Je suis pas a la moitié de mon scénar est déjà au chapitre 60. Alors j'ai modifié un peu l'agencement des chapitres pour qu'ils sont deux à trois fois plus long. Sinon, on y est encore dans deux ans XD

J'ai créé un twitter reservé aux mises a jour de mes trucs et pour discuter fandom ici : AsrialBS

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Bonne lecture

Chapitre 7

Zhong Xing replia le shikigami en forme d'oiseau après avoir écrit son message dessus. Le petit oiseau de papier s'envola immédiatement. Il passa dans le petit portail ouvert par son créateur pour aller se poser après un long vol sur le bureau du Shifu de Boya.

Le message n'était pas long. Il n'avait pas besoin de l'être.

"- Il est avec moi" C'était tout. Ce n'était pas signé. C'était suffisant.

Boya ne reviendrait jamais à la capitale mais il était à l'abri. Les nordistes ne pratiquaient pas l'esclavage comme dans les plaines. Boya devrait toujours rembourser sa dette auprès de Zhong Xing. Elle était colossale, mais elle ne grossirait jamais. Comme à JingYun, le moindre travail serait défalqué de sa dette, mais même s'il était blessé ou malade, le coût de son entretient n'augmenterait jamais ce qu'il devait. Et contrairement à JingYun, le yin yang ne se séparait jamais de ses membres. Même quand eux décidaient de partir à l'aventure, ils restaient toujours membre de la secte. Ils avaient de la chance.

Le vieux chasseur en voulait JingYun. S'il n'avait jamais eu envie de devenir chef de secte, la cruauté de ses semblables l'avait si bien remontée qu'il allait effectivement tout faire pour en prendre les rênes à présent. Ils avaient voulu lui couper l'herbe sous le pied, ils n'avaient fait que le lui mettre à l'étrier. Il ne lui resterait plus qu'à envoyer dans le nord en toute discrétion toutes les affaires de Boya qu'il avait réussi à mettre de côté. Il ne reverrait plus son élève sans doute, mais il faisait confiance à son vieil ami du nord pour prendre soin de lui et l'aider à développer ses capacités. Du moment que Boya était libre et en sécurité, c'était tout ce qui comptait.

Mais le vieux chasseur était conscient de ses erreurs. Il ne laisserait pas ses autres élèves souffrir comme les plus vieux. Il trouverait un moyen de les libérer très vite. Lorsqu'ils seraient tous des anciens, quel que soit leur âge mais par les règlements de la secte, il pourrait renverser cette gérontocratie abjecte qui fleurissait sur le sang des plus jeunes.

Zhong Xing reposa son pinceau après avoir noté ses premières impressions sur le jeune homme que lui avait confié son vieil ami. Il ne comprenait pas cette propension de JingYun à se noyer dans la politique au point d'en perdre de vue l'important. Ho, il n'était pas idiot. Il comprenait parfaitement qu'une secte aussi proche du Palais et qui récupérait une proportion non négligeable de bâtards et d'enfants de nobles non désirés ne pouvait qu'avoir les dents qui rayait le parquet. C'était dommage mais inévitable. Et c'étaient ceux qui se désintéressaient le plus de ce jeu de dupe qui en payaient le plus lourd tribut..

Un soupir lui échappa. Le pauvre gamin avait bien faillit lui échapper. Sans l'aide providentielle du second acheteur potentiel, il n'aurait rien pu faire. Il n'avait tout simplement pas le budget. Même ainsi, il allait se faire étriller par les anciens. Heureusement que leurs réserves étaient remplies jusqu'à la gueule et que leur voisin était généreux en cas de problème. Ça laisserait le temps au temple de se refaire un peu financièrement. Zhong Xing avait totalement vidé les caisses d'urgence de la secte.
Il prit un nouveau papier à shikigami pour écrire une lettre de remerciement au second acheteur et l'inviter à venir boire le thé à l'occasion. Ils ne s'étaient pas vu depuis un moment d'ailleurs. Normalement, ils se voyaient au moins tous les mois mais les aléas de la vie les avaient retenu l'un et l'autre à cause de catastrophes diverses et variées qu'ils avaient du tous les deux gérer. Bah, ils se voyaient de toute façon tous les trois mois sans faute pour les cérémonies saisonnières.

