PRETIA LIBERTATIS

CH1-Le marché

Et un petit Peplum un ! :D

Contente de vous retrouver ! J'espère que cette histoire vous plaira autant que les autres.

Petit avertissement néanmoins, cette histoire ne se déroule pas chez les bisounours donc violence et autres abus

au détour des chapitres alors âmes sensibles fuyez.

Pour la relecture on retrouve Kouan que je ne remercierai jamais assez. :)

Sur ce je vous laisse découvrir et retrouver notre Clexa.


Le Dieu Apollon chevauchait son char flamboyant au-dessus de la cité de Syracuse, extirpant le soleil de son sommeil pour étendre sa lumière et sa chaleur par-delà l'horizon. Doux rayons qui chauffèrent agréablement un corps endormi à travers des rideaux de voiles ballotés par la douce brise provenant de la mer.

La belle endormie s'éveilla, s'étirant délicatement entre ses draps de soie et laissa l'air iodée emplir agréablement ses poumons. Passant une main sur sa figure pour écarter ses boucles blondes désordonnées, elle révéla un visage serein et reposé. La jeune femme écarta les draps, frissonnant à l'agréable sensation de la soie caressant son corps nu. L'air frais et chaleureux du matin l'enveloppa, sa peau chauffant délicieusement sous les rayons du soleil tandis que ses pieds rencontrèrent le marbre froid. Elle se leva et marcha jusqu'à une chaise où elle se saisit d'un fin peignoir confectionné dans un tissu léger et raffiné.

Elle traversa ensuite la chambre aux grandes colonnes de marbre pour se diriger sur son balcon qui lui offrait une vue splendide sur la cité et la mer brillant de mille reflets scintillants. Le domaine de sa famille était situé sur la partie haute de la ville, signe de leur haute position sociale et de leur richesse. Elle n'était pas ignorante de sa chance alors que sous ses yeux une bonne partie de Syracuse était déjà au travail sur les différents marchés et au port dont elle pouvait discerner l'effervescence sur ses quais et ses navires marchands. Au centre de la mer méditerranéenne, carrefour entre la Grèce, l'orient et Rome, Syracuse avait su tirer son potentiel de sa situation géographique, devenant une puissance maritime tant militaire que marchande.

Sa contemplation fut perturbée par un écho traversant la demeure, un claquement répété et à intervalles réguliers, rapidement suivit par des cris de plus en plus fort et douloureux. Le bruit du fouet et les hurlements étaient choses courantes dans cette maison mais elle ne s'y habituait pas, sursautant presque à chaque coup, son corps exprimant son dégoût envers cette torture qu'elle définissait comme archaïque et inutile. Une torture que son oncle Russel, son tuteur légal depuis la mort de ses parents alors qu'elle n'était encore qu'une enfant, n'avait aucun scrupule à utiliser.

- Domina, fut-elle sortie de ses pensées par une voix hésitante.

Elle se tourna vers l'entrée de sa chambre et découvrit dans l'entrée la présence d'une jeune femme âgée de quelques printemps de plus qu'elle, le corps fin et élancé, des cheveux blonds abimés, et qui n'était autre que son esclave personnelle.

- Niylah, je t'ai déjà dit de m'appeler Clarke lorsque nous sommes seules, la sermonna-t-elle gentiment.

- Bien Domi… Clarke, se rattrapa-t-elle dans un sourire timide en entrant dans la pièce. Je vous apporte votre tunique pour la journée, indiqua-t-elle tout en lui présentant une robe de lin blanche.

- Merci, lui sourit-elle avec bienveillance en approchant.

Niylah baissa les yeux, une attitude ancrée en chaque esclave brisé que Clarke n'arrivait pas à lui faire oublier en sa présence. Pourtant cela faisait maintenant plusieurs printemps qu'elle était à son service et la jeune aristocrate avait tout fait pour la mettre en confiance et lui faire comprendre qu'en sa présence elle pouvait être elle-même et un peu moins une esclave.

