L'entrée de Stiles à l'intérieur de sa maison fut presque solennelle. Le silence régnait et les rayons doux du soleil éclatant donnaient une ambiance chaleureuse à cet endroit témoin de tant d'horreurs. Belle ironie. Il laissa tomber son sac en plein milieu du couloir dans un mouvement empli de lassitude. Pourquoi le ranger ? Son père n'aurait qu'à le jeter lorsqu'il aurait été déclaré mort. Oui, il le jetterait, comme le reste de ses affaires.

Les marches en bois eurent une espèce de grincement sordide alors qu'il montait les escaliers. Un rapide passage dans la salle de bain lui permit de trouver ce qu'il cherchait : une boîte pleine de somnifères. Il arrivait à Noah d'en prendre de temps à autres. Le shérif avait parfois des problèmes pour dormir à cause des différentes facettes de son métier. Une aubaine pour Stiles qui, tant qu'à partir, voulait s'en aller en douceur. On pouvait au moins lui accorder ça, à lui qui n'avait plus rien. Souillé jusqu'à la moelle, toute sa dignité lui avait été arrachée et l'ultime bastion de sa résistance, vaincu. Non, vraiment, il n'avait plus envie de vivre. Et déjà, sa gorge se serrait. Les sentiments et émotions commençaient à lui revenir alors qu'il se dirigeait vers sa chambre, la boîte dans la main gauche. Il allait partir. Il allait vraiment partir. Cette fois, il ne s'agissait pas d'une idée fugace se renforçant peu à peu. C'était réel, concret. Une larme coula sur sa joue. Seul. Il était seul. Il mourrait seul. Lorsqu'il passa la porte de sa chambre, Stiles fut tenté d'envoyer un message à son père, non pas pour le prévenir, juste… Pour… En fait, il n'en avait aucune idée. Peut-être qu'il voulait faire quelque chose avant de s'en aller, envoyer un dernier SMS. Et en même temps… Que pourrait-il dire ? « Merci » était le seul mot qui lui venait. Mot qu'il aurait pu tout aussi bien envoyer à Lydia, Scott, Derek, Isaac… N'importe qui.

Merci de m'avoir apprécié. Merci de m'avoir permis de vivre un peu. Merci de m'avoir accepté dans la meute. Merci de m'avoir fait oublier mon enfance par intermittence. Merci d'avoir fait partie de ma vie. Merci pour nos rires, nos sourires, nos dangers partagés, nos sauvetages mutuels. Merci pour tous ces moments qui me permettent de dire que j'ai été heureux quelques fois. Merci pour tout.

Oui, il aurait pu dire quelque chose comme ça. Mais il déposa son téléphone sans rien envoyer, sans rien rédiger non plus. Il partirait comme il avait vécu, en secret. Quelle ironie. C'était lui la victime, et c'était lui qui s'en allait déjà. Pouvait-on lui en vouloir de n'en plus pouvoir ? Pouvait-on lui en vouloir d'avoir vu tous ses espoirs s'éteindre ? Pouvait-on lui en vouloir d'être complètement brisé ? Une larme coula sur sa joue alors qu'il déposait la boîte sur son bureau. Il avisa d'un œil terne la bouteille d'eau trônant sur l'étagère juste au-dessus. Une chance qu'elle soit déjà remplie, il gagnerait du temps. Il ouvrit la boîte, en sortit une petite dizaine de cachets. Finalement, il en ajouta cinq. Puis deux. Et les avisa. Serait-ce assez ? La dose lui paraissait énorme et en même temps si petite…

