Bonjour !

Des circonstances cosmiques m'ont poussée à commencer cette fic. Si, si, vous allez voir. Je discutais avec Alshert du film Free!, de l'OST de l'anime qui était si cool, et je lui disais que ça faisait un moment que j'avais bien envie d'écrire une fic dans ce fandom. En y songeant, je lui demande si ce sont bien les maquereaux que Haru aime tant. Une minute plus tard, mon père chez qui je séjournais à ce moment-là frappe à ma porte… une boîte de maquereaux à la main, me demandant si je veux manger ça pour dîner. Le lendemain, je me lance un épisode de Samurai Gourmet, et le thème de l'épisode est… le maquereau. C'étaient trop de signes, il fallait que je m'y mette. Et comme en plus le temps s'améliore, je vais enfin pouvoir retrouver la mer et aller nager… libre :)

J'espère que cette fic vous plaira, c'est ma première dans ce fandom (que je suis loin de maîtriser sur le bout des doigts. De toute façon je ne cherche jamais à faire des fics « canons », mais bref). N'hésitez pas à me faire part de vos impressions !

Enjoy !


A Boy in the Water

Chapitre 1

I

Les pieds dans l'eau, Haruka garde les yeux fixés sur l'horizon. Sa ligne se brouille dans une brume d'un blanc azuré, confondant l'océan et le ciel comme les teintes d'une aquarelle. Le sable fait un nid douillet pour ses pieds, tandis que le ressac faible par ce jour sans vent caresse ses mollets. L'eau est froide. Beaucoup trop froide pour la majeure partie des gens. Mais Haru a toujours été le premier à se baigner. Chaque année, c'est le même rituel. Aux premiers beaux jours, lorsque le soleil tiédit et grimpe plus haut dans le ciel, quand la fraîcheur hivernale commence à fondre dans les parfums de fleurs et de jeunes pousses, c'est son moment. Le moment de retrouver la mer. Il inspire profondément, et sa poitrine s'ouvre, ses bronches se déplient, ses poumons gonflent. L'air iodé du large vient envelopper son corps à moitié nu d'une caresse familière, comme l'étreinte d'un amant qui reconnaît sa moitié. Son exil sur la terre ferme est enfin terminé, et il semble que l'océan salue son retour. Les vagues alanguies miroitent sous le soleil, l'écume chuchote sur le sable, la mer l'invite, s'ourlant de brume pour mieux lui donner soif d'elle, le désir ancré dans sa poitrine de lever le voile sur ses mystères.

Il avance dans l'eau, qui se referme sur ses jambes. Il a l'impression de réapprendre son élément préféré, la mer étant si différente d'une piscine immobile, domestiquée, sans force et volonté. L'océan bouscule et attire, le retient tout en le repoussant. L'océan lui ressemble.

Il serre les dents et grimace imperceptiblement tandis que l'eau ceint son bassin, douloureuse, agressive. Mais il l'ignore, parce qu'il sait que dans quelques instants, son corps aura oublié la morsure, et ne rêvera que de ce ciel inversé qui le transporte sous la lune et les étoiles invisibles, ce monde silencieux où il a passé presque toutes les meilleures heures de sa vie. Une fois qu'il aura apprivoisé les eaux glaciales, appréhendé les courants qui s'enroulent autour de ses chevilles, alors il plongera dans l'eau infiniment bleue, où se promènent les rayons errants, diffractés dans toutes les directions. Sous la surface, la lumière ondoie toujours. Elle n'est jamais fixe, elle ondule avec la houle, glissant sur sa peau comme l'eau, comme le vent. Ça lui manque tellement. Un hiver entier à contempler cette masse d'eau frémissante, aimante, à attendre sur le rivage. Maintenant, plus rien ne le retient.

Alors il accélère, défait de toute hésitation. Chaque pas est plus franc, plus vif, et bientôt ses pieds quittent la molle sécurité du sable pour battre librement dans l'eau, tandis qu'il redresse le menton pour fendre les vagues. La mer, partout, appuie sur son corps, comme pour le tester. Il se met à nager, brasse l'eau des pieds et des jambes, la chasse autour de lui, mais plus il s'active, plus il se fond dans la masse liquide et caressante, qui surélève son corps, le portant vers la surface, tandis que cette force cohabite avec le courant plus froid qui le tire vers les profondeurs. Et il surnage entre les deux tel un oiseau de proie tournant entre des colonnes d'air. Il se guide aux tressaillements de la lumière sur la crénelure des vagues, qui s'évanouit à mesure qu'il la regarde dans le mouvement perpétuel des eaux, tandis qu'il nage droit vers l'horizon.

II

Une heure plus tard, Haru redécouvre la pesanteur du monde terrestre où sa condition d'humain le ramène. Les pieds dans le sable, il tire péniblement le poids de son corps hors de l'eau. Il a nagé avec enthousiasme et l'effort a tiré sur ses muscles, ajoutant encore à cette sensation de lourdeur. Mais alors qu'il s'extrait du ressac et commence à avancer sur le sable sec, chauffé par les rayons du soleil qui a pris de l'assurance dans sa course vers le zénith, il expérimente aussi le délicieux frémissement qui parcourt tout son corps, sa circulation sanguine pulsante sous son épiderme, comme si son corps avait été redressé, remis dans le bon sens. Il se sent plus grand, il a une meilleure conscience de ses membres, et un bien-être profond rayonne en lui. Le pantin triste que l'hiver a fait de lui n'est plus, laissant place au jeune homme plein de vitalité qui a retrouvé son élément, sa joie, sa raison de vivre.

