Chapitre 60 : Promenons-nous dans les bois
Résumé :
Le but d'Aérith et Séphiroth est simple : convaincre Carbuncle du danger que représente Hojo et Sin.
Mais s'ils demandaient à Fran, elle serait brutalement honnête : Les viéra ont un point commun avec les mules et ce ne sont pas les oreilles.
Et maintenant qu'ils sont tous sur un aéronef qui n'est pas si grand que ça, la cohabitation entre Séphiroth et le reste d'Avalanche est mise à rude épreuve.
Surtout avec un petit blond buté qui pourrait lui aussi avoir des oreilles de viéra vu l'épaisseur du crâne qu'il y a dessous.
Personnages :
Team Avalanche, Team Haut Vent, les viéra
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Vous connaissez le deal, relations familiales dysfonctionnelle à gogo, mais Vincent progresse, Séphiroth patauge, référence à de l'expérimentation humaine ou assimilés, expérimentation sur enfants, jeunes ou futurs parents ne lisez pas, freestyle sur la culture des viéra, Carbuncle est un viéra, c'est non négociable, de toute façon il a un design totalement différent à chaque jeu alors je fais ce que je veux, Séphiroth a dix-neuf ans d'âge mental et presque autant de trauma, il faut l'ouvrir avec une pince à huître pour qu'il partage ses émotions, Fran et Balthier s'aiment, ça aussi c'est non négociable, ils ne sont juste pas doués avec ce petit truc nommé monogamie, mais ils sont partageurs.
La forêt était…
Séphiroth n'avait pas d'autres mots qui lui venaient à l'esprit que monstrueuse.
Tout était gigantesque. Les arbres faisaient l'épaisseur et la hauteur d'un pilier de la Plaque, les lianes étaient larges comme ses bras et la plus petite des feuilles aurait pu lui servir de chapeau. Çà et là, il apercevait des ruines, ou des morceaux d'architectures en pierre à moitié dévorées par la mousse et les plantes, mais rien qui ne semble occupé.
Ils avaient marché au milieu de brins d'herbes grands comme des épées au début, mais petit à petit, les viéra les avaient guidés sur des passerelles de bois vivant, de lianes enroulées autour de troncs gigantesques et ils étaient maintenant au niveau des branches basses, et pourtant à l'équivalent de plusieurs étages de haut.
Séphiroth espérait que la faune locale n'était pas du même acabit.
Il aperçut un mouvement du coin de l'œil et se tourna vivement dans sa direction, mais ne vit qu'une forme humanoïde et dégingandée, surmontée de longues oreilles avant qu'elle ne disparaisse à nouveau derrière les feuilles, accompagné de bruit d'un pas léger et précipité. Il voulut se lancer à sa poursuite, mais Fran le retint délicatement d'une main sur le torse.
"Non."
"Qui…"
"Viéra. Un jeune, il était curieux."
Un jeune viéra ? A la taille, Séphiroth aurait dit un adulte mais…
Il jeta un regard autour de lui.
Les viéra qui les entouraient étaient aussi grandes, parfois même plus que Fran. Peu étaient plus petites. Quelques-unes pouvaient le regarder dans les yeux.
Aérith faisait vraiment minuscule au milieu d'elles.
Il se rapprocha d'elle et sa cousine lui jeta un regard reconnaissant.
Et il y avait ce murmure permanent dans ses oreilles. Quelque chose qui soufflait et qu'il avait parfois l'impression d'arriver à comprendre, mais qui, l'instant d'après, ne semblait plus être qu'un mouvement dans les branches.
Ils avançaient, un pas devant l'autre, de plus en plus haut, accompagnés du murmure, passant des silhouettes ailées gravées dans l'écorce, des lianes et des feuilles qui s'écartaient devant eux et se refermaient après leur passage, toujours un pas après l'autre, sans arriver à voir les heures qui passaient dans la pénombre des feuilles, sans savoir depuis combien de temps ils marchaient…
Et tout d'un coup, ils se retrouvèrent dans la lumière, dans le village.
Tout était construit en hauteur, sur des plateformes suspendues autour des troncs par d'épaisses lianes. Des huttes étaient construites autour de plus petits troncs, certains évidés pour accueillir ce qui ressemblait à des greniers ou des réserves, et partout, où que Séphiroth regarde, il y avait des viéra qui les fixaient du regard.
Certaines portaient des armures de cuir et des armes, surtout des arcs, mais la plupart étaient vêtues d'habits légers et de bijoux délicats posés à même leurs peaux.
Dame Jote les guida jusqu'à ce qui devait être la place centrale du village avant de se tourner vers eux.
"Je dois conférer avec le Bois. Je vous prierais de m'attendre ici."
Elle adressa un dernier regard sévère à Fran avant de se détourner, lançant un ordre à deux jeunes viéra qui s'inclinèrent avant de disparaître à leur tour, laissant Jote repartir sans un mot supplémentaire.
"Il vaut mieux obéir. Jote est juste, mais sévère," répondit Fran.
"Tu la connais bien ? " s'étonna Aérith.
Fran chercha ses mots longuement, si longuement qu'Aérith crut qu'elle n'allait pas répondre avant de finalement se décider.
"Elle est… ma sœur aînée. Elle m'a élevée."
Ah. Ça expliquait peut-être un peu plus l'attitude de Jote, mais Fran ne s'attarda pas plus sur la question, s'effaçant comme les deux viéra revenaient, proposant coussins, fruits et boissons aux deux visiteurs.
Séphiroth ne connaissait pas leurs usages, mais ça ne pouvait pas faire de mal d'accepter. Fran leur montrait comment éplucher un fruit inconnu quand il sentit quelque chose contre sa cheville.
Il baissa les yeux.
Un petit viéra venait tout simplement de poser son derrière près de ses pieds et était en train de défaire ses lacets, admirant les nœuds avec curiosité et jouant avec les sangles sur ses bottes. Séphiroth n'était pas très doué pour deviner l'âge des enfants et celui-ci avait déjà une silhouette plus élancée qu'un enfant humain, aussi n'arrivait il pas à déterminer son âge, mais il n'aurait pas dit plus de trois ans. Quatre à la rigueur. Le petit commençait à tirer sur sa botte pour la lui retirer quand une viéra approcha en roucoulant, le ramassant d'un geste déterminé malgré les couinements de protestation de son… enfant ? Son cadet ? Elle s'excusa devant Séphiroth d'une brève inclinaison de la tête avant de retourner dans une des huttes, l'enfant sous le bras piaillant d'indignation.
"Il n'y a pas de chaussures ici," expliqua Fran.
"Je vois," répondit Séphiroth avant de s'agenouiller pour refaire son lacet.
"C'était adorable," déclara Aérith d'un ton attendri. "Tu es comme Vincent, les enfants t'adorent."
"Malgré moi," grommela Séphiroth en se relevant.
"C'est ce que je dis : comme Vincent," rétorqua sa cousine avant de regarder autour d'elle. "Fran ? "
"Oui ? "
"Pourquoi il n'y a que des femmes et des enfants dans le village ? "
Séphiroth se posait la même question. Depuis qu'ils étaient entrés, il n'avait vu que des femmes.
Des femmes de tout âge, de l'adolescente tout juste pubère à la femme âgée, aux muscles fondus par l'âge et au visage raviné, mais toutes se tenant droites et fières, quel que soit leur âge.
Et à part les enfants, pas un seul homme.
En fait, à y regarder de plus près, Séphiroth n'arrivait pas à déterminer quels enfants étaient des garçons ou des filles. Il n'y avait pas de différence de coiffure, ni de vêtements entre eux. Et les viéra n'avaient apparemment pas la tendance des mères humaines à imposer certaines couleurs à leurs fils ou filles selon leur sexe[1]. Le vert prédominait dans les habits des enfants, probablement pour des raisons de camouflage. Ils portaient le plus souvent un pagne, parfois une espèce de kilt pour les plus grands, ce qui devait être une couche pour les plus petits, mais à partir de l'adolescence, il n'y avait que des filles.
"Les mâles ne vivent pas au village," expliqua Fran.
Devant le regard abasourdi d'Aérith et celui intrigué de Séphiroth, elle tenta d'élaborer.
"Ils vivent dans la forêt pour la protéger. Ils ne viennent ici que si l'un d'eux a besoin de soin, pour s'accoupler, ou venir chercher les enfants qui deviennent des garçons."
Il devait y avoir une subtilité culturelle qui échappait à Séphiroth. Et une belle.
"Devenir des garçons ? " répéta-t-il.
"À la naissance, les viéra ne sont ni mâle, ni femelle," expliqua Fran.
Elle laissa échapper un petit sourire à la surprise apparente des deux cetra.
"Ça vient plus tard. À la puberté."
Ça… expliquait beaucoup.
"C'est possible ? " s'étonna Séphiroth.
Aérith haussa les épaules d'un air aussi abasourdi que lui.
Autour de la place où ils attendaient, la foule commençait à s'approcher, les observant avec curiosité.
"Elles n'ont jamais vues d'autres peuples que les viéra, c'est ça ? " demanda Aérith.
Fran hocha la tête, puis se tourna en direction de Jote qui revenait. La grande viéra avançait vers elle de son pas calme mais se figea soudain et se tourna, attrapant une viéra plus jeune par les bras avant de la pousser dans une des huttes en lui donnant un ordre d'un ton brusque. Aérith frissonna en sentant la colère et la peur de la grande viéra, vite suivie de la détresse de la plus jeune quand la porte se ferma, l'empêchant de sortir. Elle voulut demander à Fran ce qui se passait mais elle stoppa nette en reconnaissant la vague d'émotion qui traversait leur amie.
De la honte, du regret…
Et tout disparut quand Fran reprit le pas sur ses émotions.
Jote approcha, elle aussi calme à nouveau, mais balayant encore des vagues de peur hors de son esprit.
"Le Bois est prêt à vous recevoir," déclara Jote avant de se tourner, prenant la tête de leur groupe.
Fran inclina la tête et fit signe à Aérith et Séphiroth d'avancer, restant derrière eux.
Lorsqu'ils passèrent près de la hutte, Séphiroth entendit une voix d'adolescente à travers la porte, mais quand il se tourna vers Fran, celle-ci gardait la tête baissée, se contentant de les suivre, ignorant la voix de la prisonnière.
"Fran ! Franwë ! "
Jote les guida jusqu'à l'arbre le plus grand et le plus large qu'ils aient vu jusque-là. Son écorce était marquée par les ans, le tronc et les branches envahis de mousse et de rubans colorés et une porte s'ouvrait dans le tronc même, non pas creusée artificiellement, mais comme un creux naturel, un nid d'animal.
