Merci à ocean-to-ocean pour sa review !

Je change de temps de narration, le passé simple me vient plus naturellement.

Merci de me suivre.

Enjoy !


Partie 2


En rentrant ce soir, je me rendis compte du vide laissé par le départ d'Helena. La veille, nous avions mangé une pizza devant une rediffusion d'un vieux film français que j'aimais beaucoup. Nous avions discuté longuement jusqu'à pas d'heure sans qu'elle évoque une seule fois ma famille. Je m'étais détendue et j'avais pu passer une nuit moins agitée que d'habitude.

Moïra déboula vers 20 heures. J'avais fini par lui demander de passer, tiraillée par une vieille angoisse venue de nulle part. Elle avait ramené des sushis et des bières. Je picorais dans mon assiette, parlant de tout et de rien puis je vins à lui évoquer Helena.

-Je m'inquiète pour elle.

-Vas la voir.

-Je ne veux pas m'imposer.

-Tu fais que ton travail.

-Tu crois ?

-Oui vas-y mais je peux demander à Carlie son accord en rentrant si tu veux ?

-Non, ne l'embête pas avec ça. Je lui en parlerai demain matin.

-Demain, on est dimanche, tu bosses pas.

Ah oui… j'étais déphasée parfois. Si je pouvais, je bosserais tous les jours.

-Profites-en pour aller la voir, renchérit-elle. Elle t'a laissé l'adresse où elle crèche. Non ?

-Si, elle me l'a envoyée par sms. Je l'ai rentrée dans son dossier numérique.

-C'est vendu, demain tu y vas et moi c'est grasse mat avec ma poulette.

OoooO

En arrivant devant la maison, en début d'après-midi, je fus admirative. Son aspect extérieur était un peu rétro, dans les tons clairs et sur deux étages. Cette demeure était aussi non mitoyenne, assez grande et bien entretenue. Je me garai dans l'allée non loin de la BMW. Sûrement celle du propriétaire des lieux. Je sonnai à la porte, le cœur battant. Je me demandais si j'étais vraiment venu voir Helena quand la porte s'ouvrit… sur Nick.

Il fronça les sourcils.

-Vous voulez ?

-Toujours aussi aimable.

Il plissa les yeux, des yeux déjà pas immenses. Ses lèvres tiraient vers le bas, il avait cette expression chaque fois que je le voyais. C'était quelqu'un qui ne semblait pas heureux dans sa vie. Le voyant statique, je me permis de rajouter.

-Je viens voir Helena.

-Un dimanche ?

-Je suis d'astreinte, mentis-je.

-Je le saurai vite si vous racontez des craques.

Je me braquai instantanément. Putain, pourquoi j'étais venue !

-Pardon pour le dérangement.

Je fis volte-face pour partir, très contrariée et humiliée. Cet homme était dangereux, du moins j'avais cette sensation de vulnérabilité en sa présence.

-Attendez.

Ce n'était pas un ordre mais son ton naturellement autoritaire me le fit ressentir comme tel. Cette fois, je continuai ma route. Rien à foutre ! En deux secondes, il me rattrapa au vol, d'une main sur mon bras. Je me défis de son emprise avec violence.

-Ne me touchez plus jamais !

Il ôta sa main, levant ses deux bras en l'air en un signe de paix. Nous nous fîmes face, tendus, méfiants.

-Quoi ?

Il se détendit sans que je comprenne pourquoi et me détailla avec curiosité.

-Venez à l'intérieur prendre un café, vous êtes frigorifiée.

-Je n'ai pas froid.

-Votre nez est tout rouge.

Il me tendit un paquet de mouchoirs jetables entamé qui se trouvait dans la poche de son jean.

-Et il coule, rajouta-t-il.

Mortifiée j'attrapai le paquet et me tournai pour me moucher comme il faut.

-J'en ai toujours sur moi, Leo est souvent malade.

Sa voix avait changé, s'était remplie d'affection.

-Je vous attends à l'intérieur, je préviens Helena que vous êtes là.

Je jetai un coup d'œil en arrière, il rentrait déjà, laissant la porte entrouverte. Il était sûr de lui. J'aurais aimé lui montrer que je n'étais pas à sa disposition, cependant la curiosité l'emporta. Je voulais voir où il vivait et je voulais voir Leo.

