CHAPITRE 8

Poudlard, 1er septembre 1991

Les deux enfants ouvraient des yeux grands comme des soucoupes à mesure que se dessinait l'imposante silhouette d'un énorme château. Leurs doigts liés se resserrèrent et ils échangèrent un regard plein d'excitation. Des exclamations de surprise surgissaient des barques qui glissaient silencieusement sur l'eau sombre. Certains élèves discutaient d'une voix empressée ou émerveillée, mais les deux enfants serrés l'un contre l'autre à l'avant d'un des bateaux ne pouvaient pas prononcer un mot. Lorsqu'ils touchèrent de nouveau le sol, ils semblaient n'être qu'une entité indivisible. Le groupe de jeunes suivit sagement un homme immense qui avait dit s'appeler Rubeus Hagrid. Ils gravirent des marches de marbre et se massèrent devant d'immenses portes. Elles s'ouvrirent aussitôt et une grande sorcière à l'air sévère, habillée de vert émeraude les surplomba alors. La professeure McGonagall les guida au travers du hall pour les mener dans une salle plus petite, où ils durent se serrer les uns contre les autres. La sorcière se tourna vers eux et leur souhaita la bienvenue, donnant des détails sur le déroulement de la soirée et les maisons de Poudlard. Elle les quitta après son discours et les laissa livrés à eux-mêmes. Bientôt, des exclamations retentirent : au moins vingt fantômes venaient de faire leur apparition dans la salle. Ils discutaient entre eux de sujets que les enfants ne comprirent pas, puis leur prêtèrent un peu d'attention, leur lançant quelques mots avant de traverser le mur et de disparaitre. La professeure McGonagall revint et leur ordonna de la suivre en rang. Ils purent enfin contempler la Grande Salle de Poudlard, au plafond magique et à l'atmosphère unique. Des tables y étaient disposées et des élèves étaient déjà assis, ceux des années supérieures. Au bout de l'allée centrale, devant la table des professeurs, il y avait un tabouret, surplombé d'un vieux chapeau élimé. Soudain, le couvre-chef se mit à chanter, à la grande surprise des nouveaux venus. Les deux enfants qui ne se quittaient pas se regardèrent à nouveau, appréhendant d'être séparés par le choix de l'objet ensorcelé. Ils regardèrent quelques élèves être appelés et répartis dans leur maison. Enfin, McGonagall appela :

- Dent, Derek !

Le jeune lâcha son amie et traversa la foule, se dirigeant vers le tabouret. Il s'assit, nerveux, et se coiffa du chapeau. L'élève avait l'air concentré et après quelques secondes, le Choixpeau annonça clairement :

- SERDAIGLE !

Derek le reposa sur le tabouret et alla s'asseoir à la deuxième table à gauche. Son amie hocha lentement la tête en signe d'approbation alors qu'il cherchait son regard. Derek était le quatrième élève de la soirée à se faire envoyer chez les Serdaigles. Ses nouveaux camarades l'accueillirent avec chaleur. Un peu plus tard, un Anthony Goldstein rejoignit la maison bleue. Pour lui, le Choixpeau avait juste eu à frôler sa tête pour prendre une décision. Arrivés à la lettre P, Padma Patil fut assignée elle aussi chez les Serdaigles, tandis que sa sœur Parvati était envoyée chez Gryffondor. McGonagall prononça :

- Potter, Harry !

Des murmures s'élevèrent aussitôt dans toute la salle. Lorsqu'un petit brun s'assit sur le tabouret, tous les élèves se turent et l'observèrent avec curiosité. Le Choixpeau mit longtemps à se décider alors qu'Harry Potter avait les yeux fermés. L'enfant restée dans la file croisa les bras, agacée d'attendre aussi longtemps. Finalement, le Survivant fut accueilli par Gryffondor, sous les acclamations de sa nouvelle maison.

Seulement quatre élèves attendaient encore : elle, une autre fille et deux garçons. L'amie de Derek les considéra à tour de rôle. La fille lui adressa un sourire timide auquel elle ne répondit que brièvement. Il y avait un roux, probablement un Weasley, pensa-t-elle aussitôt. Et le dernier avait les mains profondément enfoncées dans les poches et l'air nonchalant. Ils se jaugèrent du regard pendant que Turpin, Lisa allait rejoindre les Serdaigles. La grande sorcière annonça alors :

- Wayne, Rose !

Ladite Rose redressa fièrement la tête, tandis que le dernier Weasley lui lançait un regard étonné. Lissant rapidement sa robe de sorcière, elle se dirigea vers le tabouret, le regard impassible et rivé droit devant elle. Prenant place, elle leva le Choixpeau pour le poser sur sa tête et croisa ses mains blanches sur ses cuisses, patientant, les yeux dirigés vers la grande porte.

- Oh, oh, fit une petite voix dans son oreille. Une Wayne ! Sais-tu que je désespérais d'en rencontrer d'autres ? Ton père était à Gryffondor, mais tu dois le savoir.

Tandis que Rose approuvait mentalement, le Choixpeau émit un son dubitatif.

- Il y a du courage en toi… des capacités intellectuelles… Mais je vois aussi un côté plus fier et ambitieux… c'est difficile.

Rose ne fit aucun commentaire et attendait.

- Pourquoi pas Serpentard ? Ta mère y était, si je ne fais pas d'erreur. Tu pourrais très facilement y trouver ta place.

- Non.

La négation était sortie de sa bouche avec fermeté, bien que le volume de sa voix soit resté très bas.

- Très bien, concéda le chapeau. Il y a quelque chose qui m'empêche de t'envoyer à Gryffondor. Une chose qui assombrit ton futur…

Rose pensa à Derek qui était à Serdaigle et imposa l'image du blason bleu et bronze à son esprit.

- Si tel est ton choix, alors ce sera… SERDAIGLE !

Le dernier mot fut prononcé à voix haute, officialisant son entrée chez les aigles. Ravie, Rose remercia mentalement avant de retirer et replacer le Choixpeau sur son socle. Elle rejoignit la table où Derek lui faisait déjà une place. Ils se pressèrent l'un contre l'autre, heureux du résultat. Weasley, Ron fut envoyé à Gryffondor et rejoignait ses frères. Le dernier élève s'assit enfin sur le tabouret. Elle regarda attentivement, se demandant où il allait atterrir avec sa nonchalance. Au bout de quelques secondes, le choix fut clair pour Zabini, Blaise :

- SERPENTARD !

Rose fit une grimace très peu distinguée et marmonna avec mépris :

- Et un abruti de plus, un…

Poudlard, dortoir des filles de cinquième, dimanche 29 octobre 1995

Les Serdaigles passèrent un dimanche que Michael qualifia à juste titre de « flou ». Les filles se réveillèrent à des heures différentes, mais pas avant onze heures. Elles trainèrent au lit. Mandy geignit de son mal de tête, ce qui résuma parfaitement l'ambiance qui régnait dans la chambre. Elles eurent la force de se lever pour aller prendre leur douche, tout en riant en comparant leurs têtes épuisées. Rose enfila une « tenue de réconfort », comme les appelait Mandy : des leggings bariolés de bleu et de vert et un vieux sweat noir trop grand, volé quelques années auparavant à Derek. Ses amies l'imitèrent et choisirent des tenues du même ordre. Elle démêla ses cheveux mouillés et Lisa les lui tressa gentiment. Elles passèrent leur nez dans le couloir. Pas un bruit ne leur parvint, elles rejoignirent le haut des escaliers, scrutant la Salle Commune à la recherche de têtes connues. Quelques étudiants travaillaient aux tables, mais aucun cinquième, sixième, ni même septième. Padma redressa vaillamment la tête en rajustant son insigne de Préfète sur sa poitrine et descendit, ses amies sur ses talons.

Il ne restait plus aucune trace de leur fête de la veille : les elfes du château avaient tout nettoyé et remis en place.

- J'ai faim, grogna une voix derrière elles.

Derek venait d'arriver, en pyjama, l'air grognon.

- De toutes les personnes à débarquer en premier… je ne m'attendais pas à ce que ça soit toi, railla Rose.

Il lui sourit et claqua un baiser sonore sur sa joue.

- Mais ! C'est mon sweat ça !

- Nooon, tu te trompes. C'est le mien. Depuis au moins trois ans.

- Tss… voleuse.

- Il est bientôt midi, si tu te dépêches, on pourrait aller manger ensemble.

- Manger ? ajouta une seconde voix masculine du haut des marches.

- Salut, fit Lisa. Oui, manger, mais il faut vous habiller d'abord. Où sont Terry et Anthony ?

- Au fond de leur lit, répondit Michael en repartant vers la chambre.

- Ou du mien, rétorqua Derek avec un petit sourire.

Rose pouffa. Les filles regardèrent le grand blond.

- Derek ! Douche, vêtements !

- Ah oui.

Mais il resta sur place, les bras ballants.

- Bon les filles… on ne va pas y couper. Faut qu'on aille leur tenir la main, soupira dramatiquement Lisa.

- Oui… enfin, toi tu vas surtout tenir celle d'Anthony, se moqua Mandy.

- J'espère qu'il va bien, s'inquiéta Lisa en remontant à la suite de Michael.

Rose poussait Derek sans ménagement, y mettant toutes ses forces. Elles entrèrent sans frapper. La chambre était dans le noir et sentait…

- Le fauve, résuma Padma. Désolée, Rose, ajouta-t-elle à son amie qui s'esclaffait déjà.

- Ça pue pareil chez nous ou pas ? s'interrogea Mandy.

Rose haussa les épaules et continua de diriger Derek vers la salle de bains.

- Mais y'a Michael…

- Oui ben y'a plusieurs douches, vous fermez les yeux et vous vous bougez. Moi aussi j'ai faim.

- Je proteste, lança faiblement une voix pâteuse.

- Salut Terry, fit Padma en s'asseyant au bord du lit de Derek. Bien dormi ?

- Argh, fut sa réponse.

Mandy rit à nouveau. Une main émergea des rideaux d'Anthony et un doigt s'agita pour faire signe de s'avancer.

- C'est pour toi, chuchota la blonde à Lisa qui rejoignit son petit ami.

Elles entendirent la voix grave de leur préfet et un gloussement moqueur de Lisa. Les quatre filles motivèrent et secouèrent gentiment leurs amis pour qu'ils se préparent un minimum – Mandy les supplia de se doucher – et ils descendirent tous ensemble, à presque treize heures. Heureusement que les repas du dimanche étaient servis plus longtemps. Derek et Rose engloutirent une quantité de nourriture qui donna presque la nausée à Padma et Mandy, qui les regardaient d'un air un peu écœuré.

- C'est bien, ça leur a pas coupé l'appétit aux deux phénomènes, marmonna Terry, toujours pas au top de sa forme.

- Ah, ça va mieux ! déclara Derek en posant sa fourchette.

C'était probablement lui qui avait le plus d'énergie et le moins la gueule de bois des huit. Soudain, Padma se mit à pouffer toute seule.

- Quoi ?

- Est-ce que vous pensez… que Roger Davies est toujours vivant ?

Ils l'imitèrent et s'esclaffèrent avec elle. Le capitaine de leur équipe de Quidditch n'était vraiment pas frais en fin de soirée.

- Et qu'Owen a sorti sa tête de la cuvette des toilettes ? renchérit Mandy, les faisant rire un peu plus.

- C'est sûr qu'après son combat de coqs avec William, il faisait moins le malin, se réjouit Derek.

- Son combat de coqs ? répéta Anthony.

- C'était clairement le but du jeu à boire de Derek, lui rappela Lisa doucement. Pour qu'Owen arrête de tourner autour de Rose.

Cette dernière sourit, peu coupable mais très amusée. Anthony reconnut qu'il n'était plus très disponible mentalement à ce moment de la soirée et n'avait pas tout compris, seulement qu'il avait beaucoup ri. Ils lui lancèrent tous un regard amusé et remontèrent lentement dans leur Salle Commune.

Ils y retrouvèrent Nassim et Idriss, étalés sur un canapé, apparemment à bout de forces. Marc était sur un fauteuil, le nez dans un livre sur lequel il semblait se rendormir régulièrement.

- Bravo pour la soirée, dit Padma en s'installant dans un fauteuil. C'était super.

- Merci Padma, murmura Idriss en levant le pouce.

Un gémissement de douleur lui échappa alors qu'il avait tourné la tête vers elle et elle rit. Ils s'affalèrent tous à leur tour, incapable de faire quoi que ce soit de productif. Anthony finit par enlever ses lunettes et se masser les yeux.

- J'avais pas pensé à ça… marmonna-t-il.

- À quoi ?

- À l'après soirée. J'ai même pas la force de monter chercher mes affaires pour faire mes devoirs.

Mandy se mit à rire.

- Tragédie. Condamné à passer le dimanche à ne rien faire.

- C'est très bien, annonça Lisa en se lovant contre lui, fermant les yeux. Tu en as autant besoin que nous.

Il la remercia d'un sourire et d'un baiser furtif. Terry s'était rendormi sur les genoux de Derek qui jouait aux cartes avec Rose, assise à ses pieds. Le menton appuyé sur sa main, Mandy lâcha :

- Il est où le prince charmant ?

Ce qui eut le mérite d'attirer l'attention d'Idriss et de Nassim, qui répondirent exactement en même temps :

- Ben, ici !

Chacun se désignait du doigt, provoquant les rires des autres.

- Pas le mien, protesta-t-elle en souriant. Celui de Rose.

L'Animagus leva les yeux au ciel.

- Cette expression, non mais vraiment, ronchonna-t-elle.

- Il dort encore, leur apprit Marc.

- C'est pas le prince charmant… c'est la belle au bois dormant, conclut Idriss, rigolard.

La même idée sembla traverser l'esprit de Rose et de Derek. Il la poussa de son genou, elle secoua la tête.

- Non, dit-elle à voix basse. J'en ai assez fait hier soir.

Nassim, qui aimait avoir des oreilles partout, ne put s'empêcher de taquiner Rose.

- Tiens, voilà Rebecca et Isobel.

Elle fit mine de l'ignorer.

- Ah, elles vont dans notre dortoir, fit-il d'un ton nonchalant.

Elle tourna la tête si vite qu'elle lui tourna. Il rigola franchement, accompagné par Derek. Elle se rassit correctement, se massant les tempes.

- Tu es un vrai diable, commenta-t-elle avec un sourire.

Elle posa la tête contre les jambes de Derek qui lui caressa machinalement les cheveux.

- Elles ne vont jamais chez vous ? demanda sincèrement Lisa.

- Non, t'es folle ? protesta Idriss sans ouvrir les yeux.

- Pourquoi ? s'esclaffa Mandy. Vous avez peur des filles ?

- Tout à fait ! confirma Nassim. Vous êtes bizarres. Vous rangez les trucs.

- On n'est pas assez proches, dit Marc plus sérieusement quand les rires se furent calmés. Pas comme vous tous.

- Je me demande même si c'est pas pour ça qu'Owen et Luke vous ont fait du charme hier…

- Vous ? demanda Michael.

- Rose et Mandy, clarifia Nassim.

Les deux filles échangèrent un regard étonné. Il était difficile d'ignorer Owen hier soir, mais Luke avait été plus subtil. Un sourire en coin, Rose relança :

- Et pourquoi alors ?

Marc se tortilla, gêné.

- Ben… vous allez beaucoup dans le dortoir des garçons quoi…

Outrée, Rose se redressa et ouvrit les yeux, imitée par ses trois amies.

- Non mais vraiment ?!

- Pour qui ils nous prennent ? râla Padma.

Ils ne répondirent pas, et ils firent bien. Secouant la tête, Lisa soupira et attrapa un magazine qui trainait.

- Ridicule, marmonna-t-elle finalement, toujours scandalisée.

Rose sourit et referma les yeux sous les gratouilles de Derek, qui avait défait sa tresse humide et passait ses doigts dans les cheveux de son amie. Elle avait à moitié envie de se transformer, pensant qu'une panthère n'aurait sûrement pas la gueule de bois ?

Une sorte de ronronnement lui échappa, Derek retira immédiatement sa main et souffla :

- Maitrise-toi.

- Mais oui, je maitrise. Gratte.

Marc leur jeta un regard éberlué, toujours peu habitué à leurs conversations incompréhensibles pour des oreilles extérieures.

- Pourquoi personne me gratte la tête à moi ? geint Terry faiblement.

Derek fut secoué d'un rire et sa deuxième main alla sur sa tête, qu'il massa avec douceur. Le spectacle du grand blond en train de gratouiller amoureusement Terry affalé sur ses cuisses pendant que Rose recevait le même traitement, la tête contre ses jambes, les yeux clos et la bouche à moitié ouverte, parut grandement amuser leurs amis.

