L'âge de la raison
S'exprimer, rencontrer, réaliser
Auteur : Rain
Disclaimer : Shaman King…. Ne m'appartient pas ! Je sais, je sais, quel choc, quelle surprise. Pardon d'avoir ainsi dissimulé la vérité. Je ne suis qu'une humble fanartiste.
Notes :
Merci à Solemntempo, à Corporal Queen, Allie, Hessy, Julia, Keoko, LugiaP2K et Realgya pour leur soutien éternel. Et merci à tous les autres ! Je vous aime.
J'espère que vous avez passé un excellent été ! Prenez ce petit chapitre comme cadeau de début de rentrée ^^
...
La dernière fois dans L'âge de raison :
Jeanne se réveille et se rend compte qu'elle est désormais embrasée. Tamao se retrouve seule avec Jeanne puis Hao, qui décide de l'emmener avec lui. Par contre, il n'est pas prêt à s'expliquer.
Suit beaucoup de bruit, pour peu de choses.
Jeanne sort de l'infirmerie seule, perdue, confuse. Tamao est l'âme sœur de Hao. Pourquoi était-elle là, alors ? Depuis quand le savent-ils ? Était-ce une machination du Shaman millénaire, en fin de compte, tout ça pour l'abattre ?
Tamao savait qu'elles seraient dans la même voiture. Et dans la voiture, Tamao était silencieuse, troublée. Nerveuse.
Mais Tamao a pleuré sur elle. Tamao était ici, avec elle, quand elle a tenté de retrouver le monde éveillé. Tamao a fait promettre à Hao qu'elle irait bien. Tamao…
Pourquoi se soucie-t-elle tellement de la moitié de Hao ?
Question naïve, n'appelant aucune réponse acceptable.
Jeanne sait. Rackist n'a pas voulu lui dire, mais elle sait. Tamao est la personne qui l'a embrasée, qui a transformé l'étrange inscription en ruban doré. Elle ne sait toujours pas ce que ça dit, étant donné qu'elle ne lit pas les kanji, mais elle sait que ces mots sont de Tamao.
L'Iron Maiden tente de ranger l'information au fond de son crâne. De faire la part des choses, de s'occuper d'abord de ce qui est en face d'elle.
Ce qu'elle a en face d'elle, ce sont les X-Laws, installés dans l'un des salons de Sâti. Ils sont tous là; quelqu'un a dû alerter les X-II, ce qui signifie que le groupe de Yoh est au courant, lui aussi. Elle a manqué tellement de temps. Est-ce seulement encore le même jour ? Oui, Marco et Lyserg sont couverts de boue et de sang. Mais sinon ? Elle n'a aucune idée de l'heure qu'il est.
Tard, lui souffle Shamash.
Lyserg a l'air perdu, dans cette silencieuse seconde où ils ne la voient pas encore. Les adultes échangent à voix basse. Meene reste proche d'eux, flamboyante dans l'air frais.
Elle entre dans la pièce, les appelle d'un discret mes anges, et quand leurs mains chaudes se tendent vers elle il n'y a ni peur ni dégoût dans son âme. Ces gens sont réels, et ils lui appartiennent. Avant cet instant, ils ne l'auraient jamais touchée, mais maintenant ? Ils veulent s'assurer qu'elle est bien là, en vie, elle le voit dans leurs yeux et dans leur étreinte tremblante. John d'abord, puis Larky et puis Porf, et elle se perd dans leurs grands corps d'adultes. Puis, timidement, Lyserg. Puis, l'espace d'un instant, Meene.
Marco ne bouge pas de son siège.
Jeanne remarque la légère marque de désapprobation dans le regard de Sâti.
Elle s'extirpe de la forêt de jambes et vient embrasser son capitaine dans son dos, refusant l'embarras, refusant l'hésitation. Elle n'est plus la sainte, ni l'image. Elle leur appartient, et ils lui appartiennent, et elle a failli mourir. Agrippée à Marco, elle pense : Je n'ai jamais voulu prendre le risqué de vous perdre. Je ne veux pas mourir. Je ne veux plus jamais mourir.
« Il est bon de te voir debout, » dit Sâti. Son anglais chante avec chaleur; toute désapprobation s'en est évaporée.
Il est rare que Jeanne se sente petite. Hao l'a terrifiée, le jour de l'avion, et là elle s'était sentie minuscule. Aujourd'hui, c'est différent; elle ne ressent pas de peur. Pourtant elle combat le sentiment, et reconnaît en elle une vague d'orgueil.