Une fois le petit papillon de papier envoyé livrer sa lettre, Zhong Xing laissa son bureau pour celui du maître guérisseur à qui il avait laissé Boya en charge. Le pauvre gosse était au bout du rouleau. Restait à espérer que Yin RenShu pourrait quelque chose pour lui. Il ne risquait pas de mourir heureusement. Zhong Xing s'inquiétait surtout de son état psychologique.

"- Zhong Xing Zongzhu ?"

"- Comment va-t-il ?"

Le guérisseur haussa les épaules.

"- S'il nous avait été confié immédiatement après ses blessures, nous aurions sans doute pu sauver sa vue. Au moins en partie. Mais là... Ceux qui se sont occupés de lui ont fini le travail délibérément avec les "médicaments" qu'ils lui ont mis dans les yeux. Sa cornée a été lentement rongée jusqu'à ce qu'il n'en reste rien. Le reste est intact mais l'intention malveillante est évidente. On l'a délibérément privé de ses yeux pour se débarrasser de lui. "

Zhong Xing hocha la tête.

"- Je vois." D'après ce que lui avait expliqué son vieil ami, il n'en était pas foncièrement étonné. Ecœuré, mais pas étonné. La vie d'un jeune homme, aussi doué soit-il, n'était rien pour la mesquinerie ordinaire de la secte Est. "Merci. Pour le reste ?"

"- Il a quelques carences. Il a reçu une alimentation très limitée en qualité, en quantité et en diversité ces derniers mois. Il a perdu du poids et pas mal de muscles mais heureusement, sa cultivation est forte. Il va falloir lui faire reprendre son entrainement physique en douceur. Je recommande deux heures par jour dans les cavernes inferieures pour nager s'il sait. Sinon, ce sera l'occasion pour lui d'apprendre. Je crois que Meng JingFei a des disponibilités en fin de journée."

"- Je verrais avec elle."

La jeune femme était un véritable moulin à paroles mais elle était née sur la côte et il n'y avait personne de meilleure qu'elle pour apprendre aux petits shidi à nager ou accompagner disciples comme shishen blessés sur le long chemin de la convalescence musculaire en les aidant à retrouver leur mobilité dans les bassins d'eau chaude du fin fond de la secte. Même le plus désespéré des blessés retrouvait la motivation à aller mieux grâce à son enthousiasme franc et réaliste.

Le bureau du yin yang était spécialisé dans le contrôle des démons, esprit et autres manifestation non humaine ainsi que dans leur étude mais pour l'appliquer dans des champs de recherches aussi large que la médecine, le contrôle des nuisibles ou le développement agricole. Pas pour les massacrer avec la plus grande aisance possible. Ils n'étaient pas comme les idiots de l'Est.

Le temple avait fait des pactes avec plusieurs démons et esprits de la nature pour leur bénéfice mutuel. Le yin yang y gagnait des récoltes suffisantes pour être autonome malgré les neiges éternelles à leur altitude et en échange, les démons et esprits avaient un refuge confortable d'où ils ne seraient jamais chassés et où ils trouvaient tout ce dont ils avaient besoin pour vivre en toute quiétude. Il n'était pas rare de voir des jeunes disciples aux pieds nus courir entre les arbres fruitiers de la vallée pour rattraper leurs camarades de jeux qui se trouvaient être les esprits des jeunes arbres spirituels qui avaient germés dans les années précédentes ou avec des bébés démons de lave qui chauffaient justement les profondeurs de la secte et l'empêchait de geler sur place. Lorsqu'une vallée agricole commençait à se faire trop petite, le bureau envoyait des maitres avec d'autres esprits et démons pour préparer la vallée suivante à les accueillir en plaçant à des endroits stratégiques des sigils et des boucliers achetés fort cher à leur plus proche voisin. L'endroit était rapidement colonisé et des paysans embauchés pour y travailler. Le nouveau village se retrouvait sous la protection du temple qui croissait régulièrement en force et en influence, au détriment du Seigneur du Nord. Pour l'instant, il laissait faire. Les villages payaient des impôts.

