CHAPITRE 9

Manoir Wayne, 28 juin 1995

Lauren,

Je ne sais pas si cette lettre te parviendra, comme toutes les autres, mais je me devais d'essayer, encore une fois. Je ne te demande pas d'y répondre, mais seulement de la lire.

Rose est malade, de cette affliction que tu redoutais tant. Elle s'est déclenchée à l'été 1993. Tu en connaitrais mieux les causes que moi, bien sûr. Je ne peux me permettre que des hypothèses. Olivia, sa gouvernante, est en train de mourir d'un cancer qui se généralise peu à peu. Tu dois te souvenir qu'Olivia est une Cracmole et la magie ne peut pas la soigner aussi bien qu'elle le ferait pour nous, sorciers. Nous avons reçu ce diagnostic au début de l'été 1993, et la coïncidence est trop forte pour que je puisse l'ignorer.

Les premiers symptômes de Rose ont été des migraines, dont elle ne s'est pas beaucoup plainte au début. Je n'en ai entendu parler qu'à son retour au Manoir pour Noël, mais elle en a vécu de nombreuses en quelques mois, suffisamment pour que ça m'alerte. Malgré toutes les précautions que j'ai pu prendre, entre autres prévenir Poppy pour qu'elle garde un œil sur elle, les migraines sont restées, toujours plus fortes.

Au début de l'été 1994, lorsque Rose est rentrée pour les vacances, elle a fait une crise de douleur au Manoir. Fort heureusement, elle n'était pas seule, et Benson s'est chargé de la transporter à Sainte Mangouste immédiatement, où je les ai rejoints. Après des heures d'examens, de réflexion et de concertations, les Guérisseurs ont gardé Rose avec eux, afin d'étudier son mal et essayer d'y remédier. J'ai accepté, la sachant plus en sécurité avec des professionnels qu'au Manoir avec moi – peut-être te souviens-tu (avec humour j'espère) de mes désastreuses tentatives de soins, il y a longtemps…

Cependant les Guérisseurs, malgré leurs compétences évidentes, n'avaient pas ta connaissance de ce mal et étaient démunis, j'en étais conscient. Rose est restée à Sainte Mangouste environ quatre mois, et a même manqué la rentrée de sa quatrième année à l'école. Ses crises se sont multipliées, variant toutes en intensité, sans ordre ni progression particulière. Elle s'est même blessée sévèrement au visage lors d'une crise pendant laquelle le personnel médical n'a pas réagi – ils subissent encore ma colère à ce sujet. Après quelques semaines de répit, Rose est sortie de l'hôpital et a rejoint ses camarades au collège. Poppy a continué sa surveillance et m'a tenu informé des événements. Rose a subi de nouvelles crises, augmentant en intensité, la laissant chaque fois quelques jours trop faible pour quitter l'infirmerie. Contre l'avis médical, j'ai décidé de la laisser à l'école. Je préférais la savoir avec ton ancienne mentor plutôt que de retour avec les Guérisseurs qui n'en savent, finalement, pas plus que moi. Poppy a fait ce qu'elle a pu, et je sais que Rose aussi.

Malheureusement, ça n'a pas suffi. Rose a fait une dernière crise en juin de cette année. Elle est vivante, mais cela fait plusieurs jours qu'elle est inconsciente. Elle est à l'infirmerie pour le moment.

Lors de cette crise, qui m'a été racontée par des amis de Rose, il s'est passé un dernier événement dont je ne veux pas dévoiler les détails par écrit, au cas où cela tomberait entre de mauvaises mains. J'ai l'impression que c'est cet événement qui rend Poppy enthousiaste quant aux chances de survie de Rose, car a-t-elle dit, « cela veut dire qu'elle a survécu aux quatre étapes de la maladie ». J'ai pensé que tu comprendrais mieux que moi.

L'année scolaire est sur le point de s'achever, et je ne sais pas si notre enfant va s'en sortir. Donc j'attends, désespérément, qu'elle se réveille.

Encore une fois, je n'attends pas, je n'attends plus, de réponse de ta part. Je tente seulement de t'informer de l'état de santé de notre fille. Il serait idiot de ma part de penser que cela pourrait te faire revenir auprès de nous. Pourtant, si tu savais à quel point Rose est une jeune femme formidable… Elle est énergique, intelligente, têtue, amusante, généreuse. L'idée de la perdre me terrifie, et je m'accroche désespérément aux phrases rassurantes de Poppy.

Voilà, Lauren, j'espère que cette lettre t'arrivera.

Avec mon affection,

Erwan

Manoir Wayne, décembre 1995

Rose entra dans le hall, et après un dernier regard à Benson, fila sans demander son reste par les escaliers. Elle traversa le long couloir du premier étage, les mains moites et s'arrêta devant la porte de la chambre d'Olivia. Elle entra doucement, referma la porte derrière elle.

Olivia. Allongée, comme depuis longtemps, dans son lit médical. Les yeux clos, le corps connecté magiquement à encore plus de machines qu'avant. Tout semblait indiquer qu'elle dormait. Et pourtant, Rose savait.

Les larmes aux yeux, elle s'approcha du lit et se pencha vers sa gouvernante. Elle lui prit automatiquement la main et étouffa un sanglot. Elle repensa aux mots inscrits par son père dans sa dernière lettre et se laissa tomber sur la chaise la plus proche. Ses larmes coulèrent librement sur ses joues et elle se laissa aller. Rose ne lâcha pas la main tiède d'Olivia et pleura longuement, la regardant comme jamais elle ne l'avait regardée.

- Si tu savais… murmura-t-elle. Si tu savais comme je t'aime, Nanny. Je suis…

Elle ravala un sanglot qui l'empêcha de parler.

- Tellement désolée de ne pas être là… avec toi.

Elle posa son front sur le matelas, contre le bras d'Olivia et versa de nouvelles larmes. Elle avait l'impression que ça ne s'arrêterait jamais.

C'est Amalie qui la trouva là, peut-être deux heures après son arrivée au Manoir. Rose s'était endormie, la tête posée sur le matelas d'Olivia, les joues humides de larmes.

La femme de chambre la réveilla en douceur et l'aida à se redresser, l'informa que le diner était servi. Rose opina, sécha son visage et la suivit en bas, dans la salle à manger. Elle dina seule dans la grande pièce, morose.

Les mains tremblantes, elle finit par monter dans sa chambre au deuxième étage. Sa valise était là, trônant sur le tapis du centre. Rose s'adossa à la porte fermée et inspira régulièrement, pour se calmer, de nouvelles larmes menaçant de couler.

Voir Olivia dans cet état et savoir l'inévitable… était douloureux. Pire que ça. Olivia allait mourir. Bientôt. Cette pensée fit vaciller Rose, qui fixa un point imaginaire, par-dessus son lit à baldaquin.

Reprenant contenance, elle se dirigea vers sa valise et la vida, pour s'occuper l'esprit et les mains. Rapidement désœuvrée, elle tourna un peu en rond, enfila des vêtements plus confortables que son uniforme, et finit par quitter sa chambre à pas feutrés. Elle redescendit d'un étage et partit en direction de la bibliothèque.

Les torches s'allumèrent magiquement à son entrée dans la grande pièce. Rose parcourut les étagères familières du regard, sélectionna des bandes dessinées qu'elle connaissait par cœur et s'installa dans son fauteuil favori, près de la fenêtre.

L'héritière Wayne passa ainsi la nuit, à lire de vieilles planches, s'endormant entre deux histoires. Lorsqu'elle ouvrit les yeux pour la douzième fois de la nuit, elle s'aperçut… qu'il faisait jour. Un elfe de maison bien intentionné l'avait couverte d'un plaid épais. Rose se racla la gorge en se redressant dans le fauteuil moelleux. Elle jeta un coup d'œil par la fenêtre, où la neige s'était rendue maitresse de l'environnement. Ce paysage lui rappelait celui de Poudlard et elle sourit distraitement. On distinguait, très au loin, l'immense portail noir de la propriété. À la réflexion, elle ne fut même plus sûre que ce fût ça, tellement la visibilité était réduite. Le parc devait être magnifique, et si Derek avait été là, il serait déjà en train de batifoler dans la neige, à construire un igloo ou un bonhomme de neige. Elle sourit à nouveau en pensant à lui. S'intéressant à l'intérieur de la pièce, elle vit que la dernière bande dessinée qu'elle lisait lui avait échappé des mains et était tombée au sol. Se levant doucement, elle rassembla tous les livres et les remit en place.

Quittant la bibliothèque, Rose remonta au deuxième, puis entra dans sa salle de bains personnelle depuis sa chambre. Se débarrassant de ses vêtements, elle entra dans la douche et fit couler de l'eau brulante. Les paupières encore lourdes, elle se frotta énergiquement pour se réveiller totalement.

Une fois habillée, elle descendit prendre son petit déjeuner qui l'attendait sur la table de la salle à manger. Elle sourit en voyant un chocolat chaud préparé par George. Elle mangea en rêvassant, contempla son parc qui était effectivement splendide.

Inoccupée jusqu'au réveillon, Rose s'attela finalement à ses devoirs. Ainsi elle passa quelques jours à alterner études, visites à Olivia et balades dans le domaine.

Elle aimait beaucoup marcher dans la neige, enveloppée dans d'épais vêtements, se laissant errer au hasard de ses pas. Rose revit la petite forêt, où des créatures se protégeaient du froid ; puis le jardin à la française, avec ses hautes haies stylisées, à présent presque nues et recouvertes de blanc. Sur la droite, au plus éloigné de l'entrée, la mare s'étalait, ovale, parsemée de nénuphars en été, mais gelée à la surface dès que le froid arrivait. Il y avait autour quelques bancs, parmi les roseaux. Rose s'assit sur la pierre glacée de l'un d'eux et scruta les eaux, à la recherche des gros poissons qui y vivaient. Elle les suivit des yeux un moment, se rappelant qu'elle était tombée dans l'eau il y a de cela quelques années, un jour d'été. Malgré les cris des serviteurs pour qu'elle sorte, l'enfant avait barboté quelques minutes dans l'eau fraiche, entourée de poissons qui faisaient la taille de ses bras. Une grenouille était tombée nez à nez avec elle avant d'aller se cacher sous la végétation. Rose était ressortie trempée évidemment, au grand dam d'Olivia qui lui avait pourtant fait passer une robe neuve ce jour-là.

Son estomac qui gronda violemment la sortit de ses souvenirs. Elle n'avait pourtant pas faim, elle avait mangé à peine deux heures avant. Son ventre se manifesta de nouveau, plus fort, et ses yeux se braquèrent automatiquement sur les poissons qui nageaient calmement. Surprise d'une telle réaction, Rose fronça les sourcils. Le bruit dans son estomac retentit encore, ses muscles se contractèrent, comme si elle n'avait rien avalé depuis des jours. Inconsciemment, elle courba l'échine vers le fond de la mare, les muscles des épaules tendus. Elle agrippa ses doigts au rebord du banc, comme pour se retenir de sauter séance tenante dans l'eau. Ses jointures rougirent un instant avant de blanchir, les poignets légèrement tremblants à force de résister. Rose se voyait forcée d'assister, impuissante, aux pulsions de son corps.

Elle voulait sauter dans l'eau pour une seule raison : chasser.

Si elle avait pu, elle aurait ri de cet étrange comportement. Mais pour l'heure, elle était trop occupée à lutter. Son instinct animal lui hurlait de se transformer et de se jeter à l'eau.

C'était stupide.

Une sorte de grondement roula dans sa gorge. Ses yeux s'allumèrent, les muscles de ses jambes se bandèrent et Rose perdit cet étrange combat. Le bruit de bouchon familier résonna dans le parc.

Une tache noire s'étalait maintenant sur la neige blanche, le regard sur la mare. L'animal se redressa et fit le tour du point d'eau, concentré. Il semblait hésiter. Entendant un bruit que seule son ouïe pouvait percevoir, il tourna rapidement la tête vers un bosquet d'arbres, à quelques dizaines de mètres. Abandonnant l'idée de se mouiller, la panthère se dirigea à pas feutrés vers la végétation. Ses narines frémirent. Un lapin. Elle fut bientôt cachée parmi les troncs d'arbres. L'imprudent animal blanc était là, au milieu d'une minuscule clairière, un buisson d'épines à sa gauche, la forêt qui s'enfonçait à sa droite, et derrière lui, un prédateur soudainement affamé.

Presque couché tellement il se faisait petit, le félin ne semblait même plus respirer.

Innocent, le petit mammifère semblait grignoter quelques brins d'herbe, dénichés on ne savait où.

La panthère banda les muscles, sa fourrure se dressa automatiquement.

Le lapin s'immobilisa, son instinct lui soufflant qu'un danger était imminent.

Elle bondit sans bruit, il voulut détaler, deux énormes pattes s'abattirent contre son dos fragile.

Des crocs immaculés se refermèrent sur son cou et le os craquèrent. La peau transpercée laissa échapper quelques gouttes de sang.

La proie dans la gueule, le félin avisa le tronc d'arbre le plus proche et sauta à la verticale, toutes griffes dehors pour s'accrocher à l'écorce. En quelques secondes, il fut étendu sur une branche solide, qui pouvait supporter ses soixante-dix kilos. Le prédateur se lécha les babines et s'appliqua à séparer le doux pelage de la chair. Son museau se pressait contre la viande encore chaude, son noir se parsema de quelques gouttes de sang frais. Il ne lui fallut que quelques minutes pour faire du lapin un tas d'os blancs et un morceau de fourrure sans vie.

Satisfaite, la panthère remua les moustaches en ronronnant puis entreprit de nettoyer son pelage à grands coups de langue. Elle contempla le parc depuis sa hauteur un bon moment, sans arrière-pensée. Sa faim avait été comblée.

Sa queue remua. Elle secoua la tête, gênée. Ses oreilles se couchèrent en arrière alors qu'elle se redressait en position assise.

Un instant après, la panthère avait disparu, remplacée par une Rose aux yeux écarquillés, en équilibre instable sur une branche d'arbre. Elle poussa un cri de stupéfaction qui résonna dans la cime des arbres. Elle eut le réflexe d'empoigner l'arbre et regarda brièvement en bas.

Mais qu'est-ce que je fais ici ?

Transie de froid, elle grelottait dans l'air glacé. Reprenant peu à peu ses esprits, elle observa les alentours, ne comprenant pas comment elle avait pu monter là. Ses yeux se posèrent sur les restes d'un animal, des os et de vagues morceaux de fourrure. Son cœur se souleva et elle détourna le regard.

Pourquoi était-elle perchée sur une branche à environ trois mètres du sol, glacée, assise à côté des restes d'un mammifère, sans aucun souvenir ? Avait-elle eu une absence ?

Rose ne voyait que ça. Le froid la rappela à la raison : il fallait qu'elle rentre au chaud.

Enfin, avant ça, il fallait qu'elle descende de son perchoir. Elle soupira. C'était vraiment haut et elle ne voyait aucune prise. Elle fronça les sourcils pour réfléchir un instant. Qu'avait-elle lu sur les panthères ?

Ce sont d'excellents grimpeurs.

Ceci pouvait expliquer cela. Décidant de risquer le tout pour le tout, elle ferma les yeux et se concentra. Ses yeux d'animal se posèrent sur les os du lapin, mais aucun souvenir ne lui revint. Se rappelant qu'elle devait descendre, elle avança une patte sur le tronc, puis se laissa guider par son instinct.

Elle toucha le sol sans un bruit, laissant à peine une marque sur la terre blanchie. La panthère sortit de la forêt et traversa le parc, plus efficacement que l'humaine ne l'aurait fait. Se transformant de nouveau, Rose entra par la porte de la cuisine, l'air toujours perdue, grelottante de froid. L'elfe qui s'affairait là se retourna pour présenter ses respects à sa maitresse. Il suspendit son geste, comprenant que quelque chose n'allait pas. Il appela du renfort, presque affolé.

