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LA MARCHE DES MOLDUS
Les convois des moldus avaient pénétré le territoire de Stonehenge au crépuscule. Sept milles hommes et femmes, forcés à la marche forcée pendant trois jours entiers, avec armes, armures et peurs. Lily avait avancé dans le cortège de tête. Elle prenait même de l'avance, le regard concentré sur la route et l'image de ce qu'elle s'apprêtait à faire sur le champ de bataille. Elle avait hâte, le goût du sang et loin de sa famille pour la ramener à la raison, elle était pressée de le dévoiler à ses ennemis.
Chapman menait les troupes. Ensemble, ils atteignirent la route de Salisbury pour y trouver un village désert. Les maisons étaient vides, les chaises renversées et une tension de mort planait entre leurs murs. Les villageois étaient partis à la hâte, par la force ou par la peur. Merlin les avait peut-être évacués avec le présage des armées qui s'avançaient lentement vers lui. Chapman ordonna aux soldats de sortir leur bivouac. Il les voulait reposer pour la bataille qui allait débuter dans quelques heures. Lily ne sentait plus la fatigue mais elle obéit toutefois. Car, pour la première fois, elle découvrait Chapman sérieux, autoritaire, décidé, comme un véritable chef et non un salopard fini.
Les quelques heures de repos furent de courte durée. Il était encore tôt et pourtant le ciel s'était assombri de lourds nuages menaçant. Le vent s'était levé, portant déjà les hurlements d'un combat fantôme. La tension montait parmi les militaires. Pour la plupart, ils ne s'étaient plus battus depuis longtemps. Lily vit de nombreux soldats prier en portant une petite croix à leurs lèvres. Ils se signèrent, les yeux au ciel comme s'il était disposé à les protéger. Emportée par cette ferveur, la sorcière ferma les yeux et pensa à ceux qu'elle avait perdu. Peut-être, cette nuit, les rejoindrait-elle dans la mort.
L'armée se remit en marche. Les rares voitures démarrèrent avec l'arrière encombré d'appareils mécaniques. Molly veillait à ce que tout soit bien fixé. Malgré sa bonhomie, cela faisait plusieurs heures qu'elle avait perdu sa gaieté. Elle avait harcelé sa mère pour rejoindre la première ligne avec la promesse de rester le plus en retrait possible. Ses yeux ne connaissaient pas la peur à ce moment-là. Au fil des ordres proclamés par Chapman, son regard se voilait de plus en plus.
— Tu as déjà connu cela? demanda-t-elle à sa cousine en marchant à ses côtés.
— J'ai connu des combats effrayants mais jamais de guerre. Les parents en parlent mieux que moi…
— Les vieux ont connu une guerre de magie, à plus ou moins armes égales. Ici, un camp sur deux à des dons magiques. Je ne trouve pas ça très fair-play.
— Rassure-toi, on a les moldus pour nous protéger, plaisanta Lily.
Les lèvres charnues de Molly esquissèrent un sourire amer. Elle redressa toutefois les épaules et accéléra la cadence en hurlant à de la bleusaille de bien maintenir la bâche sur les machines, tandis que les premières gouttes de pluie tombaient sur leur tête.
La dernière heure, l'armée se mouvait en silence. La route grimpa sur la haute colline de Salisbury et les connaisseurs se souvinrent qu'il s'agissait de la dernière ligne droite jusqu'au site de Stonehenge. Au bout de l'horizon, une faible lueur blanche stagnait sous le ciel de plus en plus noir et bientôt, le sommet de la Tour Blanche se détacha sur ce fond. Lily accéléra le pas pour se hisser en haut de la colline et stoppa pour contempler ce qui les attendait.
Chapman leva le poing pour faire arrêter le convoi. La lueur rougeâtre de son cigare brillait dans le noir alors qu'il tirait dessus comme un damné. Un millier de feux, peut-être plus, scintillait dans une ombre gigantesque. Cette vague noire s'étendait de la tour jusqu'à la moitié de la plaine obscure. L'armée de Merlin les attendait et Lily prit une profonde inspiration de l'air lourd qui stagnait autour d'eux.
— Préparez-vous! tonna Chapman d'une voix assez forte pour se faire entendre de la plupart des soldats.