Un instant, la peur l'étreignit. Serait-il assez fort pour le faire ? Était-il réellement sûr de son choix ? Oui, il l'était. Il ne pouvait que l'être. Le silence avait au moins un avantage : celui de l'isoler de tous ceux qui pourraient le faire douter de sa décision. Il tourna la tête vers son lit et se rappela de toutes ces fois, passées et récentes, où Emile était venu le rejoindre dans son lit, se collant à lui en pressant son sexe dur contre ses fesses. Et puis surtout, les images de la nuit passée vinrent le harceler. Le rappel de la douleur, aussi bien mentale que physique, le fit chanceler un instant. Oui, il voulait mourir, il n'y avait aucun doute possible. Comment vouloir vivre dans un monde où Emile le faisait sien quand il le voulait ? Sa vie était détruite, complètement détruite. Parce qu'il l'avait fait. Il était allé jusqu'au bout et… Stiles ne pouvait pas en supporter plus. Ne s'était-il pas dit qu'il serait incapable de survivre à une récidive ? Eh bien, ce jour était arrivé. Il avait réussi à tenir toute la journée en se raccrochant à cette idée de mort, qu'il allait enfin pouvoir perpétrer. Dans une main, il mit tous les comprimés tandis que l'autre saisit la bouteille d'eau. Stiles fit quelques pas mous et s'assit sur son lit. Il pleurait, maintenant. Il pleurait parce que ce n'était pas simple, parce qu'il imaginait fort bien la honte que devait éprouver sa mère si elle le voyait à cet instant. Un suicide. Quelle mort minable pour un garçon minable.

- Désolé maman… Murmura-t-il d'une voix on ne peut plus tremblante alors que des larmes douloureuses continuaient de couler sur ses joues blanches.

Autour de lui, plus rien n'existait. Il n'entendait plus rien, ne sentait plus rien, ne voyait plus rien à part ces comprimés dans sa main gauche et cette bouteille d'eau dans sa main droite. Il n'était plus que silence et souffrance, cris intérieurs et douleur. Assis sur ce lit dans lequel il avait tant subi, il ne cessait de penser à ce qu'il avait vécu. C'était dans cette pièce qu'il avait été le plus victime d'abus, oui, dans sa chambre. Le reste s'était déroulé à l'intérieur d'une vieille cabane décrépie, dans la forêt. Mais ça, qui à part lui et son agresseur pouvait le savoir ? Quand il y repensait, Stiles allait emporter de lourds secrets avec lui. Sa mémoire emporterait les actes, la barbarie, la monstruosité, la souillure mais aussi et surtout l'identité du monstre. A nouveau, le visage de son père apparut dans son esprit. Si seulement… Papa, si seulement tu m'avais cru… Stiles étouffa un sanglot dans sa manche. Il était trop tard. Jamais il n'aurait dû en parler. Jamais il n'aurait dû essayer de faire éclater la vérité. Il était si jeune à l'époque, bien trop jeune pour qu'on puisse le prendre au sérieux ! Était-il étonnant qu'on l'ait traité de menteur ? D'irresponsable ? Était-il si surprenant que cela qu'on ait cru qu'il voulait simplement attirer l'attention ?

Stiles arrêta de tergiverser, de penser à sa vie, ses erreurs, les traumatismes qui l'avaient conduit à en arriver là. Il enfourna les cachets dans sa bouche et but, but, but, jusqu'à avoir tout avalé. Mais il ne sentit aucune différence, sans doute parce que ce n'était pas instantané, les comprimés allaient mettre quelques minutes à…

- Bordel, Stiles !

La petite bulle de l'hyperactif se brisa lorsqu'il entendit cette voix qu'il refusa de reconnaître. A peine avait-il eu le temps de tourner la tête qu'on le tira par le bras plutôt violemment. Il gémit de douleur, mais la poigne ne se desserra pas et il fut traîné de force jusqu'à... Ses toilettes ? On l'accroupit et enfourna des doigts dans sa bouche si brusquement et si profondément qu'il ne put rien faire d'autre que vomir avant même d'avoir eu le temps de ne serait-ce que réfléchir à ce qu'il venait de se passer. Il se débattit, essaya comme il put de retirer ces doigts qui l'obligeaient à tout régurgiter. Mais Derek le tenait fermement et ne le lâcherait pas tant qu'il n'aurait pas tout sorti. Alors, même si c'était dégoûtant pour les deux et extrêmement désagréable pour Stiles, il y alla plus fort. Les bruits le firent grimacer, mais l'urgence dominait.

