par son cadet, Kanon ne pouvait qu'y voir un appel à l'aide, conscient ou non.
Et il avait bien l'intention d'y répondre.
C'était aussi la raison pour laquelle il était revenu plus tôt au Sanctuaire : même depuis les profondeurs des Enfers, il avait senti les perturbations du cosmos et de l'âme de son jumeau, et ce, dès qu'il avait baissé les barrières qu'il érigeait pour préserver son intimité avec Radamanthe.
- Saga, qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il avec sollicitude.
- A toi, je peux bien en parler, répondit son frère en terminant de préparer le café. Tu finiras par le deviner, de toute façon.
- Ça ne t'obligera jamais à me dire où me confirmer les choses, si tu n'en as pas envie.
Saga tourna son visage vers Kanon et l'observa un instant en silence.
- J'en ai besoin, finit-il par avouer. Je crois.
C'était rare, mais cela leur arrivait de se confier l'un à l'autre.
Ils apprenaient doucement à s'écouter, se soutenir et se faire confiance. Leurs rapports s'étaient considérablement améliorés, depuis un an.
Ce n'était pas si difficile que cela, en vérité, et au contraire, cela leur venait parfois très naturellement.
Mais ils avaient encore des réflexes de prudence et d'appréhension qui, parfois, les conduisaient soit à une certaine agressivité, qui n'allait jamais au-delà d'une pique cinglante ou deux, soit le plus souvent à une certaine retenue.
Kanon avait encore peur du rejet et des reproches, et Saga continuait de se demander si son frère pouvait vraiment lui avoir pardonné l'isolement, l'abandon et l'enfermement.
Cependant, chaque jour et chaque occasion leur donnaient raison de croire en cette rédemption et apaisaient leurs inquiétudes respectives.
Ils travaillaient à la reconstruction d'un lien qui avait été usé jusqu'à la corde, rudement mis à mal, mais qui, au contraire de ce qu'ils avaient cru, n'avait jamais réellement cédé, même dans la mort.
- Je t'écoute, dans ce cas, assura Kanon en croisant les bras sur son torse puissant.
Saga s'appuya contre la table et durant quelques secondes, seul le bruit de la cafetière troubla le silence.
- J'ai dîné avec Aioros, hier soir. Et j'ai passé la nuit avec lui. Enfin, une partie, seulement.
- Attends une minute… T'es en train de me dire que t'as couché avec lui ? le cadet demanda-t-il confirmation.
- Oui.
Kanon avait pensé à beaucoup de causes expliquant l'état de son frère, et quelques-unes en rapport avec Aioros, évidemment, mais…
Il ne s'attendait pas à ça !
Comment aurait-il pu l'envisager ?
Depuis un an qu'ils étaient revenus à la vie, le Sagittaire avait redoublé d'efforts pour avoir ne serait-ce qu'un semblant de relation avec son frère. Mais Saga l'avait tenu à distance par une attitude froide et cordiale, limitant toutes leurs interactions au strict nécessaire et uniquement pour le bien du Sanctuaire et sa bonne marche.
Et là…
- Je t'avoue que je ne sais pas trop comment réagir… Tu m'en as pas parlé, hier, avant que je ne parte aux Enfers… c'était déjà prévu ?
Saga hocha la tête.
- J'y réfléchis depuis quelques jours. Je ne t'ai rien dit parce que je connais ton opinion à ce sujet. Tu m'aurais encouragé à aller le voir, tu ne m'aurais pas lâché. Or, je voulais me laisser la possibilité de changer d'avis, jusqu'à la dernière minute.
- C'est bien pensé, reconnut Kanon. Et je suis content que tu aies été au bout de ta résolution… enfin, vu ton état ce matin, je sais pas trop quoi en déduire, en fait. Est-ce que les choses t'ont échappé ?
L'aîné des Gémeaux grimaça.
- D'une certaine façon, peut-être.
- Raconte, l'encouragea Kanon.
- Je suis monté le voir pour lui parler et comme c'était l'heure, il m'a proposé de dîner avec lui. J'ai accepté. Le reste… est devenu une possibilité au cours de la soirée, et que j'avais envisagé, en y allant.
- Alors quoi ? Tu t'es enfin décidé à accepter tes sentiments, vous avez passé la soirée et la nuit ensemble et c'était tellement pourri que tu déprimes ?
- Sois sérieux une minute, soupira Saga en levant les yeux au plafond.
- Mais je le suis ! se défendit Kanon. Ou alors, tu es dégoûté d'avoir cédé… Ça te ressemblerait bien, ça ! C'était trop bien et tu le mérites pas, ou quelque chose dans le genre.
Le café était prêt.
Saga remplit leurs deux tasses en silence et les posa sur la table, avant de tirer une chaise pour s'asseoir.
Kanon l'imita et s'installa face à lui.
- J'ai pris la décision de coucher avec lui pour qu'il puisse passer à autre chose, expliqua alors Saga.
- Tu parles d'une méthode…
Le regard de l'aîné se perdit dans la contemplation du liquide noir et corsé devant lui, où il avait à peine trempé ses lèvres, encore.
- On était des enfants forcés à jouer aux adultes. Nos sentiments l'un pour l'autre n'avaient pas leur place dans ce contexte. Ils étaient évidents, mais nous devions les taire. Au fond de nous-mêmes, on espérait que plus tard, on pourrait laisser libre-court à nos envies. Alors en attendant, on remplissait notre rôle… Puis tout à basculé. J'ai tout détruit et notre histoire est restée inachevée, sans même vraiment avoir jamais commencé. C'est ce goût d'inachevé que je voulais lui ôter en passant la nuit avec lui. Afin qu'il puisse passer à autre chose et… m'oublier.
C'était la première fois que Saga acceptait de parler d'Aioros et de ses sentiments pour lui.
- Mais enfin… tu penses vraiment que ça peut marcher ? Parce que moi, j'ai de sérieux doutes ! Aioros ne veut pas juste coucher avec toi… Pas seulement, en tous cas. Ses sentiments sont profonds et sincères, autant que les tiens.
- Je sais. Mais j'espérais que ça l'y aiderait.
- Et tu te rends compte maintenant que non ?
L'aîné des Gémeaux but une longue gorgée de son café brûlant, cette fois-ci, puis il soupira en rejetant la tête en arrière, et ses longs cheveux blonds suivirent le mouvement. .
Non, il avait compris bien plus tôt et assez vite que son idée était complètement bancale…
Ce qui ne l'avait pas empêché d'aller jusqu'au bout.
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Flash back
La veille au soir
Temple du Sagittaire.
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Le délicieux repas était terminé et les deux jeunes hommes buvaient tranquillement un thé doux des montagnes grecques.
Leur préféré, depuis toujours à la recette inchangée, depuis des siècles..
Le silence régnait depuis quelques minutes, sans être gênant.
Mais on sentait qu'une certaine tension pouvait s'installer à tout moment.
Aioros finit donc par prendre son courage à deux mains pour aborder un sujet qu'ils avaient soigneusement évité, jusque-là. Le Sagittaire, pour ne pas voir la soirée tourner court, et le Gémeau… sûrement par commodité.
Mais ils savaient l'un comme l'autre qu'ils n'y couperaient pas.
