Avant même d'espérer une réponse orale d'un des membres de la meute, Stiles réfléchit à toute vitesse et enchaîna :

- On va aller dans la cuisine, discuter autour d'un… Bon café. Ça ne te dérange pas que je me serve, Derek ?

Stiles faisait de son mieux pour avoir l'air à l'aise et naturel alors qu'il était l'intrus, le banni, le paria. Il restait persuadé que la moindre erreur de sa part le conduirait droit au cimetière. Autant dire que cela ne marchait pas vraiment, mais il donnait son maximum. De toute manière, le Psi face à lui n'avait pas le bagage nécessaire pour comprendre et interpréter correctement les émotions. Son jeu avait des failles, même s'il ne se débrouillait pas si mal que ça devant les gens qui composaient l'ancienne meute de son fils.

- Non, bien sûr que non, fais comme chez toi, articula-t-il d'un air complètement perdu.

- Ok, reprit Stiles mentalement, changement de plan. Sortez du loft et éloignez-vous. En allant dans la cuisine, je vous laisse la voie libre. Partez vite.

Il reprit oralement avec un sourire crispé :

- Merci, Derek.

Maintenant, plus qu'à espérer qu'ils allaient l'écouter. Noah suivit Stiles jusqu'à ladite cuisine, cuisine dont il ferma la porte d'un air faussement distrait. Il était tendu, si tendu qu'il avait réellement du mal à contenir sa peur et sa colère montante. Mais il fallait qu'il fasse un effort tandis qu'il réfléchissait à toute vitesse pour démêler les nœuds dans sa tête. Il devait agir vite, très vite, devancer le Psi qui devait sans doute penser qu'il avait une longueur d'avance sur l'hyperactif, ce qui n'était qu'à moitié vrai. Stiles alla allumer la machine à café, se remémora l'emplacement des tasses, agit au mieux, comme si tout était parfaitement normal, comme s'il n'avait pas remarqué que son père… N'était pas vraiment son père. Il fit de son mieux pour museler tout ce que cela faisait monter en lui, toutes ces émotions qui pouvaient le trahir. Il était bien conscient des conséquences sur son mental, lorsque ce serait passé, mais peu importait. Ce qui comptait, c'était l'instant présent.

Le liquide coulait dans les deux tasses et il entendit vaguement la voix de Noah lui demander ce qu'il avait fait ces jours-ci. Il répondit distraitement en renforçant au mieux ses boucliers télépathiques. Il se retourna, tendit la tasse au corps de son paternel, dont la main si familière se saisit avec un manque d'adresse parfaitement décelable, comme si le geste ne lui était pas naturel. Noah esquissa un sourire des plus crispés et des plus froids, un sourire de débutant. Les Silencieux ne souriaient jamais, alors le geste ne leur était pas familier pour un sou. Il observa la tasse avant de la monter doucement jusqu'à ses lèvres et d'ingurgiter le liquide amer avec difficulté. Stiles déposa sa tasse derrière lui sans même avaler une goutte de caféine. Il prit un air sombre.

- C'est peu habituel pour vous de boire autre chose que de l'eau sans aucun goût, n'est-ce pas ?

L'ambiance maladroite et malaisante avait complètement changé. Le Psi s'immobilisa complètement et son regard se posa sur l'hyperactif. Il avait notifié le vouvoiement, tout comme le changement drastique de ton. Ses yeux bleus le détaillèrent avec une froideur folle, la glace parfaite d'un parfait silencieux au conditionnement si parfait que l'imitation d'un comportement humain était un réel effort.

- Voyons, fils, qu'est-ce que tu racontes ? Fit-il d'un air si glacial que Stiles sut qu'il avait visé juste.

Son ennemi était en train de se montrer.

- Jouez pas au con. Je sais très bien que vous n'êtes pas mon père.

