CHAPITRE 4

La semaine de travail s'était écoulée comme à son habitude pour Hermione. Rythmée entre ses tâches diverses et variées, les clients et leur air condescendant toujours plus pressés les uns que les autres qui avaient la fâcheuse tendance à se croire uniques clients du cabinet dans lequel elle travaillait et qui avaient pour habitude de toujours demander des actes dans l'urgence au dernier moment alors que les devis leur avaient bien évidemment été envoyés il y a de ça plus de six mois, ses collègues avec lesquels elle avait plus ou moins d'affinités, en fonction de ses jours … et des leurs, ses verres au bar le soir en compagnie de Thomas, ses nuits seule dans son lit ...

A un détail près. Ou plus.

Pour commencer, dès le deuxième jour de la semaine, Hermione n'avait pas pu s'empêcher de faire des va-et-vient incessants devant la petite boutique qu'elle avait découverte durant le week-end, sa tête enfouie sous un chapeau à bord large, une paire de grosse lunette de soleil, le nez plongé dans un exemplaire de La Gazette du Sorcier.

Dans la discrétion la plus totale.

Quiconque l'observait, pouvait aisément comprendre d'un seul coup d'oeil, que ça n'était certainement pas pour le soleil, au passage absent, que la jeune femme portait un chapeau et se protégeait les yeux. Et qu'étant donné la vitesse à laquelle elle tournait les pages dudit journal, elle ne devait pas saisir grand-chose des informations écrites à l'intérieur.

Ridicule donc.

"Vous comptez rentrer ou vous préférez que j'appelle un médicomage ?"

"Pardon ?"

"Je vous demande si vous allez sauter le pas de ma porte ou si vous ne pouvez vous empêcher de marcher en huit de cercle, auquel cas, je peux faire intervenir un médicomage ou un psychomage si vous sentez que vous en avez besoin."

"..."

"Ne soyez donc pas timide Mademoiselle, je vois bien que tous vos neurones sont connectés et que vous n'osez pas rentrer dans ma boutique. Aller, venez ! Je ne vais pas vous manger, et mes animaux non plus d'ailleurs".

C'est la bouche bée, les yeux écarquillés par la surprise et les joues rougies par la honte qu'Hermione franchissa donc le seuil de la boutique dont la porte était maintenue ouverte par un vieil homme.

"Vous savez, il ne faut pas avoir peur comme ça, ils sont tous inoffensifs ces petits mignons."

"Je n'ai pas peur".

"Ah, je suis heureux d'entendre que vous savez finalement aligner plus de trois syllabes, je commençais à me demander s'il n'avait mieux pas valu que j'appelle un médicomage ".

Hermione ne s'offusqua pas mais demanda de but en blanc : "Vous êtes seul ?"

"Ah ça ma p'tite dame, pour être direct, c'est du direct ! Je suis veuf, mais je suis loin d'être seul vous savez, tous ses animaux que vous voyez dans ma boutique, me rappellent leur existence nuits et jours."

"Oh je suis confuse, je vous prie de bien vouloir me pardonner, ce n'est pas du tout ce que je voulais demander."

"Je vous taquine, je me doute bien qu'une jeune femme comme vous n'est pas venue dans ma boutique pour faire du gringue à un vieux croulant comme moi. Drago est absent cette semaine. Vous souhaitez peut-être que je lui laisse un message ? Il vous avait mis une commande de côté ?" demanda le vieil homme en s'enfonçant dans l'arrière-boutique.

"Non !"

"Nom ?"

"Non !"

"Non, votre nom jeune fille. Votre patronyme si vous préférez. Pour la commande."

"Ah non, je n'ai pas passé de commande. Mais je ne souhaite pas non plus lui laisser un message. Excusez-moi c'était une erreur, je ne vais pas vous importuner plus longtemps".

Et c'est une Hermione pressée comme si un feudeymon la poursuivait, qui s'enfuya du magasin, laissant derrière elle un vieil homme à la mine mi-abasourdie, mi-goguenard.

"Quel curieux personnage cette petite" pensa t'il en se mettant à caresser un drôle d'animal orange aux reflets violets.

Hermione n'avait arrêté de courir qu'une fois arrivée devant la devanture de son bar préféré, tel un automate.

"Salut."

"Yo, comme d'hab ?"

"Non, de l'eau s'il-te-plaît"

"De l'eau ? Tout va bien ? T'as l'air d'avoir été poursuivie par le diable en personne, non que je crois à ce genre de chose m'enfin, t'as pas l'air dans ton assiette. Tu veux goûter ma nouvelle planche de tapas ? Je suis en train de faire des tests et de changer la carte. Tiens, goûte moi ça, c'est la maison qui offre."

"Merci Thom', tout va bien ne t'inquiètes pas. Mon dieu c'que l'eau fait du bien. Allez, maintenant, les choses sérieuses ! Un gin'to steuplé.

"Concombre ?"

"Concombre !"

"Et un gin'tonic concombre pour la p'tite dame. Je me disais aussi. Venir au bar pour boire de l'eau... Alors ces rillettes ? Tu en penses quoi ?"