Le Domaine voisin le plus proche était contrôlé par un démon puissant mais tout à fait civilisé et cordial qui avait une conception de la vie assez proche de la leur. Les démons et esprits qui vivaient sous sa domination apprenaient vite à ne pas attaquer d'humains et à vivre en bonne intelligence avec leurs voisins du yin yang. Le Seigneur Démon venait au Bureau quelques fois par an pour participer aux cérémonies et fêtes principales en plus de ses rapides passages pour voir le chef de secte du moment. En échange, le Bureau était invité aux festivités organisées à chaque changement de saison dans le domaine voisin. Pour l'instant, la secte et le Domaine démoniaque vivaient en bonne intelligence depuis des siècles. Leurs frontières se touchaient mais aucun ne tentait d'accroitre ses terres chez le voisin. Le respect était mutuel et à l'occasion, les deux domaines se rendaient service ou se portaient assistance réciproque.

"- Autre chose ?"

"- Rien qui ne concerne notre nouveau patient. Par contre, attendez-vous à voir les responsables de l'intendance. Gold Spirit a encore causé un scandale dans les cuisines." Le sourire du guérisseur était aussi camouflé que possible mais ses yeux étaient trop brillants.

Zhong Xing soupira. Son shishen lui faisait payer sa quasi solitude. Le petit esprit de chance s'ennuyait avec un seul camarade. Il voulait des amis mais Zhong Xing n'avait pas réussi à séduire les deux autres esprits qu'il aurait voulu avoir comme shishen. Ses premières avances avaient été acceptés avec curiosité mais lorsqu'ils avaient compris qu'il espérait qu'ils accepteraient d'être ses shishen, ils avaient décliné en expliquant qu'ils avaient déjà une allégeance. L'autre shishen de Zhong Xing, celui qu'il avait lié quand il n'était encore qu'un junior était si timide qu'il était rare qu'il sorte de ses appartements personnels. Il s'occupait de la famille du chef de secte et s'en contentait avec bonheur. Même Gold Spirit était trop agité pour lui.

Zhong Xing avait aussi pensé à prendre un jeune disciple mais il n'avait eu ce petit déclic indispensable pour prendre un élève personnel avec aucun des enfants actuellement dans les dortoirs. Peut-être à la prochaine session. Ou peut-être qu'il trouverait son élève sur les routes comme ça arrivait si souvent pour les membres du Bureau.

"- Vous l'avez drogué pour qu'il dorme ?"

"- Pas la peine. Il est tellement épuisé par la Négation de son Nom qu'il va dormir encore un long moment pour s'en remettre."

"- Cela peut être annulé ?"

"- Les maitres de JingYun sont des bouchers incompétents. Ils ne savent même pas le faire correctement. La seule chose qui les intéresse est de faire mal à leur victime. Pas de supprimer leur nom avec efficacité. Ils font ça comme un môme qui s'arracherait une croûte au genou. Le temps qu'il se réveille, il aura suffisamment cicatrisé pour pouvoir être Nommé à nouveau."

C'était un soulagement. Zhong Xing aurait pu donner une nouvelle identité au jeune homme mais pouvoir lui rendre la sienne était bien plus simple.

"- N'oubliez pas de le noter dans le Registre de la secte. Quelque chose me dit que JingYun est assez rancunier et mesquin pour tenter de venir le réclamer s'ils apprennent qu'il est ici."

Zhong Xing hocha encore la tête. Dès que le jeune homme serait en état, il aurait droit à sa petite cérémonie d'accueil dans la secte.

"- Et n'oubliez pas de manger !" Le gronda le guérisseur.

A s'occuper des autres, Zhong Xing oubliait invariablement de s'occuper de lui-même. C'était en partie pour ça qu'aucun esprit combattant ne voulait se lier à lui. Pas tant qu'il ne serait pas capable de prendre soin de lui-même. C'était un coup à ce qu'il fasse n'importe quoi et se fasse tuer. Tant qu'il ne pouvait pas aller au contact, il était relativement à l'abri.

