Note : Cette histoire n'est pas terminée. Pour le moment, j'ai écrit 13 chapitres sur 37… Il y aura une coupure dans la publication au dixième chapitre (je vous jure il n'y aura pas de cliffhanger) pour que je puisse continuer d'avancer. Cette histoire a été mise en pause pendant des années mais je me suis remise à l'écrire grâce à vos commentaires donc faites vivre cette histoire, s'il vous plait, pour qu'elle puisse avoir une fin un jour !

Disclaimer : Rien ne m'appartient, ni Harry Potter, ni Hannibal (série), tout est à JK Rowling, Thomas Harris et Bryan Fuller.

Bêta-Reader : Chipuliara !

Série : Quelqu'un pour qui… Tome 3 : Quelqu'un pour qui revenir.

/ ! \ AVERTISSEMENTS / ! \ : Cette histoire est réservée à un public averti. Elle contient du slash (relations entre hommes). Il y a plusieurs sous-entendus sexuels et des relations sexuelles explicites. C'est un Dark!Harry et un Dark!A-peu-près-tout-le-monde. Les personnages sont donc OOC et plutôt timbrés. Présence de Violences physiques et morales, Cannibalisme, du gore, du drame, de l'humour noir (voir très noir…) et d'un langage vulgaire.

Il n'y a pas besoin d'avoir vu la série Hannibal pour comprendre la fiction PAR CONTRE IL EST NÉCESSAIRE D'AVOIR LU LE TOME 1 et le TOME 2 POUR COMPRENDRE CETTE HISTOIRE !

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Chapitre 1

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25 avril 2017, Quelque part au Pays-de-Galle, 10h56

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- T'aurais pu choisir un lieu plus convivial…

La voix féminine retentit dans le silence ambiant et le bruit régulier qui entrecoupait le calme jusque-là cessa presque immédiatement après que la dernière syllabe se fit engloutir par la forêt alentour. Assis au pied d'un arbre, Ron leva les yeux du morceau de bois qu'il taillait vers la femme qui venait de parler, laissant couler la remarque sarcastique comme de l'eau sur sa peau.

Onze ans venaient de passer. C'était long, onze ans, quand on courrait après un espoir qui s'amoindrissait au fils des mois. C'était vraiment très long, quand on ne voyait plus ni ses amis, ni ceux qui avaient compté un tant soit peu. Gabrielle avait changé. Ce n'était pas étonnant – Ron n'était pas surpris de voir qu'elle s'était métamorphosée. Pas comme Teddy ou Tonks l'avaient fait par le passé mais comme quelqu'un qui grandissait, qui mûrissait, qui modifiait son comportement. Elle ressemblait beaucoup à Fleur, même si… Ce n'était pas encore la même chose.

Ron se doutait que ce qu'elle avait vu ce jour-là l'avait poussée vers le monde des adultes avec la délicatesse d'un coup de pied dans son dos. Gabrielle n'était plus la petite fille qui avait fait son intronisation dans le Cercle du grand et du puissant Harry Potter. Elle avait grandi – pas en taille mais elle se tenait plus droite, plus fière, comme une survivante le ferait, jugeant des gens qui n'avaient pas vécu toutes les horreurs qu'elle avait vues. Elle avait mûri, Ron pouvait le voir dans ses yeux bleus impitoyables qui le fixaient, totalement insensibles. Son visage, autrefois ouvert sur ses émotions, était aujourd'hui aussi froid que de la glace.

Elle avait changé et ça n'avait rien à voir avec les stigmates qu'elle arborait fièrement, telles des marques indélébiles qui prouvaient au monde entier qu'elle avait vaincu, qu'elle avait survécu et qu'elle le ferait jusqu'à ce que la mort lui accorde grâce et vienne la chercher comme une vieille amie. Ses longues jambes étaient moulées dans un pantalon bleu nuit qui affinait encore plus ses membres déjà fins – sa poitrine était recouverte d'une blouse blanche, sans manches, qui faisait ressortir son teint de pêche. Autour de son cou gracile, une chaîne en argent laissait pendre dans le creux de sa gorge une jolie bague – Ron détourna le regard du bijou, devinant ce qu'il représentait et ne souhaitant pas s'infliger les pensées qui ne tarderaient pas à l'envahir.

Ses yeux tombèrent sur son bras gauche recouvert d'un gant long et noir qui tranchait avec sa peau pâle – le tissu couvrait sa main, remontait sur son avant-bras, continuait sur son coude et s'arrêtait mi-bras. Ron savait qu'en-dessous, son épiderme était abîmé, déchiqueté, rêche, rugueux… plus aussi parfait qu'il l'avait été onze ans plus tôt. Il savait ce qui s'était passé – pas dans les détails mais les journaux s'en étaient donnés à cœur joie et, même s'il ne savait pas exactement ce qui avait engendré cette blessure, il en savait suffisamment pour ne pas ouvrir sa bouche sur cela.

Son regard remonta le long de son membre caché, épousa l'angle gracieux de son épaule et remonta sur son cou qu'un tas d'hommes et de femmes auraient aimé embrasser tant il semblait doux et fait spécialement pour accueillir la bouche de quelqu'un. Ron laissa ses yeux couler sur son visage fier où perçait une pointe d'arrogance – elle était belle, Gabrielle. Elle l'avait toujours été et le serait toujours – même la cicatrice qui barrait son côté droit, de son sourcil au coin de sa lèvre, ne changeait rien à sa beauté. Ron plissa le nez en avisant le tissu bariolé qui encerclait sa tête avant de se secouer.

- La vie de famille te va bien, dit-il sarcastique, la voix se cassant un peu.

Il n'avait pas eu le loisir de parler à quelqu'un depuis pas mal de temps. Le manque de parole pouvait avoir cet effet là sur la voix, parfois. Ron se racla la gorge, tentant de faire passer le chat qui grattait ses muqueuses. Debout, à quatre mètres de lui, Gabrielle le jaugea du regard et il retint un rictus sarcastique en la voyant aussi indifférente à ses paroles. Où était passé la gentille, la frêle, l'empathique Gaby ? Mentalement, Ron essuya une larme imaginaire en pensant à quel point les enfants grandissaient vite.

- J'aimerais en dire autant mais la vie de fugitif n'est vraiment pas faite pour toi.

Sa voix était ferme, dédaigneuse – loin, bien loin de ce qu'elle avait été… avant. Avant que le manoir ne se fasse attaquer. Avant qu'ils doivent fuir. Avant qu'ils ne perdent la moitié de leur effectif. Avant qu'Harry ne meurt. Comme à chaque fois depuis onze ans, Ron sentit son cœur se serrer à la pensée de son ami – il avait réussi à se souvenir de lui, de son visage, de son cœur, de son rire, de sa voix. Mais… Merlin, il regrettait tellement de ne pouvoir oublier la sensation de son cadavre dans ses bras – il n'avait plus de larmes depuis longtemps maintenant, mais il ne pouvait fermer les yeux sans que l'image de son meilleur ami, mort, se dessine derrière ses paupières.

- Que veux-tu ? Nous n'avons pas tous la faculté d'avancer en oubliant le passé…

Il savait de quoi il avait l'air. Ça faisait des semaines qu'il n'avait pas eu le loisir de se raser, ni de se laver – et les sorts de nettoyages pouvaient aider les premiers jours mais très vite la sensation de propre n'était plus qu'un vague souvenir. Il avait pu se voir rapidement dans une glace avant de venir ici, à ce rendez-vous organisé à la va-vite et Merlin, sa mère aurait eu tellement honte de lui – une barbe mangeait la moitié de ses joues, ses cheveux avaient poussés, encadrant son visage blanc et marqué par l'inquiétude et l'âge. De loin, il ressemblait à l'homme qu'il avait été lors de leur course aux Horcruxes, lorsqu'il avait bu une potion de vieillissement avant d'aller à Gringotts. A l'époque, il s'était trouvé attirant mais aujourd'hui… aujourd'hui, il avait trente-six ans et il sentait tout le poids de ces années sur ses épaules.

Ça faisait onze ans qu'il cherchait une solution pour ramener Harry. Onze ans qu'il se noyait, sans trouver quoi que ce fut qui l'aiderait à garder la tête hors de l'eau ou qui lui ferait retrouver Harry. Il avait besoin de lui… Besoin de le sentir à ses côtés. Besoin de savoir que s'il tournait la tête, ses yeux tomberaient sur son corps magnifique et plein de vie. Il ne voulait plus être seul mais il devait l'avouer maintenant… Il n'y arriverait sûrement pas tout seul. Il avait cherché, il avait essayé d'être celui qui sauverait son meilleur ami mais il ne le pouvait pas. Pas tout seul en tout cas. D'où cette entrevue avec Gabrielle…

- C'est un coup bas, Ronald. Ce jour-là j'ai perdu beaucoup – peut-être plus que tout ce que les autres ont perdu… Plus que ce que toi, tu as perdu…

Il plissa les yeux, pensa à ses amis qui étaient aujourd'hui enfermés Azkaban, torturés par les Détraqueurs, sans possibilité de voir le soleil une dernière fois. Il pensa à ceux qui avaient péri sur le sol blanc du Manoir Potter, ceux qui avaient perdus un membre et qui avaient été jugés coupables des pires vices – et qui avaient été enfermés dans la prison sorcière, à des niveaux différents, mais tous avec des peines à perpétuité. Il pensa à ceux qui étaient tout autant en fuite que lui et qui se cachaient comme des rats. Puis il pensa à lui qui avait perdu bien plus qu'un meilleur ami – Harry était plus qu'un frère, il était son oxygène, son soleil, la personne pour laquelle il se levait le matin et se couchait chaque soir avec le sourire.

Secouant la tête, son poing se resserra autour du morceau de bois en forme de cercle qu'il sculptait quand elle était arrivée. Il ne pensait pas que quelqu'un pouvait avoir perdu plus que lui lors de cette attaque – il avait tué sa propre famille pour venger Harry, il avait tenu le corps sans vie de son meilleur ami. Il avait perdu un frère, un ami, un amant, un… Harry avait été tout ce qu'il avait. Il avait perdu Blaise aussi et tous les petits cons du Cercle qui malgré lui avaient trouvé une place dans son cœur. Il avait perdu le monde pour lequel il s'était battu pendant des années, pour lequel ils avaient fait tellement de tueries. Alors même s'il compatissait avec Gabrielle, Ron ne voulait que lui faire ravaler ses paroles à grands coups de poings.

- Putain, tu ne sais pas de quoi tu parles…

Sa voix n'était à peine qu'un murmure – et il savait qu'il ne pouvait pas essayer de parler plus fort sans prendre le risque qu'elle ne se brise sous l'émotion qu'il ressentait. Penser à Harry, à tout ce qu'il avait été pour lui et à tout ce qu'il avait fait, créait une boule dans le creux de sa gorge.

Gabrielle ne modifia pas son langage corporel mais Ron put voir qu'elle regrettait ses paroles – à l'instant même où les mots lui avaient échappés, elle avait voulu les retenir. Elle se rapprocha de lui doucement, laissant ses sandales en daim fouler l'herbe verte de la forêt où il lui avait donné rendez-vous.

- J'ai perdu une sœur, dit-elle dans une réplique impitoyable. Fleur est morte, Ron. Elle est morte pour Harry et Harry est mort aussi. J'ai perdu ma sœur et mon maitre en quelques heures, à peine… J'ai perdu la seule famille que j'avais… Et…

Sa voix se brisa sur le dernier mot et Ron détourna les yeux vers la petite sculpture en bois dans sa main. Il savait ce qu'on lui avait arraché, mieux que quiconque parce qu'il avait vécu pire – bien pire que tout ce qu'elle aurait pu ressentir… Ce n'était pas un concours pour savoir qui devait être le plus triste, le plus en colère. C'était simplement la vérité. Il avait plus souffert – mais ils avaient tous connus d'horribles choses ce jour-là et il pouvait comprendre que c'était compliqué pour ses amis.