Saga était venu pour lui parler, au départ.
Il n'allait donc pas repartir sans l'avoir fait.
A moins que…
- Est-ce que je peux te poser une question, Saga ?
- Tu veux savoir pourquoi maintenant, c'est ça ? devina aisément le Troisième gardien.
Aioros hocha la tête.
- Nous avons dîné et passé une excellente soirée, n'est-ce pas ?
- En effet, confirma le Gémeau.
- Mais nous avons fait comme si de rien n'était, comme si tu ne m'avais pas ignoré pendant plus d'un an, à part pour les affaires du Sanctuaire... Je suis heureux de constater que nous avons toujours cette complicité et que nous sommes à l'aise, l'un avec l'autre. Que nous avons encore tant de choses à nous dire et à partager, sans douleur ni crispation, sans peur ni appréhension, ou si peu et si vite dissipés. Mais j'aimerais comprendre... Pourquoi reviens-tu vers moi ? Que puis-je attendre de ce revirement et de ce rapprochement ? Est-ce que tu voulais me parler de quelque chose en particulier, ou juste renouer le contact avec moi ?
- Cela fait beaucoup de questions.
- Dont je mérite d'avoir les réponses, non ?
Les mains crispées autour de sa tasse quasiment vide, Saga hocha la tête en silence.
Il le garda un moment que son hôte lui accorda.
- Nous étions amis, reprit-Il enfin, en relevant vers lui son regard qu'il avait détourné un instant plus tôt.
Aioros sourit en reposant le thé qu'il venait de porter à ses lèvres.
- Nous étions plus que cela, Saga. Même si nous ne nous sommes jamais autorisés à l'exprimer clairement. Nous pouvons enfin le reconnaître, aujourd'hui. C'est ce que j'ai fait, lors de la seule discussion que tu nous a autorisé à avoir, peu après notre retour, lorsque tu es venu me présenter tes excuses. C'est d'ailleurs sûrement pour ça que tu m'évites et me rejettes, depuis nos retrouvailles.
Ses mots auraient pu être chargés de reproches et d'amertume, mais il n'en était rien.
Il n'y avait que tristesse et douleur dans la voix du Sagittaire, même si, comme à son habitude, il essayait de les masquer et de prendre sur lui.
Ce qui n'empêcha pas Saga de ressentir encore la dague de la culpabilité s'enfoncer cruellement dans sa poitrine et remuer ses chairs à en rouiller l'acier.
- Justement… Je... ne peux pas continuer comme ça, soupira-t-il. T'ignorer, te faire souffrir, surtout, c'est la dernière chose que je souhaite. Je ne t'ai jamais voulu le moindre mal, Aioros.
- Et tu as encore eu besoin d'autant de temps pour te rendre compte de cela ? demanda le Sagittaire, mais toujours sans l'ombre d'un reproche dans la voix.
- Non, bien sûr que non... J'espérai juste que tu passerais à autre chose.
Le Neuvième gardien leva un sourcil, perplexe.
- Et comment aurais-je pu, sans qu'on en ait jamais parlé, mais aussi et surtout, en vivant si près de toi ?
Repoussant sa tasse à présent vide, Saga se leva et s'approcha de la fenêtre.
Il sentit sur lui le regard intense d'Aioros, qui ne le quittait pas des yeux.
C'était une sensation à la fois si douce et si douloureuse…
Il serra les poings et inspira profondément.
- Tu as dû apprendre à connaître les gamins, qui sont devenus des jeunes hommes et de fiers Chevaliers. De même avec Aiolia.
- Et alors quoi ? Tu pensais que ça m'occuperait suffisamment pour ne plus penser à toi ?
- Je l'espérais.
Le Sagittaire se leva à son tour et rejoignit le Gémeau près de la fenêtre.
Il s'adossa contre le mur, de l'autre côté, et observa le profil de Saga qui se découpait dans le faible rayonnement de la lune qui dominait le Sanctuaire, ronde et quasiment pleine.
- Tu es mon repère, dans cette nouvelle vie, confia-t-il avec une incroyable tendresse. Athéna, Aiolia et toi êtes mes seules certitudes.
Saga lui dédia un regard franc dont la tristesse et la détresse étaient si profondes, que le cœur du Sagittaire, déjà quelque peu malmené, se serra davantage.
Il poursuivit néanmoins.
- Quand ma mémoire m'a été rendue, j'ai d'abord vu le visage d'Aiolia. J'ai ressenti une vague d'amour et de tendresse, et le besoin intense de le protéger. Ensuite, c'est ton visage qui est apparu. Une même déferlante d'amour et de tendresse, mais d'une toute autre nature m'a submergé.
- Et ensuite ?
- Ensuite ?
- N'as-tu ressenti que cela, Aioros ?
Le Sagittaire ne détourna pas le regard.
- Non. La tristesse et la colère ont suivi. Mais cette dernière n'était pas uniquement dirigée contre toi, et pas pour les raisons auxquelles tu penses. Je t'en voulais de ne pas t'être confié à moi. Car te connaissant, tu t'es senti perdre pied, et tu as voulu gérer seul. Tu n'avais pas suffisamment confiance en moi pour…
- Je t'aimais, le coupa vivement Saga. Je t'aimais tellement, Aioros, je voulais seulement te protéger. Et c'est tout l'inverse qui s'est produit.
- Saga…
- Tu ne devrais pas t'accrocher à moi, l'interrompit-il une nouvelle fois. Je ne mérite pas le centième de tes sentiments à mon égard.
- C'est à moi d'en décider, répliqua-t-il avec fermeté. Même si on ne choisit pas de qui on tombe amoureux, on peut décider quoi faire de ses sentiments. En un an, j'ai eu le temps de prendre le recul nécessaire. Les sentiments étaient en sommeil, durant ces années d'amnésie où j'ai vécu une autre vie, mais ils se sont réveillés en même temps que ma mémoire m'a été rendue. Ils ont balayé tout le reste et ne font que croître, depuis. Et ce, malgré ton cruel rejet. Contrairement à toi, je n'ai pas l'intention de les nier ou de les combattre. Cela n'en serait que plus douloureux, encore.
Les poings de Saga se serrèrent encore plus, et avec tant de force que toutes les veines de ses bras et de son cou saillirent.
Aioros pouvait voir le sang y battre furieusement, rythmé par un cœur qui s'emballait d'une seconde sur l'autre.
- Je t'ai trahi et mis a mort.
- Ce n'était pas toi, c'était l'Autre, le Lémure.
- C'est trop facile ! protesta Saga en tapant du poing sur la vitre, la faisant dangereusement vibrer.
S'il n'avait pas mesuré sa force, nul doute qu'elle aurait volé en éclats.
- Non, c'est seulement la réalité, répliqua doucement Aioros en se détachant du mur pour lui faire face. Tu était possédé par une entité maléfique extrêmement puissante, qui t'a pris ton corps, ta volonté et ta vie.
Le calme du Sagittaire apaisa le Gémeau, qui se radoucit.
- Admettons... Mais en tant que Saga, je t'ai aussi trahi en te faisant plusieurs promesses que je n'ai pas été fichu de tenir !
- De quoi parles-tu ? s'étonna le Neuvième gardien.