« J'ai cru comprendre que je vous devais la vie, » répond-elle calmement, les lèvres étirées en un doux sourire. « Les X-Laws vous doivent beaucoup.
- Je préférerais oublier tout cela, » répond Sâti, « et qu'une nouvelle amitié puisse naître entre nous. Comment te sens-tu ? Travailler sur un corps aussi fragile n'est pas aisé. »
Elle tourne les yeux vers Marco un instant, et Jeanne comprend le sous-entendu. Ils comprennent tous le sous-entendu, et ça ne lui plaît pas. L'orgueil, de nouveau, sortant des profondeurs comme un orque d'or.
« Vous avez très bien travaillé. Lyserg, comment vas-tu ?
- Je vais bien," dit le garçon, les joues roses. « Je suis désolé de ne pas avoir su mieux vous protéger.
Jeanne refuse de le laisser dire. « Hao nous a tous pris de cours. Tu n'as pas à défaire un ennemi capable de m'abattre. »
Son visage prend une teinte verdâtre devant ces mots, et elle voit son expression reflétée sur d'autres X-Laws, mais Jeanne sait en elle-même qu'elle a raison. Et quand elle les regarde, elle sait aussi autre chose.
« Je vous remercie pour votre hospitalité, » dit-elle à Sâti, « mais nous devons partir. Nous allions voir Yoh, et ils doivent s'inquiéter.
- Ils sont déjà au courant, » l'arrête John. « Certains des gens d'ici sont venus nous chercher, ils leur ont tout expliqué. Yoh a dit qu'on trouverait une autre occasion pour… Enfin voilà. »
Jeanne serre les dents. Elle se sent frustrée, pendant une brève seconde qui reste une seconde. Elle veut aller chez Yoh parce que Tamao y sera – si elle n'est plus ici, c'est qu'elle est rentrée chez elle, n'est-ce pas ? Elle veut aller chez Yoh pour voir Tamao qui est son âme sœur à elle aussi. Parce qu'il faut qu'elles parlent, longtemps, de ses cicatrices et de Hao et de tout le reste.
Mais elle ne peut rien en dire, de tout ça.
« Nous devons former des alliances. Des amitiés, » dit-elle à la place, en regardant Sâti. « Je devrais quand même y aller. »
La cheffe des Gandhara penche la tête. Elle a l'air inquiet. « Es-tu sûre d'aller bien ? »
La frustration remonte, malgré elle. « Tout va bien. Je… »
Je quoi ? Elle regarde autour d'elle, cherche ses arguments. Elle se sent perdue, et fragile, et pataugeant dans une mélasse beaucoup trop épaisse pour elle.
« Je veux parler à cette fille, » finit-elle par admettre. « Tamao. Elle était avec nous lors de l'accident. »
Le visage de Marco s'assombrit d'un coup, comme un orage d'été. Elle sait déjà qu'elle va devoir se battre, et elle n'en a pas l'énergie.
« Seigneur…
- Elle n'est pas ici, » dit une voix derrière eux. Avant qu'elle n'ait pu se retourner, tous les X-Laws ont leur arme braquée sur l'ombre, qui gémit de terreur. « Ne me tirez pas dessus ! Je ne suis pas votre ennemi ! »
Jeanne observe avec curiosité les deux formes qui sortent du mur. Il y a une sorte de renard, et une sorte de raton-laveur. Les esprits de Tamao, se rappelle-t-elle avec quelques secondes de retard.
« Que voulez-vous dire, » demande Marco froidement.
« Ce qu'il a dit," répond le renard après un regard vers son compère. « Tamao n'est pas chez Yoh.
- Et pourquoi pas ?
- Parce que Hao l'a enlevée. »
ꙮ
La porte se ferme sur Tamao, et pendant quelques instants elle reste sur le seuil, proprement assommée.
Souviens-toi de qui je suis. Ce n'est pas comme s'il allait la laisser oublier.
Pourquoi agissez-vous ainsi, demande-t-elle faiblement dans leur lien. Aucune réponse ne vient. En fait, elle a presque la vision d'une seconde porte qui lui claque au visage; elle pousse et appelle, mais Hao reste silencieux.
La jeune femme se retourne. Un lit de camp décore la pièce de là où il a été poussé contre un mur. Il y a une espèce de nid de couvertures près de la tête du lit, et une valise poussiéreuse de l'autre côté de la pièce. Les mots de Hao lui restent en travers de la gorge; ce n'est pas le moment de fouiller leurs affaires et de se faire réprimander.
