Notes

L'image satirique mentionnée au tout début du chapitre peut être vue sur ma page Deviantart (voir lien dans mon profil), dans la rubrique Fan Fictions et a pour titre A few loose animals it's not that bad.

Casting hypothétique :

Lara Jean Chorostecki dans le rôle de Margaretha.


-o-


Une image satirique, crée par un internaute répondant au doux pseudonyme de Reichu, fit le buzz dans la journée du 5 juillet. Variante du meme David Goodenough (*), elle se répandit comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux et dans la soirée, il apparut sur l'écran de Guillaume Vuillier alors que celui-ci consultait son fil d'actualités tout en buvant au Perth Castle Pub, un bar sur Geary Street, à quelques arrêts de bus du Centre de Surveillance Mondial de la Désextinction et de l'appartement de son directeur.

Guillaume sirotait sa bière d'un air maussade, préoccupé par les récentes nouvelles en provenance du Costa Rica. Non seulement le Site D d'InGen avait subi un sabotage de la part d'une organisation écoterroriste, le train attaqué par des mercenaires, Claire Dearing et Owen Grady arrêtés par les autorités costaricaines après avoir été accusés par InGen de traîtrise et de meurtre, et pour couronner le tout, un carnotaure arpentait librement la campagne, comme l'indiquait le meme sur son téléphone.

Au cours de la nuit précédente, Toro avait rencontré des automobilistes en traversant une route près du hameau de La Lindora, à près de cinq kilomètres au sud-ouest du célèbre bourg touristique de Monteverde, grand rival de Burgo Nuevo. Surpris par la voiture et ébloui par ses phares, le carnotaure s'était arrêté pour rugir à l'encontre du véhicule, qui s'était immobilisé juste avant ses pattes. Tandis que les passagers étaient tétanisés par la surprise et la peur, Toro s'était rapproché des vitres et penché pour les regarder. Alors qu'ils avaient cru qu'il allait les attaquer, le prédateur s'était contenté de claquer des mâchoires puis de laisser échapper un grognement menaçant avant de reprendre sa route, laissant les passagers effrayés mais indemnes. L'un d'eux ayant filmé la quasi-intégralité de cette rencontre, il avait mis en ligne sa vidéo dès son arrivée à Monteverde. Nombre d'internautes suivant avec intérêt l'actualité en lien avec InGen et ses dinosaures, ils furent stupéfaits de voir apparaître la vidéo dans leurs fils et l'avaient naturellement partagée à leur tour. InGen eut tôt fait d'apprendre au sujet de son existence et avait réagi dans la matinée, démentant la rumeur de l'évasion d'un carnotaure au cours de l'attaque écoterroriste. Alistair Iger alla même jusqu'à prétendre que la vidéo était truquée et que le carnotaure y apparaissant était un animal en images de synthèse et non un vrai. Sur Twitter, on répondit à ces déclarations avec un GIF montrant le nez de Pinocchio s'allonger. Pendant ce temps, Toro avait quitté la province de Puntarenas et était entré dans celle de Guanacaste dans sa progression vers le nord-ouest.

Lassé, Guillaume éteignit son téléphone, le rangea et avala une nouvelle gorgée de bière tout en levant les yeux vers la télévision au-dessus du bar. Les informations nationales y passaient et le directeur du CSMD ne put s'empêcher de laisser échapper un petit soupir en voyant qu'on y parlait également de la grande opération d'InGen. Le reportage diffusé montra des images des navires d'InGen, prises de nuit alors qu'ils entraient dans le port de Manzanillo en vue de s'y ravitailler, cette ville mexicaine étant située à mi-chemin entre le Costa Rica et le nord de la Californie. Le reportage situa le port sur une carte montrant la côte Pacifique de l'Amérique du Nord ainsi que le trajet de la flotte, représentée par une bande rouge. Apparurent ensuite des images d'un des avions cargos affrétés par InGen pour transporter le reste des animaux, elles aussi prises de nuit mais aux Etats-Unis, à l'aéroport d'Arcata-Eureka, à côté de la même ville où l'Arcadia allait accoster dans quelques jours. Près de l'avion gigantesque, un grand semi-remorque avec une cage montée sur un long plateau attendait.

Ayant entendu quelqu'un entrer seul dans l'établissement, Guillaume tourna la tête vers la porte par réflexe mais lorsqu'il reconnut l'homme qui s'avançait à l'intérieur du pub, il leva les yeux au ciel.

Oh putain…, lâcha-il à voix basse dans sa langue natale d'un ton ennuyé.

— Ah, monsieur Vuillier, dit la voix traînante d'un homme âgé qui s'approchait de lui. Je ne m'attendais pas à vous voir dans ce pub. Quelle coïncidence !

— Je ne crois pas aux coïncidences, répondit Guillaume avec froideur.