Les moteurs de jeeps furent remplacés par d'autres sons mécaniques. Molly criait à ses hommes, poussait ceux qui avaient le malheur de ne pas aller assez vite à son goût. L'armée se dispersa sur une longue ligne. Les exosquelettes se dressèrent au-dessus d'eux. Les bras s'allongèrent de l'attirail de Sofia. Les bottes piétinèrent l'herbe brûlée par un soleil trop ardent. Morgane détacha son bouclier d'or de ses épaules et sortit son épée de son fourreau dont les joyaux brillaient aussi ardemment que les feux ennemis.
Chapman fumait toujours et son regard était concentré sur la masse sombre devant eux. Son visage ne trahissait aucune émotion si ce n'était cette lueur impatiente dans le fond de ses yeux. Son majeur tressaillait sur sa gâchette sans jamais perdre le contrôle. Alors que ses hommes se mettaient en place. Un chant s'éleva.
Lily plissa les yeux. Les voix qui montaient dans une harmonie parfaite était assez puissante pour se faire entendre à l'autre bout de la plaine. Elles semblaient avoir ce pouvoir de naître tout autour d'eux, tantôt lointaine, tantôt si près que certains tournaient la tête pour débusquer le chanteur à leurs côtés. Mais les chants venaient de la Tour. Les feux éclairaient une marée blanche, derrière les manteaux sombres des miliciens. Des êtres vêtus de toges opalines, immobiles, qui poussaient de la voix pour encourager leurs troupes ou honorer leur dieu.
Il n'y avait aucune note joyeuse. Les voix entonnaient un hymne rauque, profond et effrayant. S'ils fermaient les yeux, les soldats auraient pu croire qu'il s'agissait de l'orage qui grondait au-dessus de leur tête et Lily eut l'idée saugrenue que leur chant de guerre réveillait la fureur du ciel.
Chapman eut un rictus.
— Ils chantent bien, ces cons.
— Merlin doit penser qu'il s'agit d'une guerre sainte, dit Lily en s'approchant.
— C'est sûr qu'il a besoin d'encouragements! plaisanta Chapman.
— Il n'attaquera jamais le premier.
— Ça, je l'avais compris…, répondit-il plus sombrement.
L'orage choisit cet instant pour éclater. La pluie devint plus violente et le vent plus puissant. Le cigare de Chapman s'éteignit dans un faible grésillement. Celui-ci leva sa tête dévêtue vers le ciel et ferma les yeux tandis que son visage s'inonda de la pluie cinglante.
— De la pluie sur un champ de bataille, murmura-t-il. C'est toujours mauvais signe…
Il se redressa et s'ébroua comme un chien. Un large sourire s'épanouit sur ses lèvres.
— WEASLEY! aboya-t-il. PRÊTE?
La jeune fille, ses boucles rousses collées à ses joues, tirait sur la sangle d'un de ses collègues.
— PARÉE! répondit-elle.
— O'NEIL?
— PRÊT! tonna le soldat en arrière fond.
— SANDERS?
— PRÊT! beugla la militaire sur le front gauche.
Les noms des capitaines pleuvaient et chacun cria la même chose. Les entrailles de Lily commencèrent à frémir. Sa main se serra sur le pommeau de son épée qui dégagea une chaleur fugace. Le pouvoir du chevalier Gryffondor s'éveillait dans sa paume, nourri par le courage de tous ces guerriers.
— Potter! l'appela Chapman. À toi l'honneur…
Lily eut un dernier regard pour l'armée gigantesque de Merlin avant la bataille. Puis, elle se tourna vers les rebelles.
— Je sais ce que vous vous dites. Je suis une sorcière sans magie.
L'épée de Gryffondor scintillait de plus en plus fort et même si Lily ne criait pas, sa voix résonnait parmi les rangs, portée par la magie de l'épée.
— Il y a quinze ans, Merlin nous a battu. Sorcier, Moldu, nous avons tous perdu! Mais nous nous sommes rassemblés. Nous nous sommes unis avec un seul et même objectif. Une chance nous est présentée pour récupérer ce qui nous a été arraché. Nous sommes ici, aujourd'hui, pour dire à ce faux dieu que nous ne sommes pas aussi vaincu qu'il l'a pensé. Nous sommes ici pour lui montrer que nous n'avons PLUS PEUR ! ET LE SANG DE NOTRE ENNEMI SERA LE TRIBUT DE CELUI DE NOS PROCHES DISPARUS! Car nous avons tous perdu quelqu'un, un parent, un ami, une part de nous même et il est temps QU'ILS PAIENT!