Avec n'importe quel autre membre de sa famille ou maitre, Niylah aurait dû dévêtir Clarke et l'aider à enfiler sa tunique, l'assistant telle une enfant. Cependant, la jeune femme lui avait interdit d'en faire de même avec elle, considérant qu'elle pouvait s'habiller elle-même, que sa condition de riche aristocrate ne lui octroyait pas le droit d'asservir un être humain pour l'assister et répondre à ses besoins. Une conviction que Clarke ne pouvait s'autoriser que dans le privé, devant malheureusement faire bonne figure en public comme le lui avait inculqué son oncle qui ne partageait nullement sa pensée, tout comme la société toute entière.

Clarke, nullement pudique, se dévêtit devant son esclave, cette dernière rougissant légèrement lorsque le peignoir toucha terre, laissant le corps nu de sa maitresse à sa vue. La jeune aristocrate fit mine de ne pas le remarquer tandis qu'elle enfilait sa tunique propre. Un autre cri traversa la demeure, faisant sursauter Niylah de crainte.

Clarke la regarda tristement, ne se voilant pas la face sur les souffrances que la jeune femme avait dû subir par le passé. Même si depuis son arrivée à son service, elle bénéficiait de sa protection, son passé auprès de ses anciens maitres l'avait profondément marquée. Sans un mot, la jeune aristocrate quitta sa chambre, suivit silencieusement par Niylah.


Clarke descendit de l'étage des chambres pour rejoindre l'Atrium, le grand hall desservant toutes les pièces du rez-de-chaussée. De là, elle aperçut son oncle en pleine discussion avec le préfet de Syracuse dans le vestibule, l'entrée de la maison donnant accès à l'extérieur comme aux boutiques l'encadrant. Dans l'une d'elle son oncle vendait des armes, jumelles de celles qu'utilisaient ses gladiateurs. Plus ces derniers brillaient dans l'arène, plus son commerce florissait, les spectateurs souhaitant arborer les armes de leurs champions. Dans l'autre se vendait les vêtements de laine que sa tante filait, vêtements dont la qualité et l'esthétisme n'étaient plus à vanter, tout comme les peintures de sa cousine qui s'y vendaient à bon prix. Ils y vendaient également de l'huile d'olive provenant directement de leurs champs d'olivier, tout comme la laine provenait directement des moutons vivants dans les pâturages du domaine.

Un nouveau coup de fouet retentit ainsi qu'un nouveau hurlement qui sortirent Clarke de son observation, elle s'éloigna, dépassant le bassin central de l'Atrium, l'impluvium qui récupérait les eaux de pluies passant par le toit ouvert. Elle entra ensuite dans la grande salle à manger de la demeure. Une immense pièce ornée de fresques et de peintures. En son centre une grande table basse en bois pouvant accueillir de nombreux plats. Carrée, trois de ses côtés étaient cernés par des lits de bois inclinés où les hommes pouvaient s'allonger et manger en même temps, signe de leur supériorité et richesse. Tandis que les femmes pouvaient s'assoir sur des tabourets disposés à leurs côtés. Encore une règle que détestait Clarke qui ne se sentait nullement inférieure à un homme mais une fois de plus elle devait faire bonne figure pour ne pas s'attirer d'ennuis.

- Bonjour ma tante, cousine, salua-t-elle respectueusement les deux femmes déjà présentes autour de la table.

Sa tante était une femme distinguée, toujours vêtue à la dernière mode et coiffant sa longue chevelure blonde en de magnifique coiffure. Quant à sa cousine, elle suivait l'exemple de sa mère, aimant se parer des plus belles robes mais restant simple dans ses coiffures.

- Bonjour Clarke, lui retourna aimablement sa tante tandis que sa cousine restait silencieuse.

Elle ne releva pas, habituée au caractère capricieux de sa cousine. Elles n'étaient pas très proches, Joséphine semblant lui vouer une certaine jalousie depuis leur tendre enfance. Sans doute n'avait elle pas supporté de perdre son statut de fille unique à l'arrivée de Clarke. Ayant passée l'âge des enfantillages, elle suivit Niylah vers une vasque où cette dernière s'empara d'une cruche d'eau qu'elle versa sur les mains de Clarke lorsqu'elle les lui tendit.