L'héritière fut rapidement entourée par le personnel du Manoir qui lui demandait ce qui s'était passé, pourquoi elle avait disparu si longtemps.

- Je ne sais pas.

Ce fut sa seule réponse, son esprit était toujours plongé dans un épais brouillard. Amalie prit les choses en main et se chargea de guider Rose jusqu'au salon, où elle l'installa dans un fauteuil près du feu et la couvrit d'un plaid épais. Sans faire de commentaire, elle resta auprès d'elle et patienta jusqu'à ce que la jeune fille dise quelque chose.

- Je crois que j'ai eu une absence, annonça-t-elle après quelques minutes à fixer les flammes.

La servante la regardait, attendant une suite.

- Ou alors je me suis endormie, je ne sais pas, hésita Rose.

Elle venait de reprendre pied avec la réalité et n'y croyait pas elle-même. Mais il était hors de question qu'elle raconte ce qui venait de se passer – du moins ce qu'elle en avait compris. Même si c'était impossible, non ?

Rose releva la tête et fit un sourire engageant à Amalie.

- Me feriez-vous le plaisir de me faire porter un thé ? déclara-t-elle finalement.

Rassurée de sa réaction, la domestique sourit en retour et s'éclipsa.

Une fois seule, Rose reprit le cours de ses réflexions. Elle était à la mare. Son corps lui sommait de se transformer pour aller chasser les poissons qui circulaient dans l'eau froide. Elle était revenue à elle au sommet d'un arbre, entourée des restes d'un animal. Sans souvenir.

Elle fronça encore les sourcils.

De voir une proie potentielle lui avait fait perdre le contrôle et l'Animagus avait pris le dessus. S'il voulait chasser, il ne s'était pourtant pas jeté à l'eau, puisque Rose n'était pas mouillée. Pour une raison ou une autre, il avait changé d'avis et s'était dirigé vers la forêt pour attraper autre chose, un mammifère. Comme toute panthère qui se respecte, il était monté dans un arbre pour manger tranquillement.

Tout collait.

Sauf que Rose ne se souvenait pas de la moindre seconde qui avait succédé la transformation. Et ça, ce n'était pas à proprement parler normal. Elle tenta de trouver une explication.

Un manque de contrôle de ses instincts animaux ? Elle n'y avait jamais vraiment eu affaire, alors après tout, pourquoi pas. Si la vue d'une bête vivante lui donnait subitement faim, elle pouvait comprendre. Il fallait qu'elle apprenne à maitriser ces pulsions. Elle ne pouvait pas se permettre de chasser tout ce qui bougeait.

Elle soupira encore, décidant de passer à autre chose pour le moment quand elle vit Amalie revenir avec un plateau chargé d'une théière. Elle la remercia. Benson fit irruption alors qu'elle venait de se servir.

- Miss, voici votre courrier.

Il déposa deux enveloppes et un magazine devant elle. Elle lui sourit mais le rappela subitement :

- Benson ? Pourriez-vous m'apporter du parchemin, de l'encre et une plume s'il vous plait ? Je pense m'occuper de mon courrier ici.

- Bien Miss.

Il s'éloigna rapidement avant de lui fournir ce qu'elle avait demandé.

Une fois seule, Rose mit par écrit ce qui venait de lui arriver. Elle décrivit chacun de ses souvenirs, aussi précisément que possible. Juste au cas où. Elle prit une gorgée de thé et décida que ce document irait rejoindre son « journal des crises », tenu jusqu'en juin dernier.

Elle déplia la première lettre, qui était de Derek. Il racontait son retour chez lui, ses petites sœurs qui ne le lâchaient jamais, son père et son travail au Ministère. Elle sourit en lisant que les sœurs réclamaient le Père Noël tous les jours, sans interruption. Elle la reposa et se préoccupa de l'autre missive. Une écriture masculine, un peu négligée, spontanée, qu'elle faillit ne pas reconnaitre.

« Rose,

Je suis incapable de rester deux semaines sans avoir de tes nouvelles, alors j'ai décidé de t'écrire.

Mes parents m'ont déjà embarqué aux Pays-Bas pour les fêtes de Noël. J'ai retrouvé tout un tas de personnes, et honnêtement je suis doué : j'avais retenu la moitié des prénoms depuis la dernière fois. »

Rose sourit, amusée.

« J'espère que tu es bien rentrée dans ta grande maison et que tu as retrouvé tous ces gens qui font les choses à ta place. Demande-leur de t'apprendre deux ou trois choses, ça pourrait servir… demande-leur aussi de te faire des plats hyper caloriques pour ne plus dépendre des articles de Sorcière Hebdo pour grossir. Enfin, arrête-toi de manger quand tu auras du mal à passer les portes quand même ! »

Un rire lui échappa.

« Normalement nous repartons de Maastricht après Noël, pour aller fêter le jour de l'an dans la famille espagnole de ma mère. J'espère qu'il y fera plus chaud qu'ici !

J'imagine que tu dois autant travailler que moi, ma famille me surveille beaucoup (trop !) pour les ASPIC.

Donne-moi de tes nouvelles, raconte-moi ce que tu fais, qui tu vois… profite bien des membres de ta famille, mange plein de chocolat, mais n'abuse pas du Pur-Feu sans ma présence !

Je pense beaucoup à toi bien sûr. J'ai été vraiment content qu'on puisse se retrouver seuls tous les deux, une dernière fois pour cette année.

Ne m'oublie pas et n'attrape pas froid,

Amitiés,

William.

P.S. : tu remarqueras comme j'ai subtilement demandé si tu avais vu Zabini… bien que je continue d'ignorer son existence, bien sûr. »

Rose sourit en reposant le papier, contente que William lui ait écrit. Elle feuilleta distraitement son magazine géographique Excursions Magiques, toujours souriante. Elle arrêta sa lecture en plein milieu d'un article sur les vertus magiques des poils de koalas australiens une fois macérés avec des yeux de poisson-ballon et releva brusquement la tête. Elle venait de se souvenir de quelque chose qu'elle devait faire.

Éclaircir le mystère des lettres de Blaise, celles qu'il avait envoyées au Manoir l'été dernier et qui lui étaient toutes revenues. Elle décida d'aller interroger Benson, puisque c'était lui la personne en charge de la réception et de l'envoi du courrier.

Elle repoussa sa chaise, résolue, et rejoignit l'office près de l'entrée où le majordome se trouvait souvent, à gérer le bon fonctionnement du Manoir. Elle frappa deux coups contre la porte et attendit qu'on l'invite à entrer.

- Miss ? Je vous en prie, entrez. Que se passe-t-il ?

- Je voulais vous entretenir au sujet du courrier. Cet été, des amis m'ont envoyé des lettres. Je ne les ai jamais reçues, et surtout, elles ont été renvoyées à l'expéditeur.

Elle le regarda calmement, jaugeant le majordome.

- Vous voyez, comme si quelqu'un avait intercepté mon courrier et l'avait renvoyé, pour me le cacher.

Benson eut un air scandalisé. Rose coupa court en précisant :

- Je ne vous accuse de rien. Seulement je trouve ça étrange : ce n'est pas comme si le Manoir était impossible à trouver pour un hibou.

Elle fit une pause et reprit :

- Benson, avez-vous reçu l'ordre d'intercepter certains de mes courriers pour m'empêcher d'y accéder ?

Son regard était très sérieux.

- Jamais de la vie, Miss.

Le ton de Benson était empli de sincérité.

- Je n'ai reçu aucun ordre de ce genre de la part de votre père, je vous en donne ma parole.

Rose eut un sourire bref. Il venait exactement de lui confirmer ce dont elle se doutait : son père était mêlé à cette histoire. Elle se détendit et se laissa aller contre le chambranle en soupirant.

- Allez savoir pourquoi il a fait ça… il n'était même pas là cet été. A-t-il été informé de l'identité de mes correspondants ? tenta Rose.

- Je n'en ai pas la moindre idée, Miss. Je ne vois pas par qui, surtout.

- N'importe lequel d'entre vous, après tout, c'est lui votre patron. Vous n'avez aucun intérêt à contrer ses ordres, et ce n'est pas moi qui vous le reprocherais.

Le majordome s'autorisa un soupir.

- Je ne peux que vous conseiller d'attendre son retour et de lui en parler directement, Miss.

Elle acquiesça en silence, les yeux dans le vague. Elle pressentait une nouvelle dispute qui allait faire trembler les murs de la demeure. Souriant un peu, elle prit congé de Benson, après lui avoir demandé :

- Savez-vous quand il rentrera ?

- Pour le réveillon de Noël si ses projets sont toujours les mêmes, répondit-il d'une voix calme.

Elle hocha la tête et sortit de l'office. Rien de mieux qu'une dispute à Noël pour se mettre en forme.

L'avant-veille de Noël, Rose fit une nouvelle découverte liée à son Animagus lors de sa promenade matinale dans le parc du Manoir.

Depuis son enfance, il y avait toujours eu quatre, voire cinq molosses qui trottinaient dans les allées, fidèles gardiens du domaine Wayne. Ils n'avaient pas le droit d'entrer dans la maison, mais ils en connaissaient chaque habitant et s'étaient toujours montrés affectueux avec l'enfant qui s'amusait parfois avec eux.

Ce matin-là donc, Rose décida de s'arrêter au chenil pour voir les chiens. Alors qu'elle s'approchait sans crainte, n'ayant aucune raison d'avoir peur, le plus jeune d'entre eux se mit à grogner. Rien d'étonnant après tout, il était arrivé il y avait à peine quelques mois et n'était pas vraiment familier avec Rose. Ce qui la surprit le plus, c'est que les autres la fixèrent à leur tour, muets mais les babines retroussées. Leurs crocs n'avaient rien à envier à ceux de son félin Animagus. De toute évidence, ils ne la reconnaissaient pas. Estomaquée, Rose s'immobilisa à quelques mètres d'eux. Ils étaient dans leur enclos, mais le portail n'était pas fermé, pour qu'ils puissent circuler librement.

Elle n'avait jamais eu peur d'eux. Toutefois, il y en avait cinq, ils lui arrivaient tous à la taille et, cela va sans dire, étaient bien plus puissants qu'elle, panthère ou humaine. Le plus jeune continuait sa litanie, les autres ne la quittaient pas des yeux. Aucun ne bougeait, pour le moment. Une seule erreur de sa part et il était fort probable qu'ils la coursent. Et ils étaient rapides.

Alors Rose fit ce qu'on lui avait appris : elle détourna le regard pour ne pas sembler les défier et leur présenta le dos de sa main, sans bouger non plus.

- Salut les chiens.

Elle s'efforçait d'avoir un timbre normal et une voix douce.

- Je suis Rose. On se connait depuis longtemps, vous et moi.

Le silence se fit dans l'enclos, le jeune s'était tu. Elle continua sur sa lancée et débita phrase après phrase, au hasard et dans un complet désordre, pourvu qu'ils entendent le son de sa voix. Elle sut qu'ils n'attaqueraient pas dès que les crocs du plus âgé, le chef de meute, disparurent. Il avait reconnu sa voix, et peut-être que les autres aussi, mais il y avait quand même quelque chose qui les perturbait.

Rose leur jeta un autre coup d'œil : les chiens étaient plus détendus et ne paraissaient plus menaçants. Ils restaient malgré tout sur leurs gardes.

Comprenant qu'elle ne pourrait rien obtenir de plus, elle fit deux pas légers vers l'arrière, sans cesser de parler. S'ils étaient momentanément inoffensifs, Rose se méfiait quand même. Bientôt elle put s'éloigner encore, et dès qu'elle fut certaine de pouvoir leur tourner le dos, elle fit demi-tour pour rentrer dans le Manoir. Elle regarda fréquemment en arrière et put voir cinq silhouettes se détacher sur la neige, tournant autour de leur chenil, flairant les traces d'un étrange félin. Puis le bâtiment disparut de son champ de vision et Rose put rentrer par la porte de derrière et déboucha dans les cuisines.

Une fois dans le salon, elle se laissa tomber dans un fauteuil et appuya sa tête dans la paume de sa main. Toujours sous le choc le temps de traverser le parc, ses muscles se détendirent brutalement et elle se mit à trembler violemment.

Ses chiens avaient failli l'attaquer. Ceux avec qui elle jouait dans le parc. Ceux qui la protégeaient, envers et contre tout.

Parce qu'elle avait changé, parce que son essence était différente. Parce que son ADN n'était plus entièrement humain, qu'il partageait le corps de Rose avec celui d'un animal.

Elle en conclut tristement que les chiens détestaient définitivement les félins.

Et vu leur nombre et leur taille, ce n'était pas elle qui allait essayer de les contredire.

Le 24 décembre, Rose était auprès d'Olivia quand elle entendit une voiture approcher, s'arrêter, le moteur tournant toujours. Elle sut instantanément que son père était revenu.

Elle soupira et regarda Olivia, toujours inconsciente. Une nouvelle odeur dans la pièce lui fit tourner la tête. Le patriarche s'y tenait, comme hésitant à entrer.

- Benson m'a dit que je te trouverais là.

Il fit quelques pas pour s'approcher d'elle.

- Bonjour, Père.

- Bonjour, Rose.

Il jeta un regard peiné vers Olivia. Rose ne savait pas vraiment comment se comporter. Elle n'allait pas directement déclencher une bagarre. En même temps, elle n'en avait pas vraiment envie, et sans savoir pourquoi, elle était soulagée de voir son père. Alors elle préféra se taire et attendre la suite.

Ils déjeunèrent ensemble, seuls, face à la grande baie vitrée. Le silence fut complet pendant quelques minutes, père comme fille ne prenant pas la parole. Peut-être que chacun attendait que l'autre le fasse.

- Alors Rose, comment s'est passé ton semestre ? demanda finalement son père.

- Bien, répondit-elle posément.

- J'ai entendu parler des nouveaux règlements imposés par le Ministère. Est-ce vrai que c'est l'une de leurs employées qui a tout mis en place directement depuis le château ?

Sa fille acquiesça, un air pincé sur le visage.

- Elle a été nommée Grande Inquisitrice de Poudlard. C'est elle qui fait figure d'autorité maintenant.

Erwan posa ses couverts sur son assiette vide et posa son menton contre sa main.

- Qu'a-t-elle fait finalement ? Je n'ai entendu que des rumeurs, rien de concret.

Rose fit la moue, puis expliqua les actions d'Ombrage à son père, passant des décrets les plus infimes aux inspections imposées aux professeurs et aux cours théoriques qui ruinaient leurs chances de réussir leurs BUSE. Il l'écoutait sans faire de commentaires, les sourcils froncés. Elle finit par l'obligation de dissolution de tous les groupes, organisations, associations d'élèves…, passant sous silence l'Armée de Dumbledore. Il eut un air vraiment ébahi et commenta d'un simple :

- Finalement le Ministère réussit à contrôler Poudlard…

Il soupira.

- J'espère que ça ne durera pas longtemps. Dumbledore ne se laissera pas faire.

Rose haussa les épaules.

- Pour l'instant il n'a rien fait. Enfin, nous ne sommes pas encore coupés du monde, alors…

- Cela m'étonne qu'elle ne contrôle pas encore vos courriers ou bloque l'arrivée des journaux. Puisque le Ministère a décidé de nier l'existence de Tu-Sais-Qui, il devrait empêcher les informations de vous atteindre…

Sa fille le fixa un instant, puis se lança, très calme.

- Tu devrais leur suggérer l'idée. Précise que tu as déjà testé la méthode dans ton propre foyer, ça les rassurera.