Ses paroles lui déchirèrent la voix et les soldats répondirent par des cris et des sifflements approbatifs qui montèrent plus haut que les chants et le tonnerre.
— Ne craignez pas de vous faire tuer car nous sommes déjà morts. Ne craignez pas de faillir car la terreur nous a déjà emporté depuis longtemps. Ne craignez pas de perdre cette bataille car la guerre est déjà gagnée. La nuit est tombée, mes amis et avant la fin du lever du jour, je vous fais la promesse…que la Tour Blanche ne brillera plus jamais.
— ALORS? clama tout à coup Chapman. ÊTES-VOUS PRÊTS?
Les sorciers, moldus, hommes, femmes, soldats hurlèrent tous d'une même voix. Le silence retomba et le tonnerre déchira le ciel, tel un signal.
— Que la fête commence…Potter, envois-leur le carton d'invitation.
Lily ne se fit pas prier. Elle brandit son épée vers le ciel et un vrombissement puissant s'éleva dans son dos. Les canons chauffaient à l'arrière des voitures, de plus en plus fort, de plus en plus vite. Lorsque Molly cria son ordre, les explosions détonnèrent dans la plaine. Des faisceaux lumineux vinrent rejoindre les éclairs dans les nuages et les bombes retombèrent sur l'armée des miliciens.
Lily les suivit du regard. Elle retint son souffle lorsque la première torpille souffla parmi les rangs ennemis. Les hurlements qui suivirent la détonation furent le plus mélodieux des sons. Un bouclier jaillit soudain pour accueillir la deuxième qui explosa dans les airs. La troisième fut déviée et s'écrasa dans la plaine.
Chapman fut le premier à courir, bientôt suivi par la compagnie de tête. Lily prit son élan aussi. Bientôt, elle courut plus vite et plus loin que le soldat. Les chants avaient cessé. Les miliciens s'étaient eux aussi élancés avec des vociférations d'animaux sauvages. Un nouvel éclair zébra le ciel et le milicien en tête le dévia pour le rediriger droit vers les militaires. Lily se rua dans sa trajectoire, bouclier en avant. Lorsque le courant électrique frappa sa surface dorée, Lily la renvoya avec rage et force sur les lignes ennemis. L'éclair fusa en onde à travers leurs ennemis qui tombèrent les uns après les autres. Ceux de derrière piétinaient les cadavres de leurs collègues pour se précipiter vers eux. Lily se remit à courir.
Il n'y avait plus que quelques mètres entre les deux camps. Le choc fut brutal. Des cris sauvages éclatèrent ainsi que les détonations des fusils des militaires. La pluie leur fouettait le visage et la terre devint vite un amas de boue et de sang. Les canons de Molly crachaient leur propre foudre et les miliciens spécialistes des attaques longues distances ripostaient avec rage. Les hommes de Merlin déchaînaient leurs pouvoirs. Hélas pour eux, ils n'avaient pas prévu que les soldats seraient recouverts des armures fabriquées par les maîtres gobelins eux-mêmes. Les écailles de leur cuirasse, pleines de magie des créatures, repoussaient les sorts des miliciens. Malheureusement, elles ne les protégeaient pas des attaques portées en plein visage et de nombreux soldats tombèrent tout autour de Lily.
Celle-ci laissait éclater sa rage meurtrière. Son épée tranchait, poignardait, amputait dans un geyser de sang et bientôt, elle en fut couverte. Son bouclier repoussait les sorts lancés. Elle dévia des flammes, renvoya des projectiles, brisa le poing de pierre d'un colosse. Elle hurlait comme une démente, sans aucune fatigue, aucune douleur. Chaque os brisé, chair découpée, et regard éteint lui donnait un peu plus de force pour tenir. Une pensée lui souffla que Merlin ne leur avait envoyé que la petite friture. Elle savait qu'il ne restait plus qu'un chevalier car tous les autres étaient morts. Seul Galaad manquait et elle attendait son arrivée avec impatience pour avoir l'occasion de venger James et Albus. Pour cela, ils allaient devoir leur en donner la nécessité.
