Bien que Stiles ait déjà entendu cette information, cette fois-là, il était dans les vapes. Là, il était parfaitement conscient. La révélation le secoua réellement, si bien qu'un tas de question fusèrent dans son esprit. Des questions qu'il refoula au profit d'une seule pensée, une seule certitude : il se débrouillerait. Quoi qu'il arrive, il se débrouillerait. Comme toujours. Il refusa de se dire qu'il était dans la merde, qu'il n'avait plus nulle part où aller. Son moral n'était déjà pas au beau fixe et son angoisse prédominait, alors ce n'était pas le moment de perdre le peu de motivation qu'il avait encore. Il restait fixé sur le même objectif.

Partir.

Enfin… Si on le laissait faire. En toute logique, il pourrait s'en aller, que Derek le veuille ou non, mais il y avait toujours ce quelque chose, cet amour envers la meute qui le retenait. Intérieurement, il savait qu'il se soumettrait à la moindre de leur décision concernant son sort. Mais… Pas tout de suite. La menace était entre les murs de Beacon Hills. Stiles réfléchit à toute vitesse. Il lui restait maximum deux mois à vivre, peut-être moins, tout dépendrait de la quantité de X-feu qu'il utiliserait. S'il se débrouillait assez bien, il pouvait frapper un grand coup, faire en sorte d'éloigner les Psis de la ville, du moins pour un temps, histoire de laisser quelques mois de tranquillité à la meute, peut-être le temps qu'elle s'en aille. C'était une possibilité. Le problème, c'était que le visage d'Isaac était connu, par la force des choses. Il devait se cacher. Idem pour Derek. Par chance, ils ne s'étaient pas encore « trop » impliqués, ce qui leur laissait une certaine marge de manœuvre pour éviter les ennuis. Néanmoins, rien n'était gagné.

Mais il avait une idée.

Cela ne plairait certainement pas à son père, mais il s'évertuait à ne pas lui parler, alors, il n'avait rien à dire là-dessus.

Stiles se redressa à nouveau, plus doucement cette fois, et analysa sa situation. Les blessures infligées par Scott étaient guéries. Il était encore fatigué, sa téléportation l'ayant vidé et sa combustion, mis hors circuit quelques temps. Par conséquent, il n'avait pas encore besoin d'inhibiteurs, puisque son pouvoir s'activait à lui redonner de l'énergie, à compenser tous ses manques. Ainsi, il était largement contrôlable… Pour l'instant. A vu de nez, il avait peut-être encore un jour ou deux avant de ressentir la puissance envahissante de son côté X. Une puissance pour laquelle il paierait involontairement le prix de sa vie.

- Derek, je vais partir, le prévint-il d'une voix faible, mais un peu plus assurée.

Le loup, assis au bord du lit, secoua la tête.

- Non Stiles, tu ne sortiras pas d'ici.

A nouveau, la peur de mourir précocement le prit, mais il la musela. Il devait être fort, passer outre.

- Vous pourrez me tuer plus tard, vous en aurez largement le temps, mais je… Il faut que je fasse quelques petites choses avant. Des choses utiles. Après ça, je vous jure que je me rendrai.

Il fit une pause brève, bien trop courte pour laisser le temps à Derek d'en placer une :

- Il faut que tu me croies, Derek. Tu entends mon cœur, tu sais que je suis honnête…

Dans un sens, l'hyperactif était désespéré. Il savait que son temps était compté, quelle que soit la situation. De cette histoire, il ne réchapperait pas. Il voulait juste… Qu'on lui accorde un peu de confiance, juste pour agir le plus sereinement possible.

Derek soupira.

- Stiles, tu ne comprends pas.

L'hyperactif fronça les sourcils. Appuyé sur ses avant-bras, il se savait en meilleure forme. Cette fois, s'il se levait, il ne s'effondrerait pas. Il serait assez fort pour tenir. Repoussant les draps, il se retrouva assis, à côté de Derek. Le contact de la peau nue de ses pieds sur le sol le perturba un instant. Le plancher était froid, glacé, à moins qu'il ait cette impression à cause de sa faiblesse.

- Il n'est pas question de te tuer, le retint Derek. Il n'a jamais été question de te tuer. Je te l'ai déjà dit, on ne compte pas t'exécuter.