- Je vous préviens, je le ferai pas à tout le monde. Seulement eux, fit-il en souriant, refermant les yeux et posant la tête contre le dossier du canapé.

- Y'a pas de risque qu'on te demande, t'inquiète, marmonna Michael.

Rose avait aussi clos les paupières et profitait de la douceur des mains de son meilleur ami. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à la fête d'hier soir et de tout ce qui s'était passé avec William. La première question qu'elle se posa fut : est-ce qu'il se souviendra de tout ?, ensuite est-ce qu'il va être gêné ?, puis finalement, et moi, est-ce que je suis gênée ?

Elle réfléchit un instant. Non, elle n'était pas embarrassée. Elle avait adoré tous les moments passés avec lui. Elle était contente qu'il ait vu la panthère, même si c'était un accident. Rose était consciente qu'hier soir était spécial, que leurs actions avaient été aidées par l'alcool coulant à flots. Ils avaient été démonstratifs en public – pour ne pas dire qu'ils s'étaient tripotés devant tout le monde – et tous les deux savaient que c'était un moment à part, exceptionnel. C'est pour ça qu'elle avait refusé d'aller voir William maintenant : elle ne voulait pas qu'il pense qu'elle avait fait un choix. Même si, comme il lui avait expliqué, il n'attendait pas un choix, il prenait ce qu'elle lui offrait. Son cœur se serra. C'était horriblement beau de sa part et ça n'aidait pas la jeune fille. Combien de temps encore aurait-il la patience d'attendre ? Bonne question…

L'image de Blaise revint lui tourner dans la tête. Blaise, son regard ténébreux, ses baisers torrides, leurs conversations sans fin. Elle soupira. Elle avait soudainement envie de son calme et de ses bras. De sa fougue aussi, pensa-t-elle en s'autorisant un sourire. Derek avait définitivement ruiné ce mot. Elle cala un peu plus sa tête contre lui et laissa ses pensées divaguer, sans essayer d'en attraper une seule.

La voyant s'endormir, Derek la tira par le bras.

- Monte, ordonna-t-il.

Il poussa Terry qui ronchonna, le temps de s'étaler de tout son long sur le sofa. Il recala son petit ami dans ses bras, Rose bailla et alla s'installer à l'autre bout du canapé, couchée sur les jambes de Derek, la tête enfoncée dans un coussin râpé. Elle s'emballa dans une des couvertures qui trainaient sous le canapé et finit par recouvrir sa tête avec. Elle s'endormit bercée par les respirations de Derek et Terry.

- Mais… elle va étouffer, marmonna Nassim en la regardant.

- Non, contra Lisa, elle aime beaucoup la chaleur depuis que…

Elle s'interrompit à temps.

- Depuis qu'elle a été malade, termina Anthony pour elle.

Nassim hocha la tête sans faire de commentaire supplémentaire. Aucun des sixièmes n'évoquait jamais directement la maladie de Rose, et le groupe avait rapidement compris que William avait tenu promesse et ne leur avait pas dévoilé les événements du mois de juin dernier.

William finit par descendre vers dix-huit heures. Il n'était pas en pleine forme, mais venait visiblement de sortir de la douche. Idriss l'accueillit joyeusement.

- Ah ben te voilà ! Je commençais à me demander si t'étais pas mort.

- Je vois que tu as l'air mort d'inquiétude, en effet, ironisa son ami en l'avisant, allongé de travers sur un fauteuil, un magazine dans les mains.

- Alors, bien dormi ? demanda Mandy.

- Comme un bébé. Vous vous êtes levés il y a longtemps ?

- En fin de matinée, plus ou moins volontairement, grogna Michael en fixant les filles.

- Tu es venu tout seul, rappela Padma.

- Et tu avais faim.

- Moi aussi j'ai faim, fit William.

- Trop tôt pour le diner ! dit Lisa, qui caressait distraitement les cheveux d'Anthony, endormi contre elle. On pourra y aller dans une heure je pense.

William soupira dramatiquement en touchant son estomac, les faisant rire. Il jeta un œil aux alentours.

- Elle est sous la couverture, signala Mandy en pointant le canapé où les trois Serdaigles étaient empilés.

Il regarda le plaid bleu et sourit, amusé.

- Ça fait longtemps qu'elle est là-dessous ?

- Peut-être une heure et demie. Ils se sont entassés là en même temps et on ne les a pas entendus depuis.

- Ce qui nous fait des vacances, conclut sagement Idriss en souriant.

William ne résista pas et s'approcha de Rose. Il souleva un coin de la couverture, pour la rabattre instantanément d'un geste vif. Il éclata d'un rire sonore et cala un peu plus la couverture sous la jambe de Derek. Puis il approcha une chaise, la colla à l'extrémité du canapé et s'y assit.

- Je veux surtout pas rater son réveil, fit-il en guise d'explication à ses camarades qui le regardaient. Tiens, Michael, file-moi ton magazine si tu l'as terminé.

La revue changea de mains et il l'ouvrit, secouant la tête, toujours en train de rire. Il releva les yeux et fit un clin d'œil à Lisa.

- On dirait un petit chat endormi, lâcha-t-il finalement.

- Oh !

Les autres se mirent à pouffer, comprenant la situation. Nassim, Idriss et Marc ne parurent pas perturbés par la phrase de William, qu'ils interprétèrent comme de la niaiserie d'amoureux.

William lut des articles du magazine, l'air très absorbé ; pourtant il ne cessait de jeter de réguliers coups d'œil au plaid. Lisa elle, sursautait dès que quelqu'un entrait dans la Salle Commune et Mandy vérifiait à chaque fois que rien ne dépassait de la couverture.

Trop tenté, William finit par avancer sa main et la glissa sous la couverture après avoir regardé rapidement dessous. Il trouva la tête, posée sur le côté, et gratouilla le menton. Un léger ronronnement que lui seul entendit le fit sourire. Il cala son bras sur l'accoudoir du sofa et continua.

- Mais… mais… qu'est-ce que tu fais ? bégaya Nassim, les yeux écarquillés, en voyant la main de William bouger lentement sous le plaid.

- Je vérifie son pouls, rétorqua son ami avec l'air le plus sérieux du monde.

Padma et Mandy se regardèrent et pouffèrent longuement, incapables de s'arrêter. Sans stopper sa caresse, William brandit un article devant les yeux d'Idriss et commença à parler de stratégie Quidditch, Michael se joignant à eux. Les autres faisaient des commentaires et posaient des questions, et William, absorbé par la conversation, laissa sa main aller plus loin que le menton, touchant les oreilles, le dessus de la tête, machinalement, comme on caresse un chat.

Soudain, une main saisit son poignet et il réalisa que ce n'étaient plus des poils qu'il touchait, mais une peau douce. Il figea son mouvement et essaya de poursuivre sa discussion naturellement, attendant ce que Rose allait faire.

Sous sa couverture, Rose s'était réveillée, ravie des caresses qu'elle sentait, avant de se rendre compte qu'elle était panthère. Elle avait reconnu l'odeur de William et n'avait heureusement pas paniqué. Elle avait attendu que les voix de ses amis soient assez fortes pour penser à sa forme humaine et après un plop que personne n'avait entendu, c'était son visage que William touchait.

Elle porta la main à sa bouche et embrassa délicatement la paume, comme il l'avait fait la veille pendant leur jeu. Souriant bêtement, William ne bougea pas plus. Elle referma les yeux, se rappelant avoir dit à Derek qu'elle en avait assez fait pendant la fête. Agacée par son propre comportement, elle glissa ses lèvres de la paume de William à un doigt, et après un très léger baiser sur l'extrémité, elle y planta les dents, pour le faire réagir.

- Aïe ! s'exclama-t-il, récupérant immédiatement sa main

Incrédule, il regardait le visage de Rose qui venait de repousser le plaid. Les autres se tournèrent vers eux. Derek, réveillé par le changement de poids sur ses jambes et le cri de William, ronchonna avant de se redresser légèrement.

- Qu'est-ce que vous fichez ?

- Elle m'a mordu, avoua piteusement William alors que les autres se mettaient à rire.

Rose bailla et s'étira, faisant tomber la couverture par terre. Elle regarda William et lui fit un clin d'œil, pour imiter ceux qu'il lui lançait souvent.

- Désolée. Je rêvais que je mangeais, fit-elle avec un sourire amusé.

- Manger ! s'écria aussitôt Derek. Oui !

Ce fut leur signal, et le reste du groupe sortit lentement de sa torpeur. Derek fut le premier à bondir vers la sortie.

- Pourquoi tu m'as mordu ? demanda William à Rose, à l'arrière du groupe.

Elle lui fit un sourire félin.

- Parce que j'avais envie, répondit-elle.

- Mais c'est pas une raison ça, ronchonna-t-il. J'ai été tout gentil, je t'ai gratouillé et tout… t'as pas aimé ?

Elle pouffa devant son air contrit. Et ça sortit de sa bouche avant qu'elle réfléchisse.

- Si. Je t'ai mordu pour arrêter de t'embrasser. J'avais envie de continuer, mais je voulais pas faire… plus… maintenant.

Il s'arrêta net de marcher. Elle lui lança un petit sourire et accéléra le pas, pour lui cacher le fait qu'elle était mortifiée par ce qu'elle venait de déclarer. Elle rattrapa Derek et ils entrèrent dans la Grande Salle en premier.

William mit quelques instants à sortir de sa torpeur et rejoignit ses amis à table.

Le mardi soir en astronomie, Blaise profita de la pénombre pour s'installer près de Rose.

Elle n'avait pas oublié le cours de la semaine dernière et l'incroyable baiser qu'il lui avait administré contre le mur en pierre, aussi elle ne put retenir un frisson quand une grande main se posa sur la sienne. Elle leva le visage vers lui et détailla ses traits autant qu'elle le pouvait dans la lumière des torches. Il lui décocha un sourire séducteur et lui murmura :

- Alors ça va mieux depuis dimanche ?

Étonnée, elle haussa un sourcil.

- Je vous ai vus à table, au dîner. Vous aviez l'air... Épuisés, lança-t-il.

Elle confirma d'un sourire.

- Comment était la fête ?

- Bien, fit-elle sans élaborer.

Chaque souvenir était encore bien frais dans sa mémoire et il était évidemment hors de question qu'elle les partage avec lui.

Il profita de regarder sa carte posée sur la table pour se rapprocher encore d'elle.

- J'ai pensé à toi tout le week-end, susurra-t-il.

- Ah bon ? répondit-elle sur le même ton, n'osant pas encore tourner les yeux vers lui.

- Oui, confirma-t-il, sa voix toujours plus basse et chaude.

La professeure Sinistra était loin. Il posa ses lèvres sous l'oreille de Rose. Elle ne bougea pas mais froissa son parchemin par mégarde, le poing serré.

- Zut, dit-elle une fois qu'il se fut éloigné.

Elle essayait de lisser son papier pendant qu'il riait doucement. Elle le poussa un peu du coude, ce qui ne fit qu'intensifier son rire. Rose finit par sourire. Elle posa sa main sur la sienne et caressa doucement sa peau sombre. Il répondit rapidement en se serrant un peu plus contre elle, résistant à l'envie de la prendre franchement dans ses bras. Sa main se libéra néanmoins et son bras se glissa dans le dos de Rose, s'enroula à sa taille et la caressa du pouce. Elle glissa sa main contre son dos, la passa sous son pull épais et laissa aller ses doigts contre sa chemise. Blaise pencha la tête et la regarda intensément. Elle avait les yeux rivés à ses lèvres et poussa un petit soupir dramatique qui le fit encore rire.

- Pas tout de suite, chuchota-t-il à son oreille.

Elle frissonna de nouveau. La professeure Sinistra les interrompit sans le savoir en passant dans les rangs. Ils s'écartèrent l'un de l'autre.

Rose lui raconta quelques détails amusants de la soirée, notamment le jeu à boire de Derek – elle ne mentionna pas une seule fois William. À l'entendre, il n'était probablement même pas à sa propre soirée d'anniversaire. Pas dupe, Blaise ne dit cependant rien, prenant son mal en patience.

Lorsque la professeure annonça la fin du cours, Blaise et Rose trainèrent pour ranger leurs affaires. Il faisait sombre et la professeure Sinistra ne les vit même pas rester en arrière. Les amis de Rose étaient partis d'un signe de sa part. Blaise n'attendit pas plus et la saisit, plantant ses lèvres sur les siennes, la laissant enrouler ses bras autour de lui. Ils échangèrent plusieurs baisers pressés avant que la langue de Blaise ne vienne lécher les lèvres de Rose, arrachant un petit gémissement à la jeune fille qui lui donna accès à sa bouche. Blaise la serrait contre lui et faillit la soulever du sol. Il s'excusa et la laissa reposer les talons au sol alors qu'elle souriait. Elle le regarda et laissa sa main errer sur le torse de Blaise. Elle arriva jusqu'à son cou et l'attira de nouveau contre elle, goûtant encore ses lèvres alors qu'il posait ses mains sur ses fesses, la pressant contre son bassin.

Lorsqu'il la relâcha, elle reprit son souffle et finit par demander, espiègle :

- Tu as peur que je t'oublie d'ici lundi ?

- Lundi ? répondit-il, perplexe.

- Un rendez-vous… lundi… non ?

Il sourit finalement et se pencha pour l'embrasser encore, plus sagement.

- Oh oui.

Elle rit doucement et répondit à son baiser par un autre.

Poudlard, stade de Quidditch, 4 novembre 1995

« Weasley est un grand maladroit

Il rate son coup à chaque fois

Voilà pourquoi

Les Serpentards chantent avec joie

Weasley est notre roi.

Weasley est né dans un trou à rats

Il laisse le Souafle entrer tout droit

Voilà pourquoi

Grâce à lui, c'est sûr, on gagnera.

Weasley est notre roi. »

- Mais qu'est-ce que… commença Anthony.

Les huit Serdaigles se tournèrent de concert vers les gradins des Serpentards, l'air incrédule. Padma et sa sœur ouvrirent grand la bouche. Derek fronça les sourcils et Mandy siffla :

- Mais quelle bande d'abrutis !

Rose fit la moue. Weasley ne serait pas aussi exceptionnel que Dubois, mais là c'était vraiment du Serpentard tout craché de faire une chose pareille.

- Et regardez-moi cet imbécile sur son balai, jura Lisa. Il est ravi.

Ils observèrent Malefoy qui braillait en chœur avec ses camarades.

- Dix contre un que c'est lui qui a composé cette charmante comptine, railla Michael.

- Ils ne sont vraiment pas fair-play ceux-là, fit Terry, dégouté.

Pendant ce temps, Gryffondor avait encaissé quatre buts, rendant les serpents encore plus véhéments. Les deux Attrapeurs décrivaient des cercles au-dessus du terrain sans avoir l'air de trouver le Vif d'Or.

- Mais que Potter mette un terme à cette mascarade, et vite, grommela Derek.

- Ça devient ridicule, soupira Rose. Pourquoi Madame Bibine ne les arrête pas ?

- Les supporters ont le droit de se manifester comme ils le veulent… regarde Lovegood.

- Oui mais elle, contra Lisa, elle ne porte pas tort à l'équipe adverse.

Toujours rationnel, Anthony exposa sa théorie :

- Ils essayent juste de déconcentrer Weasley. Et ça fonctionne plutôt bien pour l'instant.

- OH ! Gryffondor a marqué ! s'exclama Mandy dans la liesse générale.

Les Serdaigles continuèrent à faire des commentaires sur le déroulement du match jusqu'à ce que…

- Regardez Potter ! couina Parvati.

L'Attrapeur fonçait vers le sol, bientôt suivi de près par son rival. Michael et Derek ne purent s'empêcher de serrer les poings, tandis que Rose et Terry s'écrasaient mutuellement les doigts.

- IL L'A EU ! vociféra Anthony.

- Bravo !

- Non ! s'insurgea Padma. Il vient de recevoir un Cognard !

Les événements s'accélérèrent, et bientôt ils virent Potter et les jumeaux Weasley faire face à un Malefoy goguenard malgré sa défaite.

- Qu'est-ce qu'ils fabriquent… murmura Terry.

Puis, fous de rage, Potter et un des jumeaux se jetèrent sur le blond. Mandy plaqua la main sur sa bouche et Lisa se pencha à la rambarde pour ne rien manquer.

Madame Bibine intervint rapidement, rouge de colère, et les sépara sous les huées et les quolibets du stade. Ils l'entendirent distinctement hurler qu'ils allaient avoir affaire à leur directrice de maison, puis ils disparurent rapidement du terrain.