Stiles avait beau ne rien avoir d'un Silencieux, la colère qui irradiait peu à peu en lui le faisait rivaliser de froideur avec son vis-à-vis.

- Tu devrais penser à être un peu moins perspicace, Mieczyslaw Stilinski.

Stiles sentit une attaque sur ses boucliers, attaque qu'il repoussa sans accroc. Pour l'instant. Il n'était pas idiot : le Silencieux prenait la température et testait la solidité de ses boucliers. Sachant fort bien qu'il ne fallait pas lui laisser connaître ses limites, Stiles laissa ses yeux s'emplir de noir et de blanc. Une seconde plus tard, un couteau de cuisine frôla l'oreille du télépathe, qui esquiva la lame de justesse. Stiles, lui, n'avait pas bougé. Les bras croisés sur son torse, il montrait à son vis-à-vis qu'il était prêt à se défendre si besoin. Noah esquissa un rictus des plus froids et Stiles se retrouva projeté avec violence contre la porte qui sortit instantanément de ses gonds. Son souffle se coupa, la douleur irradia dans son corps, comme une décharge électrique foudroyante. Son crâne se cogna contre le sol alors qu'il avait atterri un peu plus loin que la porte. Sur le sol. Dans le salon. Sous des regards effarés, terrifiés, sidérés. Les regards de ceux qui n'avaient pas pu se résoudre à s'en aller, ceux qui avaient entendu des choses, perçu le danger.

Noah s'avança, droit, conquérant. Stiles se mit à tousser, peina à reprendre sa respiration, tant le choc avait été violent. Pris d'une pulsion soudaine, il se redressa à moitié et tourna la tête. L'horreur le gagna lorsqu'il vit que ses anciens amis étaient toujours là. Il reporta son attention sur son ennemi, dont la puissance de la télékinésie l'avait subjugué. Le soulever et le projeter contre cette porte qu'il avait complètement sortie de ses gonds avait semblé tellement simple pour lui, tellement instinctif. Stiles se tendit et oublia la douleur, plus par nécessité qu'autre chose. Le danger était réel, peut-être plus encore que lors de cette soirée où Isaac avait été jeté en pâture par Scott à des Psis de niveau très moyen. Cette fois, c'était infiniment plus sérieux et Stiles fit tout pour analyser froidement et à la vitesse de l'éclair les éléments dont il disposait. Noah était un télépathe fort puissant. Pas le meilleur, mais il restait fort. Et pourtant, une Tp-Psi de niveau supérieur avait réussi à prendre le contrôle de son esprit. A le détruire. C'était un fait : Noah Stilinski n'était plus qu'un souvenir. Mais Stiles ne réussit pas à être parfaitement froid. En lui, la tempête de ses émotions menaçait son contrôle bancal, si bien qu'il lança une puissante frappe télépathique à son adversaire sans vraiment se contrôler. Noah hoqueta et chancela un instant, surpris par la puissance du choc. Mécontent de la résistance du X qu'était Stiles, il leva la main d'un geste rapide et brusque. Moins d'une demi seconde plus tard, le corps de Stiles s'élevait dans les airs et était à nouveau projeté, cette fois-ci contre le mur, à côté de son ancienne meute qui était incapable de bouger. Au sol, Stiles se mit à cracher du sang tant le choc fut une nouvelle fois énorme. Mais il ne se laissa pas le temps de niaiser car il n'était pas seul. Ses amis, ses anciens amis… En restant là, ils se mettaient en danger. Bordel, pourquoi ne l'avaient-ils pas écouté ?! Stiles comprenait bien leur méfiance, mais tout de même ! Dans l'état actuel des choses, leur présence le gênait. Sans attendre, il activa sa télékinésie et d'une pensée, envoya l'un des canapés sur Noah, qui l'esquiva de justesse et enchaîna avec une attaque télépathique… Que Stiles encaissa autant que possible, avant d'en tenter trois successives à son tour tout en évitant un meuble volant. Face à lui, le Psi semblait inébranlable. Il évitait n'importe lequel de ses assauts avec une facilité déconcertante et Stiles… Stiles essayait de l'avoir tout en protégeant Derek et les autres, ce qui n'était pas chose facile. Il avait au moins obtenu d'eux qu'ils s'éloignent, mais ce n'était pas suffisant. En fait, il ne savait absolument pas s'il allait réussir à les sauver ou non.

