Dahlia préférait nettement aller voir une femme et la première guérisseuse à avoir une place libre pour la recevoir était la guérisseuse Erica Anderson. Elle était blonde, la cinquantaine, avec des lunettes en écailles et un sourire avenant. Dahlia n'avait aucune envie de parler à cette personne ou à qui que ce soit mais les paroles d'Hermione ne l'avaient pas quittée depuis leur discussion. Même si Hermione était venue avec bienveillance pour l'aider, le message était clair : Dahlia devait se reprendre pour son fils. Et pour Harry aussi, qui ne méritait surement pas ça. Dahlia entra donc dans le cabinet avec répugnance mais détermination et s'assit sur le canapé face au fauteuil d'Erica. Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle allait raconter. Elle observa la pièce, la fenêtre, les rideaux, les tableaux aux murs et les plantes vertes. C'était lumineux et végétal, sans doute pour mettre les patients à l'aise et favoriser la sérénité. Dahlia se sentait tout sauf sereine.

- J'ai eu un bébé il y a quasiment deux mois, déclara-t-elle d'une voix trainante et un peu hautaine.

- Félicitations, répondit machinalement la guérisseuse.

Dahlia la regarda un instant, hésita, puis croisa les jambes, croisa les mains et prit un air faussement indifférent pour dire :

- Je suis transgenre, c'est le guérisseur Ndugu qui a pratiqué le sortilège pour que je puisse avoir un enfant.

- Je le connais, oui, acquiesça Erica.

Elle avait l'air de se foutre totalement de cette information et Dahlia ne savait pas si elle devait s'en sentir soulagée ou insultée. Elle avait toutefois eu le besoin de le dire tout de suite, pour que ce soit fait. Et s'enfuir immédiatement si elle tombait sur une connasse transphobe.

- Qu'est-ce qui vous amène, Mrs Potter ? demanda doucement la guérisseuse en se penchant vers elle. Le fait que vous ayez eu un bébé ou le fait que vous soyez transgenre ?

- Le fait que j'aie eu un bébé, répondit Dahlia du bout des lèvres.

La guérisseuse lui fit un signe qui semblait dire « Je vous écoute » et Dahlia croisa ses mains sur ses genoux plus fort encore. Elle détourna légèrement le regard pour parler.

- Depuis que j'ai accouché, je ne me sens pas très bien. Une amie m'a dit que les Non-Maj appelaient ça la dépression post-partum. Vous avez déjà entendu ce nom ?

- Oui.

- Vous pensez que je pourrais avoir ça ?

- Et si vous me racontiez ce que vous ressentiez avant de chercher à mettre un nom dessus ?

Dahlia inspira profondément et raconta du mieux qu'elle put, par bribes, la tristesse qu'elle ressentait, le vide et la solitude, l'absence de joie à être avec son bébé, les envies de pleurer, l'angoisse qui la réveillait la nuit, les cauchemars qu'elle oubliait au petit matin, la peur de laisser Perseus à la nourrice. La guérisseuse écoutait, prenant des notes de temps en temps, posant une question par-ci par-là. Des angoisses de quoi ? Des cauchemars de quel genre ? Mais Dahlia ne savait pas répondre. Elle était terriblement malheureuse et c'était la seule chose dont elle était certaine. Elle finit par se taire, arrivée au bout de sa description. Elle se sentait encore plus détestable que d'habitude et elle avait honte d'avoir livré toutes ses défaillances à cette femme inconnue.

La guérisseuse la regarda avec bienveillance.

- Vous avez une idée de ce qui peut vous rendre malheureuse ?

- Non, sinon je ne serais pas là. J'ai voulu avoir cet enfant, je le voulais vraiment ! Je devrais être heureuse et… Je ne comprends pas ce qui m'arrive.

- Et si vous me racontiez comment vous l'avez voulu ?

- C'est-à-dire ?

- Vous avez fait un sortilège éprouvant, vous êtes tombée enceinte, racontez-moi.

Dahlia se sentit un peu soulagée de parler de quelque chose de plus positif. Elle parla du Quidditch, qui était son métier, du mariage avec Harry, ils avaient décidé d'avoir un enfant un peu plus tard. Ils le voulaient tous les deux, elle avait pris les potions nécessaires. Elle faisait des détours et des zigzags pour étirer le récit et se complaire dans ces souvenirs heureux, pour tourner autour des souvenirs malheureux sans les évoquer tout de suite. La guérisseuse écoutait, attentive, hochant la tête parfois mais intervenant peu. Le silence de la guérisseuse obligea Dahlia à continuer, elle avait fait une fausse couche, elle avait eu peur de ne jamais tomber enceinte et puis c'était arrivé sans qu'elle s'y attende. C'était arrivé dans un moment d'amour sincère, pas dans un moment forcé et prévu. Elle aimait cette idée.

- Quand vous en parlez, vous semblez heureuse de l'existence de cet enfant, commenta enfin Erica.

- Je suis heureuse de l'existence de mon enfant ! Je veux dire, soyons claires, je ne regrette pas d'avoir eu Perseus, je l'aime. Ce n'est pas son existence en soi qui me rend malheureuse.

- Alors c'est quoi ?

- Je ne sais pas. C'est plutôt…

- Plutôt quoi ?

- Plutôt moi, conclut Dahlia en baissant la tête. C'est moi qui ai un problème, c'est moi qui ai peur de… je ne sais pas…

Erica Anderson croisa les mains sur ses genoux.

- Peur de quoi, Mrs Potter ? Insista-t-elle.

Dahlia décroisa ses mains et écarta les bras d'un geste agacé.

- Je ne sais pas moi ! Peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas y arriver. Peur de ne pas être une bonne mère ! Après tout, je n'étais pas née pour ça, si vous voyez ce que je veux dire. Peut-être qu'il y a des choses qui ne fonctionnent pas chez moi, que… que…

Erica eut une moue un peu perplexe.

- Parce que vous pensez que les femmes cisgenres naissent pour ça ?

- Non, bien sûr que non mais ce n'est pas la même chose… Ne faites pas semblant de ne pas comprendre. On leur apprend à être mères dès qu'elles sont petites, on leur raconte que ce sera la plus grande joie de leur vie. On ne m'a pas appris ça. Peut-être que je ne sais pas faire, que…

La guérisseuse Anderson fixa Dahlia pendant quelques secondes, sur le point de dire quelque chose puis se retint. Elle se redressa sur son fauteuil, sentant sur elle le regard de sa patiente qui attendait.

- Vous dites cela volontairement pour me provoquer et voir ma réaction, n'est-ce pas ? demanda enfin la guérisseuse.

Dahlia ne répondit pas.

- Vous voulez voir si je vais vous dire que vous avez raison, que vous ne pouvez pas être une bonne mère parce que vous êtes transgenre ou voir si au contraire, je vais vous contredire.

- Et donc ? demanda sèchement Dahlia.

- Dans ce cabinet, j'ai rencontré des femmes cisgenres qui étaient des mères épouvantables.

Dahlia croisa les bras et s'enfonça dans le canapé.

- D'accord.

- Bien… Maintenant, Mrs Potter, j'aimerais que vous me disiez quelque chose… Vous avez dit que vous aviez peur de ne pas être une bonne mère. C'est quoi, une bonne mère, pour vous ?

Dahlia se détendit légèrement. Elle réfléchit quelques secondes, pas plus.

- Je suppose que c'est une mère qui protège son enfant, qui l'aime, qui veille à ce qu'il aille bien, je ne sais pas trop.

- Vous avez un exemple de bonne mère en tête ?

Dahlia parut décontenancée par la question.

- Eh bien, oui, par exemple, la mère de mon mari. Elle a donné sa vie pour le sauver, je suppose que c'est ce qu'une mère peut faire de plus fort, non ?

- Et votre mère à vous ?

- C'était une bonne mère aussi. Elle… était froide et hautaine avec tout le monde mais pas avec moi, vous voyez. Elle écoutait toujours les histoires que j'avais à lui raconter, elle jouait avec moi, elle s'inquiétait quand j'étais malade, elle venait m'embrasser dans mon lit.

Dahlia sourit malgré elle, pour la première fois depuis qu'elle était entrée dans le cabinet.

- J'étais leur unique enfant alors vous voyez, j'étais comme un trésor pour elle.

- Votre mère est décédée ? demanda doucement la guérisseuse.

- Non, s'étonna Dahlia.

- Vous parlez d'elle au passé.

- Eh bien… Les choses se sont un peu compliquées quand il y a eu la guerre et que…

La guérisseuse se redressa sur son fauteuil.

- La guerre ?

- Oui, je suis anglaise. Il y a eu la guerre quand j'étais adolescente.

- J'en ai vaguement entendu parler, oui…

Toute trace de sourire disparut du visage de Dahlia et ses traits redevinrent froids et lisses, à tel point que la guérisseuse n'alla pas au bout de sa phrase. Dahlia détourna la tête d'un geste hautain.

- Eh bien vous devriez vous renseigner davantage sur le sujet.

- Vous pourriez aussi me raconter, proposa Erica.

- Non, répondit vivement Dahlia en lui jetant un regard glacial. Je ne suis pas une encyclopédie, cherchez vous-même.

Elle jeta un coup d'œil à sa montre et se leva.

- Je vois que nous sommes arrivées à la fin de la séance. A vendredi prochain, Mrs Anderson.

La guérisseuse n'eut même pas le temps de se lever pour lui serrer la main que Dahlia s'échappa du cabinet et disparut dans le couloir.

OoOoO

La première séance avait laissé un goût étrange dans la bouche de Dahlia, pas vraiment amer mais pas vraiment doux non plus. Harry voulut savoir si elle avait pu parler de ce qui n'allait pas et elle l'avait regardé avec agacement.

- Tu crois que ça va se régler en une fois ?

- Non, bien sûr que non.