Stiles baissa le regard sur son bras, autour duquel le loup avait enroulé ses doigts, dans un geste qui lui montrait simplement qu'il ne devait pas partir. Les yeux de l'hyperactif remarquèrent quelque chose, un détail qui le dérangea toutefois beaucoup. Là, il conservait la trace d'une piqûre pour le moins récente. Une nouvelle vague d'angoisse le parcourut et des idées plus farfelues les unes que les autres lui vinrent à l'esprit ?

- Qu'est-ce que vous m'avez fait ? Demanda-t-il d'une voix qui avait perdu toute assurance.

L'avait-on endormi ? Sa fatigue était-elle réellement complètement naturelle ? Lui avait-on injecté quelque chose, une drogue quelconque ? Qu'avait-on voulu obtenir de lui ? Il se sentit vaguement trahi, mais s'interdit de ressentir une quelconque colère. Qui était-il pour se plaindre alors qu'il était le premier à leur avoir menti ? Toutefois, il ne pouvait pas complètement se museler. Il se sentait mal, c'était clair et net. Quand aurait-il droit à un répit mental ?

Derek posa une main sur son épaule et la serra doucement.

- On t'a nourri comme on a pu, répondit-il.

Il avait l'air fatigué et Stiles ne put que le croire. Enfin, il pouvait bien faire autrement mais il était éreinté. Se raccrochant à l'honnêteté de toujours du loup, il essaya d'encaisser et de ne pas trop douter de ses paroles, bien qu'il mourait d'envie d'hurler et d'exiger des preuves de cela. Et puis… C'était idiot. Pourquoi se serait-on entêté à le nourrir alors qu'il était l'ennemi de la meute ? Comme s'il lisait dans ses pensées – ou dans son odeur –, Derek lui répondit :

- Quand tu t'es rendormi l'autre jour, on a fait en sorte que la toubib revienne. Tu avais passé trois jours à dormir, tu n'as presque rien manqué à ton réveil et tu te rendormais déjà… Elle t'a perfusé. Plusieurs poches de nutriments et d'eau sont passées. Tu en avais réellement besoin.

Stiles resta sans voix. Sur son épaule, la main de Derek le brûlait : il avait tout autant envie de l'éloigner de lui que de la serrer contre lui. Des contacts. De l'affection. De l'amitié. De l'amour. Il avait besoin de quelque chose pour compenser les effets dévastateurs de sa solitude forcée. Mais il se retint.

- Pourquoi ? Souffla-t-il.

Brisé, fut le premier mot qui vint à l'esprit de Derek, qui réprima une puissante vague de colère. Tout ça, c'était de leur faute et il le savait. D'un autre côté, il avait toujours le plan foireux de Scott en travers de la gorge. En repensant à cela, il se rappela qu'il avait des questions à lui poser. Mais préféra attendre.

- On a besoin de toi, fut la seule chose que réussit à répondre le loup, la gorge serrée.

Stiles l'inquiétait sérieusement et il détestait l'entendre débiter toutes ces âneries, tout comme il détestait l'entendre parler de sa mort potentielle avec une telle légèreté.

Une brève émotion passa dans le regard de l'hyperactif avant de s'envoler aussitôt et seule son odeur renseigna Derek sur ce que ressentait le jeune homme. A l'espoir fugace s'était accolé la déception. Stiles avait cru, l'espace d'une seconde, qu'il s'agissait d'une déclaration d'amitié, avait eu l'espoir d'encore un peu compter pour cette meute qu'il aimait tant. La seconde d'après, son esprit avait froidement réfléchi, analysé la situation, et en avait conclus que non. S'ils avaient besoin de lui, c'était simplement pour contrecarrer les plans des Psis. Mais Derek ne vint pas tout de suite à cette conclusion. Sa rapidité d'esprit n'était pas aussi grande que celle de Stiles.