Et Séphiroth avait presque l'impression de sentir son bois frémir sous ses pieds. Il baissa les yeux sur Aérith qui leva les siens vers lui, lui adressant un petit sourire.
"Tu sais ce qui se passe ? "
"Pas la moindre idée," répondit Aérith. "Mais…"
Elle ferma les yeux et inspira profondément, posant la main sur son cœur et refermant ses doigts sur quelque chose caché sous son pull.
"Nous ne sommes pas en danger. Je ne ressens que de la sérénité. Du calme."
Rufus aurait dit que Séphiroth ne savait pas ce qu'était la sérénité si elle venait sous la forme d'une matéria et avec un mode d'emploi. Pas étonnant qu'il ne reconnaisse pas les émotions du Bois.
Et il ne reconnut pas de sérénité du tout quand Jote se tourna vers Fran, levant une main pour lui interdire d'avancer.
"Tu n'entends plus le Bois. Tu n'as plus le droit de le voir."
Fran inclina la tête et allait se tourner pour revenir sur leurs pas quand la main de Jote se referma sur son bras et qu'elle l'approcha rudement d'elle, lui parlant à l'oreille d'un ton vindicatif.
"Je t'interdis d'entrer en contact avec Mjrn, compris ? "
"Ne lui faites pas de mal ! " supplia Aérith.
"Les viéra ne blessent pas les viéra," rétorqua Jote avant de tourner le regard vers Fran, "même quand elles abandonnent leur famille."
À nouveau, Aérith sentit de la honte venant de Fran, mais la viéra sembla accepter la condamnation avec dignité, se contentant d'incliner la tête et d'aller s'agenouiller près de la porte. Séphiroth voulu protester mais Fran secoua doucement la tête, lui faisant signe de suivre Jote et il finit par s'exécuter, emboitant le pas à Aérith à travers le creux dans l'écorce.
Un escalier était creusé dans le tronc de l'arbre, s'enroulant dedans comme une spirale, suffisamment haut pour que Séphiroth puisse passer, mais avec des marches étroites, l'obligeant à poser ses grands pieds de travers pour descendre. Même Aérith devait faire attention pour descendre, là où Jote marchait avec grâce et élégance.
Et quand ils touchèrent le sol de la forêt à nouveau, ils se trouvaient dans une cuvette au centre de laquelle poussait l'arbre, ses racines enserrant une espèce de masse verte cristalline, hérissée de pointes. Tout autour, les racines s'étaient étendues, emplissant tout l'espace disponible dans un nœud serré, empêchant quiconque d'approcher. Même la lumière était tamisée sous les racines et si Séphiroth voyait parfaitement, ce n'était pas le cas d'Aérith qui buta à plusieurs reprises sur les irrégularités du sol, jusqu'à ce qu'il finisse par la prendre en pitié et lui tende la main pour la guider.
Jote les fit contourner l'arbre, passer sous une grande racine et ils trouvèrent enfin l'Ancien des viéra.
Séphiroth se figea, retenant Aérith pendant que Jote allait s'agenouiller près de lui.
Pas étonnant que Carbuncle ne soit pas venu à la Réunion des Anciens.
C'était lui, la masse verte autour de laquelle poussait l'arbre.
Ses oreilles frémissaient au rythme du souffle dans la tête de Séphiroth et Aérith.
Au rythme des feuilles de l'arbre qui poussait…
Mana.
…L'arbre poussait dans son corps.
Et l'Ancien était toujours vivant.
"Qu'est… Qu'est-ce qu'il a ? " murmura Aérith.
"Il nourrit la forêt de sa substance," répondit Jote en caressant doucement la tête de l'Ancien.
C'était à peine mieux que ce qu'il craignait.
Séphiroth approcha d'un pas supplémentaire, sans lâcher Aérith qui, pour une fois, resta sagement près de lui, observant tout deux l'Ancien.
Il y avait des similitudes avec les Guardian-forces, ou les illustrations des livres pour enfants.
Il avait de puissantes pattes arrière, comme celles d'un lièvre, faites pour bondir, de longues oreilles, et la lumière de la pierre rouge sur son front pulsait doucement, mais il était…
Grand. Élancé. Sa fourrure était rude et hérissée, d'un aspect plus minéral qu'animal. Même replié qu'il l'était sur lui-même, il avait l'air d'un prédateur, d'une créature faite pour se battre, il n'avait pas l'attitude pataude des carbuncles d'Esthar, leurs attitudes presque enfantines…
Et tout d'un coup, Aérith se demanda, aussi horrible que ce soit, ce que serait la limite d'un enfant viéra.
S'ils deviendraient d'adorables petites peluches aux grandes oreilles, couronnés de pierres rouges.
Elle allait brûler les laboratoires d'Esthar.
Un par un.
Et les jumeaux aideraient.
Un œil de la taille de son poing s'ouvrit.
Séphiroth s'interdit de réagir mais Aérith n'avait pas sa maîtrise et se pendit aussitôt à son bras avec un cri de surprise.
Le souffle se transforma en petit rire.
"Suis-je si terrifiant que ça ? "
Oh, mana, c'était perturbant d'entendre à la fois la voix de l'Ancien et le souffle dans sa tête, comme un écho l'un de l'autre.
"Je… nous n'avons pas l'habitude… de parler avec un Ancien," finit par répondre Séphiroth avant de se rappeler de baisser les yeux.
Il y avait des coussins posés sous le corps de l'Ancien, glissés aussi loin qu'on pouvait sous lui, une dérisoire protection contre la dureté du sol. Des rubans colorés enveloppaient les racines, la mousse avait été soigneusement retirée de l'écorce autour de lui.
Quelqu'un avait aménagé son environnement, avait tenté de le rendre plus confortable.
Il tourna la tête, essayant de regarder les deux cetra d'en face avant de toucher le bras de Jote du bout du museau.
"Jote, de l'eau je te prie."
"Tout de suite, Père," répondit la viéra en se levant.
Elle s'éloigna, jetant un regard à Séphiroth et Aérith avant de disparaître derrière une racine.
Message reçu, s'ils faisaient quoique ce soit qui bouleverserait l'Ancien, ils allaient le regretter.
"Je vous prie de m'excuser de ne pas être venu à votre rencontre," déclara Carbuncle.
"Vous êtes… tout excusé," déclara Aérith avec un regard à l'arbre.
Vu d'en bas, il semblait encore plus majestueux et gigantesque que lorsqu'ils étaient dans ses branches. Aussi proche de l'Ancien, elle pouvait sentir son mana couler dans la sève, comme la Rivière coulait dans le sol de Gaïa.
"Que vous est-il arrivé ? " demanda Aérith en levant la main pour toucher la racine la plus proche.
Séphiroth lui attrapa la main vivement avant de l'attirer fermement près de lui. Il fallait qu'il ait une petite conversation avec sa cousine au sujet de toucher des choses inconnues, saturées de mana et potentiellement dangereuses.
"C'est un arbre mana," répondit Carbuncle, tournant à peine la tête pour suivre le mouvement du regard, "il se nourrit de mon flux vital et fait pousser la forêt de Golmore."
"Mais… mais pourquoi ? "
"Pour protéger le Temple, comme la Déesse me l'a demandé," répondit Carbuncle avant de tourner le museau autant qu'il pouvait quand Jote s'agenouilla à nouveau devant lui, lui présentant une grande coupe de bois remplie d'eau pure.
Séphiroth put voir la racine qui plongeait dans sa gorge comme un tendon quand il tendit le cou pour laper l'eau dans la coupe. Il but tout son saoul, puis gratifia Jote d'un coup de langue sur le poignet en guise de remerciement. Elle inclina la tête, posant son front sur celui de l'Ancien avant de se relever, retournant ranger l'ustensile.
"Pour offrir un toit et de la subsistance à mes enfants," continua Carbuncle, reposant sa tête sur ses pattes, "pour qu'ils puissent vivre dans la désolation de Golmore."
Il inspira profondément, refermant les yeux et les branches au-dessus d'eux bruissèrent légèrement, amplifiant la voix de l'Ancien. Jote revint, s'agenouillant à nouveau près de son…
Elle l'appelait Père. Est-ce que c'était une marque de respect ? Un titre intraduisible en commun comme certains mots wutan ? Ou est-ce qu'elle était vraiment sa fille ? Est-ce que Fran était sa fille ?
Carbuncle rouvrit les paupières, dévisageant Aérith, puis Séphiroth.
"Je n'espérais plus revoir de cetra un jour. Qu'est-ce qui vous amène au village d'Eruyt ? "
Aérith fit tourner nerveusement son sceptre entre ses doigts avant de tourner la tête vers Séphiroth qui se dévoua en rassemblant toute la déférence et le tact qu'il avait pu apprendre de Basch.
"Est-ce que… Est-ce que Dame Jote vous a raconté la réunion des Anciens ? " commença-t-il.
Le fauve vert hocha doucement la tête avant d'appuyer son menton sur les genoux de Jote qui leva la main pour la poser sur son front, tout près du rubis enchâssé en son centre.
"La Calamité est de retour," répondit Carbuncle.
"Hojo… son… esclave a la clef du temple du météore."
"Ça n'a que peu d'importance."
Ce n'était pas exactement ce qu'Aérith s'attendait à entendre.
"Mais… mais elle risque d'obtenir le contrôle du météore…" intervint-t-elle.
"Personne ne peut obtenir Météore sans y laisser la vie," corrigea Jote.
Carbuncle hocha doucement la tête, laissant Jote lui caresser les oreilles.
"Météore est une puissante magie, l'arme ultime de la planète. Minerva a tout fait pour qu'elle ne tombe pas entre de mauvaises mains."
Séphiroth ne put s'empêcher de frissonner au nom de la Déesse, mais il ne sentit pas sa conscience s'effacer devant celle de l'Ancienne Morte. Elle n'était pas là.
Il se sentit rassuré jusqu'à réaliser que c'était probablement parce qu'elle était retournée dans la tête de son fils.
"Cacher la clef n'était qu'une précaution supplémentaire," reprit Carbuncle, "personne d'autre que la Déesse ne peut prendre la matéria."
"Hojo a déjà attaqué Golmore ! " reprit Aérith d'un ton suppliant, "demandez à Jote ! "
"Je sais, c'est moi qui ai guidé mes enfants aux créatures qui ont attaqué le Bois."
Aérith et Séphiroth levèrent tous deux un regard dubitatif vers l'arbre. Carbuncle commença à bouger, plantant ses griffes devant lui jusqu'à pouvoir se tenir en sphinx. Il redressa la tête, touchant le tronc de l'arrière de son crâne, surplombant même Séphiroth et baissa le regard vers les deux cetra.