- Cessons cela, ordonna-t-il en restant assis. Je ne t'ai pas fait venir pour faire un putain de concours pour savoir qui pisse le plus loin…

Une grimace déforma les traits de la jeune fille qui détourna des yeux bien trop brillants pour qu'ils ne cachent pas des larmes. Ron la laissa se reprendre, même s'il n'avait pas toute la journée – théoriquement, c'était un mensonge parce qu'il était en fuite et que personne ne l'attendait nulle part. A part chercher un moyen pour ramener Harry, de rester en vie, il n'avait rien à faire. C'était pathétique mais Ron ne se sentait pas vraiment glorieux depuis qu'Harry était mort – bien au contraire… Le seul moment où il avait cru revivre c'était quand Théo lui avait rapporté qu'une femme avait fait une prophétie sur le retour du mage noir – mais cette bâtarde n'avait pas voulu lui rapporter le moindre mot, soufflant sur son étincelle d'espoir, le laissant dans les ténèbres environnantes.

- Que veux-tu ? demanda-t-elle.

- Es-tu toujours fidèle à Harry ?

- Bien sûr ! s'insurgea-t-elle et Ron remarqua vaguement que c'était la première fois qu'elle perdait son flegme. J'aimais, j'aime et j'aimerai toujours Harry. J'ai prêté serment en face de son armée, j'ai juré de le protéger et de le servir comme mon Seigneur. Ma sœur est morte pour lui et je refuse que son sacrifice ait été vain. Mais…

Elle laissa flotter un petit silence gêné après son discours enflammé – où Ron avait réussi à voir l'ancienne Gabrielle. Dans sa poitrine, son cœur battait vite comme à chaque fois lorsque quelqu'un parlait de son respect pour Harry. C'était plaisant de savoir qu'ils ne l'avaient pas oublié – il savait que ceux qui pourrissaient à Azkaban se souvenaient aussi de leur maitre et qu'ils ne lui en voulaient pas. Comment auraient-ils pu alors que toute leur vie, ils la devaient à Harry ? Ron avait pensé plusieurs fois à aller les libérer, mais il n'avait pas la puissance magique. Il devait faire revenir Harry d'abord, ensuite… ensuite, ils reprendraient le monde sorcier et tous regretteraient de s'être défiés devant eux. Ron sentit un petit sourire se dessiner sur ses lèvres à cette pensée.

- Mais Ron, reprit-elle plus doucement, d'une façon tellement apaisante qu'il eut envie de la frapper. Harry est mort et je ne suis pas sûre… qu'on puisse changer cela…

- Tu vis avec les Moldus depuis trop longtemps, ricana-t-il en la fusillant du regard.

Elle ne répondit pas, le regardant simplement – la pitié et l'espoir se bataillaient dans ses yeux. Elle ne pensait pas cela possible mais il lui montrerait, à elle, et à tous les autres, de quoi il était capable. Il devait juste trouver la solution – et tout redeviendrait comme avant.

- Dis-moi où est Teddy.

La jeune femme inclina la tête, l'observant attentivement. La pitié et l'espoir combattaient encore mais la suspicion s'était jointe à l'équation et sembla prendre le dessus. Ron retint un ricanement ironique – il savait que dès qu'ils parleraient de Teddy, elle sortirait les griffes comme une lionne le ferait devant son petit. Ils ne s'étaient pas vus depuis longtemps – tous les fugitifs l'évitaient depuis quelques temps – mais les peu de fois où ils s'étaient croisés, elle avait gardé secret l'endroit où se trouvait le métamorphomage. Néanmoins, il était difficile de lui en vouloir parce qu'elle respectait les dernières volontés d'Harry – il ne comprenait juste pas pourquoi elle se sentait obligée de lui refuser de voir le fils de son meilleur ami. C'était le dernier lien qui existait entre Harry et ce monde – et Merlin… Ron aurait aimé voir le petit.

- Pourquoi veux-tu le retrouver ? Pour lui donner tes reliques ou lui prendre la sienne ?

Ron ne détourna pas le regard, mais il garda le silence un peu plus longtemps qu'il ne l'aurait dû, la mâchoire serrée et les poings crispés autour de son couteau et de la figurine en bois. Il n'avait pas toutes les reliques, malheureusement – Teddy avait la pierre, Ron la cape d'invisibilité et la baguette de sureau était pour le moment dans un endroit… protégé. Mais bientôt, très bientôt, il l'aurait en sa possession si tout se passait selon son plan – et peut-être qu'alors, il pourrait avancer vers ce but qui rythmait sa vie depuis onze ans.

- Je veux juste ramener Harry.

Gabrielle le jaugea du regard un moment et lorsque ses bras se croisèrent sur sa poitrine, sa main gainée dans le gant long se crispant autour de son coude comme si elle ne pouvait pas l'utiliser librement, il crut qu'elle allait accepter.

- Quand tu auras un plan et que tu auras toutes les reliques en ta possession alors je t'amènerai jusqu'à lui. Avant que tout soit prêt, avant que tu trouves un plan parfait et fonctionnel, Teddy reste sous ma protection et je ne te laisserai pas l'utiliser.

Elle délia les bras, resserra brièvement son chignon et avant qu'il n'ait eu le temps de dire quoi que ce fut, elle disparut dans un craquement, emmenant avec elle l'emplacement secret où se cachait l'héritier de son meilleur ami et réduisant ses espoirs à zéro. Il baissa la tête tant que son menton cogna contre sa poitrine et il soupira, les yeux fermés de dépit. Il trouverait. Il trouverait un moyen de le ramener, il récupérerait la baguette de sureau et Gabrielle n'aurait d'autre choix que de le mener jusqu'à Teddy et ensemble, ils ramèneraient Harry Potter – pour le meilleur et pour le pire.

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1er mai 2017, Italie, 15h19

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La maison était calme, le soleil brillait par la fenêtre et illuminait les pièces d'une lumière magnifique. Dans la cuisine, un torchon dans une main, une assiette dans l'autre, Will faisait tranquillement la vaisselle – se demandant pourquoi il n'avait pas mis de musique. Il était seul pour le moment, Hannibal était parti en ville faire des courses et leur fils n'était pas rentré. La musique aurait été agréable mais Will aimait le silence qui régnait autour de lui. C'était apaisant – relaxant. Mais une mélodie l'aurait distrait suffisamment pour ne pas penser – il ne voulait pas penser. C'était douloureux parfois – souvent.

Ses parents lui avaient toujours dit qu'avec du temps, ça irait mieux mais ils avaient eu tort. Le temps ne changeait rien – c'était à peine un baume sur son cœur un peu cassé. Il avait appris à vivre avec cette douloureuse vérité : Harry était mort, mais ce n'était pas quelque chose qui était facile à accepter, ou à oublier. C'était impossible même de simplement effacer ses souvenirs – de toute façon, Will ne le voulait pas. Il voulait se rappeler de chaque moment partagé, de chaque étreinte, de chaque baiser. Il voulait se souvenir de son rire, de son visage lorsqu'il jouissait, de ses iris fluorescentes lorsqu'il était en colère.

Onze ans. Et il trouvait qu'il ne s'en sortait pas trop mal. Ils avaient accepté de ne plus le revoir, de ne plus le sentir, de ne plus le serrer dans leurs bras. Ils avaient réussi à avancer, à tourner la page – mais ils ne pourraient jamais l'oublier.

Ils avaient refait leur vie – loin de l'Amérique, loin du Royaume-Uni, pas aussi loin du monde magique qu'ils auraient aimé mais suffisamment loin de Londres pour ne pas avoir trop de problèmes. Le monde avait continué de tourner, les gens avaient continué de vivre et Will et Hannibal ne faisaient pas exception. Ils avaient repris leur vie en main et ils étaient bien maintenant. Vraiment bien.

Ils s'étaient installés dans diverses villes avant de trouver ce petit paradis, au nord de l'Italie. La maison qu'ils avaient achetée se situait à une vingtaine de minutes de la ville et on ne trouvait les premières habituations que des dizaines de kilomètres aux alentours. La maison, de plein pied, avait un côté rustique qui avait beaucoup plus à Will quand ils l'avaient vue – elle était située au bord de l'eau et il y avait un petit moulin en bois qui tournait sous les courants d'une rivière qui se déversait dans le lac. Le jardin était extraordinaire, presque aussi impressionnant que celui du Manoir Potter et l'intérieur de la bâtisse était moderne, lumineuse et fonctionnelle. Will était fier d'appeler cet endroit sa maison et il était encore plus content de la partager avec sa famille.

Essuyant l'assiette qu'il tenait toujours, Will sourit doucement en espérant qu'Harry puisse le voir, où qu'il fut. Il priait pour que leur amant ait pu les observer de son nuage et qu'il était heureux de voir ce qu'était devenu leur vie – et surtout… qu'il était content de la façon dont ils avaient élevé son fils. Teddy méritait le meilleur et il espérait de tout son cœur qu'ils avaient réussi à lui donner tout ce que son père aurait voulu pour lui. De son point de vue, Harry n'aurait pas pu être plus fier du métamorphomage mais son opinion était peut-être biaisée parce que Teddy était devenu une part de lui-même, un fils adoptif qu'il aimait de toute son âme et il était incroyablement satisfait de son parcours prodigieux.

Ça faisait trois ans qu'il avait intégré l'équivalent sorcier de l'université moldue – dans la spécialité de médicomage. Son fils voulait devenir médecin comme Hannibal et Will n'avait pu qu'approuver son choix et l'aider au mieux dans ses études, même s'il ne comprenait pas la moitié des termes utilisés. Il avait vécu près de trois ans dans le monde magique avec Harry et pourtant, un nombre important de termes lui était inconnus. Il savait que leur amant décédé n'aurait pas accepté que Teddy devienne autre chose qu'un mage noir, qu'il côtoie autant de personnes qui n'avaient pas les mêmes points de vue que lui, mais ils n'avaient pas pu faire autrement.

Comment auraient-ils pu faire, alors qu'ils étaient moldus ? Teddy avait besoin d'un enseignement sorcier. Il devait se faire une place dans la société, autre que comme un mage noir – jusqu'à ce que son pouvoir grandisse suffisamment pour qu'il puisse prendre la tête d'un pays, s'il le voulait vraiment. Will ne se jetterait jamais devant lui pour l'empêcher de faire ce dont il rêvait – s'il voulait retourner en Angleterre, reprendre là où Harry avait été fauché en plein vol, c'était son droit et il l'encouragerait toujours. Mais à l'époque, lorsque le manoir avait été attaqué, Teddy n'avait que sept ans et il avait besoin d'un cadre sorcier – un cadre qu'ils n'avaient pas pu lui offrir.

Will sourit en pensant à son fils, posant l'assiette et attrapant un bol qui trainait non loin. Teddy était toujours aussi mignon et Seigneur, il était devenu vraiment beau – les filles et les garçons de son université se retournaient sur son passage. Il avait beaucoup de connaissances, peu de véritables amis mais il semblait connaître tout le monde et tous parlaient de lui. Will les avait entendus quand il l'avait accompagné sur le campus, deux ans auparavant. La plupart d'entre eux souhaitait être bien plus que son ami… Will ne connaissait pas les préférences sexuelles de son fils et il s'obligeait à ne pas penser à sa vie sexuelle. Si les enfants ne voulaient pas savoir que leurs parents couchaient ensemble, c'était tout aussi vrai dans l'autre sens – Will ne voulait ni imaginer son bébé dans les bras de quelqu'un, ni sa fille partageant son lit, même s'il savait qu'elle était en couple depuis des années.

