Harry ou de l'éducation
Où Harry découvre à ses dépens que les aventures ne sont pas toujours palpitantes
Chapitre trois, deuxième partie
Pendant un petit moment, Tony avait cru pouvoir s'en sortir sans trop de casse. Après tout, il était seul face à Killian, dans des conditions qui n'étaient même pas au niveau de ce qu'il avait connu en Afghanistan. Il avait donc joué le jeu, lancé les bonnes phrases au bon moment, demandé à la personne susceptible de changer de bord, et de le faire vite.
C'était jusqu'à ce que Killian tourne l'écran vers lui, montrant Pepper enchaînée à une table d'expérimentation, et Harry, inconscient, plus scintillant qu'un sapin de Noël. L'angoisse étreignit le cœur de Tony. Extremis n'était pas une bonne nouvelle, pas du tout. Il ne voulait même pas penser au petit corps de Harry montant en température, et explosant à 3000 degrés Celsius, vaporisant son être et tout ce qui se trouvait autour de lui.
Tony essayait toujours de se reconcentrer sur autre chose que le corps lumineux du gamin, quand un coup de feu le fit sursauter. Killian venait d'abattre Hansen.
« T'es un grand malade, parvint-il à dire.
— Non, je suis un visionnaire, rétorqua Killian plaisamment.
— C'est vrai, pardonne-moi, ironisa-t-il. Injecter un produit hautement volatil et explosif dans le corps d'un gamin de six ans, une véritable preuve de génie.
— Je pense aussi. Je n'ai encore jamais tenté avec un enfant. Peut-être que leur corps, encore malléable, sera moins prompt au rejet. Il faudra attendre qu'il se réveille pour le savoir. »
Killian quitta la pièce sous les injures de Tony.
Il y eut quelques ratés dans ses calculs, mais l'armure finit par arriver et la suite fut une course contre la montre. Rhodey, dépecé de son armure, rencontra le « Mandarin », ils découvrirent que Killian cherchait à capturer le Président, arrivèrent trop tard sur Air Force One, mais parvinrent à sauver treize personnes au large de la Floride (surtout Tony), enfin ils activèrent le protocole Fête à la Maison.
La bataille fut épique. Les armures réagissaient au diapason, grâce à JARVIS et aux aimants qu'il avait implantés dans son corps. Ensemble, avec Rhodey qui ne se tournait pas les pouces, ils parvinrent à entrer dans le bâtiment, là où étaient enfermés Pepper et Harry.
Pepper, les mains en l'air, avait les yeux écarquillés d'horreur, alors que Killian la tenait en joue, un neuf millimètres bien trop près de sa tête. Toujours allongé sur la table d'examen, Harry brillait plus fort que jamais et remuait vaguement dans son inconscience.
« Dommage, je n'ai pas besoin d'elle. Elle n'aurait pas supporté Extremis, de toute façon, ricana Killian en se rapprochant encore un peu de Pepper. Qu'est-ce que tu en dis Tony ? Ton pronostic ? Aurait supporté, n'aurait pas supporté ? T'as raison, ça n'a plus d'importance. »
Le canon de l'arme toucha l'arrière de la tête de Pepper. Elle sursauta d'abord, puis, sous les yeux médusés de Tony, son corps se détendit. Dans un mouvement que seule la pratique pouvait expliquer, elle se retourna, attrapa l'arme de Killian et le mit en joue à son tour. Seulement, Killian brillait plus fort que Harry et le pistolet était chaud, très chaud. Le mouvement brusque imposa un choc qui traversa la crosse, le magasin, puis le percuteur et le coup partit.
Le corps de Killian s'effondra au sol, mais la lumière sous sa peau ne s'éteignit pas.
« JARVIS, tout de suite ! cria Tony. »
Deux armures surgirent, l'une enveloppa Pepper, l'autre prit Harry dans ses bras, et ensemble, ils volèrent jusqu'à un autre bâtiment de l'immense pétrolier Norco. Killian explosa derrière eux, vaporisant les deux tables d'examens, et tout le matériel que contenait la pièce.
« C'était quoi ça ? demanda Tony en déposant Harry le plus délicatement possible.
— J'ai passé un peu de temps avec Natasha après la débâcle de la Stark Expo. Comment est-il ?
— Chaud. Trop chaud. Il faut qu'on l'emmène à l'hôpital. Il y a trois heures de vol, entre ici et New York. Si je monte suffisamment haut, ça peut ralentir la température.
— Tony ! Pepper ! Allez-y, je m'occupe du Président, déclara Rhodey.
— Merci vieux. »
Sans plus attendre, ils décollèrent.
Tony avait eu raison. Les températures très froides de l'altitude permirent de ralentir l'avancée d'Extremis. JARVIS affichait la température de Harry sur son HUD, et celle-ci était trop haute pour un être humain. Tout ce que Tony espérait était que les sorciers auraient une idée de quoi faire.