Saga baissa un instant le regard, puis le releva pour affronter celui d'Aioros.
Les yeux de jade étaient posés avec curiosité sur lui, sans pour autant effacer l'incroyable douceur qui y brillait en continue.
- Je t'ai pris ton innocence, mais ce n'était pas de cette façon-là que je t'avais promis que je le ferai. Même si je te l'avais dit sur le ton de la plaisanterie, on savait tous les deux que j'étais sérieux. Je t'avais aussi fait le serment que s'il t'arrivait quoi que ce soit, je veillerais sur ton petit frère. J'ai fait de sa vie un véritable enfer. Enfin, je t'avais juré que je ne baisserai jamais les bras, dans aucune situation. Et j'ai abandonné le combat le jour-même où je t'ai fait basculé de vie à trépas. J'avais même prévu de mettre fin à mes jours, mais le Lémure m'en a empêché.
Aioros secoua la tête.
- Tu n'es pas responsable de ce qui s'est passé, Saga, je te le répète. Toi, tu n'as rien fait.
- J'ai laissé faire. C'est encore pire, quand on y pense !
- Tu n'avais pas le choix et tu as lutté comme tu as pu.
- Et j'ai échoué lamentablement, surtout, grimaça-t-il en posant son front contre la vitre froide. A quoi pouvaient bien me servir ma puissance et ma sagesse pour lesquelles j'étais si complimenté et admiré, alors qu'elles ne m'ont même pas aidé à protéger celui que j'aimais tant ?
Ce fut difficile, mais Aioros réprima tant bien que mal cet élan qui le poussait à prendre Saga dans ses bras et le serrer contre lui, jusqu'à frôler l'étouffement.
Il en avait déjà envie à chaque instant, à chaque seconde, à chaque fois qu'il pensait à lui et encore plus, lorsqu'il le croisait. L'entendre parler ainsi ne pouvait que décupler cette envie, ce besoin viscéral qu'il ne pouvait pas satisfaire.
Autant que possible, il résista et s'appuya contre la fenêtre pour ne pas vaciller sous la violence de ses émotions et de l'effort demandé.
Ce faisant, il se rapprocha de Saga, qui redressa la tête pour pouvoir le regarder.
- Elles ne t'ont peut-être pas été utiles à ce moment-là, mais tu peux te reposer dessus, aujourd'hui, répondit Aioros sans trahir son trouble. Pour pouvoir aller de l'avant. Et te pardonner, surtout. Tu peux mobiliser cette force-là en toi. Comme nous l'avons fait, Shion, Dokho, Mu et moi-même. Et comme finira par le faire Aiolia, j'en suis convaincu.
- Je n'en suis pas si sûr, soupira le Gémeau en se retournant pour s'adosser lui aussi à la fenêtre.
- C'est compliqué, pour le moment. D'autant plus que même si j'essaie de le lui cacher, il sait que je souffre de notre situation actuelle et de ton attitude à mon égard. Cela ne joue pas en ta faveur.
- J'imagine.
- Tu sais, reprit Aioros après un court silence, tu te reproches beaucoup de choses dont tu n'es pas forcément responsable. Mais moi aussi, je me sens coupable.
- De quoi ? s'étonna sérieusement Saga.
- Je n'ai pas pu te protéger. Je sentais le mal qui te gagnait et je n'ai rien pu faire pour empêcher cela, quand c'était encore possible.
- Tu m'avais dit de m'éloigner de Kanon et de ne pas le provoquer davantage en l'enfermant. Je ne t'ai pas écouté.
- Le mal était déjà fait. Et on le sait maintenant, si ça n'avait pas été ton frère, quelque chose d'autre aurait fini par réveiller le Lémure. C'était la volonté des Dieux. Mais je ne peux m'empêcher de penser que peut-être, si je t'avais dit clairement ce que je ressentais pour toi… si on s'était autorisé à s'aimer, le Lémure n'aurait peut-être jamais eu de prise sur toi… Est-ce que l'amour, qui est la plus puissante magie et force en ce monde, n'aurait pas pu suffire à briser la malédiction ?
Saga refit face à la fenêtre et posa sa main à plat sur la vitre.
- On en saura jamais rien, Aioros, soupira-t-il, le nez levé vers la lune argentée. Je ne doute pas de la force des sentiments qui nous liaient, jadis, mais… je doute que cela aurait été suffisant. Alors ne culpabilise pas, le rassura-t-il en reportant son regard sur lui. Personne ne pouvait me sauver, à part notre Déesse. Tant qu'Athéna n'était pas éveillée, c'était à moi de me défaire de lui. Mais j'ai perdu toute volonté, quand il t'a arraché à moi. Cette vie n'avait plus aucun sens, je n'avais plus de raison de me battre. Même pas pour tenir les deux autres promesses. C'est pour tout ça aussi que je ne te mérite pas, Aioros, soupira-t-il pour la énième fois.
Le voyant à ce point centré sur sa culpabilité et sa responsabilité, le Sagittaire décida d'essayer une autre approche.
- Et selon toi, est-ce que moi, je mérite d'être heureux ?
- Évidemment ! affirma-t-il vivement et sans hésitation.
- Alors, si tu veux vraiment faire quelque chose pour moi en ce sens, et que tu as encore des sentiments pour moi, aujourd'hui… ne me repousse plus. Il n'y a qu'avec toi que je pourrais goûter à ce bonheur dont on nous a privé et qui est de nouveau à portée de main.
Saga secoua la tête, les yeux noyés de tristesse.
- C'est impossible.
- Tu sais ce que je dis à propos de ce mot, tu n'as pas oublié ?
- « ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait », murmura-t-il avec émotion.
Un léger sourire avait ourlé ses lèvres un court instant, à ce souvenir.
Combien de défis n'avaient-ils pas relevé, tous les deux, en se basant sur cette affirmation !
Ils avaient été connus pour leur sagesse et leur rectitude, mais ils n'en restaient pas moins des adolescents qui savaient jouer les casse-cous, de temps à autres et s'amuser.
Ils avaient aimé tester leurs limites et se dépasser, sous couvert d'entraînement.
Ensemble, toujours, avec une confiance absolue l'un en l'autre.
- Exactement, confirma Aioros. Saga, je ne suis pas en train de te faire des promesses qu'à mon tour, je ne pourrais pas tenir. Je ne suis pas en train de t'assurer que je ne me réveillerai pas un matin en me disant que finalement, c'est facile de tout remettre sur le dos de l'entité qui t'a possédé. Que je n'aurais aucun moment où je t'en voudrais plus que d'habitude ou même juste un peu pour tout ça. Que je ne ressentirai plus jamais cet élancement douloureux dans la poitrine au souvenir de cette nuit fatidique. Que j'arriverai toujours à composer avec l'idée qu'on nous a volé notre vie et notre histoire…
- Ce serait normal. C'est déjà ce que tu dois ressentir.
- J'ai éprouvé ces sentiments, oui. Mais ce n'est plus le cas, désormais. Cependant, je ne suis pas à l'abri de les ressentir à nouveau.
- Ce serait totalement justifié.
- C'est surtout normal. Je suis humain. Plus précisément, je suis un homme amoureux qui a été blessé et trahi, arraché à une vie que je construisais à peine. Et c'est pareil pour toi. Tu es aussi une victime.