- Malefoy a l'air mal en point… nota Padma.

- Bien fait, cracha Mandy avec haine. Il l'a sans doute mérité.

Rose hocha la tête avec vigueur, regardant les autres élèves se lever pour quitter les gradins. Les Serdaigles avaient pris l'habitude de rester jusqu'à ce que tout le monde ou presque soit parti afin d'éviter les bousculades. Et ce jour-ci, elles risquaient d'être nombreuses.

- Hé bien, soupira Anthony. C'était une sacrée entrée en matière pour la saison.

- J'espère qu'ils ne vont pas avoir trop d'ennuis…

- Si c'est leur directrice qui s'occupe d'eux, ça devrait aller. Elle adore le Quidditch, rappela Derek.

- Ombrage, fit soudainement Michael.

- Quoi Ombrage ?

- Je ne l'ai pas vue quitter le terrain avec les autres professeurs.

- Et alors ?

- Alors, elle est sûrement partie avant tout le monde. Avec Madame Bibine, je dirais…

Ils se lancèrent des petits regards significatifs.

- Je crois que finalement, ils vont avec de gros ennuis, conclut Rose avec calme. Nous le saurons certainement mieux ce soir. Allons-y.

Anthony hocha la tête et leur groupe quitta enfin le terrain.

Au diner, il s'avéra que Potter et les jumeaux Weasley avaient été interdits à vie de jouer au Quidditch. Les joueurs de Serdaigle avaient tous mangé près les uns des autres, commentant à voix basse cette décision, et les changements que ça allait sans doute apporter au classement du tournoi. Les filles, Terry, Anthony, Nassim et Marc écoutaient sans vraiment faire de remarques, préférant s'abstenir, ne voulant pas faire monter la tension qui régnait déjà. William avait l'air particulièrement remonté et ses yeux bleus étincelaient de fureur. Rose s'arracha à sa contemplation et s'empêcha de regarder à la table des Serpentards. Ce n'était vraiment pas la soirée à faire ça. Les vert et argent semblaient être définitivement devenus les bêtes noires de toute l'école. Elle aurait aimé savoir ce que Blaise pensait de tout ça.

Le dimanche, quelques flocons de neige annoncèrent l'arrivée imminente de l'hiver. Cela n'empêcha pas l'équipe de Quidditch d'aller s'entrainer pour le match contre les Poufsouffles, qui aurait lieu le 9 décembre. Leurs amis étaient partis affronter le froid sous les incontestables ordres de leur capitaine. Les autres étaient restés dans le château et s'étaient éparpillés entre ses murs. Rose mit un point final à sa dissertation de Potions, ne pouvant s'empêcher de penser à Blaise à qui elle avait promis de l'aide à ce sujet. Elle garda ses réflexions pour elle, car depuis le match de la veille, impossible de prononcer le mot « Serpentard » sans risquer une bagarre. Elle avait remarqué que les rares autres élèves qui étaient amis avec des Serpentards n'étaient pas allés les voir, avant ou après le diner comme c'était souvent le cas. Plus personne ne parlait ouvertement de l'altercation du match, mais rien n'était pardonné.

Rose passa le week-end à hésiter sur la conduite à adopter. Le lundi en Histoire de la Magie, les Gryffondors faisaient tellement triste mine que les Serdaigles eurent une conduite exemplaire et suivirent le cours sans faire un bruit, tous concentrés pour une fois.

En Botanique, elle sourit à Blaise quand il lui frôla la main pour réclamer son attention. Elle lui chuchota quelques mots tout en lui glissant un mot sous la main, qu'il s'empressa de déplier tout en faisant mine de prendre des notes.

« Après ce qui s'est passé samedi au match… tu peux imaginer que les élèves de S. sont encore moins fréquentables qu'avant. Je souhaite nous éviter des ennuis à tous les deux, n'oublie pas qui je suis. Je me méfie de la réaction que certains pourraient avoir si on était surpris à se fréquenter ouvertement.

Il vaut mieux que nous nous évitions un minimum pour le moment, mais je ne le fais pas de gaieté de cœur, crois-moi… laissons cette affaire se tasser, ça ne va pas durer.

J'espère que tu comprendras.

R »

Rose ne regarda pas le visage de Blaise pendant qu'il lisait. Il n'eut aucune réaction visible, et elle espéra qu'il aurait compris ce qu'elle voulait. À la fin du cours, il glissa un papier plié dans le sac de Rose et quitta la serre, toujours muet. Elle le lut discrètement.

« Je comprends tes motivations. Depuis samedi nous essayons à peu près tous de nous faire discrets, mais c'est difficile d'éviter tous les élèves de l'école…

Pour des raisons stratégiques, je suis ravi que Potter ne puisse plus jouer pour la saison, bien sûr. Je pense quand même que la punition est très sévère, et je sais que les autres joueurs sont d'accord avec moi.

En attendant que ça se calme, est-ce que nous pourrons communiquer par lettre au moins ?

Que Van Alten ne profite pas de la situation pour prendre trop d'avance…

B »

Elle sourit, soulagée qu'il accepte ce compromis. Elle s'empressa de lui faire une brève réponse, acceptant l'idée de s'envoyer des lettres pour le moment. Rose ne pouvait s'empêcher de se dire qu'elle trouvait bien son compte dans cette affaire : elle suspendait ses rencontres avec Blaise et William était trop occupé par le Quidditch. Ils avaient également tous une montagne de devoirs à faire. Conséquemment, le poids de la décision à prendre s'allégea quelque peu. Elle était consciente que ça n'allait probablement pas durer, mais elle profita de l'occasion et dormit un peu mieux le lundi soir.

Mardi midi, Nassim rejoignit le groupe de Serdaigles avec ses camarades de sixième. Tous discutèrent normalement, mais Mandy ne put pas s'empêcher de remarquer que leur ami avait l'air pâle et fatigué. Rose suivait son regard et les quatre filles avaient une conversation silencieuse.

Par mégarde sûrement, la main gauche de Nassim se posa sur la table et elles virent toutes les marques horribles qui s'y dessinaient. La blessure semblait fraîche, et expliquait la tête de leur ami.

- Nassim… commença Mandy, la voix inquiète.

- Oui ?

Il la regarda et vit son regard sur sa main, qu'il dissimula immédiatement sous la table.

- C'est rien, tenta-t-il. C'est rien.

Idriss soupira et posa sa tête dans sa main, le coude sur la table.

- Non, c'est pas rien.

- Qu'est-ce qui t'es arrivé ? demanda Padma doucement.

- Une retenue avec l'autre crapaud, voilà ce qui lui est arrivé ! lâcha William, furieux.

- Hein ? fut la seule réponse intelligente des cinquièmes.

Nassim soupira à son tour et expliqua à voix basse sa retenue de la veille avec Ombrage, les lignes à copier, sa peau qui se déchirait à mesure qu'il écrivait, le message qui s'y inscrivait. Ses amis poussèrent des cris outrés et lui demandèrent ce qu'il comptait faire.

- Rien… qu'est-ce que vous voulez y faire… elle a quasiment les pleins pouvoirs, Flitwick sera impuissant. Je vais pas lui créer des problèmes pour ça, affirma-t-il plus fort pour faire taire leurs protestations.

Un silence s'étira à la table.

- Très bien, fit finalement Rose en claquant un peu violemment ses couverts sur la table.

Elle fixait Anthony, hors d'elle.

- Très bien.

- Quand même, commenta son ami posément.

- Rose, attention ! s'exclama Derek subitement, secouant sa main.

Il versa de l'eau sur la nappe qui affichait une marque de brulure tout en montrant sa baguette à Rose, posée entre eux deux.

- T'as failli me cramer la main avec tes étincelles, maugréa-t-il.

- De quoi ?

- Des étincelles, de ta baguette, qui sont sorties. Maitrise-toi mon chat, je veux pas mourir si jeune.

Elle sourit, confuse et désolée.

- Pardon, fit-elle. Pardon, vraiment. Je la range.

- Voilà, marmonna-t-il, l'attirant contre lui pour lui faire comprendre qu'elle était pardonnée.

- Elles étaient noires, chuchota une voix en face d'eux.

Rose leva la tête vers Lisa, qui semblait fascinée.

- Elles étaient noires, répéta-t-elle. Ça a changé de couleur. Avant, elles étaient vertes non ?

- Euh, oui, hésita-t-elle alors que tout le monde la regardait. Vertes. Je ne savais pas que ça pouvait changer…

- Moi non plus, fit Marc, intéressé.

- Vertes ? demanda Idriss. J'ai toujours cru que c'était de la couleur de la maison de Poudlard… les miennes sont bleues.

Terry haussa les épaules.

- Les miennes sont jaunes, et je suis à Serdaigle.

- Tu crois que vous êtes dans les bonnes maisons ? interrogea Nassim, moqueur.

- Ah, ah, fit Terry. Certain.

Rose ne répondit pas tout de suite. Non, elle n'était pas toujours sûre d'être dans la bonne maison, et ce depuis le jour de sa répartition. Elle se reprit rapidement en improvisant :

- Le blason Wayne est vert. Noir, vert et bleu, pour être précise. C'est peut-être pour ça.

- Pourquoi tu penses qu'elles ont changé alors ? questionna William, une lueur joueuse dans le regard.

Elle eut un air perdu et il regretta sa taquinerie.

- Je pense que… je pense que c'est depuis que j'ai été malade, pour être honnête. Je suppose que ça m'a plus changée que je ne l'imaginais, conclut-elle avec un petit sourire.

Mandy et Padma regardèrent vers leurs assiettes pour ne pas rire et William eut un sourire en coin auquel elle répondit discrètement. Les étincelles eurent le mérite de détourner l'attention de tout le monde et aucun des sixièmes ne demanda pourquoi elle avait eu un soudain accès de colère et fixé Anthony avec de la rage dans les yeux. Lui en revanche avait très bien compris et était soulagé. Il en avait assez de lui cacher les choses qu'ils apprenaient avec Terry, Michael et Padma. Elle allait adorer les séances, il en était sûr.

Au cours d'Histoire de la Magie suivante, elle réfléchissait au moyen d'interpeller discrètement Potter mais ne trouvait pas. Elle n'arrêtait pas de gigoter et Derek finit par soupirer, clamant qu'elle empêchait leurs « braves compagnons de prendre des notes efficacement », ce qui la fit rire avant qu'elle rétorque :

- C'est pas plutôt que je t'empêche de faire la sieste ?

- Ça aussi, oui.

Elle leva les yeux au ciel et tourna automatiquement la tête vers la gauche en entendant un soupir excédé. Hermione Granger évita son regard mais ne sembla pas regretter son discret rappel à l'ordre. L'avantage, c'est qu'elle avait capté sans le vouloir l'attention de Potter. Elle se pencha sur la gauche et l'interpella pour être sûre qu'il écoute :

- Potter…

- Wayne… répondit-il sur le même ton.

- Harry, corrigea-t-elle doucement. Je voulais te demander…

Elle sentait le regard de ses amis sur sa nuque et essaya de ne pas y prêter attention.

- Je voulais vous demander, en fait, reprit-elle en captant le regard d'Hermione. Est-ce qu'il est trop tard pour… me joindre à vous…

Elle ne savait pas quel terme employer pour parler de leur petit club de pratique de DCFM. Elle éluda d'un geste de la main.

- Quand vous vous réunissez tous, sans les Serpentards ?

Rose ne savait pas si elle était très claire, mais Hermione comprit. Heureusement qu'elle était vive d'esprit. Elle mit un coup de coude à Harry avant de chuchoter dans son oreille. Rose se redressa et croisa les bras, attendant le verdict.

- Tu veux nous rejoindre ? demanda alors Harry.

- On veut vous rejoindre, fit une voix derrière Rose.

- Derek ! protesta-t-elle.

- Tss. Tu crois vraiment que je vais te laisser aller t'amuser sans moi, mon chat ?

Elle secoua la tête et vit Ron Weasley sourire.

- Deux pour le prix d'une, déclara le blond en souriant de toutes ses dents.

- Euh, pardon, trois, fit une voix au fond de la salle, abandonnant sa prise de notes.

- Oh Lisa tu t'es trompée, tu voulais dire quatre ! corrigea Mandy en se retournant, l'air déterminée.

Rose ne put s'empêcher de sourire.

- Euh, bon… quatre alors… désolée, je voulais faire ça discrètement, marmonna-t-elle alors que les sept autres Serdaigles fixaient leur amie et Potter.

- Vous êtes une sorte de lot indissociable ? se moqua alors Ron Weasley.

- C'est à peu près ça… soupira Terry. J'appréhende le jour où l'un d'entre nous voudra sauter d'une falaise…

Ils pouffèrent, toute attention au cours oubliée. Potter échangea quelques mots avec ses amis, puis reporta son attention sur Rose.

- C'est d'accord.

Elle lui fit un sourire rayonnant.

- Chouette. J'espère qu'on n'aura pas trop de retard, ajouta-t-elle en fronçant les sourcils.

- Il faudra signer le parchemin de vos noms, quand vous viendrez, prévint Granger sérieusement.

Rose hocha lentement la tête.

- Pas de problème.

- Terry et les autres vous tiendrons informés de la prochaine réunion alors, conclut-elle avec un petit sourire.

- Très bien. Merci, ajouta Rose avant de retourner vers ses amis.

Harry lui sourit et reporta son attention sur le cours.

- Tu es marteau, chuchota-t-elle à Derek.

- Toi aussi. Nous huit en fait. C'est pour ça qu'on va tous sauter de la falaise en même temps, conclut-il, lui arrachant un sourire.

- On y va ?

- Oh oui, confirma Rose à Anthony. Je te suis.

Les deux amis quittèrent la Salle Commune et il la dirigea dans les couloirs. Ils étaient les derniers du groupe à partir pour rejoindre la Salle sur Demande, dont la moitié des cinquièmes années avait appris l'existence la veille. Ils avançaient rapidement, essayant de discuter innocemment. Rose se repassait la liste des sorts qu'elle avait manqué et espérait s'en sortir. En bons Serdaigles, Lisa, Mandy, Derek et elle avaient pratiqué comme ils le pouvaient, dans le dortoir des garçons, pour avoir au moins la base.

Anthony s'arrêta, passa plusieurs fois devant le même mur, et tira Rose par le bras lorsqu'une porte apparut. Ils s'y engouffrèrent et la porte disparut. La salle devant eux était vraiment grande, et Rose resta bouche bée un instant, avant de reprendre son air digne et de se redresser. Elle n'était pas là pour admirer le paysage. Elle vit le reste de ses amis au loin et ils se sourirent. Hermione Granger se dirigea vers elle.

- Vous êtes les derniers ! Voilà le parchemin.

Rose signa son nom en bas de la liste.

- Et voilà un Gallion enchanté. Anthony t'expliquera…

Rose opina, n'osant pas lui dire qu'il lui avait déjà raconté. Ils se joignirent aux autres Serdaigles et se fondirent dans la masse. Harry se tenait au centre.

- Nous accueillons quatre nouveaux membres ce soir, fit-il en les désignant brièvement de la main. Nous allons en profiter pour réviser les sorts que nous avons déjà vus les fois précédentes : désarmement, entrave et réduction. Ça ne peut pas nous faire de mal… termina-t-il sous quelques rires.

Ils l'imitèrent tous lorsqu'il dégaina sa baguette. Il forma des sous-groupes pour pratiquer chaque sortilège et passa voir chacun d'entre eux pour les aider. Rose était admirative de sa pédagogie et devait bien l'avouer : Anthony avait raison.

Grimaçant, elle se concentra sur Dean Thomas qui pratiquait le désarmement avec elle. Il lui fit un sourire gentil qu'elle réciproqua.

- Tu es prête ?

- Expelliarmus ! cria-t-elle pour toute réponse.

La baguette de Dean s'envola à quelques mètres et elle lui sourit encore plus.

- Oui.

Derek la regardait faire et secoua la tête, amusé.

Rose et les autres passèrent leur soirée à se jeter des maléfices et à essayer de les contrer. Elle fit un clin d'œil à Anthony qui la regarda à un moment, conscient qu'elle s'amusait follement.

À la fin du cours, Harry leur fit part de sa satisfaction et ils se séparèrent, partant chacun à un moment différent pour ne pas éveiller les soupçons.

Les huit Serdaigles s'affalèrent sur les canapés, épuisés par leur séance, mais tout contents.

- Alors… commença Anthony.

- Heureux ?! compléta Derek, provoquant leurs éclats de rire.

Tout le monde opina joyeusement.

- C'était super, confirma Mandy.

- J'ai beaucoup appris.