Ses pieds la tirent jusqu'au lit et l'y laissent tomber. C'est étonnament confortable; son nez se remplit d'un parfum propre, boisé. Tamao ferme les yeux.
Elle les rouvre plus tard, sans bien savoir quand. Roulant sur le dos, elle examine le plafond avant de se rendre compte du silence autour d'elle.
« Ponchi ? Conchi ? »
Ils ne sont pas avec elle. Ils
She opens them again after an unknown amount of time. She rolls on her back and studies the ceiling until she realizes how quiet things are.
"Ponchi? Conchi?"
They are not with her. They are not anywhere near, she realizes, as she tries to call them through her ouija board. Hao simply did not take them when he brought her here.
Cool dread settles in her stomach. Without her spirits she is defenseless in this dangerous place. She knows nothing about the people here except that they are violent and strange. Ashil's reasons to kill Lyserg were paper thin! And now she is here, as Hao's soulmate.
Footsteps in the distance have her go still; she stays there, sitting in silence, as some unknown presence walks to her door, and then past it. And then it's gone. Only after that can she somewhat relax.
Tamao wonders what's happening back at Saati's. She hopes Marco won't grow even angrier with her. And Yoh? What will he think? He knows she is Hao's soulmate, so he should not worry overmuch, right? She needs to talk to him somehow.
Et Jeanne ? Elle se souvient du soin prodigué par Sâti, du cadeau brûlant de Hao. Le regard de la morte-vivante, brouillé et lointain, alors qu'elle lui tenait les mains. Avec hésitation, elle se penche, défait ses lacets, et masse les kanji dorés qui l'accompagnent depuis si longtemps. Fais bien attention.
Il lui faut une seconde pour prendre conscience que son autre cheville, elle aussi, s'est illuminée.
Les mots étrangers, tout d'un coup incandescents.
Le cerveau de Tamao pile net.
Ce n'est pas Hao, ça, elle en est sûre. Aucun des Gandhara, non plus. Elle ne s'est même pas rendu compte de quand cela s'est produit. Comment est-ce possible ?
Elle devait être trop fatiguée. Ou trop choquée de tout le reste. Pourtant elle s'est sentie plutôt maîtresse d'elle-même avec les Gandhara. Pas vraiment avec Hao mais…
Il y a une autre personne avec qui elle était trop pleine d'émotions pour sentir ce genre de chavirements, se rend-elle compte alors.
Ça la frappe comme une pierre. Jeanne a dit quelque chose, quand elle était allongée dans son lit, surnageant au-dessus du néant. Bien sûr. Bien sûr que c'est elle. C'est pour ça qu'elle est collée à ses lèvres depuis qu'elle l'a aperçue pour la première fois. C'est si différent d'avec Hao et pourtant… c'est la seule chose qui ait du sens pour elle.
Mais alors, pourquoi n'entend-elle pas l'Iron Maiden dans sa tête ? Pourquoi ne l'a-t-elle jamais entendue ? Hao lui a parlé si clairement.
Prisonnière de cette pièce poussiéreuse, Tamao se laisse gagner par la curiosité. Elle ferme les yeux, se rappelle de l'infirmerie de Sâti. Hao debout devant elle, comme une tempête menaçante même alors qu'elle reste lointaine et silencieuse. Jeanne allongée immobile, comme une poupée posée sur un linceul.
Puis Hao levant la main sur la poupée, la vague de puissance, les réseaux de cicatrices se refermant peu à peu.
Elle tente de pousser chacune des images dans la direction de Jeanne, c'est-à-dire de tout ce qui n'est pas Hao. C'est-à-dire qu'elle pense à Jeanne, pense aux images, et tente péniblement de relier le tout.
Un instant, sa vision se dédouble. C'est comme si quelqu'un d'autre qu'elle regardait les cicatrices, passait sa main sur la peau tendre, ébahie de les voir refermées. Tamao cille.
Quelqu'un est assis à côté d'elle, vit cet instant avec elle. Tamao n'ose pas la regarder directement; elle a peur que la présence ne s'évanouisse dans l'éther. Doucement, doucement, elle tente de diriger ses pensées vers l'inconnue.
Bonjour, m'entends-tu ?