Elle avait observé le visage triste de Harry et s'était sentie coupable. Une partie d'elle aurait aimé revenir en arrière, quand ils avaient fait l'amour sur la table de la cuisine, qu'il lui avait dit qu'il se moquait des autres femmes et qu'il n'y avait qu'elle qui pouvait le rendre heureux. Encore une fois, elle le détrompait, elle ne le rendait pas heureux. Elle voulut revenir à l'époque où elle était tombée enceinte, quand Harry lui souriait avec joie et espoir, quand ils se retrouvaient tous les soirs, contents d'être ensemble.

Le soir, elle se coucha contre Harry qui eut un mouvement de surprise et il se tourna pour lui faire face. Il caressa ses cheveux, doucement, avec un mélange de rancune et de tendresse qui était difficile à décrire.

- Je suis désolée d'être comme ça, murmura Dahlia. Je vais tout faire pour aller mieux.

- Je sais.

Il la serra dans ses bras, heureux de ce moment tendre qu'ils n'avaient plus partagé depuis des semaines.

A la séance suivante, Dahlia s'assit au même endroit, les jambes croisées, dans la même position que la dernière fois. Erica ne semblait pas lui en vouloir d'être partie sans dire au revoir.

- De quoi voulez-vous parler aujourd'hui, Mrs Potter ?

Dahlia n'en savait rien et elle parla de ce qu'elle avait vécu le matin même. Pour une fois, Perseus n'avait pas pleuré quand elle l'avait déposé chez la nourrice. Elle en avait ressenti du soulagement. Elle savait que c'était absurde de croire qu'elle l'abandonnait quand elle partait travailler mais elle ne pouvait s'en empêcher. Pourtant, il y avait un autre bébé là-bas, la fille de Tyler et Soledad, Perseus n'était pas seul et il était en sécurité.

- C'est souvent dur de se séparer de son bébé, dit gentiment la guérisseuse. Vous voulez me parler de lui, un peu ?

Question rhétorique. Dahlia ne savait pas trop quoi dire mais pour quelqu'un qui n'avait pas d'idée, elle parla beaucoup. Il était né facilement, il était un bébé calme et tranquille mais il pleurait dès que ses parents sortaient de son champ de vision. Ils avaient de la chance, Perseus dormait plutôt bien, se réveillait à heures fixes et se rendormait dès qu'il avait mangé. Elle aimait le tenir contre elle quand elle l'allaitait, elle aimait la douceur de ses petits cheveux et son odeur. Elle aimait quand il arrêtait de pleurer simplement parce qu'il entendait sa voix et savait que sa mère était là. Elle aimait beaucoup de choses en fait, elle fut presque surprise de le constater. Mais ça ne la rendait pas heureuse pour autant.

- Il a les mêmes cheveux que moi, dit-elle enfin d'un ton dur en fixant le tapis. Il va grandir et me ressembler, tout comme je ressemble à mon père. C'est de famille. Tout le monde le dit déjà. « Tu vas ressembler à ta maman ». Mais au fond, ce n'est pas ce qu'ils pensent, je le sais bien.

Dahlia eut un geste d'agacement profond.

- Ce qu'ils pensent en réalité, c'est « Il va ressembler à Drago ».

- Qui est Drago ?

- Moi, si on veut. C'est mon prénom de naissance.

Il y eut un court silence. Erica se pencha un peu vers elle.

- Et ça vous dérange que votre fils ressemble à ce que vous étiez avant votre transition, c'est ça ?

Dahlia tressaillit légèrement et jeta un regard hésitant à la guérisseuse.

- Eh bien, je… J'aurais préféré qu'il ne ressemble pas à ça, oui. On ne peut pas dire que ce soit de bons souvenirs et… Je n'ai aucune envie de repenser à…

- Il ne sera pas exactement comme vous et il ne sera pas vous.

- Je le sais bien mais quand même ! Tout le monde va repenser au passé en le voyant, je vais le regarder grandir en devenant tout ce que j'ai détesté devenir, c'est… J'aurais préféré qu'il ressemble à Harry. Ou alors, peut-être que ça aurait été moins dur si…

Elle s'arrêta et rougit.

- Si ?

- Si ça avait été une fille, lâcha Dahlia. Je suis horrible de penser ça, n'est-ce pas ?

- Vous êtes un peu dure avec vous-même, vous avez le droit de penser.

- Je ne veux pas penser ça.

Elles discutèrent du sujet encore un moment puis ce fut l'heure d'arrêter. Dahlia se releva, serra la main de la guérisseuse. Elle se sentait affreusement coupable et misérable, encore plus qu'avant. Pour garder contenance, elle regarda la guérisseuse.

- Au fait, vous vous êtes renseignée au sujet de la guerre ?

- Non, avoua Erica Anderson.

Dahlia eut une moue méprisante qui ne cachait pas totalement sa déception.

- Vous êtes bien une Américaine, seulement centrée sur vous-même sans aucun intérêt pour ce qui se passe hors de chez vous. Dommage…

Et elle s'en alla en plantant la guérisseuse, sans lui laisser le temps de répondre.

Dahlia ne s'était pas attendue à aller mieux au bout de deux séances mais elle ne s'était pas attendue non plus à aller encore plus mal. Elle rentra chez elle, prit son bébé dans ses bras en se sentant indigne de ses petites mains et de sa petite bouche qui la réclamaient. Elle ignora le regard de Harry, lui demanda comment s'était passée sa journée. Quand la question passa ses lèvres, elle se rendit compte qu'elle ne l'avait pas posée depuis des jours. Elle l'écouta parler tout en allaitant Perseus, bercée par la chaleur du bébé et la voix de Harry. Elle avait toujours mal mais pour une fois, c'était presque doux.

A la fin du mois de mai, Jamal se maria avec sa copine Regina. Le mariage ne fut évidemment pas aussi grandiose que celui d'Andrew mais il y eut beaucoup plus de gens qu'à celui de Dahlia. Toute la famille de Jamal était là, au complet. Il dut serrer dans ses bras chacun de ses oncles, chacune de ses tantes, ses grands-mères et ses grands-pères, ses frères et ses sœurs, ses neveux et ses nièces. Sans parler de sa mère qui l'embrassa sur la joue au moins cent fois dans la journée et de son père qui n'en finissait plus de sourire et de répéter à quel point il était fier de son fils. Marilyn, Emily et Dahlia observaient cette démonstration d'amour familial avec un mélange d'effarement et de jalousie latente mais elles n'en montrèrent rien. En plus de la famille de Jamal, il y avait tous ses amis du lycée et du Quidditch, qui le prenaient dans leurs bras, lui donnaient des tapes amicales dans le dos et faisaient des blagues grivoises. Du côté de Regina, il y avait à peu près autant d'invités. Au moins, ce fut animé, vivant, festif et joyeux, tout ce qu'on attendait d'un mariage.

La joie et le bonheur évidents de Jamal déprimèrent encore plus Dahlia qui était furieuse de ne pas ressentir la même chose alors que tout allait bien dans sa vie et se détestait de gâcher des moments qui auraient dû être beaux. Elle retourna voir Erica Anderson, parla du mariage et de la culpabilité qu'elle ressentait à ne pas réussir à être heureuse. C'était la même chose quand elle était en dysphorie, elle s'en voulait toujours. Objectivement, elle avait un travail enthousiasmant et valorisant, elle avait épousé l'amour de sa vie, elle avait eu un bébé, ce qui relevait presque du miracle. Alors pourquoi n'était-elle pas heureuse ? Pourquoi se trainait-elle tous les jours dans cette grisaille suffocante ? C'était à rendre fou.

- C'est ce que nous allons essayer de comprendre ensemble, Mrs Potter, assura doucement la guérisseuse.

Dahlia lui jeta un regard perdu, énervé et désespéré. Elle se tut longuement, elle ne savait pas quoi dire. Erica posa son carnet sur ses genoux et leva les yeux vers Dahlia.

- Je me suis renseignée sur la guerre, dit-elle lentement.

Dahlia se tourna vers elle et la regarda un instant, surprise par la déclaration.

- Ah vraiment ?

- Oui. J'ai eu l'impression que… que vous arrêteriez de venir si je ne le faisais pas.

- C'est bien possible, admit Dahlia.

Erica Anderson hocha la tête.

- La plupart des choses que j'ai lues concernaient Voldemort et Harry Potter ainsi que la collaboration du ministère de la Magie anglais. J'ai réalisé que votre mari, le Harry dont vous me parliez depuis le début, était donc le jeune garçon qui avait vaincu Voldemort.

- En effet.

- Et votre guerre à vous ?

Dahlia ne répondit pas tout de suite. Elle était soulagée que la guérisseuse se soit renseignée de son côté, c'était toujours plus facile de parler à quelqu'un qui savait déjà, ça évitait de devoir tout expliquer, encore et encore. Elle se mit à raconter des choses, pas tout. Ses parents étaient du côté de Voldemort, à vrai dire, ils faisaient même partie de ses plus fidèles partisans. Dahlia vit nettement la légère surprise de la guérisseuse mais elle continua. Harry et elle étaient ennemis, à la base. Ses parents avaient soutenu Voldemort, tout comme elle mais elle ignorait ce qu'elle faisait. A la fin, ses parents avaient plus ou moins changé d'avis, Voldemort les terrifiaient et ils ne voulaient plus vivre sous ses ordres. Elle raconta avec dégoût comment son père se soumettait à son maitre et comment Voldemort faisait régner la terreur, même dans ses rangs. Elle ne parla pas de ce qu'elle avait fait elle, comme si elle n'avait participé à rien. Elle s'arrêta là pour cette séance et rentra chez elle.

Quand elle rentra, elle ignora Harry et Perseus dans le salon et alla s'enfermer dans sa chambre. Elle se recroquevilla sur son lit et resta là, incapable de désirer quoi que ce soit. Sur son bras, sous les dahlias peints, la Marque la brûlait et la main blafarde et trop grande de Voldemort se refermait sur elle, encore et toujours. Elle ferma les yeux mais ce n'était pas une bonne idée car quand elle le faisait, elle se souvenait du silence qui tombait sur le manoir quand le Seigneur des Ténèbres était là, des battements de son cœur qui s'accéléraient de peur. Elle revoyait Nagini ramper sur les tapis et dévorer les prisonniers inutiles. Elle entendait, bourdonnant à ses oreilles, les hurlements des gens qu'elle avait elle-même fait hurler et ses hurlements à elle quand il la punissait. Elle ressentait le goût du sang dans sa bouche, la moiteur de ses mains, la nausée, l'envie de mourir ou de s'enfuir. L'espoir vital et nécessaire que quelqu'un la sauverait, quelqu'un que ses propres parents avaient emprisonné dans leur manoir et qu'ils lui avaient demandé de dénoncer. Quelqu'un qui lui avait volé sa baguette pour mieux tuer Voldemort et la libérer.