- Merci, murmura-t-elle à Niylah de sorte que sa famille ne l'entende pas.

Après un discret hochement de tête, la servante s'éloigna pour s'effacer dans un coin de la pièce comme les autres esclaves personnels qui attendaient que leurs maitresses terminent de manger. Clarke alla s'installer sur l'un des tabourets puis se servit silencieusement en eau, pain et fruits frais.

- Quel bonheur d'avoir toutes les femmes de ma vie réunies, s'exclama jovialement son oncle en entrant dans la pièce.

Il se dirigea immédiatement vers sa fille, embrassant Joséphine sur la tête avant d'aller embrasser sa femme puis il rejoignit la vasque où son esclave l'attendait pour le lavage de ses mains. Ignorant Clarke de tout geste d'affection. Si plus jeune la différence que marquait son oncle à son encontre l'avait blessée, elle n'en faisait plus cas, ayant compris depuis longtemps qu'elle ne ferait jamais vraiment partie de leur famille. Son oncle était le frère de son défunt père, il ne l'avait recueilli que par devoir, bien qu'il enjolive toujours l'histoire pour démontrer son altruisme et sa grande générosité. Un cri plus agonisant que les autres traversa la demeure et Clarke ne put retenir une légère grimace.

- Quelque chose te dérange Clarke ? Demanda sournoisement sa cousine.

- Oui, répondit-elle franchement. Ce châtiment barbare est-il vraiment nécessaire ? Se tourna-t-elle vers son oncle qui s'allongeait de profil sur l'un des lits de bois.

- Ce misérable n'a pas donné le meilleur de lui-même durant son dernier combat qu'il a perdu lamentablement.

- Il est certain qu'après ce traitement, il sera au meilleur de sa forme pour combattre, retourna-t-elle avec sarcasme.

- Clarke! Tu dois le respect à ton oncle ! Excuse-toi immédiatement ! La réprimanda sa tante.

- Ce n'est rien Simone, la rassura ce dernier d'un sourire aimable envers son épouse. Quant à ton inquiétude, revint-il sur Clarke en ignorant sciemment son sarcasme, elle n'a pas lieu d'être puisqu'il n'aura pas d'autre combat.

- Comment ça ?

- C'est une exécution, clarifia-t-il sous un sourire amusé de la part de sa cousine. Sa mort sera un exemple pour les autres.

Clarke se retint difficilement de répondre, sachant pertinemment que ce serait inutile et que cela lui apporterait plus de problème que nécessaire.

- Est-ce bien prudent de te séparer d'un de tes combattants quelques jours avant les festivités en l'honneur d'Apollon ? Intervint cependant sa tante.

- Je perdais plus que je ne gagnais avec lui, tout autre combattant fera l'affaire, d'ailleurs je vais me rendre de ce pas au marché aux esclaves pour le remplacer, indiqua-t-il à sa femme.

- Clarke t'accompagnera, il lui faut une robe pour notre banquet de la clôture des jeux.

- Très bien, nous nous chargerons de ça après avoir réglé mes affaires, accepta son oncle agacée avant de se tourner vers sa fille dans un sourire bienveillant. Et toi Josie ?

- Je porterais l'une des créations de mère, répondit-elle fièrement.

Clarke tourna la tête vers le sol, cachant ainsi la moue qui s'était dessinée sur ses lèvres malgré elle : jamais elle n'avait eu l'honneur de porter l'une des créations de sa tante. Aussi, devait-elle se contenter des tissus sur le marché qu'elle cousait elle-même à l'aide de certaines esclaves. Elle achetait donc ses propres vêtements grâce à une bourse mensuelle qui lui était versée. Une bourse bien peu épaisse lorsque son oncle faisait les comptes concernant son hébergement et la nourriture fournie et qui l'obligeait donc à choisir des tissus d'une qualité inférieur à ceux que portaient la famille, marquant davantage sa différence. De plus son oncle gardait compte de toutes les dépenses supplémentaires qu'il faisait pour elle afin de les lui réclamer lorsqu'elle toucherait l'héritage de son défunt père. Un héritage qu'elle toucherait seulement une fois mariée, une clause bien précise du testament de son père, tout comme le fait qu'elle ne devrait être mariée avant ses 18 ans, à moins qu'elle ne rencontre le grand amour avant. Elle avait peu de souvenirs de ses parents mais ils semblaient être bien idéalistes car Clarke ne se faisait pas de faux espoir, les mariages d'amour n'existaient pas, seuls les mariages arrangés pour le profit régissaient ce monde.