- Victime et bourreau, grimaça-t-il.
- Victime d'avoir dû être un bourreau.
Aioros se tourna vers Saga et osa enrouler ses doigts autour de son poignet, qu'il pressa tendrement.
Ce geste arracha le Gémeau à la vision du Sanctuaire que lui offrait la vue depuis la fenêtre.
Il fixa son regard sur les doigts légèrement abîmés de l'archer, qui étaient pourtant si doux et chauds contre sa peau.
- Mais pour cette nouvelle existence, je veux surtout être un homme amoureux à qui on a offert une seconde chance, poursuivit Aioros. Et elle n'a de sens que si je la partage avec toi. Alors si ces moments de doute et de rancoeur surgissent effectivement, nous les dépasserons ensemble. Parce que c'est ça qui primera sur tout le reste. Je veux pouvoir me dire un jour que malgré tout ce qui s'est dressé entre nous, malgré tout ce qui pourrait nous séparer, aujourd'hui... on a été plus forts et plus sages que cela. Si je dois m'élever au-dessus de ma condition humaine et m'illustrer, que ce soit parce que j'aurais été capable d'accepter cette part de ressentiment et d'ombre propres à l'homme, sans pour autant les laisser détruire et gâcher ma nouvelle vie.
Le Sagittaire avait tout donné, cette fois-ci.
Il avait littéralement mis son cœur, sa vie, son avenir entre les mains du Gémeau dont il était fou amoureux depuis toujours.
- Je suis désolé, Aioros, murmura ce dernier entre ses lèvres pincées.
- Tu pourras l'être, si tu refermes la porte sur ce futur que j'espère construire avec toi. Mais tu as intérêt à bien la barricader, parce que je compte revenir à la charge, encore et encore.
- Pourquoi ne pas simplement tourner la page ? demanda-t-il en fixant son regard douloureux au sien. Tu pourrais être heureux avec quelqu'un d'autre, j'en suis certain.
- Tu le pourrais, toi ?
- Non. Mais il ne s'agit pas de moi.
- Je ne veux pas non plus. J'ai connu des hommes et des femmes, je ne te le cacherai pas. Mais je ne peux plus l'imaginer, alors que je t'ai retrouvé. Je ne veux plus avoir de regrets, tu comprends ? Si ça ne marche pas entre nous, j'aimerais pouvoir me dire que nous aurons tout fait, tout donné. Mais au nom de cet amour qui nous lie, nous devons au moins essayer, non ? Te rends-tu seulement compte de cette chance que nous avons de connaître un tel sentiment ? Il a survécu à la mort, à l'oubli, à la tragédie, à la trahison… Je suis sûr qu'il surpassera la rancoeur et les doutes qui pourraient ressurgir. Il a cette force et il gagnera en puissance, par notre volonté quotidienne.
- Tu pourrais profiter de ta nouvelle vie, faire tout ce que je t'ai empêché de vivre, faire de nouvelles rencontres...
- Tu m'écoutes, mais tu ne m'entends pas.
- Si, Aioros, mais...
- Je te rappelle que je suis revenu à la vie il y a dix ans, le coupa-t-il avec douceur. J'ai été un autre, j'ai construit des choses, j'y ai renoncé sans l'ombre d'une hésitation. La seule chose que je veux découvrir, c'est à quel point nous pouvons être heureux, ensemble. Vivre ici me convient parfaitement. Et j'aurais bien le temps de parcourir le monde si l'envie m'en prenait plus tard. Avec toi.
- Je...
- Saga, j'en ai assez de parler, l'interrompit-il en serrant son poignet plus fort. Je veux juste être avec toi, vivre cette histoire qu'on osait à peine imaginer, qu'on se donnait à peine le droit d'espérer vivre un jour. Si te punir est plus important que me rendre heureux, alors continue de camper sur tes positions absurdes. Mais si tu arrives à m'aimer plus que tu ne te détestes, alors... renouvelle et tiens enfin tes promesses. Ou fais-en de nouvelles. Je prends tout.
Saga le regarda longuement.
C'était une torture pour Aioros ; son cœur cognait si fort qu'il pouvait l'imaginer sortir de son torse dans un vacarme assourdissant... mais il tint bon.
Enfin, Saga laissa tomber sa tête contre son épaule en soupirant.
- Je t'aime à en crever, Aioros. Si seulement tu savais...
- Montre-le moi, murmura-t-il en refermant ses bras autour de lui, soulagé. Maintenant, et à jamais. Ou si c'est trop absolu et effrayant encore pour toi, comme absolution... maintenant et pour tout le temps qui nous sera accordé.
Saga releva la tête et sans plus aucune hésitation, il embrassa enfin Aioros.
Le Sagittaire crut défaillir sous la déferlante d'émotions que ce geste fit naître en lui.
Des sensations et des sentiments aussi divers et variés que le soulagement, la joie, le désir, le plaisir, l'amour, le vertige, le traversèrent et il en frissonna violemment.
Mais hors de question qu'ils l'empêchent d'en profiter pleinement.
Il se concentra sur la douceur contrastée des lèvres de Saga, qui étaient aussi un peu rugueuses, ce qui accentuait les sensations et le désir. Le baiser était comme dans ses rêves, encore mieux que ce qu'il avait toujours imaginé, adolescent mais aussi, depuis plus d'un an : chaud, humide, excitant et tendre à la fois…
Il se chargea rapidement d'un désir qui explosait enfin, après avoir été si longtemps contenu et refoulé.
Ils en échangèrent encore bien d'autres, sur le chemin de la chambre du Sagittaire, des plus chastes aux plus intimes.
De la même façon, ils enchaînèrent les étreintes.
Tendre et d'une lenteur calculée complètement affolante, puis passionnée et presque brutale, toujours dans le respect de l'autre.
Cela dura plusieurs heures, avant qu'ils ne rendent les armes, épuisés.
Aioros savourait encore la douce torpeur après leur énième corps-à-corps, tendrement et amoureusement blotti contre Saga, qui caressait son épaule nue du bout des doigts.
Il se voyait très bien finir la nuit comme ça.
Et en connaître encore de nombreuses autres avec le même scénario…
Mais Saga se dégagea soudain et se releva.
- Tu as assez de force pour prendre une douche maintenant ? l'interrogea Aioros d'un ton qu'il voulait neutre.
Car en vérité, il était inquiet.
Le cosmos du Gémeau, qui s'était uni au sien, s'était comme rétracté et Aioros n'en percevait qu'un léger filament, à présent. De plus, Saga lui offrait son dos nu et la tension qui le parcourait était évidente.
Et lorsqu'il se tourna vers lui, Aioros sentit son cœur commencer à se fissurer.
Il n'aimait vraiment pas cette expression sur le visage du Gémeau.
Il savait trop bien ce qu'elle signifiait.
- Ne fais pas ça, Saga, implora-t-il en se redressant. Tu ne peux pas me faire ça...
Le Gémeau serra les poings, le cœur et le visage dévastés, mais celui-ci malheureusement empreint d'une froide résolution.
Le regard d'Aioros lui déchirait le cœur, déjà bien meurtri, et sa raison vacilla.
Mais il se reprit rapidement.
- Je suis désolé, mais ça vaut mieux.