Dahlia se leva et sortit de sa chambre. Elle rejoignit Harry dans le salon, qui marchait en portant Perseus. Il lui racontait une histoire, visiblement. Il tourna la tête vers elle en l'entendant arriver et lui lança un regard interrogateur et inquiet.

- S'il te plait, repose-le, demanda-t-elle.

Harry hésita puis posa Perseus dans son transat à bascule. Le bébé pleurnicha un peu mais pas plus que ça et Dahlia s'approcha de Harry. Elle passa ses bras autour de son cou, dans un geste si désespéré et inattendu que Harry mit quelques secondes avant de réagir et de la serrer contre lui. Elle avait besoin de lui, besoin qu'il la tienne elle pendant un instant, qu'il la sauve encore. Harry la garda contre lui longtemps, incapable de déterminer si c'était bon signe qu'elle soit venue le voir ou si c'était au contraire la preuve qu'elle allait plus mal encore. Il trouvait quand même que c'était bien, il préférait l'avoir dans ses bras que la savoir seule dans la chambre. Il ne comprenait toujours pas ce qu'elle avait et il ne savait toujours pas quoi faire pour l'aider mais il voulait bien la serrer contre lui encore et encore si ça pouvait rendre sa peine plus supportable.

Lors des deux séances suivantes, Dahlia et sa guérisseuse parlèrent de Harry. Il y avait beaucoup à en dire. Ils avaient été ennemis, ils s'étaient détestés, battus, blessés. Puis Harry l'avait sauvée, Harry l'avait regardée, écoutée, comprise, touchée, aimée. Harry voyait des choses en elle qu'elle ne voyait pas. Il était là pour elle, il s'inquiétait. Il avait voulu l'épouser, il avait voulu avoir un enfant avec elle. Comment était-il avec Perseus ? Harry était fou de son fils, il adorait passer du temps avec lui, il s'en occupait très bien. En fait, Harry était… Il était parfait, elle n'avait rien à lui reprocher et c'était justement pour cela qu'elle se trouvait si misérable et qu'elle se détestait tellement. Elle se rendit compte qu'elle l'aimait encore, elle n'avait jamais arrêté.

Le mois de juin arriva et Dahlia fêta son anniversaire. Ses amis vinrent chez elle, c'était plus simple. Ils dînèrent ensemble, bavardant joyeusement. Andrew garda longuement Perseus dans ses bras en déclarant qu'il avait besoin de s'entrainer, ce qui amusait Harry. Emily dit à Dahlia qu'elle était très fière de voir qu'elle continuait à aller voir la guérisseuse, il fallait un sacré courage pour faire ça. Clara avoua à Dahlia que ça lui manquait de travailler avec elle. Ce n'était plus pareil toute seule.

- Moi aussi ça me manque un peu, admit Dahlia. Mais entre le Quidditch et Perseus, je…

- Bien sûr, je sais bien ! Et puis, te faire travailler bénévolement comme ça, ce n'est pas très juste.

Dans ces courts instants-là, Dahlia réussissait à se sentir moins déprimée et à apprécier ce qu'elle vivait. Heureusement que ses amis existaient, que le bonheur qui irradiait de Jamal et Andrew était un peu contagieux, que la force d'Emily la retenait de tomber pendant quelques heures, que le regard compréhensif de Marilyn l'empêchait de se sentir totalement comme une merde et que la rationalité de Chris rendait les choses moins angoissantes. Cependant, entre leur travail et leur propre famille, ses amis étaient moins souvent là. Chacun avait sa vie et la plupart du temps, Dahlia se sentait terriblement seule. Il lui manquait un petit quelque chose, elle ne savait pas quoi. Il lui manquait de s'aimer elle-même.

OoOoO

Dahlia savait qu'il y avait des choses importantes qu'elle n'avait pas dites à sa guérisseuse et elle décida de le faire enfin. Elle se sentait en confiance, elle appréciait la façon dont Erica Anderson lui parlait et l'écoutait. Elle était prête à aller plus loin.

- Je ne vous ai pas tout raconté sur la guerre, dit Dahlia après avoir commencé par parler de choses futiles.

La guérisseuse Anderson lui lança un regard interrogateur qui l'invitait à développer. Dahlia se crispa sur le canapé, les jambes croisées, dans une immobilité quasi inhumaine.

- Il y a des choses que je ne vous ai pas dites. Des choses que j'ai faites ou… qu'on m'a forcée à faire.

Le regard de la guérisseuse se fit plus attentif, comme si elle devinait que Dahlia allait raconter quelque chose de sale et d'important. C'est ce qu'elle fit. La Marque qu'elle avait reçue beaucoup trop jeune, sa mission de tuer Dumbledore, ses tentatives heureusement échouées qui avaient failli tuer des élèves de son âge, les tortures qu'elle devait infliger, la violence à laquelle elle assistait, la colère de Voldemort contre ses partisans qui n'allaient pas au bout de leur mission. Il n'hésitait pas à les torturer lui-même ou à demander à d'autres de le faire à sa place. Elle en avait fait les frais plusieurs fois, surtout quand Harry s'était échappé de leur manoir. Voldemort avait été furieux et les avait tous torturés de dépit et de rage.

Elle parla longtemps, par bribes, reformulant ses phrases plusieurs fois pour réussir à trouver le mot juste, la gorge nouée de reparler de ça. Elle se rendit compte que ça faisait des années qu'elle ne l'avait pas dit. Harry savait déjà, pas besoin de le lui dire. Ses amis avaient lu l'article, pas besoin de le leur dire. La dernière fois qu'elle avait raconté ses horreurs-là, c'était à Emily, quand elle l'avait rencontrée à New York, à une époque où elle allait encore plus mal que maintenant. Depuis, les mots n'avaient plus jamais franchi ses lèvres. Et là, il fallait recommencer et ça faisait mal, ça écorchait sa bouche, ça la faisait se sentir monstrueuse. Elle ne pouvait plus affronter le regard de la guérisseuse qui l'écoutait patiemment, elle avait envie de disparaitre à nouveau. Elle regrettait presque de l'avoir dit.

Quand Dahlia s'arrêta, il y eut un silence pesant qui s'étira jusqu'à ce qu'Erica demande :

- Et, quand Voldemort vous ordonnait de tuer ou torturer quelqu'un ou même quand il vous torturait vous, que faisaient vos parents ?

- Que vouliez-vous qu'ils fassent ? s'exaspéra Dahlia. Voldemort les aurait tués s'ils avaient essayé quoi que ce soit. Nous étions tous obligés d'obéir, il n'y avait pas de moyen de s'échapper.

Il y eut un autre silence et la guérisseuse hocha la tête.

- Je comprends parfaitement ce que vous dîtes, Mrs Potter, assura-t-elle. Mais vous n'avez pas répondu à ma question. Que faisaient vos parents quand Voldemort vous faisait du mal ?

Dahlia ouvrit la bouche pour répondre vivement mais aucun son n'en sortit et elle la referma. Elle se tourna vers la fenêtre pour regarder le ciel bleu et les nuages blancs qui passaient dans le paysage newyorkais. Le temps s'étira et traina, plein de douleur et de déni. La guérisseuse ne parla pas, elle attendait sa réponse, elle savait qu'elle viendrait. Devant Dahlia, le ciel bleu et les nuages disparurent, elle ne pouvait plus les voir. De longues larmes silencieuses roulèrent sur ses joues sans qu'elle fasse le moindre geste pour les arrêter.

- Rien, dit-elle enfin. Ils ne faisaient rien.

Et cette vérité envahit la pièce, l'empêcha de respirer ou de prononcer un autre mot. Ses parents n'avaient rien fait, jamais, pour la sauver ou l'aider. Ils n'avaient pas levé le petit doigt, ils n'avaient même jamais essayé. Ils étaient restés là, terrifiés et soumis, à la regarder se briser morceau par morceau sous l'ombre menaçante de Voldemort. Ils avaient évité d'en parler, ils avaient fait comme si ce n'était pas important. Que croyaient-ils ? Qu'avaient-ils espéré ? Qu'on pouvait demander à une adolescente de seize ans d'assassiner quelqu'un sans que ça ne lui fasse rien ? Qu'on pouvait demander à une adolescente de torturer sans que ça ne lui fasse rien ? Qu'elle aurait dû écouter les hurlements, contempler le sang et la désolation sans en être affectée ? Quel mensonge et quelle utopie. Ils n'avaient rien fait, rien. Il l'avait laissée souffrir et implorer. Ils ne l'avaient pas aidée, ils avaient détourné le regard, ils l'avaient laissée seule face à la mort et à la souffrance. Que faisaient ses parents quand elle se faisait torturer ou briser ? Ils ne faisaient rien.

La voix douce de la guérisseuse ramena en partie Dahlia dans la pièce mais pas totalement.

- La première fois que vous êtes venue, je vous ai demandé ce qu'était une bonne mère pour vous, vous vous en souvenez ?

- Oui, souffla Dahlia.

- Est-ce que vous vous rappelez la première chose que vous m'avez répondue ?

- Non.

- Vous m'avez dit qu'une bonne mère était une mère qui protégeait son enfant. Je vous cite, c'est littéralement ce que vous avez dit.

- Je m'en souviens, oui, répondit Dahlia avec une agressivité qui les surprit toutes les deux.

La guérisseuse se tut et Dahlia continua à fixer la fenêtre pendant quelques minutes. Elle n'avait jamais eu une séance avec autant de silence jusqu'à présent. Dahlia finit par essuyer les larmes sur ses joues, elles ne coulaient plus. Elle ne se tourna pas vers la guérisseuse pour autant.