Voyant que l'hyperactif ne réagissait pas trop mais désireux de le mettre à l'aise, Derek lui proposa de descendre manger un bout. Cette fois, il allait bien mieux et réussirait à ingurgiter plus de deux bouchées. Stiles hocha mécaniquement la tête après une seconde d'hésitation et finit par suivre Derek, qui dut tout de même le soutenir pour descendre les escaliers. Stiles allait bien mieux, mais ce n'était pas encore ça non plus et ses membres engourdis par quatre jours et demi d'un lourd sommeil ne l'aidaient pas. Avec une honte à peine dissimulée, l'hyperactif dut s'appuyer sur le loup pour descendre plus sereinement les escaliers. Si on avait besoin de lui, il fallait éviter qu'il tombe, histoire de ne pas leur faire regretter leur décision de le laisser en vie. Derek lui avait dit qu'il n'avait jamais été question de le tuer : il y croyait, mais sa fatigue mentale l'obligeait à douter de ses paroles de temps à autres. C'était ça d'être seul et de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête comme il en avait l'habitude.

Passée la dernière marche, le souffle de Stiles se coupa. Lydia, Liam, Isaac et Jackson étaient confortablement installés sur les fauteuils et chacun leva la tête à leur arrivée, à Derek et lui. Ils étaient plus ou moins dans la même disposition que l'autre jour mais ça, il ne pouvait pas le savoir. A ce moment-là, il avait les yeux fermés. Le peu de confiance qu'il essayait désespérément d'avoir en lui-même s'effondra à nouveau et, désireux de ne pas leur donner l'impression que Derek et lui étaient proches, il se sépara rapidement du loup qui le regarda d'un air surpris. Mais Stiles, lui, s'efforça de contenir le flot d'émotions qui l'assaillait. La peur, l'angoisse et la tristesse commençaient à devenir ses amis, à force. Sous leurs yeux scrutateurs et pourtant bienveillants, Stiles faillit défaillir. Il n'avait qu'une envie : se faire tout petit avant de se carapater loin d'ici. Néanmoins, voir Isaac assis normalement et constater qu'il avait l'air d'aller bien lui réchauffa un peu le cœur. En son for intérieur, il fut soulagé, profondément soulagé. L'hyperactif était ainsi certain que Derek n'avait pas menti sur ce point. Toutefois, il étouffa le peu de joie qu'il ressentit, par peur qu'on l'interprète mal. Son regard si particulier glissa vers la porte. Si loin et pourtant si proche. Il se força à détourner les yeux alors qu'il voulait juste sortir d'ici. Il avait toujours adoré le loft tant il avait eu l'habitude de s'y sentir bien. Mais cet endroit si chaleureux représentait tout ce qu'il avait perdu, tout ce qu'il ne retrouverait jamais. C'était sadique de le garder ici alors qu'il souffrait rien que de penser à tout ce qu'il avait vécu avec la meute. Son ancienne famille. Mais puisqu'on ne pouvait pas savoir à quoi il pensait, il savait qu'il était impossible qu'on l'empêche de partir pour cette raison uniquement, à moins d'être réellement une horrible personne. Scott aurait pu le faire souffrir de cette manière. Stiles eut un pincement au cœur mais chassa les images de son meilleur ami passant ses nerfs sur lui de son esprit. Avait-il le droit d'éprouver de la joie de ne pas le voir ici ? Ou cela voulait-il dire qu'il préparait quelque chose ? Voir Lydia confortablement installée aux côtés d'Isaac le rassura. Elle n'avait rien. Elle allait bien. Son regard évita celui de Jackson mais croisa celui de Liam. Pourquoi y lisait-il un énorme soulagement ? Il pouvait sentir leurs émotions, à tous, mais les bloquait sciemment. Il avait bien du mal à démêler les siennes, alors il n'était pas question de se laisser plomber par celles des autres. Plus tard, peut-être. Pour l'instant, il fallait qu'il tienne.

- On sait que c'est Liam qui t'a fait venir, finit par lâcher Derek, pour briser le silence. On sait qu'il t'a informé du plan de Scott et qu'il t'a donné l'heure et l'adresse.

Stiles se retourna brutalement vers lui, éberlué. Oubliant totalement que sa forme était toute relative, il tourna cette fois-ci la tête vers Liam, dont les grands yeux bleus le scrutaient avec une reconnaissance qu'il refusait de voir.

- Je l'ai forcé, s'empressa-t-il de dire. J'ai insisté pour qu'il m'informe. Dites à Scott que… Que c'est moi qui… C'est moi le responsable.