Rose ne dit rien de plus et sourit à Anthony, posant sa tête sur l'épaule de Derek.

Entre les cours, les entrainements de Quidditch pour les uns, les séances avec l'Armée de Dumbledore et les pratiques qu'ils s'imposaient en plus, les Serdaigles n'avaient plus beaucoup de temps pour eux. Rose ne voyait toujours pas Blaise, se cachant derrière toutes ces activités. À chaque fois qu'ils se voyaient en cours de Botanique ou d'Astronomie, il lui était difficile de se tenir à sa résolution de s'éloigner du Serpentard. Elle avait toujours envie de se blottir contre lui, de lui parler, de l'embrasser. Ils s'échangeaient constamment des lettres. Blaise avait la sensation que Rose devenait plus secrète, mais il ne le mentionna pas dans ses courriers.

Un jour en Botanique, alors que les autres étaient concentrés sur une plante – horrible du point de vue de Rose –, Blaise la prit par la main.

- Tu me manques, lui souffla-t-il dès qu'il le put.

- Toi aussi…

Il profita de la distraction générale pour lui voler un baiser, cachés derrière d'énormes feuilles. Elle sourit et entrelaça leurs doigts. Ils papotèrent très discrètement, sans cesser de trouver de bonnes excuses pour se toucher, s'effleurer la peau. À la fin du cours, Rose se retrouva avec une lettre pliée dans sa poche, que Blaise avait mise là après l'avoir attirée contre lui, et glissé sa main le long de son corps, touchant son épaule, son bras, sa hanche, insérant ses doigts dans la poche de sa robe, plaquant délibérément le tissu contre sa cuisse. Elle avait gardé la bouche ouverte, frémissant sous le toucher brulant de Blaise, cramponnée à la table de travail. Il lui avait volé un dernier baiser que les autres Serdaigles virent furtivement.

Elle fut sortie de sa rêverie par Lisa qui l'appelait. Derek la regardait, un sourire moqueur aux lèvres.

- Pas mal ce cours de Botanique aujourd'hui hein ? Tiens Rose, je me rappelle pas, c'était quoi le nom de la plante déjà ?

Elle lui tira la langue en s'installant à table pour le déjeuner. Personne ne parla beaucoup : ils étaient encore épuisés de la réunion de la veille. Le sort de Stupéfixion leur avait donné du fil à retordre.

- Ben alors les cinquièmes, on est déjà battus par les BUSE ? clama une voix joyeuse.

- Salut Nassim, répondit Michael en réprimant un bâillement.

Les sixièmes prirent des sièges près d'eux, comme très souvent. William s'assit près de Rose, ravi d'avoir une place proche d'elle. Elle avait tendance à s'asseoir entre Derek et Lisa, ou Derek et Mandy. Pas aujourd'hui.

Il lui décocha son sourire le plus charmeur, celui qui lui faisait un pincement au ventre, et remplit son assiette.

- Ça va ? finit-il par lui glisser.

- Oui. Pourquoi ?

- Tu as l'air très fatiguée en ce moment.

- Oh… c'est juste, les BUSE tu sais. Ça me prend un temps fou.

Il lui sourit et ne put s'empêcher de lui presser délicatement la main avant de recommencer à manger.

Ce qu'elle ne disait pas, c'était qu'en plus de leurs activités scolaires et extra-scolaires, Rose dormait toujours aussi mal. Les cauchemars étaient toujours présents et intenses. Il lui était arrivé plusieurs fois de se réveiller en larmes, sans toujours se souvenir de tous les détails de son rêve. Elle appréhendait d'aller au lit et s'empêchait de dormir, ne se laissant aller que tard dans la nuit – ou tôt dans la journée, ça dépendait des jours.

Et des moments comme celui-ci, où William était si gentil avec elle… elle avait envie de se jeter définitivement dans ses bras. Mais il suffisait qu'elle voie Blaise au cours suivant, et c'était avec lui qu'elle voulait passer des heures, des jours…

Rose réprima un soupir, toujours indécise. Derek la tira par la manche et ils filèrent en cours.

Un soir pluvieux, Rose était allongé dans son lit depuis plusieurs heures. Impossible de s'endormir, comme souvent. Pourtant, ce soir, elle avait tout fait : tenté de s'apaiser en respirant lentement, pensé à des nuages, compté les moutons… Elle commençait à désespérer et laissa encore ses pensées dériver. Un songe étrange se forma dans son esprit, alors elle se laissa emporter. La chambre disparut.

Rose chutait. Longuement, comme dans un abime sans fond. Elle voulut ouvrir la bouche, mais le vent était trop violent. Elle voulut bouger les bras, mais ils étaient collés le long de son corps. Elle voulut fermer les yeux pour ne plus avoir le tournis, mais ses paupières refusèrent de lui obéir.

Alors elle abandonna et laissa l'environnement la malmener. Sa résignation eut du bon : elle aperçut la fin du tunnel. D'ailleurs le sol s'approchait une vitesse vertigineuse. Ses yeux verts s'agrandirent, roulèrent, s'affolèrent. Et bientôt, elle toucha le sol. Ce fut violent, brutal. Rose crut que ses os allaient craquer, que son souffle allait se couper pour toujours. Sa joue s'écrasa dans l'herbe froide. Elle attendit quelques instants, et de nouveau le sang sembla circuler dans son corps, diffusant une douleur sourde dans chaque muscle.

- Ça va ?

Rose releva la tête du mieux qu'elle put. La silhouette maintenant familière était penchée vers elle, intriguée. Elle tendit la main à la jeune fille.

- Je vais t'aider.

Hébétée que la femme mystérieuse lui adresse enfin la parole, Rose ne répondit pas, tenta de se relever, attrapa la main tendue. Une fois sur pied, elle tâta ses bras et son visage. Elle défroissa les vêtements qu'elle portait – l'uniforme de Serdaigle – puis chercha l'apparition du regard. Cette dernière la regardait faire, de nouveau droite, digne et les bras croisés.

- Tu as fait une sacrée chute. Ça faisait longtemps que je ne t'avais pas vue.

Rose se rendit compte que les lèvres de la femme ne bougeaient pas. Sa voix résonnait dans l'air, autour de Rose, sans qu'elle n'ouvre la bouche. La jeune fille ne savait pas quoi dire alors elle se contenta de fixer calmement la femme, respirant doucement par le nez.

- Sais-tu pourquoi tu fais ce rêve, Rose ?

Ignorant le fait qu'elle connaissait son prénom – après tout, il s'agissait d'un rêve – Rose secoua négativement la tête.

- Tu as du mal à dormir en paix n'est-ce pas ?

Elle opina cette fois.

- Sinon tu ne te perdrais pas ici. Je voudrais t'aider.

Décidément, cette femme en noir était bien loquace maintenant. Rose la regardait toujours, très attentive, ne pouvant s'empêcher de la détailler encore, espérant se souvenir d'elle à son réveil. Elle était plus grande qu'elle, mince, les cheveux noirs, et avait peut-être la cinquantaine. À son cou brillait toujours le pendentif en forme de corbeau.

- Rose, il faut que tu réfléchisses. Tu voudrais dormir tranquillement ?

- Oui.

Sa voix ne fut qu'un murmure.

- Mais ton esprit t'en empêche. Il faudrait pouvoir calmer ton esprit.

- Comment ?

- Il faut qu'il soit soumis à quelque chose de plus fort que lui.

Rose fronça les sourcils, en pleine réflexion.

- Non, non, je ne songe pas à une quelconque potion, corrigea la femme.

Comment avait-elle deviné ?

- Il faut chercher en toi. C'est déjà en toi, continua-t-elle avec un sourire.

Ses paroles avaient du mal à atteindre le cerveau de Rose, qui se sentait tout embrumée.

- La réponse est très simple. Si simple que tu n'y as pas encore pensé. Ou peut-être crois-tu que ça ne sera pas efficace. Mais crois-moi… ça marchera.

Les paupières de Rose voulaient s'abaisser. Elle résista, ne voulant pas encore quitter cet endroit qui détenait la réponse à ses insomnies.

- Cherche en toi, Rose. La réponse est toute proche.

La silhouette de la femme s'effaça et Rose fut convaincue de voir l'ombre d'un corbeau à sa place avant que ses paupières s'abaissent. Un croassement retentit à ses oreilles. Tout disparut.

Rose se redressa violemment sur son lit et inspira profondément, pendant de longues secondes, comme si elle remontait du fond de la mer. Son cœur battait à tout rompre. Elle passa une main tremblante sur sa cicatrice pour se calmer. Le rêve lui revint peu à peu en mémoire. La chute, la douleur, la femme en noir, ses paroles, le corbeau…

- Dormir… en paix… chercher au fond de moi… marmonna-t-elle.

Elle fronça de nouveau les sourcils.

- La réponse est en moi depuis toujours…

Elle ferma les yeux pour mieux se concentrer.

- Quelque chose qui soit plus fort que mon esprit.

Rose eut finalement un sourire.

- Bien sûr…

Elle ébouriffa ses cheveux, ravie d'avoir trouvé.

- C'était pourtant évident.

Elle s'étira, repoussa ses couvertures, et focalisa son esprit sur une seule pensée : être un animal.

La panthère fit son apparition immédiatement. La bête se secoua un peu, puis se roula en boule sur les draps chauds.

Elle s'endormit quelques secondes plus tard.

D'un sommeil sans rêve.

La méthode de Rose s'étant révélée très efficace, elle la testa de nouveau le lendemain. Puis le surlendemain. Et toutes les nuits qui suivirent cet étrange rêve. Alors, bien que sa vie sentimentale soit un vrai chantier, que William soit toujours près d'elle, que Blaise monopolise son attention, Rose dormait très bien. Elle ne rêvait plus et ne faisait plus de cauchemar. Dès que les rideaux du lit étaient tirés, un fauve noir remplaçait l'humaine sur le lit aux linges délicats. Le petit Kietel n'avait au début pas très bien compris, trop effrayé, et avait passé les premières nuits dans le lit de Lisa avec Duke. Puis il s'était habitué, semblant saisir que Rose ne se faisait pas dévorer tous les soirs par un monstre aux grandes dents. Maintenant il attendait sagement sur l'oreiller qu'elle se transforme et finissait par se blottir entre ses pattes, rassuré.

Décembre fut là, apportant un froid et mordant blizzard qui décoiffait quiconque sortait du château. La quantité de devoirs à abattre était toujours égale à elle-même. Tous les cinquièmes étaient très occupés et Blaise avait de lui-même annulé un rendez-vous avec Rose qu'ils s'étaient fixés, car il avait dû assister à certains entrainements de Quidditch et avait pris du retard dans ses dissertations. William lui, assistait à tous les entrainements de son équipe, le match contre Poufsouffle approchant à grands pas. Les sixièmes avaient également beaucoup à faire en prévision de leurs ASPIC. Leurs soirées à tous consistaient en général d'un diner rapide et de sessions de devoirs interminables. Les réunions avec l'A.D. se poursuivaient, et quand ils n'étaient pas penchés sur leurs parchemins, les cinquièmes retrouvaient Harry et les autres, ou s'enfermaient dans la chambre des garçons pour pratiquer, encore et encore. Michael et Derek en particulier avaient beaucoup à faire, avec le Quidditch en plus, mais l'enthousiasme débordant de Derek les motivait toujours tous à se dépasser.

Un jeudi soir, les huit Serdaigles, qui s'étaient réunis dans le dortoir masculin après diner, venaient tous de crier victoire.

- Oui ! Bravo Mandy ! s'exclama Michael.

Rose venait de le réveiller après un très efficace sort de Stupéfixion que la blonde venait de lui lancer. Elle était la première à le réussir pleinement. Elle eut un sourire ravi et leur fit une révérence. Derek rit, et se tourna vers Michael, la baguette levée :

- À moi !

- Ah non ! s'écria son ami. Vise quelqu'un d'autre !

Ils s'esclaffèrent tous. Terry se planta devant lui.

- Moi.

Derek eut l'air outré.

- Hors de question. Je t'attaque pas.

- Et pourquoi pas ? rétorqua son petit ami. Moi aussi je veux m'entrainer !

Rose croisa les bras, amusée. Derek n'oserait jamais, par peur de lui faire mal. Terry sembla penser la même chose.

- Je suis pas en sucre ! Allez, attaque-moi !

Le brun leva sa baguette et le menaça. Les autres se reculèrent tous dans le même coin de la chambre, attendant la suite des événements, l'air moqueur malgré tout.

Derek déglutit, peu rassuré.

- D'accord…

Il raffermit sa prise sur sa baguette après un regard de Terry.

- D'accord, reprit-il plus fermement. C'est parti.

Terry eut un sourire féroce qu'il n'avait jamais et leva le bras.

Ils s'attaquèrent en même temps et se stupéfixèrent avec brio, tombant dans les coussins disposés çà et là, exactement en même temps. Les six autres éclatèrent de rire. Rose se rua sur Derek après avoir calmé son fou rire.

- Enervatum, fit-elle en pointant sa baguette sur lui, pendant qu'Anthony faisait la même chose à Terry.

Le grand blond cligna des paupières. Elle lui sourit tendrement.

- Et bim le géant, se moqua-t-elle doucement. Ça va ?

- Mais oui, répondit-il alors qu'elle l'aidait à se relever. Terry ?

- On a réussi ! s'écria ce dernier en se remettant sur ses pieds.

Derek éclata de rire et accepta le baiser fugace que son petit ami lui fit, pendant que les autres souriaient.

Ils continuèrent leur entrainement jusqu'à ce que tous les huit maitrisent suffisamment le sort pour être satisfaits d'eux-mêmes. Ils redescendirent dans la Salle Commune vers vingt-deux heures, armés de matériel pour continuer leurs devoirs écrits. Leurs séances de pratique supplémentaires leur donnaient toujours une sorte de coup de fouet avant qu'ils ne puissent aller se coucher. Ils avaient donc pris l'habitude de mettre ce regain d'énergie à profit en faisant toujours plus de devoirs et de révisions.

Marc, Nassim et Idriss étaient installés à une grande table. Après un signe de leur part, les cinquièmes vinrent vers eux et se répartirent autour de la table.

- Vous bossez sur quoi ? demanda Padma, curieuse.

- Métamorphoses, lui apprit Idriss. À propos des Sortilèges Informulés.

Marc soupira, faisant sourire les autres. Une silhouette apparut en haut des escaliers et les rejoignit.

- C'est vous qui faisiez tout ce boucan ? s'étonna William en s'asseyant. J'étais en train de lire dans la chambre, j'arrivais pas à me concentrer.

Ils se jetèrent des petits regards.

- Ah, désolé, fit enfin Terry. On s'est pas rendu compte qu'on était bruyants.

- Bruyants, oui, c'est une façon de le dire !

- Vous faisiez quoi ? demanda Nassim.

- On pratiquait des sortilèges pour les BUSE, rétorqua Mandy calmement.

- Un sortilège pour démonter les murs du château ? reprit-il sous les rires.

- Non, celui d'Expulsion, improvisa Anthony rapidement. On avait besoin de le pratiquer.

- Pourtant, commença une voix amusée, il me semblait que Rose n'avait pas besoin de pratique pour celui-là.

L'intéressée regarda William sans comprendre.

- L'année dernière… avec les Poufsouffles ?

- Oh, c'est vrai ! se rappela-t-elle. C'est comme ça qu'on vous a sauvé les fesses.

Les filles et Terry rirent au souvenir de la bagarre contre les Poufsouffles. En face d'elle, William fit un nouveau sourire à Rose qui rebaissa le nez vers son parchemin. Ils travaillèrent tous en silence, bercés par le bruit des pages qui se tournaient et celui des plumes grattant sur les parchemins. Très concentrée sur ses Potions, Rose mit un instant avant de réagir quand quelque chose lui toucha la jambe. Pensant que c'était Duke qui leur tournait autour, elle ne bougea pas et attendit qu'il parte pour étirer ses jambes sous la table. Elles rencontrèrent immédiatement d'autres jambes. Rose releva les yeux et regarda William en face d'elle. Il était plongé dans son livre. Elle voulut décaler ses pieds pour ne pas le gêner, quand ceux de William les enserrèrent pour l'empêcher de partir. Il fit quelques mouvements qui la débarrassèrent de ses chaussures et lui fit comprendre qu'il voulait qu'elle pose ses jambes sur les siennes. Elle obéit, curieuse de savoir ce qu'il comptait faire. Imperceptiblement, il rapprocha sa chaise de la table au maximum et son bras droit disparut sous la table, sans que personne sauf Rose ne le remarque. Il n'avait toujours pas regardé la jeune fille et elle faisait semblant de comprendre le paragraphe qu'elle lisait depuis cinq fois au moins. La main de William rencontra enfin la cheville de Rose et il enroula ses doigts autour, commença à caresser distraitement par-dessus le collant épais en laine de l'uniforme de Rose. Il tourna une page de son livre et changea de cheville.