- Pour qui ? siffla le Sagittaire entre ses dents serrées.
- Pour toi, uniquement pour toi. J'ai compris que tu étais enfermé et prisonnier de notre passé, car notre histoire est restée inachevée. A présent, la boucle est bouclée, Aioros. Tu vas pouvoir passer à autre chose.
Les mains du Neuvième gardien étaient crispées avec tant de force sur les draps défaits qu'ils manquèrent de peu de les déchirer.
- Tu penses que ça se résume juste à coucher ensemble ? Ce n'est pas ce que j'attendais de toi, Saga ! Es-tu conscient de la douleur que tu m'infliges ? Que tu nous infliges ?
- C'est comme de retirer un pansement d'un coup, expliqua-t-il en se rhabillant. C'est douloureux sur le moment, mais on se rend vite compte que c'était mieux de le faire, après coup.
Aioros ne put réprimer un rire nerveux à cette comparaison complètement absurde.
- Tu me dis que tu m'aimes à en crever, on fait l'amour jusqu'à épuisement, puis tu me jettes comme un vulgaire objet dont tu n'aurais plus l'utilité… et tu compares ça au retrait d'un pansement ? Saga, arrête ça tout de suite…
- Tu finiras par te rendre compte et accepter que c'était la meilleure chose à faire.
- Si tu n'as rien de mieux à me dire, va-t-en…
Le yeux verts était emplis d'espoir et de désespoir mêlés, le premier dominant légèrement.
Saga en écrasa la dernière lueur.
- Au revoir, Aioros.
Et sans un regard en arrière, parce qu'il savait que cela aurait pu détruire sa résolution, le Gémeau quitta le Neuvième temple.
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Fin du flash back
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- Je lui ai dit qu'à présent, il pouvait m'oublier et poursuivre sa route, reprendre sa vie en laissant tout ça derrière lui.
- Il n'a pas dû bien le prendre… grimaça Kanon, en imaginant très bien la scène.
- Si tu avais vu son regard… murmura Saga, la gorge nouée à ce souvenir. Je crois qu'il me hantera pour le restant de mes jours. La dernière chose que je souhaitais, c'était le faire souffrir encore une fois.
- A quoi tu t'attendais en le rejetant de cette manière ? Et au pire moment ! Il était déjà bien malheureux, cette dernière année face à ton comportement distant. Là, tu lui fais toucher du doigt le paradis, puis tu le plonges en enfer… C'est vraiment cruel de ta part.
- C'est pour son bien, Kanon !
- Oh ! non, Saga, c'est juste pour ta pomme ! répliqua-t-il en soutenant son regard. Si tu voulais son bonheur et que ton amour pour lui était plus fort que ta volonté de te punir, tu te serais déjà installé chez lui ! Tu ne penses vraiment qu'à toi...
- C'est complètement faux ! se défendit Saga, les mains crispées sur sa tasse. C'est pour lui et uniquement pour lui que j'essaie de l'éloigner de moi !
- Tu as décidé ça arbitrairement ! Pourquoi tu saurais mieux que tout le monde ce qui est bon ou non pour Aioros ? Personne n'ignore le mal que tu as dû faire, bien malgré toi, beaucoup en ont payé le prix et subi les conséquences. Tu as été accepté, à défaut d'avoir été encore entièrement et totalement pardonné par certains.
- Je sais et j'en suis heureux. Même en considérant que je ne le mérite pas, je l'ai accepté. Mais je ne peux pas faire de même avec l'amour que me porte Aioros. Je n'y ai pas le droit, pourquoi est-ce si difficile à comprendre ?
Kanon secoua la tête, dépité.
- Tu ramènes encore tout à toi. Tu n'as pas le droit d'être heureux, ok, on a tous compris. Mais qu'en est-il d'Aioros ? Il a le droit, il le mérite même plus que n'importe lequel d'entre nous.
- C'est pour ça qu'il doit rester loin de moi.
- Mais c'est toi qui a la clé de son bonheur ! Alors peu importe si tu en retires aussi un bénéfice au passage, on s'en fout de ça ! Le principal, c'est qu'Aioros ne peut profiter de cette nouvelle vie que s'il la partage avec toi. Tu peux lu donner ça. Et tu le refuses parce que Monsieur peut pas gérer sa culpabilité ? Sérieusement ? Mais tourne la page, bon sang !
- Pourquoi tu t'énerves ?
- Parce que tu fais le con ! répondit Kanon en tapant du poing sur la table. Et que j'ai l'impression de me revoir, il y a quelques mois !
- Justement. « Tourner la page »… Je suis content que tu aies réussi à le faire. Mais c'est facile à dire pour toi. Tu n'es pas amoureux d'un homme que tu as…
Saga s'interrompt brusquement, les yeux écarquillés face à l'évidence.
Kanon eut un sourire torve.
- Ce n'est pas pareil, reprit son aîné en grimaçant. Tu n'as pas fait assassiner froidement Radamanthe, tu l'as entraîné avec toi dans la mort. Vous étiez ennemis et votre combat était loyal. Moi, j'ai trahi Aioros.
- Sous une emprise maléfique que j'ai réveillé, rappela-t-il. Toi, Saga, celui qu'il a connu et aimé, celui avec lequel il a grandi, ne lui aurait jamais fait ça. C'est ce qui fait toute la différence.
L'ainé des Gémeaux médita les paroles de son cadet quelques minutes silencieuses.
- J'ai connu ça, moi aussi, avec Radamanthe. C'est un Juge des Enfers, le mec le plus droit et respectable, reconnu pour sa grande vertu et sa profonde sagesse, dans la vie comme dans la mort. Et moi, je suis un traître et un parjure, un manipulateur de Dieu. Pourtant, il a accepté ce passé et mon repentir.
- Tu as donné ta vie pour Athéna. La manière dont tu t'es repenti est la plus belle qui soit, Kanon. Tu as été un Chevalier exemplaire lors de la dernière Guerre sainte. Lavé de tout mal et de tous péchés, tu es un homme tellement bon et droit...
- Je suis ton parfait jumeau, Saga. C'est pareil pour toi. Toi aussi, tu as été extrêmement loin par Amour pour notre Déesse. Tu mérites le pardon qui t'a été accordé. Bien plus que moi.
- Ça ne rend pas ma relation avec Aioros possible pour autant. Trop de choses se dressent entre nous.
- Il y a beaucoup de choses qui pouvaient nous empêcher d'être ensemble, Radamanthe et moi, fit remarquer Kanon. Presque tout nous sépare, en vérité. Mais ce tout, ce n'est qu'un contexte, des règles établies par des sociétés et des Dieux. Ce qui nous lie est la seule chose qui compte, au final, parce que c'est le seul élément qui dépend de nous. Il en est de même pour Aioros et toi. Votre passé et votre histoire vous séparent, on est d'accord. Mais vos sentiments et un avenir possible pour vous deux vous lient et pas qu'un peu. Ne gâche pas tout une seconde fois, mon frère. Même si, techniquement, ce n'est pas toi qui a gâché la première fois.
Le cadet se leva et alla rincer sa tasse vide.
- Tu vas réfléchir à tout ça ? demanda-t-il en revenant se poster devant son frère.
