Une Affaire de Famille

AN : Voilà le prochain chapitre. En espérant que ce chapitre et cette histoire vous plaise ! Bonne lecture !

Chapitre 7

Sam se mit à courir et perdit l'équilibre à plusieurs reprises mais il parvint jusqu'à cette grille fermée d'une grosse chaîne rouillée et d'un vieux cadenas aussi imposant que la main du cadet. Le jeune homme ne distinguait pas grand-chose derrière ces barreaux. Il faisait très sombre et des bâches d'un blanc usé, arrachées et ornées de tâches affreuses pendaient au plafond.

-DEAN !

Il braquait sans vergogne sa lampe de téléphone à travers les barreaux essayant de desceller la moindre forme. Il discerna une silhouette au sol, immobile. Il se retourna et chercha furieusement n'importe quel outil qu'il pourrait transformer en arme pour abattre cette satané grille. Dans sa recherche, son pied frappa dans quelque chose. A en croire le bruit : quelque chose de métallique. Son regard se posa sur une large clef. Hallucinait-il ? Le monstre aurait-il laissé en évidence l'élément de la libération de son frère ? Il s'en saisit et l'inséra dans le grand cadenas. Un grincement se fit entendre lorsqu'il tourna la clef et un grand clac de victoire. Il se jeta sur les barreaux et se précipita vers la forme à terre. Il tomba à genoux devant lui, priant le Seigneur et tous les Dieux qu'il pouvait connaître que cet homme ne soit pas Dean. Mais il reconnaissait cette tête entre toutes.

L'immobile figure était attachée sur une vieille chaise de bois cassée et renversée sur le côté, les vêtements n'étaient plus que des lambeaux collés par du sang coagulé à la peau sale noirâtre de cet être. Chaque parcelle semblait atteinte d'écorchures, d'entailles ou déchirures toutes abjectes. Le visage jusqu'à la commissure de ses lèvres et le flanc droit baignant dans cette eau infâme, dont les blessures trempées, saignaient encore. Le jeune cadet horrifié se laissa tomber auprès de son frère au visage éteint et s'attela à détacher son poignet gauche. Sa peau était si gelée que Sam éclata en sanglots appelant inlassablement son aîné le suppliant de revenir. L'Univers n'eut pas pitié de lui et il ne put se résoudre à vérifier son pouls et attrapa délicatement le poignet droit trempé de son frère. Un hoquet d'horreur pure le frappa lorsqu'il constata l'état de l'épaule démise du plus âgé et l'angulation de chacun de ses doigts noirs d'ecchymoses. Il s'activa rapidement pour détacher les chevilles de Dean remarquant les pieds nus et les mollets crasseux et des petites morsures sur sa cheville gauche couvertes de croûtes ébènes. Délicatement il prit le visage du plus âgé dans ses mains et senti dans ses paumes le palpitant trop rapide mais battant. Sam posa son front sur le sien, expirant soulagé.

-Dean…Je t'en prie…Reviens-moi.

Il se décolla de son frère, essuya ses larmes de sa manche et remarqua un tissu blanc pendant sur le cou de son frère. Il avait enlevé son bâillon. Malgré la situation désastreuse et cauchemardesque il sourit. Un bruit l'alerta. Il releva la tête, se penchant sur le corps inanimé de son aîné pour le protéger. Un rat détala devant eux. A ce moment, Sam ne relâcha pas son emprise et scruta tous les alentours. Il prit donc conscience des crochets pendus au plafond, des cordes, des lames et machettes posées sur un établi pourrissant. Déterminé à sortir et trouver de l'aide au plus vite, il passa le bras le moins blessé de son frère autour de son cou et le souleva. Le poignet gauche de Dean empoigné fermement il sentait le battement irrégulier et trop rapide inquiétant et rassurant à la fois. Il était en vie, et il allait bientôt être soigné.

Le chemin du retour semblait étrangement différent à Sam. Toutes les horreurs qu'il eût rencontrées et ces ténèbres l'enveloppant avait laissé place à une lumière plus claire et pétillant d'espoir. La seule présence de son frère encore en vie chassait tous les malheurs sur le passage du jeune cadet. Il ne saurait dire la cause : le pouvoir de protection de Dean même inconscient ou le fait qu'ils étaient plus fort ensemble.