Même sa femme avait beau lui hurler dessus, rien n'y faisait. Il était totalement oublieux de sa propre condition. Si la secte n'avait pas fait attention à lui, personne ne l'aurait fait et certainement pas lui-même.

Zhong Xing fit le gros dos. D'accord, il oubliait peut-être parfois de manger, mais il avait de la réserve et...

"- JE NE PLAISANTE PAS !" Rugit le guérisseur comme s'il entendait précisément les pensées de son chef de secte. Ce n'était pas tout à fait le cas mais quelque chose d'assez proche d'une certaine empathie développée avec les années grâce à son devoir autant que sa cultivation. C'était le petit talent du guérisseur. C'était pratique pour suivre l'état d'un patient dans le coma. Entre autres.

"- Promis."

"- Je vérifierai auprès de Fangyue." Le ton était aussi menaçant que lugubre.

Le guérisseur finit par abandonner le chef de secte à son travail. Gold Spirit se glissa dans le bureau environ une heure plus tard avec un plateau à la main..

"- Yin RenShu m'a attrapé dans le couloir pour que je vous apporte de quoi manger.

"- Le cuisines t'ont laissé y rentrer ?"

Le shishen eut un petit sourire en coin absolument pervers.

"- Ils ont bien été obligé : ordre du Maitre Guérisseur pour le Chef de Secte."

"- Et tu as volé combien de gâteaux ?"

"- Assez pour mettre la moitié des shidi au bord du coma sucré ?"

Zhong Xing aurait dû gronder son shishen mais il n'en avait absolument pas le courage. Il l'aimait trop et ses pitreries étaient une bouffée d'air frais dans la perpétuelle activité de ruche de la secte. Il aurait voulu que son fils soit comme lui. Malheureusement, He Shouyue était ce qu'il était et c'était totalement la faute de ses parents.

"- Je vais tenter d'appeler un autre esprit rapidement. Je sais que tu voudrais avoir des amis avec toi." L'esprit à l'apparence si jeune haussa les épaules. Même s'il était plusieurs fois millénaire, il garderait toujours son apparence d'adolescent.

"- Je me contenterai aussi d'un petit shidi rien qu'à nous."

"- Et tu le transformeras en terreur qui causerait encore plus de chaos que toi."

"- Evidemment. C'est le boulot de tout shixiong qui se respecte."

Gold Spirit avait essayé de faire ami-ami avec He Shouyue depuis sa naissance ou presque. L'enfant l'avait toujours profondément détesté sans que personne ne comprenne pourquoi. Zhong Xing comme Fangyue refusaient de se l'avouer, mais des fois ils se demandaient si leur fils n'avait pas un problème depuis sa naissance que même les guérisseurs mentaux n'arrivaient pas à l'identifier. Ils avaient même confié l'enfant à un spécialiste des malédictions au cas où mais rien. He Shouyue était un sale môme depuis sa naissance. Des fois, Zhong Xing avait l'impression que son fils lui reprochait d'être en vie. Le chef de secte n'avait pas souvenir d'avoir vu son fils heureux une seule fois. Même quand il était bébé, il semblait souffrir d'être simplement vivant.

Zhong Xing avait pris le plateau de victuailles et tapait allègrement dedans tout en réfléchissant tristement à son fils. Il l'aimait profondément mais se savait incapable de savoir quoi faire de lui. Ou comment l'aider.

Le chef de secte dévora son repas avec une certaine surprise. Il mourrait de faim finalement. Malgré son ton moqueur, son shishen le surveillait de près. Son maitre était vieux pour un humain médiocre mais encore jeune pour un cultivateur avec ses capacités. Il n'avait pas encore le moindre cheveu blanc et avait heureusement arrêté de tenter de se faire pousser la barbe et la moustache pour se vieillir. C'était totalement ridicule et lui donnait un air mité plus que respectable.

Une fois les plateaux vides, Zhong Xing reprit son travail. Dans la masse des correspondances qui attendaient son attention, un rouleau bien particulier attira son attention. Il était blanc, scellé avec un ruban de soie blanche et un sceau de cire argent poinçonné d'un renard rampant stylisé à neuf queues. Ce genre de rouleau était facile à voir mais plus difficile à répondre.