- Que voulez-vous que je vous dise ? demanda-t-elle d'une voix dure. Que ma mère n'était pas une bonne mère ? Soit, ma mère n'était pas une bonne mère et mon père n'était pas un bon père. Ils auraient dû me protéger et empêcher le Seigneur des Ténèbres de me faire du mal.

- Vous auriez aimé qu'ils le fassent ?

- Evidemment ! D'autant qu'entre nous, ils auraient pu. Voldemort ne tuait pas les sorciers de sang pur, il n'avait aucun intérêt à éliminer une des familles les plus puissantes et les plus fidèles à sa cause. Il ne les aurait pas tués. Si mes parents s'étaient interposés et lui avaient demandé de me laisser en dehors de tout ça, que ce serait-il passé ? Il leur aurait peut-être fait mal pour avoir osé s'opposer à lui mais quelle importance ? Moi aussi j'ai eu mal !

- Je vous sens en colère…

- Bien sûr que je suis en colère, s'écria Dahlia en se tournant enfin vers Erica. J'aurais aimé… Au fond, j'aurais préféré qu'ils essaient de me protéger et qu'ils en meurent, comme les parents de Harry. Au moins, il est sûr que ses parents l'aimaient, lui !

Erica croisa les mains sur son carnet.

- Ce sont des paroles fortes, ça, Mrs Potter.

Dahlia se détourna d'elle et ne répondit pas. Elle se sentait envahie d'une rage qu'elle n'avait encore jamais ressentie, parce qu'elle ne s'était jamais donné le droit de la ressentir. Et elle devinait que ça allait la dépasser, la submerger, effondrer toutes les digues qu'elle avait construites pour se protéger. Ça la terrifiait et l'excitait en même temps, elle ne savait plus trop.

- Qu'est-ce que vous ressentez pour vos parents, aujourd'hui ?

Les lèvres de Dahlia se pincèrent et elle ignora la question. Erica se pencha un peu vers elle.

- Mrs Potter, est-ce que…

- Arrêtez de m'appeler comme ça ! cria Dahlia avec exaspération. Ce n'est même pas mon nom ! Je suis Dahlia Malefoy.

La guérisseuse n'eut aucun geste de surprise et s'adossa à son fauteuil.

- Très bien Mrs Malefoy.

- Appelez-moi Dahlia.

- Dahlia. Vos parents, que ressentez-vous pour eux ? Vous avez l'air terriblement en colère. Etes-vous en colère contre eux ou…

Dahlia décroisa les jambes et se redressa sur le canapé pour dominer la guérisseuse qui était plus petite qu'elle. Son visage se ferma et ses traits se déformèrent légèrement, pleins de haine et de dureté, perdant tout leur charme.

- Oui ! cria-t-elle. Je suis en colère contre eux ! Et je les déteste ! C'est ça que vous voulez entendre ? Je les déteste ! Et je leur en veux tellement que j'ai fait semblant de me suicider en prenant soin de leur écrire une lettre, pour être certaine qu'ils sachent que c'était leur faute. Je voulais qu'ils souffrent, je voulais les détruire comme ils m'avaient détruite moi, je voulais qu'ils aillent pleurer sur ma tombe et qu'ils repensent à ce qu'ils m'avaient fait ! Voilà ce que je ressens pour eux ! Je les hais !

Dahlia s'arrêta, essoufflée et choquée de ce qu'elle venait de dire. Elle n'avait jamais osé le formuler à voix haute, elle n'avait même jamais osé le penser. Mais maintenant elle l'avait dit et c'était trop tard. La guérisseuse la laissa reprendre son souffle et la regarda avec un air presque appréciateur.

- C'était courageux de votre part de le dire, commenta-t-elle.

Mais Dahlia ne se sentait pas courageuse, elle se sentait simplement monstrueuse. La colère et la haine retombèrent pour laisser place à de la culpabilité et de la douleur. Elle se recroquevilla sur le canapé, devint plus petite que la guérisseuse, comme une enfant effrayée. Erica Anderson se pencha vers elle avec douceur.

- Dahlia… Ce n'est pas vraiment mon rôle de vous le dire mais je pense qu'il faut que je le fasse quand même. Tout ce qu'on vous a forcée à faire quand vous étiez jeune, vous avez conscience que c'est criminel et impardonnable de faire subir cela à un enfant, n'est-ce pas ?

Dahlia la fixa sans répondre.

- Le rôle d'un parent est de protéger son enfant, vous l'avez dit. Vos parents n'ont pas rempli leur rôle, vous avez le droit de leur en vouloir, vous avez le droit de les détester. Je dirais même que c'est plutôt sain de votre part.

Dahlia hocha la tête, elle le savait bien au fond. Qui pourrait lui reprocher d'en vouloir à ses parents ? Ils l'avaient trahie et ils l'avaient abandonnée, ils ne méritaient que sa haine et sa rancœur. Dahlia joua avec ses mains un instant et pensa brusquement à Perseus. Elle se demanda ce qu'elle ressentirait si son fils la détestait un jour autant qu'elle détestait sa mère. Cette pensée la plongea dans une angoisse insupportable.

- J'ai peur d'être une mère aussi mauvaise que la mienne, dit-elle à voix basse. J'ai peur d'être incapable de le protéger et de l'aimer comme je le devrais et donc de le faire souffrir comme j'ai souffert. J'ai peur… j'ai peur d'être aussi lâche et faible que ma mère.

Erica contempla Dahlia avec un soupçon de compassion et hocha la tête d'un air grave.

- Oui, dit-elle doucement.

Et c'était bien qu'elle l'ait compris.

OoOoO

Les jours défilèrent lentement et, sur bien des aspects, trop vite. Dahlia n'avait pas encore refait de match officiel avec les Corbeaux, son entraineur voulait être certain qu'elle ait retrouvé son niveau. Il voulait lui faire jouer le dernier match de la saison, un peu comme un rappel et l'annonce qu'elle reprenait du service. Le dernier match était en juillet et elle avait encore trois semaines pour se préparer. Elle ne savait pas si la perspective de jouer ce match lui plaisait ou non. Avant sa grossesse, elle aurait été anxieuse mais motivée et enthousiaste. Elle n'était ni motivée ni enthousiaste. C'était sans doute à cause de sa dépression, ou peut-être qu'il y avait autre chose, elle n'en savait rien.

Dans le même temps, Clara accoucha d'un fils qu'ils appelèrent Walter, en hommage au père de Clara. Andrew et sa femme semblaient heureux, fatigués mais heureux. Elle souriait à son fils, riait de ses gestes désordonnés et adorables, jouait avec lui. Elle était ce que Dahlia aurait aimé être et, une fois encore, elle se sentit nulle et incapable.

Dahlia continuait à aller voir la guérisseuse Anderson. Elles revinrent sur ce que Dahlia avait fait pendant la guerre, sur ce qu'elle avait ressenti à cette époque-là, sur ce qu'elle ressentait maintenant. C'était douloureux, comme fouiller la merde et s'obliger à la manger. Mais d'après Hermione, les choses s'amélioreraient ensuite, la merde deviendrait comestible et tout irait bien. Dahlia n'avait pas d'autre choix que de la croire. Lors des séances, elles parlèrent du faux suicide de Dahlia, des lettres, de la culpabilité qu'elle avait ressentie et qu'elle ressentait encore. Elle avait voulu punir ses parents mais elle se détestait de les punir, en proie à ces sentiments toxiques que les enfants éprouvent pour leurs parents, complètement aliénés à leur amour même quand ces derniers étaient leurs bourreaux. Car ils l'étaient, assurément. Narcissa et Lucius ne lui avaient demandé de tuer personne, ne l'avaient jamais torturée, ne l'avaient forcée à rien. Mais ils étaient responsables de ses malheurs parce qu'ils avaient choisi, délibérément, de se mettre aux ordres de Voldemort. Et ils avaient entrainé leur enfant avec eux, en sachant pertinemment qu'il ne lui arriverait rien de bon. C'était leur faute, autant que celle de Voldemort. Même plus encore, puisqu'ils étaient ses parents. Ils l'avaient trahie et ils l'avaient abandonnée, ils avaient indirectement fait d'elle une criminelle, ils l'avaient indirectement torturée et brisée.

Elle voulait les aimer et elle voulait leur pardonner mais elle ne savait pas comment et tout ceci la noyait.

- Rien ne vous oblige à leur pardonner, dit un jour Erica Anderson.

- Ce sont mes parents, répondit Dahlia, surprise. Je leur dois beaucoup, je leur dois la vie, ils m'ont élevée et je sais qu'ils m'aimaient, à leur façon. Je…

La guérisseuse avait secoué la tête.

- Vous ne leur devez rien du tout, asséna-t-elle. Vous êtes l'enfant, ils sont les parents, vous êtes le fruit de leur désir, un désir forcément égoïste. Ils vous doivent quelque chose, pas vous.

C'était le bon moment pour parler d'amour. Ses parents l'aimaient-ils vraiment ? A la première séance, elle avait déclaré qu'elle était comme un trésor pour eux. Y croyait-elle vraiment ? Oui et non. Elle savait que sa mère l'aimait, elle savait que son père l'aimait. Mais aimer, ce n'était pas suffisant et certaines personnes aimaient mal. Et puis, ils aimaient Drago. Ils aimaient l'héritier qu'ils voyaient, le fils qui ressemblait au père et qui continuerait la dynastie, celui en qui ils pouvaient mettre leurs espoirs. Ils auraient certainement beaucoup moins aimé l'enfant transgenre. Elle ne pouvait pas en être certaine puisqu'elle ne leur avait jamais dit la vérité. Mais vu comment son père avait réagi en la voyant en robe, elle avait peu de doute.