Interloqué, son père ne répondit pas. Il semblait chercher dans sa mémoire de quoi elle pouvait bien parler. Sa bouche qui murmura un léger « oh » arracha un sourire amer à Rose. Il leva aussitôt les mains en signe de défense.

- S'il te plait, ne t'énerve pas.

Elle haussa un sourcil.

- Je ne m'énerve pas. J'aimerais comprendre pourquoi tu as fait ça.

Il la regarda un instant sans rien dire, ce qui permit à Rose de clarifier – si besoin était.

- Pourquoi est-ce que tu as empêché des lettres de me parvenir l'été dernier ? Et qui le faisait, si ce n'était pas Benson ?

Les épaules de son père s'affaissèrent comme il capitulait. Ses yeux se plantèrent dans ceux de sa fille.

- J'ai jeté des sorts autour du domaine, notamment en ce qui concerne le courrier. Les lettres inhabituelles étaient stoppées et renvoyées à leur émetteur après contrôle des elfes de maison.

Rose attendit sagement la suite.

- Je voulais contrôler l'identité d'expéditeurs inconnus. Depuis le retour, hypothétique ou pas, de Tu-Sais-Qui, j'ai pris certaines précautions autour du Manoir.

Il grimaça, ce qu'il ne faisait jamais en sa présence.

- Pas uniquement à cause des événements de cet été. Je l'ai aussi fait pour te protéger, depuis que tu es devenue…

- Différente ? proposa Rose sans animosité.

Son père s'autorisa un léger sourire. Il voulait éviter de prononcer directement le mot, par peur que ça ne sorte de l'enceinte de la propriété, mais il ne savait pas comment Rose le prendrait. Pour la première fois depuis de longues années, elle n'avait pas l'air de chercher la bagarre. Peut-être que cette fois, ils allaient se comprendre…

- Tu ne veux pas dire le mot hein ? lança-t-elle d'une voix un peu plus sèche.

Il leva de nouveau les mains pour l'apaiser.

- Si tu as lancé des sorts au domaine, il n'y a pas de raisons de s'inquiéter, trancha Rose.

Il hocha la tête, abdiquant devant l'argument.

- Depuis que tu es devenue une Animagus, j'ai préféré prendre l'initiative de vérifier ton courrier, pour éviter que des personnes étrangères n'apparaissent subitement dans ta vie.

- Je sais précisément quelles sont les personnes qui savent, et tu les connais toutes également. Je ne vois pas comment cela pourrait arriver aux oreilles de quelqu'un d'autre, ni pourquoi on m'enverrait du courrier.

Son père opina, puis se leva.

- Suis-moi. Je veux te montrer quelque chose.

Rose leva les sourcils puis suivit son paternel. Ils montèrent à l'étage, devant le bureau de son père. La porte s'ouvrit automatiquement lorsqu'il posa sa main contre le panneau en bois et il la fit entrer. Il se dirigea vers une étagère remplie de livres, semblant en chercher un spécifique. Rose restait plantée en plein milieu de la pièce, observant avec minutie certains détails que sa mémoire avait oubliés depuis le temps. Cela faisait des années qu'elle n'était pas entrée ici.

Elle se retourna en sentant une présence près de son épaule. Son père lui sourit, puis alla vers le bureau et y étala plusieurs parchemins. Tous étaient calligraphiés à l'encre noire, et le sceau qui composait la signature semblait familier à Rose, sans qu'elle ne parvienne à le reconnaitre. Il y avait quatre lettres, dont son père lui fit un résumé.

Désignant celle la plus à gauche, il expliqua :

- C'est la première qu'ils nous ont envoyée. Ils venaient juste de commencer à recruter des sorciers de haut rang, des Sangs-Purs. Regarde bien la signature.

Rose se pencha un peu plus et examina le bas de la lettre : un dessin s'étalait, une tête de mort crachant un serpent par la bouche. Elle se redressa, affolée.

- Tu-Sais-Qui ? souffla-t-elle.

Il acquiesça puis pointa du doigt la deuxième et la troisième.

- Dans celles-ci, ils sont plus agressifs. Ils nous conseillent de les rejoindre afin de montrer au monde qui sont les vrais sorciers, qui sont ceux qui méritent de vivre.

Rose s'assit, lut quelques passages des parchemins.

- Dans la dernière, ils annoncent qu'ils ne nous demanderont plus de les rejoindre, mais que nous ne sommes plus considérés comme des Sangs-Purs et que par conséquent, notre famille et notre maison seront sous menace permanente. À moins bien sûr qu'on change un jour d'avis.

Bouche bée, sa fille ne parvenait pas à parler correctement.

- Mais comment ? Est-ce que…

- Nous n'avons jamais répondu.

- Mais comment est-il possible que… enfin qu'ils…

- Ne nous aient pas tués ?

Il soupira et s'assit, lui faisant signe de l'imiter.

- Je suppose qu'ils avaient leurs informations. Ils devaient savoir que nous n'étions pas non plus du côté de la résistance, alors ils n'ont lancé aucune attaque contre nous.

Rose buvait ses paroles.

- Ils avaient plus urgent à régler. Nous ne représentions aucune menace pour eux. Ta mère était scientifique et loin, très loin de ce monde-là. Je ne me sentais pas vraiment impliqué non plus.

Il lui lança un regard.

- Et après tout, peut-être avons-nous été épargnés parce que nous étions bien protégés. Qui sait.

Elle assimilait les informations, toujours muette. Ses parents avaient été sollicités par le Mage Noir en tant que sorciers de Sang-Pur et ce, dès le début de la guerre. Ils n'avaient jamais répondu, et n'avaient pas non plus rejoint l'autre côté. Cette information l'ébranla.

- Pourquoi est-ce que vous ne vous êtes pas battus ? murmura enfin Rose.

Le regard de son père se perdit au loin, contemplant le parc enneigé par la fenêtre.

- Ce n'était pas notre combat, répondit-il d'une voix douce. Ta mère travaillait depuis quelques années sur un nouveau projet et je commençais à me faire un nom parmi les entrepreneurs américains. J'ai essayé de persuader ta mère de fuir aux États-Unis, mais elle n'a jamais voulu.

Il eut un sourire nostalgique.

- Puis, elle est tombée enceinte et a fini par accepter mon idée. Elle a suspendu ses recherches. Nous sommes partis dans un autre pays.

- Je ne suis pas… née en Angleterre ? balbutia Rose, sidérée.

- Non, fit-il de sa voix douce.

- Mais, mon acte de naissance…

- Un simple sort de Confusion, qui nous a permis de modifier ton lieu de naissance.

- Pourquoi est-ce que personne ne me l'a jamais dit ? murmura-t-elle.

- Je suis désolé, répondit-il sur le même ton. Nous étions les deux seuls au courant, avec le personnel, et après coup, une fois Tu-Sais-Qui vaincu, cela ne me paraissait plus si important.

Rose lui lança un regard outré.

- Mais je trouve ça important ! Je suis née où ?

- Une fois que je me suis retrouvé seul avec toi, je n'ai plus voulu évoquer ces souvenirs. C'est une erreur de ma part, je le reconnais. Nous avions quitté l'Europe et tu es née en Nouvelle-Zélande.

Elle ne savait plus quoi dire.

- Tu y as passé deux ans environ, et nous ne sommes pas beaucoup sortis. Ils n'avaient pas d'emprise sur cette partie du monde, du moins pas encore.

Sa fille soupira, vaincue par ces informations inédites.

- Je suis désolé de ne pas te l'avoir dit plus tôt. Je ne savais pas vraiment comment m'y prendre en fait… avoua-t-il. Tu as fait tes premiers pas là-bas.

Son père la regardait, semblant craindre un accès de rage. Rose sembla choisir de garder en tête son objectif : comprendre pourquoi son courrier avait été intercepté.

- Quel est le rapport avec mes lettres ?

- Je me demandais quand tu allais poser la question, répliqua-t-il en souriant. De toute évidence, Tu-Sais-Qui est de retour, n'est-ce pas ? Je ne sais pas comment il compte s'y prendre maintenant, mais je voulais éviter que ça ne recommence. Et surtout que tu en fasses les frais. Non contente d'être une Sang-Pure, tu possèdes à présent des capacités qui te rendent encore plus… spéciale.

Elle hocha la tête, satisfaite de l'explication. Puis…

- Attends, attends…

Rose se redressa.

- Blaise Zabini ? Une menace ?! Pourquoi ?

Son père eut l'air sincèrement étonné.

- C'est un Zabini… Tout le monde sait que leur situation n'est pas claire. Et il est à Serpentard. C'était suffisant pour moi. Il a envoyé plusieurs lettres…

- Mais… c'est mon ami !

- Ton ami ? mais… tu ne peux pas être amie avec une telle personne. Je sais qu'il fréquente le fils Malefoy. C'est dangereux pour toi.

- Comment peux-tu dire ça ? Tu ne le connais même pas…

Elle marqua une pause, pensant à une chose.

- Tu n'as pas lu les lettres ? souffla-t-elle.

- Non. Les elfes les ont ouvertes pour en vérifier le contenu, mais rien n'était préoccupant, alors ils ne m'en ont pas communiqué le contenu.

- Pourquoi ne pas me les avoir données alors ?

- Un Serpentard, Rose !

Elle soupira.

- Il n'est pas comme ça. En plus, à bien y réfléchir, je suis sûre que tu l'as déjà rencontré.

- Quand ça ?

- En juin, quand j'étais à l'infirmerie. Il était sur la liste des personnes autorisées à me rendre visite que Derek a écrite.

Comme son père fronçait les sourcils, Rose lui fit une description de Blaise. Il sembla le reconnaitre.

- Oh, oui, il me semble l'avoir croisé quelques fois. Mais nous ne nous sommes jamais parlé. J'ai surtout vu Derek et le reste de tes amis. Et un autre jeune homme… Wilhelm ?

- William, corrigea Rose automatiquement.

- Oui, voilà. C'est lui qui a tant insisté pour être ajouté à la liste, je me souviens de lui.

Rose se retint de lui demander ce qu'il avait pensé de William. Son père reprit un air sérieux.

- Pour le fils Zabini, je sais que tu ne m'écouteras pas, mais s'il te plait, Rose. Garde en tête que c'est un Serpentard. Il peut retourner sa veste à tout moment. Il pourrait vendre l'information à ton sujet. Et ce serait très dangereux pour toi.

- Je prends le risque, annonça-t-elle. Je n'arrive pas à croire que tu aies fait ça. À l'avenir s'il te plait, ne fais plus bloquer son courrier.

Son père opina, puis rassembla les vieilles lettres pour les ranger dans la bibliothèque. Rose le regarda faire.

- Pourquoi les avoir gardées ?

- Je m'étais promis de te les montrer, le jour où tu serais prête. Avec la situation actuelle… je comptais le faire demain, en fait, répondit-il sans se retourner.

- Merci.

Son père se figea et pivota lentement. Sa fille regardait par la fenêtre. Son visage se reflétait dans la vitre et elle ne semblait pas en colère. Il sourit, content qu'elle murisse enfin.

Ils sortirent du bureau et Rose se dirigea vers la bibliothèque, l'esprit un peu ailleurs. Finalement, elle entra et s'installa à la table qui y trônait. Elle attrapa un parchemin, une plume et de l'encre, décidant d'écrire à Blaise.

Elle raconta sans trop de détails que c'était son père qui avait fait intercepter ses lettres l'été dernier, s'excusant mentalement de rejeter l'entière faute sur son paternel. Elle le faisait vraiment passer pour un homme intransigeant et rigide, mais c'était l'unique moyen de donner une explication valable sans tout raconter. Rose soupira pour la vingtième fois de la journée, puis cacheta son courrier et descendit le glisser dans la boîte des courriers au départ. Un livre sous le bras, elle rejoignit le salon où elle savait que son père serait. S'installant dans son fauteuil favori, une couverture sur les jambes, Rose lança un regard à l'homme assis sur le canapé. Il lui sourit avec douceur. Sa fille le fixa, puis sourit en retour et se plongea dans son livre sans mot dire.

Trêve de Noël.

Rose sourit à cette pensée.

Lors du repas du réveillon, ils parvinrent encore à communiquer. Son père parla de son travail lorsqu'elle posa des questions, puis de Poudlard et des conséquences des décisions du Ministère. Ils en vinrent à discuter de l'orientation de Rose, qui ne savait pas vraiment ce qu'elle aimerait faire comme métier. Ils tombèrent d'accord pour dire que, même si la vie ne s'arrêtait pas, le retour du Mage Noir allait influencer toute leur vie future. Du moins, à partir du moment où le Ministère admettrait qu'il était de retour.

Elle ne peut affirmer qu'une chose : elle allait arrêter la Botanique et l'Astronomie. Son père eut un sourire en coin et elle haussa un sourcil.

- Moi aussi, je détestais la Botanique, admit-il, les yeux pétillants.

- Ah bon ?

- J'étais terriblement mauvais. Ça ne m'a jamais réussi.

Rose rit, ayant du mal à imaginer son père mauvais en quelque chose, surtout à l'école.

- Tu vas continuer les Sortilèges j'imagine ? devina-t-il.

- Oui, bien sûr. Et Métamorphoses et Défense Contre les Forces du Mal, si j'obtiens les BUSE. Peut-être les Potions, je pense que ça peut toujours être utile… mais Rogue ne prend que des étudiants ayant eu Optimal, alors on verra bien. Tout dépendra de mes résultats aux examens…

Ils terminèrent leur repas dans le salon, avec un thé chaud et des biscuits à la cannelle, assis devant le feu de la cheminée. Erwan eut le privilège de voir sa fille rire de bon cœur à certaines de ses anecdotes datant de l'école, où il avait fait pas mal de farces à ses camarades, apparemment. Il profita de leur entente. Rose était entrée dans l'adolescence dès sa première année à Poudlard, et sa rébellion envers son père avait été violente et sans concession. Il espéra que sa bonne humeur ne fut pas qu'une trêve et qu'elle allait durer. Sa fille lui manquait, même s'il n'était pas toujours très attentif, ni très présent.

Après un petit silence, il finit par lui demander, sans la regarder :

- Alors, le fils Zabini…

- Blaise.

- Blaise, c'est ton… petit ami ?

Elle rougit et marmonna :

- Non, non… juste un ami.

Il opina et continua sa réflexion.

- Et ce William ?

- Non plus…

Elle fixait le fond de sa tasse.

- Je pensais, vu comme il a été insistant pour pouvoir te voir, que… bref, se coupa-t-il en voyant les joues écarlates de sa fille.

Il lui resservit du thé et attendit qu'elle le regarde pour lui faire un sourire rassurant. Il lui demanda si elle allait toujours chez Derek pour le Nouvel An, pour changer de sujet. Ils reprirent des conversations sans aborder le sujet de sa vie amoureuse, au grand soulagement de Rose.

Avant d'aller se coucher, Rose fit un détour par la chambre d'Olivia. Elle la contempla longuement avant de refermer la porte et d'aller dans sa chambre, soudainement fatiguée. Elle se mit en pyjama et se roula en boule sur son lit. Malgré la fatigue, elle n'arrivait pas à trouver le sommeil, préoccupée par des milliers de choses. Soupirant, elle se transforma en panthère sans attendre. Le sommeil l'emporta rapidement.

C'est la voix chantante d'Amalie qui la réveilla :

- Miss ! Joyeux Noël !

L'employée de maison ouvrit les rideaux pour laisser entrer une lumière très blanche.

- Monsieur votre père est dans le couloir, il n'ose pas…

Les yeux d'Amalie s'écarquillèrent. Ce n'était pas Rose qui lui faisait face, mais une panthère. Elle reprit rapidement ses esprits, sembla gênée.