"Oh t'es vache là, je ne fais pas que picoler quand même ! Et puis j'aime bien venir te voir aussi ! Elles sont succulentes, tu as mis quoi exactement ?"

"Si je te le dis, c'est plus un secret !"

"Allez ! Steuplé steuplé steuplé !"

"Ok ok, t'es la pire des clientes, tu le sais ça j'espère. Bon imprimes bien dans ta tête parce que je ne te le redirai pas deux fois : philadelphia, saumon cru, saumon fumé et ciboulette."

"Et …?"

Thomas répondit à Hermione en lui faisant les gros yeux : "T'es impitoyable. Du yuzu. J'ai mis du yuzu. Mais chut !"

C'est le regard pétillant par l'alcool qui commençait à faire effet, qu'Hermione enfourna un nouveau dips rempli de rillette dans sa bouche avant de mimer le zip d'une fermeture devant ses lèvres avec sa main.

Le reste de la semaine s'était déroulé sans embûche pour Hermione. Son rythme effréné au travail ne lui avait pas laissé le temps de retourner mener son enquête et puis, elle avait été bien trop gênée de la situation précédente et se voyait mal retourner dans la boutique pour le moment.

Comme tous les samedis, elle avait alors rejoint ses meilleurs amis sur le chemin de traverse.

"Sept heures du mat' ! Un dimanche ! Non mais tu n'tournes vraiment pas rond ma parole !"

"Oh ça va Ron, on n'est pas tout obligés de dormir comme toi jusqu'à 15 heures le dimanche après-midi !"

"Non mais Hermione, admet qu'entre se lever à 6 heures du matin un dimanche et 10 heures, il y a quand même une énorme différence ! Même en semaine tu ne te lèves pas aussi tôt ! Et pour faire quoi en plus ! Pour ramasser du caca ! Merci mais non merci, ça sera sans moi !"

"Ca tombe bien, je ne t'avais pas convié à m'accompagner".

Harry et Ginny qui n'étaient jusqu'à présent pas intervenus, se regardèrent avec les yeux ronds et demandèrent d'une seule voix : "Et nous ?"

"No panic, vous non plus. Vous pourrez profiter de votre grâce matinée tranquillou. Je fais ça pour moi de toute manière, c'est mon moment."

"Non mais sérieusement. Qui fait ça pour soi. Un dimanche. Ramasser du caca. Ramasser du CACA A SEPT HEURE DU MATIN UN DI-MANCHE !"

"Bon Ron. Tu deviens fatigant là. Tu te répètes. J'ai quand même le droit de faire ce que je veux en fait, je ne demandais ni votre avis, ni votre aval."

"Oui bah si t'es fatiguée, t'as qu'à dormir le dimanche aussi..."

"Roh punaise, c'est dingue comme on ne peut pas discuter avec toi."

"J'y peux rien, j'ai faim, quand j'ai faim, j'ai pas envie de discuter".

"La maturitééééé" chantonna Ginny.

"Oh toi, poupouille hein, t'aurais moins fait la maline si tu avais dû aller …"

"Ramasser du caca le dimanche matin, on a compris Ron, merci. Bon maintenant que tu as fini de critiquer mes occupations on va peut-être pouvoir commander".

"Ah mais parce qu'en plus vous n'aviez pas commandé avant que j'arrive ! M'enfin ! Je prends toujours la même chose ! Vous auriez quand même pu passer la commande ! OK ok je rigole, c'est bon. Merci de m'avoir attendu et pardon pour le retard. "

"Alors votre semaine ? Quoi de neuf des deux côtés de la Tamise ?"

"Oh tu sais, la routine au Ministère …"

"...la routine chez les Harpies..."

"...et la routine dans mon travail moldu. La boucle est bouclée. Sujet suivant les copains. Je vous ai connu plus fun."

"Tu ne comptes toujours pas venir travailler chez les sorciers ?"

"Ron, on ne va pas remettre ce sujet sur le tapis, laisses Hermione souffler un peu, qu'est-ce que ça change du moment qu'elle est épanouie et qu'on continue de la voir ?"

"Rien M'sieur, je pose des questions c'est tout. Bref, de mon côté, on avance pas mal avec Georges. On a eu l'idée de prendre une invention moldu, le coussin péteur, merci Herm' de nous avoir ramené un exemplaire la dernière fois..."

"Avec plaisir."

"... et d'ajouter dedans du gaz malodorant. Franchement ça promet, ça va être énorme ! On pense déjà que la vente va cartonner chez les 10/14 ans. Et puis on a aussi pensé à …".

C'est d'une oreille distraite qu'Hermione écoutait les projets farfelus de son ami de toujours et plongea ses yeux dans la carte du restaurant en même temps qu'elle plongeait dans ses pensées. Non, pour le moment elle comptait bien garder pour elle le fait qu'elle avait croisé Malefoy le week-end dernier et n'allait pas le dire à ses amis avant d'avoir continué à enquêter, et puis elle n'allait pas finir d'en entendre parler et de les voir se bidonner si elle leur racontait sa désastreuse tentative d'enquête avortée de mardi dernier …