Un milicien aux filaments la prit par surprise. Ses tentacules visqueuses et sombres entourèrent sa gorge et elle manqua tout à coup de souffle. Le choc la fit lâcher son épée qui tomba dans la boue. Elle brandit son bouclier pour trancher les liens mais l'un des appendices le fit sauter de sa main. Lily glissa dans la boue avec un râle. Les tentacules la tirèrent et elle ouvrit la bouche pour tenter d'aspirer un peu d'air, les yeux révulsés. Le milicien la traîna jusqu'à lui pour la faire approcher au plus près. Elle sentit son souffle fétide dans sa nuque.
— Je te tiens…
La balle le frappa en plein front. Les liens s'évaporèrent aussitôt. Lily tomba à genoux, aspirant le plus d'air possible avec une quinte de toux et le regard flou. Sa main chercha son épée et lorsqu'elle se releva, elle aperçut Chapman, le canon fumant.
Ses lèvres esquissèrent un "de rien".
Tout se passa très vite. Une forme sombre bondit sur Chapman pour l'attraper à la gorge. Lily poussa un cri alors que le militaire basculait vers l'arrière, dévoré par la créature inconnue.
— NON! hurla la sorcière.
Elle ramassa son bouclier pour se précipiter vers Chapman. Le monstre dévoreur avait la forme d'un être humain mais sa peau était laiteuse et ses griffes trop longues lacéraient l'uniforme, l'armure et la chair du colonel. Lily poussa un cri de colère mélangée à de l'épouvante. Elle frappa la tranche de son bouclier sur le crâne difforme du monstre. Elle frappa jusqu'à ce qu'un sang noir jaillise de sa plaie. Elle continua à lui fracasser la cervelle jusqu'à ce qu'il ne bouge plus.
Chapman, non plus, ne bougeait plus. Lily repoussa la créature et contempla le corps sans vie, défiguré et taillader du soldat. Un filet de sang coulait sur son menton alors que plus aucun souffle ne s'échappait d'entre ses lèvres.
Lily serra son épée. Elle tourna les yeux vers le champ de bataille. Ces créatures les avaient envahis. Au pied de la tour, les toges blanches étaient parties. À la place, trois silhouettes sombres se tenaient à de nombreux mètres, immobiles et tranquilles. Le souffle court, Lily les contempla longuement. Leur aura n'était pas celle de simples miliciens, mais celle de chevaliers méconnus.
Et aucun d'eux n'était Galaad.
La sorcière était inquiète car les gouttes de pluie se muèrent bientôt en gros flocons. Le froid soudain après une chaleur insoutenable était glaçant. Les soldats continuaient à se battre, tout autour d'elle, mais leurs mouvements ralentissaient et leurs visages étaient soudain frappés d'angoisse ou de peur. Lily, elle-même avait l'impression d'un grand poids d'horreur et de doute inexplicable. Son cœur battait à coups lents et son souffle froid se gelait sur ses lèvres.
Soudain, l'un des chevaliers sombres, celui de gauche, leva le bras vers le ciel. L'orage cessa soudain. Tout se figea jusqu'à ce qu'un puissant vent ne souffle sur son visage. Il y eut un grondement, d'abord lointain, puis de plus en plus proche, venait des cieux. Puis, ils tombèrent. Des pics de glace gigantesque fendèrent les nuages toujours aussi sombres, dont la pointe s'écrasa avec fracas sur le champ de bataille. La chute était violente, l'onde de choc dévastatrice. Le grondement laissa place aux hurlements. Lily se plaqua contre le corps encore chaud de Chapman et se protégea à l'aide de son bouclier. Des grelots, aussi gros que des têtes décapitées, martelaient l'or.
Elle cria et lorsqu'elle trouva la force de relever les yeux, sous l'ombre de son bouclier, elle cria encore alors que l'une des lances gelées pulvérisa les voitures au sommet de la colline dans des explosions de feu et de glace.
— MOLLY!
Mais nul n'entendit son appel et elle se laissa emporter par la terreur et les coups dans son dos en s'accrochant à l'espoir fou qu'ils cessent enfin.
La magie du chevalier dut s'épuiser car la cacophonie de l'averse de glace se termina par les gémissements des survivants. Lily se redressa la première, chancelante, son bras qui tenait encore son bouclier, pris de tremblements. La peur ne l'avait toujours pas quittée et lorsqu'elle croisa le regard de ses compagnons, elle comprit qu'aucun d'entre eux n'avait pu conserver une once de bravoure.