"Je vois tout ce qui approche des arbres de la forêt. Je sens tout ce qu'ils ressentent. Tout intrus qui pose un pied sous la futaie se trouve sous mon regard."
Le vent ne murmurait plus maintenant. C'était une tempête, un cyclone dont l'œil se trouvait juste devant eux, prêt à les balayer, tout cetra et surhumains qu'ils soient.
Et puis Carbuncle soupira et ferma les yeux, se recouchant en croisant ses pattes avant, le menton sur les genoux de Jote.
"Avant d'arriver au temple, les esclaves de la Calamité devront échapper à ma vigilance et celle de mes enfants. Et même s'ils parvenaient à entrer dans le bâtiment et à échapper à ses pièges, il est impossible d'emporter la matéria sans y laisser la vie."
"Les viéra ont protégé le temple pendant des milliers d'années," intervint Jote de sa voix calme, "avant même que Minerva tombe sous les attaques de la Calamité. C'est la raison pour laquelle nous existons. Nous protègerons le Temple jusqu'à notre dernier souffle."
"Et c'est ce qui risque d'arriver," rétorqua Séphiroth. "Vous ne savez pas de quoi Hojo est capable."
Carbuncle rouvrit les yeux, dévisageant Séphiroth d'un regard intrigué.
"Le connais-tu bien ? "
"Il m'a…élevé," répondit Séphiroth d'un ton sarcastique, "il s'est fait passer pour mon père. Je l'ai vu créer ses monstres. Je l'ai vu injecter… Je crois que vous appelez ça : recevoir le sang de la planète…"
Le fauve se redressa vivement, les oreilles aux aguets et l'expression de Jote s'assombrit. Comme il le pensait, être augmenté ne devait pas être bien vu auprès des Anciens.
"Tu n'as pas reçu un don de Minerva," comprit Carbuncle.
Séphiroth secoua la tête.
"J'avais six ans."
Jote serrait les mâchoires, sa main aux longs doigts refermée sur une touffe de fourrure verte.
Carbuncle resta quelques instants immobile, pensif, le vent dans les branches semblant enfler pendant sa réflexion, mais une fois sa décision prise, il finit par reprendre la parole d'un ton ferme.
"Restez à Eruyt. Les viéra vous protègeront."
"Je ne veux pas de protection," rétorqua aussitôt Séphiroth d'un ton cinglant.
Aérith tendit la main vers lui, mais hésita à le toucher un bref instant avant d'oser poser la paume sur son poignet.
Elle avait les mains fraîches.
Mais elle n'utilisa pas le bouclier de sacre pour le calmer. Juste un contact de sa main et un regard implorant.
C'était presque aussi efficace.
Séphiroth inspira longuement et baissa la tête, tournant à nouveau le regard vers les pattes de l'Ancien.
"Je vous demande pardon."
L'Ancien baissa lui aussi le museau en guise d'excuse, le geste étonnement humain sur son corps d'animal, comme Nanaki ou Umbra quand ils s'adressaient aux humanoïdes autour d'eux.
"Je ne voulais pas t'offenser, je m'en excuse," finit par déclarer le fauve.
Aérith tapota doucement le poignet de Séphiroth avant de le lâcher, mais resta près de lui, prête à intervenir à nouveau au besoin.
"Je ne conteste la façon dont les viéra accomplissent leur devoir," finit-t-elle par déclarer, "ce serait à… à Dame Minerva seule de le faire si Elle le souhaitait."
Cela sembla apaiser un peu la tension. Bon, visiblement, Aérith avait mis le doigt sur le problème.
Évidemment, les viéra avaient consacré des siècles, si pas des millénaires à leur tâche. Voir soudain arriver des inconnus remettre en question leur façon de faire n'allait pas passer facilement.
"Laissez-nous… vous aider," reprit Séphiroth.
Jote pencha doucement la tête sur le côté, une oreille dressée, l'autre dirigée vers Carbuncle.
"Hojo va revenir à l'assaut, croyez-moi. Tant qu'il ne sera pas sûr que le temple ne soit pas à Golmore, il continuera d'attaquer."
"Nous n'entrerons pas dans le Bois sans votre autorisation," continua Aérith, "nous n'approcherons même pas du temple si vous le souhaitez, laissez-nous juste… rester à Golmore. Laissez-nous protéger la forêt de l'extérieur."
Jote tourna la tête vers son Ancien qui ferma à demi les yeux.
Le souffle dans les branches s'intensifia et les deux cetra tendirent l'oreille, essayant de comprendre ce qui se disait.
"Mais qu'est-ce qu'ils font ? " maugréa Zack.
"Zack, reste ici," ordonna Barret d'un ton las, pour ce qui devait être la dixième fois en deux heures.
"J'y vais," soupira Cloud en se levant du rocher sur lequel il était assis, rejoignant son jumeau à petites foulées pour l'intercepter avant qu'il ait pu entrer dans la forêt.
Les viéra de l'autre côté des arbres commençaient à ne plus tolérer les incursions de Zack, s'il devait en croire les flèches qui se plantaient de plus en plus près, à chacune de ses tentatives d'entrer chercher Aérith.
La dernière en date se planta littéralement entre les deux pieds de Zack, sa hampe ondulant un moment avant de s'immobiliser.
"Hé ! " protesta Zack.
Cloud l'attrapa par le bras et l'entraîna en arrière, lançant une excuse par-dessus son épaule tout en poussant Zack vers le reste de leur troupe.
Malheureusement, il était le seul à pouvoir empêcher Zack de se fourrer dans les ennuis cette fois, vu que Cid, seule autre voix de la raison que Zack écoutait de temps en temps, était occupé à tenter d'empêcher Makoto de faire de même.
"Vince, non."
"Les viéra ne me verront pas passer."
"Ne sous-estime pas leurs oreilles, elles ne sont pas là pour faire joli, crois-moi."
"Cid a raison," intervint Yuffie en approchant, un thermo à la main, "si tu te fais choper, ça risque d'enrayer le processus diplomatique, ou quel que soit le bon mot en commun."
"T'es pas censée étudier ça ? " rétorqua Cid.
"L'année prochaine, si j'ai mes exams," répondit Yuffie en tendant une tasse de thé à Vincent.
"Pourquoi 'si' ? " s'étonna Cloud en retenant son frère par son baudrier, "tu n'arrêtes pas d'étudier…"
"J'ai pris du retard avec tous les cours que j'ai raté," grommela Yuffie, "Monsieur Kramer m'a proposé de suivre des cours de rattrapage pendant les prochaines vacances, mais je suis pas sûre que ça suffise."
"Les voilà ! " lança soudain Nanaki par-dessus son épaule.
Avalanche se rassembla immédiatement, le regard fixé sur le mur d'arbres que formait la jungle.
Celui-ci s'ouvrit à nouveau, laissant passer Aérith, Fran et Séphiroth, toujours escortés des viéra. Ils allaient bien, constata Vincent. Aucun des trois n'avait l'air blessé. Physiquement du moins.
Fran avait les oreilles basses, Aérith semblait abattue et Zéphyr…
Zéphyr affichait son expression neutre de Général des SOLDATs.
Ça c'était mal passé.
Dame Jote stoppa à la frontière entre la forêt et la savane et échangea quelques salutations d'usages avant de s'incliner. Aérith fit de même, imitée par Zéphyr et ils sortirent de la forêt, Fran sur les talons.
Cid grimaça. Fran et Jote ne se saluèrent même pas.
Et à peine les trois envoyés hors de la forêt que celle-ci se referma sur Jote, les laissant rejoindre Avalanche en silence. Zack fut le premier sur eux, soulevant Aérith pour la serrer contre lui avec toute la délicatesse qu'il pouvait.
"Tu vas bien ? ! "
"Zack, attends ! "
Cid approcha de sa viéra, levant la main pour la poser sur sa taille. Elle se laissa faire, s'appuyant même contre lui un bref moment avant de se redresser.
"Ça a été ? "
"Déplaisant. Mais c'est fini," répondit Fran.
Pour qu'elle l'admette, ça avait vraiment dû être pénible. Il faudrait peut-être qu'ils en reparlent, mais plus tard. Quand il arriverait à la coincer seule à seul à nouveau. Barret s'assura d'un regard qu'ils allaient bien tous les trois avant de commencer les questions.
"Alors ? "
"Les viéra refusent de laisser des guerriers débarquer dans la forêt," soupira Séphiroth.
"Au moins, le Seigneur Carbuncle a accepté de laisser les aéronefs se poser à Golmore," ajouta Aérith d'un ton déconfit.
"Et nous ? " reprit Barret.
"Ils nous tolèrent, mais nous ne devons pas entrer dans la forêt," continua Séphiroth. "Je m'excuse, nous ne sommes pas arrivés à le convaincre."
"C'est déjà ça," déclara Barret, "retournons au Haut Vent, il faut prévenir Reeve et le Président. Bon boulot tous les trois."
Séphiroth sursauta au compliment, jetant un regard incrédule à Barret, mais celui-ci était déjà tourné vers son père.
"Vincent, tu penses pouvoir contacter ta famille et voir ce qu'ils pourraient faire ? "
"Je vais essayer, mais j'aurais besoin des systèmes de communication du Haut Vent."
"Je m'en charges," répondit Cid, "maintenant décanillons, j'ai besoin d'un meilleur thé que l'horreur que Yuffie transporte."
"C'est du sencha première récolte ! " protesta Yuffie haut et fort en agitant son thermo.
/ - Capte mal./
"Je sais," soupira Vincent, assis dans la salle de communication, son fils assis à ses côtés, "nous sommes à la limite des antennes les plus proches."
Même avec les bricolages de Gippal, communiquer à longue distance restait difficile. L'Al Bhed passait tout son temps libre à tenter d'améliorer la réception et personne sur le Haut Vent ne pouvait l'aider. Vincent soupçonnait que même Jessie aurait eu du mal à suivre Gippal quand il plongeait le nez dans les arcanes de l'électronique et des ondes radios.
Au moins, ils avaient réussi à avoir Sadali qui leur avait transmis un autre numéro où contacter Diablos.
Son père avait désormais un PHS, la tranquillité de Vincent était une période révolue.
/Comment va -Arbuncle ? /
"Il a un arbre qui pousse dans le ventre," répondit Séphiroth.
Il ne comprit pas la phrase qui échappa à son grand-père et interrogea son père du regard, mais celui-ci se contenta de soupirer.
"Juron gongan."
"Ah."
/Il l'a -ait. L'ahuri./
"Il pense pouvoir contrecarrer Hojo et la Calamité, vous pensez que c'est possible ? " demanda Vincent.