La présence se raidit. Tamao se sent écrasée, comme si le maelstrom d'informations s'abattait en raz-de-marée – pas sur elle, sur l'autre, elle arrive à le comprendre. Mais c'est elle qui est repoussée, de l'autre côté de la barrière qu'elle a réussi, un instant, à surmonter.
Son corps retombe sur le lit de camp que Hao lui a donné. Elle se sait, désormais, de nouveau seule.
Tout d'un coup la pensée lui est insupportable. Pourquoi l'a-t-il enfermée ici sans ses esprits ? Sans rester près d'elle ? Elle se sent trop petite et trop grande pour l'espace qu'elle a autour d'elle. Elle veut manger quelque chose. Parler à quelqu'un.
Pourquoi rester dans cette petite pièce, d'ailleurs ? Hao l'y a déposée, mais il aurait au moins pu lui dire où étaient les toilettes. Lui demander si elle avait faim.
Sautant sur ses pieds, elle s'approche de la porte. Et si elle rencontre l'un des habitants des lieux, elle s'expliquera. Hao devra gérer la crise lui-même. Ils sont sensés, après tout.
Prenant une grande inspiration, elle ouvre la porte et emprunte le couloir à sa gauche. Elle finira bien par trouver quelque chose, non ?
Malheureusement pour elle, si.
ꙮ
Alors que Hao s'éloigne de sa chambre, il se prend en pleine figure le poids de ses récentes décisions.
Tuer les X-I par caprice. S'y rendre dès que Maxwell a opposé la moindre petite résistance pathétique. Parler à Tamao. La laisser là – et revenir la chercher.
Rien de cela n'a de sens logique. Rien de cela n'est raisonnable.
Alors pourquoi s'est-il donné tant de mal ?
Il faut qu'il s'isole un moment. Rien qu'un moment, il faut qu'il soit seul, pour réfléchir et planifier et sauver les meubles avant que ce tournoi-ci, aussi, ne lui file entre les doigts. Qui sait ce qu'il retrouvera la prochaine fois ? S'il retrouve quoi que ce soit ? Il est trop près. Il ne veut plus faire d'erreurs.
Il entend encore la voix du lapin dans sa tête. Il n'est vraiment pas d'humeur, alors il essaie ce qui n'a jamais marché avec le reishi mais qu'il a, il y a longtemps, étudié dans l'espoir de se libérer de la cohue : il imagine une porte, et il l'enferme derrière. Enfin, il a la paix.
« Hao-sama, » l'appelle quelqu'un à sa droite, et il lève les yeux sur Mathilda. Mathilda la flamboyante, Mathilda la sans marques, qui aujourd'hui ne semble pas flamboyer du tout.
Malgré toute l'envie qu'il a d'être seul, il lui fait signe de parler.
« C'est Achille – il a eu une autre crise. Il s'est effondré, il nous a fallu une grosse demi-heure pour le réveiller. Puis il a commencé à demander à vous voir. »
Elle a l'air gênée, comme si lui parler de ça la dérangeait. Pas parce que c'est en-dessous de lui, en plus, mais parce qu'elle semble vouloir… protéger Achille.
« Après les expériences que vous avez faites, j'ai pensé que vous aimeriez le savoir… Et puis vous devriez peut-être lui parler, » ajoute-t-elle d'une traite, une traite si rapide que c'est presque comme si elle n'avait rien dit.
Il fronce les sourcils.
« Qu'est-ce qui t'arrive, à toi ? »
Elle lève la tête vers lui. Il la sent hésiter, mais elle saute le pas. « Il ne va pas bien. Je sais qu'il dit qu'il peut tenir le coup, mais… je ne pense pas que ce soit juste de lui en demander plus. Il va vraiment se faire mal. »
Il l'examine, se demande si elle est toujours le grain de fille qui aurait arraché des cheveux à Achille pour une brochette de poisson supplémentaire, il y a si peu de mois encore.
Sa patience, aujourd'hui, ne durera pas. « Mathilda, si tu veux partir, la porte a toujours été grande ouverte. »
Elle rougit plus que ses cheveux, et il s'apprête à la quitter quand elle fait un pas vers lui. Marchant droit sur sa peur. « Je ne veux pas partir. Aucun de nous ne veut partir. Nous sommes là pour ton rêve, pour le monde des Shamans et de la nature et de la liberté. » Ses mots lui collent à la gorge. Elle a peur, bien sûr qu'elle a peur, ils ont tous peur. Pourtant, elle s'entête. « Nous sommes des shamans. Nous voulons t'aider en nous battant pour toi, quitte à en mourir au combat. Contre d'autres shamans. Pas contre – le destin, ou quoi que soit cette chose qui vous marque tous. Achille est fort, mais il ne peut pas se battre contre sa propre âme.