- Veuillez me pardonner, je ne suis pas habituée à vous voir ainsi…

L'animal la regarda tranquillement, puis s'étira et tourna la tête vers la porte. Un instant après, le battant était poussé et Erwan fit quelques pas à l'intérieur.

- Est-ce que tout va…

Il suspendit sa phrase en voyant le félin sur le lit. Enfin, sa fille sur le lit. Il fit quelques pas en avant, mais ne put s'approcher plus : un « plop » et Rose était de retour.

- Bonjour. Joyeux Noël, lança-t-il avec un sourire timide.

- Bonjour Père. Joyeux Noël à toi aussi, répondit-elle en souriant.

Il n'osait pas s'approcher plus du lit.

- Tu dors souvent comme ça ?

- Oui. Ça m'empêche de rêver.

Son père lui lança un regard inquiet qu'elle ne vit pas. Il quitta la chambre pour la laisser se préparer avant de le rejoindre prendre le petit-déjeuner avec lui.

Pendant qu'ils mangeaient, il lui posa des questions à propos de son Animagus, les effets que cela faisait, demandant toutes sortes de détails. Rose répondit avec plaisir, ravie qu'il s'y intéresse autant.

Père et fille passèrent la journée plus ou moins ensemble. Ils se promenèrent dans le parc, où Rose raconta l'épisode avec les chiens qui ne l'avaient pas reconnue. Son père fronça les sourcils et se jura de faire enfermer les molosses chaque fois que sa fille mettrait un pied dehors.

Ils prirent un thé ensemble en fin d'après-midi.

- Tu dors mal ? lui demanda soudainement son père.

Comme elle penchait la tête sur côté, il approfondit sa réflexion :

- Tu as dit que tu dormais souvent transformée, pour ne pas rêver.

- C'est vrai. J'ai découvert ça il y a quelques semaines, qu'être panthère la nuit simplifiait suffisamment mon esprit pour ne pas faire de rêve, ni de cauchemar.

Elle tripota ses manches, ne sachant pas trop quoi dire.

- Comment tu l'as compris ?

- En faisant un rêve, paradoxalement, sourit-elle. Toujours le même, avec la même personne.

Son visage s'éclaira d'un coup.

- Oh ! Je crois que je viens de comprendre quelque chose. Est-ce que tu sais quel était l'Animagus de ma grand-mère maternelle ? Tabitha ?

- Euh, oui, attends… je suis sûr que c'était sur le parchemin que nous a montré Dumbledore.

- Ah bon ? Je n'avais pas fait attention.

Il se pinça le nez un instant pour réfléchir.

- Un oiseau, c'était un oiseau…

- … un corbeau ? souffla sa fille.

Erwan releva la tête.

- Oui ! Un corbeau, tu as raison.

- J'ai rêvé d'elle, affirma Rose. C'est elle qui m'a fait comprendre que je dormirais mieux une fois transformée.

- D'elle ? Mais tu ne l'as jamais connue… moi non plus, d'ailleurs. Je ne sais même pas à quoi elle ressemblait…

- Je ne sais pas pourquoi… mais je suis sûre que c'était elle. Étrange non ?

Il hocha la tête en la regardant.

- J'ai lu dans le livre sur les Animagi que la transformation en oiseau est une des plus difficiles. Elle devait être une excellente sorcière…

- C'est ce que ta mère a toujours dit, confirma-t-il doucement. Une sorcière formidable, mais une mère très stricte.

Ils échangèrent un petit sourire.

- Tu n'as pas répondu à ma question, rappela son père. Tu dors mal ?

- Oui, soupira Rose. Depuis le début de l'année scolaire. Je fais des cauchemars, presque toutes les nuits. Je ne sais pas pourquoi…

Elle avait une petite idée, mais n'avait pas l'intention de reparler de sa vie sentimentale avec son père.

- Est-ce que tu as pensé à en parler avec Madame Pomfresh ?

- Oui… mais je ne veux pas dormir artificiellement. J'aurais trop peur de ne plus pouvoir m'en passer.

- Je comprends. Mais n'hésite pas quand même, ne serait-ce que d'en parler… à moi, ou quelqu'un d'autre bien sûr.

Elle le regarda, surprise de sa proposition. Puis elle soupira et se renfonça dans son fauteuil.

- Honnêtement, je pense que c'est en partie dû à mon nouveau statut, admit-elle. Et aussi…

Elle lui jeta un œil, et le vit très attentif, penché vers elle.

- Et aussi, reprit-elle à voix plus basse, je fais des cauchemars avec Olivia.

Elle n'allait pas se remettre à pleurer tout de même. Rose se mordit la lèvre pour s'en empêcher. Son père ne dit rien de plus, mais tendit le bras vers elle et attrapa sa main, la gardant pressée dans la sienne, dans un geste d'affection qui mit à mal la résolution de Rose de ne pas pleurer. Elle avala sa salive et le regarda, les larmes aux yeux.

- J'ai tellement peur…

- Je sais, ma chérie, je sais…

En une fraction de seconde, elle était dans ses bras, pour la première fois depuis des années. Erwan tint sa fille contre lui, à l'abri de ses bras, défait par les pleurs de son enfant.

Elle passa le début de soirée seule avec Olivia, pensant à son père. L'absence de dispute l'avait déconcertée, puis en réfléchissant, elle s'était dit que finalement, elle n'avait pas besoin de ça pour que son père l'écoute. Elle se sentit un peu injuste envers lui, envers ce qu'elle lui avait fait subir ces dernières années, tout en ne pouvant pas s'empêcher de lui en vouloir encore un peu, au fond d'elle, pour tout ce qu'il n'avait pas fait, pour ses absences prolongées de sa vie. Mais plus au point de faire trembler les murs à force de hurler. Elle sourit un peu en repensant au fait qu'il l'avait appelée ma chérie, comme ça, après des années à ne pas se comprendre.

Le lendemain de Noël, elle reçut une réponse de Blaise.

« Rose,

Joyeux Noël !

Ta lettre a enfin éclairci le plus grand mystère de tous les temps… en espérant que celle-ci te parvienne sans encombre !

Nous aurions dû nous douter que ton père serait un peu protecteur. »

Rose sourit devant l'euphémisme. Blaise savait parfois faire preuve d'une mesure exceptionnelle.

« Tu dis avoir beaucoup de neige chez toi, je ne sais pas exactement où tu habites, mais j'imagine qu'il doit faire froid ! Ne gambade pas trop dans la neige…

Pour te répondre, je passe également de bonnes vacances. J'ai retrouvé une partie de ma famille qui est donc venue pour fêter Noël. Ça s'est bien passé, et comme promis, j'ai aidé ma mère. Ce n'était pas de tout repos ! C'était quand même amusant, même si je dois avouer qu'il me manquait quelqu'un : toi. Je m'ennuie de te voir et c'est bien la première fois que j'attends avec autant d'impatience la rentrée ! Je m'inquiète aussi de ce qu'Ombrage va bien pouvoir nous inventer pour nous gâcher la vie… espérons que cette situation ne durera pas plus longtemps. Avec un peu de chance, elle supprimera les cours d'Arithmancie… »

Rose rit en imaginant la mine de Blaise, pleine d'espoir devant une telle perspective. Il détestait son option et la regrettait amèrement.

« En attendant de te revoir, je pense beaucoup à toi.

Je t'embrasse,

Blaise »

Elle replia la lettre en souriant, les joues colorées d'imaginer un baiser de Blaise. Elle avait hâte de retourner à Poudlard elle aussi !

Comme convenu, le 30 décembre au matin, Erwan et sa fille se dirent au revoir. Elle partait chez Derek pour quelques jours, et il retournait travailler, elle ne savait où. Ted emmena Rose dans la banlieue de Londres, la voiture disparut dans la brume.

La mère de Derek lui ouvrit la porte et l'accueillit avec chaleur.

Son ami la serra longuement dans ses grands bras, avant qu'elle ne soit accaparée par les petites sœurs. Elle passa la journée à aider Mary à préparer le réveillon du lendemain avec Derek, faisant régulièrement des pauses pour se consacrer aux filles, qui la sollicitaient sans cesse.

Le foyer des Dents était chaleureux, vivant et Rose adorait s'y plonger. Quand ils eurent quelques minutes de répit, en épluchant des pommes de terre et autres légumes, Derek et elle purent discuter tranquillement. Il était déjà au courant pour les lettres envoyées par William puis Blaise. Rose avait préféré attendre de le voir pour lui rapporter ce que son père avait raconté à propos de la première guerre. Derek l'écoutait sans l'interrompre, et lui aussi resta bouche bée en apprenant que Rose n'était pas née en Angleterre. Elle enchaina sur la véritable explication des lettres de Blaise qui n'étaient jamais arrivées à Rose.

Le lendemain soir, la famille entière s'installa autour de la table et Rose devait avouer que c'était bien plus animé que le réveillon de Noël, seule avec son père, ce qui la fit sourire. Les petites faisaient sans cesse des commentaires, racontaient des histoires en tout genre, tandis que leur père souriait avec tendresse, leur mère ne tentait pas de les calmer sachant que c'était inutile, et Rose et Derek les encourageaient en leur répondant des bêtises.

L'héritière riait beaucoup, et elle finit par s'apercevoir qu'elle n'était pas venue chez les Dent désespérée et en colère ou déçue du comportement de son père comme les autres années. Et cela se voyait dans sa façon d'agir, elle le savait. Le père de Derek prit des nouvelles d'Erwan et aucune expression de haine ou de tristesse ne traversa le visage de Rose. Mary s'en rendit compte et s'en réjouit. Elle lança un sourire doux et maternel à la jeune fille, qui lui répondit aussitôt.

Minuit passa, et après s'être échangé des vœux de bonheur, Mary et Rose préparèrent des chocolats chauds pour tout le monde. Elles furent seules en cuisine quelques minutes.

- Ça s'est bien passé avec ton père ?

- Oui, bien. Nous avons beaucoup discuté, sans crier.

Mary lui sourit, ravie.

- C'est bien. Je suis contente pour vous.

- J'ai beaucoup parlé de l'école, des événements récents. Il m'a raconté des choses que je ne savais pas, du temps où je n'étais pas née… c'était intéressant.

- C'est vraiment bon signe si vous arrivez à échanger calmement.

Elle versa du chocolat dans des tasses.

- Qu'est-ce qui a changé alors ?

- Moi, répondit tranquillement Rose. Avec ce qui m'est arrivé, je ne sais pas, j'envisage les choses sous un autre angle.

Rose disposa les boissons sur un plateau.

- Et puis, je crois que j'en avais marre d'être toujours en conflit avec lui.

Elle sourit, malicieuse.

- Je ne dis pas que ce sera toujours aussi rose par contre…

- Mais c'est déjà une belle avancée ! s'enthousiasma Mary. Allez, on y va, les monstres attendent !

Rose lui sourit et la suivit, chargée du plateau. Les filles accueillirent le chocolat avec joie et se tinrent un peu plus tranquilles le temps de le boire. La chaleur du feu, la boisson chaude et le repas copieux eurent bientôt raison des plus jeunes : elles commençaient à somnoler sur les coussins. Les adultes les portèrent à l'étage et les couchèrent. Ils se réinstallèrent au salon dans les fauteuils et le canapé.

- On les a eues, lança Stanley en riant.

- Elles sont inépuisables, fit Derek, de la fatigue dans les yeux.

Rose approuva et appuya sa tête contre l'épaule de son ami.

- On a eu Rose aussi, ajouta Mary, faisant rire son fils et son mari.

Les adolescents capitulèrent rapidement et allèrent se coucher à leur tour. Ils bavardèrent quelques minutes avant de s'endormir l'un contre l'autre.

Rose rentra chez elle le lendemain soir, afin de boucler ses valises et voir Olivia une dernière fois avant de reprendre le train. Elle passa une soirée calme, à lire son anthologie des Animagi dans le salon, avant d'aller se coucher assez tard. Elle essaya de s'endormir en restant humaine, mais finit par capituler vers quatre heures du matin, réveillant Kietel endormi sur sa poitrine en voulant le déplacer avant de se transformer.

L'heure du réveil arriva bien trop tôt, et quand Ted et elle arrivèrent à la gare, elle était encore un peu dans le brouillard. Elle salua son chauffeur une fois sa valise montée à bord du train et la traina avec peine à la recherche de ses amis.

- Un coup de main ? proposa une voix masculine derrière elle.

Rose se retourna, tout sourire et parfaitement réveillée.

- William ! Bonne année.

- Bonne année à toi aussi. Alors, pour la valise ?

- Je veux bien !

Il s'en saisit et suivit Rose dans le couloir.

- Alors, tes vacances ? C'était bien l'Espagne ?

- C'était vraiment bien ! J'aime beaucoup l'espagnol, c'est une jolie langue. Il faisait moins froid qu'ici ! Et toi ?

- Très bien, très bien… je suis allée passer le nouvel an chez Derek.

Tout en discutant, ils avaient atteint le compartiment où leurs amis étaient installés. Ils se saluèrent tous avec joie, se lançant déjà anecdotes et histoires à propos de leurs vacances. Comme d'habitude maintenant, Anthony et Padma ne restèrent que le temps de poser leurs bagages et d'échanger quelques mots avec leurs amis avant de disparaitre dans le train. Rose s'installa près de la fenêtre, face à Lisa.

Le train était déjà parti depuis environ une heure quand Nassim et Idriss firent irruption dans la voiture et prirent place avec eux. Les Serdaigles bavardèrent longtemps, parlant surtout des cours qui allaient recommencer et d'Ombrage. Ils étaient tous inquiets de revenir au château. Rose finit par s'endormir, vaincue par sa nuit trop courte, bercée par les mouvements du train et les voix de ses amis. Sa tête se posa sur une épaule sans qu'elle ne s'en rende compte.

Ils la laissèrent dormir, et elle ne se réveilla que lorsque le chariot à friandises passa dans le couloir, sa clochette tintant jusqu'aux oreilles et à l'estomac de Rose. Elle ouvrit lentement les yeux, quittant un rêve étrange. Il y avait eu de la brume, des gens, des discussions si sérieuses, des uniformes blancs, des cages en métal…

- Bien dormi ? s'enquit une voix espiègle.

Cette voix était décidément bien proche, vu comme elle sonnait dans l'oreille de Rose. Elle se redressa doucement, comprenant qu'elle venait de passer un long moment blottie contre William. Son regard tomba dans celui de son ami, à qui elle fit aussitôt un petit sourire coupable.

- Je… Désolée, balbutia-t-elle.

- Pas grave, assura-t-il avec un sourire malicieux, pas du tout gêné comme elle pouvait l'être. Alors, je suis confortable ?

- Je dois avouer que oui, fit-elle avec un nouveau sourire.

Idriss, assis en face, les regarda d'un air concentré avant de commenter :

- Ah, un point pour William.

Rose leva un sourcil et s'appuya contre le montant de la fenêtre.

- Tu tiens les comptes toi maintenant ?

- Tout à fait. C'est comme au Quidditch, il faut savoir combien on a de points d'avance par rapport à l'adversaire, résuma Idriss, tout content de son explication.

Rose leva les yeux au ciel pendant que William souriait à leur ami. Mandy eut un petit rire qui fit réagir Derek.

- Oui ?

- Je suis en train de les imaginer sur des balais, une batte à la main, avec Rose en guise de Cognard. C'est tout.

Lisa rit à son tour devant le regard amusé des autres. William fit mine d'être contrarié en entendant les autres participer à sa conversation avec Rose.

- Il n'y a pas moyen de discuter tranquillement ici, grommela-t-il.

- Tu peux sortir si tu veux, proposa Rose en désignant la porte. Reviens quand tu auras fini.