A partir de là, pendant plusieurs séances, elles parlèrent de la transidentité de Dahlia, des sentiments qu'elle avait quand elle petite, de la dysphorie, des agressions, du sortilège de changement de sexe. Dahlia avait toujours pensé que c'était la plus grande souffrance de sa vie mais quand elle en parla, elle se rendit compte que c'était beaucoup moins pénible et douloureux que de parler de la guerre et de ses parents. Pourtant, il y avait eu des moments très durs pour elle, justement parce qu'elle était transgenre.

- Alors, pourquoi est-ce moins pénible à raconter, selon vous ? demanda la guérisseuse.

Dahlia réfléchit à la question et haussa les épaules.

- Peut-être parce que je n'ai pas honte d'être trans alors que j'ai honte de tout le reste.

La guérisseuse sourit et reposa son carnet sur ses genoux. Elle laissa ses mains pendre au bout des accoudoirs, dans un geste détendu et apaisant.

- Quand vous êtes venue pour la première fois, vous m'avez informée immédiatement du fait que vous étiez transgenre puis vous avez laissé sous-entendre que c'était à cause de ça que vous n'arriviez pas à vous occuper de votre fils. Vous avez dit que ça ne vous plaisait pas qu'il ressemble à l'enfant que vous étiez, avant votre transition.

- Oui…

- Mais… Maintenant cela fait plusieurs semaines que nous nous voyons et vous avez réussi à dire beaucoup de choses. Je n'ai pas l'impression que votre difficulté à être mère ait quoi que ce soit à voir avec votre transidentité, n'est-ce pas ?

- Je ne sais pas trop.

- Pensez-y.

Et la guérisseuse avait raison. Dahlia s'était cachée derrière sa transidentité par facilité, pour ne pas avoir à aller plus loin. Ça ne pouvait pas fonctionner cependant, parce que la guérisseuse savait parfaitement que les gens qui venaient dans son cabinet venaient pour lui dire des choses et surtout, surtout, pour ne pas les dire. Et la première excuse qu'ils donnaient en s'asseyant sur le canapé n'était jamais la bonne.

Le mois de juin arriva à sa fin et Dahlia avait retrouvé un bon niveau de Quidditch. Finalement, la perspective du match la rendait moins anxieuse qu'elle l'avait craint, peut-être parce qu'elle y mettait moins d'enjeu et d'investissement personnel qu'avant. Harry, lui, alternait toujours entre moments d'entrainement, moments de travail avec la police et congés. Quand il était en congé, il pouvait s'occuper de Perseus dans la journée et c'était parfait, Dahlia pouvait partir sans avoir l'impression d'abandonner son fils. Au Ministère, l'équipe de Harry avait changé puisqu'ils avaient dû accueillir deux nouveaux membres : Francis, un Auror d'une cinquantaine d'année dont l'équipe avait été décimée en Pologne et Daisy, une Auror diplômée durant la guerre. Ils s'entendaient bien, même si parfois, Harry était pris de nostalgie de l'époque où il travaillait avec Hermione et Rufus. Il avait discuté avec Ron de la possibilité de démissionner. Après tout, il n'avait aucune envie d'être envoyé à nouveau dans une guerre à l'étranger. Cependant, Harry n'arrivait pas à sauter le pas. Il aimait être Auror, c'était un métier qui avait du sens à ses yeux. Que ferait-il s'il arrêtait ? Il n'avait aucune autre envie, aucune autre idée. Ron avait ri et haussé les épaules.

- Ta femme est joueuse de Quidditch professionnelle, tu pourrais être père au foyer.

Harry n'était pas très emballé. Il aimait passer du temps avec son fils mais de là à le faire tous les jours sans aucune autre perspective, il n'en était pas sûr.

En attendant, le 22 juin, Perseus avait eu trois mois et il changeait si vite que c'était effrayant. Harry et Dahlia étaient un peu curieux de voir quelle couleur allaient prendre ses yeux. Ils n'allaient certainement pas rester bleus, personne n'avait les yeux bleus dans leurs familles. Au train où ça allait, il aurait certainement les yeux gris de Dahlia aussi.

- Mon fils ne va absolument pas me ressembler, commenta Harry en le regardant dormir. Tu vois, on aurait pu l'appeler James Potter, personne n'aurait oublié pour autant que c'était ton fils.

Dahlia rit et tendit la main vers les petits cheveux blonds de Perseus.

- Oui, personne ne peut douter que c'est mon fils.

Et ça avait l'air de lui plaire. Harry lui jeta un regard oblique et se força à ne pas réagir. Il avait l'impression qu'il ne l'avait pas entendue rire depuis une éternité et c'était peut-être bien la première fois que l'idée que Perseus lui ressemblait ne la dérangeait pas.

Les entrainements devenaient plus intensifs et elle s'y investit davantage à l'approche du dernier match de la saison. Les Corbeaux étaient bien partis pour finir quatrièmes au classement, ce qui serait une régression par rapport à l'année précédente mais pas un désastre non plus. Dahlia rentrait plus tard et souvent fatiguée, un peu fourbue. Elle avait mal au dos, aux fesses et aux mains, à force d'être restée assise sur son balai. Elle avait même pris des couleurs à force de voler au soleil, c'était pour dire.

Quand elle rentra ce jour-là, Harry lisait sur le canapé, espérant travailler la potion qu'ils apprenaient en entrainement, une nouvelle potion de cautérisation fort pratique en cas de blessure. Perseus était allongé dans son transat et tendait les bras pour toucher les hochets qui pendaient de la structure. La scène amusa Dahlia, parce qu'elle doutait que Harry puisse véritablement travailler dans de telles conditions. Perseus était calme et sage mais il n'allait certainement pas jouer en silence pendant une heure. Elle s'approcha de lui, un large sourire aux lèvres.

- Bonjour Perseus, dit-elle doucement.

Entendre la voix de sa mère excita Perseus qui se mit à battre des pieds et des mains et à pousser des petits cris stridents. Dahlia éclata de rire et s'agenouilla devant le transat.

- Tu es content de voir maman ? Oui, tu es content de voir maman !

Elle se pencha vers lui, caressa son petit nez avec le bout de son nez à elle puis l'embrassa sur ses joues chaudes et douces.

- Bonjour mon bébé, disait-elle entre chaque baiser.

Perseus sembla en proie à un sentiment d'euphorie quasi insupportable pour lui et elle le prit dans ses bras pour le serrer contre elle. Il lui prit les cheveux et s'accrocha à son chemisier.

- Tu es sage pendant que papa travaille ? Bravo ! Nous allons laisser papa travailler et nous allons jouer tous les deux, oui ? Et c'est l'heure du goûter, tu as faim ?

Elle lui parla avec ce ton joyeux et aigu qu'on utilise pour parler aux bébés. Perseus semblait aux anges. Par-dessus son livre, Harry observait Dahlia avec sidération, comme s'il la voyait pour la première fois. Il n'était pas sûr qu'elle se rende compte de ce qu'elle était en train de faire, qu'elle réalise qu'elle n'avait jamais agi de cette manière en retrouvant Perseus ou du moins jamais aussi joyeusement et sincèrement. Harry les observa tous les deux, avec une légère envie de pleurer mais pas de tristesse, plutôt de joie et de soulagement. Il essaya de garder une voix neutre pour dire :

- Tu as passé une bonne journée ?

- Oui, dit Dahlia en lui souriant distraitement. C'était un bon entrainement, je pense que je suis prête pour le match.

- Très bien alors.

- Tu peux continuer à lire, je vais lui donner le sein.

Il hocha la tête et la regarda s'éloigner dans la chambre de Perseus pour lui donner le sein tranquillement pendant qu'il travaillait. Harry se pencha vers son livre et fut incapable de lire la moindre phrase. Au bout que quelques minutes, il se leva et marcha jusqu'à la chambre. Dahlia était assise sur le fauteuil à bascule qu'Andrew et Clara leur avaient offert à la naissance de Perseus et tenait son fils contre elle pendant qu'il tétait. Elle fredonnait une chanson que Harry n'avait jamais entendue, contemplant son bébé avec tendresse.

- Qu'est-ce que tu chantes ? demanda-t-il doucement.

- Une berceuse que ma mère me chantait quand j'étais petite, dit-elle sans s'arracher à la contemplation de son fils. Je l'avais oubliée, elle m'est revenue l'autre jour.

- D'accord.

Il retourna dans le salon, le cœur léger pour la première fois depuis trois mois.

OoOoO

Dahlia remporta son match, le dernier de la saison, en attrapant le vif d'or. La presse commenta son retour en déclarant qu'elle n'avait rien perdu durant son congé et que les Corbeaux devaient être ravis de l'avoir retrouvée. Cette réassurance de son talent lui fit du bien et la rendit heureuse. Elle pouvait être fière d'elle pour quelque chose. L'autre chose qui la rendait heureuse et fière, c'étaient les rires de Perseus. Maintenant qu'il pouvait rire, il le faisait beaucoup, quand elle se penchait vers lui pour l'embrasser partout sur ses joues potelées, quand ses cheveux le chatouillaient, quand elle attrapait ses pieds et les mettait dans sa bouche en faisant semblant de les croquer, quand Harry faisait des grimaces et toute sorte de bruits étranges que le bébé essayait de reproduire en gazouillant. Les changements de couches et les bains étaient devenus des prétextes de jeu et à chaque fois que Perseus riait, le cœur de Dahlia se réchauffait un peu plus.

Souvent, elle échangeait des regards émus avec Harry quand Perseus faisait des bruits mignons, quand ils le mettaient sur le ventre et qu'il redressait sa petite tête, quand il se roulait pour bouger. Dahlia se rendait compte qu'elle allait mieux, même si c'était lent. Elle ne se réveillait plus étouffée par l'angoisse, elle n'avait plus envie de pleurer, la douleur dans sa poitrine était moins lourde à porter. Et surtout, elle était heureuse d'être avec Perseus. Elle le trouvait mignon, formidable, beau, adorable, tout ce que Harry avait vu dès le début et qu'elle avait mis plus de temps à comprendre. Elle s'émerveillait elle aussi, elle l'aimait vraiment, pleinement, sans se retenir. Elle avait toujours peur de beaucoup choses et elle souffrait encore de beaucoup de choses mais elle allait mieux. Elle se rendait compte que Harry allait mieux aussi, elle sentait parfois son regard sur elle quand elle parlait à Perseus. Il semblait moins fatigué et anxieux, il partait travailler avec sérénité et était content de rentrer.