- Il devrait, » répond Hao fermement. « Le Shaman Fight est un combat de volontés. De déterminations. Tu ne peux compter que sur ton âme, Mathilda.
- C'est vrai. » Elle est si audacieuse, en cet instant. « Je n'ai que mon âme. Pas toutes les chaînes que vous devez porter. »
Sa colère monte comme une flamme, bien qu'elle reste pour l'instant scellée à l'intérieur de lui. Il se rappelle de sa première vie, de ses questions, du deuil qu'il a fait de cette partie du monde, du ressentiment qu'il en a gardé. Il sait qu'elle ressent aujourd'hui tout ce qu'il a ressenti jadis. Alors pourquoi – pourquoi est-ce que même lorsqu'il faisait mine alors de ressentir ce qu'elle ressent maintenant, ce qu'il voit en son âme comme dans un livre ouvert - pourquoi n'a-t-il jamais ressenti cette liberté qui flamboie en elle en cet instant ?
« Qu'essaie-tu de dire, » demande-t-il doucement. Il sent les flammes lui lécher les doigts. Ce serait rapide.
Mathilda se rend compte de son agitation et il le sait. Pourtant elle reste là, le menton droit et fier, une petite étincelle brillante devant l'incendie.
« Tu nous as toujours dit qu'on était libres de dire ce qu'on avait à dire, alors voilà : Achille devrait pouvoir prouver sa valeur sur le terrain, pas en s'étiolant à cause de sa marque. C'est un bon Shaman. Il mérite sa place ici. »
Puis elle fait volte-face et s'enfuit. Hao la laisse faire.
Il soupire et se dirige vers le grand hall.
Qu'est-il arrivé à Achille, cette fois ? Il n'a rien fait… à part envoyer Anahol après l'Iron Maiden.
C'est là qu'il comprend. En envoyant Anahol s'occuper de Jeanne, en l'envoyant exterminer les X-I, il a, au passage, tué Lyserg.
Lyserg qui a écrit dans l'âme-même d'Achille il y a si peu de temps.
Il s'est effondré, il nous a fallu une demi-heure pour le réveiller. Puis il a voulu vous voir.
Combien de temps Lyserg est-il resté mort ? Une demi-heure, à peu près. Et il n'a jamais vraiment su ce qui était arrivé à Boris, quand il l'a laissé face à Yoh et les siens. Il croit avoir compris que le vampire s'est relevé pour un temps. Et il ne s'était pas trop posé de questions quand il a entendu que Yoh l'avait défait, mais en réalité – Yoh en était-il vraiment capable alors ?
Et voilà que lui-même s'est fait embraser, et pas par n'importe qui. Il ressent l'impulsion stupide de se frapper la tête contre les murs. Il est si près de son but ! Il ne se laissera pas arrêter. Il ne peut pas se laisser faire.
« Hao-sama, » l'appelle-t-on de nouveau. Achille. Evidemment.
Hao lève des yeux lourds d'orage sur le jeune garçon, et alors que tout ce qui fait Achille le frappe à la fois – inquiétude, nervosité, désir, admiration, amour encore et toujours, même maintenant, même ici – il entend, pour la première fois depuis qu'ils se connaissent, le glas du doute.
« Achille, » répond-il, passant devant lui jusqu'à son trône de fortune. « Assieds-toi. J'ai entendu dire que tu n'avais pas eu un matin particulièrement agréable. »
Le garçon obéit. Il ne se tient pas le bras et ne grimace pas de douleur, mais Hao ne voit pas en lui son habituelle rigidité, ni même la vague nervosité qui le caractérise toujours en sa présence.
« Tu as perdu conscience ? »
Achille acquiesce. « J'étais avec les filles près de la falaise. C'est arrivé très soudainement – comme si j'étais tout d'un coup ailleurs. Quand je me suis réveillé, j'ai senti… quelque chose comme votre présence, comme si vous étiez là et en même temps vous ne l'étiez pas. Kanna m'avait ramené à sa chambre. »
Comme s'il était là et qu'il ne l'était pas en même temps. Quand il était près du corps de Lyserg, peut-être ?