Arrivé aux barreaux d'échelle pour sortir de ce monde infâme, il réalisa qu'il devait tirer son frère avec lui. A cette pensée si simple son emprise se resserra sur le flanc du plus âgé. A contre-cœur il fit glisser Dean sur le sol et l'adossa contre le mur dans des gestes extrêmement lents, terrifié à l'idée de le blesser davantage. Comment allait-il le sortir de là ? Il tapota ses poches par réflexe et laissa son regard courir autour de lui à la recherche d'une idée brillante. Une corde. Il lui fallait une corde pour lier les poignets de son frère, il n'aurait plus qu'à caler son cou le long d'un des bras si fins et fragile du plus âgé et les hisser jusqu'au sommet, la liberté. Il devait retourner dans cette cage infernale pour cette fichue corde. Pour se rassurer il laissa deux de ses doigts descendre le long du cou de Dean pour ressentir son pouls. Le bâillon paraissait étinceler, comme priant d'être vu. Il se maudissait d'être aussi idiot et de perdre du temps précieux. Il dénoua précautionneusement le nœud et lia tendrement les poignets écorchés à vif. Le tissu plus doux et nettement moins agressif apaisa sa crainte d'aggraver l'état de son grand frère d'un iota.

-Je suis là Dean…Tout va bien se passer.

Il commença son ascension harassante, le poids du plus âgé s'écrasant contre son cou. Il tentait d'avoir des paroles réconfortantes qui se soldèrent par une sorte de grognements étouffés. Content de ne pas avoir refermer la plaque derrière lui, il réussit à sortir avec son frère sur le dos. Sans perdre une seconde, il déposa le plus âgé sur le goudron humide et se jeta sur le bâillon l'ôtant de ses poignets meurtris. Il plaça ses mains sous les bras du chasseur et le traîna sur l'asphalte si dure à regret jusqu'à la voiture. Il allongea affectueusement sa charge précieuse sur la banquette arrière.

-Tiens-bon, Dean…pour moi, je t'en supplie.

Il referma la portière sans force et lâcha un léger sanglot en reniflant. Son frère était comme mort aux yeux du monde. Aucun signe de vie en dehors de son palpitant, même pas un léger gémissement qui aurait pu essayer de rassurer le jeune chasseur. Le trajet aux urgences passa en un éclair, il passait plus de temps à regarder Dean dans le rétroviseur que la route. Les pneus dérapèrent devant l'entrée de l'hôpital. Il passa ses bras sous son frère et le souleva toujours aussi étonner du poids perdu qu'il avait dans les mains.

-Un médecin !

Deux infirmières avec un brancard débarquèrent, digne d'un film dramatique. L'une d'entre elle lui adressa un regard d'incompréhension, quémandant des réponses.

-Je…C'est mon frère…ça fait…euh…7 jours.

Le brancard dévala le couloir, s'engouffra dans une ouverture : encore une fois Dean fût arraché à Sam. Une aide-soignante lui déposa un questionnaire et un stylo dans les mains, le guidant sur une chaise.

Quatre heures. Quatre heures que Dean a disparu derrière ces portes battantes plus qu'imposantes. Un monde entre eux. L'horloge frappait chaque seconde tel un marteau dans le cerveau de Sam. Il regarda ses mains rougies, une infirmière avait eu pitié de le voir se frotter les mains en espérant vainement enlever ce sang séché de son aîné et l'avait emmené se nettoyer. Son conscient comprenait que le sang avait disparu de sa peau mais c'était plus fort que lui : il voyait ce sang séché le hanter, il n'osait plus rien toucher. Dans son obsession rougeâtre il n'avait même pas pensé à se rincer les cheveux. Il n'arrivait même plus à quitter son épiderme du regard. Il pouvait voir le liquide pourpre vital à son frère se mêler à ses cellules épithéliales, il jurerait de leur fusion et de cette brûlure profonde jusqu'aux os.

Un bruit attira son attention. Par le mince hublot d'une des portes, maudites de lui avoir arraché son frère, il vit un homme enlever une surblouse bleue tâchée grenat ainsi que sa charlotte blanche. Il devina qu'il les jetait dans une poubelle. Ses poings se serrèrent fortement, jusqu'à sentir ses ongles lui rentrer dans les paumes, d'appréhension que cet homme soit le médecin en charge de Dean et qui aillait dans quelques secondes pousser les battants de porte et lui apporter les nouvelles fatidiques qu'il attendait.