/-lut vos rapports. Je suis allé voir ce qui - découlait. Même le Fayth a d-sparut./
"Où êtes-vous ? "
Diablos baissa les yeux sur la crique de Besaid, observant le cratère sous-marin emplit d'une eau verte et lumineuse. Des années après l'explosion, les terres alentour étaient encore vides, stériles, brûlées par l'énergie dégagée lors de l'explosion du réacteur sous-marin.
"Je suis à Besaid."
La ligne crachota et il soupira en changeant le PHS d'oreille.
/Père, faites -tention, la mako est tr- toxique./
"Je ne suis pas tombé de la dernière pluie, Makoto."
/Vous pensez que Carbun- et les viéra pour- repousser Hojo ? / reprit la voix de Zéphyr.
"Si les forces d'Hojo sont affaiblies, je l'espère. Mais je ne veux pas le risquer. Je vous envoie des renforts pour défendre Golmore."
/Que dira - Seigneur Car-cle ? /
"Aucun Ancien n'a réussi à dire non à Bahamut quand il propose son aide. Surtout quand il débarque avec son Vol."
/Il acceptera ? /
"De ce que j'ai entendu de mon espionne, il a déjà envoyé des émissaires à Midgar pour relancer les relations diplomatiques et protéger Dame Crescent," répondit l'Ancien.
/Une espionne ? /
"Plusieurs, mais Dame Haifin est une femme charmante."
/Père, c'est la mère - Cid,/ objecta Makoto.
"Et malheureusement pour moi, elle préfère les brutes blondes aux gongan intellectuels et charmeurs."
/Que dev-t-on dire aux humes ? / reprit son fils après un soupir las.
"Je m'en charge. Officiellement, ils devraient être une simple troupe de chevaliers envoyés par Burmécia."
/Ça ne sera pas - tout suspect," rétorqua Makoto.
"J'ai l'impression d'entendre Mère quand tu parles comme ça," répondit son père. "Je dois y aller, je vous recontacte avec plus de détails bientôt."
/Oui, Père. Merci./
Diablos raccrocha, effleurant délicatement la touche de son PHS. Chaque incarnation des écrans tactiles était plus sensible que les précédentes, il était parfois tenté de laisser les avancées technologiques suivre leur cours, ne serait-ce que pour voir jusqu'où l'ingéniosité des humes les amèneraient.
Et chaque fois, il posait le regard sur les dernières catastrophes causées par ces mêmes avancées technologiques et décidait du contraire.
La dévastation devant ses yeux en était une.
Il promena en silence le regard sur le cratère saignant de Rivière de la Vie, sur les plages noircies et le village dévasté.
Même des cetra auraient du mal à rendre l'endroit vivable en quelques années.
Il en faudrait-il ne savait combien désormais.
"Helgrimr ? "
"Oui, Père ? " demanda son cadet, debout près de lui, tenant sa veste sur l'épaule.
Il avait déjà un coup de soleil sur le visage et semblait s'en soucier comme de sa première chemise, le nez au vent et les cheveux autant en bataille que ceux de Makoto. Cela faisait depuis la mort de son compagnon qu'il ne l'avait pas vu aussi détendu et Diablos ne put se retenir de poser sa main sur sa joue, comme si Helgrimr n'était encore qu'un enfant. Il se laissa faire, intrigué, certes, mais apparemment content de recevoir une preuve d'affection de son père.
"Je pars pour Burmécia. Toi, tu files aider Bélias à Fort Condor, le Vol de Makoto aura besoin d'aide au cas où les dragons mettent trop de temps à arriver."
"Très bien, Père."
"Et soit prudent," ordonna une dernière fois Diablos avant de lâcher son fils et se tourner vers le portail derrière eux.
"Vous aussi, Père."
Une fois Aérith, Nanaki et Zack entrés dans leur cabine, Cloud referma la porte, se penchant pour aider le lion à retirer son équipement.
"Laisse-moi le peigne," demanda Nanaki, "si jamais on doit s'équiper rapidement, je ne pourrais pas le mettre seul."
"D'accord, je mets tes bracelets près de la porte," répondit Cloud.
La voix de Zack les fit sursauter et ils échangèrent un bref regard, hésitant à sortir laisser Zack et Aérith se disputer.
"C'est la dernière fois que tu pars seule comme ça, d'accord ? "
"Je n'étais pas seule ! " rétorqua Aérith en retirant son propre équipement, le jetant sur le lit avant de se précipiter vers son sac.
"Elle était avec Séphiroth, c'est pas mieux," grommela Cloud.
"Mais tu as fini, oui ? ! " s'exclama la guérisseuse, lui coupant immédiatement le sifflet.
Cloud et Zack refermèrent tous les deux la bouche, stupéfait de la réaction d'Aérith, mais la jeune femme ne s'arrêta pas, fouillant frénétiquement son sac.
"Est-ce que tu imagines à quel point il se sent coupable de tout ce qui s'est passé ces douze dernières années ? " reprit Aérith, "chaque fois qu'il passe près du secteur 7, chaque fois qu'on parle de Tifa, chaque fois il…"
Elle s'assit sur le lit, posant rageusement son sac sur ses genoux avant de renifler et s'essuyer le nez d'un revers de bras.
"Il aurait dû être comme moi. Comme Mam. Comme Riku. Il aurait dû être un guérisseur. Et Hojo l'a… brisé…"
Les jumeaux échangèrent un regard désemparé, surpris de voir Aérith dans cet état. Zack fit un geste vers Cloud qui fouilla immédiatement ses poches, jusqu'à sortir un paquet de mouchoirs et le lui tendre. Zack le prit, remercia son frère d'un pouce en l'air et approcha d'Aérith qui fouillait à nouveau rageusement son sac, lui tendant le paquet. Nanaki approcha de Cloud, s'appuyant de l'épaule contre lui et le blond glissa sa main dans sa crinière, se cramponnant à la fourrure rousse.
"Il ne sait pas comment ressentir," balbutia Aérith avant de se moucher violemment, "soit il réprime tout, mais vraiment TOUT, même ce qu'il ressent pour Vincent et Riku, soit il… Il se NOIE sous les émotions…"
Elle finit par réussir à sortir un petit étui rectangulaire de son sac et l'ouvrit, dévoilant sa G-force soigneusement rangée là. Elle prit délicatement la carte de carbuncle entre ses doigts, reniflant derechef quand la créature prisonnière se défendit à son contact, des étincelles rouges parcourant la carte de métal autour des doigts de la guérisseuse.
"Je suis désolée. Je ne réalisais pas," murmura Aérith avant de la tendre à Zack. "Détruit-la, s'il te plait."
"Mais c'est ta carte, tu en as besoin," objecta son fiancé.
"Plus jamais," déclara Aérith d'un ton assuré. "Jamais."
Zack prit la carte d'un geste hésitant, l'observant quelques instants avant d'interroger son frère du regard.
"Tu sais comment faire ? "
"Non, mais on est des Strife, la destruction, c'est notre truc."
Ce ne fut pas difficile.
La carte n'était conçue que pour résister à des chocs normaux ou à une chute au sol.
Pas à un augmenté brutal comme Zack.
Il la cassa d'une simple pression des doigts.
Il ne se passa rien d'extraordinaire. La carte grésilla, quelques étincelles la parcoururent et ce fut tout. Zack la jeta sur le lit par-dessus son épaule avant d'enlacer Aérith, la serrant contre lui sans un mot. Cloud allait les rejoindre quand il vit quelque chose s'élever lentement sur le lit, au-dessus de la carte.
Une pyro-luciole.
Sans un mot, il se pencha, la cueillant avec délicatesse de la couverture avant de sortir en silence, laissant Zack et Aérith seuls. Une fois dans le couloir, il baissa le regard sur la boule lumineuse dans sa main.
C'était…
Un enfant.
Un enfant aux longues oreilles, à peine plus qu'un bébé, qui le fixait de grands yeux apeurés, assis dans ses mains.
"Je t'emmène dehors, d'accord ? " murmura Cloud, "tu pourras rejoindre la Rivière de là."
Il ne savait même pas s'il le comprenait. Il espérait que c'était instinctif et qu'il n'aurait pas à le guider lui-même.
"Cloud ? " murmura Nanaki.
Cloud baissa les yeux sur lui.
"Tout va bien ? "
Il ne devait voir que la pyro-luciole qui crépitait doucement dans ses mains.
"Oui… Tu sais comment aider une pyro luciole à rejoindre la Rivière ? "
"Grand-père m'a appris un rituel des guados," répondit le jeune fauve.
"Tu as besoin de quoi ? "
"Juste d'être dehors et d'un peu d'eau."
"Allons-y alors."
Rufus soupira quand l'image sur son écran trembla et s'interrompit brièvement. La connexion se refit sur l'al Bhed du Haut Vent, qui donnait des claques vigoureuses sur son écran.
/C'est une tech-ique al behd, ça ? / marmonna le Capitaine Highwind.
/Si ça marche, ça l'est,/ rétorqua le borgne avant de réaliser que la connexion était de nouveau établie et se pousser de devant la caméra.
"J'espérais un peu plus de coopération de la part des viéra," reprit Rufus.
/J'ai fait de - mieux,/ rétorqua Séphiroth, debout derrière le Capitaine et le Lieutenant.
"Toi et Valentine avez déjà fait un miracle avec Gongaga, on se contentera de ce que les viéra nous donnerons. Dìs, contactez Bellona, je veux une réunion de l'état-major en vidéoconférence le plus vite possible."
La jeune femme se leva immédiatement de son bureau, attrapant sa tablette.
"Tout de suite, Monsieur ! "
/Gongaga ? / répéta Séphiroth.
"Ils ont officiellement rejoint la coalition," expliqua Rufus, "nous l'avons annoncé hier."
/Ah, parf-/
La connexion lâcha à nouveau et cette fois, il fallut patienter un peu plus. Rufus s'installa confortablement dans son fauteuil avant d'échanger un regard las avec Tseng, debout à ses côtés.
"Wynne, dites-moi que mon armée n'est pas équipée de bouts de ficelle comme sur le Haut Vent," s'enquit sarcastiquement Rufus.
"Dois-je être honnête ou flatteuse, Monsieur ? " répondit sa secrétaire des affaires courantes sans lever le nez de son écran, s'attirant un petit rire d'Elena, vite étouffé sous le regard désapprobateur de Tseng.
Tseng avait raison. Il devenait peut-être un peu trop coulant avec son entourage.
