21 janvier

— Vingt-quatre heure, glapit Oikawa.

Iwaizumi lui jeta un regard las. Ils venaient de passer presque quatre jours ensemble et il pleurait déjà pour leur tour de garde qui n'avait même pas encore commencé. Ils venaient même de déjeuner ensemble au « restaurant » de donuts et en sortaient tout juste.

— Si je te manque trop, tu n'as qu'à traverser le couloir, Oikawa s'approcha et susurra au creux de son oreille : « Je te rappelle que je ne partage ma chambre avec personne… ».

Iwaizumi leva les yeux au ciel, il lui frotta les cheveux et poussa légèrement sa tête. Oikawa râla, plus pour la forme que de douleur, et lui jeta un regard mauvais.

— Tooru ?

Ils s'arrêtèrent tous les deux et se tournèrent. Une jeune femme se trouvait derrière eux, de jolis cheveux châtains, plutôt longs. Iwaizumi nota immédiatement qu'elle était aussi bien habillée qu'Oikawa, et qu'elle devait faire partie de son milieu.

Oikawa quant à lui se décomposa et afficha un sourire crispé, faisant de son mieux pour cacher son trouble, il salua gaiment celle qui avait été sa fiancée pendant vingt-et-un an. Il pria pour qu'elle ne fasse pas de bourde et ne froisse pas Iwaizumi. Bien qu'il ait été mis au courant quelques temps auparavant, ils n'avaient jamais eu l'occasion d'en reparler et il se doutait qu'être confronté de plein fouet à ça l'énerverait plus que de raison.

— Tooru ! s'exclama-t-elle finalement, elle s'approcha et posa sa main sur son bras : « Comment vas-tu ? »

Mal à l'aise pour Iwaizumi, Oikawa lui lança un regard désolé.

— Je vais bien, merci, il lui adressa un sourire poli et s'écarta d'un pas : « Et toi ? ».

— Plutôt bien, je suis en train de prendre la relève de mon père peu à peu. D'ailleurs ça fait un moment que tu ne l'as pas vu. Et que tu n'es pas venu à la maison, ajouta-t-elle dans un sourire.

La main encore sur son bras, elle s'approcha de nouveau et s'accrocha à son bras.

Iwaizumi serra le poing. Il ne savait pas qui elle était, mais elle ne lui plaisait pas. Du tout.

— J'ai été pas mal occupé ces derniers temps oui… Oikawa croisa les bras : « Tu salueras ton père pour moi. ».

Elle glissa une main dans son dos, il se crispa un peu plus. Elle le nota, et fixa Iwaizumi.

— Tu as été promu lieutenant de ce que j'ai su, je ne te pensais pas si généreux pour offrir le déjeuner à tes subordonnés.

Iwaizumi tiqua, il tira Oikawa par le bras, elle relâcha sa prise, étonnée.

— On tripote pas les gens comme on veut, grogna-t-il vers elle.

— On se connait, au cas où tu ne l'aurais pas compris. Je peux savoir pour qui tu te prends ? lâcha-t-elle, dédaigneuse.

Iwaizumi la toisa. C'était plus qu'une connaissance, il en était certain et ça l'agaça. Il attrapa le menton d'Oikawa et agrippa une de ses fesses. Il l'embrassa, glissa même sa langue avant de le relâcher et de lui jeter un regard noir.

— Plutôt que d'me prendre pour qui, demande toi qui j'suis.

Elle resta estomaquée, se tourna vers Oikawa, qui avait les joues légèrement rosées, et lâcha :

— Alors c'est ça ? C'est pour... Ce truc, que tu ne voulais plus qu'on se voit ?

Oikawa lui jeta un regard mauvais.

— Ce truc comme tu dis, je l'ai choisi, je ne l'ai jamais subi, siffla Oikawa, énervé.

— Tu m'aurais subi ? se vexa-t-elle : « T'étais bien content qu'on profite de nos fiançailles, même après qu'elles aient été rompues, dans mes souvenirs ! »

Iwaizumi se figea. Il pria pour avoir mal entendu quand Oikawa rétorqua :

— Fiançailles que j'ai rompu car je ne m'imaginais pas passer ma vie avec toi, il plissa le nez : « J'ai cessé de répondre à tes messages il y a déjà six mois, je pensais qu'il était évident que je ne voulais plus rien partager avec toi à ce moment-là. ».

