Stiles Stilinski sortit du lycée, une expression guillerette collée au visage. Les vacances ! Enfin. Ce n'était que deux petites semaines, bien peu si l'on comptait le nombre d'heures qu'il avait passé à travailler ses cours ces temps-ci. Ses notes, en baisse, avaient frustré son père qui lui avait posé un ultimatum : ou il se mettait à travailler sérieusement pour remonter sa moyenne, ou les réunions et missions avec sa meute de loups étaient compromises. Sauver le monde était une activité fort sympathique, mais il avait un avenir à s'assurer. Ce n'était pas empêcher une sorcière de raser la ville ou avorter les plans terroristes d'une armée de wendigos qui allait payer la nourriture et les factures d'électricité. Alors effectivement, son père avait raison et c'était pour cela que Stiles avait trimé, trimé, jusqu'à remonter ses notes bien au-dessus de la moyenne. Pour lui faire plaisir, il avait également décroché quelques notes proches de la perfection. Oh, il avait des facilités, mais en ce moment, son cerveau était comme ramolli.
En fait, Stiles était fatigué. Quand on y repensait, il cumulait beaucoup de choses : les cours, les devoirs, les révisions, les enquêtes au poste – il adorait filer un coup de pouce à ces incompétents du commissariat, n'en déplaise à son paternel –, les réunions de meute, les interventions surnaturelles auxquelles il participait à sa manière – c'était un bon appât –, les recherches… Ses nuits n'étaient pas les plus longues qui soient, mais ça lui allait. Toutefois, il allait ralentir un peu, bien sûr.
Faux.
Il ne comptait pas changer de rythme, quand bien même tout cela le fatiguait, tout simplement parce que cette fin d'après-midi marquait le début des vacances. Deux semaines, pour se rattraper un peu sa fatigue, c'était amplement suffisant. Il faudrait qu'il revoie sommairement ses cours de temps à autres et ça irait.
Une résolution qu'il avait prise depuis un moment et qu'il décida de mettre en application sans attendre fut de prendre du temps pour lui. Stiles était quelqu'un de gentil, d'adorable, de loyal, de dévoué. Un peu trop. Et il s'en rendait compte, mais il n'y pouvait rien : sa meute, c'était sa deuxième famille et il l'aimait d'amour. Lorsque l'un d'eux était menacé, il se démenait comme un beau diable jusqu'à démêler toute sorte de mystères et aider à mettre tout le monde à l'abri. Quelques jours plus tôt, Isaac avait été enlevé par une bande de chasseurs. Ni une ni deux, Stiles était allé sur le lieu supposé du kidnapping – dans son petit appartement au milieu de la ville – et avait relevé tous les indices possibles et imaginables. Lui et Deaton s'étaient alliés et à force de recherches minutieuses, le loup-garou avait été localisé, récupéré, soigné et les kidnappeurs, salement souillés par une équipe composée de Derek, Scott, Liam et Jackson. Alors oui, Stiles était très actif dans la meute, tout comme il l'était dans la vie en général.
Mais voilà, il savait qu'il devait prendre du temps pour lui. Sortir un peu, faire des sorties comme tout adolescent normal, profiter d'un peu de calme.
Boire un verre.