Parce que l'air de rien, son adversaire était terrifiant non seulement parce qu'il résistait à la plupart de ses attaques, mais également parce qu'il n'y allait pas à cent pour cent. Stiles savait reconnaître un cardinal : si la télékinésie de ce type était excellente, l'hyperactif voyait très bien que son niveau de télépathie dépassait l'entendement. Ses boucliers mentaux étaient en train de se fissurer. Parce que ce cardinal Tp arrivait à attaquer sur les fronts physique et mental en même temps et de manière organisée. Pour lui, c'était si simple. Stiles, de son côté, devait faire des pieds et des mains pour repousser l'un ou l'autre de ses assauts. Et le pire, c'était que cela ne se voyait qu'à moitié. Personne ne savait ce qu'il se passait dans leurs têtes respectives.

Une brèche se créa dans ses boucliers et une attaque vint le frapper de plein fouet, si bien qu'il s'écroula à terre. Le sang sortit par sa bouche, par son nez. Lydia fut la première à bouger malgré son choc. Le Psi au visage du shérif l'arrêta d'un geste. Sans que personne ne le voie venir, un couteau de cuisine vint doucement se presser contre la gorge de la banshee, qui n'osa plus esquisser un geste. Elle était tétanisée, et les autres aussi.

- Je vous conseille de ne pas intervenir si vous désirez garder la vie sauve, finit par lâcher Noah le plus calmement du monde.

Il se tenait extrêmement droit et parfaitement en forme, comme si Stiles n'avait rien fait d'autre que de l'effleurer à quelques reprises. Le jeune homme, de son côté, avait subi deux gros chocs et plusieurs attaques qui ne l'avaient clairement pas laissé indemne. Il était clair, pour la partie de la meute présente, que le niveau entre les deux Psis n'était pas le même… Sur certains points en tout cas.

Stiles, de son côté, se redressa autant que possible et parvint difficilement à se mettre debout, mais il y arriva. Ses yeux injectés de sang étaient remplis d'une colère indicible. Une colère qu'il laissa éclater… En silence.

- Si vous sortez du corps de mon père, peut-être que je serai clément quant à votre sort, siffla-t-il entre ses dents.

Il respirait difficilement, peinait à se tenir debout et pourtant, il avait l'audace de proférer des menaces. Un air suffisant prit place sur le visage auparavant impassible du shérif.

Sans qu'il esquisse le moindre mouvement, la table basse partit s'écraser rapidement et avec une violence inouïe contre l'hyperactif. Un crac funèbre se fit entendre. Mais Stiles n'hurla pas. Son souffle était coupé et sa faiblesse, si grande qu'il n'avait absolument pas pu voir le coup venir. Avant même que son corps ne glisse contre le mur ou s'écrase au sol, il s'envola à nouveau… Et se retrouva si proche de Noah que celui-ci n'eut aucun mal à entourer le cou de Stiles de sa grande main. L'hyperactif, rouge, cracha un peu plus de sang et se retrouva à ne plus pouvoir respirer. La poigne du shérif sur son cou s'était resserrée. Sur eux, les regards étaient plus qu'horrifiés.

- Nous avons eu la mère il y a quelques années, puis le père, il faut bien que tu suives… La famille Stilinski doit s'éteindre à jamais. Vous avez la particularité de garder en vous le gêne imparfait… Et de le propager.