Stiles s'accordait à son plan initial : en cas de problème ou de découverte de leur petit marché, il prenait l'entière responsabilité de son intervention. Il protégeait Liam. Le louveteau était un ange et il était hors de question qu'il paie à sa place, même s'il l'avait effectivement renseigné. Il l'adorait, ce petit sportif un peu colérique sur les bords. Il avait fait preuve d'un grand courage pour oser lui envoyer un message et l'appeler malgré les risques encourus. Stiles était le vilain petit canard, celui dont il ne fallait pas prononcer le nom devant l'alpha, relégué au rang d'ennemi. Et il en était plus que conscient. A nouveau, Derek posa sa main sur son épaule et l'hyperactif, paralysé, eut bien du mal à se dire qu'il devait la dégager. Il ne voulait pas qu'on éloigne Liam de la meute, ni qu'on traite Derek comme un paria parce que le premier l'avait renseigné et l'autre, aidé. Avec des intérêts derrière, mais aidé tout de même. Toutefois, il n'était pas nécessaire de faire comme s'il l'épaulait, comme s'il le soutenait… Cela rendait simplement la chose plus douloureuse. Mentalement, il se protégea comme il le put. Essaya de dissocier le geste de l'intention.

- On dira rien à Scott, pour la simple et bonne raison que c'est un débile.

Stiles sursauta sans pouvoir se retenir et releva les yeux vers Jackson, qui le fixait sans discontinuer. Tout à l'heure, il avait évité son regard. Cette fois, il n'arrivait pas à s'en décrocher, tout simplement parce qu'il n'arrivait pas à le décrypter. En fait, le kanima avait l'habitude de garder un air mélangeant sérieux, dureté et supériorité, difficile donc de savoir ce qu'il pensait réellement. Stiles pourrait utiliser ses dons empathiques pour sentir ses émotions et en déduire quelque chose, mais… Non.

- Un débile qui a envoyé l'un des nôtres au suicide, continua Derek, très légèrement derrière Stiles.

L'hyperactif frémit. Pourquoi avait-il l'impression que la voix de Derek le caressait ? Parce qu'elle lui avait toujours plu. Intérieurement, il se gifla. Ce n'était clairement pas le moment de fantasmer sur cette voix qu'il rêvait d'entendre lui dire de jolies choses. Et pourtant, ce n'était pas un hasard s'il y pensait à cet instant : il avait réellement besoin d'un peu d'affection, de quelque chose pour l'aider à tenir. Mentalement, il tenta de se réfugier près du lien avec son père, dans l'espoir d'y trouver un peu de réconfort. Or, ledit lien était froid, sans âme. Peut-être son père dormait-il ou camouflait-il ses émotions. Était-il en danger ? Puisqu'il n'avait rien à perdre, Stiles lui envoya un message télépathique ressemblant vaguement à un « tout va bien ? ». Sans surprise, il ne reçut pas de réponse. Pourtant, le message avait traversé le lien, il le savait. Simplement… Son père l'ignorait sciemment. Pour sa santé mentale, Stiles préféra croire qu'il dormait. Au moins, cette tentative de communication détourna son attention de son ressenti quant à la voix de Derek.

- Sans toi, Isaac serait mort, intervint Lydia en posant une main sur l'avant-bras du bouclé, qui n'avait pas encore ouvert la bouche. Il n'est pas complètement guéri et la M-Psi n'est pas encore fixée quant à l'étendue des séquelles qu'il en gardera, mais… On a évité le pire grâce à toi.

La banshee s'exprimait avec une douceur non-dissimulée, une douceur qu'il aimerait accepter mais qu'il pensa soudainement ne pas mériter. Parce qu'il allait mal, il se renferma d'autant plus sur lui-même et essaya de ne pas accepter ce qu'il pouvait ressentir. Il se concentra sur une chose : le simple soulagement de savoir qu'Isaac allait bien. Le bouclé le regardait d'un air détendu et reconnaissant, mais l'on voyait dans ses yeux que quelque chose était différent. Stiles brûlait d'envie de lui demander ce qu'il ressentait et de s'enquérir lui-même de son état mais se retint.

- Viens t'assoir, le poussa doucement Derek.