Le Seigneur Démon qui était leur voisin correspondait en permanence avec le yin yang mais il était difficile pour Zhong Xing de savoir ce qu'il voulait vraiment. Même après toutes ces années, alors même que comme tous les disciples il le connaissait depuis qu'il était tout petit, il avait toujours autant l'impression que le Seigneur Renard le baladait comme il en avait envie. Mais comme ses prédécesseurs avaient eu la même impression jusqu'à leur trépas, l'humain en avait fait son deuil depuis bien longtemps.

Un grognement lui échappa lorsqu'il déroula la longue lettre. Le Hulijing voulait des nouvelles de l'arrivée de Boya dans leurs murs. Il avait voulu l'acheter pour sa propre Maison via un de ses serviteurs mais avait laissé Zhong Xing enchérir et le prendre en charge quand les enchères s'étaient envolée en lui prêtant ce qui lui avait manqué. Qu'il conserve ce qui lui appartenait finalement pour moitié n'était pas inattendu. Mais qu'il demande des informations si vite ? Ne pouvait-on laisser le jeune chasseur s'habituer à sa nouvelle maison avant de poser des questions sur ce qu'il comptait faire sur les dix prochaines années ? Avant toute chose, il fallait que Boya guérisse en effet et… ho… le Seigneur démon avait ajouté une recette de pommades pour cicatrices. Donc il avait dut le voir.

... Donc le seigneur démon avait été à la capitale lors de la vente ? Il n'y avait pas que son opérateur ? Zhong Xing n'avait absolument pas sentit sa présence. Décidément, il ne comprenait rien au Seigneur Anbei.

Mais ce n'était pas la question pour l'instant

La question était surtout : qu'est-ce qu'il lui voulait ? Parce qu'à part son allusion rapide à la présence de Boya à la secte nord, il ne voulait pas simplement lui envoyer la recette du pigeon au sang en plus que celle de la pommade n'est-ce pas ? Quel rapport ? Bah, il verrait plus tard. Il lui fallait toujours du temps pour réfléchir à ses réponses. Autant qu'il s'occupe du reste de sa correspondance. Rien n'allait changer avant que leur nouveau disciple ne se réveille de toute façon.

Boya s'étira lentement dans son lit. Il faisait froid à l'extérieur de son cocon de couvertures. Il y avait bien longtemps que le chasseur n'avait pas été installé aussi confortablement. Si tant est qu'il l'ait été un jour. La natte sous lui était moelleuse comme un énorme coussin, les couvertures étaient douces et chaudes et les oreillers si moelleux qu'il n'avait aucune envie de les quitter. Un gros soupir de contentement lui échappa. Il resta à se vautrer dans cet état de semi-conscience bienheureuse un long moment avant qu'il ne se souvienne enfin des derniers évènements.

JingYun l'avait vendu comme esclave, il avait été acheté et se retrouvait dans un lit confortable après avoir été acheté par le maitre du yin yang. L'homme voulait-il faire de lui sa catin ? Il avait beau tenter de forcer sa mémoire, il ne se souvenait de rien après que les vendeurs aient refermé le collier sur son cou. Immédiatement, sa main se porta dessus. Il n'y avait rien.

"- Ha! vous êtes réveillé." La voix était aussi inconnue que chaleureuse. "Je suis Yin RenShu. Maitre guérisseur du Bureau du Yin Yang." L'homme se tut et attendit un peu que Boya intègre ce qu'il venait de lui dire. "Notre Chef de Secte vous a acheté à la demande de son vieil ami, votre Shifu je crois. Je vous ai laissé vous reposer autant que vous en aviez besoin. Après ce que vous avez subit, il n'est pas étonnant que vous ayez dormit presque deux semaines."

Deux semaines?

"- Ho..."

"- Comment vous sentez vous?" Boya se racla la gorge mais les chairs asséchées lui firent mal. "Je vous apporter de quoi boire."

On mit dans sa main un tube en bambou comme on utilisait pour boire à l'extérieur. Pour une infirmerie, c'était plus logique que de la porcelaine fragile.

Boya se désaltéra longuement avec un plaisir non feint.