Peu à peu, l'hyperactif cessa de régurgiter autre chose que de la simple bile et commença à trembler. En fait, il s'affaissa carrément contre lui et pleura de plus belle tant la chose était désagréable. Au moins, il n'avait pas encore réalisé. Lorsqu'il fut certain que le jeune homme avait tout vomi, Derek l'emmena dans la salle de bain et se nettoya la main, tout comme il obligea Stiles à se laver bouche et dents. Mais l'hyperactif avait bien du mal : se vider ainsi l'avait épuisé, si bien que le loup dut l'aider. Le tenir contre lui, encore, poser sa main sur son ventre plat. Il dut s'occuper ainsi de lui et une fois qu'ils furent tous deux propres, il l'emmena, plus doucement cette fois-ci, dans sa chambre et le fit assoir sur le lit. Il dut presque le porter, tant ses jambes tremblaient. Derek avisa la boîte de somnifères et la subtilisa rapidement avant d'aller la vider en un éclair dans les toilettes dont il tira la chasse. Lorsqu'il revint, Stiles regardait dans le vide, ses joues mouillées de larmes, des joues rougies par l'effort, tout autant que le nez. Il était pâle, bien pâle et semblait plus désarçonné que jamais. Derek soupira de soulagement : ce n'était pas passé loin. Ce n'était vraiment pas passé loin.

- Hey… Souffla-t-il en s'asseyant à ses côtés.

Quelle bonne idée il avait eue de ne pas l'écouter et de quand même venir ! Lorsqu'il était arrivé au niveau de sa fenêtre, il avait vu Stiles mettre une tonne de cachets dans sa bouche. Et il avait agi par instinct avant même de comprendre consciemment ce qui était en train de se passer sous ses yeux. Il s'était précipité comme si sa propre vie en dépendait alors que c'était celle de Stiles qui pouvait lui filer entre les doigts. Qui allait lui filer entre les doigts. Il passa un bras autour de l'hyperactif qui semblait comme… En pause, pas vraiment là, ailleurs. Comme s'il était déjà mort. L'affolement le submergea enfin alors que l'adrénaline retombait. Il avait failli le perdre. Stiles était à deux doigts de se donner la mort. Il l'avait fait. Cet hyperactif qui avait toujours apporté le soleil sur son passage. Qu'il lui paraissait vulnérable en cet instant ! Derek voyait les légers spasmes qui secouaient ses épaules voûtées, sentait le chaos pur et simple dans son odeur.

De son côté, Stiles était doucement en train de réaliser non pas qu'il avait échoué mais qu'on l'avait empêché de mettre son plan à exécution. Enfin non, ce n'était pas tout à fait exact : on l'avait fait capoter à la dernière étape. Derek avait… Il avait tout fait foirer. Et Stiles n'arriva pas vraiment à définir ce qu'il ressentait à l'heure actuelle. Parce que c'était à la fois trop flou et trop frais. Trop douloureux. Même la mort, on la lui refusait ? Il aurait pu être en colère et engueuler le loup pour avoir abrégé sa tentative alors qu'il était si près du but, oui, il aurait pu ! Mais il n'en fit rien. Son abattement était tel qu'il n'avait plus envie de rien. Pourquoi s'acharnait-on ainsi à le maintenir en vie dans cette vie qui ne voulait pas de lui ?

- Stiles… Stiles… L'appela doucement le loup.

Son manque de réaction le crispait. Il n'aimait pas ça, mais alors pas du tout. Ce qu'il aimerait le voir en colère… Juste pour s'assurer qu'il était encore là, dans le fond.

- T'as tout fait foirer, finit par lâcher l'hyperactif d'une voix aussi rauque que brisée.

Sa gorge était irritée au possible à cause de son petit passage forcé aux toilettes. Parler lui faisait mal.

- Je sais, souffla Derek. Je sais, mais je pouvais pas te laisser faire ça.

Qu'ils soient proches ou non, c'était la même chose. Derek n'était pas du genre à laisser ce genre de choses se faire sans rien dire. Il avait eu un instinct, avait vu ce qu'était en train de réaliser l'hyperactif et il avait foncé. Parce que c'était la seule chose à faire. La seule.

- T'étais pas censé être là, chuchota Stiles en fermant les yeux.