Helena descendait les escaliers quand je franchis le seuil, elle était vêtue d'un t-shirt blanc et d'un bas de survêt gris clair.

-June ?

-Oui désolée, j'arrive sans prévenir.

-Pas grave, pourquoi tu es là ?

-Je voulais voir si tout allait bien pour toi, si tu étais bien installée et en sécurité.

-Oui, Nick s'est bien occupé de moi, répondit-elle en m'embrassant la joue comme si nous étions amies.

Cette phrase me déplut au plus haut point. Elle le remarqua, s'empressa de compléter sa phrase.

-On a récupéré mes affaires dans la piaule du foyer de Josh. J'ai pas de quoi la payer et c'est pas un endroit très sûr. J'ai une chambre ici et Nick m'a laissé une clef pour sortir quand je veux. Josh est bien en désintoxe. On pourra pas le voir avant au moins un mois.

Elle en paraissait peinée et soulagée en même temps.

-Viens boire un café.

Elle m'entraina dans la cuisine, un endroit fonctionnel et bien rangé. Il y avait un ilot central. Je pris place sur un des tabourets design et patientai jusqu'à ce qu'elle me serve. Il n'était pas loin de 14 heures. Je pouvais me permettre encore un café sans que ça ne m'empêche de dormir.

Nick fit irruption, me faisant sursauter.

-Je dois sortir, une urgence au boulot. Leo fait un somme, ce rhume l'a fatigué. Il ne va pas tarder à se réveiller, tu peux t'en occuper le temps que je revienne Helena ?

-Bien sûr.

Il me jeta un furtif coup d'œil.

-Je reviens vite. Merci.

Il s'éclipsa tel un courant d'air. Je me détendis réellement cette fois. Nous discutâmes de tout et de rien. Elle avait toujours le pansement sur sa joue. Elle faisait ses soins elle-même, Nick lui avait tout ramené de la pharmacie. Un vrai samaritain.

-Je suis contente de voir que ça va pour toi.

-Oui, je vais bien, je vais peut-être bosser un peu, Nick a des contacts. Je pourrai mettre un peu d'argent de côté pour le déménagement, il veut pas que je paye quoi que ce soit ici.

J'eus un rictus un peu dédaigneux.

-Quoi ?

-Il lui manque plus que les ailes.

-C'est pas un ange, loin de là. Au travail, il a une réputation border line. Et c'est pas un tendre.

-Comment tu sais ça ?

-J'entends des choses, et Josh parle beaucoup aussi surtout quand il est un peu stone, rit-elle.

-Tu devrais pas en plaisanter.

Elle recouvra son sérieux illico.

-J'ai décidé d'aller de l'avant et de lui pardonner parce que je veux pas passer le reste de ma vie à le haïr alors que je l'ai aimé comme une dingue.

-Tu l'aimes toujours, compris-je.

-Oui, soupira-t-elle. Mais je sais que je ne peux rien construire avec lui. J'ai besoin de quelqu'un de stable et de fort qui pourra supporter qu'on n'ait pas d'enfants.

Elle détourna le regard, essuya le coin de son œil.

-Tu es sûre que tu pourras pas en avoir.

-J'ai fait les examens, je suis stérile comme beaucoup de gens. Je ne veux pas me plaindre mais c'est dur.

J'attrapai sa main, la serrai sans un mot.

-Papa tu es là ?

-Ah, Leo est réveillé.

Helena se dirigea vers lui, il descendait les escaliers. Il s'immobilisa en nous découvrant en bas des marches.

-Ton père est au travail, une urgence mais il revient vite, lui annonça Helena.

Il fronça les sourcils, remonta les marches, mécontent.

-Il avait dit qu'il resterait avec moi aujourd'hui.

Helena se hissa à l'étage, je lui emboitai le pas.

-Ici c'est ma chambre, me précisa-t-elle en passant devant une première porte fermée. En face, c'est celle de Nick.

J'eus une furieuse envie d'y jeter un coup d'œil mais Helena avança encore et se posta devant une pièce grande ouverte. Leo jouait avec ses légos, assis sur un tapis. Il boudait, à l'évidence. Le portable d'Helena sonna, elle s'éloigna pour répondre. J'en profitai pour aller m'asseoir en face de Leo. Il devait avoir cinq ans à tout casser. Il était brun, mat de peau, ses yeux marrons se fixèrent sur moi, méfiants.