Malgré ses dix-huit printemps approchant à grand pas et avec eux le mariage que son oncle rêvait de lui imposer pour s'enrichir et se débarrasser d'elle, Clarke était bien plus préoccupée par cette visite au marché aux esclaves. Cette seule idée la révulsait et l'écœurait, malgré son sourire de façade, cela lui avait coupé l'appétit.


Le soleil brûlait la ville de son accablante chaleur, rendant les rues bondées étouffantes mais par chance le marché aux esclaves faisait directement face aux quais, leur permettant de profiter de la fraicheur du vent venant directement de la mer. Bien que ce ne soit pas la raison de son emplacement, ayant plutôt été choisie pour sa proximité directe avec les quais qui permettaient aux marchands d'esclaves de descendre leurs « marchandises » des bateaux pour les mettre directement en vente.

Cette pensée noua l'estomac de Clarke alors qu'elle marchait à la suite de son oncle et entourés de deux gardes du corps provenant tout droit de sa réserve de gladiateurs. Ils se frayaient un chemin à travers la foule se massant devant les différentes estrades de bois sur lesquels les esclaves étaient exhibés pour la vente. Bousculée, étouffée, c'est l'odeur pestilentielle des lieux qui lui donna l'envie de cesser de respirer. Il ne s'agissait aucunement de l'odeur des produits de la mer que ramenaient les pêcheurs mais celle de la crasse et du sang. Rien que l'odeur nauséabonde permettait de deviner l'horreur qui se passait sur ce marché et dans quel état les esclaves se trouvaient.

Ils percèrent la foule jusqu'à un marchand proposant des gladiateurs que Russel connaissait bien pour s'être souvent fourni en excellents combattants chez lui. Clarke serra les poings d'indignation en découvrant les hommes enchainés à des poteaux au sommet de l'estrade. Alignés tel du bétail en arrière plan tandis qu'au devant de la scène un de leur camarade d'infortune était exposé et vanté aux potentiels acheteurs qui enchérissaient en criant.

Son oncle se tourna vers l'un de ses gardes du corps, demandant son avis à McCreary, son combattant le plus fidèle et le plus victorieux. Un homme n'ayant aucun honneur, combattant vicieusement. Malgré sa condition d'esclave, Clarke n'avait aucune compassion pour lui, il la répugnait. Il était aussi impitoyable dans l'arène qu'en dehors. Ce n'était pas uniquement un guerrier mais également un meurtrier. Du fait de ses victoires, McCreary bénéficiait de certaines faveurs de la part de son oncle, faveurs dont avait résulté la mort de jeunes femmes à leur service. La mort d'esclave dont seule Clarke se souciait.

Tandis que son oncle renonçait à enchérir sur le futur gladiateur présenté, l'attention de Clarke fut soudainement attirée par la cohue de l'estrade voisine. Elle eut un haut le cœur en découvrant des femmes de tous âges et de tous horizons, attachées par des chaines bras au-dessus de la tête à un crochet de boucher, leurs pieds également enchainés touchant à peine le sol.

Le marchand grassouillet jeta la pauvre femme qu'il venait de vendre en pâture à son nouveau propriétaire. Les hommes de ce dernier l'attrapèrent et l'entrainèrent à travers la foule qui la regardèrent disparaitre tel des loups affamés prêt à la déchiqueter.

- Ne vous inquiétez pas mes amis, il y en a plein d'autre en réserve ! Les rappela à lui le marchand.

Comme eux, Clarke ramena son regard sur l'estrade mais le sien était écœuré et triste de n'être qu'une spectatrice impuissante.

