Chapitre 7

Kara atterrit derrière un arbre d'un coin isolé du parc central de National City où elle avait abandonné Oliver pour s'occuper d'un incendie dans une usine en bordure de ville. Elle avait été réticente à le laisser seul vu son état mental mais il l'avait convaincue d'un regard à la fois assuré et menaçant qu'elle n'avait pas à s'en faire pour lui et qu'elle n'avait pas intérêt à même suggérer de faire passer son bien-être à lui avant la vie de quiconque. Il savait se montrer effrayant. Pas étonnant que les criminels craignaient Arrow.

Kara parcourut le sentier en examinant ses alentours à la recherche de son ami. Elle avait décidé de le faire sortir de son appartement pour qu'il ne soit plus isolé avec ses idées noires et qu'il se rappelle que le monde n'était pas que souffrance. Il était temps de lui faire voir les couleurs.

Le nœud dans son ventre se dénoua lorsqu'elle le retrouva après quelques minutes de marche rapide. Assis sur un banc, malgré son bras en écharpe, Oliver semblait presque… paisible. Le contraste avec ses pensées suicidaires du matin était saisissant et un poids se souleva de son cœur. Enfin, il n'était plus en permanence hanté par son ravisseur.

Il l'accueillit avec un de ses presque sourires et elle prit place à ses côtés. Il s'était installé sous un grand arbre fleuri, devant l'immense espace vert où des gens pique-niquaient, des enfants jouaient et des chiens se défoulaient. Le gazouillement des oiseaux, le bruissement des feuilles, les exclamations de joie des familles les entouraient. Retrouver l'air frais, la nature et l'insouciance des gens lui avait fait un bien fou après ses jours d'enfermement forcé, d'abord avec un psychopathe, puis avec ses propres idées noires.

-Tu as réussi à gérer l'incendie sans problème ?

Kara passa directement une mèche de cheveux sous son nez. La fleur d'oranger de son shampoing remplaçait bien l'odeur âcre de fumée qui lui avait collé à la peau, mais clairement, son ami aux sens affûtés en décelait encore des traces.

-C'est pas vrai, je sens encore la fumée ? J'ai pris l'équivalent de deux douches, en super vitesse mais ça compte quand même, je me suis changée et parfumée, et tu devines en une seconde que j'étais recouverte de suie et…

Elle s'arrêta net en voyant son expression amusée.

-Quoi ?

-Tu sens très bon Kara, la rassura-t-il. Tu m'as parlé d'un incendie avant de t'envoler tout à l'heure.

-Oh.

Elle aurait rougi d'embarra si elle n'était pas si heureuse de revoir enfin un semblant de joie sur le visage de son ami. Elle lui assura qu'il n'y avait pas eu de victime et qu'elle avait aidé les pompiers à éteindre le feu, ils étaient habitués maintenant à la voir débarquer à l'improviste et à travailler avec Supergirl. Oliver l'écouta, ajoutant quelques commentaires ça et là. Maintenant qu'elle savait que ses histoires l'aidaient à étouffer la voix de son tortionnaire, elle s'y donnait à cœur joie.

Alors qu'elle lui décrivait à force de grands gestes comment elle avait un jour attrapé au vol une poutre enflammée qui allait s'écraser sur un couple coincé, un ballon roula jusqu'à leurs pieds et Oliver l'attrapa adroitement de sa main libre. Un garçon de cinq ou six ans s'approchait en courant et s'arrêta à quelques mètres d'eux les bras tendus lorsqu'il vit qu'Oliver s'apprêtait à lui lancer sa balle perdue. Sans surprise, malgré son bras en écharpe et la distance qui les séparait encore, son ami effectua un lancer parfait.

Le petit cria un merci monsieur avant de repartir à toute allure rejoindre sa famille. Sa mère assise sur un drap étendu sur la pelouse avait observé leur échange et leur adressa un signe de tête en guise de remerciement. Le garçon lança le ballon à son frère avant de se ruer vers sa mère pour lui parler avec animation. L'air à la fois exaspérée et fière, elle fouilla dans son sac et lui tendit quelque chose. Le petit sauta presque d'excitation et fit demi-tour, courant vers eux à toute allure.