"J'ai ma réponse, merci," répondit Rufus sur le même alors que l'image sur l'écran s'affichait à nouveau, l'épaule de l'al Bhed visible dans un coin de la vidéo, comme il semblait pianoter frénétiquement sur son clavier en marmonnant dans sa langue natale.
/Et Fort Condor ? / reprit le Lieutenant.
"Le Directeur Tuesti est bien arrivé là-bas, il est en pleines négociations avec la Commandante Farron. Je vais lui transmettre les conditions des viéra, ça aidera peut-être à convaincre Fort Condor d'aider."
/Quels sont - ordres, Monsieur le Pré-dent ? / s'enquit prudemment le chef d'Avalanche.
Il fallait VRAIMENT qu'il trouve quelqu'un pour diriger l'armée. Il espérait un peu que la commandante de Fort Condor se laisserait convaincre d'accepter le poste. Elle avait beau être jeune et ne pas porter la Shinra dans son cœur, elle avait prouvé à plusieurs reprises être une commandante redoutable, aux tactiques militaires implacables contre les squames et très aimée du peuple de Fort Condor.
Il allait éviter de penser de trop près aux rumeurs disant l'avoir vue revenir à la vie dans une explosion de flammes.
"Les blackjack sont prêts à décoller, ils arriveront dans la journée de demain avec des troupes et des SOLDATs. Surveillez Golmore et interceptez les squames qui tenteront d'approcher. Continuez les rapports réguliers à Mademoiselle Raspberry et prévenez l'état-major au moindre changement."
/Bien, Monsieur./
"J'aimerais parler à Hamasaki quelques instants," ajouta Rufus.
Le Capitaine Highwind et le Lieutenant échangèrent un bref regard et commencèrent à sortir.
"Seul," ajouta Rufus comme l'al Bhed ne faisait pas un geste pour se lever.
"Gip," lança le Capitaine.
L'Al Bhed obéit aussitôt, prenant juste quelques secondes pour montrer à Séphiroth comment éteindre avant de suivre son supérieur hors de la pièce. Un fois seul, Séphiroth approcha de la caméra, s'appuyant sur la table des deux mains.
"Tout se passe bien ? "
/À part les cadav- de squames, rien - signaler,/ répondit-il.
Mais Rufus se réveillait tous les jours avec un sentiment de malaise depuis que Zéphyr était parti, malaise qui allait en grandissant et qui lui rappelait trop celui qui l'avait étreint le jour de l'attaque de la Tour, quelques mois auparavant.
Madame Falmis était inquiète.
"Zéphyr, sois prudent."
/Garde - œil sur Riku en échange./
"Votre fils est sous la surveillance de Reno et des recrues," intervint Tseng.
"Et il perpétue la tradition familiale de rendre les Turk maboul," ajouta Elena
/J'en suis -vré,/ répondit sérieusement Séphiroth.
"Non, tu ne l'es pas," rétorqua Rufus.
Son père l'attendait hors du poste de tir et une fois Séphiroth sortit et Gippal retourné à son poste, il se tourna vers lui.
"Tout va bien ? "
"Oui. Il parait que Riku perpétue une certaine tradition au sujet des Turks ? "
Un petit sourire échappa à son père et Séphiroth fut frappé à quel point son père semblait jeune ainsi. Physiquement, il ne devait même pas avoir l'âge de Basch. Ou même le sien.
"Je plaide coupable. Une vieille habitude qui date de mes années de service."
"Où sont le Capitaine et le Lieutenant ? "
"Cid est allé relever Balthier. Barret est avec Shera, ils préparent les tours de garde."
"Je vais aller les aider."
"Ah, Zéphyr, attend…"
Séphiroth se tourna à nouveau vers son père, un sourcil haussé. Vincent tenait un paquet long comme son avant-bras et soigneusement emballé dans un papier cadeau.
Ou est-ce qu'il l'avait caché jusque-là ?
"Joyeux anniversaire," déclara-t-il en le lui tendant des deux mains.
Séphiroth cligna des yeux. Puis les baissa sur le paquet, le prenant par réflexe.
"C'est aujourd'hui ? " s'étonna-t-il.
Cette fois, ce fut son père qui sembla surpris, ses sourcils se levant et ses yeux s'agrandissant.
"Tu… l'ignorais ? "
Séphiroth ne se souvenait que d'un seul de ses anniversaires, le dernier avant la disparition du Professeur Falmis. Et à l'époque, à six ans, il n'avait pas repéré la date. Quand Vaan lui avait expliqué le concept de fête d'anniversaire, quelques années plus tard, il n'avait pas su lui donner son jour de naissance et Vaan avait donc décidé de le célébrer le premier jour de l'année.
Visiblement, il n'était pas tombé si loin que ça.
Le quatre janvier.
"Je ne connaissais pas la date, comment l'avez-vous su ? "
Séphiroth regretta sa question presque immédiatement.
Le jour de sa naissance, Hojo avait tué sa mère et tenté d'assassiner son père.
Il était là.
À Nibelheim.
"Je l'ai vu sur… sur l'acte de naissance de Riku. Je l'ai noté par réflexe," ajouta son père, "ouvre ton cadeau."
Séphiroth obtempéra, déchirant le papier fragile.
C'était un poignard wutan, tout simple, dans un fourreau en bois peint en noir, un ruban noir soigneusement noué autour. Le genre de couteau que son père et la princesse cachaient sur eux avec autant d'habileté que les ninjas de Wutai.
"Je sais que tu as déjà ton épée, mais je me sentirais plus rassuré si tu avais une arme de secours au cas où."
Ce qui était à peu près ce que Basch lui avait dit à Wutaï pour le persuader de garder son arme à feu réglementaire avec lui.
Surtout qu'à l'époque, il n'avait pas encore gagné Masamune au combat et qu'il cassait les lames encore plus régulièrement que Vaan.
"Je… merci," commença Séphiroth avant de se rappeler une autre leçon de Basch.
Il fouilla ses poches jusqu'à sortir une pièce de monnaie qu'il tendit à son père.
Lequel la regarda avec confusion.
"Je ne comprends pas," admit-il, "c'est une tradition de SOLDAT ? "
"Presque, de chevalier," intervint une voix.
Séphiroth releva vivement les yeux, agacé de ne pas avoir prêté assez attention à leur entourage pour voir Balthier approcher. Le jeune homme se tenait accoudé au garde-fou de l'escalier menant aux machines, le menton dans sa paume et les observait d'un regard amusé
"C'est le prix du sang," ajouta-t-il en désignant la pièce de l'autre main. "À Alexandria on n'accepte jamais d'arme tranchante ou de couteau en cadeau, ça fait venir le sang de celui qui l'a offert sur la lame. Il faut toujours les acheter."
"Oh," murmura Séphiroth, "Basch ne m'avait pas expliqué ça."
"Je l'ignorais," admit Vincent, "vous êtes Alexandriote ? "
Balthier se redressa avec un petit sourire, leva le menton, son expression malicieuse se fit plus formelle, ses gestes plus élégants et il descendit les marches d'une démarche noble.
"Mi estas Ffamran Mied, de Domo Bunansa, filo de Barono Cidolphus Demen Bunansa[2]."
Il s'arrêta devant eux et son attitude noble disparut quand il fourra les mains dans ses poches, retrouvant son sourire impertinent et ses manières d'aéronaute.
"Ou en tout cas, la honte de la famille."
Vincent ne comprenait pas beaucoup d'Alexandriote, à peine quelques mots par ci, par-là, mais Séphiroth semblait plus versé dans cette langue et haussa un sourcil.
"Chevalier ? "
Balthier s'esclaffa d'un air moqueur.
"Pire, juge ou scientifique de père en fils, je me suis barré avec Fran avant que l'un des deux me tombe dessus."
Il redevint à nouveau plus sérieux et leva le nez, cherchant quelque chose du regard avant de baisser la voix.
"En parlant de Fran… comment ça s'est passé ? "
Séphiroth interrogea son père du regard, hésitant, mais un signe de tête de celui-ci l'encouragea à répondre.
"Personne ne l'a... agressée. Sauf sa sœur."
"Jote ou Mjrn ? "
"Ah, vous les connaissez."
Balthier haussa les épaules d'un air désinvolte.
"Avant d'être ma femme, mon amante et ma complice en conneries, Fran est ma meilleure amie. Elle m'a parlé de Golmore bien avant qu'on passe devant l'autel. Donc, laquelle ? "
"Jote. Elle est un chef ou au moins un des chefs des viéras."
Le jeune homme hocha pensivement la tête.
"Et Mjrn ? "
"Personne ne s'est présenté sous ce nom," répondit Séphiroth. "Mais Dame Jote a enfermé quelqu'un dans une hutte avant que Fran ne passe."
"Ah mierda," jura doucement Balthier, "j'espérais qu'elle pourrait au moins la voir…"
"Est-ce que ça ira ? " demanda Vincent.
Balthier haussa les épaules.
"Si ça ne tenait qu'à moi, elle n'aurait pas mis un orteil à Golmore, mais c'est sa décision."
Il releva les yeux et recula d'un pas avec un petit sourire. Vincent et Séphiroth jetèrent un petit coup d'œil par-dessus leurs épaules. Fran traversait une passerelle les surplombant, de nouveau vêtue de sa combinaison de mécanicienne et relevant ses cheveux en chignon. Elle leur jeta un regard en passant, puis eut un petit sourire et reprit sa route.
"Cela dit, si Zéphyr veut m'aider à lui remonter le moral, je lui en serai éternellement reconnaissant."
"Je suis strictement homosexuel," rétorqua Séphiroth.
"Oh, elle aime bien regarder aussi."
Vincent retint un sourire à l'expression abasourdie de son fils, mais Balthier n'insista pas et se dirigea à nouveau vers l'escalier de métal.
"Le devoir et le pompon de Fran m'appellent, à bientôt, Messieurs ! "
Père et fils regardèrent Balthier escalader les escaliers et les échelles, s'enfonçant au cœur des machines, jusqu'à rejoindre Fran, s'installant près d'elle tout en parlant en Alexandriote.
"Ils sont vraiment mariés ? " s'étonna Séphiroth.
Vincent hocha la tête, amusé de la confusion de son fils. Séphiroth commençait à peine à se détendre autour d'Avalanche, mais quand il n'y avait que Vincent, Riku ou Aérith autour de lui, il se laissait aller à être…
Eh bien, un adolescent.
Mentalement, son fils devait être à peine plus âgé que Yuffie, et semblait parfois très confus des relations interpersonnelles moins conventionnelles à Avalanche. Ce qui, vu l'environnement dans lequel il avait grandi, n'était pas si étonnant.