- Je dois m'absenter du Sanctuaire ces trois pu quatre prochains jours. J'accompagne la Princesse Athéna qui retourne à Tokyo. Ce sera l'occasion de prendre un peu de recul.
- Tu avais tout prévu. Ce n'est pas un hasard si c'est arrivé la veille de ton départ.
-?En effet, reconnut Saga. Je voulais mettre toutes les chances de notre côté et ne pas risquer de craquer en restant près de lui.
- Parle à Aioros avant de partir.
Saga secoua la tête.
- Je ne préfère pas, pas avant d'avoir les idées plus claires. J'ai repensé tout le reste de la nuit à ce qu'il m'a dit, et tes propres paroles font aussi leur chemin . Je ne suis plus sûr de rien…
- Il doit être dévasté, Saga, il a sûrement besoin de te voir avant que tu ne disparaisses pendant plusieurs jours.
- Je ne veux pas lui donner de faux espoirs. J'ai entendu tes arguments et les siens, mais je reste confus et je dois encore réfléchir, comme tu l'as souligné. Parce que je continue de penser qu'il serait mieux sans moi.
Le cadet des Gémeaux soupira en levant les yeux au plafond.
- J'espère que cette escapade nippone va te remettre les idées en place.
- Nous verrons bien. En attendant, Kanon, j'ai besoin que ru m'assures d'une chose : je sais qu'il vous arrive de parler, tous les deux. Ne lui dis rien, s'il te plaît. Laisse-moi gérer.
Kanon soupira encore.
- Il va sûrement me poser des questions.
- Je compte sur toi pour faire ce qu'il faut. Tu en es parfaitement capable.
- Entendu, céda-t-il après une dernière hésitation.
Saga se leva.
- Je te remercie. Je dois me préparer, à présent. Je te confie le Temple des Gémeaux et Gemini.
- Tu peux compter sur moi, assura Kanon. Laisse ça, je m'en occupe aussi, ajouta-t-il en prenant sa tasse des mains pour aller la laver.
- Merci, Kanon. Je…
- Oui ?
Saga se tourna vers la porte.
- J'ai de la chance de t'avoir.
Sans attendre et sans un regard, il quitta la cuisine.
Le moment de surprise passé, Kanon sourit.
.
Deux heures plus tard, toute la chevalerie fut réunie sur le parvis du Sanctuaire pour dire au revoir à la Princesse Athéna, qui retournait au Japon pour quelques temps.
La Déesse salua ses Chevaliers et leur confia la bonne marche du Sanctuaire, les laissant sous l'autorité bienveillante du Grand pope Shion, fidèlement assisté par Dokho.
Accompagnée par Seiya, Shun et Saga, elle quitta ensuite le Domaine sacré.
Aioros n'avait pas très bien pris la nouvelle du départ de Saga, qui n'avait été annoncé qu'à la dernière minute.
Il n'avait même pas eu l'occasion de lui parler de toute la matinée.
Entre son besoin de se calmer, ses hésitations à aller le trouver et Saga qui jouait à cache-cache avec lui, lorsqu'il s'était finalement décidé à l'affronter, le temps avait filé…
Durant le discours de la Princesse Athéna, le Sagittaire n'avait pas quitté des yeux le Gémeau.
Ce dernier avait bien senti l'intensité de ce regard posé sur lui, mais il avait gardé obstinément le sien braqué droit devant lui, par-dessus l'assistance réunie aux pieds de leur Déesse.
Et il était parti sans un regard pour lui, encore une fois.
Saga était conscient qu'il blessait encore plus Aioros, par son attitude.
Mais il craignait trop de se trahir, s'il croisait ses magnifiques yeux verts.
Il les revoyait encore, la nuit d'avant, posés sur lui avec tant de désespoir et de douleur lorsqu'il s'était levé pour partir. Et encore avant, pendant leurs étreintes passionnées, lorsqu'ils avaient brillé de désir, d'amour et de plaisir, avant de s'assombrir pour ces mêmes raisons, au paroxysme de leurs étreintes…
Ils étaient dorénavant éteints, aussi morts que l'espoir en lui.
C'était ce qu'espérait Saga, c'était ce qu'il avait recherché...
Au moins une part de lui.
Il avait eu conscience que ce ne serait pas facile, sans avoir réellement mesuré à quel point ce serait difficile et douloureux.
Mais au cours de son séjour à Tokyo, cette partie de lui qui voulait éloigner Aioros commença à s'effacer.
Ce fut grâce à ses réflexions, aux mots d'Aioros lui-même qu'il repassait en boucle, et ceux de son frère également, mais aussi et surtout, grâce à Athéna.
La divinité n'était qu'amour, bienveillance et sollicitude pour lui.
Soucieuse de son bien-être, inquiète à l'idée de le voir préoccupé et incapable de complètement se pardonner, la Déesse de la Sagesse lui prodiguait des conseils précieux et avisés, l'entourant sans cesse de son chaleureux cosmos.
Qu'un être divin si pur et si humain par certains côtés ait pu lui accorder un pardon aussi absolu et l'encourageait autant à être heureux le touchait profondément.
Il le savait, mais il n'en avait jamais mesuré l'ampleur.
Et si Elle l'avait jugé digne de cela, alors qui était-il pour tout remettre en cause ?
Athéna lui avait même fait remarquer que c'était une forme de manque de respect envers son auguste personne, de s'obstiner autant au malheur.
Ce fut dans cet état d'esprit que Saga rentra au Sanctuaire, résolu à avoir une franche discussion avec Aioros au sujet de leur relation.
Il se disait que peut-être, en effet, ils pouvaient se donner une chance…
Il arrivait enfin à envisager sereinement cette possibilité.
Il en avait tellement envie, en vérité !
C'était son seul désir, maintenant qu'il avait retrouvé son frère.
Saga devait à présent convaincre Aioros d'accepter de l'écouter et de lui pardonner son comportement immonde, après leur nuit ensemble.
Il avait vraiment agi comme le pire des salauds.
Le Gémeau posa à peine ses affaires au Troisième temple et gagna immédiatement le Neuvième, gagné par une certaine appréhension.
Mais il le trouva complètement vide, et ce devait être ainsi depuis un moment : il ne décelait nulle trace de cosmos résiduel récent.
- Il est parti.
Saga se retourna et découvrit le Capricorne, adossé à une colonne dans l'entrée du Temple.
- Bonjour, Shura.
- Bonjour, Saga. Et bon retour, l'accueillit-il en s'avançant vers lui avec un léger sourire.
- Merci.
Ils échangèrent une rapide accolade.
- Aioros a quitté le Sanctuaire au lendemain de ton départ pour Tokyo, l'informa-t-il ensuite.
Saga sentit une lame glacée traverser son corps de part en part.
Bien évidemment, il avait de suite remarqué qu'il ne parvenait pas à sentir le cosmos du Sagittaire. Mais il avait pensé et espéré très fort que c'était seulement sa volonté de garder une distance avec lui.
Il aurait pu insister pour découvrir si oui ou non, Aioros avait dressé une barrière entre eux.
Il en avait la puissance.
Mais si c'était effectivement le cas, son ami et amour aurait pu lui en vouloir de cette intrusion.
Saga se devait de respecter sa volonté et ses décisions.