-Tu es qui ?

-Une amie d'Helena.

Il haussa les épaules, continuant de jouer.

-Tu as quel âge ?

-5 ans.

Je souris.

-Pourquoi tu es fâché ?

-Papa, il dit toujours qu'il va rester avec moi mais y'en a que pour son travail. C'est Lina qui me garde tout le temps.

-C'est qui Lina ?

-Ma nounou.

-Tu vas pas à l'école ?

-Si, j'adore l'école, s'illumina-t-il.

Il me raconta son quotidien et des anecdotes qui me firent rire. Au loin, j'entendais Helena, toujours en conversation téléphonique.

-Ma fille aussi faisait les 400 coups à l'école.

Mon cœur se serra subitement.

-Tu as une fille ? Comment elle s'appelle ?

-Hannah.

-Elle a quel âge ?

-Elle n'est plus là.

-Comment ça ?

-Elle est au ciel.

-C'est pour ça que tu as l'air triste.

Je dévisageai ses traits harmonieux, surprise. Je ne répondis pas, ce n'était pas une question.

-Papa aussi il est triste.

-Parce que ta maman n'est plus là, elle aussi ? Tentai-je.

-J'sais pas, il en parle jamais mais elle est au ciel aussi.

Pauvre trésor.

Il se leva pour aller chercher quelque chose. Il déposa un paquet de cartes devant moi.

-Tu veux y jouer avec moi ?

Quand Helena refit surface, nous jouions tranquillement à la bataille.

-Je vais te préparer ton goûter Leo.

-Ok, dit-il sans lui prêter attention.

Après deux longues parties, nous descendîmes la rejoindre dans la cuisine.

-Je vais vous laisser.

Je leur fis signe, soutint le regard déçu de Leo.

-Tu reviendras ?

-Je ne sais pas. Je vais essayer. A bientôt.

OoooO

Deux semaines passèrent. Ma vie avait repris son cours monotone, alternant boulot et hypersomnie. En allant prendre mon courrier, je découvris dans ma pile de factures, une petite carte de visite. C'était celle de Nick, je la retournai, la main tremblante, il y avait quelques mots au dos :

Leo aimerait vous voir, voudriez-vous vous joindre à nous dimanche pour aller à la fête foraine ? Vous avez mon numéro, j'attends votre réponse. Nick

Il me fallut trois jours avant d'envisager d'y aller. Je finis par aller voir ma meilleure pote en sortant du boulot de très bonne heure. Elle était encore au centre, elle fut surprise de me voir débarquer et fit des bonds partout avant de me serrer dans ses bras.

-Je suis si heureuse pour toi.

-Heureuse de quoi ? Leo veut me voir, c'est tout.

-Arrête d'être conne, tu sais très bien que c'est juste un prétexte.

-Tu n'en sais rien. Il est désagréable au possible avec moi, c'est un flic en plus.

-Oui et ?

-Moïra, enfin, soit sérieuse. Tu m'as regardée ? Je suis une vraie loque. Il en a rien à foutre de moi.

-Et ça à l'air de te faire de la peine.

-Pas du tout ! M'offensai-je. Et puis, je suis mariée.

-Tu es veuve, me contra-t-elle avec une douleur évidente.

-Ça ne change rien.

-June, tu dois aller de l'avant.

-Non.

Je secouai la tête dans tous les sens, refusant cette option. J'avais renoncé au bonheur. J'étais vide, dépouillée de tout espoir.

Moïra m'attrapa les épaules et me secoua comme elle seule savait le faire.

-Tu vas accepter ce rendez-vous, arrête de faire ta flipette blonde et vas-y !

-Je peux pas.

-Tu vas y aller quitte à ce que je t'y traine par la peau du cul ! Il est hors de question que je te laisse sombrer encore plus ! Tu as le droit de continuer à vivre June ! Tu as le droit. Ils seraient heureux que tu retrouves quelqu'un. Que ce soit lui ou un autre mais il faut essayer, tu entends ?

Je m'effondrai dans ses bras, m'agrippant à elle, j'étais une naufragée tentant de regagner la rive. Elle caressa mes cheveux longuement jusqu'à ce que je me calme.