Elle réprima un sourire devant l'air outré de son ami. Nassim salua la réplique d'un sifflement approbateur.

- Dis donc pour une maigrichonne, tu te défends bien.

Rose lui fit un sourire, amusée.

- Embête pas trop la maigrichonne non plus, prévint Derek, un sourire aux lèvres lui aussi. Elle est féroce.

Comme Terry approuvait, Nassim leva les mains en signe de capitulation, faisant pouffer Mandy. Rose regarda de nouveau William, qui avait les yeux pétillants. Elle changea de sujet avec habileté, le faisant parler de l'Espagne qu'il avait l'air de tant apprécier. Il raconta quelques anecdotes à tout le monde. Le chat de Lisa s'installa sur les genoux de Rose. Il avait bien grandi en quelques mois et s'étala de tout son long sur la jeune fille qui le caressa distraitement. Kietel lui, était parti s'amuser avec Nassim et Idriss, définitivement ravi à l'idée d'être traité comme un Souafle miniature.

Leur descente du train se fit, comme toujours, dans une grande pagaille. Rose chercha Kietel plusieurs minutes avant que la poche intérieure de la robe de Derek ne pousse un couinement aigu. Duke rentra dans son panier mais miaula de désespoir en les sentant partir. La chouette de Terry elle, était partie voleter dès leur arrivée en gare. Ils s'engouffrèrent dans des calèches et Rose eut un sourire en coin en pensant à son tête-à-tête avec William deux semaines auparavant.

Le banquet se passa sans être interrompu par de nouveau décret fantaisiste, au grand soulagement des élèves. Rose scruta la table des Serpentards comme à son habitude et y croisa le regard de Blaise qui semblait l'attendre. Elle lui sourit avec joie, contente de le voir face à elle. Il répondit avec le sourire qu'il lui réservait, celui que jamais il n'utilisait avec ses amis, même les plus proches. Celui-ci était spécial. Leur échange fut interrompu par des cinquièmes années qui demandaient son avis à Blaise, ne remarquant pas qu'il ne les écoutait pas, et ce depuis le début.

Mandy soupirait régulièrement de dépit : la conversation portant sur les BUSE et les ASPIC ne lui convenait pas. Elle aurait largement préféré cancaner et colporter des ragots tout frais. Lisa la regardait et riait sous cape, pendant que son petit ami remontait ses lunettes et écoutait sérieusement Nassim parler des cours de Potions. Au dessert, Terry était parvenu à éveiller la jalousie de Derek parce qu'il regardait distraitement un groupe de garçons plutôt bruyants à la table des Poufsouffles. Un grognement réprobateur du blond fit sourire Rose, qui posa sa main sur la sienne pour le calmer. Padma, comprenant le drame personnel de Derek, se mit alors à bavarder d'un air naturel avec Terry, qui trouvait que décidément, les Poufsouffles n'avaient pas l'air malin lorsqu'ils tentaient d'attirer l'attention des filles.

Lorsque tous les élèves sortirent dans un joyeux brouhaha, Rose sentit une grande main presser la sienne durant quelques secondes. Elle releva la tête, souriante, puis la silhouette disparue, avalée par la foule. Rose rejoignit ses amis à la hâte, et ils retrouvèrent leur Salle Commune avec satisfaction.

Jeudi matin, Rose fut réveillée par la douce voix de Lisa qui lui cria à l'oreille :

- Debout Rose !

La panthère sur le lit poussa un grognement et enfouit son museau sous ses pattes. Peine perdue, car Kietel commença à lui sauter joyeusement sur la tête, excité par l'enthousiasme de Lisa.

- Allez, allez ! renchérit Mandy. On t'attend nous !

- Et c'est pas gentil de nous faire attendre le jour de tes seize ans, bouda Padma.

L'animal finit par lever la tête et bailler. Il se leva, faisant rouler le Boursouf qui adora l'idée et voulut recommencer. Mais la seconde d'après, c'était Rose qui se tenait à la place du félin et Kietel poussa un autre couinement ravi.

Ses amies lui sourirent et lui souhaitèrent un joyeux anniversaire en chœur.

- Oh, merci, merci, fit Rose, encore mal réveillée. Mais pourquoi aussi tôt ?

- Il est déjà sept heures !

Maugréant, Rose finit par se lever. Mandy finissait de se coiffer dans la salle de bains pendant qu'elle se douchait.

- Je crois que les garçons sont déjà en bas, ils doivent nous attendre.

- Derek doit être ra-vi de devoir attendre avant d'aller manger, rit Rose.

Ce qui lui fut confirmé quand elles descendirent dans la Salle Commune : Derek était en tête, souhaita un bon anniversaire à Rose comme tout le monde, mais il fut le premier à l'empoigner et à se diriger avec détermination vers la sortie.

- Mon chat, je t'aime et tout, mais là, j'ai faim.

- Je sais, je sais…

Elle n'essaya même pas de protester ni de résister et le suivit docilement. Ils s'étalèrent à huit autour de la table des Serdaigles et remplirent leurs assiettes.

- Merci d'avoir pensé à mon anniversaire, fit Rose une fois Derek la bouche pleine et dans l'incapacité de râler. Ça me fait plaisir.

- On ne risquait pas d'oublier… grommela Michael en jetant un œil à Derek.

- Tu les as encore harcelés hein ?

Le blond ne répondit pas et confirma seulement d'un signe de tête.

- Désolée pour lui, dit Rose en pointant Derek du pouce, provoquant les rires des autres.

- Allez, on lui donne ! pressa Mandy.

- Quoi donc ?

- Ton cadeau !

- Oh ! Mais, fallait pas… protesta Rose.

Terry sortit un paquet de son sac et le lui tendit.

- C'est de notre part à tous les sept.

Rose le prit et le déballa avec soin. Elle ouvrit une boîte qui contenait une chaine dorée, avec un pendentif :

- Oh… une panthère !

Elle rit en les remerciant.

- Il est superbe, commenta-t-elle. Derek, tu me l'accroches ?

Il s'exécuta rapidement pendant que Rose observait le pendentif doré en forme de tête de panthère.

- Plus vrai que nature, sourit-elle. On dirait que les yeux verts me suivent.

Elle laissa retomber la chaine contre son cou et le pendentif prit sa place sur sa poitrine.

- Plus qu'un an avant la majorité ! commenta Michael.

- La chance, soupira Mandy, qui était née en aout.

Anthony sourit en dépliant le journal, avant de se figer.

- C'est pas vrai…

- Quoi ? demandèrent sept voix.

Pour toute réponse, il tourna la une vers eux. Ils apprirent en même temps l'évasion de dix Mangemorts d'Azkaban et se regardèrent, horrifiés. Lisa lut rapidement l'article, à voix basse.

- C'est terrifiant, chuchota Terry. Dix ?!

- Et le Ministère qui a toujours la tête dans le sable… fit Padma.

Ils soupirèrent de concert et se lancèrent des regards sombres, toute légèreté envolée. Baissant encore plus la voix, Michael glissa :

- J'espère que Potter va bientôt nous appeler…

Des hochements de tête lui répondirent, avant qu'ils se lèvent pour aller en cours, l'esprit ailleurs.

En Botanique, elle retrouva Blaise, à leur paillasse habituelle. Elle sourit en le voyant de dos, bien droit, l'air concentré sur la professeure Chourave. Elle se faufila à sa gauche et posa son sac.

- Bonjour Rose, fit-il avant même qu'elle ouvre la bouche.

Elle sourit.

- Bonjour Blaise, répliqua-t-elle.

Leurs yeux s'accrochèrent quelques secondes. Ceux de Blaise suivirent la chaine autour du cou de Rose et se posèrent sur le pendentif. Il eut un sourire en coin.

- Très joli… cadeau de Noël ?

Elle n'eut pas le temps de répondre qu'une voix souffla :

- Non, d'anniversaire. C'est aujourd'hui !

Rose se retourna pour faire les gros yeux à Lisa, qui était déjà retournée à sa place, l'air innocent. Blaise ne sembla pas enregistrer l'information au premier abord. Il ne se pencha vers Rose que lorsque la professeure leur eut donné des instructions et que tout le monde fut concentré sur sa tâche.

- Joyeux anniversaire, murmura-t-il à son oreille.

Il déposa un baiser léger sur sa joue qui lui affaiblit momentanément les genoux. La main de Blaise lui effleura le bras et le regard qu'il lui lança faillit faire définitivement céder ses jambes. Elle repensa à leur moment seuls dans le train, avant Noël. Il retourna à son travail du jour et Rose l'imita, les joues rougies.

Après un long moment sans parler, elle l'entendit murmurer :

- Vous avez prévu une fête ?

Elle sourit malgré elle à l'implication.

- Non. On attend les dix-sept ans.

Il lui fit un nouveau sourire et désigna la plante devant eux.

- Travaille, chuchota-t-il finalement.

Elle entrouvrit la bouche pour contester l'ordre, mais la referma en voyant Madame Chourave avancer dans les rangs. Elle prétendit être passionnée par le végétal quelques minutes, puis soupira en s'en éloignant, provoquant un rire amusé de Blaise.

- Toujours pas réconciliée avec la Botanique hein ?

- La Botanique non. Mais j'aime bien venir en cours maintenant, admit-elle, un sourire aux lèvres.

Ils passèrent le reste du cours à discuter à voix aussi basse que possible. Blaise lui raconta plus en détails ses vacances mouvementées et Rose s'en tint à quelques anecdotes amusantes. Sa main ne cessait d'aller chercher celle de Blaise, comme un automatisme. Il lui lançait un regard en coin à chaque fois, et lui faisait une légère caresse du bout des doigts dès qu'il le pouvait. Ils se quittèrent après un dernier regard, comme à regret de ne pas pouvoir se jeter l'un sur l'autre. Ce qui, Rose devait bien se l'avouer, n'était pas totalement faux.

Le soir, William se glissa sur la chaise en face de Rose, qui terminait une dissertation de Sortilèges. Elle ne releva la tête qu'après avoir écrit sa dernière phrase et mit un point final satisfait au devoir.

- T'as fait une erreur, commenta William, qui apparemment lisait à l'envers.

- Hein ? Où ? fit Rose vivement, parcourant le document, paniquée.

Ne trouvant pas, elle fronça les sourcils et releva les yeux sur son ami. Il la regardait avec son sourire en coin et les yeux pétillants.

- Très drôle, marmonna-t-elle en roulant le parchemin.

- Mais ne t'inquiète pas, je suis sûr que tu auras au moins un Acceptable. C'est bien déjà…

Elle le fusilla du regard, mais ne put cacher son sourire amusé. Il lui décocha son sourire charmeur.

- Joyeux anniversaire, ma Rose, souffla-t-il d'un coup, ses yeux bleus plantés dans les siens.

- Merci, répondit-elle sur le même ton. Comment tu l'as su ?

- Ah ça… j'ai mes informateurs. Ok, ok, concéda-t-il comme elle le regardait intensément, tu sauras tout. C'est Mandy qui l'a dit à Nassim, qui l'a répété à Idriss, qui me l'a appris en décembre.

Rose s'esclaffa.

- Et Idriss m'a dit aujourd'hui que j'avais un point de retard, ajouta-t-il.

- Un point ? répéta Rose, perdue.

Elle leva soudainement les yeux au ciel.

- Tu vas pas t'y mettre, ronchonna-t-elle, comprenant enfin. Je croyais que tu voulais ignorer son existence ?

- Oui… mais en même temps je trouve l'idée de compter les points assez amusante.

- Très bien, rétorqua-t-elle en croisant les bras. Donc, un point de retard.

Il opina, son sourire toujours en place.

- C'est pour ça que je t'ai amené ça.

William poussa un paquet vers Rose.

- Un cadeau ? Mais… merci, dit-elle simplement.

- Attends, tu ne l'as même pas ouvert !

- C'est l'intention qui compte.

Il grimaça.

- J'espère que tu ne me diras plus jamais cette phrase.

Elle rit et ouvrit soudain la bouche en un « O » parfait.

- Mais… je ne t'ai même pas fait de cadeau pour ton anniversaire…

Le regard de William se posa sur le pendentif en forme de panthère et il eut un sourire doux.

- Si, affirma-t-il, faisant sourire Rose à son tour. Et même deux… ou trois.

Ses pommettes rougirent au souvenir de William et elle, dans la chambre. Il désigna le paquet du menton, mais elle posa les mains dessus sans l'ouvrir.

- Et donc, tu m'offres un cadeau juste pour récupérer un point ?

Elle fit mine de réfléchir.

- D'ailleurs : à partir de quand on compte les points ? C'est flou, tout ça…

William posa son menton dans sa main et prit un air sérieux.

- Je pense… qu'on devrait compter à partir d'hier. Quand Idriss a dit que j'avais gagné un point. Et j'avais déjà le cadeau avant qu'on décide de compter les points, précisa-t-il.

- Que vous décidiez de compter, corrigea-t-elle, plus contente qu'il ait pensé à son anniversaire à l'avance qu'elle ne le montra. Donc, ça voudrait dire, en admettant que Blaise en ait obtenu un aujourd'hui, que vous êtes à égalité.

- Un de plus pour moi, décida-t-il en regardant le cadeau. C'est l'intention qui compte, tu as dit.

- Et qui te dit que lui en a seulement un ?

Le regard de William s'assombrit malgré son air joueur. Puis il secoua une main.

- Peu importe. Tu devrais tenir une liste, sinon tu risques d'en oublier.

Elle leva les yeux au ciel. William prit un parchemin vierge et traça trois colonnes. Il inscrivit un B et un W dans les deux dernières, et les dates de la veille et du jour tout à gauche.

- Voilà, Madame l'aristo. J'ai préparé le document.

Rose l'attrapa de mauvaise grâce et resta immobile. Se décidant finalement, puisque William ne la lâchait pas du regard, elle traça un trait vertical pour William la veille et un pour Blaise ce jour.

- Ah, tu vois, il a seulement un point, fit-il, satisfait. Tu dois en ajouter un autre pour moi maintenant.

Elle s'exécuta, levant encore les yeux au ciel devant son enfantillage. Il avait l'air tellement content qu'elle entra un peu plus dans son jeu.

- Et comment je détermine ce qui vaut un point ?

Il reprit son air très sérieux et réfléchit.

- À chaque fois qu'on fait quelque chose que tout bon petit ami ferait.

- Me souhaiter mon anniversaire, d'accord… me faire un cadeau, d'accord… mais être confortable ?

Il haussa les épaules.

- Et comment tu vas faire si tu as un torticolis à chaque fois que tu es contre moi ? Non, non, je pense que c'est valable.

Un rire échappa à Rose et elle hocha la tête, vaincue.

- Ouvre, ordonna-t-il en montrant le paquet qui attendait toujours.

Elle glissa ses doigts sous le papier pour défaire l'emballage avec précaution. William l'observa faire, très concentré. Un livre apparut, et son titre fit éclater Rose de rire.

- « Enchanter votre quotidien : 1001 sorts pour que votre baguette fasse le travail à votre place ».

- J'ai pensé qu'il était temps que tu apprennes à t'en sortir toute seule.

Rose le regarda, momentanément attendrie.

- Merci.

- Je t'en prie. N'hésite pas à t'entrainer régulièrement, histoire d'alléger la charge de travail de tes nombreux employés de maison dès tes dix-sept ans.

Elle grommela.

- Qu'est-ce que tu marmonnes ?

- Ils ne sont pas si nombreux.

William croisa les bras et s'appuya à la table.

- Combien ?

- Sept. Cinq humains et deux elfes de maison. Et Olivia, mais c'est différent.

- Tout ce monde pour toi ?!

- Et mon père.

- Deux personnes seulement… Dis, ça doit leur faire des vacances quand tu n'es pas là.

Elle rit.