Et c'était exactement ce qu'il comptait faire… Mais seul. Parce que, l'air de rien, cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas retrouvé ainsi, en tête à tête avec lui-même. D'ordinaire, il évitait, parce que, même atténués par son traitement, les symptômes de son hyperactivité étaient toujours là et ses réflexions internes, nombreuses. Il apprenait toujours à les diminuer, les contrôler, mais cela restait passablement difficile. Personne ne le savait réellement, mais Stiles avait bien du mal avec lui-même – c'était d'ailleurs pour cela qu'à par se plaindre pour se donner un genre, il ne parlait pas vraiment de lui. Qui donc serait intéressé par ses états-d'âme ? Sûrement pas Scott. Enfin, il l'aimait bien, hein, simplement… Son meilleur ami n'avait du meilleur ami que le titre. Le nombre de fois où il l'avait abandonné au profit d'une jolie fille ou de priorités qui n'en étaient que pour des raisons obscures était inquantifiable. Oh, il ne lui en voulait pas le moins du monde ! Il avait toujours connu Scott et son problème quant à son ordre de priorités avait toujours été là. Scott, c'était cet alpha adorable à la mignonne lenteur d'esprit, ce latino dévoué qui avait pour crédo d'éviter le meurtre à tout prix. C'était le même qui lui avait reproché d'avoir tué Donovan – un wendigo qui voulait assassiner son père – par accident. Qui avait d'ailleurs longtemps cru qu'il l'avait fait de sang-froid, comme si c'était le genre de Stiles. Cet épisode, encore plus que les autres, l'avait marqué mais, comme toujours, il n'en avait rien dit, gardant tout pour lui.
Alors oui, sortir seul lui ferait du bien. Pourtant, la plupart de ses amis étaient compréhensifs. Lydia était sans doute celle qui lisait le mieux en lui. C'était son premier amour, celle qui lui avait longtemps volé son cœur, qui l'avait gardé entre ses mains durant de longues années. Et puis, à force de se rapprocher d'elle grâce aux affaires surnaturelles, il avait découvert une autre personne qui, si elle lui plaisait plus, lui avait fait se rendre compte qu'en réalité, il était passé à autre chose et que Lydia était bien plus qu'un amour. C'était son alter ego féminin, la sœur qu'il n'avait jamais eue. Avec elle, il pouvait discuter de tout et pourtant, il ne le faisait pas. La pudeur, sans doute. La peur qu'on le trouve ridicule.
Il y avait Jackson, aussi. Même si au départ, leur relation n'était constituée que d'injures et de moqueries, elle s'était assagie et assainie avec le temps. Ils s'étaient sauvés la vie plusieurs fois, savaient qu'ils pouvaient se faire confiance mutuellement et n'était plus en rivalité par rapport à Lydia : Jackson était sorti de son déni, ne refoulait plus son homosexualité désormais affirmée et Stiles… Avait compris que continuer de considérer son amie banshee comme son amoureuse ne pouvait pas être plus faux. Maintenant, le kanima et l'hyperactif se connaissaient, se comprenaient mais s'ils avaient bien un point commun, c'était la difficulté à s'ouvrir. Sur ce point-là, difficile de les départager.
Stiles se mordit la lèvre alors qu'il suivait la route pour rentrer chez lui. D'abord, le but était de se changer avec des vêtements qu'il avait depuis un moment, mais qu'il n'avait encore jamais mis. Ces vêtements, il les avait achetés pour plaire à Derek.
Derek… Parlons-en, tiens ! C'était un ami. Un bon ami. Un très bon ami. Si bon que leur relation était particulièrement ambigüe. En fait physiquement, ils se plaisaient, c'était indéniable, à tel point qu'ils se l'étaient carrément avoué. Mais pour autant, ça n'allait pas plus loin. Pas encore. Stiles ne savait pas où il voulait que cela aille et Derek n'avait pas l'air de le savoir plus que lui. Etant tout deux de nature différente, ils ne savaient pas quoi faire, comment avancer et surtout, si ça valait le coup de tenter quelque chose ou non. Ils étaient dans le flou et pas pressés pour un sou de faire quoi que ce soit : de toute manière, ils étaient chacun trop occupés par les affaires de la meute pour y réfléchir sérieusement. Parfois, il y avait un baiser volé, une étreinte rapide, une caresse légère. Et ça n'allait jamais plus loin.