"Certaines personnes font la différence entre l'amour et le sexe. D'autres ne peuvent pas concevoir ces deux concepts séparés. Fran et Balthier font partie de la première catégorie."
"Est-ce… mal ? "
"Tant que ton ou tes partenaires le savent et n'ont rien à redire, non."
Zéphyr hésita, détournant le regard vers le poignard qu'il tenait toujours. Vincent aurait peut-être dû prendre la taille du dessus. La garde du couteau disparaissait presque dans la main de son fils. Il essayerait de lui trouver un tsuba un peu plus grand pour protéger ses doigts.
"Si… Si j'ai un amant…" commença Zéphyr sans oser le regarder, "ça ne vous dérangera pas ? "
"Seulement s'il te traite mal."
Et ce n'était visiblement pas le genre de chose à dire pour rassurer son fils. Son expression se referma comme une porte de prison. Qu'est-ce qu'il avait dit ?
Un petit éclat de rire de Balthier au-dessus d'eux les fit lever les yeux, mais le co-pilote était simplement en train de lutiner Fran.
Vincent posa la main sur le bras de Zéphyr.
"Viens."
Le Haut Vent était toujours posé, aussi purent-ils sortir sur le pont extérieur. Vincent ferma la porte, s'assura que le transmetteur était éteint puis rejoignit Zéphyr près de la rambarde. Il lui reprit doucement le couteau, défaisant le nœud de la cordelette autour avant de montrer à son fils comment l'attacher à sa ceinture.
Il faudrait qu'il lui apprenne à faire pareil avec Masamune, Zéphyr avait tendance à se promener avec en le tenant à la main, comme le premier fantassin venu.
"Tu es gaucher, n'est-ce pas ? " demanda Vincent.
"Oui."
Après avoir noué le poignard à la ceinture de Zéphyr, Vincent lui montra comment le dégainer le plus efficacement possible. Satisfait de voir Zéphyr l'avoir bien en main, bien qu'un tsuba plus grand soit définitivement nécessaire, Vincent s'appuya sur la rambarde du Haut Vent, regardant la forêt devant eux.
"Est-ce que c'est au sujet de Kuja ? "
Zéphyr sursauta, réalisant qu'ils étaient retournés à leur précédent sujet de discussion.
"... non."
"Tout se passe bien avec lui ? "
Le peu que Vincent avait vu Zéphyr et Kuja interagir, plus ce qu'il avait entendu de Zack, Zéphyr avait subi les avances éhontées de Kuja avec autant de perplexité et de confusion que toutes celles dont il faisait l'objet.
Mais s'il ne se trompait pas, il y avait un léger intérêt de la part de Zéphyr aussi.[3]
"Il ne se passe rien."
"Kuja a pourtant l'air déterminé à ce que quelque chose se passe…"
"Au moins, lui a une idée de ce qui est supposé se passer ! "
Oh. C'était un aspect du manque de socialisation auquel Vincent n'aurait jamais pensé être confronté.
"Je croyais que tu avais déjà eu un amant ? "
Zéphyr se figea soudain, gardant le silence avant de soupirer et passer la main dans ses cheveux, tirant sur l'élastique pour les libérer de sa queue de cheval.
"Oui… Reks."
"Ça ne s'est pas bien fini ? "
Zéphyr secoua la tête doucement, gardant les yeux baissés.
"Je l'ai fait fuir."
Vincent attendit la suite.
Et attendit encore.
Il commençait vraiment à comprendre le désespoir de son père d'avoir hérité d'un gamin mutique et asocial il y a presque cinquante ans.
"Je vais avoir besoin d'un peu plus de précisions pour comprendre," finit par déclarer Vincent d'une voix qu'il espérait rassurante.
Zéphyr soupira et se frotta le visage, pesant longuement le pour et le contre avant de commencer à raconter.
"C'était un SOLDAT. Il… On a combattu ensemble à Wutai. Avec Basch, Vossler, les autres… son frère Vaan était SOLDAT aussi, il… Ils étaient… mes amis.[4]"
Bon, Vincent savait déjà que les SOLDATs étaient attachés à Zéphyr, mais savoir qu'il avait eu des amis était… et bien, rassurant.
"Quand Hojo a pris Basch… J'ai… J'ai essayé de… de les garder à distance le plus possible mais Reks était…"
Zéphyr eut un petit rire las et s'appuya à la rambarde des deux mains.
"Vossler l'appelait Yemma. Maman. Il avait tellement l'habitude de s'occuper de Vaan que… qu'il a fait pareil avec tout le monde. Même moi. C'était lui qui s'occupait de vérifier que tout le monde allait bien pendant une mission, que nous étions bien équipés, qu'on mangeait correctement…"
"Votre Elmyra."
Zéphyr laissa échapper un petit rire. C'était un peu ça. Sauf que Reks aurait fait brûler du thé avec une bouilloire électrique.
"Oui. Moins la cuisine. "
"Et vous êtes devenu amants."
Ah, apparemment Zéphyr savait rougir.
"Que s'est-il passé ? " reprit Vincent.
"Hojo a commencé à le remarquer."
Kso.
"Que vous étiez amants ? "
"Il n'a jamais su que je préférais les hommes. En dehors des SOLDATs et… et Rufus, personne ne le savait. Je ne veux pas savoir ce qu'il aurait fait s'il l'avait appris."
Vincent n'avait pas la moindre idée de ce que Hojo pensait de l'homosexualité, mais il doutait fort qu'il aurait montré tolérance et compréhension. Il en avait déjà assez peu pour le métissage de Vincent à l'époque.
"Reks était un des SOLDATs avec le plus de potentiel magique après moi. Il a développé une magie rare en recevant la mako. La terre. Les cristaux surtout. Et… et un jour, Hojo… Hojo m'a demandé d'ordonner à Reks de venir au Tambour. Pour étudier sa magie."
Sephiroth frissonna en sentant la main de son père se poser sur son dos, mais il n'osa pas tourner la tête vers lui, le regarder en face en avouant ce qu'il avait fait.
"J'ai eu peur qu'il s'attaque à Reks. Et peut-être à Vaan aussi, pour des études comparatives entre frères."
"Ce qu'il a fait aux jumeaux," murmura Vincent.
"J'ai... j'ai été infâme pour qu'il… me quitte. Vaan ne m'a pas adressé la parole pendant des mois après."
Vossler avait aussi été en colère contre Séphiroth de la façon dont il avait traité Reks. Les autres SOLDATs n'avaient rien dit, mais le soutien qu'il avait reçu après Wutai avait peu à peu commencé à s'effriter.
C'était ce qu'il avait voulu à l'époque. Qu'ils s'éloignent. Qu'ils n'essayent pas de l'aider. Qu'ils soient à l'abri.
"Et puis... quelques mois plus tard, le Directeur Morrow a dévoilé ce qui se passait au Tambour. Ils ont découvert ce qui était arrivé à Basch et… Vossler a… il a... Ils l'ont emmené à l'abri tous les trois. Ils sont partis," murmura Séphiroth.
"Pourquoi n'es-tu pas parti avec eux ? "
"Rufus et Umbra étaient toujours sous le contrôle du Président. Je… je prévoyais de les rejoindre dans leur cachette et… et de tuer le Président à ce moment, mais Hojo a… il m'a pris avant."
Le bras de son père était autour de lui, le tenant contre son épaule et Séphiroth baissa la tête, peu à peu, la cachant au creux de ses bras, croisés sur la rambarde.
Mais son père ne le lâcha pas, courbant le bras jusqu'à ce qu'il ait sa main dans ses cheveux, la joue sur son crâne.
Séphiroth se sentait tellement…
Petit.
Tout petit.
Il voulait rester tout petit pourvu que son père ne le lâche pas.
"Qu'est-il arrivé à Reks et Vaan ? " murmura son père.
"Portés disparus. Basch et Vossler ont… dit que c'était pendant une mission officielle, personne ne les cherche."
"Nous pourrions."
Son fils releva lentement la tête avant de la tourner vers lui.
"Quand tout ça sera fini, nous pourrons les chercher, si tu le souhaite," continua Vincent.
Il entendit le cœur de Zéphyr battre la chamade à cette possibilité mais il secoua la tête.
"Ils ne voudront pas…"
"Tu leur diras ce que tu viens de me dire. Ils comprendront que tu voulais les protéger."
À nouveau, Zéphyr secoua la tête, mais son cœur ne ralentissait pas.
"Réfléchis," reprit Vincent, "prends le temps qu'il te faudra. Et quel que soit ta décision, je te suivrai."
Son fils hésita encore, quelques instants.
Puis il hocha la tête.
Et la baissa à nouveau, glissant le crâne sous le menton de Vincent.
Vincent n'avait jamais voulu avoir d'enfants, les élever, ou s'en occuper. Il avait été persuadé très tôt qu'avec le modèle de ses parents, il ne saurait jamais comment prendre soin de quelqu'un d'autre que lui, l'éduquer et le protéger comme il fallait.
Mais avec son fils blottit contre lui comme ça…
Peut-être qu'il aurait trouvé comment faire.
La porte du pont extérieur s'ouvrit.
Vincent se fit soudain repousser sur le côté et se retrouva adossé à la rambarde, tentant de reprendre son équilibre. Séphiroth était déjà à l'autre bout du pont, tourné vers la jungle, dos à la porte et à Cloud qui avait stoppé net, Nanaki sur les talons. Il regarda Vincent qui se redressait, puis Séphiroth, et à nouveau Vincent.
"Barret veut nous parler à tous."
"Nous arrivons," répondit Vincent.
"Ok," répondit Cloud d'un ton hésitant avant de retourner dans le Haut Vent, fermant la porte derrière eux.
Zéphyr resta immobile quelques secondes avant d'arriver à se tourner vers son père.
"Je m'excuse. Est-ce que je vous ai… fait mal ? "
"Non, mais…"
Son fils avait repoussé ses amis pour ne pas qu'Hojo les touche. Toute sa vie il avait tenu les autres à bout de bras pour les protéger.
Mais ça n'arriverait plus.
"Tu n'as pas à fuir."
Zéphyr sursauta mais Vincent ne le laissa pas répondre.
"Tu n'as plus à avoir peur de montrer de l'affection en public. Pour Riku. Pour moi. Pour n'importe qui d'autre."
"Hojo…"
"Me veut déjà mort. Ça ne changera rien."
Il approcha de Séphiroth, passa son bras autour de ses épaules et appuya sa tête contre son épaule.
"Un jour, il sera mort."
"Et nous serons libres," acheva Séphiroth.