Mais même si tout le monde semblait rêver de passer une nuit avec le métamorphomage, Teddy ne paraissait vouloir s'attacher à aucun d'entre eux. Soit parce qu'ils ne l'intéressaient pas, soit parce que Teddy avait une peur de bleue de l'attachement. Un petit soupir échappa à Will avant qu'il n'ait eu le temps de le retenir. Il savait pourquoi Teddy était aussi effrayé de s'attacher – c'était un risque lorsqu'on perdait une personne aimée si tôt dans l'enfance. Il était difficile, ensuite, d'aimer et de s'attacher en prenant le risque que cette personne parte, volontairement ou non. Ce genre de phobie, d'après Hannibal, était assez courant surtout après un décès aussi soudain et violent.

Will ne voulait pas le brusquer ou lui poser des questions embarrassantes sur une petite-amie potentiel ou un petit-ami éventuel. Il partait du principe que si Teddy voulait lui parler de quelque chose en particulier, s'il se sentait mal ou s'il avait un problème alors il viendrait de lui-même. Mais peut-être… peut-être qu'il allait devoir lui poser des questions, prendre le taureau par les cornes et le confronter. Ça faisait deux jours qu'il se comportait bizarrement sans aucune explication – ça ne lui ressemblait pas vraiment.

- Harry… Si tu m'écoutes… Est-ce que tu pourrais… Je sais pas ? M'envoyer un signe pour savoir si quelque chose ne va pas avec Teddy ?

Onze ans auparavant il aurait trouvé ça stupide de s'adresser à un homme mort mais aujourd'hui, il lui arrivait régulièrement de faire la discussion avec Harry, même s'il ne recevait aucune réponse. Jamais. Pourtant, il avait imaginé que les sorciers pouvaient envoyer des signes de leur présence même dans l'au-delà – ou, si ce n'était pas un don généralisé, au moins qu'Harry puisse le faire. Mais visiblement même le Grand Harry Potter avait des limites et Will continuait de parler tout seul, sans recevoir de signal en retour.

Un nouveau soupir lui échappa et il sursauta quand un bruit de transplanage se fit entendre dans le salon. Qu'est-ce que… ? Will fronça les sourcils se demandant si leur amant avait répondu à ses prières. Il se précipita dans le salon, le cœur au bord des lèvres. Il ne savait pas à quoi il s'attendait, c'était complètement fou – mais il tomba sur Teddy qui venait d'apparaître, un sac sur l'épaule, le visage fermé. Il était beau, Teddy. Vraiment.

Depuis quelque mois, il avait métamorphosé ses cheveux pour leur donner une couleur blond platine qui rappelait à Will les cheveux de Draco Malfoy – cependant, les mèches de Teddy n'avaient rien d'ordonnées, ressemblant plus à un joli bric-à-brac stylisé à cause de ses doigts qu'il passait sans cesse dedans. Les traits de son visage étaient anguleux, un peu comme Hannibal et sa mâchoire était carrée, lui donnant un air véritablement masculin. Sa peau était lisse comme celle d'un bébé, engendrant qu'un seul fantasme dans l'esprit des étudiants qui le côtoyaient : la caresser, la lécher, la baiser. Aujourd'hui et comme tous les autres jours, ses yeux étaient d'un vert profond, comme ceux de son feu père sorcier – c'était l'unique élément qu'il ne métamorphosait plus jamais. Lorsqu'il l'avait remarqué, Will avait simplement sourit parce que ses iris vertes étaient magnifiques et que cela lui allait diablement bien.

A l'instar de son visage, son corps avait beaucoup changé en onze ans – comme tous les enfants qui devenaient des adultes. Il avait grandi – devenant plus grand que Will. Il devait mesurer dans le mètre quatre-vingt-dix, dépassant même Hannibal. Un jour, ce dernier avait plaisanté sur cette caractéristique qu'il ne tenait pas de son père. Harry n'avait pas été très grand et Teddy le dépasserait aujourd'hui d'au moins une tête et demie. Will avait ri, là-aussi, parce que la petite taille d'Harry avait été mignonne – et qu'il était bon de se remémorer des détails aussi insignifiants. Il était musclé, aussi – pas de façon excessive mais délicatement dessiné grâce aux sports qu'il pratiquait à l'école comme le Quidditch, la plongée en Tête en Bulle et l'équitation à dos de Sombral.

A vingt ans, Teddy était devenu un beau jeune homme et ses parents étaient vraiment fiers de lui et de son évolution. Toujours aussi mature, il avait gardé certains principes que lui avaient inculqués Harry et Gabrielle – et c'était surement ça, en plus de sa phobie de l'attachement, qui l'empêchait de devenir ami avec des jeunes de son âge. Souvent immatures et très sectaires, Teddy n'arrivait pas à comprendre leurs points de vue, lui qui avait été coupé de toute notion de mal et de bien pendant sept ans.

- Salut, mon co~

Sa phrase se perdit dans le bruit que fit la porte de la chambre du garçon en claquant et Will fronça les sourcils. Ce n'était pas dans ses habitudes de l'ignorer. Au contraire, il avait plutôt tendance à venir vers lui dès qu'il rentrait pour l'embrasser – lui souhaitant le bonjour s'ils ne s'étaient pas vus le matin ou simplement pour le serrer contre lui pour le saluer – et pour ensuite lui raconter sa journée. Qu'il ne lui adresse même pas la parole inquiéta Will – le voir fuir aussi vite retourna son estomac. Décidément, il y avait vraiment quelque chose qui n'allait pas.

Déterminé à aller lui parler pour mettre les choses au clair, Will marcha vers la chambre de son fils, ses longues jambes engloutissant rapidement la petite distance. Devant la porte, il marqua une petite pause, tendit l'oreille. Il ne savait pas ce qu'il attendait exactement mais il connaissait suffisamment son garçon pour savoir que Teddy ne faisait jamais dans la demi-mesure : c'était souvent les extrêmes – tout ou rien. Il n'aurait pas été étonné de le voir frapper le mur pour se défouler ou de l'entendre pleurer à chaude larmes. Cependant… Il devait avouer qu'aucun bruit ne s'élevait de derrière la porte et Will se décida à agir.

Doucement, sans prendre la peine de frapper contre le battant, il tourna la poignée et poussa lentement la porte, ses yeux balayant la pièce qui se dessinait progressivement devant lui. Une vague de surprise coula dans son corps quand il vit Teddy simplement allongé sur le lit. Ses chevilles étaient élégamment croisées et ses mains s'entrelaçaient derrière sa tête. Will sentit un petit sourire triste poindre sur ses lèvres quand il avisa la photo qui volait dans les airs, juste devant les yeux de Teddy.

Bien sûr. Le 1er mai. Will soupira et s'éloigna du chambranle de la porte, se rapprochant du lit. Pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ? C'était l'anniversaire de la mort d'Harry – il n'y avait pas pensé parce qu'il préférait célébrer la vie de son amant plutôt que la date de sa mort. Mais c'était un jour important pour Teddy – celui où il avait perdu son père, ses repères, sa grande famille. Il comprenait mieux pourquoi le métamorphomage n'avait pas été très enjoué depuis deux jours – plus les années passaient, plus Teddy devenait triste et morne la semaine du 1er mai. Hannibal lui avait dit que c'était certainement parce que plus ça allait, plus il se rapprochait de l'âge d'Harry quand il était mort – devenir plus vieux que son propre père n'avait rien de normal et ça pouvait être compliqué à gérer.

Will comprenait – quand Teddy passerait le cap des vingt-cinq ans, âge auquel Harry resterait à jamais figé, serait comme une douloureuse confrontation de réalité et d'espérance. Il n'avait jamais rien dit mais Will se doutait que le garçon espérait, même inconsciemment, que son père reviendrait, qu'il défierait la mort et qu'il ferait son grand retour dans le monde des vivants. Mais plus le temps passait, plus il était compliqué pour Teddy d'y croire. Et c'était triste.

Doucement, Will s'assit sur le bord du matelas et il s'allongea près de son fils qui ne détourna pas les yeux de la photo qui volait maintenant au-dessus d'eux. Figé sur le papier glacé, on pouvait voir Harry, un magnifique sourire accroché à son visage, regarder avec toute la tendresse et tout l'amour du monde un petit garçon de six ans qui lui ressemblait tellement. Leurs regards étaient plongés l'un dans l'autre comme si le reste du monde n'avait pas d'importance et on pouvait facilement discerner l'adoration que Teddy ressentait pour son père et toute la fierté de celui-ci vis-à-vis de son héritier. C'était une photo que Will était content d'avoir pris à leur insu – c'était la seule et unique photo qu'ils avaient d'Harry et elle était belle, pleine de grâce, de tendresse, d'amour et de joie. Loin, très loin, de l'atmosphère pesant qui avait régné sur le Manoir quelques jours avant l'attaque.

- A nous aussi, il nous manque, chuchota-t-il sur le ton d'un secret.

Détournant son attention de la photo, il observa son fils et son cœur se brisa quand il vit une larme solitaire couler le long de sa joue, les yeux toujours fixés sur ce père qu'il n'avait pas vu depuis onze ans et qu'il ne reverrait plus jamais. La gorge comprimée par l'émotion, Will drapa un bras paternel et réconfortant autour de sa poitrine et il le serra contre lui. A part sa présence, une certaine consolation et une oreille s'il voulait parler, Will ne pouvait rien faire de plus alors il garda le silence, étreint son garçon et continua de regarder le papier glacé où Harry riait, où Harry était heureux. Où Harry était en vie. Et pendant quelques temps, apaisant Teddy du mieux qu'il le pouvait, il rêva qu'Harry était vivant et il aurait pu jurer… qu'il entendit son rire s'enrouler autour de son tympan.

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3 septembre 2017, King Cross, Londres, 9h30

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Le début de l'année scolaire était souvent synonyme de monde dans les rues ou dans les aéroports. King Cross, en ce début de septembre, ne faisait pas exception. La gare grouillait de monde. Des femmes et des hommes qui marchaient, le pas pressé, sans se regarder, sans se sourire. Ils étaient dans leur monde, enfermés dans leurs problèmes ou sur la longue journée qui se profilait à l'horizon. Certains sortaient de leur train, d'autres cherchaient les quais d'embarquement. Des familles se retrouvaient, des couples se séparaient devant des célibataires blasés qui les observaient derrière les vitres des wagons – spectateurs silencieux et sourds. Des enfants pleuraient devant leurs parents à genoux devant eux qui essayaient de les réconforter, leur promettant de revenir très bientôt, les embrassant tendrement.

Timothy détourna le regard d'une femme qui serrait dans ses bras un garçon un peu plus jeune que lui. Il ne savait pas ce que ça faisait d'être ainsi pressé contre un corps chaud et aimant. L'orphelinat dans lequel il avait grandi n'était pas porté sur les câlins ou les embrassades – mais quel établissement le serait ? Il ne connaissait pas grand-chose au monde mais il se doutait que les orphelinats n'étaient pas les endroits où les gens étaient les plus chaleureux. Pourquoi prendraient-ils cette peine ? Pourquoi s'attacher à des enfants qui partiraient, tôt ou tard ?

Poussant difficilement son chariot, Tim s'efforçait de suivre la petite troupe de l'orphelinat et surtout Mme Katleen qui les menait vers la voie 9 ¾ avec l'assurance de l'habitude. Il ne voulait surtout pas se perdre, il était suffisamment anxieux de savoir qu'il allait aujourd'hui entrer à l'école de sorcellerie Poudlard, il n'avait pas besoin de se perdre dans l'immense gare qu'ils traversaient aux pas de courses. Ses petites jambes ne l'aidaient pas à suivre le rythme imposé par la directrice – mais il fut rassuré quand il vit, du coin de l'œil, la silhouette de son ami.