Il sortit une petite pochette plastique de sa poche et la posa sur le comptoir. Jeff Rossiter haussa légèrement les sourcils en voyant son contenu, une sorte de petit disque noir de la taille d'un ongle ou d'une pièce de monnaie.

— J'ai découvert ce petit traceur le soir de la conférence de Malcolm à Berkeley, ajouta le Français. Il était glissé dans l'étui de mon téléphone. Je vous recommanderais de mieux choisir vos espions car le gars que vous m'avez collé aux basques m'a l'air d'être un sacré glandu.

— Monsieur James est loin d'être une lumière certes mais il fait le travail qu'on lui demande et n'est pas du genre à émettre des objections.

— Il n'empêche que ça fait plus d'un mois que je trimballe cette merde sur moi et que je poireaute en attendant que son propriétaire daigne venir la récupérer et me parler au lieu de me faire suivre.

— Nous avons tous deux été très occupés dernièrement.

— Oh, s'il vous plaît. Vous êtes à la retraite.

— Certes mais entre les loisirs, les courses diverses, les soins, les visites chez les proches, garder un œil sur Biosyn et Lewis… ce n'est pas non plus de tout de repos, surtout la dernière partie…, précisa le PDG retraité alors qu'il prenait place à côté du directeur du CSMD. Ça n'a pas été facile de trouver un créneau. Je n'allais pas m'introduire chez vous voyons. Vous auriez, à raison, très mal réagit. Lorsque j'ai remarqué que vous fréquentiez régulièrement ce pub, que je connais depuis longtemps, j'ai attendu que vous vous y rendiez à nouveau et nous voici…

Le barman, un homme d'environ soixante-dix ans, s'approcha d'eux.

— Salut, Jeff. Qu'est-ce que je te sers ?

— Bonsoir, Clint. Un verre de whisky pour moi et un pour notre ami français.

— Ça roule, répondit le barman.

— Non merci, ma bière me suffit, l'arrêta Guillaume.

— Allez, c'est moi qui régale, dit Rossiter.

— Je ne suis pas votre ami, Monsieur Rossiter ! S'énerva la directeur du CSMD. Vous commencez sérieusement à me les briser ! Je veux bien que l'on converse de manière civile mais essayez de fraterniser à nouveau avec moi dans le but probable de me corrompre pour le bénéfice de Biosyn, j'appelle les flics et je leur explique toute cette affaire avec le traceur.

— Soit. Soit… C'est vous qui voyez. Je voulais juste faire preuve de sympathie, répondit doucement l'ex PDG de Biosyn. Un seul verre alors, Clint.

Le barman acquiesça et le servit. Alors que Rossiter commençait à siroter son verre, Guillaume regarda la chemise qu'il portait.

— Votre chemise, c'est une italienne ? Demanda-il.

— Oui.

— Tout comme le costume que vous portiez à la réception… AttoliniEnthusiast, ce ne serait pas vous des fois ? Non parce que ça m'arrangerait au point où on en est. Je n'ai pas le trop de temps pour une partie de Qui Est-Ce ?...

— Oui, c'est moi qui vous ai envoyé ce mail. Bel esprit de déduction, Monsieur Vuillier. Alors, qu'ont donné vos recherches sur Bethany ?

Guillaume soupira, essayant de se rappeler des recherches qu'il avait faites après avoir reçu le mail.

— On peut apparenter Bethany à Elizabeth, mais quelle Elizabeth ? Il y en a plein, c'est un cul de sac, dit-il alors que Rossiter hochait tout doucement de la tête en l'écoutant. Mais si je me souviens bien, Bethany est aussi le nom anglais d'un village de Judée d'où le saint Lazare était originaire dans la Bible. Pour quiconque ayant un minimum de culture générale, la relation entre Lazare et la désextinction est évidente. InGen mouille dedans depuis une quarantaine d'années et ce n'est un secret pour personne que Biosyn aimerait avoir sa part du trésor. J'en déduis que ce projet Bethany, quel qu'il soit, à un rapport de près ou de loin avec la désextinction et/ou une de ces entreprises. Où voulez-vous en venir ? Pourquoi me demandez-vous d'enquêter ?

— Je ne peux pas vous le révéler. Ce ne serait pas du jeu.

— Du jeu ? Répéta Guillaume avec irritation. Je n'ai pas envie de jouer. Je n'ai pas que ça à foutre, merde !

— Peut-être que vous n'êtes pas joueur mais vous êtes curieux.

Rossiter posa alors une enveloppe sur le comptoir.