- J'ai justement un très beau spécimen à vous proposer ! S'enthousiasma-t-il avant de se diriger vers la lignée de femme.

Il décrocha l'une d'elle sans douceur, la laissant s'effondrer au sol avant de violemment l'empoigner et la jeter sur le devant de la scène. L'esclave se redressa tant bien que mal sur ses genoux, sa longue chevelure brune masquant son visage tandis que les haillons dont elle était vêtue ne cachaient rien de son corps frêle et affamé.

Le marchant grassouillet empoigna vigoureusement ses cheveux et la redressa avec force, lui arrachant une grimace de douleur en tirant trop en arrière sa tête. Cependant, la douleur de ce geste devait être un moindre mal en comparaison du reste. Cette femme avait été clairement battue au vu des marques couvrant son corps et son visage, bien que ce dernier ait été un minimum préservé pour mieux la vendre.

- Une marchandise de grande qualité, commença le marchant en attrapant la mâchoire de la jeune femme pour l'obliger à regarder la foule, encore fraichement combative, ajouta-t-il dans un rire gras lorsqu'elle tenta de se débattre, vous prendrez plaisir à la briser et la modeler selon vos désirs… que les enchères commencent !

La foule s'embrasa, lançant offres après offres, tandis que Clarke plongeait dans le regard vert de l'esclave, un regard combatif et enflammé par la rage malgré sa faible condition physique et le terrible avenir qui s'offrait à elle. Clarke regarda les hommes qui se battaient pour la posséder et elle sut qu'aucun d'eux ne la briserait, ne lui laissant que la mort pour destin.

- 4000 Sesterces !cria-t-elle soudainement, se surprenant elle-même alors que son cœur refusant de rester impuissant avait agit avant sa tête.

- Quatre… Quatre mille Sesterces, bafouilla le marchand avant de se reprendre : qui dit mieux ?!

- Tu as perdu la tête ! Hurla son oncle en la rejoignant.

Clarke se rendit alors compte du silence qui s'était abattu autour d'elle, son cri ayant également stoppé les enchères sur l'estrade des gladiateurs car une telle somme pour un esclave était exorbitante. Elle proposait littéralement le double de la somme habituelle.

- Vendu ! S'empressa de conclure le marchand.

- Quoi ? Non ! Elle n'a pas cet argent ! S'emporta davantage son oncle.

- La vente a été conclue dans les règles, pointa immédiatement le marchand tandis que des gardes commençaient à s'intéresser à l'agitation.

- Je te rembourserais, comme tout le reste, lui rappela Clarke.

- Que veux-tu que je fasse de ça ?! Pointa-t-il avec dégout l'esclave. Tu viens de me couter un gladiateur ! Ragea-t-il en empoignant douloureusement Clarke par le bras.

- Une vente est une vente Russel, lui rappela le marchand, alors donne-moi mon argent, prends la marchandise et règle tes problèmes ailleurs.

- C'est une femme, une gamine écervelée, sa parole n'a aucune valeur, cette vente n'est qu'une vaste farce ! Tu n'auras pas mon argent, sale voleur ! Accusa-t-il le marchand tout en secouant sa nièce.

Soutenant leur maitre, McCreary et l'autre gladiateur se rapprochèrent du marchand, gonflant leurs muscles prêt à lui briser les os s'il n'annulait pas immédiatement la vente. Le marchand recula, se recroquevillant sur lui-même. Il était sur le point d'abandonner cette excellente et improbable vente lorsque la chance continua de frapper à sa porte.

- Il y a un problème ? Intervint une patrouille de deux gardes.

- O… oui… se reprit tout de même avec hésitation le marchand… il refuse de…

- Il n'y a aucun problème ! S'exclama dans un sourire faux Russel tout en relâchant sa prise sur sa nièce. Payez donc cet aimable marchand, ordonna-t-il à ses gladiateurs.

Cela lui coutait dans tous les sens du terme, il avait horreur de perdre la face, sans parler d'une telle somme mais bien que furieux, il souhaitait éviter tout problème avec la loi.