Ce jour-là, elle avait eu une séance avec la guérisseuse Anderson, une séance banale et pas exceptionnelle où elle n'avait pas dit grand-chose d'important. Elle avait évoqué tous ces moments où ses parents, et surtout sa mère, lui avaient manqué. A l'hôpital quand elle avait fait le sortilège, à son mariage, à la naissance de son fils. Elle était rentrée, elle avait récupéré Perseus chez la nourrice et Harry était rentré plus tard, à cause d'une enquête qui l'occupait beaucoup. Dahlia avait conscience qu'elle ne parlait jamais de ses séances à Harry. Jusqu'à présent, elle était restée silencieuse sur ce qu'elle disait, elle n'avait pas voulu le partager avec lui. Peut-être parce que c'était son travail et son combat et qu'elle ne voulait pas l'y mêler. Peut-être parce qu'elle avait honte ou parce qu'elle l'aimait moins. En tout cas, cela faisait maintenant quelques temps qu'elle se disait qu'elle gagnerait peut-être à lui parler. Et elle avait à nouveau envie de le faire.

Ils étaient dans la salle de bain tous les trois. Harry et Dahlia avaient donné le bain à Perseus et il était maintenant allongé sur une serviette, par terre, battant des pieds et riant en essayant d'attraper le jeu que Harry balançait au-dessus de lui. Assise dans la douche, Dahlia s'enduisait les jambes de crème pour s'épiler et les observait tous les deux avec tendresse. C'était un bon moment, un moment doux et heureux, comme elle avait toujours aimé en vivre avec Harry.

- Je suis allée à ma séance aujourd'hui, dit Dahlia.

- Oui, je sais, répondit Harry sans la regarder, occupé à jouer avec Perseus.

- C'était une bonne séance.

Harry abaissa le jeu, laissa Perseus le prendre et se tourna vers Dahlia. C'était la première fois qu'elle évoquait explicitement une séance et il devina qu'elle voulait en dire plus.

- De quoi avez-vous parlé ?

Dahlia rinça ses jambes avec la pomme de douche et éteignit l'eau. Elle resta assise, regarda Perseus malmener le jeu en poussant des petits cris et se tourna à nouveau vers Harry.

- Nous parlons du fait que la naissance de Perseus a fait resurgir des douleurs en moi. Des douleurs comme le fait que ma mère et mon père ne m'ont jamais protégée de tout le mal que Tu-Sais-Qui m'a fait, qu'ils n'ont jamais essayé de m'aider ou de m'épargner ça. Qu'ils m'ont regardée souffrir sans me sauver. Ou encore le fait qu'ils ne m'ont pas aimée assez pour prendre ma défense ou pour me voir comme j'étais vraiment. Du fait que je les déteste, que je les ai abandonnés et trahis pour les punir de m'avoir abandonnée et trahie et que je les ai perdus.

Perseus jeta le jeu dans la salle de bain mais Harry l'ignora. Il fixait Dahlia, surpris qu'elle lui dise enfin tout cela, soulagé et triste, un peu sidéré de la violence qui sous-tendait ses paroles, sidéré aussi de ne pas y avoir pensé et de ne pas avoir deviné. Il voulut dire quelque chose mais elle n'avait pas fini et il la laissa continuer.

- Et donc, qu'à cause de tout ça, j'avais peur de ne pas être une bonne mère, que je ne savais pas comment faire, que j'avais peur de ne pas être capable de le protéger, comme ma mère en avait été incapable. Je n'aimais pas l'idée qu'il allait me ressembler parce que je me revoyais en lui et que j'avais l'impression que j'allais gâcher sa vie et qu'il allait souffrir autant que moi. Et je ne savais pas quoi faire pour changer ça…

Elle arrivait à le dire sans avoir envie de pleurer, avec un certain détachement mais une sincérité qui émut Harry. Elle y arrivait parce qu'elle l'avait dit et répété avec sa guérisseuse, parce qu'elle avait bien compris où était le problème. Ça n'avait pas été très dur à trouver, elle n'avait pas enfoui sa haine et sa douleur si profondément que ça. Ses traumatismes de la guerre n'étaient pas loin et ils étaient ressortis facilement, tout comme sa souffrance de ne pas avoir été assez aimée.

- Alors, c'est pour ça que tu n'allais pas bien ? demanda doucement Harry.

- On peut dire ça, oui.

- Et maintenant, ça va mieux, n'est-ce pas ? Depuis quelques temps, tu es différente avec Perseus, tu as enfin l'air heureuse de… d'être avec lui.

- Oui, ça va un peu mieux. Je ne veux pas être comme ma mère et Perseus n'est pas moi. Je… je vais faire le mieux possible.

- Bien sûr, dit Harry.

Ils se regardèrent un instant, comme s'ils se redécouvraient. Ça faisait une éternité qu'ils n'avaient pas eu de vraie conversation comme celle-ci. Dahlia sourit légèrement.

- Nous parlons aussi du fait que tu es merveilleux avec Perseus et que je m'en veux de te faire subir ça. Je ne m'étais rendu compte à quel point tu t'occupais bien de lui et à quel point j'avais de la chance que tu sois là.

- Non, je… Merci…

Il y eut un silence, entrecoupé par les geignements de Perseus qui commençait à s'impatienter. Harry et Dahlia n'y firent pas attention, il y avait autre chose de plus urgent et important, là, tout de suite. Harry se rapprocha de Dahlia et celle-ci se tourna, sortant ses jambes de la douche. Harry la contempla un moment, il avait l'impression de ne pas l'avoir vue depuis des mois.

- J'avais oublié, dit-il sincèrement. J'avais oublié à quel point je t'aimais. Et aussi, tu me manques.

Harry eut un peu envie de pleurer en le disant et elle eut un peu envie de pleurer en l'entendant.

- Tu me manques aussi, admit-elle.

Perseus se mit à pleurnicher pour manifester son mécontentement et Harry se tourna enfin vers lui, l'air faussement agacé.

- Tu ne peux donc pas me laisser parler à ta maman cinq minutes ? demanda-t-il en se penchant pour le prendre dans ses bras. Non, tu ne peux pas ? Tu fais ton jaloux et ton grognon.

- Il te ressemble finalement, commenta Dahlia en se levant de la douche pour essuyer ses jambes.

- Je ne suis ni jaloux ni grognon, parle pour toi !

Dahlia sourit et ne prit pas la peine de répondre. Ils allèrent dîner puis Dahlia donna le sein une dernière fois à Perseus pendant que Harry rangeait la cuisine. Il s'endormit contre elle, comme bien souvent, agrippé à une mèche de cheveux de sa mère et elle l'en détacha doucement pour le coucher. Harry la rejoignit, embrassa délicatement Perseus et ils sortirent de la chambre sans faire de bruit pour ne pas le réveiller. C'était maintenant leur moment à eux, où ils pouvaient souffler et se détendre. En temps normal, Dahlia allait lire dans son lit ou même se coucher, déprimée et désireuse de fuir Harry et ce dernier restait dans le salon pour travailler, terminer les tâches ménagères ou simplement boire une tisane sur le canapé, triste et inquiet.

Ce soir-là cependant, Dahlia rattrapa Harry dans le couloir et l'obligea à se tourner vers elle. Dès qu'il le fit, elle l'embrassa vivement, se serra contre lui et passa ses mains dans ses cheveux noirs pour le garder là. Elle avait l'impression qu'elle ne l'avait pas embrassé depuis une éternité et c'était vrai. Elle avait oublié la sensation des lèvres de Harry sur les siennes, de sa langue contre la sienne, le goût que ça avait. Elle avait oublié à quel point ça l'excitait. Harry la serra contre lui aussi et lui rendit son baiser avec un mélange de stupeur et de désir fiévreux. Dahlia avança dans le couloir, obligeant Harry à reculer jusqu'à leur chambre et elle poussa la porte derrière elle.

Maintenant qu'ils étaient là, elle pouvait faire ce qu'elle voulait. Elle embrassa la mâchoire de Harry, son cou, glissa ses mains sous son t-shirt pour caresser sa peau pendant qu'il déboutonnait son chemisier et son pantalon.

- Ça aussi ça me manque, souffla Dahlia contre la peau de Harry.

- Moi aussi, bon sang, moi aussi, gémit-il en l'embrassant à nouveau.

Ils se retrouvèrent rapidement en sous-vêtements, impatients, un peu haletants. Dahlia s'agenouilla devant Harry, déposa des baisers autour de son nombril puis sur le chemin de poils noirs qui menait à son sexe. Elle avait envie de l'embrasser partout, de goûter à nouveau sa peau. Même le goût de sa verge dans sa bouche lui avait manqué et elle fit doucement glisser ses lèvres sur lui, le sentit frissonner, sentit sa propre excitation monter aussi, la chaleur entre ses jambes, le sang qui pulsait dans son propre sexe à elle. Harry agrippa les cheveux de Dahlia avec un peu moins de retenue que d'habitude et gémit quand elle le prit entre ses doigts pour le masturber en même temps qu'elle le suçait. Il avait oublié lui aussi ce que c'était que d'être dans sa bouche, la chaleur, l'humidité, l'excitation pure et simple de la regarder faire ça, de regarder son sexe s'enfoncer entre ses lèvres et en ressortir, humide et un peu plus dur à chaque fois.

Il n'avait pas besoin de beaucoup de stimulation pour bander cependant, il était trop en manque pour ça et il avait trop envie d'elle. Il s'était mis à bander dès qu'elle l'avait embrassé dans le couloir. Ça l'avait surpris qu'elle le fasse mais pas tant que ça, au fond. Il avait nettement senti que quelque chose s'était libéré quand elle lui avait parlé dans la salle de bain, quand ils s'étaient enfin regardés à nouveau. Ça avait rallumé une flamme en chacun d'eux. Harry voulait davantage qu'une flamme maintenant, il voulait se consumer dans un brasier avec elle. Il tira doucement sur ses cheveux pour se reculer.