- Je ne sais pas… je suis sûre qu'ils doivent s'ennuyer, se vexa-t-elle, ce qui fit rire William.

- Et dire que tu voulais m'embaucher comme assistant personnel, reprocha-t-il. Ça n'aurait pas été raisonnable.

- Peut-être pas, concéda-t-elle. Mais probablement très amusant de t'obliger à obéir à tous mes ordres.

Il fit une grimace peu convaincue, avant de s'adoucir et de lui lancer un regard enjôleur et joueur.

- Ça dépendrait lesquels surtout…

Rose pouffa malgré elle, les joues colorées.

- Arrête, chuchota-t-elle.

William tendit la main vers elle et attrapa ses doigts. Il soupira légèrement sans rien ajouter. Rose sourit et le taquina d'une voix douce :

- Ben alors, et ta sincérité alors ? Je croyais que tu me disais tout ce qui te passait par la tête ?

- Ah non, pas tout, sourit-il. Sinon tu voudrais m'étrangler, rappelle-toi. Je me disais juste… si j'étais ton petit ami, je pourrais m'asseoir près de toi et t'embrasser quand je veux. Maintenant, par exemple.

Rose rougit encore plus qu'avant. L'idée qu'ils s'embrassent lui plaisait bien.

- Will ! T'es là, je te cherchais !

Ils sursautèrent en même temps et William lâcha naturellement sa main pour se tourner vers Nassim.

- Oui ?

- J'ai besoin d'aide pour ce devoir, geignit dramatiquement leur ami.

Il se laissa tomber à côté de William et déplia son parchemin.

- Tu peux m'aider ? Je crois que tu l'as terminé ?

- Bien sûr, répondit-il posément après un rapide regard à Rose.

Toujours figée, penchée vers lui, elle sortit de sa torpeur. Elle rassembla ses affaires et se leva.

- Je vais… me coucher. À plus, conclut-elle en leur souriant.

Il lui fallut toute la force du monde pour rejoindre son dortoir et ne pas se précipiter dans les bras de William.

Quelques jours avant le match Serdaigle-Serpentard, Derek rentra plus tard que les autres de l'entrainement. Il entra dans la Salle Commune, hilare, suivi par une Rose à l'expression mi-agacée, mi-amusée par son ami.

- Vous devinerez jamais ce qui vient de se passer ! lança-t-il en s'effondrant sur un fauteuil.

- Quoi ? réagit Lisa, abandonnant son dictionnaire de Runes.

Rose ouvrit la bouche, mais Derek la coupa.

- Ah non, c'est moi qui dis !

Elle leva les mains en signe d'abandon et attrapa le journal qui trainait là, pour se donner une contenance.

- On a croisé… Taffin ! s'exclama-t-il triomphalement.

Les autres cinquièmes furent soudainement captivés par leur ami. Les garçons de sixième attendaient poliment la suite.

- Et alors, il t'a parlé ? demanda Mandy en se tournant vivement vers Rose.

- Oui, marmonna cette dernière.

- Il manque pas de culot ! lâcha Padma. Vu ce que tu lui as balancé l'an dernier…

- Et qu'est-ce qu'il a dit ? interrogea Terry, curieux.

Même Derek se tourna vers Rose. Sans baisser le nez de son journal, elle annonça calmement :

- Il m'a invitée à Pré-au-Lard pour la Saint Valentin.

Ses amis éclatèrent de rire, les sixièmes étaient toujours aussi perdus.

- Et euh… fit une voix, tu lui as répondu quoi ?

Les yeux de Rose apparurent enfin par-dessus les pages dépliées.

- J'ai dit non, que voulais-tu que je dise ?

- Je sais pas moi, ronchonna William en haussant les épaules.

Elle posa le journal sur ses genoux.

- Taffin est un Poufsouffle qui me poursuit depuis la deuxième année.

- Poursuit, poursuit… il est surtout persuadé d'être ton âme sœur, corrigea Michael sous les rires des autres.

- Bref. J'ai toujours refusé ses avances, parce qu'il ne m'intéresse pas le moins du monde, et ce n'est pas maintenant que je vais accepter. Je n'aurais jamais dû lui adresser la parole pendant un match de Quidditch, voilà mon erreur.

Elle tourna la page.

- Et puis, j'ai bien dit que je refuserais toute invitation à sortir pour la Saint Valentin, non ?

William ne répondit rien et croisa les bras, l'air boudeur. Le souvenir était encore frais dans sa mémoire et Rose ne put retenir un petit sourire moqueur, sans quitter son article des yeux.

.

- Dis Rose, je me demandais… tu fais quelque chose le 17 février ? demanda William, les mains dans les poches.

- Non, pourquoi ?

Il lui adressa un sourire désarmant.

- Ça te dirait qu'on aille à Pré-au-Lard tous les deux ?

Rose pencha un peu la tête sur le côté et lui renvoya son sourire.

- Non.

Il ouvrit bêtement la bouche, désarçonné par la réponse. Il tenta de parler, mais Rose le devança avant de changer d'avis.

- J'y ai bien réfléchi, tu sais. J'ai aussi l'intention de dire non à Blaise s'il voulait m'inviter à « aller à Pré-au-Lard » le week-end de la Saint Valentin.

Cette information sembla lui remonter le moral.

- Et pourquoi ?

- Ce ne serait pas juste envers l'un d'entre vous n'est-ce pas ? Ça pourrait même vouloir dire que j'ai choisi… Donc à la Saint Valentin, je ne sortirai avec personne. Peut-être avec Mandy, si elle veut bien.

Elle s'autorisa un nouveau sourire.

- Mais je ne pense pas que Mandy soit un problème pour toi.

Les lèvres de William s'étirèrent en un sourire faible malgré son évidente déception.

.

Elle perdit son sourire en regardant sans la voir la page du journal. Blaise ne lui avait rien demandé, lui. Ils s'étaient vus à de nombreuses reprises en cours, et la date de la prochaine sortie à Pré-au-Lard avait été publiée presque deux semaines auparavant. Elle se racla la gorge, se maudissant intérieurement. Après tout, elle avait l'intention de dire non, alors…

Tout de même. C'était une question de principe. Réprimant un soupir, elle passa la Gazette à Terry qui voulait la lire et salua tout le monde pour aller se coucher.

Au petit-déjeuner, elle eut la surprise de voir un hibou atterrir devant elle. Elle prit la missive et la déplia en souriant, reconnaissant l'écriture de l'expéditeur. Le mot était bref.

« Rose,

Ça te dit qu'on se voie ce soir ? 20 heures, lieu habituel ?

Fais-moi un signe à la table si tu peux.

B. »

Elle redressa la tête et le chercha des yeux, avant d'opiner rapidement, un petit sourire aux lèvres. Il lui lança son sourire spécial avant de se lever pour quitter la Grande Salle.

Les cours passèrent trop lentement au gout de Rose.

Lorsqu'elle quitta ses amis le soir pour aller naviguer dans les couloirs après un diner rapide, William fronça les sourcils en la voyant si insouciante de se promener dans le château à une heure pareille, mais il ne fit aucun commentaire. Peut-être que s'il avait su qu'elle allait retrouver Blaise, il aurait réagi…

Elle poussa la porte avec confiance et fut soulagée de le voir déjà là, assis sur un bureau comme à son habitude, la torche du fond allumée. Dès qu'elle entra, il se dirigea vers le vieux canapé après l'avoir saluée et ils s'y installèrent comme à leur habitude.

Rose attendit qu'il prenne la parole : il avait l'air d'avoir quelque chose à dire.

- Écoute, j'espère qu'il n'est pas trop tard. Je voulais te demander…

Il sembla hésiter, Rose attendit patiemment.

- Je voudrais te demander si tu serais d'accord pour passer la journée à Pré-au-Lard avec moi, à la prochaine sortie.

Elle ne put s'en empêcher et répliqua :

- Et pourquoi spécialement cette sortie ?

La question dérouta Blaise, qui chercha de nouveau ses mots.

- Parce que… c'est la Saint Valentin et… j'aimerais passer cette journée avec toi. Si tu es d'accord, bien évidemment, ajouta-t-il rapidement.

Rose ouvrit la bouche, et bien que son cerveau ait décidé de dire une chose, ses cordes vocales en décidèrent autrement.

- Je veux bien.

Se rendant compte de ce qu'elle venait d'annoncer, Rose ouvrit grand ses yeux et bafouilla à son tour.

- Euh, non, non, ce n'est pas ce que je voulais dire…

- Et tu voulais dire ? encouragea Blaise, dont la voix était un peu dépitée.

- Je voulais te dire que j'aurais bien aimé, mais j'ai déjà promis à Mandy de passer cette journée avec elle, prononça-t-elle d'une traite sans reprendre sa respiration.

Mais quelle nouille !

Elle s'était pourtant promis de refuser, que ce soit William ou Blaise ! Alors qu'est-ce qui lui avait pris de dire non à William, et de maintenant dire oui à Blaise ?! Quel lapsus idiot. Heureusement que Mandy lui sauvait la mise, sans le savoir. Elle se promit de passer la journée avec elle si son amie était disponible.

Toute à sa réflexion intérieure, elle n'entendit pas ce que Blaise lui disait. Elle se redressa vivement et reprit conscience qu'un humain se trouvait en face d'elle.

- Excuse-moi, tu disais ?

- Je disais, répéta-t-il, que finalement j'étais bel et bien arrivé trop tard. Mais en fait, je suis rassuré, parce que je craignais que tu me dises que tu passerais la journée avec Van Alten.

Elle ouvrit la bouche pour la refermer aussitôt et se contenta de lui adresser un sourire. Elle reprit le cours de ses pensées et se dit qu'elle ne pouvait décemment pas lui avouer que William lui avait demandé de l'accompagner pour la Saint Valentin et qu'elle avait refusé. Ça reviendrait à annoncer qu'elle avait fait un choix, et que ce soir, ce choix était Blaise. Or… elle n'avait pris aucune décision.

- Tu as l'air ailleurs ce soir, nota Blaise. Quelque chose ne va pas ?

- Non, non, tout va très bien. Peut-être que je suis juste un peu fatiguée.

Il lui lança un sourire amical et changea de position sur le canapé. Ses yeux noirs étaient rivés sur elle, semblant ne jamais la quitter. C'était un détail dont Rose s'était aperçue maintenant qu'une torche illuminait leurs rencontres. Ils ne s'étaient revus en privé qu'une fois depuis la rentrée, et Rose avait réussi le tour de force de garder la soirée platonique, malgré son envie constante de se blottir dans ses bras. Elle allait amorcer un mouvement, mais s'interrompit lorsque sa conscience lui souffla que ce n'était pas la meilleure chose à faire. Blaise le remarqua et fronça les sourcils.

- Tu es sûre que tout va bien ? Tu ne tiens pas en place.

- Je ne peux pas m'empêcher de surveiller les bruits dans le couloir, improvisa-t-elle. J'ai tellement peur que quelqu'un nous surprenne…

- C'est vrai, je n'y pensais même plus… j'ai tellement l'impression d'être dans une bulle ici que j'en oublie le monde extérieur…

Tout en disant cela, il s'était rapproché d'elle. Sa main se tendit et lui effleura l'avant-bras. Les yeux de Rose s'écarquillèrent, mais elle ne fit pas un geste pour l'arrêter, par manque de volonté. Son regard était posé sur le pouce de Blaise qui caressait sa peau. Il pressa doucement son poignet.

- Regarde-moi, murmura-t-il.

C'était la dernière chose à faire, elle en était bien consciente. Le regarder, ça voulait dire plonger dans ses yeux envoutants, s'y perdre, ne plus avoir de contrôle d'elle-même, et surtout, ça voulait dire qu'elle serait à sa merci. La pression sur son bras s'intensifia. Elle craqua. Ses iris verts rencontrèrent les iris noirs. Blaise ne put retenir un sourire : il avait gagné. Le seul fait que leurs regards se croisent et se soutiennent, ici, dans leur salle, leur fit perdre l'usage de la parole. Rose s'aperçut même qu'elle avait la bouche ouverte. La main de Blaise quitta son bras pour venir se poser sur sa joue. Il lui sourit de nouveau, avança son visage vers le sien.

Une petite voix en Rose cria « non, arrête ! », mais elle était incapable de l'écouter, et bientôt, elle posa ses lèvres contre celles de Blaise. Il glissa une main derrière sa nuque pour la garder près de lui, elle enroula les siennes autour de son cou, ses doigts se perdant dans le col de sa chemise. Blaise entrouvrit la bouche et enlaça Rose, serrant son corps contre le sien. Elle répondit avec ferveur et pointa le bout de sa langue contre celle de Blaise. Leur baiser s'intensifia, leurs corps se pressèrent, leurs doigts s'entremêlèrent.

Lorsqu'ils se séparèrent, Rose était complètement décoiffée, la chemise de Blaise était froissée. Il la lissa patiemment alors qu'elle ouvrait la bouche, un peu affolée. Il leva les mains et la devança :

- Je sais. Ça ne veut rien dire, tu n'as pas fait de choix.

Le regard vert se calma et elle hocha lentement la tête. Blaise garda malgré tout un petit air victorieux sur le visage. Cela fit faire la moue à Rose qui ne savait pas vraiment si cela l'agaçait ou l'amusait. Elle finit par déclarer doucement :

- Je crois qu'il se fait tard. Nous devrions rentrer dans nos dortoirs.

Il confirma d'un signe de tête et ils se levèrent. À mi-chemin de la porte, Blaise passa sa main autour de sa taille et lui vola encore un baiser, ce qui les ralentit considérablement dans leur projet de se quitter. Elle sourit quand il la lâcha mais ne fit aucun commentaire, rejoignant la porte avant lui. Ils s'embrassèrent une dernière fois avant de partir chacun de leur côté.

Un point pour Blaise ! fanfaronna une voix dans sa tête.

- Oh, tais-toi, marmonna Rose, les joues brulantes.

La première rencontre de l'année de l'Armée de Dumbledore, qui eut lieu la semaine après la défaite de Serdaigle contre Serpentard au dernier match, s'avéra difficile pour tout le monde, et tous ou presque en étaient sortis avec de légères blessures, écrasés par la fatigue. Les Serdaigles s'étaient déjà avachis dans des sièges de la salle commune en rang serré. Ils attendaient le retour de Derek et Rose qui étaient partis de la Salle sur Demande en dernier. Lorsqu'ils firent leur entrée, il parut évident que Rose n'était pas parvenue à se calmer. Elle était en effet d'une humeur massacrante depuis le cours de Botanique pendant lequel elle s'était chamaillée avec Blaise pendant deux heures d'affilée. Elle avait dû annuler un rendez-vous avec lui à la dernière minute, car Potter avait convoqué l'A.D. le matin pour le soir. Blaise s'était vexé et ne semblait pas accepter qu'elle puisse annuler. Rose avait senti que son explication ne lui convenait pas, mais elle n'allait certainement pas lui raconter ce qu'elle allait vraiment faire ce soir-là. Il paraissait à deux doigts de lui faire une scène, ou une crise de jalousie, elle ne savait pas trop, et le ton était monté. Même Madame Chourave avait dû les réprimander pour qu'ils fassent moins de bruit.

Rose avait senti dès le début de sa dispute avec Blaise que le félin en elle avait très, très envie de faire une apparition. Elle avait lutté toute la journée contre lui, sentant leurs deux cœurs battre à l'unisson, consciente que ce n'était pas une situation normale maintenant qu'elle était une Animagus à part entière. Sa mauvaise humeur avait persisté, elle avait à peine parlé de la journée, trop concentrée sur son double animal. Les difficultés du soir à la réunion ne l'avaient évidemment pas détendue et elle marchait derrière Derek, le visage fermé, le dos très droit, le bras rigide crispé sur sa baguette. Elle avait une entaille sur la joue et ses cheveux partaient dans tous les sens. Elle avait tenté de les discipliner, mais ça avait été peine perdue.