"- ça va mieux ?"

"- Oui. Merci." Sa voix était encore un peu râpeuse mais parler ne lui déchirait plus la gorge. "Où suis-je exactement

"-Vous êtes à l'infirmerie du Bureau du Yin Yang. Vous allez être mon hôte encore quelques temps, jusqu'à ce que vous soyez en état de rejoindre la chambre que le shishen de Zhong Xing Zongzhu est probablement en train de piéger pour vous."

Boya n'était pas sûr d'avoir bien comprit. L'accent et le dialecte local étaient différent de la capitale. Certains mots lui étaient étrangers et certaines tournures de phrase étaient étranges.

"- Piéger ?"

"- Oui, Gold Spirit est un esprit farceur adorable mais il adore faire des bêtises. Piéger votre appartement avec un poisson mort sous le lit ou des araignées dans le pot à encre est sa manière à lui de vous accueillir parmi nous en vous faisant subir ce qu'il fait à tous les autres disciples. On s'y fait vite. Et il apprécie quand on le piège aussi. Il y a une guerre ouverte de farces entre lui et les plus jeunes shidi qui dure depuis bien soixante ans. "

"- Mais... Je suis juste... un esclave. Pas... un disciple." Ses cheveux courts le montraient plus que n'importe quoi d'autre.

"- Nous ne pratiquons pas l'esclavage comme dans le sud." Tout ce qui était plus au sud que la Capitale du Nord était le Sud. "Malgré votre statut, vous serez un disciple de la secte dès que la Cérémonie pour ajouter votre nom dans le Grimoire de la secte aura été pratiquée." Boya baissa la tête. De Nom, il n'en avait plus. "Votre dette envers Zhong Xing Zongzhu est certes importante, mais il y a toujours moyen de rembourser vous savez. Et nous ne pratiquons pas non plus l'endettement des disciples. Votre dette ne se creusera jamais."

Boya se sentait au bord de la panique. C'était bel et beau que tout cela mais justement. Quand tout était trop beau, il y avait forcément une arnaque.
Il était triste qu'il considère ne pas voir sa dette se creuser comme étant trop beau pour être vrai mais JingYun ne lui avait pas appris à attendre grand-chose de sa secte.

"- Et quel est le prix de toute cette générosité ?"

"- Le même que celui de toutes les sectes, j'imagine." Répondit tranquillement le guérisseur. "A charge pour vous de faire croitre et progresser la secte. Mais vous en discuterez avec Zhong Xing Zongzhu rapidement. Pensez-vous pouvoir vous lever et faire quelques pas ? Vos muscles doivent être tout engourdis d'avoir dormit des semaines."

Boya n'en savait rien. Il tâtonna lentement pour trouver le bord du lit et tenter de se lever. Lorsqu'il vacilla une seconde, une main légère le retint.

"- Comment vous sentez vous ?"

"- Comme un chevreau nouveau-né."

"- Parfait ! Alors vous serez capable de grimper au mur le plus proche d'ici deux heures." Plaisanta le guérisseur.

Boya ne put s'empêcher de se détendre quelque peu.

"- Je vais vous guider jusqu'à la table. Vous allez manger un peu, prendre un bain et retourner vous coucher."

Le chasseur ne protesta pas. Il était trop perdu pour ça. Il attendait le retour de bâton. On n'était pas aussi généreux sans raison. Jamais.

On le conduisit gentiment jusqu'à une table basse où on le laissa s'asseoir.

"- Vous avez juste devant vous un bol de riz. A votre gauche immédiate, une assiette de baozi, à votre droite immédiate un plat de viande. Le thé est au-dessus de votre bol et les baguettes sur le bol." Le guérisseur avait prit ses mains pour lui faire toucher les plats l'un après l'autre avant de le lâcher.

Boya s'étonna qu'on le laisse se débrouiller et qu'on ne lui donne pas de cuillère. Il tâtonna un peu, maladroit et très conscient de sa maladresse, jusqu'à ce qu'il réalise que le guérisseur était parti vaquer à ses occupations pour le laisser tranquille. Maintenant certain qu'il n'avait pas de spectateurs, il parvint très vite à se débrouiller sans mettre de nourriture partout. Et s'il laissa un peu de riz au fond de son bol, ce n'était pas un drame.