N'étant pas d'humeur à se battre ni à continuer d'insister pour s'en aller, Stiles obéit, s'installa face à eux. Derek, de son côté, choisit de rester debout à côté de son fauteuil. L'hyperactif lui jeta un regard de biais, constata sa présence, mais ne dit rien.

- La M doit passer dans quelques minutes. Elle doit vous examiner, toi et Isaac, lui apprit le loup.

- Qu'elle ne se concentre que sur Isaac, lâcha Stiles, qui retrouvait le plaisir de ne pas s'essouffler à chaque mot.

- Non Stiles, toi aussi.

- Je suis parfaitement fonctionnel, lâcha-t-il spontanément.

Chacun des membres de la meute le regarda avec perplexité. Cette formulation n'était pas normale. Comme si Stiles se déshumanisait lui-même. Il évitait la reconnaissance, ne voulait pas se faire examiner et parlait de lui comme un robot, sans oublier cette manière dont il parlait de son sort avec un détachement plus qu'anormal.

- Stiles, qu'est-ce que tu… Commença Lydia.

- Je suis parfaitement fonctionnel, la coupa l'hyperactif. Derek m'a dit que vous aviez besoin de moi. Je suis fonctionnel, donc je peux vous aider.

Personne n'apprécia cette manière qu'il avait de parler et Liam tenta même de s'interposer :

- Mais tu as dormi qua…

- C'est tout à fait normal, le coupa Stiles, encore. C'est comme ça que ça marche après une combustion.

En agissant avec toute la froideur dont il pouvait faire preuve et en faisant de son mieux pour oublier la présence de Derek, il se protégeait. Il s'agissait de remparts fragiles pour éviter que ses barrières intérieures ne s'effondrent totalement. Il sauvait les meubles, en soi.

- Mais ça n'explique pas toutes ces blessures que tu avais, intervint à nouveau Lydia, toujours avec cette douceur inédite dans la voix. Elle les a soignées, mais elle a dit que ça n'améliorait pas ta situation, tout en refusant de nous expliquer ce qu'elle voulait dire par là… Il y a des choses que tu ne nous dis pas.

Son ton s'était fait suppliant vers la fin, à tel point qu'il détourna le regard de la jeune femme, pour éviter de lire ce semblant d'inquiétude dans le regard. Pour tenir, il se devait de ne pas penser que c'était réellement cela, simplement pour ne pas se faire de faux espoirs. Sitôt son aide apportée, l'on cesserait d'être cordial avec lui. Pour palier à la déception, il se préparait déjà à la fin de leur coopération. Et puis, bordel, ce qu'il voulait sortir d'ici…

- Qu'est-ce que vous attendez de moi ? Demanda-t-il plutôt, les yeux rivés au sol.

Il gagnait du temps, évitait sciemment de s'épiloguer sur ce sujet qu'il voulait éviter. Il ne pouvait pas dénoncer Scott. Pas dans la mesure où il pouvait encore faire du mal à Lydia. Il en était capable et il était certain que les représailles seraient douloureuses non pas pour Stiles, mais pour la jeune femme. Il n'aurait aucun scrupule à lui faire payer pour les aveux de Stiles. C'était d'ailleurs exactement la raison pour laquelle il devrait parler, leur avouer que leur alpha était bien plus dingue qu'ils ne le pensaient mais s'il faisait ça… Il les mettrait d'autant plus en danger. Parler rendrait peut-être service à sa conscience, mais pas à Lydia. Isaac avait déjà payé en manquant de mourir et Stiles voyait dans le plan de Scott un désir de le provoquer mais aussi de lui montrer de quoi il était capable. Pris entre deux feux, il n'avait pas d'autre choix que de suivre le chemin vers la moins pire des situations. Il se promit de remercier la M-Psi ultérieurement, pour ne pas avoir trahi ce qu'il considérait comme son dernier secret. Il provoquait une pitié folle à cause de son long repos : comment réagiraient-ils en apprenant que son heure était proche ? Stiles fit de son mieux pour garder la tête froide. Ce n'était pas le moment de penser à quoi que ce soit de déstabilisant.

- Stilinski, on ne disait pas ça dans ce se…

Une fois encore, Stiles coupa son interlocuteur, Jackson :

- J'ai eu une idée en me réveillant. Elle me permettrait d'éloigner les Psis de Beacon Hills tout en vous évitant de faire quoi que ce soit.