« Je vois, » finit-il par dire, pour dire quelque chose. « Et où t'es-tu retrouvé, quand tu n'as plus été ici ? »
Achille croise son regard, et dans le gris de ses iris Hao trouve la tempête.
« Au début je n'aurais pas pu l'expliquer. C'était comme… une ville, mais faite de papier mâché. Les contours étaient juste fait à l'encre. Et il y avait des… des démons; c'est comme ça que je me suis rendu compte que j'étais en enfer. Comme lors des entraînements. »
Hao cille à peine. Les enfers n'inquiètent plus les membres de son groupe depuis longtemps. Même Achille s'en sort très bien.
« Les démons ne pouvaient rien me faire, de toute façon, » continue Achille, et ça, ça le surprend. « Ils pouvaient à peine me voir; leurs griffes me traversaient sans me faire de mal, et je ne pouvais pas non plus leur faire quoi que ce soit. Comme si je n'étais qu'un… spectateur. »
Etrange. En enfer, les corps et les esprits n'importent plus. Il ne s'agit que d'une question de volonté et… d'âmes.
« Tu n'étais pas réellement mort, après tout… »
S'il n'était pas mort, son âme n'était pas entièrement en enfer. Hao se rappelle de sa première rencontre avec Tamao, quand il l'a entendue lui dire Je ne vous laisserai pas lui faire de mal et que ça ne l'a pas embrasé. C'était pourtant les bons mots, et la bonne personne. Mais elle ne les avait pas dit à voix haute, et d'une manière ou d'une autre ça n'avait pas compté.
Donc ce qui d'Achille était allé en enfer… n'était pas son âme.
« C'est – c'est aussi ce que je pense, » acquiesce son cadet. « J'ai erré un peu au hasard jusqu'à ce que je trouve quelqu'un d'autre.
- Diethel, » devine Hao, et Achille acquiesce.
« Il avait des ailes. Comme… comme un goéland grotesque, » dit-il comme si Hao ne pouvait pas l'entendre penser comme un ange. « Et une épée. Il se battait contre les démons. Lui était là. Vraiment là, je veux dire, il… il était mort.
- Pouvait-il te voir ? » Hao ne sait pas vraiment pourquoi il s'implique dans cette conversation. Simple curiosité, sans aucun doute. C'est Achille qui a lancé l'idée des expériences, et en voilà une qui n'était pas prévue.
Peut-être aussi, mais seulement peut-être, qu'il se sent un peu coupable de lui avoir infligé tout cela.
Achille renchérit : « Nous avons pu communiquer, oui. Je – je lui ai demandé si c'était à cause de lui que j'étais là, et il m'a dit qu'il ne savait absolument pas de quoi je parlais. » Il y a eu d'autres mots, toute une conversation qui tombe goutte à goutte dans l'esprit de Hao, mais c'est tout ce qu'Achille est prêt à admettre à voix haute. « Puis nous – j'ai découvert que nous pouvions former un Oversoul pour combattre les démons plus efficacement.
- Qui a formé l'Oversoul avec l'autre ? »
Quelle âme et quel corps ?
Achille ouvre la bouche, hésite. Difficile à dire. Je crois que c'était son âme. C'était peut-être plus comme une fusion Hyoi, mais nous n'avions pas de corps avec lequel l'exécuter. »
Hao l'encourage. « A quoi ressemblait-elle ? »
Achille cherche ses mots, et pendant ce temps Hao s'imprègne de ce qui apparaît dans l'esprit du jeune homme. Quatre, non, six ailes, blanc et or et sang, plusieurs halos de métal, des sandales antiques, deux mains différentes sur l'épée. Un œil vert, l'autre gris, et l'impossible danse de deux âmes en fusion, déchaînant le carnage autour d'elles.
Achille lève les yeux vers lui, et fronce les sourcils. « Hao-sama ?
- Je t'écoute, Achille.
- Non, c'est juste que… vous saignez. »
Hao cille, lève une main vers le tissu de son poncho, sur lequel une large fleur rouge est en train d'éclore. Il n'a pas mal, il n'a pas…
Il écarquille les yeux et ouvre, dans sa tête, la porte qu'il a si follement fermée il n'y a pourtant pas si longtemps. Il n'en faut pas plus : la douleur monte en flèche, le métal lui mord le flanc et l'empale contre un mur. Tamao hurle dans leur lien. C'est trop flou pour des mots, mais elle le cherche. Elle le supplie.
« Hao-sama ? »
La voix d'Achille est la dernière chose qu'il emporte avec lui dans le noir.