Ils ne savaient pas quoi faire. Plutôt, ils ne savaient pas quoi faire exactement, mais il savait quoi faire en attendant de savoir quoi faire. Ils jetèrent toutes sortes de sorts sur le pauvre enfant inconscient pour stabiliser son état.
Tony expliqua ce qu'il connaissait d'Extremis à un personnel soignant horrifié.
« Sans magie ? s'étrangla l'un des hommes présents. »
Tony sentait que ce serait une question récurrente dans le futur, mais pour le moment il ne pouvait que leur donner raison. Extremis était un bond scientifique extraordinaire et dangereux, qui relevait de l'impossible pour les personnes non magiques aussi.
Il fut décidé que, pendant qu'une équipe cherchait quoi faire, une personne resterait dans la chambre avec Harry, Pepper et Tony. Les deux adultes encadraient l'enfant, de chaque côté du lit. Son petit corps était refroidi magiquement, ils pouvaient donc le toucher à nouveau sans la protection d'une armure. Pepper lui tenait la main et glissait distraitement son pouce sur sa peau, et Tony passait des doigts paresseux dans ses cheveux.
« Tu as faim ? chuchota Tony. Je ne t'ai même pas demandé comment tu vas.
— Ça va Tony, répondit Pepper. Ils ne m'ont rien fait. Killian… Quand il a vu Harry, il a commencé à délirer sur les solutions qui tombent du ciel, et sur la malléabilité du corps des enfants. Il s'est complètement désintéressé de moi. Je l'ai supplié Tony, renifla-t-elle en se mettant à pleurer. Je l'ai supplié de ne pas le faire. De faire le test sur moi. »
Ému lui aussi, Tony prit la main de Pepper, celle qui tenait Harry. Ils étaient tous les trois dans cette galère.
« Est-ce que c'est ça, être parent ? chuchota Pepper. Préférer mourir que de voir l'enfant dont on a la charge souffrir ?
— J'aimerais pouvoir dire que oui, mais je sais d'expérience que tous les parents n'en sont pas capables. Tu l'aimes, ce petit bout. Ça ne fait qu'un mois, et tu l'aimes déjà. Et moi aussi je l'aime, et je t'aime aussi. Qu'il puisse t'arriver quelque chose — »
Il s'interrompit. La pensée seule le rapprochait d'une falaise émotionnelle dont il ne voulait pas sauter.
« Je vais nous chercher de quoi boire, marmonna-t-il. Un jus de fruit, au moins, avant qu'on ne nous alite à notre tour pour hypoglycémie. Il y a une cafétéria ici ? demanda-t-il à la sorcière qui veillait sur les constantes de Harry.
— Troisième étage, répondit-elle. On a un très bon jus de citrouille. »
Le cerveau fatigué de Tony et ses émotions qui rebondissaient partout dans son corps ne lui permirent pas de s'étonner de l'incongruité du conseil. Il n'eut malheureusement pas le temps de quitter la chambre. Harry inspira bruyamment par la bouche et ouvrit les yeux.
Le sang de Tony se glaça. Les yeux du garçon étaient entièrement noirs. Toutes les quelques secondes, la lumière d'Extremis passait sur les globes sombres, augmentant l'inquiétante étrangeté qui émanait de l'enfant. Horrifiée, Pepper recula d'un pas et Tony se précipita vers elle alors que la sorcière-médecin appelait des renforts.
« Qu'est-ce qui se passe ? balbutiait Pepper. »
Ils se prirent dans les bras l'un de l'autre, poussés par l'équipe médicale qui s'agglutinait et s'affairait dans la chambre. On leur demanda de rester dans le couloir. Après quelques minutes, un sorcier-médecin sortit en courant de la chambre et revint une éternité plus tard, suivi d'Albus Dumbledore. Le vénérable sorcier les salua brièvement et entra dans la chambre. Puis, on demanda à Tony d'entrer à nouveau pour expliquer Extremis à Dumbledore.
« Extremis entre en compétition avec autre chose dans le corps de Harry, conclut Dumbledore gravement. Et s'il s'agit de ce à quoi je pense, alors, il faut aider Extremis. »
Tony cilla, choqué.
« Qu'est-ce qui peut être pire qu'une substance qui essaie de faire exploser mon gamin ? balbutia-t-il.
— La magie la plus mauvaise qu'on puisse imaginer, répondit doucement Dumbledore. Cela ne veut pas dire que nous allons laisser Extremis faire du mal à Harry, cela signifie qu'il faut prendre les choses dans l'ordre. Médicomage ? Vous êtes prête ? Il faut rouvrir la cicatrice sur son front. »
Tony entendit un halètement de surprise derrière lui. Inquiète, Pepper était entrée dans la chambre à son tour. Tony la prit immédiatement dans ses bras. Ils s'accrochaient l'un à l'autre pour trouver du soutien.
La Médicomage (c'était le nom des médecins magiques apparemment) pointa sa baguette vers la cicatrice en forme d'éclair, et un rai de lumière frappa le front de Harry. Tout doucement, l'ancienne blessure se rouvrit et en lieu et place de sang, ce fut une sorte de goudron noir qui suppura. Dumbledore leva à son tour sa baguette et le goudron ne s'écoula pas, mais se mit à léviter, goutte à goutte, comme en apesanteur. Une fiole apparut de nulle part et le goudron y fut introduit à coup de baguette.