Et après cela, il s'en irait définitivement de la ville, si tout fonctionnait comme prévu.

- Les E auraient ainsi le temps soit de se cacher, soit de s'en aller et vous, vous n'auriez aucune chance de vous prendre quelque répercussion que ce soit.

Lui, en subirait. Mais ne devait-il pas choisir d'emprunter le chemin vers la moins pire des situations ? C'était chose faite. Il s'y engageait déjà. Fort d'une motivation nouvelle, confortée par cette fameuse idée, il lâcha :

- Par contre, je vais avoir besoin de l'aide de Deaton. Il me faut des inhibiteurs.

- Pourquoi ? Là, t'en portes pas et t'as l'air… Bien, balbutia Liam, complètement perdu.

Stiles avait une particularité, celle de provoquer la confusion. S'il ne parlait plus à profusion, il arrivait toutefois à noyer les gens avec un grand nombre de questions, d'informations, de paroles. Ainsi, il pouvait continuer de retarder les interrogations qui le dérangeaient… Et pousser ses auditeurs à embrayer sur autre chose. Pour l'instant, il arrivait à passer outre sa fatigue, motivé par son désir de garder ses secrets et de protéger la meute.

- J'étais complètement vidé et mon pouvoir… M'aide à retrouver de l'énergie. Vois ça comme un bidon que tu remplis. Une fois plein, qu'est-ce qui se passe à ton avis ? Il déborde. Pour l'instant, je retrouve doucement de l'énergie mais une fois que ce sera bon, mon pouvoir sera un risque. Si ça déborde, je ne pourrai pas le contrôler, d'où l'utilité future d'inhibiteurs.

Il parlait avec une froideur de plus en plus présente et marquée, comme si aborder de simples faits l'aidait à se détacher de tout ça. Si l'on combinait cela à son talent de la parole, l'on ne pouvait qu'à peine imaginer la confusion de ceux qui l'entouraient. Même Derek montra une perplexité pour le moins… Marquée.

- Il ne faut pas trop tarder. Si je reste ici et que je n'ai pas d'inhibiteurs assez vite, je vais devenir une bombe à retardement.

Il tourna la tête vers Derek et se força à ne pas penser à cette étrange influence qu'il avait sur lui.

- Tu m'as dit que je ne sortirais pas d'ici, que je ne rentrerais pas. Dans ce cas, Deaton doit être disponible le plus tôt possible. Il devrait lui rester une ou deux paires d'inhibiteurs.

Derek allait répondre, mais une sonnerie provenant de l'entrée retentit, reportant ainsi l'attention de l'entièreté des occupants du loft sur cela. Le loup fronça les sourcils. Jackson se leva, un air plus sérieux que d'ordinaire tirant ses traits. Il semblait tendu, comme s'il était prêt à se défendre… Ou attaquer.

- Tu reconnais l'odeur ? Demanda le kanima au Hale. C'est la toubib ?

Etant un loup de naissance, Derek avait un odorat bien plus développé que celui de ses congénères mordus. C'est pour cela qu'il sentait la plupart des émotions de Stiles. Cependant, il ne voulait pas rebondir dessus pour le moment, sentant que cela serait contreproductif. Il attendrait d'être seul avec lui, notamment pour regagner sa confiance et essayer de lui tirer les vers du nez quant à ce qu'il lui cachait. Le loup fronça les sourcils.

- Non, c'est pas elle, fit-il en se rapprochant de la porte. Mais on dirait… Stilinski.

En prononçant ce nom, il se tourna vers Stiles.

- Tu as demandé à ton père de venir ? S'enquit-il en fronçant à son tour les sourcils.