-Qu'est-ce qu'il se passe ? murmura Oliver avec une note d'inquiétude dans la voix.

Kara n'en savait rien et haussa les épaules, intriguée elle aussi. Tout souriant, le garçon s'arrêta juste devant Oliver et tendit la main devant lui.

-C'est pour vous.

Un bonbon.

C'était juste adorable et son cœur fondit devant ce geste de générosité enfantine. À côté d'elle, Oliver restait figé et le garçon se mordilla la lèvre, gêné devant son regard pénétrant et son silence. Kara lui donna un coup de coude discret qui lui délia la langue même s'il ne fit aucun geste vers l'enfant.

-Je t'ai juste renvoyé le ballon, c'était rien, tu n'as pas à me remercier ou à me donner quoi que ce soit.

Évidemment, Oliver ne pouvait pas simplement accepter un petit cadeau de remerciement.

-C'est pas pour ça, j'ai déjà dit merci, répondit-il candidement. Ces bonbons c'est les meilleurs, maman m'en donne toujours quand je me fais mal. Ça aide à guérir plus vite.

Il leva la main un peu plus haut, enjoignant Oliver à prendre sa friandise miracle qui guérirait son épaule. Un nouveau coup de coude le fit réagir et il la prit cette fois, et le petit leur fit un grand sourire qui dévoila toutes ses dents, dont quelques-unes étaient manquantes. Vraiment trop mignon.

-Merci mais ne t'inquiète pas, ça ne me fait pas mal.

-Alors pourquoi vous êtes triste ?

Le dicton disait vrai. La vérité sortait de la bouche des enfants. Même si Oliver allait dix fois mieux que ces derniers jours, il était loin d'être heureux. L'épuisement et la lassitude semblaient avoir marqué ses traits de manière indélébile. Mais les quelques lueurs de joie et d'apaisement qu'elle avait vues cet après-midi lui assuraient qu'il allait se relever après l'épreuve horrible qu'il venait de vivre.

-Je ne suis pas…

Cela ne servait à rien de le renier et Kara le coupa en se penchant légèrement vers le garçon.

-C'est vrai que mon ami a passé quelques mauvais jours. Mais son bras guérit doucement et il n'est pas tout seul pour s'en remettre, je suis là pour l'aider. Et je suis sûre que ce bonbon va vraiment lui remonter le moral.

Le petit hocha vivement la tête, observant Oliver avec sérieux.

-Il faut le manger.

Pour ne pas le décevoir, il le déballa et porta le bonbon à sa bouche sous son regard appréciateur. Satisfait, le garçon leur dit au revoir et repartit en courant comme il était venu. Kara aurait bien plaisanté de la situation, ce n'était pas tous les jours que Green Arrow recevait les ordres d'un enfant et mangeait une friandise, mais elle craignait de gâcher le moment. À la place, elle garda les yeux sur le petit garçon qui jouait à nouveau au ballon avec son frère.

-C'était vraiment adorable.

-Oui, murmura-t-il avant de plier l'emballage du bonbon pour le glisser dans sa poche, perdu dans ses pensées, un léger sourire à la commissure des lèvres. Adorable.

Ce matin, il s'était libéré d'un poids insupportable en lui révélant enfin ce qui le rongeait de l'intérieur, en lui révélant ses pensées les plus sombres alors qu'il tombait en morceaux dans ses bras. Après ça, prendre l'air, avoir un aperçu du monde qui l'entourait, loin des ennemis qu'il combattait, l'avait aidé à repousser les démons qui le hantaient.

Et ce petit garçon venait de lui redonner foi en l'humanité, de lui rappeler pourquoi il se battait tant au quotidien.

Oliver allait se relever, et il serait plus fort que jamais.