L'extraction de la substance noire prit plusieurs minutes, et quand la dernière goutte quitta le front de Harry, le petit garçon ferma les yeux et reprit un visage plus apaisé, endormi. Pepper et Tony poussèrent un soupir, mais la lueur sous la peau de l'enfant leur rappelait que tout n'était pas fini.
« Qu'est-ce que c'est ? marmonna la Médicomage en désignant la fiole.
— Je crois et malheureusement, j'ai rarement tort, que ceci est un horcruxe. »
Le visage de la Médicomage passa par toutes les couleurs, mais Tony remarqua que Pepper et lui n'étaient pas les seuls à ne pas savoir de quoi il s'agissait.
« Sortez ça de mon hôpital ! siffla la soignante en cheffe. Ça ne peut venir que de Vous-savez-qui, il est hors de question que ce truc reste ici ! »
Le reste des soignants se regardaient, incertains de la conduite à tenir.
« Le fragment n'est pas dangereux pour le moment, dit Dumbledore. Et nous avons un enfant à sauver. »
La Médicomage pinça les lèvres, mais finit par convenir qu'Extremis était la nouvelle priorité. L'extraction de la substance expérimentale d'AIM fut plus difficile à atteindre, mais après plusieurs heures, et des dizaines de sortilèges, tout le monde put pousser un soupir de soulagement final.
Harry était sauvé.
Une fois qu'ils furent certains que Harry était sorti d'affaire, et placé en sommeil magique pour permettre à son corps de récupérer, Tony et Pepper purent raconter leur histoire à Dumbledore et la Médicomage en cheffe Dirscoll autour d'une boisson chaude réconfortante.
Ce fut aussi l'occasion pour Tony de remplir les blancs narratifs pour Pepper. Il expliquait comment il avait pris une villa surprotégée d'assaut, armé de son courage, sa bite et sa montre Dora l'exploratrice en édition limitée, quand il fut interrompu par la sonnerie de son téléphone.
« Tony Stark, répondit-il au numéro inconnu.
— Monsieur Stark, ici l'hôpital Mercy de Los Angeles. Je vous appelle pour vous annoncer le réveil de Monsieur Hogan. Vous aviez demandé à être prévenu aussitôt.
— Merci, oui, merci d'avoir appelé. Est-ce qu'il aura des séquelles ?
— Il est trop tôt pour le dire, Monsieur Stark, les blessures dues à l'explosion mettront du temps à guérir, et les séquelles du coma sont difficiles à prévoir, mais nos examens préliminaires ne montrent rien d'alarmant. Doit-on s'attendre à votre visite prochainement ?
— Oui ! Non, enfin, disons que si vous avez eu le temps de regarder les informations, je suis assez occupé, dans un autre hôpital à New York. Je ferai le déplacement aussi vite que possible. Merci encore d'avoir appelé. »
Il raccrocha et se tourna vers Pepper.
« Happy est sorti du coma, annonça-t-il en lui prenant la main.
— Merci Seigneur, murmura-t-elle. Des nouvelles de Rhodey ? On l'a laissé avec un beau merdier.
— Il a envoyé un RAS il y a deux ou trois heures.
— Excusez-moi, interrompit la Docteuresse Driscoll. Je suis née de parents no-maj, donc je sais ce qu'est un téléphone portable, mais ce genre d'appareils ne fonctionnent pas habituellement dans les lieux magiques.
— Parce que ma technologie est la meilleure actuellement, répondit Tony immédiatement, avant d'ajouter : vous voulez dire quoi par-là ?
— La Magie ne s'apparie pas bien avec la technologie non magique, expliqua Dumbledore. On observe que dans les lieux saturés en magie, comme ici ou comme une école de magie, les appareils technologiques cessent tout simplement de fonctionner. »
Par réflexe, Tony porta la main à sa poitrine. Il tira sur le col de son sweat et de son t-shirt, et constata avec soulagement que le réacteur Arc émettait toujours la même lumière bleutée.
Faut-il préciser que la vue du réacteur Arc mit la Médicomage en cheffe dans tous ses états ? Elle insista successivement pour que Tony lui explique de quoi il s'agissait, puis pour lui jeter un sort de diagnostic, enfin pour intégrer un programme de soin d'urgence.
Tony eut beau expliquer encore et encore que ce n'était pas une urgence, que sa vie n'était pas en danger immédiate, il accepta tout de même d'écouter la Médicomage.
« On a dit plus de coups de tête, rappela Pepper quand il se tourna vers elle.
— C'est pas un coup de tête et tu le sais. Ça fait quelque temps qu'on cherche un chirurgien. Il y en a pour quarante-huit heures, tu as entendu aussi bien que moi. Harry doit rester en observation aussi, on pourra même être dans la même chambre. »