Sur ces paroles sombres, il resserra sa poigne. Stiles avait attrapé ses doigts, essayait de les faire desserrer leur étreinte mais… Les mains de son père semblaient faites de béton. Lorsque Stiles manqua de perdre connaissance, Noah le lâcha subitement et Stiles s'écroula au sol, respirant bruyamment, attrapant tout l'air disponible.

Liam chancela. Jackson avait le souffle coupé. Derek s'était placé devant eux et avait éloigné le couteau de Lydia, qu'il avait poussée derrière lui avec Isaac. Le spectacle auquel ils assistaient était inimaginable. Et personne ne pouvait rien faire pour l'aider. Le shérif était… Puissant, extrêmement puissant. Il n'avait même pas besoin d'esquisser le moindre mouvement pour utiliser ses facultés surnaturelles. Et le pire, c'était qu'on avait bien compris que l'esprit dirigeant le corps n'était pas celui du père de Stiles. Oui, mais c'était… Impossible. Et puis, tout se passait tellement vite ! On voulait s'interposer, défendre l'hyperactif, mais l'on se rendait compte de la portée des pouvoirs Psis, de leur terrifiante invisibilité, de cette puissance que de simples loups ne pouvaient pas affronter.

- Vous êtes des nuisibles, comme les autres E. La classification va s'éteindre, Mieczyslaw. Aucun Psi défectueux n'y survivra.

Il fit une pause rapide, puis reprit :

- Quel dommage. Tu avais du potentiel. J'ai failli te proposer quelque chose, t'offrir la rédemption, mais force est de constater que tu es irrécupérable et que tu ne sais pas utiliser tes dons de X. En somme, tu es un déchet, un de ces animaux qu'il faut étouffer. T'es-tu déjà retrouvé à cours d'énergie psychique ?

Dans le fond du loft, la porte s'ouvrit un peu, mais personne n'y fit attention. Les loups et la banshee n'avaient jamais connu une telle sensation de peur et Stiles… Stiles restait au sol, respirant difficilement, près de ce père qui de ses mains, et non de son esprit, était en train de lentement le tuer. Il avait le souffle court, une ou deux côtes cassées et des contusions plus ou moins importantes. Si l'on ajoutait à cela un détail, et pas des moindres… Stiles était dans de beaux draps.

Car ses boucliers mentaux étaient sérieusement endommagés.

Le Psi en profita, non pas pour prendre possession de lui, mais pour faire prendre un tournant radical à la situation.

- Toute chose a une fin. Au revoir, double cardinal, finit-il par lâcher.

Sans que Stiles ne le voie venir, son lien avec le Psinet fut sectionné d'un coup sec. Il ne put rien faire pour l'en empêcher, tout comme il fut incapable de savoir comment le télépathe s'y était pris. Une chose était certaine : pour accomplir un acte de ce genre, il fallait être très puissant, connaître tous les rouages de la télépathie. Ce cardinal se cachant sous les traits de son père… Devait sans doute faire partie du Conseil.

Mais ces constatations importaient peu. Stiles sentit aussitôt le manque d'énergie psychique dont il avait besoin pour vivre. Le lien avec le Psinet était nécessaire pour tout Psi : la déconnexion avec ce réseau mental collectif conduisait à une mort atroce et assurée. Les reconnexions étaient ardues à réaliser et il fallait pour cela un excellent télépathe, un télépathe… Comme son agresseur ou plutôt, son assassin. Le cœur de Stiles manqua plusieurs battements et un brouhaha affreux vint envahir son crâne alors que toutes ses pensées se mélangeaient. Il avait l'impression désagréable d'être un poisson sorti de l'eau que l'on faisait mourir sur le sol. Il avait beau gigoter, se débattre comme un dératé, bouger dans tous les sens, l'énergie psychique ne venait pas. Sans elle… C'était la fin.

La déconnexion allait le faire suffoquer, il le savait. Tout comme il savait qu'il lui restait désormais moins de dix minutes à vivre.