La nourriture, le calme et la solitude firent un bien fou au chasseur. Lorsque le guérisseur revint le voir pour le conduire aux petits bains attenants à l'infirmerie, Boya était plaisamment détendu. L'eau chaude accommodée d'herbes médicinales fit des merveilles pour ses muscles affaiblit et douloureux. Avait-il vraiment négligé sa santé à ce point? Pourtant il avait forcé sur sa cultivation comme rarement. Ses muscles auraient dû en profiter. On toqua contre le paravent qui lui garantissait un peu d'intimité. Que le guérisseur le prévienne ainsi au lieu de simplement faire ce qu'il voulait sous le prétexte que Boya était aveugle était agréable.

"- Boya Daren, vous êtes en train de vous endormir. Laissez-moi vous aider avec vos cheveux et vous pourrez aller vous recoucher."

Boya ne protesta pas vraiment. Il se sentait effectivement piquer du nez dans l'eau chaude. Avec l'aide du guérisseur, il finit de se nettoyer le crin beaucoup trop court mais qui avait recommencé à pousser et quitta la baignoire. Pouvoir prendre soin de son hygiène personnelle lui-même, même avec un peu d'aide pour ses cheveux fut également un véritable soulagement.

Quand il se réveilla une fois de plus quelques heures (jours ?) plus tard, il aurait été incapable de dire comment il avait rejoint son lit. Il se sentait un peu mieux qu'à son précédent réveil. Il était moins raide.

"- Boya Daren ?" La voix était féminine. "Je suis Yi Xiaolian, apprentie de Yin RenShu. Vous avez dormit deux jours. Nous somme le milieu de la nuit. Avez-vous besoin de quelque chose ?"

Boya se força à suivre le débit rapide et enthousiaste de la jeune fille. A sa voix, il estimait qu'elle devait avoir quatorze ou quinze ans.

"- Les lieux d'aisance s'il vous plait. Et j'aimerai changer de linge si c'est possible. Je me sens poisseux." Ce qui était étrange puisqu'il n'avait fait que dormir après avoir pris un bain.

Un petit rire le fit rosir. Qu'est-ce qu'il avait dit?

"- Mon maitre n'arrête pas de dire qu'un Vrai Homme est capable de se salir même en restant dans l'eau de son bain. Visiblement, c'est vrai. Vous vous souvenez où sont les bains? Je vais vous chercher des robes propres." Et avant que pu dire quoi que ce soit, l'apprenti quitta la petite chambre.

Boya se sentit paniquer. Il était seul, il était aveugle, il fallait qu'il trouve les bains, mais il en était incapable ! Il ne voyait rien ! Il n'était qu'un invalide et c'était pour ça qu'il avait été chassé. II...

Il se força sèchement au calme. Non. Il avait été chassé pour de la politique et son Shifu avait veillé sur lui, même quand il ne le pouvait plus. Il l'avait confié à un ami qui au pire le laisserait sans doute tranquille à défaut d'autre chose. Et si on le laissait tranquille, il pourrait peut-être reprendre ce qu'il faisait avant.

Le calme se fit plus consistant.

Il était aveugle mais il n'était pas sans ressource.

Il s'ouvrit au qi ambiant comme il avait appris à le faire. Sous son regard mental, la pièce apparut encore plus brillante et détaillée que sa chambre à JingYun. Le temple du nord était plus vieux que celui de l'est. Plus vieux et donc encore plus chargé en qi ambiant.

Boya "voyait" autour de lui. Comment avait-il pu oublier ce qu'il s'était forcé à apprendre?

Ici, une forme noire et sans "vie", basse, rectangulaire. Le lit. Un objet trop jeune pour être chargé de qi. Mais par contre... Il se pencha pour l'effleurer. Pas de qi, mais du ressentiment... La douleur et la peine des blessés et des malades ? C'était intéressant ! Les murs qui oscillaient sous sa vision comme des voiles de chaleur. Là, enfin, la porte et...