Les larmes revenaient en force. Il allait non plus craquer, mais s'effondrer. Sa faiblesse était flagrante et il donnerait tout pour pouvoir réessayer encore une fois. S'endormir, partir en douceur, sans souffrir n'était-ce pas la meilleure des choses qui pouvait lui arriver ? C'était sa seule chance, son seul moyen de quitter cette vie affreuse. Pourquoi n'arrivait-il pas à se mettre en colère ? Pourquoi l'abattement l'écrasait-il avec une telle force ? Était-il si faible que cela ?

- Je sentais que tu me cachais quelque chose, répondit doucement Derek en lui caressant le dos.

- C'était pas tes affaires…

- Tu fais partie de la meute.

Stiles manqua de rire amèrement à l'entente de ce fait qui pour lui ne justifiait rien du tout. Alors parce qu'il appartenait à une meute, il n'avait plus le droit de partir à sa guise ? Et puis sincèrement, à quoi servait-il ? Était-il si difficile de trouver un nouveau larbin pour le remplacer ? N'importe qui ayant un minimum de jugeotte pouvait faire des recherches à sa place, il n'y avait pas de quoi en faire un drame. Pas besoin de le retenir.

- J'arrive… Même pas à t'en vouloir alors que… T'as tout gâché.

Parler si bassement était moins douloureux, mais chaque mot était un effort. Si Derek n'avait pas été là… Il ne serait plus capable de prononcer quoi que ce soit. La tristesse l'accabla. Il avait échoué, encore. Au final, c'était lui le fautif. Il avait mal choisi son moment. Et pourtant, tout lui avait paru si parfait, si linéaire… Complètement abattu, il laissa sa tête se poser sur l'épaule du loup, plus par épuisement physique et mental qu'autre chose.

- Je ne pouvais pas te laisser mourir.

- T'aurais dû.

Derek était abasourdi. Complètement abasourdi. Qu'était-il arrivé à l'hyperactif pour qu'il en vienne à… Il n'avait même pas envie de poser les mots adéquats là-dessus. Pour lui, lier « Stiles » et « suicide », ça ne marchait pas.

- J'ai tout fait pour avoir le champ libre, souffla Stiles. Personne ne devait pouvoir m'en empêcher…

- Pourquoi… ? Finit par lâcher Derek.

Stiles ouvrit la bouche, faillit prononcer les mots qu'il retenait si longtemps. Oui, il faillit. Mais une force invisible l'empêcha de s'exprimer. Dans sa tête, une petite voix lui souffla qu'il n'y arriverait pas. Il n'était pas prêt. Vraiment pas prêt. Sans doute ne le serait-il jamais. Et puis, ce n'était pas le moment. Il avait envie de dormir… Son corps tremblait de faiblesse, de fatigue, de tout. Si les larmes s'étaient arrêtées de couler, leurs cadavres gardaient ses joues mouillées.

- Va-t-en… J'ai sommeil, chuchota-t-il.

- Tu peux rêver pour que je t'écoute, maugréa Derek pour dissimuler un minimum l'inquiétude qui le submergeait.

Il avait beau réaliser, il n'arrivait pas à se faire à l'idée qu'il avait assisté à une tentative de suicide et qu'il l'avait avortée. Intérieurement, il se félicita pour avoir écouté son instinct. Et resserra l'étreinte de son bras enroulé autour de lui. Un sentiment étrange le prit et il sut qu'il n'allait pas le lâcher. Ces derniers jours, il avait à peine eu le temps de lui envoyer des messages. Et s'il ne s'en était pas dégagé pour passer le voir… Son corps aurait déjà commencé à subir les effets de la surdose de sédatifs. Et il serait mort. Il serait mort, seul dans sa chambre, sans que personne le sache. Derek frissonna. C'était sordide. Et il ressentit l'envie de le sortir de cette pièce, de cette maison et de l'emmener ailleurs, quelque part où il pourrait l'empêcher de faire n'importe quoi. Il pensa instantanément au loft. Techniquement, ce n'était pas à lui de s'occuper de Stiles mais il semblait être le seul à se soucier de lui et, en soi, c'était un peu le cas. Il avait eu des échos d'Isaac concernant l'emportement de Scott et il était certain que l'alpha n'irait pas aider l'hyperactif, tout simplement parce qu'il ne devait être au courant de rien et surtout, ne semblait pas s'intéresser outre mesure à ce que pouvaient lui transmettre ses sens lupins. Avec Stiles, il s'arrêtait aux apparences. Derek commença à se dire que le jeune homme contre lui en avait longtemps profité. Mais c'était fini. C'était définitivement fini. Le loup savait. Et c'était largement suffisant pour justifier qu'il ne le lâche plus.