Faute d'une pièce assez grande pour accueillir tout Avalanche, Barret les attendait sur le pont intérieur, devant la salle de commandement. L'équipage du Haut Vent était là, s'affairant sur les machines autour d'eux tout en faisant mine de ne pas écouter, comme les commères qu'ils étaient.
"Ah, vous voilà," s'exclama Barret quand Vincent et Séphiroth arrivèrent.
"Désolé du retard," s'excusa Vincent en approchant, s'installant près de Yuffie.
"Vous allez m'écouter et cette fois, je veux que vous obéissiez tous," commença leur lieutenant
"Je n'ai rien fait," marmonna aussitôt Yuffie.
"Pareil," ajouta Vincent sur le même ton, avant qu'ils se fassent tous les deux foudroyer du regard par Barret.
"Je suis sérieux. Surtout vous deux, Aérith et Nanaki ! "
Les deux autres eurent l'air surpris de se faire interpeller, en particulier Nanaki qui n'avait en général rien à se reprocher. Barret sembla regretter son coup de sang et reprit, d'une voix plus calme.
"Aucun de vous quatre n'a d'expérience sur le champ de bataille et si les squames débarquent en nombre, il va falloir être disciplinés, compris ? "
"Oui Barret," déclara Aérith d'une petite voix.
"Nos ordres sont de protéger la jungle de Golmore et d'intercepter les squames avant qu'ils puissent y entrer. Tant que les viéra ne nous en ont pas donné l'autorisation, personne n'entre, est-ce bien compris ? "
Un chœur d'assentiments s'éleva de ses hommes.
"Nous allons suivre le système de quart du Haut Vent. Aérith, Shera, je veux qu'à tout moment, l'une de vous deux se tienne disponible pour des soins pendant que l'autre se repose."
"Oui, Barret," répondit Aérith.
"Les autres, par deux, vous prenez des quarts de veille sur le pont extérieur, Vincent, les jumeaux et Zéphyr seront de veille de nuit, Yuffie, Cid, Nanaki et moi de veille de jour."
"Bah, pourquoi on est de nuit seulement ? " s'étonna Zack.
"Nous voyons dans le noir," intervint Zéphyr, "les non augmentés ne pourront rien voir à Golmore sans éclairage artificiel."
"Ah, ouais, logique," admit le brun.
"En cas d'alerte, je veux que tout le monde soit prêt à se battre. Vincent, tu prendras un poste de sniper et ton rôle sera de réduire au maximum le nombre de squames avant qu'elles n'arrivent à proximité de la jungle."
"Compris."
"Les jumeaux, Zéphyr, Nanaki, Cid et moi seront au sol. Nanaki, tu restes autant en arrière que tu peux et tu préviens quand tu lances un sort, qu'on s'écarte du chemin."
"Oui, Barret," répondit le fauve.
" Aérith et Shera, vous restez dans le Haut Vent. Si l'un d'entre nous est blessé au combat, signalez-le et si vous pouvez vous déplacer seuls, repliez-vous vers elles immédiatement. Sinon, Yuffie, ton rôle sera d'évacuer le blessé au plus vite."
"Oui, Barret," répondit Yuffie.
"Cid, penses-tu qu'on aura assez de carburant pour faire des rondes autour de la forêt ? "
"Le noyau mako est chargé à fond avant chaque voyage et peut durer une semaine complète en vol. Par contre, il n'y a que Balth et moi qui puissions piloter et il ne pourra pas tenir jour et nuit."
"Capitaine."
Cid leva les yeux, tordant le cou jusqu'à trouver Fran, accroupie sur une coursive au-dessus d'eux.
"Je vous remplacerais pour les quarts de veille," déclara-t-elle en se levant.
"Tu pourrais au moins faire semblant de ne pas avoir écouté ? " grommela Barret.
"Avec les radars qu'elle a en guise d'oreilles ? " rétorqua Cid, "Barret, elle a fait Junon, elle sait obéir aux ordres tant que c'est pas 'bas les pattes'."
Barret regarda longuement Fran puis baissa les yeux vers Shera qui hocha la tête avant qu'il soupire et s'avoue vaincu.
"Très bien. Cid tu piloteras avec Balthier. Fran, tu feras tes quarts avec Yuffie."
"Oui, Lieutenant."
"Les renforts de Midgar arrivent demain, nous reverrons le planning des quarts à ce moment avec eux. En attendant, rompez ! Nanaki, tu restes avec moi, on va prendre le premier quart."
"Oui Barret," répondit le jeune fauve en quittant sa place aux pieds de Cloud.
La nuit à Golmore était noire.
Même le quartier de lune piqueté de rouge[5] qui se levait au-dessus du Haut Vent ne faisait pas grand-chose pour dissiper l'obscurité et sans ses augmentations mako, Séphiroth n'y verrait pas grand-chose. Heureusement, quitter la lumière, même tamisée de l'intérieur de l'aéronef pour arriver dans l'obscurité du pont ne l'aveugla que quelques secondes.
Les jumeaux étaient postés d'un côté du pont, dos à dos, Zack regardant la jungle et Cloud le rivage. Le blond se tourna brièvement vers lui, mais ce fut Zack qui réagit.
"Ton quart est dans une heure, tu devrais dormir."
"Je ne préfères pas," répondit Séphiroth en approchant pour lui tendre une tasse.
"Pourquoi ? " s'étonna Zack en la prenant, se redressant sans quitter la forêt des yeux.
"Je peux très bien vivre sans entendre ce que mon père et le Capitaine Highwind font dans leur cabine."
Zack en recracha sa gorgée.
"On est censé se reposer," soupira Cloud en lui tapant dans le dos.
"Ils sont toujours dans la phase lune de miel," finit par croasser Zack, "t'étais pas mieux avec Tifa, je te rappelle."
"Et la vôtre avec Aérith, elle s'arrête quand ? J'aimerais bien arrêter d'aller dormir sur le canapé chaque fois que vous…"
"Je ne crois pas vouloir en savoir plus sur la vie sexuelle de ma cousine non plus," soupira Séphiroth en tendant une tasse à Cloud.
Zack s'effondra à nouveau de rire, mais après une hésitation, Cloud accepta la tasse de thé.
"Merci."
"Je t'en prie, Strife."
"Pourquoi tu ne nous appelle jamais par notre nom, au fait ? " s'étonna Zack.
Séphiroth lui jeta un regard intrigué, sa propre tasse au bord des lèvres.
"Je… je le fais ? "
"Nan, tu nous appelle Strife, Cloud et moi."
"Ce n'est pas votre nom ? " reprit Séphiroth, confus.
"C'est notre nom de famille. Tu n'appelles pas Aérith Falmis, alors pourquoi tu nous vouvoies Cloud et moi ? "
"Je… On m'a appris que c'était une marque de politesse."
"Hojo ? " s'étonna Zack avant de recevoir une tape sur l'épaule de son frère.
"Basch," corrigea Séphiroth.
"Ah ouais ça m'aurait étonné."
"Zaaaack," soupira Cloud.
"Oh, c'est pour ça que tu appelles Shera Docteur ? " reprit Zack.
Séphiroth hocha la tête.
"Et Lieutenant pour Barret ? Et Monsieur ou Directeur pour Reeve ? "
"C'est bon, Zack, on a compris," intervint son frère.
"Eh, c'est intéressant, je savais pas ce genre de truc ! "
"Ouais, tu tutoyais notre lieutenant à Winhill."
"Attends voir, mi-portion ! "
"Zack ! Arrête, tu vas renverser mon thé ! "
Séphiroth s'écarta d'un pas quand les frères Strife commencèrent à chahuter, histoire de ne pas être touché par le thé brûlant quand Zack coinça Cloud sous son bras.
Bon, ça au moins, c'était familier, la relation entre les Strife ressemblait à toutes les fois ou Vaan et Reks s'étaient chamaillés à Wutaï ou après. Vaan n'avait commencé à gagner que quand il avait enfin dépassé son frère de plus de cinq centimètres.
La tasse de Cloud se renversa et Séphiroth attrapa le récipient au vol par l'anse avant de le poser au sol, surveillant les environs à la place des Strife.
Il entrevoyait le toit du temple au loin, avec ses niveaux en escalier. Il n'aimait pas devoir tenter de le protéger d'aussi loin, mais outrepasser la volonté de l'Ancien semblait une entreprise dangereuse.
Le Haut Vent passait au-dessus de la péninsule où ils s'étaient posés en arrivant. De là où il se tenait, Séphiroth pourrait voir l'entrée de la forêt par où ils étaient passés et il chercha le cadavre de la squame par réflexe.
Il ne le trouva pas.
Intrigué, il se pencha, puis changea de point de vue, essayant de discerner l'obscurité ambiante.
"Zéph ? " Appela Str… Zack.
"La squame n'est plus là."
Les deux autres augmentés se penchèrent aussi, fouillant l'obscurité du regard, la pupille de leurs yeux noircissant leurs regards. Ils trouvèrent le rocher sur lequel la squame avait été exposée, mais du monstre, aucune trace.
"Elle était là tout à l'heure," souffla Zack.
"Je réveille Barret," déclara Cloud.
"Je m'en charge, restez là," répondit Séphiroth avant de faire demi-tour, atteignant la porte en trois enjambées.
Vincent sommeillait à demi sur l'épaule de Cid quand il entendit des pas et des éclats de voix venant du couloir.
Il releva la tête vivement, puis sortit rapidement du lit, s'attirant un marmonnement ensommeillé de Cid.
"Vince ? "
"Problème," répondit Vincent en enfilant rapidement son pantalon, puis le premier pull venu.
Il ouvrit la porte, Cid encore en train de chercher ses habits et trouva Séphiroth devant la cabine de Barret qui n'était qu'à moitié réveillé, en train de fixer sa prothèse à son bras.
"Les jumeaux disent qu'elle était encore là tout à l'heure."
"Mauvais plan, ça," grommela leur lieutenant.
"Que se passe-t-il ? " demanda Vincent.
"La squame devant la jungle a disparu," expliqua son fils.
"Putain," maugréa Cid qui arrivait en enfilant un tee-shirt.
"Il faut qu'on aille voir," déclara Barret en achevant enfin d'activer son bras.
"Je vais…" commença Cid.
"Tu restes en repos pour l'instant," rétorqua Barret. "Vincent, Zéphyr, préparez-vous à descendre et prenez Fran avec vous, si vous ne trouvez pas ce qui est arrivé à la squame, il faudra avertir les viéra."
"Très bien."
Cid hésita mais soupira et hocha la tête, se poussant de la porte pour laisser Vincent retourner s'équiper.
"Barret, voit avec Shera pour la manœuvre d'approche, c'est elle le Capitaine quand je suis de repos."
"D'accord, Zéphyr, réveille Fran."