Orphéus était ce qui se rapprochait le plus d'un frère pour Tim. Ils avaient le même âge, avaient grandi ensemble. Pendant près de sept ans, ils avaient partagé la même chambre et ils avaient reçu la lettre d'admission à Poudlard en même temps. Ils partageaient tout, se disaient tout et il n'y avait eu qu'eux pendant de longues années. Les autres de l'orphelinat n'aimaient pas Tim – ça ne le gênait pas, préférant rester seul pendant les récréations ou partageant un moment avec Orphy, si ce dernier n'allait pas jouer aux bavboules avec un groupe que Tim n'appréciait pas vraiment. Il était solitaire et Orphy préférait resté à ses côtés, partageant un moment complice et amical.

- La vieille Katleen, elle va nous tuer si elle continue ! s'exclama son ami en poussant son propre chariot.

Tim savait qu'Orphéus pourrait facilement rejoindre le petit groupe mené par la directrice mais il ne voulait pas le laisser à la traine. Contrairement à lui, il était plutôt grand pour son âge et ses jambes le portaient bien. Tim devait faire deux pas pour rester à son niveau et heureusement que son ami avait baissé son rythme de marche pour rester avec lui, il n'aurait pas donné cher de sa peau s'il s'était perdu dans King Cross. Katleen serait devenue toute rouge à force de lui crier dessus et Tim aurait dû détourner les yeux pour ne pas la défier.

- Allez les enfants, on se dépêche, cria la directrice en se tournant vers eux. La voie 9 ¾ est par là !

Elle montra de son doigt osseux les voies 9 et 10, Tim suivit la direction en fronçant les sourcils. Ça faisait des jours qu'ils se demandaient avec Orphy où pouvait bien se trouver la voie 9 ¾ parce qu'il était sûr que ça n'existait pas dans le monde moldu – quel sorte de tour les sorciers avaient-ils inventé pour créer leur propre voie de départ ? L'orphelinat où ils avaient grandi était un établissement sorcier alors Tim ne serait étonné de rien – leur bâtiment se situait en pleine campagne et on y entrait en frappant quatre fois contre un mur, au fond d'une impasse glauque du Chemin de Traverse. Le portail menait les visiteurs ou les enfants directement dans la cour de l'orphelinat qui restait donc inaccessible aux Moldus.

Rapidement, ils arrivèrent en face de deux tourniquets. Tim s'arrêta derrière le petit groupe, observa la barre métallique qui reliait les deux petits portiques et regarda vers Orphy, sceptique :

- C'est quoi… ça ?

Tout aussi dubitatif, Orphéus inclina la tête sur le côté en haussant les épaules. Okayyy… C'était un peu bizarre quand même… Tim avait moyennement confiance. Peut-être que la vieille Katleen n'avait plus toute sa tête, finalement ? Peut-être qu'elle allait devoir être remplacée ? Ça serait bien… Mais si, avant, elle pouvait leur éviter de mourir de honte en se prenant une barre métallique de plein fouet, ça serait mieux.

- Ecoutez-moi bien ! dit-elle en regardant les cinq enfants qui se pressaient autour d'elle. Voici l'entrée de la voie où vous attends le Poudlard Express. Vous devez marcher très vite vers la barre que vous voyez là, ajouta-t-elle en montrant ladite barre. N'ayez pas peur de vous cogner surtout, sinon… Eh bien, vous vous cognerez !

Sa voix était joyeuse comme si, secrètement, elle espérait qu'ils se cogneraient très fort contre la tige métallique. Tim leva les yeux au ciel avant de les baisser rapidement vers le sol quand il vit que la directrice l'observait, visiblement mécontente. Il ne voulait pas être puni, pas maintenant qu'il allait à Poudlard. Discrètement, Orphy lui donna un coup de coude et lui fit signe que la vieille Katleen avait visiblement perdu l'esprit. Tout aussi subtilement, il cacha un sourire derrière sa main.

- Cathy, Callie, allez-y !

Cathy et Callie était des jumelles si semblables que personne ne savait jamais les différencier – sauf Tim, mais il ne leur parlait jamais alors personne ne connaissait sa technique pour savoir laquelle était Cathy ou Callie. Les deux petites filles blondes, aux vêtements identiques et aux coiffures tout aussi similaires, s'élancèrent l'une après l'autre vers les tourniquets. Tim s'attendait presque à les voir s'étaler par terre mais elles avaient toujours été bien plus courageuses que lui et elles se firent engloutir par la barre, disparaissant il-ne-savait-où.

- Cool ! souffla Orphy à côté de lui.

Ouais, Tim était d'accord, c'était plutôt cool. Il espérait que Poudlard serait tout aussi impressionnant – mais il ne doutait pas un instant que ce serait le cas. Il avait entendu les grands parler – Adriel, un orphelin plus vieux qu'eux d'une petite année, avait intégré Poudlard l'année précédente et il avait trouvé ça exceptionnel. D'ailleurs il se demandait pourquoi les plus âgés n'étaient pas avec eux…

- Hey ! Tu sais pourquoi les autres sont pas là ?

- Ouais, répondit Orphy sans détacher les yeux de la barre. Ils sont partis avec Elizabeth ce matin. Tu sais que la vieille Katleen veut toujours accompagner les premières années.

Oh. Tim comprenait mieux maintenant. Elizabeth était la plus vieille de l'orphelinat, si on ne comptait pas le personnel, et elle allait bientôt être majeure. Elle allait devoir partir mais pour le moment, elle entrait en septième année et comme toutes les autres dernières années, elle s'occupait des plus jeunes le jour de la rentrée. C'était une tradition, en quelque sorte et Tim se demanda s'ils devraient eux aussi s'occuper d'emmener les autres jusqu'à la gare quand ils entreraient en dernière année.

- Orphéus, Timothy ! A vous !

Sa voix était plus sèche que lorsqu'elle avait appelé les jumelles mais Tim n'y fit pas attention tant il avait l'habitude. Elle préférait les petites filles aux garçons, elle les trouvait plus gentilles, plus calmes, plus studieuses – alors que pour elle, les garçons ne savaient faire que trois choses : se battre, s'attirer des ennuis et ennuyer les gens. Tim aurait voulu lui montrer le contraire, qu'il pouvait être tout aussi – voir plus – tranquille, charmant et appliqué que Cathy et Callie qui pouvaient très bien cacher leur jeu sous des sourires innocents. Malheureusement, Mme Katleen travaillait dans l'orphelinat depuis trop longtemps pour qu'un petit garçon de onze ans la fasse changer d'avis.

Difficilement, Tim poussa son chariot, s'appuyant dessus de tout son maigre poids pour lui faire prendre de la vitesse. Orphy était devant lui – il se retourna pour être sûr qu'il le suivait et il lui fit un petit geste du menton, content qu'il ait suivi le mouvement. Timothy eut le temps de le voir disparaître avant qu'il ne soit proche de la barre et dans un réflexe de peur, il ferma les yeux très, très fort en essayant de ne pas penser à la douleur qui irradierait dans son corps s'il se cognait. N'y pense pas, n'y pense pas.

L'impact ne vint jamais – au contraire, il sentit un bref courant froid glisser sur lui comme s'il venait de passer en-dessous d'une cascade sans être mouillé. C'était agréable, pas forcément une sensation qu'il aimerait ressentir tous les jours mais ça lui prouvait qu'il venait de passer du côté sorcier de la gare – et c'était trop cool ! Ouvrant précipitamment les yeux, il vit immédiatement l'immense locomotive rouge qui attendait sagement que les étudiants montent en son sein – une épaisse fumée grise s'échappait de la cheminée et Tim la regarda s'élever vers le ciel avec une joie enfantine. Il n'avait jamais vu de train aussi beau que le Poudlard Express.

- Tim ! cria Orphy un peu plus loin sur le quai. Viens !

Et il s'empressa de le rejoindre, libérant le passage pour Clervie et Mme Katleen qui apparurent sur la voie 9 ¾. Le cœur battant à un rythme effréné, il jeta un coup d'œil à l'arche de fer qui remplaçait les deux tourniquets et la barre en fer côté moldu et il secoua la tête, sourire aux lèvres. La magie, c'était vraiment trop cool.

- Les enfants ! hurla Katleen en augmentant le pas pour ne pas les perdre dans la foule dense qui se pressait sur les bords de la voie.

Tim n'avait jamais vu autant de monde sur un quai aussi petit que la voie 9 ¾ et il essaya de ne pas penser à ce sentiment d'étouffement qui serra sa gorge quand il se rendit compte que tous ces enfants seraient bientôt ses camarades ou des élèves de sa propre maison. Merlin… Il y en avait tellement. Ils grouillaient comme des fourmis, tournant en rond comme s'ils ne savaient pas quoi faire – le niveau sonore était extraordinairement haut et Tim avait presque envie de se boucher les oreilles ou de leur crier de se taire. C'était… angoissant – surtout pour un petit garçon de onze ans qui n'était presque jamais sorti de l'orphelinat.

Callie, Cathy, Clervie, Orphéus et Tim se pressèrent autour de Mme K et écoutèrent son discours appris certainement par cœur qu'elle récitait à tous les enfants en âge de partir à Poudlard :

- Ecoutez-moi bien, dit-elle de sa voix sévère. Aujourd'hui est un grand jour pour vous cinq et j'attends de vous que vous soyez exemplaire dans votre comportement pendant l'année scolaire. Si jamais je reçois ne serait-ce qu'une seule lettre du corps enseignant pour me dire qu'il y a eu un problème avec l'un d'entre vous, vous savez ce qui vous attends à votre retour à la maison. C'est bien clair ?

Tim hocha la tête avec tous les autres, ses yeux verts fixant obstinément un point à gauche de Katleen pour ne pas la regarder en face. Il savait ce qui les attendait s'ils se faisaient punir ou remarquer à l'école : être enfermé pendant une ou deux journées complètes dans la pièce au bout du couloir. C'était de l'isolement d'après Mme K, pour remettre les idées en place et les faire réfléchir pour la prochaine fois qu'ils voudraient faire une bêtise. Un frisson le secoua. Il n'avait jamais été enfermé là-dedans mais il avait entendu des enfants plus âgés raconter le sentiment d'horreur qui grandissait au fur et à mesure que le temps passait. Il ne voulait vraiment, vraiment pas y aller un jour.

- Demandez aux enfants plus vieux de vous aider si vous avez besoin. Au moindre souci allez voir Elizabeth, elle a pour ordre de vous aider au mieux et sinon, questionnez les Préfets de votre maison, ils sont faits pour ça.

Il y avait un peu de mépris dans son ton comme si elle regrettait de ne pas avoir été Préfète quand elle avait étudié à Poudlard mais Tim s'en fichait complètement. Mme Katleen était tellemeeeent vieille qu'elle devait avoir été à Poudlard, il y avait de cela des centaines d'années. Et non… Tim n'exagérait jamais…

La locomotive rouge laissa échapper une plainte vive. Tim se mit à danser d'un pied sur l'autre, espérant que la directrice ne leur tiendrait pas la jambe trop longtemps, sinon ils allaient rater le train. Mais il avait sous-estimé l'envie de cette femme de les expédier loin d'elle parce qu'elle les chassa d'un geste empressé de la main et d'un « allez oust ! » qu'elle siffla avec hâte.

- Et surtout ! cria-t-elle par-dessus le vacarme de la gare. Ramenez-nous des bonnes notes !

Tim leva les yeux au ciel mais hocha une nouvelle fois de la tête – bien sûr, les notes. C'était important de ramener des EE ou des O, d'après ce qu'il avait compris. Il l'avait vue se transformer en véritable dragon quand une élève de cinquième année avait osé revenir avec un Acceptable en Divination.

- Dépêche-toi, l'appela Orphy. Tu ne voudrais pas que le train parte sans toi !