Un bruit de voiture s'arrêtant devant la maison lui parvint aux oreilles. Sans prévenir, il éloigna un peu Stiles et alla se poster près de la fenêtre. Il fronça légèrement les sourcils et demanda à l'hyperactif, sans détourner le regard du véhicule :

- C'est pas la voiture de ton père, et je présume que tu n'attends personne ?

Il entendit Stiles hoqueter, et tourna aussitôt la tête vers lui. Enfin, il affichait une réaction. Et pas la plus rassurante. Péniblement, l'hyperactif se leva et vint le rejoindre d'un pas tremblant. Il devint blanc comme un linge. La raison pour laquelle il voulait à tout prix quitter ce monde sortit de la voiture kaki. Son visage s'était complètement décomposé. Ce n'était pas possible. Le monde entier était contre lui ! Dans un élan d'urgence, il alla ouvrir son armoire, si grande qu'elle pourrait ressembler à celle de Narnia. Il tourna un regard paniqué vers Derek. L'envie de mourir s'accentua, mais il avisa le bureau. La boîte de comprimés n'y était plus.

- Stiles, qu'est-ce que tu…

- Dans l'armoire ! Va dans cette putain d'armoire, vite, cache-toi ! S'exclama Stiles en forçant un peu sur sa voix.

Et même s'il était épuisé et n'avait plus vraiment de forces, il poussa le loup, qui le regardait d'un air éberlué. En fait, il était tellement surpris qu'il le laissa faire et se retrouva entre plusieurs manteaux et chemises. Il voulut toutefois lui dire qu'il était un loup, parfaitement capable de se défendre si besoin, mais Stiles le coupa à nouveau :

- Derek, je t'en supplie, ne te montre pas. Quoi qu'il se passe, quoi qu'il arrive, attends que ça soit fini et ne te montre surtout pas !

Sa voix enrouée tremblait comme jamais et montrait qu'il l'usait trop. Elle était cassée. Brisée. Comme lui. Et il referma les portes de l'armoire sur un loup complètement abasourdi et désorienté. Il se passait trop de choses. En l'espace de quelques secondes, Stiles avait semblé avoir oublié son envie de mourir, remplacée par une terreur indicible et une douleur flagrante. Il entendit un bruit de clé. Et s'alarma enfin.

- Mais qu'est-ce que…

- C'est pour ton bien, souffla Stiles, des larmes dans la voix, je te jure que c'est pour ton bien.

Emile était policier. Il ne fallait surtout pas s'opposer à lui, encore moins lui mettre des bâtons dans les roues. Il était hors de question que Derek s'attire des ennuis par sa faute, juste parce qu'il était là au mauvais endroit, au mauvais moment. Stiles tremblait. Oui, il tremblait comme une feuille. En lui, tout se mélangeait. L'envie de mourir. La douleur. La tristesse. Le désespoir. La résignation. Il allait subir, encore. Si Emile l'avait fait sien une fois, plus rien ne l'empêchait de recommencer. Et Stiles serait incapable de se débattre, car vomir l'avait vidé. Complètement vidé. Au moins, ça lui épargnerait les coups… Mais qu'est-ce qui était le mieux ? Se battre une dernière fois ou tout laisser tomber ? Sa tentative ratée lui donnait envie de tout lâcher. Et en même temps, songer à ce qui allait lui arriver lui donnait la nausée. Intérieurement, il maudit Derek, il maudit son instinct, le revirement de situation qui s'était opéré. Ses mains glissèrent sur la porte de l'armoire un instant, portes derrière lesquelles se trouvaient quelques légères fentes. Le meuble était vieux, déformé par endroits. Et Derek essaya d'ouvrir, sans succès. L'avantage des armoires comme celles-ci c'était que la vieillesse n'enlevait rien à leur solidité. Même en tant que loup-garou, Derek pourrait difficilement en casser les portes.