L'innocence même, pensa-t-elle.

Elle se reconcentra tant bien que mal sur son devoir et le laissa caresser ses jambes. Il arrivait à remonter jusqu'aux mollets, aussi elle rapprocha son siège de la table pour qu'il puisse continuer son mouvement. Les paroles qu'il avait prononcées lors de sa fête d'anniversaire lui revinrent en mémoire et elle sourit. Voilà, il touchait ses jambes. La main baladeuse remonta encore et toucha son genou, glissa vers l'intérieur. Rose se sentit rougir, espérant que personne ne la regarde. Elle gigota sans le vouloir. Elle était partagée entre le désir qu'il continue et la gêne que quelqu'un les voie. Elle dégagea délicatement son pied droit et le posa par terre pour se stabiliser car elle craignait de déraper, les fesses au bord de sa chaise. Son pied gauche glissa de la cuisse de William et atterrit au milieu. Il eut un petit sursaut mais ne bougea pas pendant quelques secondes, laissant le pied de Rose là où il était tombé. Il finit par le repousser doucement et poser avec une dernière caresse sa jambe au sol. Rose, elle, avait violemment rougi, les yeux écarquillés sur son livre. Elle n'oserait plus jamais le regarder, c'était décidé.

- Rose ? interpella-t-il soudainement d'une voix qu'elle trouva beaucoup trop maitrisée.

- Oui ? répliqua-t-elle sans le regarder, la bouche sèche.

- Tu voudrais bien me prêter de quoi écrire ? Je voudrais prendre quelques notes. Si ça ne t'embête pas.

- Pas du tout, marmonna-t-elle, poussant vers lui parchemin vierge, plume supplémentaire et mettant entre eux son encrier.

- Merci.

Son ton caressant était irrésistible et elle leva les yeux une seconde. Il en profita pour lui faire un clin d'œil accompagné d'un sourire charmant et charmeur avant de se concentrer sur son livre. Rose ne put s'empêcher de sourire à son tour.

Ils passèrent peut-être une demi-heure supplémentaire dans le calme, avant que William ne se redresse et referme son livre. Il posa ses coudes sur la table, posa son menton sur ses mains et attendit que Rose lève les yeux vers lui, ce qu'elle fit avec réticence en sentant son regard sur elle.

- Merci pour la plume, dit-il en la lui tendant.

- Je t'en prie.

- Je vais me coucher, annonça-t-il. Bonne nuit tout le monde !

Quelques saluts distraits lui répondirent, il se leva et quitta la table après un dernier sourire vers Rose. La jeune fille resta quelque peu hébétée et fixa longuement le mur en face d'elle, incapable de faire ses devoirs de toute façon.

Qu'est-ce qui vient de se passer ?! était la seule phrase qui tournait dans son esprit.

William Van Alten vient de t'allumer, voilà, résuma une voix qui lui fit étrangement penser à Lisa.

Elle secoua la tête et rangea toutes ses affaires avant d'aller dans son dortoir à son tour.

Le samedi suivant, tous les Serdaigles abandonnèrent leurs devoirs et quittèrent le château vers dix heures et quart. Le match commencerait à onze heures et il faisait froid, mais ils voulaient avoir de bonnes places pour le premier de la saison. Derek, Michael et le reste de l'équipe étaient déjà partis depuis longtemps en direction du stade et de ses vestiaires.

Les gradins se remplissaient rapidement, les cinquièmes, accompagnés de Nassim et Marc, étaient en bonne position, tout devant. Ils étaient frigorifiés mais n'y prêtaient pas attention. Les filles de sixième et les autres septièmes n'étaient pas loin d'eux non plus. Tous étaient tendus.

Enfin, le match commença et les deux équipes investirent le terrain, dans leurs tenues bleues ou jaunes. Les yeux de Rose voletaient de Derek à William, suivant distraitement Cognards et Souafle. Ses amis et elle rajoutaient leurs propres commentaires personnels à ceux, officiels, de Lee Jordan.

- Punaise qu'il fait froid, râla Mandy. J'espère que ça va pas durer des heures.

Lisa rit et se pelotonna un peu plus contre Anthony, qui la tenait fermement, « pour la chaleur », avait-il expliqué.

- Dis Terry, on t'a déjà dit d'arrêter de baver en public, fit Padma en lui envoyant un petit coup de coude.

- Ah. Désolé.

Leur ami ferma la bouche et continua à regarder Derek, volant sur son balai, synchronisé avec Roger et Selena. Idriss empêcha un but de passer et renvoya le Souafle vers son capitaine.

- Ça c'est bien ! commenta Nassim, tout content.

- Dites je me disais… les matches de Quidditch ça me confirme bien…

- Que quoi ?

- Que Chang sert pas à grand-chose, termina Rose, un sourire cruel aux lèvres.

Anthony sourit, amusé, pendant que les filles levaient les yeux au ciel.

- Mais qu'est-ce que tu as contre elle ? demanda Marc.

- Aucune idée. C'est viscéral.

- Pourtant je vous ai vues discuter à l'anniversaire de William… ça avait l'air d'aller non ?

- Oui, mais c'était pas moi, c'était l'alcool. Ça me rend amicale.

- Ah oui, renchérit Padma, l'alcool. Qui t'a fait faire d'autres choses contre ton gré aussi hein ?

Ils s'esclaffèrent tous.

- Je vous parle plus, déclara Rose, les bras croisés, redoublant les rires de ses amis.

- FAUTE ! cria soudainement la foule, validée par Madame Bibine.

Selena tira un penalty pour Serdaigle et le fit passer, sous les applaudissements des spectateurs.

- Je me demande comment ils vont remplacer Selena et Roger l'an prochain, lança Terry. Et qui sera le ou la prochaine capitaine ?

- Ah ça… tu crois que Derek serait intéressé ? interrogea Lisa.

- Probablement, confirma Rose. Et Idriss et William ?

- Je sais pas trop, répondit Nassim. On n'en a jamais parlé.

L'équipe de Serdaigle, en grande forme, enchainait les buts et leur score augmentait visiblement.

- Mais Terry, qu'est-ce que tu lui as fait ce matin ? demanda subitement Mandy. Il est en grande forme !

Ils ricanèrent tous alors que Terry rougissait en se défendant.

- Mais rien du tout…

Il regarda Rose.

- On a juste dormi, lui marmonna-t-il en aparté.

- Ça a dû suffire, répondit-elle entre deux rires.

Il se redressa.

- Son succès n'a rien à voir avec moi, affirma-t-il. Il est doué parce qu'il aime le Quidditch et qu'il s'entraine beaucoup, voilà.

- Tu t'entraines pour répondre aux interviews de Quidditch Mag quand il sera dans l'équipe nationale ou quoi ? ironisa Nassim, déclenchant encore les rires du groupe.

Mandy se frotta les bras.

- Bon allez, un peu d'action…

- Quatorze étudiants sur des balais avec des Cognards qui leur foncent dessus ça te suffit pas ?

- Non mais là, y'a même pas un blessé, rien…

- C'est parce que les Batteurs font bien leur travail, c'est tout.

- Mais oui ça va, je l'attaque pas le prince charmant, ronchonna-t-elle vers Rose.

Rose leva les yeux au ciel, comme à chaque fois qu'elle entendait ce terme.

- Je parlais des quatre Batteurs, pas seulement des nôtres.

- Les nôtres, et voilà, la possessivité ! relança Lisa, hilare.

Rose recroisa les bras et concentra son attention sur le terrain, ignorant ses amis qui riaient encore. Elle regarda William dévier un Cognard vers l'équipe adverse avant qu'il n'atteigne Roger et ne put réprimer un sourire. Dommage qu'il fasse si froid. Elle aurait bien aimé voir ce mouvement sans la lourde tenue de Quidditch. Par passion sportive, bien sûr.

Les Poursuiveurs des deux équipes étaient efficaces, et chaque but marqué était bien vite rattrapé. Bientôt le score fut quasiment à égalité, et Padma souhaita à voix haute que Chang attrape vite le Vif d'Or, ce qui leur assurerait une belle victoire.

- Tiens Mandy, tu voulais de l'action, fit soudainement Anthony. En voilà.

Ils se redressèrent tous pour regarder Cho Chang se précipiter, talonnée par l'Attrapeur Poufsouffle.

- Et c'est Chang qui attrape le Vif d'Or ; Serdaigle remporte le match ! clama Lee Jordan avant d'annoncer le score, sous les cris des bleu et bronze.

L'équipe atterrit triomphalement sur le gazon. Roger alla serrer la main de celle de Zacharias Smith, et après un salut vers les gradins, ils disparurent dans les vestiaires. Les Serdaigles échangèrent des sourires ravis.

- Bon… commença Nassim.

Ils tournèrent la tête vers lui.

- Petite fête ?!

- Oh ouais mon gars ! s'exclamèrent Owen, Luke et les autres septièmes qui avaient entendu.

Les filles de cinquième gloussèrent discrètement. Anthony redressa ses lunettes sur son nez.

- Ok, mais cette fois, on chaperonne avec Padma. Niveau boisson et heure de fin.

- D'accord, concéda Nassim.

Les Serdaigles quittèrent le stade aussi rapidement qu'ils le purent pour retrouver la chaleur de leur Tour.

Comme promis, ils organisèrent après le diner une petite célébration pour leurs joueurs, déployant la banderole qu'ils réservaient pour l'occasion et sortant quelques boissons – pas d'alcool car les plus jeunes allaient participer et il était « hors de question de les exposer à ça », avait déclaré Padma. Rose et Mandy revinrent des cuisines avec de la nourriture « calorique, mais tu comprends c'est pour se protéger du froid » justifia Mandy en remontant les escaliers de la Salle Commune.

Dès que l'équipe fit son entrée, calculée minutieusement pour leur assurer un maximum de visibilité, leurs camarades applaudirent et les félicitèrent pour leur victoire. Des jus de fruits furent servis principalement, même si Anthony vit bien quelques Bièraubeurres être distribuées, ainsi que des bouteilles de bière dissimulées derrière les mains des plus âgés. L'équipe trinqua d'abord entre équipiers puis fut assaillie de personnes de tous les âges pour être questionnée, félicitée, commentée sur le match.

Leur célébration ne dura pas longtemps, Anthony et Padma y veillèrent, comme promis. Les plus jeunes furent envoyés dans leurs dortoirs respectifs dès vingt-deux heures. Les cinquièmes, sixièmes et septièmes restèrent plus longtemps, rangeant tout en continuant leurs discussions, portant principalement sur le match.

- Hé Roger, qui va te remplacer à la tête de l'équipe l'année prochaine ? lança soudainement Owen.

- Aucune idée, fit-il en haussant les épaules. C'est trop tôt pour décider. Déjà, quelqu'un qui voudrait bien passer après ma brillante exécution du poste…

- Ah, la modestie d'un capitaine de Quidditch, soupira une de ses camarades, faisant rire les autres.

Derek attira Terry et Rose contre lui en s'affalant sur un canapé.

- Je suis mort, dit-il.

- Tu as très bien joué. Tu as le droit !

- Tu serais intéressé toi, par le poste de capitaine ? demanda Rose.

Il réfléchit un instant.

- Je pense, oui… mais William, Idriss ou Cho seraient plus indiquées, ils ont plus d'expérience dans l'équipe. Peut-être en septième année !

Rose laissa aller sa tête contre son épaule et ferma les yeux. Elle n'avait pas joué au Quidditch mais était quand même fatiguée.

- Je vais aller me coucher je pense, sinon je vais m'endormir sur toi.

Derek lui sourit et lui pressa la main.

- Terry ? proposa-t-il en se tournant vers son petit ami.

- Oui, nous aussi, confirma-t-il.

Ils se levèrent de concert et saluèrent ceux qui étaient toujours là. Voulant faire un signe à William, Rose nota en montant les escaliers du dortoir qu'il était près d'une cheminée, en compagnie de ses amis, ainsi que de Marietta, Isobel, Cho et… Rebecca, juste à côté de lui. Serrant les mâchoires, elle regarda droit devant elle et alla se coucher, se transformant sans attendre.

Dimanche matin, Rose reçut deux lettres de deux hiboux différents. Plus précisément, une lettre de l'extérieur et un mot plié, provenant du château. Elle ouvrit d'abord le petit mot, qui venait de Blaise, comprit-elle rapidement. Il lui proposait un rendez-vous.

- Tiens, ça faisait longtemps… murmura-t-elle.

Derek se pencha et lut par-dessus son bras.

- Tu as envie ? demanda-t-il sincèrement.

- Oui. Je pense qu'on peut à nouveau se le permettre… et il me manque. La dernière fois il avait annulé à cause de ses devoirs en retard. Il propose mercredi soir, c'est pas mal. Je lui répondrai tout à l'heure.

- Et l'autre lettre ? fit-il, curieux, en la saisissant.

Il la retourna et ils virent le blason Wayne au dos de l'enveloppe. Rose sourit.

- Ah, ça doit être Olivia.

Elles échangeaient des lettres régulièrement. Ces derniers temps, celles d'Olivia étaient rédigées par Amalie sous la dictée de la gouvernante, qui fatiguait vite. Rose l'ouvrit et déplia le parchemin, le survolant rapidement. Son regard se figea et elle déconnecta de la réalité.

- Rose ?

- Oui ? répondit-elle machinalement.

- Rose, ça fait deux minutes que tu ne bouges plus, chuchota Derek, près d'elle. Parle-moi.

- C'est mon père…

Les yeux toujours fixes, elle tendit le courrier à son ami. Elle le sentit tressaillir, aux mêmes passages qu'elle. Elle avait l'impression que certains mots étaient imprimés sur sa rétine.

« … Olivia est vivante…

… situation aggravée…

… perdu conscience …

… moldu « coma »…

… impossible de savoir si elle sortira de cet état…

… peu d'espoir. »

Et elle ne savait plus ce qu'il y avait écrit d'autre. Derek attendait qu'elle bouge, pour savoir quoi faire. Mais elle ne bougeait pas.

- On remonte, décida-t-il brutalement, la tirant de sa torpeur pour l'entrainer avec lui.

- D'accord, valida-t-elle automatiquement.

Il la dirigea dans les couloirs sans qu'elle ne proteste. Elle sembla revenir à elle en bas de la tour Serdaigle et le regarda, s'arrêtant net devant les marches. Ses yeux étaient brillants de larmes et elle respirait par saccades, incapable de parler.

- Viens là mon chat…

Derek l'attira contre lui et la protégea de ses bras pendant qu'elle pleurait, enfin. Ses épaules se soulevaient et elle se cramponnait à son pull. Il entendait ses inspirations difficiles, presque des râles douloureux. Elle marmonna quelque chose.

- Qu'est-ce que tu dis ? demanda-t-il doucement.

- Je dis… je dis que… hoqueta-t-elle. J'étais… même pas là…

Ses genoux faiblirent et Derek la retint contre son buste. Il avisa les autres qui arrivaient discrètement derrière et leur fit signe de passer devant eux deux.

- Mon chat… reprit-il quand leurs amis eurent disparu. Tu te sens de monter les escaliers ? Tu veux te transformer ?

Elle secoua la tête.

- Non. Je veux pas… simplifier mes sentiments.

Elle renifla, se moucha, s'essuya les yeux.

- On monte, fit-elle, décidée.

Ils prirent leur temps. Rose parvint à retenir ses larmes le temps de rejoindre la Salle Commune, se concentrant sur chaque marche, l'une après l'autre. Derek avançait derrière, près à la retenir, au cas où. Il la dirigea d'autorité vers le dortoir des garçons, faisant signe aux autres d'attendre pour le moment.

- Non, protesta Rose qui pleurait à nouveau. Venez.

Ils montèrent tous les huit et s'enfermèrent dans la chambre. Rose se laissa tomber sur le lit de Derek et parvint à dire :

- C'est Olivia.

Elle voulut continuer mais en fut incapable. Elle fit un geste à Derek pour qu'il fasse passer la lettre de son père et enfouit son visage dans ses mains. Leurs amis lurent en silence. Lisa s'approcha d'elle finalement, après avoir nettoyé son visage des larmes qui avaient coulé.

- Rose… est-ce que… est-ce que tu veux qu'on te laisse seule ? questionna-t-elle.

- Pour quoi faire ? répliqua Rose, perdue.

Comprenant que son amie lui proposait de l'intimité, Rose secoua la tête.