Oikawa jeta un coup d'oeil à Iwaizumi. Même dans le bureau de Nobuteru il n'avait pas été aussi tendu. Il attrapa sa main et l'entraina jusqu'à sa voiture. Sans lui adresser un regard, Iwaizumi monta dans la voiture et boucla sa ceinture, les yeux rivés sur le pare-brise.

— Possessif hein, souffla Oikawa en mettant le contact.

Iwaizumi le regarda de travers.

— J'ai de quoi l'être. Tu t'es tapé et peux te taper la Terre entière, grommela-t-il.

— Pas à ce point, se défendit Oikawa : « J'ai du goût ! ».

Iwaizumi railla :

— J'en doute. Tu l'as vue ? Pire fille à papa du monde en plus. Et elle a l'air d'en penser autant pour moi. Ta fiancée en plus ? Pitié.

Oikawa pinça les lèvres.

— Tu dis ça parce que tu es gay, un hétéro ne cracherait pas dessus je peux te l'assurer ! s'offusqua Oikawa : « Quant à ce qu'elle pense de toi, je m'en moque, c'est à moi que tu es supposé plaire et tu me plais. C'est l'essentiel non ? ».

Iwaizumi tourna la tête vers la fenêtre et s'y accouda. Il grogna un « hm » pour la forme. Une curiosité malsaine le poussait à savoir s'ils étaient vraiment sortis ensemble. Chose qu'il n'avait pas du tout envie de savoir. Il préféra garder la bouche close et se renfrogner. C'était du passé, et on se moquait bien du passé. Il nota qu'Oikawa n'avait pas pris le chemin le plus court pour aller à la caserne, décidé à parler.

— Si ça peut te rassurer, nous ne sommes jamais sortis ensemble. On était fiancé, on se voyait régulièrement, mais nous ne sommes jamais tombés amoureux l'un de l'autre, il marqua une pause, inspira longuement et s'arrêta à un feu rouge : « J'ai rompu nos fiançailles dès que j'ai eu le droit de prendre des décisions me concernant. Elle a continué à me côtoyer car je suis un bon parti et parce qu'elle a toujours apprécié mon visage. Elle n'aime pas qui je suis mais ce que je suis. ».

Iwaizumi s'accorda un discret soupir. Il ne douta pas un instant de la véracité de ses propos, s'étant lui aussi fait la remarque quelques temps auparavant.

— Et toi ?

Surprit, Iwaizumi tourna la tête vers Oikawa.

— Et moi quoi ?

Les mots étaient secs, bien que rassuré, il restait contrarié.

— Tu as déjà été amoureux, mais tu ne m'en as jamais parlé.

Oikawa lui jeta un regard avant de le retourner vers la route. Il l'avait vu serrer les dents et baisser les yeux. Il y eu un grand silence dans l'habitacle durant lequel Oikawa le regarda plusieurs fois.

Décidé à crever l'abcès, Oikawa inspira longuement.

— Il a un nom ? Oikawa se heurta à un mur de silence mais poursuivit : « Vous… », moins confiant, il se mordit la lèvre.

Il gara la voiture sur le parking de la caserne, ne s'offensant plus réellement de voir la moto de Kuroo sur sa place. Oikawa tourna son regard vers Iwaizumi, le regard toujours bas et la mâchoire crispée.

Délicatement, il posa sa main sur sa cuisse.

— Vous êtes restés longtemps ensemble ? il poursuivit plus bas : « Et pourquoi est-ce que vous vous êtes séparés ? ».

Les mots eurent pour effet de faire sortir Iwaizumi de sa léthargie. Violemment, il repoussa la main d'Oikawa et lui lança un regard noir. Déterminé à fuir l'interrogatoire qu'il lui faisait, il quitta la voiture, claqua la porte et s'engouffra dans la caserne sans même lui accorder un regard.

Resté bête, Oikawa le regarda s'éloigner. Plus blessé que vexé, son coeur se serra lorsqu'Iwaizumi disparu de son champ de vision.