"- Vous êtes restée là ?" S'étonna Boya en voyant la forme de la jeune fille. Enfin, à la taille, il estimait que c'était forcement elle.

"- Je voulais être sure que vous arriviez à vous débrouiller." II ne la voyait pas vraiment sourire mais l'entendait dans sa voix. "Maintenant que je suis sûr que vous n'allez pas vous manger un mur, les bains sont la sixième porte sur votre gauche en sortant de votre chambre." Et la jeune fille fila.

Boya en resta un peu perplexe. Les guérisseurs ici étaient bizarres. Protecteurs mais sans être envahissants, encourageant mais sur le qui-vive pour l'empêcher de se faire mal tout seul. A JingYun les guérisseurs vous dorlotaient jusqu'à en hurler mais vous jetaient dehors sans ménagement s'ils estimaient ne rien pouvoir faire de plus. Ou quand vous n'aviez plus d'argent.

Puisqu'il était seul, Boya prit sur lui de suivre les recommandations de la jeune femme et tâtonna son chemin jusqu'aux bains. Il "voyait" son chemin si on voulait, mais aurait grandement préféré avoir une canne. Au moins avec elle, il pouvait juger des irrégularités du sol. A JingYun, c'était déjà compliqué. Ici, des milliers de pieds avaient usés encore davantage la pierre. Était-ce même de la pierre ? Ou de la glace ? Il s'accroupit pour toucher le sol. Il était glacé mais pas humide. Boya était incapable de savoir ce qu'était le sol. Il se redressa lentement pour ne pas tomber. Il finit par trouver la petite salle de bain avec deux bacs dont un remplis d'eau chaude. La pièce était vide quand il y entra. Il ne savait pas s'il était le seul patient actuel mais n'avait entendu personne d'autre. Boya ne savait pas comment était organisée la secte. Pour ce qu'il en savait, chaque guérisseur avait peut-être ses propres quartiers où il gérait ses malades.

Le chasseur se déshabilla lentement. Il se laissa glisser dans la baignoire agréablement chaude. Lorsqu'on toqua à la porte, il avait quelque peu somnolé.

"- Entrez ?"

La jeune femme entra en coup de vent, s'attirant un hoquet d'horreur de Boya qui chercha quelque chose pour se couvrir.

"- Ho ne faites pas votre pudique, qui croyez-vous qui a pris en charge vos besoins naturels et votre hygiène pendant votre convalescence ?" Sourit-elle largement comme si c'était quelque chose qui ne la dérangeait pas... Ce qui était sans doute le cas raisonna Boya. "Vous savez, j'ai sans doute vu plus de messieurs tout nu à mon âge qu'une dame de petite vertu qui arrive à la retraite." Rit-elle. "La pudeur est quelque chose d'assez secondaire ici. Vous vous en rendrez vite compte."

Elle parlait sans fin sans même donner le temps à Boya de répondre. Le chasseur réalisa que c'était assez confortable finalement. Elle n'attendait pas de lui qui lui fasse la conversation mais lui donnait quand même des informations de base.

"- Ici, il fait nuit la moitié de l'année et il ne gèle pas environ dix jours par an. Alors on passe beaucoup de temps à faire panier de renards tous ensemble et à profiter des bains tous ensembles aussi." Continuait-elle. "Il n'y a pas non plus de séparation des sexes entre les disciples."

La bienséance ne servait pas à grand-chose quand il était question de ne pas mourir de froid quand on était un petit shidi et le temps d'arriver à l'âge où on aurait dû mettre de réelles barrières entre les sexes pour éviter aux disciples de faire des trucs marrants entre eux, plus personne ne s'embarrassait de pudeur entre filles et garçons. C'était plus simple. Et quand vous viviez en plus avec des esprits ou des démons qui pouvaient avoir plusieurs sexes, ou aucun ou tous à la fois voir des petits bouts dans tous les sens et sans même parler de genre, tenter de régner la dessus aurait été juste stupide et bien trop fatiguant pour le "bénéfice" à en tirer. Quand il arrivait des surprises, ils étaient élevés par la communauté quand la mère décidait de le garder. Le jeune guérisseuse faisait partie de ces surprises.