Non, bien sûr que non. Tim ne voulait pas rester ici – il voulait voir Poudlard, voir comment c'était, si c'était différent que ce qu'il avait lu dans les livres qu'il avait emprunté à la bibliothèque de l'orphelinat, s'il s'y sentirait plus comme chez lui qu'à l'endroit où il avait grandi.

Tant bien que mal – et beaucoup plus difficilement que facilement, il fallait l'avouer – Timothy monta dans le train, s'écrasant une fois les orteils avec sa lourde valise. Il entendit Orphy rire derrière lui, se moquant gentiment de sa maladresse avant qu'il ne lui demande si ça allait et s'il avait besoin d'aide. Mais Tim voulait se débrouiller tout seul alors il hissa sa malle et commença à arpenter les couloirs du Poudlard Express.

Malheureusement, la chance n'était pas de son côté puisqu'il ne trouva aucun compartiment libre et il était pratiquement tous pleins à craquer. Soupirant doucement, il continua d'avancer vers le fond du train, priant mentalement pour trouver de la place. Il n'avait pas envie de faire son premier voyage dans le couloir. En passant, il vit que Callie et Cathy avaient trouvé une place avec une bande de filles qui gloussaient entre-elles et, un wagon plus loin, il remarqua Clervie installée dans un compartiment plein. Parfait… Ils étaient les deux seuls à ne pas avoir trouvé de place.

Finalement, le dernier compartiment était libre et il se retint de remercier Merlin pour ça. Il n'était pas totalement vide mais suffisamment pour qu'ils puissent s'installer tranquillement. Tim ouvrit la porte, passa la tête dans l'embrasure et demanda au garçon roux qui regardait par la fenêtre :

- On peut s'asseoir ? Il n'y a plus de place nulle part…

Il espérait que sa voix avait été douce et qu'elle n'avait pas paru suppliante. Le garçon se retourna vers lui, un petit sourire sur les lèvres et il acquiesça d'un signe de tête. Retenant un soupir de soulagement, Tim entra dans le compartiment, arriva à ranger sa valise dans un coin sans se la prendre sur la tête et s'assit tranquillement sur la banquette en face du rouquin, en attendant qu'Orphéus hisse sa propre valise et s'installe à côté de lui.

Bien. Ils y étaient. Le train qui les mènerait vers de plus grands horizons. C'était le début de leur nouvelle vie et Tim était content de savoir qu'ils ne reviendraient à l'orphelinat que pour les grandes vacances. Poudlard allait être magique – il n'y était pas encore mais c'était comme s'il savait déjà qu'il s'y plairait. Le château serait bientôt son unique maison – il savait qu'il avait vécu avec ses parents avant qu'ils ne meurent, mais il était trop petit pour se rappeler la sensation d'avoir une maison qui le protégeait, où il se sentait bien.

Il aurait aimé parler avec le rouquin en face de lui mais Orphéus avait plus de tchatche, plus de facilité à être social que lui – et avant qu'il ne puisse même ouvrir la bouche pour se présenter, son ami prit les choses en main. Tim détourna le regard, observant par la fenêtre les gens qui se pressaient autour du train.

- Je m'appelle Orphéus David et lui, là, c'est Timothy Hamilton.

Sans le voir, Tim savait que son ami le montrait du pouce comme s'il ne pouvait pas parler tout seul. Levant brièvement les yeux au ciel, il reporta vite son attention sur une famille un peu à l'écart qui n'avait pas l'air à sa place entouré par tous ces parents s'exclamant bruyamment, étreignant leur enfant et éclatant en sanglot quand leur marmot disparaissait dans le train. Ils étaient trois – une femme, un homme et une petite fille. S'il n'y avait eu que cela, Tim ne leur aurait pas prêté attention mais leurs cheveux étaient d'une blondeur irréelle, presque angélique et leur visage pâle était figé dans un masque de froideur impressionnante. Ils ne se parlaient pas alors que la fillette s'accrochait à son chariot avec force.

Tim regarda plus attentivement les traits tirés du père, visiblement exténué, et sa main tout aussi pâle que son visage crispé sur l'épaule de sa fille. La femme l'embrassa sur la joue, lui souhaitant silencieusement un bon voyage et le père fit de même, bien qu'une légère grimace déforme brièvement ses traits – signe évident pour Tim qu'il n'avait pas l'habitude de s'abaisser à ce genre de geste en public. Leur allure, leur port altier criait « aristocrate » aux yeux de ceux qui osaient les regarder – Tim se demanda quelle famille était-ce, puis il détourna le regard quand il croisa deux iris aussi grises que du mercure en fusion.

Le cœur battant à toute allure, il tourna le dos à la fenêtre et reporta son attention sur ce qui se passait dans la cabine. Le rouquin serrait la main d'Orphy, avec plus de force qu'on ne l'aurait attendu d'un garçon de onze ans – parce que, même s'il était plus grand que Tim, il ne doutait pas qu'il entrait à Poudlard pour la première fois, lui aussi. Lorsqu'il lâcha Orphy, il se tourna vers Tim et lui prit la main également. C'était chaud, fort mais étrangement doux comme si le garçon avait peur de lui faire mal. Tim lui sourit en pressant sa main et le rouquin lui rendit son sourire, avant de le lâcher et de se réinstaller plus étroitement dans sa banquette.

- Je suis Andreas. Andreas Weasley.

Sa présentation fut suivie d'un silence que Tim qualifierait de pesant, sans hésitation. Il échangea un regard incertain vers Orphy qui lui prit la main dans un geste de réconfort. Les yeux bleus d'Andreas se posèrent sur leurs doigts pressés ensemble – il déglutit bruyamment, soupira tout aussi fortement, détourna brièvement le regard vers la fenêtre.

- Pas… Pas comme le mage noir Weasley… Plutôt comme Ginevra Weasley, la directrice de Poudlard. C'est ma mère.

- Oh !

Tim pressa une dernière fois les doigts d'Orphy avant de les déliés et de se pencher en avant. Il… Il ne le connaissait pas depuis très longtemps mais Tim avait toujours été relativement empathique et il regrettait presque sa réaction instinctive de partir en courant loin du garçon qui portait le nom du meurtrier de ses parents. Le cou d'Andreas était rouge alors que ses explications bafouées résonnaient dans l'esprit de Timothy. Pas lié à Ronald mais à Mme Weasley, la Directrice. Bien – beaucoup mieux, en tout cas. Il lui tapota le genou, prit une petite inspiration et replaça un sourire sincère sur ses lèvres quand Andreas reporta son attention sur lui, se détournant de la fenêtre.

- Je suis désolé… Juste, Ronald a tué mes parents quand j'avais deux ans et…

Sa voix se brisa – il ne se souvenait pas vraiment de cette nuit mais… Il avait des images, des flashs qui lui revenaient en mémoire, s'incrustant souvent dans ses cauchemars et le réveillant en sueur, haletant. Il ne voulait pas attirer la pitié ou la compassion – il souhaitait juste rassurer le rouquin et s'excuser pour leur réaction plus qu'impolie, bien que compréhensible.

Visiblement, Andreas n'était pas comme les autres parce que Tim n'aperçut aucune pitié dans son regard bleu et son visage sembla triste un instant.

- Ce n'est pas grave, je comprends. Je veux dire, il faut que je m'attende à ce genre de réactions de la part des autres, juste, je pensais… Enfin, je m'y ferai ! Je suis désolé pour tes parents, Timothy.

Ce dernier haussa les épaules – il ne se rappelait pas vraiment d'eux, après tout. C'était triste, c'était injuste mais ce serait mentir que de dire qu'il ne pouvait pas vivre avec ça – ça faisait neuf ans qu'il avait appris à vivre avec cette idée de ne plus les revoir, de ne pas avoir de famille de sang derrière lui. Il l'avait accepté. Ta famille est celle que tu choisis d'avoir. Ouais, Orphy avait raison – il devait juste trouver les bonnes personnes qu'il pourrait intégrer à sa famille qui serait de cœur, à défaut d'être de sang.

Le train s'ébranla, les familles crièrent les derniers au revoir. Tim regarda par la fenêtre, observant les parents s'égosiller derrière les vitres, essayant d'imaginer ce que ça ferait d'avoir un adulte qui tenait suffisamment à lui pour venir lui faire ses adieux sur les quais de la gare. Ses compagnons de compartiment étaient eux aussi silencieux, tranquillement assis, regardant eux-aussi par la fenêtre. Il ne doutait pas qu'Orphy se posait les mêmes questions que lui alors qu'Andreas, lui, n'avait personne à qui dire au revoir – surtout parce que sa mère l'attendait à Poudlard.

Rapidement, la gare laissa place à des maisons qui défilaient rapidement derrière la vitre – le train prit de la vitesse progressivement jusqu'à ce que les maisons s'éloignent les unes des autres et que la ville devienne plus verdoyante, plus… campagne. Tim soupira. C'était parti. Bientôt, il serait à Poudlard – et même s'il ne savait pas ce qui l'attendait, il avait hâte d'y être. La peur et l'excitation se battaient en duel dans son corps mais l'excitation gagna par KO quand Andreas leur demanda dans quelle maison ils espéraient aller :

- J'irai où je devrais aller, répondit Orphy en haussant les épaules.

Tim étouffa un petit rire. C'était une réponse typique de son ami – mais il savait que secrètement, il espérait aller à Gryffondor, il était juste trop fier pour le dire, au cas où on déciderait de le mettre dans une autre maison. Après tout ils ne savaient pas comment se déroulait la cérémonie de répartition. Peut-être pourraient-ils choisir ? Ou du moins influencer leur décision définitive ?

- Et toi ? demanda-t-il après que Tim eut haussé les épaules.

- Serpentard, dit le rouquin sans hésiter une seconde. Tous les sorciers qui ont mal tourné étaient à Gryffondor et je ne veux pas être dans la même maison qu'Harry Potter et son Cercle.

Tim frissonna en s'imaginant dans cette maison – il n'avait alors aucun préjugé, mais s'il pouvait éviter Gryffondor alors ça lui allait. Il s'imaginait difficilement dans la maison de l'homme qui avait tué ses parents – une maison qui avait accueilli autant de mage noir, n'était peut-être pas aussi bonne que le pensait Orphéus.

- Pfff, fit ce dernier. N'importe quoi ! Ça veut rien dire ! Serpentard aussi a accueilli des sorciers qui ont mal tourné.

- Beaucoup moins… souffla Andreas.

Et Tim pensa au nombre de morts qui avait été beaucoup plus élevé sous la tyrannie de Potter que sous la tentative de coup d'état de Voldemort. Il ne connaissait pas très bien l'Histoire, il avait lu quelques grimoires à l'orphelinat mais c'était compliqué de savoir ce qui était vrai et ce qui était faux. Il espérait qu'à Poudlard on lui enseignerait la vérité. Il était d'accord avec Andreas, il valait mieux tenter Serpentard plutôt que Gryffondor – ou Serdaigle ou Poufsouffle. Cependant, il préférait ne pas être seul dans sa nouvelle maison et si Orphy allait effectivement à Gryffondor, alors il suivrait Andreas à Serpentard – histoire de ne pas être tout seul.

- On verra ! trancha Orphy pour clore le sujet. De toute façon, on s'en fiche de la maison, on restera ami, ajouta-t-il en se tournant vers Tim.

Il hocha la tête, d'accord avec lui – ils s'en fichaient d'où ils atterrissaient, ils resteraient amis pour toujours et ça… ça c'était le plus important.

- Est-ce que je peux être votre ami aussi ? demanda Andreas d'une petite voix timide.

- Bien sûr, s'exclama Orphéus, heureux d'agrandir son cercle.

Tim hocha lui aussi de la tête – il l'aimait bien, Andreas. Il avait l'air sympa, gentil et calme. Pas comme les autres à l'orphelinat qui ne cherchait que la bagarre ou à faire des bêtises. Mme K disait que Timothy était un aimant à problèmes mais, contrairement aux autres, il ne voulait pas. Ça lui tombait simplement dessus.