- Retournez à vos affaires ! Ordonnèrent les gardes alors que la foule s'était massée autour de Russel et du marchand.

McCreary s'empara de l'esclave en l'attrapant par les chaines enserrant ses poignets et l'entraina sans douceur à travers la foule, la faisant trébucher à plusieurs reprises.

- Doucement ! Espèce de… intervint Clarke avant de se raviser sous le regard furieux de son oncle.

- Je te conseille de rentrer au domaine sans faire d'esclandre, la menaça-t-il d'un dangereux regard.

Clarke obtempéra, le suivant sans un mot à travers la foule.


Lorsqu'ils entrèrent dans la villa, McCreary poussa la jeune femme tenant à peine sur ses jambes en direction de l'impluvium. L'esclave tomba dans les quelques centimètres d'eau de pluie et autant assoiffée qu'affamée, elle plongea ses lèvres dedans buvant à grandes gorgées.

- Brave chienne, se moqua le gladiateur.

- Qu'est-ce que c'est que ça ?! S'exclama Simone en découvrant l'esclave à moitié nue dans l'eau.

- Ceci est la dernière acquisition de ta chère nièce ! Répondit un Russel toujours aussi furieux.

La maitresse de maison plissa les yeux en réalisant qu'en dehors de cette esclave, il n'y avait pas d'autre nouveau visage.

- Où est le gladiateur que tu devais acheter ? S'inquiéta-t-elle soudainement.

- Je n'ai plus d'argent pour ! Pas avant les prochains jeux ! Cette petite écervelée à tout dilapider pour cette loque ! Fulmina-t-il davantage.

- Tu as fait quoi ?! Cria sa tante en se tournant vers elle.

- Je vous rembourserais ! Je suis désolée mais …

- SILENCE ! L'arrêta Russel. Je ne veux plus t'entendre, ni te voir jusqu'à nouvel ordre, hors de ma vue !

Clarke recula d'un pas instinctif face à sa colère, cependant son regard passa de l'esclave à son oncle à plusieurs reprises, tentée de lui résister mais elle finit par décider de lui obéir. Elle allait partir lorsque sa cousine entra dans l'atrium, attirée par les cris.

- Que se passe-t-il ?

- Ta cousine a acheté une esclave, répondit sa mère, il semblerait qu'elle ait enfin décidé à rentrer dans le rang en nous ramenant une esclave inutile.

Joséphine regarda avec surprise sa cousine tandis que Russel attrapa par ses chaines l'esclave pour la jeter aux pieds de Clarke.

- Elle n'a que la peau sur les os, que vais-je faire d'elle ? Une idée Clarke ? Pourquoi je ne me débarrasserais pas de ce déchet sur le champ ?! Conclut-il en abattant violement son pied sur la main de l'esclave, lui écrasant les doigts ce qui la fit gémir de douleur.

- Elle pourrait travailler dans les champs ! Répondit Clarke en tentant d'ignorer le gémissement douloureux de l'esclave. Ou bien ici en tant que domestique…

- Tu as déjà une esclave personnelle, nous en avons tous un ! Contra Russel. Et suffisamment d'esclaves pour toutes les tâches.

- Père, l'interpella Joséphine d'une voix mielleuse.

Russel se retourna vers elle, libérant la main qu'il écrasait. Clarke se retint de ne pas plonger sur l'esclave pour constater les dégâts mais son regard la trahit, même si seule sa cousine avait semblé le remarquer. Contrairement à ses parents, Joséphine se doutait que sa cousine n'avait pas soudainement adhéré à l'attrait des esclaves. Clarke se souciait d'eux et avait sans doute espérer sauver cette esclave d'un quelconque terrible sort. Joséphine esquissa un faible sourire, ravie de pouvoir tourmenter sa cousine :

- Sous toute cette crasse, elle semble avoir quelques atouts… pointa-t-elle tout en scrutant avec indécence le corps abimé de l'esclave.

- Une esclave de corps ? Devina sa mère.

- Non, il y a forcément autre chose qu'elle… tenta d'intervenir Clarke avant d'être coupée par Russel.