Or, sa pire crainte devenait réalité : Aioros était vraiment absent.
- Où est-il allé ? demanda-t-il d'un ton le plus neutre possible. Il est en mission ?
- Les Dieux seuls le savent, répondit une autre personne.
Aiolia apparut, le cosmos flamboyant, irradiant d'une colère contenue avec grande difficulté.
Saga soutint le regard noir braqué sur lui, qu'il ne connaissait que trop bien.
Il avait perçu le cosmos grondant du Lion, mais n'y avait pas plus prêté attention.
Il était maintenant dirigé contre lui avec toute la fureur qui habitait le fougueux Chevalier.
- Aiolia… tenta d'intervenir Shura.
Mais le Lion leva le bras pour le faire taire, et s'immobilisa face au Gémeau.
Ses yeux noisette semblaient traversés par des éclairs et ses mâchoires saillaient, tant il les serrait avec rage il fulminait, littéralement.
- Tu m'as arraché mon frère, il y a 14 ans et tu me prives encore une fois de lui, aujourd'hui ! Ne cesseras-tu donc jamais de gâcher nos vies ?
- Aiolia ! s'interposa vivement Shura, cette fois-ci, en se plaçant aux côtés de Saga. Tu sais très bien que Saga était possédé, il n'est pas responsable de ce qu'il s'est passé, il y a 14 ans !
- Ça t'aide peut-être à mieux dormir de te dire ça, mais ce que je vois, moi, c'est que le commanditaire de l'assassinat de mon frère avait son visage et sa voix !
- Et l'un de ses assassins se tient devant toi, rappela le Capricorne en levant son bras droit où dormait Excalibur. Pourtant, tu m'as pardonné, ainsi qu'à Angelo et Aphrodite.
- Vous étiez des gosses de 10 ans à qui notre autorité suprême avait donné un ordre concernant un prétendu traître ! J'ai seulement accepté que vous étiez des victimes, tout comme nous !
- Tout comme Saga.
Aiolia serra les poings, et l'air sembla crépiter autour de lui.
- Alors si tu n'es qu'une victime, pourquoi culpabiliser au point de refuser le bonheur à mon frère, une nouvelle fois ? Hein, Saga ?
- Parce que je l'aime et que je ne le mérite pas, répondit calmement le Gémeau. Je voulais seulement qu'il en prenne conscience.
- Et à cause de toi, il est parti !
- Je le ramènerai, Aiolia.
- T'as pas intérêt ! rugit le Lion en brandissant le poing, menaçant. Tu vas lui foutre la paix, Saga ! Je ne plaisante pas… Parce qu'on est bien d'accord sur une chose, tous les deux : il est bien mieux loin de toi !
Aiolia se détourna et quitta le Temple en martelant le sol de ses pas furieux.
- Je m'en occupe, assura Milo en sortant de la Neuvième Maison au pas de course.
Il était au Onzième Temple avec Camus, lorsqu'il avait senti le cosmos de son ami flamboyer.
Et percevant aussi celui de Saga, il n'avait pas longtemps hésité avant de descendre rapidement vers la zone de conflit.
- Il va finir par se calmer, Milo sait y faire, assura Shura en regardant le Scorpion dévaler les escaliers à la suite du Lion.
- Tu ne devrais pas t'impliquer autant, lorsqu'il s'en prend à moi. Il a réussi à te pardonner, c'est précieux et nécessaire pour rétablir un lien durable entre vous.
- Ne t'en fais pas pour moi, répondit le Capricorne en faisant face à son aîné. Je ne pouvais pas le laisser t'accuser à tort et te faire des reproches injustifiés.
- Ils ne le sont pas. Mais merci, Shura, ajouta-t-il en posant sa main sur l'épaule de son ami. Ta loyauté envers moi, malgré ce qu'elle t'a coûté, est toujours bien présente. Je ne suis pas sûr de la mériter non plus, mais cela me touche sincèrement.
- Elle est amplement méritée.
Exception faite de son rapport à la Déesse Athéna, Shura n'était pas du genre à faire du zèle avec ses pairs. Il ne faisait que ce qui lui paraissait juste et n'agissait pas sans avoir longuement réfléchi et bien pesé le poids de ses décisions.
S'il avait poursuivi et tué Aioros, ce n'était pas simplement pour obéir aux ordres donné par celui qu'il considérait comme le représentant et tuteur d'Athena. C'était aussi et surtout pour punir un traître, car il n'avait pas supporté l'idée qu'il put s'en prendre à leur Déesse ou à son protecteur.
Quant à Saga… oui, Shura l'avait toujours énormément admiré, enfant et il reconnaissait que cela l'avait peut-être aveuglé, lorsqu'il avait découvert la vérité. Il l'avait suivi en connaissance de cause et ne l'avait jamais dénoncé. L'idée même de se rebeller contre lui ne l'avait jamais effleuré.
Et ce qui était certain, pour lui, c'était d'être prêt à suivre Saga libéré de toute emprise maléfique, aujourd'hui plus que jamais, tout comme il l'avait fait, lors de la précédente et dernière Guerre sainte contre Hadès.
Comme il l'avait toujours fait, en vérité.
Non pas uniquement par dévotion aveugle, mais parce qu'il avait retrouvé le Saga qu'il avait connu, enfant, et qu'il avait la certitude que c'était un homme bon, juste et profondément dévoué à leur Déesse.
Ils avaient tous pu constater jusqu'où il était prêt à aller pour Elle.
Son âme avait versé des larmes de sang, tout comme la sienne et celle de Camus.
Cela suffisait amplement au Capricorne.
Saga serra l'épaule de son fidèle camarade, avant de sortir du Temple.
- Saga ! le rappela Shura en le rattrapant.
Le Gémeau s'immobilisa et fit volte-face.
- Tu vas essayer de le ramener ?
- Tu as entendu ce qu'a dit Aiolia. Je pense qu'il a raison, il vaut mieux que je le laisse tranquille. Pour le moment, en tous cas.
- Si tu as besoin de moi, n'hésite pas... Je sais que ça paraît dingue, comme une mauvaise blague de la vie… réalisa-t-il en se grattant l'arrière du crâne. Je veux dire, que toi, tu me demandes à moi d'aller chercher Aioros… Comme un mauvais remake, quatorze ans plus tard... Sauf que cette fois, ça ne se finira pas de la même façon. Je te le ramènerai, je peux le faire.
Le regard noir était droit, déterminé, dévoué.
Saga ressentit un élan de tendresse et de gratitude, mais aussi de fierté, face à cet homme exceptionnel et exemplaire qu'était devenu Shura.
L'enfant qu'il avait connu et guidé avait décidément bien grandi, et tenu toutes ses promesses.
- Merci, Shura. Mais si quelqu'un doit y aller, c'est moi et moi seul.
- Bien sûr. Oui, ce n'est pas ton genre de déléguer les choses les plus importantes à faire à d'autres. Tu prends toujours tes responsabilités. Même celles que tu ne devrais pas, si je peux me permettre...
- Ne te gêne jamais pour me dire ce que tu penses, Shura. Ton regard sur notre monde et les situations vécues est aussi acéré et tranchant que ta lame. Ton avis compte beaucoup pour moi.
- Je te remercie, Saga.