- Cool ! s'exclama le rouquin. Je n'ai pas beauco-

Sa phrase se fit couper par trois petits coups à la porte de leur compartiment avant que le battant ne s'ouvre sur une jeune femme souriante.

- Vous désirez quelque chose, les enfants ?

Elle fit un geste vers le chariot qu'elle poussait, rempli de plusieurs types de friandises. Tim ouvrit grand les yeux en les voyant – délicieuse montagne de couleurs et de parfums exquis. Il n'avait jamais vu autant de sucreries – Elizabeth avait parlé d'un magasin à Pré-au-Lard qui avait l'air génial. Honey-quelque-chose, Tim ne se rappelait plus très bien, il avait simplement retenu que c'était un magasin de bonbons et de confiseries et que ça avait l'air trop bon.

- Non, merci, chuchota Orphy en détournant le regard.

Tim se força à faire de même mais c'était difficile, parce qu'il y avait beaucoup de choses qui avait l'air bon – mais il n'avait pas d'argent pour payer ne fut-ce qu'une dragée surprise de Bertie Crochue. Alors qu'il regardait les paysages qui défilaient à toute vitesse derrière la vitre, il s'attendait à entendre la porte se refermer derrière la femme au chariot mais ce ne fut pas le cas. Au contraire, il entendit les cliquetis des pièces qui s'entrechoquaient les unes aux autres avant qu'Andreas demande humblement, tout en se levant :

- Je peux prendre un peu de tout, s'il-vous-plaît ?

- Bien sûr, mon petit, sourit la femme.

Elle lui annonça le prix après lui avoir fait plusieurs paquets et Tim faillit s'étouffer sur sa propre salive. Merlin ! c'était… Deux Gallions, onze mornilles, sept noises. C'était énorme comme prix. Mme K aurait grimacé et aurait tout laissé à la femme avec un regard noir, ne pouvant pas se permettre de dépenser autant d'argent dans des friandises. Mais Andreas… Andreas paya sans sourciller et revint s'asseoir après avoir refermé la porte derrière lui.

Il tenait dans ses mains trois grands sacs et Tim sentit sa mâchoire s'ouvrir sous le choc quand il lui en présenta un, ainsi qu'à Orphy. Merlin…

- C'est pour vous ! dit-il calmement en tenant toujours les sacs devant eux. Elle nous a fait un paquet chacun avec les mêmes choses dedans, comme ça… Pas de jaloux !

Il y avait un sourire dans sa voix et lorsque Tim monta ses yeux jusqu'à son visage, il vit que le sourire ne se trouvait pas juste dans sa voix – ses lèvres étaient étirées, ses yeux pétillants de contentement. Est-ce… Est-ce qu'il faisait partie de ces gens qui se faisaient plaisir en offrant des cadeaux aux autres ? C'était trop beau pour être vrai – il ne pensait pas qu'un petit garçon de onze ans pouvait être aussi gentil et généreux.

- Prenez-les.

- Merci, répondit Orphy en prenant le sien, la voix un peu brisée par l'émotion.

- De rien.

Il haussa les épaules comme s'il ne venait pas de dépenser autant d'argent pour eux – Tim ne se rappelait pas que quelqu'un avait payé aussi cher pour simplement leur faire plaisir. Mme K avait payé leur baguette mais uniquement parce que c'était obligatoire et que l'argent provenait du Ministère pour les pauvres petits orphelins.

- Timothy ?

- Tu es sûr ?

- Ouaip ! Encore plus maintenant, sourit plus chaudement le rouquin.

Le cœur au bord des lèvres, Tim tendit une main tremblante vers le paquet et le saisit, remerciant sincèrement le rouquin. Il était tellement rempli qu'il en était lourd et il le laissa doucement tomber à côté de lui. C'était son premier cadeau – et ce n'était pas le fait qu'on venait de lui offrir suffisamment de bonbons pour lui faire exploser le ventre qui le rendait heureux, c'était simplement que quelqu'un décide de lui donner un présent, sans obligation aucune. Ça aurait pu être une chaussette qu'il aurait été aussi bouleversé.

- Andreas ?

Le susnommé leva les yeux vers lui, délaissant son propre sac de bonbons sur ses genoux pour hausser un sourcil interrogateur vers lui. Tim prit une profonde inspiration discrètement – il n'avait pas l'habitude de faire ça mais ça sonnait dans sa tête et dans son cœur avec une sincérité et une joie qu'il espérait visible sur son visage.

- Tu peux m'appeler Tim.

Il baissa les yeux sur le sac, l'ouvrit doucement, ne se préoccupant pas de son cœur qui battait, fort, dans sa poitrine et il discerna le sourire d'Andreas alors qu'il attrapait délicatement une chocogrenouille. Il n'aimait pas se faire des amis, se lier avec les autres de l'orphelinat – il préférait rester avec Orphy parce qu'il savait qu'il ne l'abandonnerait pas, mais aujourd'hui, il avait décidé qu'il voulait bien prendre le risque. Andreas était un garçon qui semblait gentil, généreux et enthousiaste à l'idée d'être son ami aussi alors pourquoi pas ? Pourquoi pas ne pas prendre le risque ? De toute façon, essaya-t-il de se rassurer, il ne pouvait rien lui arriver à Poudlard et même si Andreas ne se révélait pas aussi sympathique que maintenant, c'était la vie – les gens s'attachaient constamment pour être finalement abandonné et personne n'en était mort ! Tim devait juste vivre au jour le jour. Un jour après l'autre. Pour le moment, il préféra profiter de ce gouter improvisé avec son nouvel ami.

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La nuit était tombée depuis quelques minutes lorsque le train s'arrêta enfin. Pressé dans le couloir avec les autres élèves, Tim retint difficilement d'agripper l'arrière de la robe d'Orphy, devant lui – pour ne pas le perdre dans l'amas d'enfants qui se tassaient dans le Poudlard Express. Les plus vieux – et, par conséquent, les plus habitués – regardaient les plus jeunes se pousser les uns contre les autres, bien en sécurité dans leurs compartiments. Comme la voix mécanique l'avait demandé, ils avaient tous laissé leurs bagages dans leur cabine et heureusement… ça aurait été infernal si tout le monde avait pris sa malle horriblement lourde.

Les portes furent bientôt ouvertes, lorsque le train se stoppa définitivement et les élèves descendirent précipitamment sur le quai de Pré-Au-Lard plongé dans l'obscurité – les wagons vomissant un flot presque continu et impressionnant d'enfants, plus ou moins jeunes. Dès qu'il le put, Tim se plaça sur le côté, heureux de sentir Andreas et Orphéus le rejoindre rapidement. Ce n'était pas qu'il n'aimait pas la foule mais il était petit et lorsque les gens l'entouraient, se pressaient contre lui, il avait l'impression de ne plus pouvoir respirer – il n'y avait plus que des corps, généralement beaucoup plus grands que lui, bouchant sa vue, l'empêchant de respirer l'air.

Il y eut un brouhaha général alors que certains retrouvaient des camarades, d'autres discutaient de cette nouvelle année qui se profilait à l'horizon et que les premières années, surtout, se demandaient où ils devaient aller. Une voix bourrue, aux relents d'exaspération se fit entendre par-dessus le bruit :

- Les premières années ! Par ici, s'il-vous-plaît ! Allez ! On se dépêche, les premières années.

Tim se tourna vers la source du bruit et il fronça les sourcils quand il vit un petit homme rabougri, portant un immense chapeau et dont la barbe blanche emprisonnait les vaisseaux de lumière qui s'échappaient de la lampe à huile qu'il tenait à bout de bras.

- C'est Monsieur Jones, le garde-chasse et le gardien des clés de Poudlard, chuchota Andreas à l'intention des deux autres. C'est un Cracmole.

Tim n'avait aucun apriori vis-à-vis des Né-Moldus et des Cracmoles, ça aurait été hypocrite de sa part sachant qu'il était lui-même un Sang-mêlé. Cependant, il ne pensait pas que Poudlard pouvait embaucher des Cracmoles – ils ne pouvaient pas faire de magie alors… comment faisaient-ils pour survivre dans une école de magie ? Son interrogation dut se lire sur son visage parce qu'Andreas lui expliqua :

- Avant que Jones arrive, il y avait déjà un Cracmole dans l'école. Il était le concierge, je sais plus comment il s'appelait mais quand il est mort, ma mère a voulu continuer cette espèce de tradition et elle a embauché Jones. Ça fait dix ans qu'il est ici, presque aussi longtemps que ma mère.

Tim hocha la tête en silence pour lui faire savoir qu'il comprenait même si ça n'expliquait pas comment un Cracmole pouvait survivre dans une école de magie mais bon… Qui était-il pour discuter des décisions de la directrice de Poudlard ?

- Vous êtes tous là, les premières années ? demanda le garde-chasse. Eh bien, mettons-nous en route dans ce cas ! Allez, par ici et surtout, faîtes attention où vous mettez les pieds, ça risque de glisser !

Tout leur petit groupe de première année se mit à suivre M. Jones – honnêtement, ce fut tant bien que mal. Le chemin qu'ils empruntèrent était sinueux et boueux – Jones, d'une démarche due à l'habitude, n'hésitait pas dans ses pas alors que plusieurs élèves glissèrent. Une petite fille avec des couettes tomba, entraînant le ricanement de certains et la pitié d'autres qui s'empressèrent d'aller l'aider – certainement des prochains Poufsouffles. Tim se contenta d'essayer d'avancer en suivant le rythme, sans tomber à son tour – pas totalement indifférent à la fillette qui se relevait, un sanglot dans la gorge, mais suffisamment concentré sur lui-même pour ne pas essayer de l'aider alors qu'il avait du mal à rester sur ses propres jambes.

Éclairant le chemin avec sa lampe à huile, Jones les fit traverser ce qui ressemblait à une forêt avant qu'ils n'aperçoivent le château en hauteur. C'était magnifique. Magique. Tim marqua un temps d'arrêt pour se repaître de la vue, émerveillé. Le groupe lâcha un « ooooh » retentissant qui sembla résonner dans la nuit – Jones renifla de dédain, même si ses propres yeux brillaient en regardant le château. Tim ne se rappelait pas d'avoir vu quelque chose d'aussi beau de toute sa vie – c'était vraiment fantastique. Les tours étaient éclairées, luisant dans le noir comme un endroit sûr où trouver asile – comme une oasis dans le désert pour un pauvre voyageur perdu.

Ils continuèrent d'avancer quand Jones les mena vers la rive d'un lac aussi noir que l'abysse. Avec sa lampe, il désigna les barques tranquillement posées sur la berge :

- Pas plus de quatre par bateau. Allez, on se dépêche, les enfants, on se dépêche.

Tim s'installa dans la barque avec Orphy, Andreas et une fille, tout ce qu'il y avait de plus banal. Du coin de l'œil, il vit Callie, Cathy, Clervie et la petite fille aux couettes, celle qui était tombée, s'asseoir dans un des bateaux.

- Tout le monde est prêt ? demanda Jones après être monté dans une barque lui aussi. Alors, c'est parti !

Quelques minutes plus tard, ils débarquèrent tous sur un sol recouvert de galets gris. Avec des pas prudents, Tim s'écarta du lac pour ne pas prendre le risque de tomber dedans. Il ne manquerait plus que ça – il ne voulait pas entrer dans Poudlard en étant trempé de la tête au pied. Ce serait la honte et Mme K en entendrait certainement parler et elle le punirait certainement pour avoir fait honte à l'orphelinat auquel il était associé. Jones vérifia les barques sommairement avant de leur montrer le chemin qui menait jusqu'au château.