- C'est une excellente idée ma chérie, après tout nous en avons récemment perdu une sous l'indélicatesse de McCreary.

Le concerné arbora un fier sourire qui écœura Clarke et ne la rassura guère sur l'avenir de l'esclave qu'elle n'avait finalement sauvé d'aucun triste sort mais l'avait plutôt condamné à pire.

- Nous pourrons peut-être vendre son corps à l'un de nos invités lors des festivités pour Apollon, nous récupérerions la somme que Clarke nous a fait perdre, appuya Simone.

- Rien ne vaut une réunion de famille pour régler un problème, s'enthousiasma Russel en souriant fièrement à sa femme et sa fille. Maintenant emmenez ça hors de ma vue, s'exclama-t-il en pointant vulgairement l'esclave.

McCreary la releva par un bras, la secouant dans le mouvement et prêt à la trainer à travers la maison jusqu'à l'aile des esclaves lorsque Clarke le stoppa.

- Je vais m'en occuper, lui dit-elle fermement.

Le gladiateur tourna son regard vers son oncle attendant un quelconque ordre.

- Elle est à moi, c'est ma responsabilité, dit-elle à son oncle.

- Fais ce que tu veux mais qu'elle soit prête pour les festivités, je ne veux aucun esclandre, suis-je clair ?

- Oui, mon oncle, acquiesça-t-elle docilement.

Alors tout le monde s'éloigna, retournant à ses occupations, McCreary laissant tomber l'esclave au sol avant de lui donner les clés des chaines fournis par le marchand. Une fois seule avec elle, Niylah sortit de l'ombre où elle avait sagement attendu pour prendre son service auprès de sa maitresse à l'entente de son retour.

- Aide-moi à l'emmener à l'infirmerie, ordonna-t-elle à Niylah.

Cette dernière obtempéra immédiatement, l'aidant à délicatement relever l'esclave puis elles l'aidèrent à marcher en direction du sous-sol afin d'emprunter le chemin menant au Ludus. La caserne des gladiateurs de son oncle était accolée à leur demeure et reliées entre elles par leur sous-sol commun. Ainsi il ne leur fallait que quelques minutes pour atteindre l'infirmerie.


Elles marchaient dans le sable du sous-sol, passant devant la grille donnant accès aux quartiers des gladiateurs. Sombres et éclairés par quelques torches, il s'en dégageait une odeur nauséabonde de sueur, de crasse et d'humidité dû aux bains de fortune à proximité des cellules communes. L'accès en était gardé par deux gardes qui saluèrent brièvement Clarke à son passage mais elle continua en direction de l'infirmerie sans leur répondre.

- Niko ! Appela-t-elle le guérisseur à leur entrée.

Un homme imposant et à la barbe fourni se retrouva immédiatement à leur côté. Clarke et Niylah déposèrent l'esclave sur une table de bois puis elles s'écartèrent pour laisser le guérisseur s'occuper de sa nouvelle patiente. Cette dernière semblait lentement plonger dans l'inconscience mais luttait pour ne pas s'y enfoncer.

- Que lui est-il arrivé ? Demanda candidement Niko.

- Elle sort du marché aux esclaves, répondit simplement Clarke.

-Je vois…

Il n'en fallu pas plus au soigneur pour comprendre ce par quoi était passée la jeune femme. Capturée puis de toute évidence battue en combattant ses ravisseurs pour finalement être affamée et assoiffée pour la priver de force jusqu'à l'épuisement. Un bon moyen de la garder en laisse le temps de la vente. Cependant, au vu des contusions que le médecin pouvait voir sur son corps cette esclave avait sans aucun doute longuement luttée.

Il posa prudemment ses mains sur la jeune femme somnolente, observant attentivement les bleus marquants sa peau, s'assurant que les coupures ne s'étaient pas infectées.

- Non… touchez… pas… Murmura faiblement l'esclave au fur et à mesure de son examen.

- Tout va bien, lui dit Clarke tout en posant prudemment une main sur son épaule.

Le geste sembla apaiser la jeune femme qui rouvrit quelques secondes les yeux sur Clarke avant de les refermer. Clarke retira sa main de son épaule pour prendre délicatement entre ses mains la main que son oncle avait écrasée.