- A mon tour, dit-il d'une voix basse et essoufflée.

Dahlia le lâcha et se releva. Il la poussa vers le lit et la rejoignit d'un pas. Le regard qu'il posa sur elle était aussi brûlant que le regard qu'elle lui rendit et il posa ses mains sur les hanches de Dahlia, caressa ses fesses et baissa sa culotte d'un geste impatient. Elle se pencha pour la retirer et s'assit au bord du lit, le regard toujours braqué sur lui, comme si elle avait peur de le perdre à nouveau. Harry s'agenouilla devant elle et lui écarta les jambes en les caressant en même temps. Il embrassa ses cuisses, remonta jusqu'à l'aine, la sentit frémir d'envie et continua ses baisers. Il effleura les poils blonds de son pubis avec son nez et sa bouche puis il lui donna ce qu'elle désirait et passa sa langue entre les lèvres de son sexe, jusqu'au clitoris. Il l'écouta gémir nerveusement, comme si c'était trop insupportable pour rester silencieuse. Harry continua ses caresses et Dahlia ferma les yeux, les doigts serrés dans ses cheveux noirs. La langue de Harry sur son sexe éveillait en elle un plaisir violent et brûlant qui la faisait gémir et lui volait son souffle. Quand il léchait son clitoris, elle se sentait proche de jouir et tout son corps se tendait. Quand il descendait et léchait l'entrée de son vagin, elle écartait davantage les cuisses, mourant d'envie de sentir le sexe de Harry la pénétrer. Elle aurait pu jouir comme ça, une première fois mais elle préférait le faire avec lui, l'avoir en elle. Elle en avait besoin, elle voulait qu'ils se retrouvent pour jouir ensemble. Dahlia ouvrit les yeux.

- Harry, arrête, viens là maintenant.

Elle se laissa tomber en arrière pour s'allonger sur le lit et Harry s'essuya rapidement la bouche avant de la rejoindre. Il fit glisser ses mains sur le ventre de Dahlia qui avait globalement retrouvé son apparence normale puis sur son soutien-gorge. Elle se redressa pour le dégrafer et le jeta sur le sol sans y faire attention. Harry posa ses mains sur ses seins, croisant le regard de Dahlia.

- Doucement avec mes seins, dit-elle.

Il y avait presque un regret derrière sa recommandation et Harry sourit. Il se pencha pour les embrasser, doucement, et laissa ses baisers remonter dans le cou de Dahlia. Avant, il aurait pris ses seins dans sa bouche et aurait lécher ses mamelons pour l'exciter mais quelque chose le retint et il ne le fit pas. Il se contenta de les caresser, doucement, et de s'enivrer du parfum de la peau de Dahlia. Elle posa ses mains sur le dos de Harry, les fit descendre jusqu'à ses fesses et s'y accrocha fermement. Puis elle appuya dessus et souleva ses hanches pour que son sexe caresse celui de Harry.

- Allez, ordonna-t-elle.

Elle n'avait pas envie d'attendre et il n'en avait pas spécialement envie non plus. Il la pénétra rapidement, gémit en même temps qu'elle tant la sensation lui avait manqué. Dahlia n'avait pas lâché les fesses de Harry et les sentait bouger entre ses cuisses, tout comme elle sentait son sexe glisser en elle et s'enfoncer profondément. C'était bon, trop bon. C'était comme se retrouver après une longue séparation ou encore reprendre son souffle après l'avoir retenu trop longtemps.

- Plus fort, supplia Dahlia.

Harry accéléra ses gestes et prit appui sur ses mains pour se redresser un peu et la regarder. Il voulait voir l'excitation et le plaisir sur son visage, voir ses cheveux se défaire, ses yeux le désirer. Il voulait la regarder, juste ça, pour ne plus la perdre. Ils s'essoufflaient tous les deux, lui surtout, leurs peaux devenaient moites, ils avaient chaud. Dahlia gémissait à chaque fois que Harry s'enfonçait en elle et que son sexe se frottait contre elle, profondément, l'emmenant toujours un peu plus près de la jouissance. Elle lâcha les fesses de Harry et il attrapa presque violemment ses mains. Il les ramena au-dessus de sa tête et entrelaça leurs doigts. Il aimait la regarder bouger, voir ses seins vibrer à chaque coup de rein qu'il donnait, entendre le grincement discret du lit.

- Encore, encore, ordonna Dahlia d'une voix saccadée.

Harry planta ses yeux dans ceux de Dahlia et continua ses gestes, rapides, profonds, un peu brusques.

- Je t'aime, dit-il.

- Je t'aime aussi, répondit Dahlia. Je t'aime… Oui, continue !

Dahlia souleva ses hanches et referma ses jambes autour de Harry quand elle jouit, pour qu'il ralentisse, pour qu'il reste là où il la touchait, pour que l'orgasme dure plus longtemps. Elle ne fit aucun effort pour retenir quoi que ce soit – pourquoi le ferait-elle ? – et cria quand le plaisir la submergea. C'était presque douloureux tant c'était bon, elle avait toujours l'impression qu'elle pourrait en pleurer. Aujourd'hui plus encore parce que ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas joui. Elle continua à gémir pendant que Harry bougeait en elle, lui offrant la moindre miette de plaisir puis il jouit à son tour et éjacula en elle avec un soupir plaintif de soulagement et de ravissement.

Il resta en elle un moment, incapable de bouger et pas plus désireux que ça de le faire. Il se sentait essoufflé, plus qu'il l'aurait dû, restes du poison polonais. Dahlia se dégagea de ses mains et caressa doucement ses cheveux. Elle aimait aussi l'avoir en elle. C'était rassurant de redevenir elle-même, d'être une femme à nouveau, d'oublier le reste pour ne plus être que Harry et Dahlia. Il finit tout de même par bouger, se retira d'elle lentement et s'allongea contre elle. Elle se tourna pour qu'il puisse se coller contre son dos et sourit quand il repoussa ses cheveux pour embrasser le dragon sur sa nuque.

- Harry, dit Dahlia en brisant le silence. Tu as recommencé à prendre la potion de contraception ?

Elle le sentit se redresser brusquement dans son dos et elle tourna la tête pour le regarder.

- Putain, non ! Non, je…

Il y avait une légère panique dans son regard et elle sourit à nouveau. Elle n'était pas vraiment inquiète, elle doutait très fortement de retomber enceinte maintenant et d'ailleurs, elle doutait de pouvoir jamais retomber enceinte un jour, si tant est qu'elle en ait envie. Les chiffres du guérisseur Ndugu étaient clairs, très peu de femmes dans son cas avaient réussi à mener deux grossesses à terme.

- Ce serait peut-être bien de la reprendre, suggéra-t-elle.

- Oui, pardon, j'ai été con sur ce…

- C'est bon, je n'y ai pas pensé une seule seconde non plus.

Elle se leva pour aller s'essuyer et ils s'allongèrent dans leur lit, l'un contre l'autre. Ils étaient un peu fatigués par le plaisir récent mais ils n'avaient pas envie de dormir. Ils se mirent plutôt à discuter, parlant plus en détail et plus profondément du mal-être de Dahlia et de ses séances avec Erica Anderson. Maintenant que Harry savait ce qui la faisait souffrir et maintenant qu'il la comprenait, il serait beaucoup plus à même de l'aider et de la soutenir. Il l'aimait même encore plus, parce qu'il avait de la compassion pour elle. Il avait rarement autant haï Lucius et Narcissa qu'à cet instant. Quand elle lui avoua qu'elle l'enviait presque d'avoir des parents morts pour lui, il ne s'en offusqua pas et c'était bien la première fois. Au fond, elle n'avait pas tort. Mieux valait peut-être des parents morts de l'avoir trop aimé que des parents vivants de ne pas l'avoir assez aimé.

Ils parlèrent longtemps, bien après qu'il fasse nuit. Quand ils s'arrêtèrent, ils refirent l'amour une deuxième fois, trop heureux de s'être retrouvés pour se contenter d'une seule fois. Puis, épuisés, ils s'endormirent l'un contre l'autre, certains que la vie allait leur sourire à nouveau et que tout serait désormais plus facile. Quand Perseus pleura pour son biberon à deux heures, Dahlia avait l'impression qu'elle venait de s'endormir et s'y rendit comme une automate, sans être vraiment réveillée. Ça ne faisait rien, elle lui donna son biberon et retourna se coucher. Elle savait que le prochain réveil serait pour Harry, vers 5h, juste avant qu'il parte travailler. Il ne l'avait jamais dit mais elle était sûre qu'il aimait que Perseus se réveille avant son départ. Ça lui donnait l'occasion de le voir et de l'embrasser et Harry s'en sentait soulagé. Après tout, la Pologne le lui avait prouvé : il savait quand il partait, pas toujours quand il revenait ni même s'il reviendrait.

OoOoO

A la mi-juillet, Dahlia fut surprise de recevoir une lettre de Molly Weasley lui proposant de venir passer quelques temps en Angleterre.

« Je sais que c'est la pause estivale et que tu n'as presque plus d'entrainements. Je sais aussi que c'est long d'être seule avec un bébé pendant toute une journée. J'ai cru comprendre que tu allais mieux mais si tu veux, tu peux venir nous voir et te changer les idées. Tu peux même dormir chez nous si tu le souhaites, comme à Noël. Personne ne le saura et tu seras tranquille. Je pourrais t'aider avec Perseus et tu pourrais te reposer. Fleur te fait dire qu'elle serait également ravie que tu viennes. Je ne te force pas, bien sûr, je sais que ce n'est pas facile pour toi de venir en Angleterre. Fais comme tu le souhaites ma chérie. »

Dahlia ne montra pas immédiatement la lettre à Harry, elle préférait d'abord faire son choix. C'était vrai qu'elle n'aimait pas rentrer en Angleterre mais son bref séjour à Noël lui avait prouvé que finalement, ça pouvait bien se passer. Elle était toujours un peu nerveuse de se retrouver si près de ses parents mais de toute façon, elle parlait déjà d'eux à chacune de ses séances donc ça ne changerait pas grand-chose. Dahlia ne voulait pas se le cacher, la perspective d'aller passer quelques temps en Angleterre l'effrayait mais en même temps, elle était encore plus effrayée par l'idée de passer tout l'été seule avec Perseus et de se sentir à nouveau malheureuse. Pour l'instant, elle allait mieux mais qui sait ? Elle se sentait toujours terriblement seule et le soutien de Molly et Fleur ne serait pas de trop. Au fond d'elle, elle avait envie d'y aller, ne plus être seule, se sentir aidée et entourée, se retrouver dans une maison avec d'autres bébés et d'autres enfants qui pourraient jouer avec Perseus. Même l'idée d'être à la campagne lui plaisait, elle pourrait se promener dans la paix et le silence, éprouver à nouveau les sensations qu'elle avait quand elle était petite.