OoooO

Le lendemain, nous étions dans une boutique de fringues, Moïra cherchait une tenue pour ma sortie. Je la laissais faire, absorbée par la réponse que je formulais dans ma tête pour Nick. Je finis par lui envoyer ce message :

D'accord.

Il répondit dans la minute. Je bondis légèrement, estomaquée par sa promptitude à me répondre.

Vers 14 heures devant l'hôtel de ville ?

OK.

Entendu, à demain.

Je fus alpaguée par une main un peu brusque.

-Essayage !

Deux heures plus tard, nous étions au coiffeur.

Tout ça me fatiguait, c'était laborieux de me ravaler la façade. J'eus du mal à me reconnaitre, le jour J, debout face à mon miroir en pied dans la salle de bain. Je mis juste un peu de mascara et du blush pour raviver mon teint pâle. Ma coupe au carré adoucissait mes traits, les boucles avaient tenu, j'étais fin prête pour ce non rendez-vous, mise en valeur par cette combinaison blanche, nouée à la taille et mon sac-à-main noir que je positionnai en bandoulière. Je renonçai aux escarpins, je préférais être à l'aise. Des baskets feraient l'affaire. Blanches elles aussi.

Mon manteau gris sur le dos, je me rendis à pied au point de rendez-vous. J'en avais pour une petite demi-heure. Cela me fit du bien de marcher, j'avais besoin de décompresser.

Ils étaient déjà là. Leo me fit signe, son autre main tenant celle de son père. Je leur fis face, rougis un peu sous le regard appuyé de Nick. Il portait son éternel manteau noir sur sa tenue décontractée. : jean, baskets sombres. Il n'exprimait rien, pourtant je ressentis une chaleur le long de mon dos quand il me remercia d'être venue.

-On y va ?

Leo s'impatientait, la fête n'était pas loin, nous entendions la musique festive. Ce fut une belle après-midi. Nous avions testé tous les manèges sauf ceux qui étaient trop à sensation. Ils riaient tous les deux, c'était un spectacle vivifiant qui me donna du baume au cœur. Nick me détaillait parfois quand il pensait que je faisais pas attention et j'effectuais le même manège à son égard. Il était loin du gars brutal et taciturne qui était venu chez moi. Il était juste un père qui aimait son fils et cette constatation m'ébranla plus que je ne l'aurais souhaité.

-J'ai faim, râla Leo.

Nick se dirigea vers un stand pour acheter de quoi le restaurer. Leo attrapa ma main machinalement, la sensation de cette petite main dans la mienne me retourna le cœur me ramenant à d'autre souvenirs, à une autre fête foraine…

-Viens June, y'a la pêche aux canards, on y va !

Il me tira vers le stand, il trébucha sur quelque chose, tomba à moitié, je le retins in extremis. Je m'agenouillai devant lui.

-Ça va Leo ? tu as mal au genou ?

- Non, j'ai pas eu peur, tu sais.

-Je sais, lui souris-je. Tu es un dur à cuire.

Il me rendit un sourire avant de reprendre sa course vers le stand. Une fois devant, je payai rapidement le commerçant car Leo avait déjà commencé à pêcher sans se préoccuper du reste. Nick se posta à mes côtés la seconde suivante, une barbe à papa en main. J'avais laissé mes bras le long de mon corps malgré le froid. Le contact du dos de sa main contre le dos de la mienne fut un choc. Je me raidis d'un bloc, tétanisée. Son pouce effleura mon index dans un va-et-vient qui me bouleversa. Il tourna la tête vers moi, je ne pus en faire de même. Je fixais le néant devant moi sans respirer. Leo cria, me ramenant sur Terre. Il nous montra son butin : un panier plein de canards. Nick le félicita et lui tendit sa barbe à papa.

-Allons boire quelque chose de chaud, proposa-t-il.

Il nous montra des tables de libre près d'un stand de restauration. Il prit place en face de moi, Leo préféra se mettre à côté de moi. Il parlait et parlait comme seul un enfant pouvait le faire. Je lui en fus reconnaissante, cela m'évita de croiser le regard insistant de son père.

Cette nuit-là, il me fut impossible de trouver le sommeil.