- Il faudra examiner sa main, s'assurer que rien n'est cassé, dit-elle au médecin.

- Je le ferais mais je voudrais d'abord m'occuper des plaies causées par ses chaines, est-il possible de les lui retirer ?

Clarke s'empressa de lui donner les clés et il libéra les poignets et chevilles de l'esclave. Le soigneur ne put retenir une grimace à la vu de la chair brulée et lacérée par le fer, l'entaillant profondément. Il s'empressa de nettoyer les blessures, ignorant les plaintes de sa patiente sous ses manipulations. Il appliqua un baume cicatrisant puis il banda proprement les plaies.

L'esclave semblait plus calme, apaisée par l'effet des soins sur ses blessures qui avaient dû la faire terriblement souffrir car les frottements constants des fers ne permettaient aucune cicatrisation, rouvrant et aggravant éternellement les plaies. Niko retourna à l'examen du reste de son corps, s'attardant alors sur une coupure plus profonde que les autres qui partait de sa hanche pour continuer en direction de son bas-ventre. Gene par les haillons la couvrant, il entreprit de les lui retirer pour mieux accéder à la plaie.

- Non… pas ça…Commença-t-elle à s'agiter, une peur évidente dans la voix.

Le soigneur ignora son avertissement et l'instant d'après une poigne ferme se referma autour de sa gorge. L'esclave avec la force de la peur s'était redressée pour l'arrêter et de toute évidence le tuer. Surprise, Clarke recula instinctivement, pétrifiée par le spectacle mais heureusement pour le médecin, ce ne fut pas le cas de Niylah. Cette dernière fit lâcher prise à la jeune femme sur la gorge de Niko puis elle la plaqua avec force contre la table de bois.

- Je vous conseille de lui donner quelque chose pour la calmer, dit-elle au médecin tandis que l'esclave continuait de lutter bien que faiblement.

Niko alla immédiatement préparer une décoction de différentes herbes puis il revint la lui faisant boire de force avec l'aide de Niylah. Il ne fallut que quelques minutes pour que la mixture agisse, emportant l'esclave dans l'inconscience. Le soigneur commença immédiatement ses soins. Niylah s'éloigna de la table pour rejoindre sa maitresse qui s'était silencieusement écartée dans l'entrée. Elle releva immédiatement la détresse de Clarke qui ne quittait pas des yeux la jeune femme maintenant endormie.

- C'est pour son bien, lui dit-elle alors qu'il était évident qu'elle culpabilisait sur le fait qu'ils aient dû la droguer.

- Ai-je seulement bien fait de l'amener ici ? Demanda-t-elle amèrement et sans réellement attendre de réponse.

- Ici, elle a votre protection et cela lui donne bien plus de chance qu'avec n'importe quel autre maitre.

- Tu as entendu ce qu'ils veulent faire d'elle, je ne pourrais rien faire pour les en empêcher, dit-elle tristement.

Cette fois Niylah n'eut aucune réponse car la protection de Clarke avait effectivement ses limites. De plus cette esclave était loin d'être brisée, son esprit combatif était bien présent jusqu'à réussir à lutter dans son état. Niylah doutait qu'elle ne survive bien longtemps en ces lieux.

- Lorsqu'elle se réveillera, emmène-la prendre un bain puis conduis-la à vos quartiers pour qu'elle se repose, demanda Clarke.

- Bien Domina, acquiesça-t-elle docilement tandis que la jeune femme quittait les lieux.

A suivre…


Alors que pensez-vous de ce début ? J'attends vos retours avec impatience alors n'hésitez pas.

En tout cas j'espère que ce petit chapitre vous a accroché et que vous me suivrez dans cette nouvelle histoire et ce nouvel univers que je tente et dont je n'ai pas l'habitude, d'ailleurs encore merci à Kouan pour l'aide ;)

Pour les publications, il s'agira d'un chapitre toutes les deux semaines et postés le dimanche.

Sur ce je vous souhaite de bonnes fêtes et vous dit à bientôt. :)