Elle montra donc la lettre à Harry qui bénit intérieurement Mrs Weasley d'être ce qu'elle était. Il fut surpris à son tour de voir que Dahlia souhaitait honorer l'invitation mais il trouva que c'était une très bonne idée. Dans l'animation du Terrier, elle se sentirait surement moins seule et abattue.

- Parfait alors, dit-il en souriant. Tu veux partir quelques jours ? Est-ce que tu veux que je vienne avec toi ou…

- En fait, coupa Dahlia en jouant avec sa cuillère sans le regarder. En fait… je me disais que nous pourrions aller vivre là-bas, pendant tout l'été.

Harry leva vers elle un regard stupéfait.

- Tu veux vivre au Terrier pendant tout l'été ?

- Non, pas au Terrier, je ne veux pas vivre chez eux. Mais nous pourrions, je ne sais pas, louer une maison pendant un mois ou deux, pas très loin et… Un peu comme des vacances. Bon, toi tu travailles, je sais mais… Tu pourrais dormir le matin au moins.

Harry hésita et l'observa avec attention tout en réfléchissant à la proposition. Elle attendait, patiente, qu'il lui donne son avis.

- Tu es sûre que tu veux faire ça ? demanda-t-il enfin.

- Oui, je crois. J'avoue que je me sens seule ici quand tu es au travail. Clara a un bébé aussi mais elle a sa belle-famille, elle a ses amis et nous ne sommes pas si proches que ça. Et tous mes autres amis sont occupés par leur travail et leur vie, ils ne vont pas passer leur temps avec moi à promener Perseus dans tout Hidden City. Ce n'est pas leur rôle et je ne peux pas leur imposer ça. En Angleterre, au moins, j'aurai Fleur et Mrs Weasley. Et puis la campagne me manque, je pourrai être un peu dehors, je me sentirai moins enfermée.

- D'accord. Et concernant les risques que quelqu'un te reconnaisse ou se rende compte que je suis revenu vivre là avec une femme et un bébé ?

- Nous serons discrets ! Si nous trouvons une petite maison à la campagne, ça devrait aller, personne ne nous verra. Et… et si finalement ça ne va pas, nous n'aurons qu'à rentrer. C'est juste pour l'été.

Harry était un peu étonné que ce soit Dahlia qui se mette à le convaincre que ça ne posait pas de problème d'aller en Angleterre. Il n'était pas complètement idiot cependant, il savait bien qu'elle avait toujours peur et que l'idée ne la rendait pas totalement sereine mais elle avait besoin d'y aller, pour ne pas resombrer dans l'angoisse et la tristesse.

- Très bien alors, conclut Harry. Je vais me renseigner pour trouver une maison… Je doute que les sorciers anglais louent leur maison donc peut-être que ce sera chez des Moldus.

- J'imagine bien, oui, admit Dahlia. Nous ne pouvons pas prendre une maison dans un village sorcier, tout le monde te reconnaitrait et viendrait fouiner.

Harry déclara qu'il demanderait à Hermione si elle savait comment s'y prendre. La perspective d'aller passer l'été à la campagne, en Angleterre, plaisait beaucoup à Harry. Il se sentit de bonne humeur, tout comme Dahlia qui mélangea son thé avec entrain.

- Il faut que je te dise quelque chose, dit brusquement Harry. Je ne le dis pas pour que nous changions ou que nous prenions une décision mais simplement pour que tu le saches et… je ne sais pas, j'ai besoin de le dire.

Dahlia se tourna vers lui avec curiosité et un peu d'appréhension. Elle se demandait bien ce qu'il avait à lui dire qui pourrait impliquer qu'ils changent quoi que ce soit à leur vie.

- Je commence à trouver cela pesant et difficile de travailler aussi loin de vous, déclara Harry. Quand il n'y avait que toi, ça allait mais depuis que tu es tombée enceinte ou qu'il y a Perseus, je… Quand tu étais enceinte, j'avais peur qu'il t'arrive quelque chose et que je sois trop loin pour faire quoi que ce soit. J'ai failli louper la naissance de Perseus. C'est… C'est un peu stupide parce qu'avec les Portoloins je peux rentrer facilement mais ce n'est pas la même chose. Ce n'est pas comme savoir que je peux transplaner à tout moment, n'importe quand, pour te rejoindre.

Dahlia fut un peu surprise de la confidence de Harry, il n'en avait jamais parlé avant, il avait gardé son anxiété pour lui. Elle admettait cependant qu'elle n'avait jamais particulièrement aimé le savoir aussi loin mais ça, il le savait déjà.

- Et ? demanda-t-elle. Tu voudrais démissionner et venir travailler à New York ?

Harry secoua la tête.

- Je ne sais pas, je te l'ai dit, je n'ai aucune idée de ce que je veux exactement pour l'instant. J'ai pensé à démissionner mais pour faire quoi d'autre ? Je ne sais rien faire à part ça. Je pourrais venir travailler au MACUSA et être Auror là-bas mais honnêtement, je n'en ai pas très envie. Il y a Tyler et Abby que j'apprécie beaucoup mais… Je l'ai bien vu quand j'étais en formation là-bas, je trouvais ça dur d'être complètement coupé de Ron et Hermione ou des Weasley. Et puis ça voudrait dire que j'abandonne tout, le Ministère, mon pays, mes collègues, mes amis… Je ne sais pas si…

Il n'alla pas au bout de sa phrase et secoua la tête, agacé par tant d'incertitude. Dahlia le comprenait parfaitement, elle n'allait certainement pas l'obliger à abandonner tout cela.

- Enfin bref, je voulais juste que tu le saches. Et tout ça pour dire que donc, ça me plait bien qu'on aille passer l'été en Angleterre. Je serai près de vous, je pourrai transplaner pour rentrer. Ça me rassurera de savoir que vous êtes dans le même pays, juste à côté.

Maintenant qu'ils avaient décidé cela, Harry saisit la première occasion qui se présenta d'aller trouver Hermione et lui exposa leur projet. Elle eut l'air surprise que Dahlia accepte de venir mais elle trouvait aussi que c'était une bonne idée. Ils se rendirent dans un cyber café de Londres pour avoir accès à un ordinateur et à internet. Ils y passèrent toute leur pause du midi, faisant défiler les annonces de location. Harry s'y prenait un peu tard et il n'y avait plus tant de choix que ça. Il finit tout de même par trouver une maison qui lui plaisait, un petit cottage dans le Devon, près de la rivière Otter, à quelques kilomètres du Terrier. Dahlia pourrait y aller en balai sans problème si elle le souhaitait. Harry avait pris soin de choisir un cottage avec une cheminée qu'il relierait au réseau de Cheminette. Fleur pourrait venir voir Dahlia en empruntant ce moyen de transport qui était encore trop dangereux pour un bébé comme Perseus. Il se sentit extrêmement soulagé quand il termina la réservation avec la carte bancaire des parents d'Hermione qu'ils lui prêtaient quand elle avait besoin de commander des choses moldues. Harry passa à Gringotts pour retirer l'équivalent de la somme, la changea en livres sterling et la confia à Hermione pour qu'elle la rende à ses parents. Quand il le fit, il regretta un peu le monde clos mais simple de Hidden City où les sorciers américains n'avaient pas à se prendre la tête pour ces détails-là.

A trois mois, Perseus ne pouvait évidemment ni transplaner ni prendre de Portoloin et ils se rendirent en Angleterre en bateau, comme Dahlia l'avait fait avec Fleur à Noël. Harry ne sortit pas trop de sa cabine, il n'avait aucune envie de tomber sur des Anglais curieux qui se demanderaient ce qu'il fichait ici. Il fut quand même obligé de le faire pour manger et il sentit nettement quelques regards insistants sur lui. Il tenta de les ignorer en espérant que ces gens, de simples civils comme tout le monde, garderaient pour eux l'information selon laquelle Harry aurait été sur un bateau avec une femme et un bébé. Ce fut toutefois un soulagement d'arriver à quai et de prendre le train pour gagner leur cottage.

C'était un cottage banal mais fort joli, avec son toit de chaume, ses murs blancs et sa glycine en fleur. Il y avait un petit portillon, un petit jardin, deux chambres et une terrasse ombragée. Dahlia adora l'endroit, ça la changeait des immeubles newyorkais et ça ressemblait vraiment à des vacances. Ils s'installèrent, sortant de leurs valises magiques tout ce qu'ils avaient apporté. La chose la plus encombrante était assurément le lit de Perseus mais le cottage n'avait pas de lit pour bébé donc il avait fallu pallier ce défaut. La magie rendait cependant tout bien plus simple et il leur suffit de quelques coups de baguettes pour que les vêtements soient pliés et rangés dans les armoires. Pendant que Harry s'occupait de la cheminée, Dahlia sortit dans le jardin avec Perseus et s'assit sur le petit banc de bois, au soleil, heureuse d'être là. C'était un peu cliché de vouloir fuir sa vie quotidienne pour aller mieux et elle était la mieux placée pour savoir que fuir à l'autre bout du monde ne réglait pas grand-chose. Cependant, elle ne regrettait pas d'être venue, elle espérait que ça l'aiderait vraiment. De toute façon, ça pouvait difficilement être pire.