— Dans cette enveloppe, se trouvent les éléments qui vous lanceront dans la seconde partie de l'enquête, ajouta-il. Si vous vous appliquez dans vos recherches, vous commencerez à voir la lumière au bout du tunnel obscur dans lequel vous êtes actuellement. Après, libre à vous de continuer ce jeu ou pas. Mais pensez aux éventuelles conséquences de votre inaction…

Après avoir haussé des épaules, Guillaume ouvrit l'enveloppe et en sortit une petite feuille, sur laquelle Rossiter avait écrit une petite liste de noms :

Darcy Karpyshyn
Milo Sheen
Yvette Strahovski
Adam Wibberley
Jerry Bulloch
Darren Logan
Ted Morrison

— Qui sont ces gens ? Demanda le directeur du CSMD. Leurs noms ne me disent rien.

Internet est votre ami comme disent les jeunes, répondit Rossiter avant d'avaler une nouvelle gorgée de whisky. Je ne vais pas vous importuner plus longtemps, ajouta-il quelques secondes plus tard en se levant pour quitter le comptoir.

Alors que le PDG retraité se dirigeait vers une autre partie du pub pour y finir son verre, Guillaume le héla :

— Dîtes, je crois que vous avez oublié un truc…, lui fit-il remarquer en désignant avec sa tête la petite pochette plastique qu'il lui avait montré plus tôt.

— Ah, le traceur… Faîtes-en ce que bon vous semble. Ces petits gadgets sont tout de même remarquables. Il suffit de vous connecter à l'application mobile associée et vous pouvez suivre quelqu'un ou quelque chose à travers toute une ville voir même un état… J'ai laissé les codes associés dans l'enveloppe si jamais vous comptez l'utiliser… Bonne soirée, Monsieur Vuillier.

Rossiter se fondit ensuite parmi la clientèle du pub et ayant vu qu'il avait libéré sa place au comptoir, une trentenaire petite et gracile avec de longs cheveux roux et un visage anguleux plaisant en prit la direction. Ce n'était pas la première fois que Guillaume la voyait, car il l'avait déjà vue deux ou trois fois, assise à chaque fois à quelques tables de lui. Tout comme ces fois-là, la femme rousse avait fréquemment jeté des regards dans sa direction et il l'avait remarqué. Lorsqu'elle passa à son niveau, elle lui sourit, puis elle prit place sur le siège que Rossiter avait libéré. Guillaume rangea dans ses poches le traceur ainsi que l'enveloppe et son contenu, regarda la femme et dit :

— Puis-je vous offrir un verre ?

— Euh… Volontiers, répondit-elle, souriant à nouveau.

Cette soirée ne sera peut-être pas totalement de la merde tout compte fait…, pensa-il.

— Vous venez souvent ici ? Lui demanda-il ensuite. Car je vous vois à chaque fois que je suis là…


Quand il se réveilla le lendemain matin, Guillaume Vuillier tourna la tête pour regarder l'autre côté du lit. Voyant que la couverture avait été soulevée de ce côté, il se mit sur son séant et notant qu'il n'y avait plus que ses vêtements au pied du lit, il gémit de déception et bailla avant d'essuyer ses yeux fatigués. Prenant son téléphone, il vit qu'il était presque huit heures du matin. Heureusement, c'était samedi et le CSMD étant fermé les week-ends, rien ne pressait. Cependant, il doutait que son aventure d'un soir ait verrouillé la porte derrière elle en partant et après avoir enfilé un boxer, il fit le tour de son appartement afin de vérifier que tout était un ordre. Prenant ses clés là où il les avait laissés quelques heures plus tôt, il alla verrouiller la porte, puis songea pendant un instant à aller se recoucher. Mais en regardant la lumière du jour filtrée par les rideaux, son envie de dormir s'estompa et au lieu de regagner sa chambre, il alla prendre une douche.

Un peu plus tard, au moment d'aller prendre son petit déjeuner, le directeur du CSMD vit qu'on avait laissé une feuille sur la table. Il la saisit et lut le mot qui y était écrit :

Hé,

Excuse-moi d'être partie comme une voleuse alors que tu dormais. Je bosse aujourd'hui et je devais rentrer chez moi prendre des affaires. Je crois que tu comprendras.

Mais j'ai passé une chouette soirée ! On remet ça quand tu veux, mon Frenchie !

Je t'ai laissé mon num au dos. Appelles-moi. ;)

Margaretha,

Guillaume sourit d'un air rêveur et retourna la feuille pour voir le numéro de téléphone. Il rangea ensuite soigneusement le mot et tout en prenant son petit-déjeuner, il consulta les dernières nouvelles en lien avec InGen et ses animaux.


Notes

(*) David Goodenough est un personnage récurrent de l'émission Youtube française Le Joueur du Grenier. Basé sur un programmeur du jeu-vidéo X-Perts et incarné par Sébastien Rassiat, co-créateur du Joueur du Grenier, David Goodenough est dépeint comme un homme fainéant prompt à dédramatiser toute situation fâcheuse avec un « Oh, c'est pas si mal ! », souvent pour excuser un travail bâclé.