A l'aide de la lampe, ils purent monter des escaliers creusés à même la montagne, puis ils atteignirent rapidement la pelouse de l'école. Jones demanda s'ils étaient bien tous là, puis, il frappa trois coups à la porte.

Elle s'ouvrit immédiatement – le bruit des poings de Jones contre le battant en bois résonnait encore. Un grand sorcier aux cheveux noirs et à la peau chocolat, vêtu d'une longue robe de sorcier rouge vif, se trouvait dans l'encadrement. Un grand sourire blanc éclairait son visage métissé – le genre d'attitude qui calmait immédiatement, pensa Tim en le regardant. Il ne le connaissait pas, mais ses yeux noirs brillaient de gentillesse et son comportement n'était pas hostile, plutôt accueillant.

- Professeur Thomas, voici les élèves de première année, annonça Jones avec fatalité.

- Merci bien, Edward. Vous pouvez rejoindre la Grande Salle, je m'en occupe.

Le hall d'entrée était absolument génial. Tim n'avait jamais rien vu d'aussi grand et d'aussi haut. Les torches attachées au mur de pierre étaient semblables à celles qu'ils utilisaient à l'orphelinat mais là s'arrêtait la ressemblance. Un magnifique escalier en marbre permettait de monter aux étages et Tim avait envie de franchir chacune de ces marches, pieds nus, pour apprécier la douceur et la froideur du marbre sous sa peau.

D'un geste de la main, le professeur Thomas les guida vers deux immenses portes fermées. Il n'était pas compliqué de discerner les voix qui s'élevaient de derrière, telle une rumeur impossible à arrêter. La respiration de Tim se coupa dans sa gorge en pensant à toutes les personnes qui attendaient derrière cette protection illusoire. Ils se rassemblèrent autour du professeur, attendant la suite des évènements avec appréhension – mais un nouveau sourire de la part de l'adulte les rassura. Un peu.

- Bienvenue à Poudlard, dit-il. Je suis le professeur Dean Thomas, j'enseigne l'Histoire de la Magie mais vous aurez tout le temps de me connaître, puisque vous allez être coincé avec moi pour les sept prochaines années.

Il y eut quelques rires – un peu tendus par ce qui les attendait, mais des rires quand même. Jusque là, Tim n'était même pas sûr de pouvoir ne fut-ce que sourire, tant il était stressé.

- Je suis aussi le Directeur Adjoint de cette école et c'est pour cela que je suis ici, aujourd'hui avec vous. Le banquet de début d'année va bientôt commencer mais avant que vous preniez place dans la Grande Salle pour combler vos ventres que le voyage a vidé, vous allez être répartis dans les différentes maisons. Vous devez savoir que tout au long de votre séjour dans cette école, votre maison sera pour vous comme une seconde famille, dit-il calmement mais Tim vit son sourire vaciller légèrement mais il se reprit très vite – trop vite pour que quiconque le remarque. Vous y suivrez les mêmes cours, vous y dormirez dans le même dortoir et vous passerez votre temps libre dans la même salle commune. Vous y gagnerez des amis, des frères et des sœurs. Il y a quatre maisons : Gryffondor, Poufsouffle, Serdaigle et Serpentard. Chaque maison a sa propre histoire, sa propre noblesse et chacune d'elles a formé au cours des ans des sorciers et des sorcières de premier plan. Vous en connaissez certainement mais nous verrons ça plus en détails dans mes cours ! ajouta-t-il avec un clin d'œil complice. Pendant votre année à Poudlard, chaque fois que vous obtiendrez de bons résultats, vous rapporterez des points à votre maison, mais au contraire, à chaque fois que vous enfreindrez les règles communes, votre maison en perdra. A la fin de l'année scolaire, la maison qui aura obtenu le plus de points gagnera la coupe des Quatre Maisons et, croyez-moi, c'est un très grand honneur.

Il laissa planer un petit silence, certainement voulu – Tim pouvait le voir dans sa façon presque malicieuse de les regarder attentivement, un à un, sourire accroché aux lèvres.

- J'espère que chacun et chacune d'entre vous aura à cœur de bien servir sa maison, quelle qu'elle soit. J'espère que vous trouverez en Poudlard un second chez-vous et que vos camarades deviendront votre famille. J'espère que vous vous y sentirez bien, à votre place. La cérémonie de la Répartition aura lieu dans quelques minutes en présence de tous les élèves de l'école et des professeurs ainsi que de la directrice. Je vous conseille de profiter du temps qui vous reste avant le début de cette cérémonie pour soigner votre tenue, ajouta-t-il avec un regard avenant vers la petite fille qui avait glissé.

Tim sursauta quand un coude s'enfonça vicieusement dans ses côtes et il se retourna en fusillant Orphy du regard :

- Tu devrais essayer de faire quelque chose pour tes cheveux, ricana son ami

Puérilement, il lui tira la langue et quand Orphy se détourna de lui en rigolant derrière sa main, il tenta désespérément d'aplatir la tignasse qui lui servait de cheveux.

- Maintenant, mettez-vous en rang par deux, si vous le voulez bien et même si vous ne le voulez pas d'ailleurs ! Enfin, suivez-moi, la cérémonie va bientôt commencer.

Tim tenta de se calmer quand les portes de la Grande Salle s'ouvrirent. Le cœur au bord des lèvres et le pas fébrile, il suivit le groupe d'élèves qui marchait derrière le professeur Thomas. Rapidement, sa peur fut remplacée par l'étonnement et ébahissement. Le plafond… Merlin, il était génial ! Il était aussi noir que du velours et des étoiles brillaient, petits points étincelants dans l'obscurité du grand soir. On aurait presque dit qu'il n'y avait pas de plafond, comme si la salle était à ciel ouvert.

Les chandelles flottaient dans les airs et éclairaient de leur douce lueur les quatre longues tables autour desquelles les élèves étaient assis, installés devant des assiettes et des gobelets en or. Chacun d'eux avaient les yeux fixés sur le petit groupe et Tim se recroquevilla sur lui-même, avant de regarder droit devant lui – se concentrant sur la table professorale, au bout de la salle.

Lorsqu'ils arrivèrent près de cette dernière, le professeur Thomas installa un tabouret et un vieux chapeau complètement usé, sale et râpé. Il avait dû bien servir, ce bout de tissu – Tim retint une grimace en le voyant aussi vieux. Mais tout rictus quitta son visage quand l'objet bougea, exposant une déchirure qui s'ouvrit en grand :

Je n'suis pas d'une beauté suprême
Mais faut pas s'fier à ce qu'on voit
Je veux bien me manger moi-même
Si vous trouvez plus malin qu'moi.

Les hauts-d'forme, les chapeaux splendides,
Font pâl'figure auprès de moi
Car à Poudlard, quand je décide,
Chacun se soumet à mon choix.

Rien ne m'échapp' rien ne m'arrête
Le Choixpeau a toujours raison
Mettez-moi donc sur votre tête
Pour connaitre votre maison.

Si vous allez à Gryffondor
Vous rejoindrez les courageux,
Les plus hardis et les plus forts
Sont rassemblés en ce haut lieu.

Si à Poufsouffle vous allez,
Comme eux vous s'rez juste et loyal
Ceux de Poufsouffle aiment travailler
Et leur patience est proverbiale.

Si vous êtes sage et réfléchi
Serdaigle vous accueillera peut-être
Là-bas, ce sont des érudits
Qui ont envie de tout connaître.

Vous finirez à Serpentard
Si vous êtes plutôt malin,
Car ceux-là sont de vrais roublards
Qui parviennent toujours à leurs fins.

Sur ta tête pose-moi un instant
Et n'aie pas peur, reste serein
Tu seras en de bonnes mains
Car je suis un chapeau pensant !

Merlin, c'était quoi ça ? Tim aurait bien fait un pas en arrière mais le corps d'Andreas l'empêchait de reculer. Tant mieux. Il n'avait pas peur d'un chapeau, il était juste… étonné qu'il puisse parler – mais rien n'aurait dû le surprendre, le monde magique était plein de surprises et de secrets. Alors que Tim se battait pour retrouver un semblant de calme, des applaudissements explosèrent dans toute la Grande Salle. Sous ses yeux méfiants, le chapeau s'inclina devant les quatre tables, comme pour les remercier pour l'ovation qu'il recevait, puis il s'immobilisa à nouveau.

Cette… relique, ou qu'importait comment il fallait désigner le chapeau, impressionnait beaucoup Tim. C'était lui qui déciderait d'où le placer et il dicterait, d'un unique choix, la maison qui l'accueillerait pour les sept prochaines années. C'était long, sept ans, s'il était envoyé dans une maison qui ne lui allait pas.

Le cœur au bord des lèvres, Tim sursauta quand le professeur Thomas s'avança légèrement, se racla la gorge. Lorsqu'il tourna les yeux vers lui, il remarqua le grand parchemin qu'il tenait entre ses mains qui devait regrouper les trente et quelques noms de leur promotion.

- Quand j'appellerai votre nom, vous vous assiérez sur le tabouret et vous mettrez le Choixpeau sur votre tête. Adam, Riley !

Un garçon aux cheveux clairs se détacha du groupe pour monter sur la petite estrade en bois. Il s'installa sur le tabouret, mit le chapeau et attendit. Tim l'observa attentivement, cherchant à savoir comment ça se passait pour être réparti mais… de ce qu'il pouvait voir ça se passait dans la tête parce que la bouche du Choixpeau bougeait sans qu'aucun mot ne soit entendu et Tim se détendit quand il comprit que la conversation était privée. Il ne voulait pas avoir un public – se tenir devant toute la Grande Salle, déjà, allait être une épreuve pour lui.

- SERPENTARD !

Des applaudissements s'élevèrent de la table située à l'extrême droite de la salle et Tim regarda cette dernière, balayant de ses yeux verts les élèves qui comblaient les bancs. Ils avaient l'air sympa, bien qu'un peu réservé – ça serait mieux, en tout cas, que de se retrouver dans la maison du meurtrier de ses parents et du plus grand mage noir qu'il n'ait jamais existé. Tim frissonna en revenant sur la répartition.

Bole, Josh fut lui aussi envoyé à Serpentard et il rejoignit Riley sur la table des verts et argents, le saluant d'un sourire éclatant et d'une poignée de main – puis les autres plus âgés virent les saluer eux aussi, comme une famille. Comme les deux premiers, Bulstrode, Cécile rejoignit elle aussi cette maison et Tim se demanda si les gens évitaient Gryffondor du mieux qu'il le pouvait – de ce qu'il pouvait voir une des tables, celle située à l'extrême gauche était beaucoup moins remplie que les autres.

- Carmichael, Callie !

- SERDAIGLE !

Un petit sourire se dessina sur les lèvres de Tim. Ça lui allait bien comme maison à Callie – même si Gryffondor lui aurait sans doute mieux convenu. D'après le Choixpeau, la maison regroupait les courageux, et Tim ne connaissait personne de plus courageux que les jumelles. Sauf Orphy, peut-être.

- Carmichael, Cathy !

Il y eut une exclamation dans la salle, une sorte de rumeur qui déferla sur les différentes tables de la Grande Salle. Tim entendit « des jumelles », « c'est trop cool », « tu penses qu'elles seront dans la même maison ? ». Il en déduisit qu'elles étaient les seules jumelles du château et il espérait presque qu'elles seraient effectivement réparties dans la même maison, parce qu'il ne pouvait pas les imaginer l'une sans l'autre.

- SERDAIGLE !

Cathy rejoignit sa sœur rapidement après avoir déposé le Choixpeau sur le tabouret qu'elle quitta d'un saut – elle serra Callie dans ses bras, sourire aux lèvres et les autres élèves vinrent les féliciter et se présenter. Il allait donner un coup de coude à Orphy pour qu'il leur fasse un signe mais déjà la voix du professeur Thomas retentissait par-dessus les exclamations qui s'élevaient dans la Grande Salle :

- David, Orphéus !