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Stiles se regarda une dernière fois dans le miroir. Maintenant qu'il y faisait attention, ces vêtements qu'il avait achetés dans le but de plaire à Derek, d'attirer son regard mais qu'il n'avait jamais mis n'étaient pas si… Beaux. En fait, ils étaient plutôt quelconques. Ou alors était-ce la personne à l'intérieur qui était trop banale ? Des baskets blanches flambant neuves, un jean slim gris métallisé avec une petite chaîne low-cost sur le côté – Stiles avait tenté des choses –, un marcel qui moulait parfaitement bien sa presque absence de muscles, le tout accompagné d'une veste en jean gris foncé. En les achetant, il s'était dit que c'était une bonne idée. Là, face à son miroir, il commençait à en douter. Mais en même temps… Il fallait bien qu'il essaie et tant pis si c'était affreusement banal, au moins… Cela changerait des pantalons larges, des chemises et des sweats qu'il mettait parce qu'il n'avait que ça – et qu'il manquait de confiance en lui mais ça, c'était carrément autre chose.
Tant pis, ce soir, il sortirait comme ça, histoire de se dire qu'il n'avait pas acheté ces fringues pour rien. Toutefois, il se fit la réflexion qu'elles étaient confortables. Il trouvait au moins un avantage à son achat datant de quelques jours. Si ça ne plaisait pas à Derek, au moins… Il ne se sentait pas boudiné même si ça le moulait beaucoup. Enfin, pas qu'il y ait grand-chose à mouler, mais bon…
Stiles passa une main dans ses cheveux éternellement en bataille et après avoir préparé à manger à l'avance pour son père, manger qu'il mit dans le frigo, puis nettoyé la cuisine, le voilà qui faisait ronronner le vieux moteur de sa Jeep, direction… Bonne question. En fait, il avait envie de découvrir, ce soir. C'était pour cela qu'il avait fait des recherches sur internet et c'était comme ça qu'il était tombé sur un bar aux allures branchées et qu'il ne connaissait pas, dans un coin de Beacon Hills dans lequel il n'allait pas souvent. C'était donc l'occasion de découvrir, passer un bon moment hors du surnaturel, se retrouver avec lui-même et peut-être qu'il rencontrerait des gens, une belle âme, peut-être deux. Oh, son but n'était pas de trouver l'amour, ni un plan pour un soir. Depuis que lui et Derek s'étaient avoué leur attirance mutuelle, eh bien… Stiles ne pensait plus vraiment à faire quoi que ce soit avec quelqu'un d'autre – même s'il n'avait encore rien fait avec Derek. Il ne flirtait pas, mais il savait que tant qu'ils ne décideraient rien quant à leur relation, il n'irait rien faire à côté. Il était comme ça, ne jouait toujours que sur un terrain à la fois. Non, Stiles pensait plutôt à faire des rencontres sur le plan amical : c'était plus simple et beaucoup moins stressant. Et puis il avait tout, sauf envie de se prendre la tête. S'il finissait seul, ce n'était pas plus mal non plus. Idem, il avait pris de l'argent, mais savait qu'il ne boirait pas d'alcool dans la mesure où il reprendrait la voiture après.
Concernant la meute, Stiles avait prévu le coup : il avait déjà prévenu ses amis à l'avance qu'il avait réservé sa soirée pour lui et qu'on ne devait le déranger sous aucun prétexte – grosses urgences exceptées. S'ils avaient réellement besoin de lui pour quelque chose de très important, il écourterait sa soirée – et râlerait un bon coup, arguant qu'il la rattraperait à la première occasion venue. Non parce qu'il était sympa, s'occupait toujours de tout le monde, aidait sans arrêt ceux qui en avaient besoin alors il faisait un break d'un soir. Ce n'était pas trop demandé et en plus, il avait promis à Liam qu'il serait un peu moins bavard après cela, parce qu'il se serait amusé et parce que cette sortie en solo lui aurait fait du bien.
C'était donc une soirée pour le moins calme et sympathique qui s'annonçait.
En somme, tout le contraire de ce qu'il allait vivre car parfois, pour qu'un désastre se passe, il suffisait de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment.