- Non, non… restez… c'est pas obligé mais… je préfère.

- Bien sûr qu'on veut, confirma Terry, s'installant près d'elle à son tour.

Ses sept amis l'entourèrent rapidement. Derek se mit par terre, à ses pieds, Lisa et Terry la flanquèrent. Les autres étaient répartis autour, assis sur le lit. Tous lui posèrent la main sur l'épaule, le bras, la main, le genou.

- Dans le coma… je savais même pas que ça existait… commença-t-elle, ses phrases entrecoupées de sanglots. Mais Olivia est une Cracmole alors…

Elle renifla, reprit le contrôle sur sa respiration.

- Je savais que quelque chose comme ça allait arriver, admit-elle en regardant rapidement ceux qui étaient à portée de ses yeux. Mais j'aurais aimé… j'aurais aimé être avec elle.

Lisa lui tendit un nouveau mouchoir qu'elle prit avec reconnaissance.

- J'espère juste…

Elle inspira difficilement. Derek ne la quittait pas des yeux.

- J'espère juste qu'elle sait… que je l'aime, vous savez.

Mandy étouffa un sanglot dans ses mains, Padma se frotta les paupières.

- Elle sait, mon chat. Elle sait.

Il lui caressa doucement le visage.

- Ce serait… mille fois pire sans vous, conclut-elle d'une voix brisée. Merci. De rester.

Lisa sourit tristement, Terry regarda au plafond pendant qu'Anthony et Michael se raclaient la gorge. Aucun d'entre eux à part Derek n'avait jamais rencontré Olivia, mais ils savaient tous qu'elle était une mère pour Rose.

- Je suis soulagée qu'on soit bientôt en vacances. Au moins je serai vite avec elle.

Elle déglutit et expira par le nez pour maitriser son émotion.

Ils restèrent tous ensemble, en silence, pendant encore un moment. Personne n'avait l'intention de partir ou faire autre chose avant que Rose ne le leur demande.

Elle finit par renifler et faire un petit sourire.

- Vous avez le droit de parler, vous savez.

Terry lui sourit.

- On est là pour toi.

- Merci, répondit-elle, de nouvelles larmes dans les yeux.

Elle les essuya rapidement.

- Bon apparemment il ne faut pas être trop gentil sinon je pleure, fit-elle, provoquant leurs sourires. Anthony, sois méchant avec moi.

- Pourquoi moi ? protesta-t-il.

Ils rirent tous, doucement. Rose se tourna vers lui.

- Tu es le seul à me faire sortir de mes gonds.

- Ça… on avait remarqué, marmonna Mandy, élargissant le sourire de Rose.

Il croisa les bras, joueur.

- Rose, tu devrais aller faire tes devoirs. Sinon tu vas encore échouer devant l'A.D., déclara-t-il.

- Tu vois quand tu veux !

Elle lui sourit, passa encore une fois le mouchoir sur ses yeux.

- Bon. Allez. Retournons à la civilisation. Merci, termina-t-elle.

- Toujours, répliqua Padma avant qu'ils ne rejoignent la Salle Commune.

Ils s'installèrent près d'une des cheminées, tous lovés les uns contre les autres. Rose les écouta parler sans beaucoup participer, mais elle réagissait aux bons moments. De temps à autre, elle essuyait encore ses yeux ou fixait le feu quelques minutes sans bouger. Aucun d'entre eux n'avait envie de faire ses devoirs, mais ils finirent par jouer ensemble à un jeu de plateau. Se concentrer sur une partie permettait à Rose de penser à autre chose, comme lorsqu'elle avait monté les marches de la tour.

Les avisant autour de la cheminée, William se dirigea vers eux, son éternel sourire au visage.

- Salut les cinquièmes. Qu'est-ce que vous faites auj…

Le mot mourut sur ses lèvres quand il vit Rose, un peu recroquevillée, les yeux rouges. Ils le regardèrent, attendant la suite de sa phrase. Mais William avait oublié.

- Rose ?

Elle lui sourit un peu faiblement, toujours à deux doigts des larmes. Lisa répondit à sa place :

- C'est Olivia.

William les regarda un par un. Ils avaient tous l'air de comprendre, mais il était perdu. Un peu embarrassé, il finit par dire doucement :

- Je suis vraiment désolé, mais je ne comprends pas.

Rose reporta son regard sur lui, pendant que la moitié de ses amis fronçait les sourcils.

- Oh… pardon William… on n'en a jamais parlé…

Il ne savait pas s'il pouvait s'insérer dans leur cercle très fermé cet après-midi, mais Rose décida pour lui. Il était temps qu'elle lui parle de ce qui se passait derrière les murs du Manoir. Elle quitta le cocon protecteur des bras de Derek et se leva tranquillement, rajustant son sweat, repoussant ses cheveux et s'avança vers lui.

- Viens, dit-elle en lui tendant la main. Je vais t'expliquer.

Il la lui prit sans poser de questions et la suivit, dans un coin calme de la Salle Commune. Elle s'installa sur un fauteuil et ramena ses jambes contre son buste, les entourant de ses bras. William se dit qu'elle avait l'air terriblement vulnérable à cet instant. Il se mordit la langue et se retint à temps de lui dire. Il n'était pas sûr qu'elle apprécierait l'adjectif. Elle finit par le regarder et lui lancer un faible sourire.

- Olivia… est la personne qui m'a élevée.

- La Cracmole ?

- Tu t'en souviens, fit-elle en souriant un peu plus. Oui, elle.

Il sembla hésiter puis tenta :

- Ta mère ?

- Non. Je connais pas ma mère. Olivia est ma gouvernante. Elle est là depuis le début. Elle était là le jour où…

Elle se racla la gorge.

- Le jour où ma mère est partie. C'est elle qui me l'a dit. J'étais bébé alors je m'en souviens pas.

Elle regarda brièvement le plafond et continua à raconter, sa vie au Manoir, avec Olivia et tout le personnel, son père et ses absences, l'école maternelle moldue et les professeurs particuliers… Tout sembla sortir d'un coup. Elle avait souvent le regard éteint, plongée dans ses souvenirs. William l'en sortait en posant des questions, en cherchant son regard. Elle parla aussi de sa solitude, puis de sa première rencontre avec Derek, de leur amitié toujours plus forte, de leur obsession l'un pour l'autre quand ils étaient séparés… ce qui fit rire William, car il pouvait très bien les imaginer être dramatiques une fois loin l'un de l'autre. Elle lui sourit en retour pour froncer immédiatement les sourcils. Elle reprit son sérieux et fit un bond dans le temps, raconta le jour où ils avaient dû emmener Olivia d'urgence à Sainte Mangouste, le diagnostic du cancer, et l'attente… l'attente, en sachant qu'il n'y avait rien à faire, juste à la regarder s'éteindre petit à petit. Sa gorge se serra douloureusement, elle fit une pause pour respirer quelques instants, faisant signe à William d'attendre un peu. Elle évitait sciemment son regard, ne sachant pas trop comment il accueillait l'histoire de sa vie. Elle n'était pas sûre de vouloir savoir. Elle voulait juste terminer.

Puis elle reprit, et raconta la lettre reçue ce matin, le coma d'Olivia – elle expliqua le terme au cas où il ne connaissait pas –, son regret de ne pas avoir été là plus souvent et ne put retenir quelques larmes, qu'elle chassa vite. Mais elles furent remplacées par d'autres et Rose se dit que, fichu pour fichu… elle laissa ses larmes couler librement, regardant ses mains ou ses genoux. William ne disait rien. Elle espérait qu'il n'allait pas poser de questions, elle n'était pas certaine de pouvoir parler. Elle rassembla son courage et leva les yeux vers lui. William la regardait intensément, les yeux brillants. Ses mains étaient cramponnées aux accoudoirs du fauteuil sur lequel il était assis, ses jointures étaient blanches tellement il forçait. Elle avala sa salive, s'essuya le visage du revers de sa manche et fronça de nouveau les sourcils.

- William ? chuchota-t-elle.

Elle se dit que ça y était, elle en avait trop dit. Les garçons n'aimaient pas les pleurnicheuses n'est-ce pas ? Il restait assis là par politesse, tout en se disant qu'il choisirait une fille moins faible la prochaine fois. Ce qui la fit pleurer de nouveau. Zut.

Et soudain il fut devant elle, à ses pieds. Elle ne l'avait pas vu se déplacer.

Il prit ses mains, les détacha l'une de l'autre, les repoussa sur les côtés. Il attrapa ses mollets et les tira vers le bas. Il glissa une main sous ses cuisses, passa l'autre derrière son dos et la souleva. Il s'assit à sa place dans le fauteuil et reposa Rose sur ses genoux, l'attira contre lui, enroula ses bras autour d'elle. Il l'embrassa sur la tempe et ne dit rien de plus.

- William…

La voix de la jeune fille sonna comme un avertissement.

- Je m'en fous, Rose.

Il glissa son pouce sur sa joue pour enlever une larme qui trainait, puis lui fit un sourire tendre. Elle opina timidement de la tête et enfouit enfin son visage dans son cou, se laissant aller contre lui, dans son étreinte chaude et rassurante. Elle respira son odeur et finit par poser sa main sur son biceps, comme pour se stabiliser.

Quand il sentit que sa respiration était plus apaisée, il murmura :

- Je crois que j'ai cassé l'accoudoir du fauteuil…

Il sourit en sentant le corps de Rose être secoué d'un petit rire.

- Merci, dit-elle à voix basse. De m'avoir écoutée.

Il resserra son étreinte pour toute réponse, elle caressa un instant son bras.

- Parle-moi, s'il te plait, murmura-t-elle enfin. De n'importe quoi.

- De n'importe quoi, vraiment ?

- Oui, répondit-elle, un sourire naissant sur ses lèvres.

- Très bien. Alors je vais te raconter le bisou que m'a fait Rebecca le soir de mon anniversaire… le seul que j'ai reçu, finalement, déplora-t-il.

- Non mais vraiment ! protesta-t-elle en relevant la tête pour le regarder, doublement outrée.

Il rit doucement, caressa son visage brièvement.

- Non, attends. Je vais te parler de mes exploits sur le terrain de Quidditch. Ça, ça plait toujours aux filles.

Elle leva les yeux au ciel et attendit, reposant sa tête contre son torse.

- Parce que je pense vraiment que c'est grâce à moi que nous avons gagné hier, se vanta-t-il. Et certainement pas à cause des Poursuiveurs, qui honnêtement, ne sont pas très bons dans le fond…

Elle lui donna une petite tape sur le bras, riant un peu plus.

- C'est honteux, commenta-t-elle. Aucun esprit d'équipe.

Il lui sourit, espiègle.

- Je suis l'équipe, ma Rose. Tout repose sur mes frêles épaules, soupira-t-il dramatiquement.

- Je ne suis pas sûre que « frêle » soit le bon adjectif mais bon…

Elle posa la main sur son épaule et la caressa légèrement, toujours fascinée par sa musculature. Ravi de l'attention, il ne fit aucun commentaire et la laissa faire.

- C'est quand même Cho qui a attrapé le Vif d'Or…

- Une marionnette, ma Rose. Une marionnette.

Elle rit plus franchement.

- Tu la manipules comme tu manipules des mineures pour les attirer dans ta chambre ? plaisanta-t-elle.

- Non… pas autant. Les mineures c'est plus subtil que les joueurs de Quidditch. Surtout les aristocrates, il faut les convaincre avant. Les attirer avec un appât.

- Et samedi c'était quoi l'appât ?

Il laissa un blanc.

- Moi, évidemment.

Elle éclata de rire contre lui.

- Des mois de travail, Rose ! à deviser des plans, tout seul dans ma tête !

Elle secoua la tête.

- Désolée d'avoir été un fardeau, répliqua-t-elle.

Il rit à son tour, posa un autre baiser sur ses cheveux. Elle se retint de relever la tête pour lui présenter ses lèvres. Ce n'était pas raisonnable.

- Samedi dernier… commença-t-elle.

Elle ne savait plus comment continuer.

C'était une exception d'être aussi proches. Ne t'habitue pas. Je suis toujours aussi perdue qu'avant.

Il soupira.

- Je t'ai dit, je prends ce que tu me donnes. Et ce que je peux prendre, je ne vais pas te mentir.

Il se racla la gorge.

- Justement, je voulais aussi te dire…

Elle craignit le pire.

- Je suis désolé de m'être comporté comme un animal, dans ma chambre.

Elle fut secouée d'un nouveau rire qu'il ne comprit pas tout de suite.

- Ça, pour être ironique… ça se pose là… Du coup, moi aussi, ajouta-t-elle en le regardant, les yeux pétillants.

- Ah ! En effet, rit-il. Mais sérieusement. Je n'avais pas planifié de… te sauter dessus comme ça. J'espère juste que tu ne m'en veux pas.

Elle le regarda gravement.

- William, si je n'avais pas eu envie moi aussi, je t'assure que je ne t'aurais pas laissé faire. J'ai les moyens de me défendre ou de m'échapper assez facilement, ajouta-t-elle avec un petit sourire.

- Je sais bien… mais j'ai pensé, après coup, que peut-être, si tu avais été sobre, tu n'aurais pas voulu et… je m'en veux un peu en fait, confia-t-il.

Elle se redressa un peu pour bien lui faire face.

- Je t'interdis de t'en vouloir. J'avais autant envie que toi de… faire ce qu'on a fait.

Il hocha la tête.

- Sobre ou pas sobre, murmura-t-elle.

Il déglutit et jeta un coup d'œil à ses lèvres, comme par réflexe.

- Et honnêtement… qui était le plus imbibé des deux ?!

- Coupable !

- C'est bien de l'admettre.

- Donc si on suit ta pensée…

- Je sens que je vais aimer…

- C'est plutôt toi qui as abusé de moi !

- Et voilà.

Ils se regardèrent et rirent en même temps.

- J'ai tellement envie de t'embrasser… annonça subitement William.

Elle entrouvrit la bouche de stupeur.

- Ah oui mais fais pas ça aussi, ronchonna-t-il.

Elle la referma aussitôt.

- Pardon, lança-t-il avec un de ses sourires charmeurs. Ma franchise, tout ça.

- Je m'y habitue, assura Rose. Et aussi, je voulais te parler de…

Elle hésita.

- L'autre soir, quand on faisait nos devoirs, tous ensemble. Quand tu…

Les mots se perdirent.

- Ah, j'ai pas pu résister. Je te demande pardon. J'avais tellement envie de te toucher… même un bout d'oreille ça m'aurait suffi. Mais ça aurait été bizarre, surtout en public non ?

Elle rit et confirma.

- Et quand tu es concentrée, tu es tellement…

Il s'arrêta et lui fit un sourire en coin.

- Tellement ?

- Non, celui-là, je le garde pour moi, décida-t-il finalement.

- C'est pas très poétique c'est ça ? hasarda-t-elle, déclenchant un nouveau rire.

- Voilà.

Rose lança un petit regard discret autour d'eux. Personne dans leur champ de vision.

- Juste un alors, souffla-t-elle.

Et avant qu'il ne demande, elle posa ses lèvres sur les siennes. William glissa aussitôt sa main derrière sa nuque pour la garder près de lui et ils s'embrassèrent longuement, presque immobiles, à l'exception de la main de Rose qui naviguait entre le cou et le torse de William. Il lécha un peu ses lèvres, glissa la pointe de sa langue et Rose entrouvrit la bouche, le laissant entrer, toucher sa langue, la caresser. Sa langue disparut et il embrassa ses lèvres alors que les doigts de Rose se serraient sur la laine de son pull. Une dernière sensation de ses lèvres contre les siennes et William recula. Rose respira lentement, tentant de contrôler son cœur qui battait la chamade. Elle desserra son emprise sur le vêtement de William et sourit.

- C'était… commença-t-elle, sans savoir comment elle allait continuer.

- Un seul baiser, soupira-t-il théâtralement. Imagine ce qu'on pourrait faire avec dix ! Cinquante !

Elle s'esclaffa, secouant la tête devant son dramatisme.

- Dis ma Rose… j'adore, vraiment, être avec toi comme ça…

Elle haussa un sourcil.

- Mais là… j'ai tellement faim… termina-t-il, la faisant rire à nouveau.

- Tu sais quoi ? Moi aussi.

- Tant mieux. Allez, debout !

Ils se sourirent et Rose se redressa, quittant sa chaleur. Ils rejoignirent leurs amis ensemble, qui sourirent en la voyant détendue. Rose et William les motivèrent pour retrouver la Grande Salle et ils suivirent de bonne grâce – surtout Derek qui semblait mourir de faim, pour changer.