Curieusement, la glace avait évité les monstres et le deuxième chevalier, celui du centre, ouvrit ses bras pour les rapprocher peu à peu. Au fil de son mouvement, les créatures humanoïdes se regroupèrent autour des militaires qui reculèrent, effrayés. Un long sifflement suraigu s'éleva parmi elles, tandis que leurs yeux laiteux fixaient leurs proies. Un jeune militaire tenta une percée. Il fut ouvert en deux, d'un seul coup de griffe.
Les créatures se rapprochèrent, d'abord un pas, puis un autre, pressées les unes contre l'autre, sans laisser la moindre chance de sortie. Les soldats reculaient, vaincus par la peur. Ils se cognaient les uns sur les autres, blessés, fatigués et terrorisés. Les plus hardis peinaient à résister. Les chargeurs se vidaient dont les balles ricochaient sur la peau dure de ces êtres. Les lames se brisaient et les corps tombaient dans la boue. Le chevalier les faisait avancer plus près d'eux à chaque fois qu'il claquait dans ses mains, comme un maître de musique qui marquerait le rythme de la boucherie.
Lily se prépara. Elle réajusta sa prise sur son écu, fit tourner le pommeau dans sa main. La clarté de la lame s'était quelque peu éteinte mais elle brillait toujours. Son dos collait à celui de son voisin, son bras touchait les côtes de sa voisine. Serrés les uns contre les autres, les armes furent parées des derniers chargeurs, les larges canifs sortit des ceintures et les mains posées sur les grenades prêt à dégoupiller en cas de besoin.
— Encore un peu…, murmura-t-elle. Tenez…, encore un peu…
Tout à coup, un cor sonna dans la plaine. Sa note porteuse d'espoir se démarquait de la tension lugubre de leur situation. Lily leva la tête vers l'ouest car il était prévu qu'ils arrivent de ce côté. La boue ensanglantée trembla sous leur pied. La rumeur d'un battement s'éleva dans les bois. Les cors s'élevèrent à l'unisson et le ralliement puissant réveilla la tempête.
Les miliciens, derrière les créatures monstrueuses, tournèrent la tête vers les arbres qui s'étaient mis à s'agiter furieusement. Les pas lourds qui faisaient trembler la terre se rapprochaient. Les cors étaient plus bruyants. Durant une seconde fugace, un milicien disparut sous terre, son cri à moitié étouffé. Un deuxième le rejoignit, comme aspirer par les pieds. La lame de Lily se mit à briller avec plus de clarté car un sourire s'étira sur ses lèvres.
Les premiers gobelins sortirent de leur terrier creusé jusqu'au champ de bataille. Ils bondirent, lances et épées brandies, pour les plonger dans la chair de leurs ennemis. Le premier géant écarta deux grands chênes de ses mains pour émerger avec un grognement bestial. Il donna un violent coup de pied à des monstres sur sa route et ceux-ci volèrent dans les airs pour retomber lourdement parmi les leurs. Sur son passage, l'armée des centaures surgit.
Bannière au vent, les flèches pleuvaient sur leurs ennemis. Bientôt, Alcades distança le géant. Sa longue crinière flottait au vent. Derrière lui, sa harde galopait dans un bruit de tonnerre, décochant flèches sur flèches de leur carquois. Alcades galopait, emporté par la fureur de la bataille qui se présageait.
La concentration des chevaliers s'en trouva relâcher. Lily en profita, enflammée par cette nouvelle force dans ses veines. Avec un cri bestial, elle se rua en avant pour battre l'air et les monstres de son bouclier d'or. Un gobelin saisit l'une de ses proie en plein vol, plongea son épée d'argent dans la poitrine de l'humanoïde et la fit disparaître dans une flaque de sang. Les militaires s'enhardirent, encouragés par l'apparition de leur allié. Les combats reprirent de plus belle et les renforts surgissaient encore.
Un rugissement terrible résonna dans le ciel. Une grande masse noire fendit les nuages obscurs pour se dévoiler à la blancheur de la pleine lune. La créature ailée était immense et ses larges ailes soufflaient les cumulus sans peine. Tous levèrent la tête face à ce prodige et Lily souriait de plus belle. Sur son dos, se tenait un homme qui commandait ces armées de créatures.
— Le roi arrive, souffla-t-elle.