Derek avisa leurs amis, jetant un œil à Mandy qui saignait du nez et Michael qui affichait un bel œil au beurre noir qui changeait déjà de couleur. Anthony se tenait le bras tout en cherchant de l'aide dans « Indispositions et affections magiques les plus communes ». Les quatre sixièmes étaient autour d'eux et tentaient de les aider du mieux qu'ils le pouvaient, l'air un peu inquiet.

- Vous voilà ! s'exclama Idriss en tournant la tête vers les deux derniers arrivants.

Derek rejoignit Terry, pendant que Rose restait debout, un peu à distance, le temps de voir que tout le monde allait à peu près bien. Elle venait de dire à Derek qu'elle comptait monter dans la chambre sans plus attendre pour rester au calme et répondre à son instinct animal qui l'appelait depuis le matin, et ne pensait plus qu'à ça. Elle mit donc quelques secondes à se rendre compte que quelqu'un se tenait devant elle.

- Toi aussi tu es blessée, murmura William, soucieux.

Toujours enfermée dans sa colère et sa bataille interne, le cœur de la panthère battant presque plus fort que le sien, elle lui jeta à peine un regard. Il leva la main comme pour toucher sa joue qui saignait, mais Rose détourna rapidement la tête avec un tic agacé. William laissa retomber sa main.

- Pardon, fit-il toujours sur le même ton. Rose, regarde-moi…

Elle planta ses yeux dans les siens, et son irritation fut plus claire que jamais lorsque quelques étincelles noires fusèrent du bout de sa baguette. Il fronça les sourcils, mais ne se laissa pas démonter pour autant.

- Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais je n'y suis pour rien, rappela-t-il gentiment.

Réalisant tout à coup qui était devant elle, Rose réussit à ranger sa baguette au fond de sa poche et ses yeux s'adoucirent.

- Laisse-moi t'aider, continua-t-il avec délicatesse.

Soudainement l'idée qu'il puisse approcher sa joue et donc sa cicatrice parut insupportable à Rose, et elle arrêta à temps un geste pour le repousser violemment. À la place, elle détourna encore le regard et secoua légèrement la tête. Elle parvint à lâcher d'une voix rauque et inégale :

- Je monte.

Elle n'avait pas fait trois pas qu'un bras l'entoura et la cloua sur place. William manœuvra pour maintenir Rose contre lui, son torse contre le dos raide de son amie, bloquant ses bras sous les siens. Il ne forçait presque pas, et Rose ne lui opposa aucune résistance, trop concentrée sur son esprit.

- Tu luttes ? chuchota-t-il.

Elle eut un petit hochement de tête et ne songea pas un instant à essayer de s'échapper.

- Lutte avec moi alors.

Il se tut quelques instants. Sa respiration contre le cou de Rose commençait déjà à l'apaiser.

- Tu n'as pas besoin d'être seule pour faire ça, affirma-t-il, toujours de sa voix basse et douce.

Le battement du cœur félin résonnait de moins en moins en elle.

- Tu n'es pas seule, ma Rose, poursuivit-il.

Elle posa ses mains sur les bras qui la tenaient et ferma les yeux. Ils inspirèrent profondément ensemble, William l'imitant par automatisme. Son souffle chaud provoqua des frissons à Rose, qui sentit ses poils se dresser de son cou et sa nuque jusque dans ses doigts. Il interpréta mal cette réaction et resserra ses bras autour d'elle, comme pour l'empêcher de se transformer.

- Reste avec moi.

Son murmure écrasa définitivement le cœur de la panthère, qui disparut. Rose put enfin respirer normalement. Elle laissa aller sa tête et la posa contre l'épaule de William.

- Merci.

- C'est fini ? demanda-t-il doucement.

- Oui. Elle est partie.

- C'est bien.

Il ne desserra pas son emprise pour autant et garda encore Rose contre lui. Elle passa ses ongles sur la peau de ses bras, signalant qu'il pouvait la relâcher.

- On sait jamais, fit-il. C'est par précaution.

Elle sentit le sourire dans sa voix et ses lèvres s'étirèrent.

- Et tu n'en profites pas du tout ?

- Je suis choqué par cette insinuation.

Rose rit et elle sentit William faire la même chose.

- Toi non plus bien sûr ?

- Je dois admettre que si.

Enhardi par l'aveu de Rose, il posa un bref baiser dans son cou. Elle ouvrit grand ses yeux sans rien dire. Et ses cordes vocales la trahirent une nouvelle fois.

- Encore, s'entendit-elle susurrer.

Il s'exécuta en souriant et ses lèvres touchèrent son cou plus longuement.

« Garder mes relations avec eux platoniques », la belle résolution… qui aura tenu environ trois secondes et demie, se reprocha-t-elle mentalement.

Un soupir lui échappa.

- Qu'est-ce qui s'est passé alors ? demanda William.

- On s'est entrainés dans une salle vide aux sortilèges des BUSE. Ça a un peu dégénéré et on n'a pas été très prudents.

- Et le fauve ?

Elle haussa les épaules.

- Je sais pas, j'étais en colère toute la journée…

- Pourquoi ? souffla-t-il.

Elle eut beau réfléchir, elle avait soudainement un trou de mémoire.

- Je… ben je ne me souviens pas.

Il sourit.

- Tu as clairement reçu un coup terrible à la tête, conclut-il.

- Probablement, reconnut-elle en riant.

- Je vois qu'on a pas le choix… je vais encore devoir te soigner…

Elle haussa un sourcil alors qu'il la lâchait et lui faisait face.

- Ce qui portera notre score à deux contre un, déclara-t-il. Donc je compte sur toi au prochain entrainement de Quidditch trop rude.

Rose leva les yeux au ciel alors qu'il l'entrainait vers le canapé désormais vide.

- Où sont les autres ?

- Partis dans les dortoirs pendant qu'on mettait le fauve en cage, résuma William.

Il s'assit à côté d'elle, du côté où sa joue était coupée. Il entreprit de désinfecter avec ce qu'avait laissé les autres sur la table basse, essuyant le visage de Rose avec prudence.

- Elle va pas te mordre, tu sais, dit-elle, un peu raidie.

- Qui ça ?

- Ma cicatrice. Tu n'es pas obligé de l'éviter.

Il s'éloigna un peu, son coton à la main, l'air surpris. Il sembla lire quelque chose en Rose car il prit une attitude calme.

- Je n'évite pas du tout ta cicatrice. J'y vais en douceur parce que j'ai peur de te faire mal.

Elle lui adressa un sourire un peu coupable et détendit ses muscles.

- Désolée…

William haussa les épaules, pas rancunier.

- Voilà, annonça-t-il. Pour la commotion cérébrale, je peux pas faire grand-chose malheureusement. C'est en dehors de mes compétences.

Rose rit et le regarda.

- Tu auras fait ton maximum, assura-t-elle en posant sa main sur son bras.

- C'est l'intention qui compte, c'est ça ? railla-t-il, déclenchant un nouveau rire.

Il la considéra un instant supplémentaire.

- J'aime quand tu ris, annonça-t-il brusquement. Surtout quand c'est grâce à moi.

Elle reprit une expression sérieuse et le regarda à son tour.

- J'ai l'impression de gagner plein de points quand tu ris, finit-il, l'air joueur.

Rose pencha la tête sur le côté sans répondre et sourit, encore. Elle sut ce qui allait se passer et ne fit absolument rien pour l'empêcher. William se pencha vers elle et saisit doucement ses lèvres entre les siennes. Il l'embrassa avec sa délicatesse habituelle pendant qu'elle répondait volontiers au baiser, lovant ses mains autour de ses épaules. Les mains de William se pressèrent dans le bas de son dos, la rapprochant de lui. Il s'adossa au canapé et Rose le suivit pour ne pas rompre le contact. Elle pivota et passa inconsciemment la jambe au-dessus des cuisses de William pour se positionner à califourchon sur lui et colla sa poitrine à son torse. Leurs langues jouaient déjà ensemble, il la mordilla, arrachant un soupir à Rose. Les mains de William glissèrent de son dos à sa taille, et l'une d'elle dévala plus bas, le long de sa jambe. Les doigts de Rose étaient enroulés autour des biceps de William et ses ongles se plantèrent involontairement dans sa peau quand la grande main se retrouva à caresser sa cuisse jusqu'au genou, avant de remonter lentement, disparaissant sous sa jupe. Décollant leurs bustes, Rose coula ses doigts le long du pull et manœuvra pour se glisser dessous, froissant la chemise et touchant la peau chaude de William. Ils remontèrent de plusieurs centimètres, touchant le ventre puis les côtes de William qui poussa un soupir à son tour. Rose lâcha sa bouche pour lui mordiller les lèvres et déposa des baisers le long de sa mâchoire, descendit dans son cou et embrassa. Elle ne résista pas à l'envie de le mordiller là aussi, soutirant un léger grognement à William. Elle retourna contre ses lèvres et ils s'embrassèrent encore. Une main de William était logée sous sa jupe, l'autre était parvenue à pousser les tissus et caressait la peau de Rose, sur le ventre et le dos. Il l'attira contre lui pour plaquer de nouveau leurs corps, l'estimant trop loin. Elle eut un faible gémissement qui le fit sourire. Il alla poser de nouveaux baisers sur son cou et suivit sans y prêter attention la chaine dorée qui pendait au cou de Rose. Il atteignit presque le pendentif pendant que Rose le griffait légèrement sous ses vêtements, mais ouvrit brutalement les yeux et se rappela où ils se trouvaient et ce qu'il s'apprêtait à faire. Rose l'imita mais gardait les yeux posés sur le ventre mis à nu de William. Elle en observait chaque détail, complètement ailleurs.

- Rose, appela-t-il d'une voix délibérément basse.

Elle s'arracha à sa contemplation et le regarda avec intensité, les yeux voilés. Il faillit en oublier sa bonne résolution.

- Il faut qu'on s'arrête, continua-t-il.

- Pourquoi ?

Il rit doucement.

- Parce qu'on est en public, rappela-t-il. Et que je suis à deux doigts de t'arracher tes vêtements.

Elle rougit vivement et un mouvement dans son ventre l'informa qu'elle était parfaitement d'accord avec cette idée. Il retira ses mains de son corps et rabattit son pull et sa jupe correctement. Comme elle ne bougeait pas, il enleva aussi les mains de Rose de son torse et remit ses vêtements en place. Enfin, il la souleva comme il le faisait parfois et la déposa à côté de lui, lui adressant un sourire séducteur.

- Désolé, souffla-t-il finalement. On aurait dû s'arrêter avant.

Elle croisa les bras et fixa ses genoux.

- Pourquoi tu es toujours désolé ? marmonna-t-elle. Tu regrettes ?

- Oh non, rétorqua-t-il aussitôt, arrachant un sourire à Rose. Jamais. C'est juste que… je m'en veux toujours un peu quand je m'emporte trop. J'ai l'impression d'abuser de toi.

Elle écarquilla les yeux, le regardant enfin.

- Moi aussi je perds le contrôle, fit-elle pour toute réponse.

Il lui sourit.

- Tu es vexée ?

- Je sais pas, grommela-t-elle encore.

- J'étais sur le point de te mettre toute nue, redit-il crûment, ce qui la fit rougir de nouveau. Pas de quoi être vexée…

Rose finit par lui sourire, un peu embarrassée.

- Même, tu devrais me remercier d'être revenu à la raison avant que je le fasse en public, dans la Salle Commune.

Elle sourit et se retint de lui demander si la prochaine fois, ils pourraient aller dans sa chambre directement. Ce n'était pas très subtil, n'est-ce pas ?

Il lui pressa le genou.

- Bon, d'après mon expertise, je pense que tu as un sévère traumatisme crânien. Sinon tu m'aurais repoussé avant pour préserver ta pureté de mineure.

Rose rit franchement et il l'imita.

- Merci, dit-elle.

- Merci ?!

Il eut l'air indigné.

- Mais… c'est pire que ton truc de « c'est l'intention qui compte », ça !

Elle éclata de rire.

- Mais non… merci de me rassurer, c'est tout.

Il sourit et se pencha un peu vers elle.

- Bon, on se tient bien hein ? Même, regarde, je te touche pas, fit-il en plaçant ses bras derrière son dos.

- Et le projet, c'est ?

- Un baiser avant d'aller nous coucher ?

Elle réprima un sourire et le força à ramener ses mains vers l'avant, en plaça une sur sa taille et l'autre contre sa joue. Elle mit ses propres mains contre le cou de William.

- Là, c'est bon. Ne bouge pas les mains maintenant, souffla-t-elle, très concentrée.

- Promis.

Et leurs lèvres se scellèrent encore une fois. Ils tirent promesse et leurs mains restèrent en place, même si leurs doigts caressaient l'autre en douceur. La langue de William s'enroula avec celle de Rose quelques secondes, puis disparut. Un dernier baiser et ils se séparèrent, les yeux brillants.

- On a réussi, murmura Rose.

- C'était une terrible épreuve, commenta William. Très frustrant.

Ils rirent doucement, puis il l'aida à se relever. Ils se quittèrent en bas des escaliers des filles. William détacha ses yeux de Rose seulement au moment où elle poussa la porte de sa chambre après un dernier signe de la main.

Une fois à l'intérieur, Rose fut surprise de voir que ses amies étaient parfaitement réveillées. Elle regarda Mandy.

- Ça va ton nez ?

- Impeccable. Anthony a trouvé une solution dans son bouquin.

- Quelle soirée, marmonna Rose en s'asseyant sur son lit.

- Absolument, confirma Lisa sans la quitter des yeux.

Rose finit par lever les yeux au ciel en les voyant toutes les trois avides de détails.

- Non, non, non, protesta-t-elle.

- Allez… pressa Padma. Tu es consciente que tu es toute débraillée ?

Elle grogna pour toute réponse en remettant ses vêtements un peu plus en place.

- Il m'a aidée avec ma plaie, c'est tout, minimisa-t-elle.

Ce fut au tour de Mandy de lever les yeux au ciel.

- Mais bien sûr ! Et moi je suis pote avec Ombrage ! s'exclama-t-elle, faisant rire les autres.

- Je t'assure que c'est vrai, il m'a soignée.

- Et ?

- Et on s'est embrassés sur le canapé, voilà, pas de quoi en faire une histoire, débita-t-elle sans reprendre son souffle.

Ses amies eurent l'air ravi.

- Ça faisait longtemps depuis la dernière fois ! commenta Lisa. Pourtant il n'attendait que ça.

- N'importe quoi, dit Rose en toute mauvaise foi.

- La façon dont il te regarde, crois-moi, personne n'est dupe, affirma Mandy. Même le chapeau à tête de lion de Lovegood est plus discret.

- Comment il a fait pour t'aider à…

- Mater le fauve ? proposa Padma, les faisant rire de nouveau.

Rose haussa les épaules.

- Je sais pas, il… était là, c'est tout.

Mandy lui lança un regard lourd de sens mais ne fit pas d'autre commentaire. Pourtant elle articula silencieusement et clairement : « le prince charmant » aux deux autres, ce que Rose ne vit pas, occupée à enlever son pull avant d'aller se doucher.

Rose passa la fin du mois et le début de février à esquiver William comme Blaise, utilisant ses bonnes vieilles excuses du semestre dernier : les devoirs. Mais eux-mêmes ne trouvaient rien à y redire car ils croulaient sous le travail scolaire et les entrainements de Quidditch.

Ça n'empêchait pas de William de passer ses repas à proximité de Rose, à flirter avec elle, à lui lancer des regards brulants dès que personne ne les voyait, auxquels elle répondait de la même manière. Pour ensuite culpabiliser de les balader, lui et Blaise, dans son indécision.