L'après-midi, les sixièmes partirent à la Bibliothèque pour préparer un exposé. Les cinquièmes se regardèrent et hochèrent tous la tête. Ils filèrent dans le dortoir des garçons et utilisèrent une grande partie de leur après-midi à s'entrainer encore aux sortilèges appris pendant les cours avec Harry.

Lundi, Rose était un peu ailleurs, et mit un moment à réagir aux regards insistants de Blaise en cours de Botanique. Quand elle s'en rendit compte, elle lui fit un sourire d'excuse. Il répliqua par un sourire sincère et se pencha vers elle.

- Tout va bien ? Je me suis inquiété ce week-end.

- Pourquoi ?

- Tu ne m'as pas répondu.

La lettre de Blaise ! Elle lui était complètement sorti de la tête.

- Blaise, pardon ! J'ai oublié de te répondre.

Son regard se troubla et elle pensa à Olivia.

- Tu es sûre que ça va ?

Elle secoua la tête, le regardant à nouveau.

- C'est juste… dimanche j'ai reçu des nouvelles d'Olivia et…

Sa voix se cassa. Blaise se rapprocha d'elle, posa sa main sur la sienne. Elle inspira et continua.

- Et ton invitation m'est sortie de l'esprit. Je suis vraiment, vraiment désolée.

- Ne t'excuse pas. C'est pas important. Olivia ? relança-t-il.

Elle le regarda.

- Est-ce que… je pourrais t'en parler mercredi soir ?

- Bien sûr. À vingt heures ça te va ?

Elle confirma et le remercia, il répondit en caressant légèrement ses doigts, son regard profond toujours sur elle.

Rose se glissa dans la salle abandonnée et alluma sa baguette le temps de le repérer. Blaise l'attendait près de la porte, appuyé contre un bureau. Il se leva en la voyant entrer et lui tendit la main, qu'elle prit en souriant. Ils prirent place sur le vieux canapé, comme toujours.

Elle renouvela ses excuses pour son oubli.

- J'avais l'intention de dire oui, lui apprit-elle. J'avais très envie de te voir, seuls, ici.

Il sourit dans le noir.

- Je ne veux pas te forcer la main… mais si tu veux me parler d'Olivia, je t'écoute.

Elle hocha la tête et raconta, pour la troisième fois, la lettre reçue dimanche matin, relata la dégradation de l'état de santé d'Olivia. Il l'écouta avec attention et lui prit spontanément la main pendant qu'elle parlait. Rose ne pleura pas, mais fit des pauses régulières pour réguler sa respiration. Il connaissait déjà beaucoup de choses à propos de Rose et de sa relation avec sa gouvernante, alors elle s'en tint aux informations les plus récentes.

- Je suis désolé, murmura Blaise alors qu'elle avait terminé.

Elle hocha tristement la tête. Il tira doucement sur son bras et lui chuchota de venir contre lui. Rose n'hésita pas et alla se blottir près de Blaise. Il referma ses bras autour d'elle.

- Merci d'avoir raconté.

Ils se murmurèrent encore quelques phrases rassurantes. Blaise lui caressait doucement le dos, elle avait logé une de ses mains sur sa hanche. Elle lui fit la même remarque que dimanche à William :

- Parle-moi d'autre chose. Parle-moi des entrainements de Quidditch.

Surpris, il sourit et s'exécuta. Elle écouta et commenta en souriant, amusée par son amertume de ne pas faire partie de l'équipe permanente. À l'écouter, Crabbe et Goyle étaient à la limite de l'incompétence – ce qu'elle croyait bien volontiers. Il finit par pousser un petit soupir qui arracha un rire à Rose.

- J'aime quand tu ris, lui souffla-t-il.

Il lâcha sa taille pour caresser ses lèvres étirées en un sourire. Rose se redressa à moitié et attrapa soudainement sa baguette, logée dans une de ses poches. Elle prononça quelques mots et une torche s'alluma dans la salle, réchauffant l'atmosphère de sa lumière. Surpris, Blaise la regarda sans rien dire.

- Il est temps… murmura-t-elle.

- Tu n'as plus peur ? répliqua-t-il sur le même ton.

- Non.

Elle n'avait pas eu à réfléchir. Il sourit et la fit retourner dans ses bras, continua à lui parler de choses et d'autres. Ils partagèrent leurs impressions sur les cours, les devoirs qui leur prenaient un temps fou bien sûr, et les vacances qui arrivaient. Rose sentit son cœur se serrer en pensant au Manoir et à Olivia, ce que Blaise ressentit. Il posa un baiser sur sa joue pour la ramener au présent. Il promit de lui écrire pour lui raconter ses folles aventures avec sa mère et sa famille, elle sourit encore.

Ils décidèrent de se quitter un peu plus tard, ne voulant pas trainer trop tard dans les couloirs. Comme à leur habitude, Blaise lui tint la porte avant de sortir. Rose éteignit la torche, et rencontra les lèvres de Blaise en se retournant vers lui.

- Oups, murmura-t-il contre elle.

- Oh, quel bête accident, chuchota-t-elle.

Ils s'embrassèrent debout, dans l'encadrure de la porte, les doigts entrelacés. Blaise s'éloigna le premier. Il lui souhaita bonne nuit et la quitta, avançant discrètement dans le noir. Rose sourit et partit une trentaine de secondes après lui, le sourire aux lèvres.

L'Armée de Dumbledore se réunit une dernière fois avant les vacances de Noël. Harry semblait satisfait de leurs progrès sur les sortilèges déjà appris. Ils consacrèrent cette dernière session au sortilège de Réduction, qui permettait de réduire un objet en miettes. Ils s'entrainèrent tous tour à tour sur des objets fournis par la Salle sur Demande. Harry passait entre eux pour commenter, corriger ou aider. Lorsqu'il arriva près de Rose, elle lui demanda de montrer à nouveau le sort, car elle voulait voir le mouvement de baguette. Elle n'était pas sûre de le faire correctement et les objets qu'elle réduisait n'étaient pas assez détruits à son goût. Il s'exécuta, un oreiller disparut. Elle hocha la tête pour montrer qu'elle avait compris et lança un nouveau sortilège sur une boite en bois. Elle éclata et se réduisit en une fine poussière, indétectable. Harry lui sourit.

- Bravo !

- Merci de m'avoir remontré le geste, sourit-elle.

- Je voulais te demander… qu'est-ce qui t'a motivée à nous rejoindre, finalement ?

Rose reprit un air sérieux.

- Un de nos amis est revenu d'une retenue avec Ombrage.

Ce fut suffisant pour Harry qui hocha la tête, l'air sombre. Hésitant un peu, Rose ajouta :

- Toi aussi tu as eu plein de retenues avec elle non ?

- Oui, confirma-t-il. J'ai eu l'occasion de tester ses… méthodes.

- Elle est horrible, finit-elle par souffler. Je suis désolée.

Il haussa les épaules. Rose avait remarqué qu'il n'aimait pas se plaindre. Elle lui sourit amicalement.

- Tu as prévu quel programme pour la rentrée ?

- Ah ça… tu verras !

Il lui sourit puis la laissa s'entrainer encore. Ils terminèrent par un pêle-mêle de révisions et les huit Serdaigles s'amusèrent à tout enchainer le plus vite possible.

À la fin du cours, Harry les remercia et les félicita pour les progrès qu'ils avaient tous fait depuis le début. Ils se quittèrent, tous satisfaits, le sourire aux lèvres.

Les cinquièmes se séparèrent pour rentrer deux par deux dans leur tour, et cette fois, ils ne firent pas de devoirs avant d'aller se coucher, épuisés.

Leur dernière journée leur parut longue, et ils eurent tous le samedi pour faire leurs bagages. Rose et tous ses amis quittaient le château pour les vacances de Noël, voulant à tout prix échapper à Ombrage, ne serait-ce que pour deux semaines. Samedi soir, il y eut le banquet de fin d'année, dans une Grande Salle entièrement décorée, encore plus féérique que d'ordinaire. Ils parlèrent de leurs projets pour les vacances. Rose écouta et ne parla pas beaucoup. Tout le monde savait qu'elle passerait ces semaines au Manoir, avec Olivia, à l'exception des derniers jours où elle irait chez Derek, comme toujours. Lisa partait faire du ski avec ses parents, et Anthony avait prévu de les rejoindre pour quelques jours, après Noël. Les autres seraient chez eux, en Angleterre – et dans le cas de William, quelque part en Europe, comme il l'avait si bien dit.

Dimanche matin, ils quittèrent leur Salle Commune et rejoignirent les autres élèves dans le hall, prêts à monter dans les calèches qui les mèneraient jusqu'au train. Ils se séparèrent pour se répartir dans deux calèches. Rose n'eut pas le temps de comprendre comment ils avaient fait, mais elle se retrouva seule… avec William.

D'abord imperturbable, elle finit par hausser un sourcil et demander :

- Vous avez planifié ça quand ?

Il eut un petit sourire et répondit, très calme :

- Avant-hier. Ça ne te plait pas ?

Elle ne put s'empêcher de lui sourire en retour.

- Je ne m'y attendais pas.

- C'était le but. Je voulais être sûr que tu ne m'oublierais pas pendant les vacances.

Rose leva les yeux au ciel, toujours souriante.

- Il y a peu de risques !

Il se déplaça et vint s'asseoir à côté d'elle. Sa main joua avec une boucle de cheveux qui avait pris ses libertés sur l'épaule de Rose. Il prit une inspiration, mais s'arrêta. Rose l'incita à parler d'un mouvement du bras.

- J'aurais… espéré t'avoir toute seule pour moi avant Noël, avoua-t-il doucement.

Elle fuit son regard.

- Je suis désolée, murmura-t-elle. Je ne suis pas prête. Et avec Olivia…

Il laissa retomber les cheveux foncés.

- C'est normal que tu aies autre chose à penser, je comprends.

Il soupira dramatiquement avant de sourire.

- Avoue que tu préfères Malefoy ?

Rose éclata de rire.

- Mince, me voilà découverte. Moi qui pensais pouvoir garder le secret un peu plus longtemps !

- Je suis trop clairvoyant pour toi.

Elle lui sourit.

- Est-ce que j'ai le droit de t'écrire pendant les vacances ?

- Bien sûr !

- Tu répondras ?

Elle rit encore.

- Évidemment. Pourquoi je ne répondrais pas ?

Il haussa les épaules.

- Peut-être que tu aurais préféré être tranquille, je sais pas.

- Tu ne me déranges jamais tu sais…

Il lui sourit et toucha sa main. Rose serra aussitôt ses doigts dans les siens. Elle adorait quand il la touchait spontanément comme ça.

- Tu voudrais bien me faire un cadeau de Noël à l'avance ? S'il te plait ?

Rose ouvrit grand ses yeux, perdue. Il se pencha contre son oreille et chuchota :

- Embrasse-moi.

Elle se contenta d'ouvrir un peu la bouche, enivrée par cette simple phrase. William la contemplait, détaillant chacun de ses traits. Ils étaient très proches, et ses lèvres, que Rose fixait, l'attirèrent comme un aimant. Doucement, elle posa sa bouche contre la sienne, fermant peu à peu les yeux. William la tenait par la main, la caressant légèrement, avec langueur. Ses doigts vinrent caresser la joue de Rose et se glisser derrière sa nuque. Elle entrouvrit la bouche, leurs langues se lièrent avec délicatesse.

Une secousse les avertit que la voiture venait de s'arrêter. Il relâcha Rose et sépara leurs lèvres. Elle retira sa main de son épaule. Elle vit un sérieux, un calme dans ses yeux bleus comme il y en avait rarement. Il lui sourit largement et elle ne put s'empêcher de le trouver atrocement séduisant comme ça. Elle se sentit très enfantine, avec ses cheveux épars, son souffle court, ses yeux trop grands. William frôla encore sa main et chuchota avant de s'éloigner d'elle :

- Tu es belle.

Les portes s'ouvrirent et le froid s'engouffra dans l'habitacle. Il descendit le premier, puis tendit la main à Rose.

- J'imagine que ça non plus, tu ne sais pas le faire toute seule… geignit-il d'une voix faussement désabusée.

Elle éclata de rire et se laissa aller contre sa paume pour sortir.

- Tu n'as pas tort. Je pourrais t'engager comme assistant personnel.

Il fit mine de réfléchir.

- C'est bien payé au moins ? Non parce que satisfaire tous les désidératas d'une aristo, ça doit pas être de tout repos.

Le rire de Rose retentit de nouveau dans l'air froid.

- Ça, faudra voir avec mon père. Je te préviens, il est très dur en affaires !

William lui lança un nouveau sourire, et lui tendit le bras pour avancer dans la neige. Ils rejoignirent leurs amis qui les attendaient non loin du train. Rose lança un regard terrible à ses amis pour les empêcher de pouffer du tour qu'ils lui avaient joué, mais ne put retenir un sourire à son tour.

- Cette fois-ci, Anthony et moi devons tout de suite commencer nos rondes dans le train, lança Padma.

- On va juste poser nos affaires dans notre compartiment.

Ils s'engouffrèrent dans le long train, bondé cette année, puisque tout le monde avait eu la même envie : fuir Ombrage !

Ils s'installèrent tous les douze dans un compartiment vide, les deux préfets les quittèrent pour aller « chasser le mal et la dépravation » comme avait résumé Mandy. Lisa taquina les sixièmes en leur demandant s'ils n'avaient pas un rendez-vous avec d'innocentes jeunes filles juste avant Noël. Nassim et Idriss secouèrent la tête avec désespoir, les faisant rire. William lança le plus discret des clins d'œil à Rose, dont les pommettes se colorèrent. Les trois animaux du groupe furent libérés et ils furetèrent sagement, passant de genoux en genoux. Kietel adopta définitivement Nassim et Idriss lorsqu'ils le firent rouler d'une extrémité à l'autre de leurs bras, comme une balle de jonglage. Au début, Rose leur avait lancé un regard courroucé, et les deux cousins avaient interrompu leur jeu, l'air penaud. Mais Kietel s'était mis à couiner de protestation aussi fort qu'il le pouvait, parce que lui décidément, ça l'amusait beaucoup. Idriss et Nassim firent tout un numéro de charme à Rose pour qu'elle les autorise à jouer avec le petit Boursouf. Elle finit par éclater de rire devant leurs petits airs et les laissa malmener son animal, qui ronronnait de joie.

Durant le long voyage, ils parlèrent et jouèrent aux cartes, entre deux siestes. Alors que l'après-midi était bien avancé, Rose s'étira et considéra ses amis. Lisa regardait par la fenêtre, à moitié hypnotisée, Mandy s'était endormie contre Idriss qui lisait une revue sur le Quidditch, tandis que Nassim avait disparu dans les couloirs. Michael aussi était parti, depuis quelques heures. Derek dormait également, la tête sur les genoux de Terry, qui était plongé dans un livre d'Histoire. Assis en face d'elle, William caressait distraitement Duke qui ne le quittait plus. Rose sourit devant le spectacle, puis décida d'aller se dégourdir les jambes. Elle fit un signe de main à ceux qui ne dormaient pas, puis referma la porte derrière elle. Elle soupira en faisant quelques pas, ne sachant pas vraiment où elle voulait aller. Peut-être nulle part. Elle repensait au baiser de William, dans la calèche. Et à tous les précédents. Elle sourit en se disant qu'il n'avait pas menti sur son CV : il embrassait vraiment bien. Elle culpabilisait, bien consciente qu'il attendait qu'elle fasse un choix entre lui et Blaise – malgré ce qu'il avait dit le soir de son anniversaire. Elle ne savait pas ce qu'elle voulait. Les deux. C'était stupide, et impossible. Elle soupira encore, marchant au hasard dans le couloir.

Quand il ne jouait pas le fanfaron pour l'amuser et amuser les autres, William était vraiment mature. Lorsqu'il le décidait. Lorsqu'il l'embrassait aussi…

Elle s'empêcha d'y penser à nouveau.

Et Blaise, lui, qui était le contraire. Toujours sérieux, mais qui se libérait quand il était avec elle. Il semblait si réservé avec les autres, mais quand ils étaient ensemble, il était entier, intéressant et intéressé. Et tellement sensuel… ça mettait toujours Rose à sa merci.

Une sensualité qui se doublait de tendresse avec William.

Par Merlin que c'est compliqué !

Rose croisa Anthony et Padma avec qui elle échangea trois mots. Elle continua sa promenade le long du couloir, croisant élèves et préfets. Enfin, elle arriva à la hauteur d'un compartiment duquel sortait une voix trainante qu'elle reconnut aussitôt.

- Vous auriez vu la tête de Potter quand je lui ai parlé de sa mère… et lui qui tombe dans le panneau et me saute dessus !