-Monsieur McNeill ?

Au bout de quelques instants, Sam se rappela d'avoir donné ce nom et se leva d'un geste brusque, tout son corps suppliant d'avoir des nouvelles de son frère si blessé, si absent et pourtant encore vivant, du moins il y a de ça quatre heures.

-Je suis Le docteur Manners, en charge des opérations sur votre frère. Suivez-moi s'il vous plaît.

Le jeune homme savait que ce n'était jamais bon signe quand un médecin préférait vous isoler pour vous parler. Il hésita longuement, espérant sûrement changer le cours des évènements en restant dans ce couloir au sièges froids et agressifs. Une main se posa entre ses omoplates et le guida avec tendresse vers un bureau. Machinalement il s'assit se refusant la moindre pensée, vivant comme suspendu aux lèvres du médecin.

-Votre frère a traversé de nombreuses épreuves, il a encore beaucoup à faire pour récupérer mais nous allons faire au mieux pour qu'il puisse y arriver.

La tension musculaire que le cadet avait accumulée lâcha d'un coup et il se détendit légèrement. Docteur Manners attendit de voir Sam revenir à lui avant de continuer.

-Il a clairement subi de la torture. Les coupures ont été soignées. Son épaule a été disloquée sous une force importante créant un arrachement osseux de la gléno-humérale. Ses cinq doigts de la main droite ont été fracturés. Toutes ces fractures se sont faîtes avec déplacement de l'un des fragments. Malheureusement, elles commençaient à se consolider. Nous avons donc dû recréer ces fractures pour remettre en place les fragments. Il est également apparu sur le compte rendu d'imagerie des côtes fêlées : nous en décomptons six au total, toutes sur le flanc droit.

-Seigneur…

-Votre frère est en hypothermie, épuisé, malnutri si ce n'est pas non-nutri, déshydraté et présente de la fièvre. D'après les résultats d'examens, un début d'infection se propagerait. Nous ne pouvons pas vous cacher que nous craignons des conséquences pulmonaires à cause de ses côtes qui pourraient être aggravées avec l'infection. Nous avons déjà débuté une antibiothérapie à forte concentration. Pour protéger ses poumons au mieux et l'aider à lutter, nous avons dû le mettre sous ventilateur.

Il avait les lèvres entrouvertes, incapable de former un son. Une larme silencieuse roula le long de sa joue. Son précieux invincible grand frère que rien ne pouvait toucher, rien ne pouvait rêver de l'abattre, se retrouvait dans cet état si critique. Un besoin crucial monta en lui, il lui était vital de voir son aîné. Le pouvoir de ce besoin lui rendit la parole.

-Je…je peux…j'ai besoin…de le voir, je vous en prie.

-Je conçois la difficulté de ce que vous êtes en train de vivre, Monsieur McNeill. Je peux vous accorder quelques instants seulement. J'aimerais vous prévenir que son…état, vous paraîtra très impressionnant.

-Je veux le voir…

Sam entra prudemment dans la chambre de son frère et fût assaillit par le bruit assourdissant des machines, chaque bip frappait les tempes du jeune chasseur. A l'unisson avec ses propres battements de cœur. Le cadet vulnérable ne pouvait dire si le palpitant de Dean était la seule chose qui le raccrochait à la vie en ce moment même, lui donnant la force de s'accrocher, ou si c'était le sien qui battait pour eux deux. La blancheur des draps sur lesquels reposait le corps frêle de son aîné entrait en compétition avec la pâleur extrême de son visage. Les ecchymoses non recouvertes de sa face et de son bras gauche paraissaient des plus violentes. Il était là, allongé sur ce lit, le bras droit emmailloté dans une écharpe rigide, une orthèse enveloppant sa main et ses doigts fins et venant reposer gentiment contre son poignet. La plus imposante des machines se finissait en un large tube bleu s'enfonçant impunément dans sa gorge. Sam survola la main gauche de son frère avec la sienne dans un geste tendre et emplit d'amour et de peur.