Que s'était-il passé, durant cet été 1997 ?

C'est la question qui tournait dans la tête de Scorpius depuis quelque temps déjà.

La zone d'ombre des souvenirs d'Hermione Granger se tenait dans la période située entre les funérailles d'Albus Dumbledore qui avaient eu lieu le 3 juillet 1997 et le 27 de ce même mois où elle avait contribué à aider Harry Potter à quitter la maison de sa tante.

Vingt-quatre jours.

Il avait fini par émettre l'hypothèse que le sortilège Protéiforme avait dû servir à échanger des informations, ou, pourquoi pas, des coordonnées de rendez-vous. La magie résiduelle émanant du badge avait confirmé la présence de coordonnées.

Renonçant aux faux-semblants qu'il entretenait envers lui-même, il menait désormais une double vie en tant que chercheur.

Il voulait savoir.

Continuant de fouiller avec acharnement dans les affaires de son père, il avait fini par faire une découverte qui achevait de le plonger dans la confusion.

Le Retourneur de Temps qu'il avait utilisé dans sa jeunesse. Celui qu'Hermione Granger s'était engagée à détruire. Il ne semblait pas avoir été utilisé depuis cette période.

Il peinait à croire que la Première Ministre aurait donné de son plein gré cet objet à son père. Et cela le conduisait à soupçonner qu'il pourrait bien être celui qui avait altéré la mémoire de la jeune femme qu'elle était alors.

Cet objet n'avait jamais réellement cessé de provoquer en lui fascination dangereuse.

Retourner dans le passé, et tout reconstruire avec Rose…

Il fit taire à grand peine la voix à l'œuvre dans sa tête, celle qui avait le moins d'accointances avec sa raison.

Une autre, peut-être plus déraisonnable encore, fit jour dans son esprit.

Retourner dans le passé, et découvrir ce qui s'est passé durant l'été 1997…

Et après tout, pourquoi pas ?

Il avait appris de ses erreurs, il savait que le prix à payer pour changer le passé était trop grand. Il demanderait à Albus de lui prêter la cape d'invisibilité des Potter et il agirait scrupuleusement comme s'il se trouvait dans la Pensine, en observateur.

Albus avait accepté sans lui demander ses raisons.

3 juillet 1997

Lorsque Hermione Granger se sépara de Ron Weasley et Harry Potter, elle ne mit pas longtemps avant d'être saisie par le bras et transplanée contre son gré dans un endroit inconnu. Il faisait nuit, les rues Moldues étaient sombres. D'ordinaire, ils rentraient tôt, mais les funérailles de Dumbledore avaient bouleversé les horaires usuels.

Lorsqu'elle avait deviné les intentions de l'homme qui l'avait attrapée par derrière, elle s'était efforcée d'être consentante : mieux valait être entière et capable de se défendre que désartibulée.

Mieux valait être à l'abri des regards des moldus plutôt que de se livrer à un duel destructeur en plein Londres.

Se débattant, elle finit par faire tomber le capuchon de l'inconnu, révélant les traits de Drago Malefoy, sa mâchoire manqua de se décrocher.

« Qu'est-ce que tu me veux, Malefoy ? J'aurais cru que tu aurais décampé le plus loin que tes jambes te porteraient… »

Sa main se referma sur sa bouche. A l'évidence, le but était plus de la faire taire que de l'étouffer. Son autre main se saisit de sa baguette pour l'envoyer au loin. Mais il ne s'arrêta pas là.

Il attrapa sa propre baguette et la jeta également au loin. Les yeux de la jeune femme s'écarquillèrent en suivant des yeux la trajectoire du bout de bois qui rejoignait le sien.

Pas le temps pour se poser des questions sur son comportement étrange. Elle savait par expérience qu'il était moins versé qu'elle dans la violence à la moldue. Peut-être que tout n'était pas perdu…

« Bien. J'espère que tu as conscience, Granger, que je prends un énorme risque. Je ne doute pas que tu me surpasses en combat à la moldue. »

Touché. Pas si bête… Drago Malefoy était la preuve vivante que les « bons élèves », sans esprit critique développé, pouvaient être capables du pire.

« Ecoute-moi. »

Sentant qu'elle commençait à s'apaiser, il prit le risque d'écarter sa main.

C'est alors qu'elle se rendit compte qu'elle était devant la maison de ses parents. Comment il a pu savoir à quelle adresse j'habite ?!

« Granger, ils ont l'intention de venir et de tuer tes parents. »

Abasourdie, elle pivota pour lui faire face. Devant son absence de réaction, il posa les mains sur ses épaules pour la secouer.

« Tu dois les faire fuir. »

« Pourquoi ? »

Pourquoi tu m'aides ? Que s'est-il passé depuis le meurtre de Dumbledore ?

Malefoy n'était pas un expert pour déchiffrer des questions implicites, pas dans un moment pareil.

« Je viens de te dire qu'ils vont venir tuer tes parents, Granger ! Tu dois les envoyer ailleurs ! »

Il était allé chercher sa baguette et avait transplané derechef, laissant Hermione et ses interrogations.

4 juillet 1997

La nuit lui avait porté conseil. Elle n'avait pas avancé sur le sujet épineux que constituait les motivations opaques de Malefoy, mais elle avait mis au point un plan.

Soumettre ses parents au sortilège Oubliettes, leur créer une nouvelle identité, les envoyer en Australie.

Si elle mettait de côté le fait qu'elle avait le cœur au bord des lèvres, tout allait bien.

Lorsqu'elle quitta la maison qui l'avait vu grandir, elle resta la contempler quelques instants dans la pénombre. Elle s'attendait à ce qu'elle soit profanée, détruite.

Peu importait, au fond.

Les larmes roulaient sur ses joues lorsqu'elle songea que, quoi qu'il advienne de son foyer, les mangemorts l'avaient déjà contrainte à détruire sa famille.

Ce fut dans cet état que Malefoy la trouva lorsqu'elle se matérialisa à ses côtés.

« Qu'est-ce que tu fais encore là ? Tu viens savourer le travail que toi et les tiens m'ont forcée à accomplir ? »

« Et toi, qu'est-ce que tu fais encore là ? Tu as envie d'être leur quatre heures, Granger ? »

« Parce que tu viens assurer le service après-vente, maintenant ? »

A en juger par sourcils relevés, elle se douta qu'il n'était guère familier avec le concept…

…ce qui ne l'empêcha pas de se saisir à nouveau de son bras pour les faire transplaner.