- Il t'a quand même fait saigner, intervint Parkinson d'une petite voix inquiète.

- Peu importe, minimisa-t-il. Maintenant, Potter est exclu ! À vie en plus !

Tous ses amis ricanèrent en chœur et Rose eut une moue de dégout. Elle voulut passer rapidement devant la porte, même s'il n'y avait pas beaucoup de risques que l'un d'eux la voie. Elle se figea quand une voix grave répondit à la question « où tu vas ? » :

- Je reviens. Je vais faire une promenade.

Le cœur de Rose s'emballa instantanément et elle suspendit ses pas, paralysée. Le battant vitré pivota et une silhouette sortit dans le couloir. Hors de question de fuir lâchement.

- Rose ! Qu'est-ce que tu fais là ?

Il referma précipitamment la porte avant d'être entendu. Elle lui fit un petit sourire et expliqua qu'elle se promenait quand elle avait entendu la voix de Malefoy. Il hocha la tête et lui fit signe de marcher.

- Il vaut mieux qu'on s'éloigne, marmonna-t-il.

Rose opina de la tête. Respectant son souhait d'être discrets en public, il restait à bonne distance d'elle.

- Les autres aussi rentrent tous chez eux ?

- Oui. On voulait tous fuir Ombrage, n'est-ce pas ?

Il sourit.

- Dis, je pensais… tu te souviens de mes lettres qui ne t'arrivaient pas ? Tu as eu des informations ?

- Pas encore… mais j'ai bien l'intention d'enquêter pendant les vacances ! promit-elle avec un sourire.

Blaise regardait alternativement de droite et de gauche, comme s'il cherchait quelque chose. Ne le trouvant plus très bavard, Rose se mit à suivre son regard pour essayer de trouver ce qu'il scrutait. Ils avaient repris le même chemin que Rose venait de parcourir.

À la réflexion, elle trouvait même qu'il avait l'air nerveux. Elle hésita quelques secondes pour formuler une phrase pas trop brusque.

- Blaise… il y a quelque chose qui ne va pas ? Tu as l'air anxieux…

Il lui lança un rapide coup d'œil et lui fit signe d'attendre encore un peu. Rose se contenta de le suivre sans plus rien dire. Enfin, il s'arrêta devant une porte vitrée et passa sa tête par l'entrebâillement. Il entra, Rose à sa suite. Il ferma la porte derrière, sourit et expliqua :

- Je ne voulais pas prendre le risque qu'on nous entende trop parler. Désolée, ce n'était pas génial comme entrée en matière.

Rassurée, Rose lui fit un large sourire pour montrer qu'elle ne lui en voulait pas. Elle s'assit face à lui et l'observa. Il y avait quand même quelque chose qui clochait. Elle allait le lui faire remarquer quand il la devança :

- Écoute, je t'ai vue descendre de la calèche avec Van Alten, tout à l'heure.

- Ah.

Ce fut le seul son qui sortit de sa bouche. Elle attendait la suite. Blaise continuait à la regarder intensément.

- Vous étiez seuls dedans n'est-ce pas ?

- Oui. Je te félicite, tu n'es pas venu lui casser la figure.

Il esquissa un sourire.

- J'y ai pensé. Mais je me suis dit que ce n'était pas le meilleur moyen de gagner des points auprès de toi.

Rose sourit, amusée.

- Bien raisonné.

Il laissa passer un blanc puis lança finalement :

- Pourquoi vous étiez seuls ?

- Un coup monté par mes amis.

- C'est lui qui avait demandé ça ?

- Oui.

- Pourquoi ?

Elle avait décidé de répondre patiemment à ses questions. De toute manière, elle ne pouvait pas résister à son air un peu fâché.

- Il voulait me dire au revoir avant les vacances, résuma-t-elle.

Blaise sembla ruminer dans son coin quelques instants, elle le laissa faire sans broncher. Puis il céda :

- Vous vous êtes embrassés ?

Tiens. Ça faisait longtemps qu'on ne me l'avait pas demandée celle-là.

Bon. Si je dis la vérité, il va être agacé. Et si je mens… c'est pas bien de mentir.

Et puis, c'est rigolo quand il est agacé.

- Oui.

Les mâchoires de Blaise se contractèrent violemment, exactement comme Rose s'y attendait. Quelque chose dans son ventre se tordit. Il serra inconsciemment un poing, son regard se faisant lointain. Rose ne put retenir un petit sourire. Ses yeux se braquèrent de nouveau sur elle :

- Pourquoi tu souris ? Il embrasse si bien que ça ?

Sa voix laissait transparaitre une pointe de fureur. Rose haussa un sourcil en le fixant, et il desserra le poing. Ils se considérèrent quelques secondes sans bouger, puis Blaise soupira. Il se pencha vers elle et lui tendit la main. Rose l'attrapa sans trop se poser de questions, il l'attira contre lui. Elle se lova sur la banquette pendant qu'il la prenait dans ses bras. Il appuya son menton contre la tête de Rose et ferma les yeux. Elle avait posé sa main sur son torse et fermé les paupières à son tour, savourant le moment de calme avec Blaise. Ils se laissèrent bercer par le rythme lent du train, sans prononcer un mot.

- Comment tu te sens ? finit par demander Blaise.

Il faisait bien sûr allusion à la situation d'Olivia et le retour de Rose au Manoir.

- Nerveuse. Je pense tout le temps à elle.

Elle eut un frisson, Blaise resserra leur étreinte.

- Alors, comment tu vas passer Noël exactement ? demanda-t-elle pour changer de sujet.

- Avec toute la famille de ma mère, comme tous les ans. On reçoit chez nous cette année. Je l'aiderai un peu.

Les lèvres de Rose s'étirèrent.

- C'est bien, tu es brave.

- Ne te moque pas, sourit-il. Ma mère est terrible. Tu ne voudrais pas me prêter un ou deux elfes de maison d'ailleurs ?

Elle se mit à rire franchement.

- Non, non, ils ne sont pas à louer ! Et d'abord, s'ils ne sont pas avec moi, comment je vais m'en sortir ?!

Il laissa échapper un rire.

- C'est vrai. Bon… tant pis alors…

- Désolée.

Ils rirent ensemble. La main de Blaise se perdit dans les cheveux de Rose, elle ferma de nouveau les yeux. Ils discutaient encore, par intermittence. Mais bientôt une voix – trop tôt au gout de Rose – annonça que le train allait bientôt entrer en gare. Blaise rouvrit les paupières et s'aperçut que Rose le regardait avec un sourire en coin.

- Je ne me suis pas endormi.

- Mais non voyons.

- J'écoutais le monde les yeux fermés.

- Mais oui.

Elle souriait encore, et il ne put s'empêcher de l'imiter. Il la fit se redresser, puis reprit une position plus digne.

- Il va falloir rejoindre nos compartiments respectifs, annonça-t-il.

- Je sais.

Les yeux noirs se vrillèrent dans ceux de Rose.

- J'ai le droit de t'embrasser avant qu'on se sépare ?

Étonnée qu'il pose la question, elle écarquilla un peu les yeux, sans répondre. Désarçonné – et un peu vexé – par son manque de réaction, Blaise commença à se redresser un peu plus. Il fut retenu par des doigts qui tirèrent sur son pull. Rose glissa sa main contre son cou et l'attira vers elle. La main de Blaise s'enroula tout de suite autour de sa hanche et il scella leurs lèvres. Le bras sur lequel Rose s'était appuyé céda, et il la rattrapa.

Elle était toujours surprise par l'intensité de ses baisers.

Il finit par l'enlacer complètement tandis qu'elle s'accrochait à sa nuque, ses ongles pressés contre sa peau. Il imprima plusieurs baisers sur ses lèvres, puis demanda l'accès à sa langue. Rose ne résista pas une seule seconde et bientôt leurs langues dansèrent l'une contre l'autre. La main de Blaise glissa le long du corps de Rose. Les grands doigts enveloppèrent une cuisse recouverte des collants épais de l'école. Inconsciemment, sans cesser de s'embrasser, ils étaient en train de s'allonger contre le cuir du divan. Blaise retenait fermement le dos de Rose afin qu'elle ne tombe pas, et elle l'entrainait avec elle en le maintenant par la nuque.

Lorsque Rose toucha la banquette, Blaise s'appuya sur un coude pour ne pas l'écraser sous son poids. Il quitta ses lèvres devenues rouges pour embrasser son cou offert. Rose lâcha un soupir de bien-être qui résonna délicieusement à ses oreilles. Leurs ventres se frôlèrent, encore, et Blaise reprit ses lèvres contre les siennes, les mordillant alors que Rose serrait sa cuisse, toujours prisonnière de la grande main, contre la hanche de Blaise. Il donna un involontaire coup de bassin contre elle, et un gémissement échappa à Rose.

Elle rougit et ouvrit les yeux en même temps que lui. Il interrompit leur baiser, lui sourit et s'éloigna d'elle, libérant sa jambe.

Blaise se racla la gorge et glissa sa main dans son dos pour l'aider à se relever. Rose se toucha mécaniquement les joues, qui lui semblaient brulantes. Il lui remit une mèche de cheveux derrière l'oreille et susurra :

- Excuse-moi. Je me suis laissé emporter.

Rose, qui reprenait peu à peu son souffle, ne put répondre. Ses yeux verts brillaient de cette lumière que Blaise adorait voir s'allumer lorsqu'il l'embrassait.

Un peu chamboulée, Rose aurait été incapable de prononcer trois mots corrects d'affilée. Heureusement que lui prit les choses en main. Il lui rajusta ses vêtements avec des gestes doux. L'imitant enfin, elle lui resserra sa cravate verte et lissa son pull. Blaise prit son visage en coupe et dit en souriant :

- Bon, cette fois je me maitrise.

Il effleura de nouveau ses lèvres, et le baiser qu'ils échangèrent fut plus mesuré. Ils se sourirent et quittèrent le compartiment, se promettant de s'écrire s'ils le pouvaient.

Rose traversa de nouveau les couloirs, croisant des élèves déjà prêts à descendre. Elle s'engouffra dans son compartiment au moment où les roues finissaient de crisser et que le convoi s'arrêtait.

- Rose, tu étais où ? lança une voix inquiète.

Elle regarda brièvement Terry avant de rassembler ses affaires et fixer sa cape autour de son cou. Comme son ami continuait de la fixer, son sac à la main, elle marmonna :

- Pas loin, pas loin… faut qu'on descende maintenant.

Terry fronça les sourcils, puis sortit de la voiture, poussé par un Derek souriant. Le blond se tourna vers son amie et prit une inspiration pour lui dire quelque chose. Il s'arrêta, secoua la tête et lui décocha un grand sourire moqueur. Rose lui tira la langue.

Le petit groupe de Serdaigles descendit du train en se faisant bousculer de part et d'autre. Ils s'aidèrent à porter leurs valises et se réunirent sur le quai. Il y avait beaucoup de monde et un bruit assourdissant emplissait l'air, pourtant, ils ne purent manquer les voix suraiguës qui s'écrièrent en chœur :

- IL EST LÀ !

Derek empoigna aussitôt sa valise, suivi de près par Rose. Sans se concerter, ils se dirigèrent vers l'endroit d'où était monté les cris, et aperçurent bien vite cinq petites silhouettes qui trépignaient et piaillèrent encore une fois quand leur grand frère fut à portée de main. Elles lui sautèrent toutes dessus en même temps.

- T'es rentré !

- C'était bien le train ?

- Et l'école ?

- Tu joueras avec nous ?

- Tu pourras nous habiller pour Noël ?

- Hé Derek, moi j'ai eu un bon point à l'école !

- Moi aussi d'abord !

- Non, c'est à moi qu'il fait un câlin d'abord !

- Nan, moi passque je suis la plus tite !

- Toi, retourne avec Maman, t'es pas assez grande !

- BOUH t'es pas gentille !

- DU CALME ! s'écria une voix.

Les cinq enfants se tournèrent vers elle.

- ROSE !

Et c'était reparti pour un tour. Rose les serra à tour de rôle dans ses bras. Derek profita de ce répit pour aller embrasser sa mère, qui ne tentait même plus de contenir ses filles. Terry et les autres regardaient la scène, les yeux grands ouverts, ou à moitié rouge à force de rire.

- Rose, toi aussi t'es revenue ?

- Tu viens après Noël ?

- Mais oui, elle vient ! Hein tu viens ?

- Tu nous as ramené des cadeaux ?

- Tu pourras me faire des tresses dans les cheveux ?

- NON, toi t'en as djà eu avant ! C'est mon tour maintenant !

Rose tentait d'endiguer l'enthousiasme débordant des sœurs de Derek, un sourire blasé aux lèvres. Elle lança un clin d'œil à Terry.

- Ah ça en fait des belles-sœurs hein ?

- Chuuut ! protesta-t-il, les oreilles rouges comme jamais.

Mary finit par intervenir pour calmer les cinq petits diables et salua tous les amis de son fils qui étaient toujours absorbés par le spectacle des petites sœurs. Ils sourirent à tour de rôle et se présentèrent. Mary serra chaleureusement Terry dans ses bras, sous le regard protecteur de Derek. Après de derniers adieux et la promesse de tous venir un jour chez les Dent, la famille s'éclipsa par la barrière du quai 9 ¾.

- Je savais pas qu'elles étaient toutes fans de toi Rose ! s'exclama Lisa.

Rose opina en souriant.

- Je vais y aller, annonça Anthony. Mes parents sont arrivés et me font signe.

Les autres repérèrent leurs familles, et ils se saluèrent rapidement, se souhaitant un bon Noël. Rose tendit la main pour attraper sa valise, quand une personne l'en empêcha.

- Miss ! Laissez-moi faire !

- Ted ! Je ne vous avais pas vu arriver.

Le chauffeur lui sourit et prit le bagage frappé d'un « R.A.W. » doré. Ils firent quelques pas et sortirent du quai magique.

- Votre semestre s'est bien passé ?

- Très bien, je vous remercie. Est-ce qu'au Manoir…

- Oh, tout est prêt pour votre arrivée ! lui assura-t-il.

- Je voulais parler d'Olivia…

Ils sortirent de la gare. Ted lui lança un regard plus grave. Il ouvrit le coffre et y rangea la valise.

- Son état ne s'améliore pas. Je suis désolé de ne pas vous donner de meilleures nouvelles.

Il invita Rose à entrer dans la voiture, lui tenant la porte de l'arrière. Elle s'y engouffra en murmurant un faible merci. Ted s'installa au volant et continua sa réflexion.

- Je pense que Benson sera mieux qualifié que moi pour vous donner plus de détails.

Rose le remercia à nouveau puis s'absorba dans la contemplation du paysage de Londres.

Bientôt les immeubles dans la brume disparurent, laissant place à des routes bordées de champs. Le véhicule, mené de main de maitre par Ted, venait de se déplacer de plusieurs centaines de kilomètres en quelques secondes. Comme à son habitude, il demanda si le transfert n'avait pas blessé Rose. Elle répondit par la négative en souriant, comme à chaque fois.

Enfin, l'héritière se rapprochait de chez elle. Le Manoir était perdu dans la campagne d'un port de la mer d'Irlande du Nord. Elle somnola durant les derniers kilomètres qu'ils franchirent et ne vit pas la neige, phénomène rare chez eux.

- Miss ? Nous sommes arrivés.

La voix masculine la sortit de sa torpeur. Devant son air perdu, Ted se pencha vers elle et répéta :

- Nous sommes arrivés au Manoir.

Rose tourna la tête vers l'extérieur et eut la surprise de voir une couche blanche maculer la cour. Il semblait y avoir du vent, pourtant quelques silhouettes luttaient contre le froid et l'attendaient sur le perron. L'aristocrate prit une longue inspiration et sortit. Ted referma la portière derrière elle et sortit son bagage du coffre.

La bise qui soufflait la gifla, la réveillant plus efficacement que la voix de Ted. Elle fit quelques pas et le chauffeur la suivit.

Benson descendit les marches et les rejoignit, attrapant la valise et remerciant Ted, qui retourna à la voiture pour aller la garer avec les autres dans le sous-sol.

- Avez-vous fait bon voyage, Miss ?

- Oui Benson, très bon. Il n'y avait pas de neige à Londres.

Le majordome sourit, puis les autres domestiques la saluèrent à leur tour. Elle offrit à chacun des sourires et des mots aimables, mais ses pensées n'allaient que vers une personne : Olivia.

Benson lui tenait la porte d'entrée ouverte, l'invitant à entrer. Rose inspira un grand coup, se redressa et entra dans sa demeure, le cœur battant.