Arrivé à la hauteur de ses affaires, il attrape sa serviette et se sèche – le vent est encore un peu frais et le soleil, pas encore assez fort pour amoindrir ses effets. Puis, il déploie la serviette sur le sable et s'y allonger pour écouter le grondement tranquille du ressac, le sifflement du vent et les cris solitaires des mouettes. Il se laisse aller à ses rêveries sans que ses pensées ne s'attardent sur rien en particulier, il accompagne mentalement les oiseaux marins qui se laissent porter par les courants, planant sans but dans l'azur, en toute liberté.

Une mélodie électronique attire son attention et il soulève une paupière pour jeter un coup d'œil contrarié à son portable. Après un instant d'hésitation, il décide de découvrir ce qui lui vaut cette désagréable interruption. Son cœur fait un léger bond en voyant s'afficher le nom de Rin. Il se dépêche d'ouvrir le message.

Rin- 11h13

Salut Haru. Je vais bientôt être en vacances… Je me suis dit que ça te tenterait peut-être de visiter l'Australie. Alors, tu veux venir me voir ? J'ai hâte de nager avec toi.

La proposition est bizarrement inattendue, alors que d'un autre côté, cela faisait longtemps qu'il espérait que Rin l'invite en Australie. Il n'osait pas le lui demander, de peur de le déranger. Il sait qu'il s'entraîne très dur et ne voulait pas perturber sa concentration. Alors il a attendu, le cœur toujours un peu hésitant, sans vraiment savoir quelle relation Rin et lui ont encore. Après tout, depuis leur enfance, il semble que leurs vies ne cessent de se croiser puis de se séparer. Il aime à croire que cela signifie que quoi qu'il arrive, d'une façon ou d'une autre, ils finissent toujours par se retrouver.

Ses yeux se posent de nouveau sur le message, s'attardant sur la dernière phrase.

J'ai hâte de nager avec toi.

C'est quelque chose auquel il évite de trop penser, parce que ça lui manque et qu'il sait que c'est impossible. Mais lui aussi, il a hâte de nager avec Rin. À cette idée, il éprouve comme une crispation dans la poitrine et dans la gorge, une profonde sensation de manque, presque douloureuse. Un peu comme quand il pense à la mer en hiver.

À ces considérations succèdent des pensées plus pragmatiques : a-t-il les moyens et le temps libre nécessaire pour un voyage en Australie ? Son travail à mi-temps ne lui permet guère plus de folies que des orgies de maquereaux, mais cela fait longtemps qu'il économise. Pour voir venir, se disait-il. Mais en étant un peu honnête avec lui-même, il doit bien reconnaître que c'est surtout pour ce voyage qu'il l'a fait. Il a suffisamment d'argent de côté. Pas sûr qu'on lui accorde son congé au travail, mais ça lui est égal. Il n'aura pas de difficultés à retrouver autre chose.

Il commence à s'imaginer ce voyage. Il n'est jamais sorti du Japon. Qu'éprouvera-t-il en débarquant en Australie, en plein inconnu ? Et quand il reverra Rin ? L'année écoulée lui semble une petite éternité, si bien qu'irrationnellement, il s'interroge soudain : le reconnaîtra-t-il ? Sera-t-il toujours le même ? S'entendront-ils toujours aussi bien ? Puis, il pense à son séjour. Que feront-ils ? Où iront-ils ? À quoi ressemblera l'océan en Australie ? Tant de questions se mettent à se bousculer dans sa tête qu'il en a un peu le vertige.

Il reporte son attention sur son environnement, calme et indifférent, indolent sous le soleil. Commençons par le commencement, se raisonne-t-il. Alors il attrape son téléphone pour répondre à Rin.

Moi – 11h20

Hello Rin. J'adorerais venir te voir en Australie. Quand ?

La réponse ne se fait pas attendre, et un sourire se dessine sur ses lèvres tandis qu'il discute avec son ami des détails du voyage. Plus tard, il rentre chez lui la tête pleine de rêves. Et la première chose qu'il fait après sa douche, c'est de réserver son billet pour dans deux semaines. Heure d'arrivée prévue à Sidney : 18h42. Il reste quelques instants immobiles, son curseur hésitant au-dessus du bouton de validation. Alors, il va vraiment le faire ? Après tous ces mois, finalement revoir Rin ? Découvrir sa vie là-bas ? L'idée lui semble surréaliste, et en même temps, enivrante. Il se secoue pour se sortir de sa léthargie : plus de tergiversations. Il sait au fond de son cœur qu'il ne rêve que de ça, et que son rêve est enfin à la portée de sa main. Il clique sur le bouton pour finaliser son achat, le cœur battant. Le site internet lui annonce joyeusement que tout est en ordre. Il reste un moment à relire son billet, y cherchant la moindre erreur, et son cœur ne veut pas se calmer. Finalement agacé, il décide d'aller faire la cuisine, et en occupant ses mains, il finit par redescendre en pression. Mais il a comme la sensation qu'il va avoir bien du mal à trouver le sommeil au cours des deux prochaines semaines…