Avec son courage habituel, son ami grimpa prestement sur l'estrade et s'installa sur le tabouret, sans peur ou appréhension. Les mains se tordant devant lui, Tim le regarda passer sous le Choixpeau, attendant anxieusement le nom de la maison qui accueillerait son seul ami de l'orphelinat.

- GRYFFONDOR !

La table à l'extrême gauche de la salle explosa en acclamations et en applaudissements, encourageant leur nouveau camarade à les rejoindre. Le souffle de Tim quitta ses poumons comme un ballon se dégonflant doucement – il était heureux pour son ami parce qu'il savait que c'était la maison dans laquelle il rêvait d'aller, mais il se sentait anxieux parce que cela voulait dire qu'ils ne partageraient ni leur dortoir, ni leur salle commune. Ils passeraient de vivre ensemble, presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à se voir uniquement pendant les cours ou les repas. C'était un changement qu'il n'était pas sûr d'être prêt à subir.

Deux mains tombèrent subitement sur ses épaules, il sursauta mais ne s'écarta pas – surtout quand les doigts pressèrent gentiment sa peau. Il sourit à Orphy quand il se tourna vers lui, une fois installé en bout de table et lorsque tout le monde se fut présenté à lui. Ils ne seraient peut-être pas dans la même maison mais ça ne les empêchait pas d'être quand même amis. De toute façon, ils se retrouveraient pendant les grandes vacances.

La répartition continua, sans que Tim ne se préoccupe vraiment d'où ils allaient. Il sentait les paumes de ses mains devenir moites à cause du stress et il priait pour que tout se passe bien. Il n'avait pas envie de se ridiculiser – il priait surtout pour que le Choixpeau lui trouve une maison. Etait-ce déjà arrivé qu'un élève ne trouve aucun endroit qui lui convenait ? Etait-ce possible d'être un « sans-maison » ? Oh Merlin, Tim espérait de tout son cœur que c'était impossible…

- Hamilton, Timothy !

Il resta paralysé sur place quand le professeur Thomas l'appela et Andreas le poussa en avant légèrement, le forçant à marcher à pas lents vers l'estrade. Surtout, ne te prend pas les pieds dedans. Surtout, ne te prend pas les pieds dedans. S'il-te-plaît, fais attention. Son pas quand il grimpa sur la petite scène en bois fut exagérément grand mais au moins, il ne se prit pas les pieds dedans et il ne s'étala pas devant toute la Grande Salle. Ce qui était un bon point.

Jetant un bref coup d'œil au professeur, il se concentra sur le petit sourire qui n'avait pas quitté ses lèvres et il s'installa sur le tabouret, mettant le chapeau sur sa tête. Il lui tomba devant les yeux, le plongeant dans le noir, le coupant du monde extérieur – il pouvait sentir les regards posés sur lui mais c'était plus facile de faire semblant qu'ils n'existaient pas si Tim ne pouvait pas les voir.

- Hmm… Eh bien mon garçon, tu n'es pas un cas facile, dit une petite voix à son oreille. C'est même très difficile… Voyons, où vais-je te mettre… Je vois beaucoup de courage. Des qualités intellectuelles impressionnantes, aussi. Tu as beaucoup de talents, mon garçon et tu es loyal – vraiment, très, très loyal. Et je vois, oh par Merlin, tu es avide de faire tes preuves, voilà qui est très intéressant…

Tim se demanda pourquoi cela était particulièrement intéressant – il avait grandi dans un orphelinat, évidemment qu'il voulait faire ses preuves, montrer à tous les adultes qu'il avait côtoyer qu'il n'était ni stupide, ni faible et qu'un jour, il deviendrait quelqu'un – au Ministère ou à Sainte-Mangouste. Quelqu'un qui pourrait changer les choses.

- Tu ressembles beaucoup à un garçon qui est passé ici, il y a de cela des années… Il avait exactement les mêmes envies, les mêmes qualités. Tu me le rappelles beaucoup, je me demande si… ajouta le Choixpeau dans sa tête.

Et Tim réfléchit à l'identité du garçon en question mais bien vite, ses doigts se crispèrent sur les bords du tabouret et il pensa, très, très, fort : « Pas à Gryffondor, pas à Gryffondor, s'il-vous-plaît ».

- Pas à Gryffondor, répéta la petite voix. Tu es sûr ? Tu as d'immenses qualités, je le vois dans ta tête et Gryffondor pourrait t'aider à développer ton courage et ta force. Non ? Tu es sûr ? Le garçon dont je t'ai parlé s'est épanoui là-bas, je suis certain que ça serait ton cas également.

Mais il s'en fichait que le garçon fût Merlin lui-même, Tim ne voulait pas aller dans la même maison que le meurtrier de ses parents et de tous les mages noirs les plus meurtriers de l'Histoire. Il ne voulait pas être dans la maison de « mauvais sorciers », ni même devenir courageux ou fort – tant pis si Orphéus y était, lui préférait aller n'importe où ailleurs.

- Très bien, si tu es sûr de toi alors il vaut mieux… SERPENTARD !

Le dernier mot résonna dans la Grande Salle horriblement silencieuse. Il ôta précipitamment le chapeau, le posa sur le tabouret et marcha difficilement vers la table des Serpentards, notant brièvement que le silence avait laissé sa place à des applaudissements de la part de sa nouvelle maison. Ses épaules se détendirent lorsqu'il croisa brièvement le regard chaleureux d'Orphy qui leva les deux pouces vers lui – Tim lui sourit et s'installa près de Riley, Josh, Cécile et de Derrick, Lucy – celle qui avait été répartie peu avant lui.

Alors que la petite fille aux couettes qui était tombée s'avançait après que le professeur Thomas l'eut appelé – Helena Hutson – et qu'elle était envoyé à Poufsouffle, Tim put voir plus facilement la table des professeurs. M. Jones était assis à l'une des extrémités, regardant la répartition d'un œil morne, Tim fut presque triste pour lui qui n'avait jamais connu et qui ne connaitrait jamais ce grand moment – mais il se détourna bien vite de lui. Au centre de la table, dans un large fauteuil qui semblait en or massif, trônait Ginevra Weasley. Tim la reconnut immédiatement parce qu'Andreas lui ressemblait vraiment beaucoup. La même chevelure rousse, les mêmes tâches de rousseurs – il n'y avait que les yeux et la forme de leur visage qui changeaient légèrement mais on voyait clairement de qui Andreas avait hérité, qu'importait qui était son père.

- Malfoy, Hélia !

Tim vit la petite fille blond platine qu'il avait observée à Londres, à King Cross. Son port était toujours aussi altier lorsqu'elle s'avança vers le tabouret et elle sauta sur le tabouret avec grâce et élégance. Plusieurs personnes tendirent le cou, d'autres murmurèrent entre eux des « Une Malfoy ? ». Tim fronça les sourcils, ne comprenant pas pourquoi cela était aussi polémique. Bien sûr, il avait entendu parler des Malfoy, surtout parce que l'orphelinat avait reçu un don plutôt généreux du patriarche – c'était une famille de sang-pur mais, à part ça, il ne voyait pas le problème.

Le Choixpeau toucha à peine la tête blonde de la fille qu'il cria « SERPENTARD ! ». Les réactions firent mitigées, même au sein de leur propre maison, mais Tim se força à montrer autant d'enthousiasme qu'avec n'importe qui d'autre – mais ça ne sembla pas perturber Hélia qui s'avança comme si elle était une princesse et s'installa simplement à une place libre, se tournant déjà vers le professeur Thomas qui appelait Moon, Louise.

Avant qu'il n'ait eu le temps de dire « ouf », il ne restait plus que trois élèves à attendre d'être réparti et Tim remarqua vraiment que même si les tables étaient pleines, elles étaient relativement réduites – il pensait qu'elles s'étaleraient sur toute la longueur de la Salle mais ce n'était pas le cas, comme s'il n'y avait pas assez d'élèves. Et surement était-ce la cas… Vivre en temps de guerre ne poussait pas les gens à faire des enfants – le babyboom d'après Potter serait pour la promotion prochaine. Là, Tim ne doutait pas qu'il y aurait beaucoup plus de monde que les pauvres trente-deux premières années d'aujourd'hui. Déjà, il y en avait une bonne dizaine à l'orphelinat qui feraient leur entrée à Poudlard, l'année prochaine.

- Weasley, Andreas !

Il y eut un silence tendu puis la Salle explosa en chuchotis, une nouvelle fois. Tim serra les mains pour s'empêcher de leur dire de la fermer – son nouvel ami devait déjà être assez stressé comme ça, il n'avait pas besoin d'entendre les autres parler sur lui. La directrice se pencha en avant, attentive, et Tim se demanda si toutes les mères auraient réagi comme ça, si elles avaient assisté à la répartition.

- SERPENTARD !

Le visage de la femme se crispa une demi-seconde avant qu'un petit sourire remplace son rictus contracté – si vite que Tim pensa qu'il l'avait imaginé. Andreas se jeta sur ses pieds et rejoignit la table. Tim applaudit bruyamment alors que son ami se laissait tomber sur une chaise à côté de lui, un soupir de soulagement s'échappant de sa gorge.

- Félicitations, lui dit-il doucement.

- Merci, Tim ! Je suis content que tu sois là, toi aussi.

Ils s'échangèrent un sourire avant de se tourner vers la Table Professorale où Ginevra, debout, avait écarté les bras pour demander le silence.

- Bienvenue ! s'exclama-t-elle d'une voix forte. Bienvenue à tous pour cette nouvelle année à Poudlard. Un vieux sage m'a dit un jour qu'on ne retenait rien avec le ventre vide alors je vous laisse avec le fabuleux banquet que vous attendez ! Bon appétit, mes enfants.

Tim regarda la directrice se rassoir, le cœur battant un peu plus vite dans sa poitrine. Elle avait l'air parfaitement à l'aise dans son rôle de directrice. Tout le monde l'écoutait, et sa voix douce réussissait à capter une audience remplie d'enfants – un exploit. A l'orphelinat, les dames à la cantine devaient toujours crier pour se faire entendre. Madame Weasley avait l'air d'être quelqu'un de bien – quelqu'un en qui il pourrait sans doute avoir confiance.

Un « oooooh » attira son attention sur la table où venaient d'apparaitre des dizaines de plats différents qui avaient l'air délicieux. Steak, roast-beef, poulet, légumes divers et variés, gratin, pommes de terre dorées au four, frites, riz, pâtes, sauce onctueuse, lard… Merlin ! Il n'avait jamais eu l'occasion de voir autant de nourriture sur une même table. C'était… merveilleux. Il dut rester bouche-bée parce qu'Andreas lui donna un petit coup de coude dans les côtes, suffisamment fort pour le réveiller mais assez doucement pour ne pas lui faire mal.

Tout en lui souriant, il se servit dans différents plats – il n'aurait jamais imaginé que la première soirée à Poudlard pourrait être aussi parfaite. Si on oubliait le moment où il avait dû passer devant tout le monde, il aurait presque pu croire que c'était un rêve. Quoi que… même dans ses rêves les plus fous, il n'aurait pas pu imaginer pareil instant. Tout était tellement fantastique, magique. Il espérait que l'attrait de la nouveauté ne se dissiperait pas et qu'il reviendrait tous les ans aussi impressionné. Le grand château deviendrait sa maison, il n'en doutait plus maintenant – Serpentard serait sa famille, comme le professeur Thomas l'avait dit. Et ça serait bien… Vraiment, vraiment bien.

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TBC ! N'hésitez pas à laisser vos commentaires, vos avis, je répondrais à chacun d'entre vous (et promis je ne mords pas ^^)

Le chapitre 2 arrivera en novembre

Bonne journée les gens :)