"J'y vais."
Fran dormait nue et ne se couvrit pas d'avantage en ouvrant la porte.
Au moins, ça prouva à Séphiroth qu'il était définitivement homosexuel, même s'il garda poliment le regard fixé sur le visage de la viéra.
Ce ne fut pas le cas du Lieutenant qui jura avec inventivité avant de se tourner, fixant plutôt le mur opposé du couloir.
"Fran, couvre-toi ! "
Elle obéit, posant simplement ses bras en travers de sa poitrine avant de jeter un regard interrogatif à Séphiroth.
"On a besoin de vous pour traduire aux viéras," expliqua Séphiroth.
"J'arrive," répondit-t-elle en refermant la porte.
"Elle est toujours comme ça ? " tempêta Barret.
"Ouais," répondit Cid, "au moins, maintenant, elle s'habille un minimum dans les parties communes."
"Junon a dû être une aventure," commenta Vincent en ressortant de la cabine de Cid à son tour.
Le Haut Vent les déposa à nouveau à la péninsule et Barret resta à la porte avec Cloud pendant que Zack continuait de surveiller d'en haut du pont extérieur.
"Soyez prudent," ordonna Barret en distribuant les modules de communication. "Vous allez voir, vous évaluez la situation et vous me prévenez."
"Oui Lieutenant," répondit Séphiroth.
Deux augmentés pressés pouvaient être rapide, et heureusement, Fran pouvait les suivre tant qu'ils ne courraient pas trop vite. Retrouver l'endroit où le moissonneur avait été exposé ne fut pas long. Séphiroth s'arrêta devant le rocher, cherchant des indices du regard, mais Fran et son père s'étaient déjà agenouillés de la même façon, observant le sol et les débris. Fran ramassa un empennage et le tourna pensivement dans ses doigts.
"Cassé. Récemment."
"Quelque chose est tombé au sol ici," indiqua Vincent en se relevant, "mais il n'y a pas de trace d'un corps traîné."
"Comment savez-vous ça ? " s'étonna Séphiroth.
"J'étais chasseuse," expliqua brièvement Fran en reposant la flèche.
"Chasseur de prime," ajouta Vincent presque en même temps avant de jeter un petit regard amusé à Fran. "il faudra que nous chassions ensemble un jour."
"J'en serais honorée," répondit Fran.
"Barret ? " appela Vincent.
/Oui ? /
"La squame a bien disparu. Les indices sont faibles, mais j'ai peur qu'elle soit devenue un bienheureux."
/Vous avez une idée d'où elle est passée ? /
Fran fit un signe à Vincent, montra de l'autre main une série d'empreintes rondes dans la terre meuble.
Le chemin était hésitant, les traces irrégulières, mais la direction ne trompait pas.
"Vers la forêt."
Barret jura doucement d'un ton fatigué avant de reprendre.
/Prévenez les Viéra mais essayez de respecter l'interdit d'entrer. Revenez au plus vite, je me charge d'alerter Midgar./
"Bien, Barret."
Sans un mot et d'un commun accord, ils se tournèrent tous les trois vers la forêt.
De nuit, elle semblait encore plus infranchissable. Comment est-ce que le moissonneur avait pu passer ? Est-ce que les viéra dormaient la nuit ? Est-ce que le Seigneur Carbuncle ne pouvait pas surveiller aussi clairement qu'en journée ? Est-ce qu'ils s'inquiétaient pour rien et que c'était simplement un monstre de la jungle qui avait décidé de dévorer une proie facile ?
Fran stoppa devant la forêt et leva les mains, lançant le même appel que quelques heures plus tôt.
Vincent et Séphiroth entendirent des froissements dans les branches, puis une voix au loin dans la même langue à laquelle Fran répondit à nouveau.
"Ils arrivent," déclara Fran.
Il y eut quelques minutes de silence.
La forêt ne s'ouvrit pas cette fois. Vincent n'entendit le pas de la viéra sur le sol que quelques secondes avant qu'une longue main griffue ne sorte de la forêt, repoussant une fougère aussi haute qu'elle.
Que lui.
Un viéra mâle se tenait devant Vincent, baissant les yeux sur lui. Et si Vincent trouvait parfois Fran un peu impressionnante, il devait avouer que le viéra ne l'était pas moins, surtout armé d'un arc impressionnant presque aussi grand que Yuffie, et d'une dague assez longue pour passer pour une épée courte attachée à sa cuisse. Il portait une armure en cuir qui dévoilait étonnement le ventre, mais comme Fran, pas de chaussures, et avait une silhouette similaire à celle de leur viéra. De longues jambes, des hanches larges, des longs bras musclés aux griffes acérées, et malgré le fait qu'il soit plus grand que Zéphyr, il n'avait pas sa carrure et sa largeur d'épaules. Probablement pour des raisons de camouflage, sa peau brune était maculée de traces de poussière verte, jusqu'à ses cheveux teintés de la même couleur.
À moins que ce soit naturel, ses oreilles étaient toutes aussi vertes.
Il dévisagea Vincent, puis Séphiroth avant de n'accorder qu'un bref regard à Fran et revenir vers Vincent.
"Parlez-vous commun ? " demanda Vincent.
"Un petit," répondit le viéra d'une voix grave.
"La squame qui était là, l'avez-vous détruite ? "
Le viéra fronça les sourcils, suivant le geste de Vincent du regard avant de finalement se tourner vers Fran.
"Qu'a-t-il dit ? "
"Squame. C'est le nom collectif de ces créatures. L'avez-vous détruite ? "
"Non."
Fran traduisit rapidement à Vincent.
"Où est-t-elle passée ? "
Le viéra sembla mieux comprendre, mais se contenta de jeter à nouveau un regard à l'endroit où le moissonneur avait été exposé.
"Monstre a mangé ? "
"Ce n'est pas plus rassurant," grommela Séphiroth.
"Il n'y a pas de restes," objecta Vincent, "s'il avait été dévoré, le prédateur aurait laissé la carapace."
Le viéra laissa échapper un petit soupir, de frustration probablement, car il tendit à nouveau les oreilles vers Fran qui traduisit avant d'écouter sa réponse.
"Il s'étonne que vous vous inquiétiez du devenir du squame."
"Si la squame a été dévoré, il faudra probablement abattre le responsable," déclara Séphiroth, "qui sait ce que manger un mutant d'Hojo peut faire à un organisme ? "
"Ce qui m'inquiète plus, c'est que la squame soit devenue un bienheureux," ajouta Vincent.
Ils auraient vraiment dû le détruire la veille, mais les viéra auraient peut-être mal pris la destruction de leur proie. Vincent regarda Fran traduire et probablement expliquer la situation au viéra et eut la surprise de voir le mâle s'esclaffer calmement avant de lever une main et donner une pichenette sur le front de Fran.
Le viéra sursauta quand Vincent lui attrapa le poignet d'un geste inflexible. Ses yeux sombres croisèrent ceux de Vincent, mais il ne bougea pas, gardant son calme. Fran finit par intervenir, posant la main sur le bras de Vincent pour le faire lâcher.
"Il se moquait juste," murmura-t-elle. "Il pense que j'ai peur d'histoires pour enfants."
"Parle-lui des bienheureux," reprit Vincent sans détacher son regard du viéra.
Fran s'exécuta, parlant longuement, du moins pour elle, dans sa langue natale. Au fur et à mesure, le viéra lui accorda de plus en plus d'attention, jusqu'à être entièrement tourné vers elle. Il pencha pensivement la tête, semblant réfléchir.
"Si la squame est devenue un bienheureux, il y a deux possibilités," reprit Vincent, "soit elle est retournée à Sin faire un rapport à Hojo, soit elle est dans la forêt."
Il désigna la jungle du doigt et le viéra suivit son regard avant de revenir vers lui, écoutant Fran traduire.
"Il faut prévenir le seigneur Carbuncle. Et s'il y a d'autres squames exposées, il faut les détruire par le feu."
Les deux viéra restèrent longuement silencieux. Les oreilles du mâle s'inclinèrent vers l'arrière et Séphiroth entendit le souffle de Carbuncle enfler légèrement, sans qu'il n'arrive à le comprendre.
Finalement, le viéra hocha la tête et déclara quelque chose avant de s'incliner devant Vincent et Séphiroth et opérer un demi-tour, disparaissant dans sa forêt en quelques pas.
"Il va envoyer d'autres forestiers chercher la squame. Ils vont ramener les autres cadavres ici. Nous pourrons les incinérer," expliqua Fran.
"Ils n'ont pas de magie de feu ? " s'étonna Séphiroth.
Fran secoua doucement la tête.
"Le feu, nous le craignons."
"Pourquoi ? "
"Nous... les viéra vivent dans la forêt. Le feu peut la détruire."
"Allons chercher Nanaki," suggéra Vincent. "Il aura des sorts assez puissants pour incinérer les squames."
Séphiroth hocha la tête et emboita le pas à son père et Fran avant de stopper net, se tournant à nouveau vers la forêt.
Il avait cru…
"Zéphyr ? " appela son père.
Séphiroth resta tourné vers la jungle, regardant la végétation foisonnante, emplissant ses poumons de l'odeur d'humus et d'eau.
Non. Pas de fumée. Il avait cru un instant en sentir mais…
Ce devait être son imagination et le fait d'en avoir tout juste parlé.
"Zéphyr ? Qu'y a-t-il ? " répéta son père.
"Rien… j'ai juste cru… Ce n'est rien."
[1] Tradition incompréhensible du point de vue de Séphiroth mais qui avait l'avantage bien pratique de pouvoir identifier le sexe de l'enfant sans risquer de s'attirer les foudres de la mère en se trompant.
Non, Séph n'a pas l'habitude de côtoyer des enfants non plus.
[2] En espéranto/Alexandriote : Je suis Ffamran Mied, de la Maison Bunansa, fils du Baron Cidolphus Demen Bunansa.
[3] Lisez Boules de neige : "Il faut sauver la ruche" pour plus d'interaction entre Kuja et Séph. Non, pas CE genre d'interaction, même si Kuja n'aurait rien contre.
[4] Et si vous voulez en savoir plus sur cette période, vous pouvez lire Boules de neige 35 : Retrouvailles
[5] Ouais alors la lune à Gaïa brille parfois rouge, à cause des créatures qui vivent dessus. J'ai repris le principe de la larme sélénite de FF8 et ça arrive parfois que des monstres tombent du ciel.
Aucune influence sur l'histoire (sinon des références au fait que Jénova se faisait passer pour une créature de la lune à son arrivée sur Gaïa), ça m'amusait juste de smasher un peu plus les univers et la géographie.