- C'est sincère. En ce qui concerne le fait de prendre ou non ses responsabilités… Ce n'est pas le cas, ici. Simplement, cela n'aurait pas de sens et aucune valeur, si je n'y allais pas moi-même. Ceci étant dit, je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Aioros n'a pas coupé les ponts avec le Sanctuaire, certainement pas du jour au lendemain, c'est évident. Il a voulu prendre ses distances avec moi ou à cause de moi. Je vais donc attendre patiemment. J'aviserai ensuite selon l'évolution de la situation.
- Bien. Je m'en remets à ton jugement.
Saga s'en alla après un dernier signe de tête et un sourire.
Cette fois-ci, Shura ne le retint pas.
Il remonta vers son Temple où il découvrit Aphrodite et Angelo qui l'attendaient, en haut des marches.
- Alors ? demanda le Chevalier des Poissons en se détachant de la colonne contre laquelle il était adossé.
- J'ai trouvé Saga à l'entrée de la Maison du Sagittaire.
- C'est bien ce qui me semblait... Il a fait drôlement vite pour monter !
- Faut croire qu'il était pressé de retrouver son chéri. Mauvaise nouvelle pour toi, Beauté.
Aphrodite adressa un petit sourire mauvais à Angelo.
- Sauf qu'il ne l'a pas trouvé ! Et il a dû, en prime, subir la colère d'Aiolia, si on croit ce qu'on a ressenti plus tôt. Il ne doit pas été bien... C'est donc une belle occasion pour moi d'aller le réconforter, non ?
Le Cancer claqua la langue sèchement et s'en alla en maugréant.
- Tu nous l'a énervé pour un moment, fit placidement remarquer Shura.
- Je me ferai pardonné plus tard... Ou pas, d'ailleurs !
- Il vaudrait mieux, pour la tranquillité de tout le Sanctuaire.
Aphrodite écrasa son index sur le torse puissant de Shura
- Ce qui serait vraiment bien, mon petit Capricorne, c'est que tu lui dises enfin de ce que tu ressens pour lui.
- Ça ne ferait que créer une gêne. C'est toi qu'il aime. Son accès de jalousie le prouve encore, si besoin est.
Aphrodite secoua la tête, faisant voler ses longs cheveux blonds autour de son visage délicat.
- Ce n'est pas de l'amour, c'est de la possessivité. Il ne supporte pas l'idée que quelqu'un d'autre touche à ce qu'il considère lui appartenir. Il ne pouvait que s'écraser quand Saga était possédé , mais là…
- Cela revient au même, assura Shura en entrant dans son Temple. À plus tard.
Comme son ami le suivait, il s'arrêta et se tourna vers lui.
- Tu ne rejoins pas Saga ?
- Quoi, je te dérange ?
- Non. Mais tu l'as dit toi-même, c'est une belle occasion de le réconforter. Il ne t'ouvrira certainement pas son lit, mais tu pourrais le soutenir.
- Il n'a pas besoin de moi pour ça, assura Aphrodite avec un petit sourire triste. Tu ne le sens pas ?
Shura se concentra un instant et le perçût très vite, en effet : le cosmos des Gémeaux était complet, car les deux frères étaient réunis.
- Désolé pour toi, 'Di.
Aphrodite haussa les épaules en un geste qu'il était seul à rendre si élégant.
- De toute façon, Angelo ne m'aurait pas laissé passer, par provocation et jeu.
- On sait comment ça se serait fini. C'est peut-être ce qu'il te faut, là. Dans cette situation, ce serait mieux que de rester avec moi, non ?
- Non ! répondit le Poissons en lui prenant le bras. Tu sais bien, t'as dû le remarquer, on ne le fait plus si souvent que ça. On en a plus vraiment besoin, comme c'était le cas, dans notre précédente vie torturée. Le sexe était un véritable exutoire, voire un défouloir. Mais aujourd'hui, on est plus aussi frustré, en colère et sous-tension, bien au contraire. On a d'autres envies et d'autres passe-temps. Et justement, j'ai envie de passer un peu de temps avec mon capricorne préféré !
- C'est facile, je suis le seul que tu connaisses.
- Rabat-joie ! protesta Aphrodite en le poussant gentiment, mais sans lâcher son bras. Offre-moi à boire, au lieu de pinailler. Et laisse-moi enfin jeter un œil à tes placards, s'il-te-plaît !
- Ok pour le verre, mais tu restes loin de mes affaires.
-!Tu fais tout pour doucher mon enthousiasme, mais je suis bien trop content de passer un moment avec toi pour que ça marche ! Et je sais que ça te fait plaisir, sinon, tu m'aurais déjà prié gentiment de retourner à mon jardin !
Shura ne répondit rien, mais le conduisit à travers son Temple jusque dans ses appartements, avec un sourire qu'il ne montrait que rarement et à de tout aussi rares personnes.
- On ne devrait pas rejoindre Angelo ?
- Laisse-le bouder un peu dans son coin. Ça ne va pas durer, tu le connais, il va finir par remonter, t'en fais pas. Il a du mal à rester trop longtemps loin de toi !
Même s'il n'y croyait pas trop, le Capricorne ne releva pas et ne chercha pas à le contredire.
Il demanda seulement à son ami ce qu'il voulait boire.
Il les servit et ils s'installèrent dans le salon.
Après plus d'une heure de discussion, le Poissons vit sa prédiction se réaliser : le Cancer débarqua, malette de poker sous le bras, tout sourire, et s'avachit sur le canapé, entre eux, comme si de rien n'était.
Aphrodite lui tacla l'arrière du crâne, Shura lui apporta une bière et ils reprirent leur conversation normalement, tout en lançant une partie.
En somme, c'était une après-midi simple et habituelle entre les trois meilleurs amis d'enfance, qui ne demeuraient jamais très longtemps loin les uns des autres.
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A suivre
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Notes
Je me base sur les préquelles de Saint Seiya, Épisode zéro et Origins, parues entre 2017 et 2019 (je crois bien), écrite et dessinée par Masamu Kurumada lui-même et dans laquelle il explique la mort d'Aioros et la malédictions des Gémeaux. Dans l'animé à été rajouté la scène du combat entre Shura et Aioros qui n'apparaissait pas dans le manga, à la base. Dans cette préquelle, Kurumada explique qu'Aioros a dû combattre les trois chevaliers présents au Sanctuaire (les autres étant en entraînement à l'extérieur), à savoir Aphrodite, Deathmask et Shura. Ce dernier finit par rompre les liens retenant le pont séparant le Sanctuaire du reste du monde et précipite Aioros dans le vide avec Athéna bébé. Je trouve cela plus logique que de penser que Shura seul, âgé de 10 ans, ait pu vaincre l'un des deux prétendants à la succession du Grand pope. Et dans l'animé, Shura avait plutôt l'air d'un adulte... Mais ce n'était qu'une incohérence parmi d'autres de l'adaptation.
Vous devez sûrement vous poser des questions sur certains points de ce premier chapitre, j'y répondrai dans la suite certainement, dans l'un des deux chapitres suivants. Mais vous pouvez toujours me les poser directement.
Merci d'avoir lu, j'espère que vous avez passé un bon moment.
À bientôt ?
Lysanea