L'hyperactif secoua la tête, mais son masque d'indifférence et de froideur perdit en crédibilité, car une lueur d'inquiétude passa dans ses yeux. Il se retint de lui dire que cela faisait des jours qu'il n'avait pas de nouvelles de son père et que celui-ci n'était pas revenu au bunker depuis un moment, tout comme il se garda d'ajouter que leur lien télépathique était bizarre, comme si Noah… Bloquait ses propres émotions. Stiles ne sentait plus rien émaner de son côté. Pourtant, le lien prouvait qu'il était en vie et que, techniquement, tout allait bien. Intérieurement, un soupçon de joie jaillit en lui. Cette visite était inopinée mais au moins… Il allait le revoir et c'était tout ce qui comptait. Il lui manquait. Pire, il avait réellement besoin de lui, de son soutien. A son père, il pouvait parler de n'importe quoi, sauf du comportement barbare de Scott mais ça, ce n'était qu'un détail. Tant qu'il pouvait simplement le prendre dans ses bras…

Derek alla déverrouiller la porte et la fit coulisser. Noah Stilinski le salua en souriant doucement. Le trouvant tout à fait normal, le loup le laissa avancer et ferma la porte derrière lui. On fixa le shérif, qui sourit et salua tout le monde. Il alla même jusqu'à faire un câlin à son fils, qui… Ne lui rendit pas son étreinte ou du moins, pas vraiment. Quelque chose n'allait pas. D'une part, il n'arrivait pas à donner d'affection ni à en accepter devant les membres de la meute présents, mais de l'autre, quelque chose lui déplaisait. Ce sentiment se mit à grandir, encore et encore alors que, mentalement, il vérifiait le lien, encore et encore. Il finit même par arrêter de retenir ses capacités empathiques.

- Je suis content de tous vous voir en bonne santé, vous m'avez l'air en forme. Toi, tu as une petite mine, remarqua le shérif en s'éloignant de Stiles. On ne s'est pas vus depuis un moment. J'ai appris pour le bunker et je suis désolé de n'avoir pas pu me déplacer plus tôt. Deaton m'a dit que je pouvais te trouver au loft. Je nous ai trouvé un logement en bordure de la ville, un coin tranquille, bien plus chaleureux que ce bunker. On y sera bien.

Noah fit un pas sur le côté sans cesser de regarder Stiles. Son fils. Ce dernier était pâle et le fixait avec les yeux écarquillés. Il fit un test, par précaution. Par simple précaution. Il était peut-être devenu paranoïaque, mais il ressentait le besoin de le faire.

- Pourquoi tu me fous des vents depuis quelques temps ? Pourquoi tu n'es pas revenu au bunker ? Pourquoi tu m'ignores ? Lui demanda-t-il mentalement. Tu vas bien ? Tu vas vraiment bien ?

Autour d'eux, on les regarda avec perplexité. Pourquoi Stiles ne lui répondait-il pas ? Pourquoi ne disait-il rien ?

- Eh bien, fils, pourquoi me regardes-tu de cette manière ?

Stiles pâlit d'autant plus. Il additionna les observations une à une, en un quart de secondes et évalua la situation, les risques. Le ton de Noah manquait de chaleur. Son câlin était maladroit, comme s'il ne savait pas en faire. Sa signature psychique était fade. Aucune émotion ne se dégageait de lui. Ses sourires étaient dépourvus de sincérité, d'intention réelle : il s'agissait de sourires mécaniques, de façade. Et surtout… Il ne lui répondait pas mentalement, tout simplement parce qu'il ne recevait pas ses messages télépathiques. L'horreur gagna Stiles, dont le masque d'indifférence avait totalement disparu. Toutefois, il s'efforça d'avoir simplement l'air surpris. Difficile dans sa position, mais il fit de son mieux.

- J'ai quelque chose sur le visage ? Tu n'es pas content de me voir ? S'enquit son paternel avec une légère grimace, en amorçant un pas, cette fois-ci dans sa direction.

- Si, si, bien sûr… Balbutia-t-il en essayant de reprendre contenance. Je suis juste… Surpris. Tu comprends, je n'ai pas eu beaucoup de nouvelles de toi ces derniers temps, alors je suis surpris.

Son mensonge était visible à des kilomètres à la ronde, sans compter que l'ouïe des loups les fit froncer d'autant plus les sourcils. A une vitesse stupéfiante et sans que la couleur de ses yeux ne change, Stiles créa une chambre télépathique où il se débrouilla pour inclure Derek, Lydia, Jackson, Isaac et Liam.

- Vous pourriez nous laisser nous laisser seuls une seconde ? Demanda-t-il à voix haute, avant de continuer par télépathie. Ne posez pas de question, ne réagissez pas, ne discutez pas. Montez à l'étage, tout de suite.