Blaise était tout aussi patient, et ils s'envoyaient des lettres plusieurs fois par semaine, pour compenser leurs rendez-vous du soir qu'ils n'arrivaient plus à mettre en place pour le moment. Ils s'étaient réconciliés en Astronomie, cachés derrière un télescope, échangeant un baiser rapide – et nécessaire, d'après Blaise, ce qui les avait beaucoup fait rire.

Un mercredi matin, elle reçut un court message de sa part.

« Rose,

Je dois terminer une dissertation sur le Sortilège de Désillusion et j'ai bien peur de ne pas m'en sortir tout seul. Il me faut l'aide d'une experte ! Serais-tu disponible pour une session devoirs – oui, oui, devoirs – à la Bibliothèque samedi matin, vers dix heures ?

Je te serai redevable, bien sûr, pour un coup de main en Botanique, par exemple…

B. »

La Serdaigle eut un sourire béat (« benêt », dit Derek) en terminant sa lecture. Elle rédigea rapidement une réponse, installée entre sa tasse et l'assiette de Derek, et fila la confier à un hibou avant le début des cours.

Rose était ravie de passer ce samedi avec Blaise. Elle ne l'avait pas revu en tête-à-tête depuis leur dernière entrevue dans leur salle et le peu qu'ils se voyaient en cours ne lui suffisait pas.

Samedi matin donc, Rose quitta ses amis après le petit-déjeuner, et ne vit pas la tape amicale que Nassim adressa à William alors qu'elle sortait de la Grande Salle. Son départ n'avait pas échappé au sixième année, qui se convainquit du pire, l'imaginant en compagnie de Zabini dans un sombre recoin du château, occupée à faire des choses qu'il aurait préféré ne pas pouvoir visualiser. Il disparut rapidement des parages et ses amis ne le revirent pas de la journée.

Rose, elle, rejoignait Blaise déjà installé à une table d'une section reculée. Il pointa avec humour le signe « Section Magizoologie » pour faire rire Rose, ce qui fonctionna.

- J'ai choisi une section qui te correspond, dit-il en souriant.

Elle s'installa près de lui et sortit ses affaires, dont sa dissertation terminée sur le Sortilège de Désillusion.

- Tiens, ma dissert. Tu peux t'inspirer mais pas copier ! prévint-elle.

- Oui Madame Serdaigle, confirma Blaise. Merci.

Il lut le document pendant qu'elle se penchait sur une traduction de Runes anciennes. Du coin de l'œil, elle le vit prendre des notes à partir de son parchemin et du manuel de Sortilèges qu'il avait ouvert entre eux. Après l'avoir observé quelques instants, elle se concentra sur son passionnant texte sur le commerce des piquants de Noueux au 14ème siècle, à l'aide de son Syllabaire Lunerousse. Le silence régna un long moment, Rose et Blaise étant absorbés par leurs devoirs. Cela n'empêchait pas leurs coudes de se toucher et leurs bras de se frôler, mais ils s'en contentaient. Blaise chuchota :

- Tu peux m'expliquer cette partie, là ?

Il pointait un paragraphe du manuel, sur lequel Rose se pencha, les sourcils froncés. Elle le lut en diagonale et chuchota à son tour sa réponse, pointant à divers endroits du livre et de sa dissertation. Blaise hocha la tête et lui pressa machinalement la main.

- Merci.

Elle lui sourit et retourna à son dictionnaire. Cette traduction, en plus d'être particulièrement ennuyeuse, était interminable. Elle finit par pousser un soupir de frustration. Blaise lui jeta un regard amusé mais ne fit pas tout de suite de commentaire. Il trempa sa plume dans l'encre et commença à rédiger sa dissertation.

- Traduction nulle ? finit-il par demander.

- Absolument nulle, confirma-t-elle. Mais j'ai presque terminé mon premier brouillon.

- Tu en fais plusieurs ?

- Quand c'est inintéressant comme ça, oui, je préfère… ça me permet d'éliminer des erreurs. Ça va toi ?

- Oui, mieux maintenant, j'ai compris le principe je pense.

Ils se sourirent et ils retournèrent à leurs parchemins. Rose se frotta les yeux une fois le premier jet de sa traduction terminé. Elle voulait juste vérifier…

Elle tourna la tête autour d'elle, cherchant son dictionnaire. Elle était pourtant sûre de l'avoir laissé juste là… Perplexe, elle se tourna vers Blaise pour lui demander s'il ne l'avait pas vu, mais referma la bouche en le voyant, la baguette sortie et un air bien trop satisfait sur le visage.

- Blaise, est-ce que tu as vu mon Syllabaire par hasard ? demanda-t-elle, pas dupe.

- Pas du tout.

- Très bien. Alors, ça avance ton devoir ? Tu ne voudrais pas… pratiquer pour être sûr d'avoir bien compris ?

- Ah tiens, c'est une bonne idée.

Il prétendit se concentrer sur son encrier mais jeta un regard amusé à Rose, qui venait de sortir sa baguette à son tour. Elle lui sourit et regarda le beau parchemin de Blaise.

- Colovaria, dit-elle à voix basse.

L'encre devint rose vif.

- Hé !

Elle pouffa et enchaina :

- Dis-moi où est le dictionnaire et je rends son noir à ta dissert.

Il soupira et abdiqua, indiquant l'autre bout de la table.

- Non mais vraiment, ronchonna Rose. Finite Incantatem.

Le Syllabus refit son apparition et Rose s'en saisit, avant de se tourner vers Blaise, la baguette levée.

- Doucement tigresse, plaisanta-t-il. Ne m'attaque pas.

Elle leva les yeux au ciel et pointa le parchemin, retournant l'encre à sa couleur originelle.

- Nous pouvons en conclure que tu as parfaitement compris le concept du Sortilège de Désillusion.

Il lui sourit et lui caressa la main.

- Merci pour ton aide, vraiment. J'étais un peu perdu avec ce sortilège.

- Je t'en prie, souffla-t-elle, son regard plongé dans le sien.

Blaise jeta un regard rapide autour d'eux. Personne, à première vue. C'était trop tentant. Il se pencha vers Rose et planta un rapide baiser sur ses lèvres.

Attirés l'un vers l'autre comme des aimants, ils lièrent leurs doigts et rapprochèrent leurs corps, se décalant sur leurs sièges.

- Ce ne serait vraiment pas raisonnable, murmura Rose.

- Absolument pas, accorda Blaise.

Ils s'embrassèrent de nouveau, souriant en même temps. Il n'y avait pas un bruit dans la Bibliothèque et ils restèrent aussi silencieux que possible pendant que leurs langues se liaient et se déliaient. Les mains de Rose baladèrent sur les bras de Blaise, qui la tenait derrière la nuque, résistant à l'envie de plaquer la jeune fille contre lui. Lorsqu'ils s'éloignèrent l'un de l'autre, ils restèrent assez proches pour s'observer sans rien voir d'autre autour d'eux. Rose lui fit un petit sourire auquel Blaise répondit par un énième bref baiser, avant de la relâcher complètement. Ils reprirent leurs places initiales et se sourirent avant de reprendre leurs plumes. La tête ailleurs, Rose eut bien du mal à continuer sa traduction. Elle caressait par réflexe les doigts de Blaise dès qu'ils étaient à portée de sa main. Elle finit par soupirer et grogner qu'elle n'arrivait plus du tout à se concentrer. Blaise sourit.

- Pourquoi ?

- Déjà, parce que tu es là, et que…

Elle rougit un peu et ne termina pas sa phrase.

- Et aussi, j'ai faim.

Il se mit à rire, puis regarda sa montre.

- C'est normal, il est presque treize heures. J'avoue que moi aussi, j'ai faim. Je te propose qu'on arrête pour aujourd'hui ?

- D'accord. On a déjà bien avancé, non ?

- Oui, confirma-t-il, et elle sut qu'il ne mentionnait pas leurs devoirs.

Rose eut un petit sourire. Ils rangèrent leurs affaires rapidement et une fois debout, Blaise glissa sa main dans les cheveux de Rose. Elle le regarda et ils se contemplèrent un bref instant, silencieux.

- J'y vais, susurra-t-il.

Elle pressa son poignet et il comprit. Il se pencha et lui vola un baiser, puis deux. Et il attrapa son sac et quitta la Bibliothèque, un sourire aux lèvres.

Rose se racla la gorge, rassembla ses cheveux décoiffés en un chignon approximatif et lâche avant de prendre ses affaires et rejoindre ses amis à la Grande Salle pour le déjeuner.

La semaine qui suivit fut tout aussi fatigante que les précédentes, apportant son lot de nouveaux devoirs, amenés par leurs professeurs qui ne semblaient pas s'en lasser. Les cinquièmes étaient contents de leurs dernières sessions avec l'A.D., car ils avaient fait énormément de progrès avec le Charme du Bouclier. Le 14 février, ils croisèrent un nombre incalculable de couples qui se dissimulaient ici et là dans les recoins du château, ou de filles gloussant dès qu'elles croisaient leurs homologues masculins, et des garçons qui regardaient la gent féminine avec un intérêt non dissimulé. Cela fit beaucoup soupirer Mandy, envieuse. Les soupirs d'Anthony eux, étaient par pur agacement car cela lui donnait deux fois plus de travail que d'ordinaire. Lui et Padma s'étaient donné pour mission de protéger autant d'étudiants qu'ils le pouvaient des foudres d'Ombrage, qui tombaient assez facilement pour un peu tout et n'importe quoi.

Une personne très téméraire avait envoyé une carte de Saint Valentin à Anthony, ce que tout le monde découvrit au petit-déjeuner. Le grand brun ne savait pas quoi en faire et il n'osait pas regarder Lisa. Il avait posé l'enveloppe, toujours fermée, sur la table. Mandy, Rose et Padma avaient un fou rire persistant et ne parvenaient plus à aligner trois mots d'affilée.

- Tu ne l'ouvres pas ? demanda Michael, se retenant de rire.

- Euh ben, je…

- Mais si, vas-y, ouvre-la, encouragea Lisa d'une voix sèche. N'hésite pas à répondre, bien sûr.

Anthony déglutit et personne n'osa le regarder, de peur d'éclater de rire. Sa petite amie avait les bras croisés et fixait l'enveloppe d'un air mauvais. Un coup de pied de la part de Derek sortit le Préfet de son inertie.

- Non, ça ne m'intéresse pas, finit-il par affirmer, osant enfin regarder Lisa.

Cette dernière se détendit et décroisa les bras.

- Bonne réponse, murmura Nassim si bas que personne sauf Rose et Mandy n'entendit.

Le fou rire des filles reprit instantanément.

Anthony prit la main de Lisa dans la sienne, sur la table et lui fit un sourire.

- Seulement toi, susurra-t-il.

Cela eut le don d'attendrir l'intégralité de leur tablée et Mandy poussa un nouveau soupir d'envie.

- Bon… ben moi j'ai envie de savoir qui c'est, déclara Rose, saisissant rapidement la carte entre ses doigts.

Anthony sembla sur le point de protester mais abandonna puisque tout le monde paraissait être du même avis. Rose eut un petit sourire satisfait et ouvrit l'enveloppe. La carte à l'intérieur affichait un énorme cœur rose et les sourires devinrent railleurs alors qu'elle lut à voix haute :

- « Cela fait des mois que je t'observe sans mot dire,

Mais aujourd'hui, je prends mon courage à deux mains

Car je te désire en tant que mon Valentin.

J'attends ta réponse pour échanger nos soupirs.

Megan J. »

Rose releva les yeux, partagée entre le rire et le choc. Les autres la regardaient, dans le même état d'esprit, tandis qu'Anthony et Lisa étaient tous les deux rouges, l'un de gêne, l'autre de colère.

- Megan J… fit Padma. C'est qui ?

- Ah, mais c'est pas Megan Jones ? demanda Terry en se tournant vers Michael. C'est avec elle que tu es allée au bal l'an dernier non ?

L'intéressé eut un ricanement peu flatteur.

- Oui, c'était avec elle.

- Et tu ricanes parce que ? demanda Idriss.

- Disons que… c'est une fille qui n'a pas froid aux yeux quoi… et qu'on est nombreux à le savoir…

Lisa eut un petit cri outré alors que les autres recommençaient à rire.

- Cette petite… commença-t-elle.

Anthony la regarda de nouveau avec affection, ce qui la coupa dans son élan. Elle lui sourit et secoua la main.

- Peu importe. Personne d'autre n'a reçu de carte ?

Ils secouèrent tous la tête négativement.

- Même pas un chocolat ! se plaignit Padma.

- Et ça… c'est moche, renchérit Mandy.

Rose leur sourit et tourna les yeux vers William machinalement. Il était assis loin d'elle et était bien silencieux ce matin. Elle articula un silencieux « ça va ? », auquel il répondit par un hochement de tête avec un sourire. Mais ce n'était pas le sourire charmeur « spécial Rose », c'était le sourire charmeur « générique », elle s'en rendit bien compte. Elle s'abstint de tout commentaire et lui sourit encore une fois. Il paraissait un peu absent, et elle décida de le laisser en paix. Après tout, elle aussi avait des moments où elle avait besoin d'être tranquille.

Comme elle l'avait promis, Rose passa la sortie « Saint Valentin » à Pré-au-Lard avec Mandy et Padma. Elles parlèrent de tout, se baladèrent dans le village et passèrent un temps considérable chez Gaichiffon, à essayer des vêtements pour « leur rendez-vous amoureux parfait », le jour où elles en auraient un. Elles rirent beaucoup et firent quelques achats, avant de rentrer au château alors que le jour disparaissait. Les joueurs de Quidditch, embarqués par Roger pour un entrainement tardif, n'étaient pas encore rentrés. Le capitaine s'était décidé à la dernière minute après avoir vu les Gryffondors pratiquer toute la journée. Il avait pris leur place une fois qu'ils eurent libéré le terrain.

Le reste des Serdaigles était dans la Salle Commune, à lire et jouer aux cartes, trop fatigués pour se lancer maintenant dans leurs devoirs, attendant le retour de leurs amis pour aller diner. Même s'ils n'avaient pas très faim, car Nassim avait rapporté du chocolat de chez Honeydukes, le présentant avec un sourire à Mandy et Padma qui en avaient réclamé le 14 février. Ils avaient eu la bonté d'en laisser de côté pour les autres, mais Mandy louchait si sévèrement dessus que Terry intervint.

- Non non, on a dit qu'on en gardait pour les joueurs !

- Oui, je sais, râla Mandy. Enlève-moi ça des yeux, pitié.

- Excusez-moi ? fit une petite voix près d'eux.

Ils se retournèrent sur deux élèves, de deuxième année peut-être, qui avaient les joues rouges et le souffle court. Ils regardaient Anthony et Padma à tour de rôle.

- On vient vous prévenir, parce qu'il y a des Serdaigles qui sont en train de se battre, leur apprit l'un d'eux.

Anthony et Padma se redressèrent immédiatement.

- Où ça ?

- Sur le terrain de Quidditch. On a vu des Serpentards, mais on n'est pas sûrs du nombre, ajouta le second.

Cette fois, ce fut tout le reste du groupe qui sauta sur ses pieds. Ils eurent le même mouvement réflexe de vérifier s'ils avaient leurs baguettes sur eux et s'élancèrent vers la porte, Padma lançant un « merci ! » par-dessus son épaule aux élèves de deuxième.

- Dépêchez-vous ! clama Anthony, déjà loin devant.

Ils dévalèrent les escaliers de leur tour, concentrés.

S'il arrive quelque chose à Derek…

Elle sentit le second battement de cœur se réveiller en elle.