- J-je suis désolé, murmura Stiles, à genoux, en sachant très bien que Derek l'entendait.

Il ne voulait plomber personne et n'avait pas la moindre intention de mettre Derek en danger. Il l'aurait bien fait partir par la fenêtre, mais il savait que le loup aurait refusé. Ils étaient dans une impasse. Mais Stiles l'épargnerait comme il le pourrait. En faisant en sorte que cela ne se passe pas ici, par exemple… Il était hors de question qu'en plus de s'attirer des ennuis, Derek assiste à ce qui allait sans doute suivre.

- Stiles, arrête tes conneries !

- Ne fais aucun bruit, Derek… Souffla-t-il à nouveau. Je t'en supplie, ne fais rien d'idiot, reste silencieux… Il ne doit pas savoir que tu es là, il…

- Stiles ? Entendit-on depuis le rez-de-chaussée.

L'hyperactif se crispa. C'était un cauchemar, un véritable cauchemar…

- Pourquoi tu ne m'a pas laissé mourir… ? Ne put-il s'empêcher de lâcher, à bout de forces mentalement.

- Stiles, laisse-moi sortir de là et laisse-moi t'aider !

Sa voix était implorante. Il tapa dans les portes. Fort. Elles ne bougèrent pas d'un millimètre. Ce n'était pas du simple bois…

- Stiles, qu'est-ce que tu fais ? Retentit la voix forte d'Emile alors qu'il commençait à montrer les escaliers. Je sais que tu es là, viens me voir !

- Tais-toi et arrête de faire du bruit, le supplia Stiles en chuchotant alors qu'il pleurait encore. Derek, fais-ça pour moi…

Et il s'éloigna de l'armoire, sortit de la chambre d'un pas tremblant avant de fermer la porte la porte. Il allait s'effondrer. Il allait s'effondrer dans des bras qui allaient le torturer. Stiles pensa fugacement à la boîte de comprimés qui avait fini dans les toilettes. Sa seule chance s'en était allée.

En arrivant à la dernière marche, Emile vit la silhouette de Stiles se dessiner dans le couloir et remarqua ses larmes, son air détruit. Il sourire, de ce genre de sourires qui faisait froid dans le dos. L'hyperactif se figea et l'homme fondit sur lui. Posa brutalement ses lèvres sur les siennes, l'étreignit, le pelota sans vergogne et avec une indécence folle. Le poussa. L'emmena de force dans sa chambre. Toujours sa chambre. C'était le seul endroit de la maison dans lequel il se permettait de lui faire du mal, comme s'il cherchait à le détruire dans son cocon, son intimité à tous les niveaux. Stiles s'affola alors qu'il reconnaissait les murs bleus, l'armoire :

- N-non, pas… Pas ici… S'il te plaît…

Sinon, en plus de tout entendre, Derek allait tout voir. A travers ces putains de fentes dont il connaissait parfaitement l'existence. Mais Emile n'apprécia pas ce refus et le gifla violemment en disant d'un air suffisant :

- Je t'ai connu plus docile. Besoin d'une leçon ?

Stiles hoqueta et sentit sa joue le brûler. Il ne répondit pas et laissa le policier le pousser sur le matelas, défaire son pantalon de jogging. Il ferma les yeux. Pria. Pria pour que Derek ne regarde pas. Pria pour qu'il soit silencieux. Pour qu'il comprenne qu'il ne devait absolument pas montrer le moindre signe de sa présence. C'est alors qu'il entendit le bruit distinctif de la ceinture de son aîné.

Il faisait beau, le soleil brillait, continuait de dispenser ses rayons chaleureux à travers la pièce.

C'était une bonne journée pour mourir, selon Stiles. Parfaite pour souffrir, selon Emile.

Parfaite pour intervenir, selon Derek dont les yeux se mirent à briller.

De rouge.