Le lendemain matin, Antoine se leva le premier. Il gagna la salle de bain et redescendit au salon presque inanimé. Seuls Emma et Sacha étaient en train de petit-déjeuner dans la cuisine. Il les salua et les rejoignit avant de constater avec déception la présence de Laurent aux fourneaux. Il le salua furtivement sans prêter attention à ce qu'il faisait et se posa dans l'encadrement de la baie vitrée avec sa tasse de café. Il entendit la porte de la chambre coulisser et tourna la tête vers sa compagne qui marchait vers lui en souriant. Elle passa une main dans le bas de son dos avant de rejoindre la cuisine à son tour.
« Ah bah enfin ! s'exclama Laurent vêtu d'un tablier. J'ai cru que tu te lèverais jamais ! Bon comme j'étais debout de bonne heure j'en ai profité pour préparer le petit-déj' !
Antoine leva les yeux au ciel d'exaspération en soufflant sur sa tasse fumante.
- Comme quoi… Tout arrive… lâcha-t-elle piquante face à sa fille.
- Ouais ! confirma-t-il avec vigueur. Et je t'ai fait des œufs brouillés… Comme au bon vieux temps… expliqua-t-il en versant le contenu de la poêle dans son assiette.
- Oh…. J'espère qu'ils sont cuits à l'anglaise…
Outré qu'elle rentre dans son jeu, Antoine les rejoignit en cuisine et observa la scène depuis le comptoir.
- Évidemment…
- Je m'en souviens… À chaque fois que tu faisais ça à maman, on pouvait lui demander tout ce qu'on voulait ! rajouta Emma enjouée.
- C'est bon à savoir ça… plaisanta Sacha. Antoine vous en faites jamais vous… lâcha-t-il avant de s'attirer les foudres de la brune.
- Ouais… répondit-il simplement avec amertume avant de déposer sa tasse dans le lave-vaisselle.
- D'ailleurs, je te sers ?! proposa Laurent.
- Non merci ! J'ai pas faim. De toute façon j'y vais moi. Bonne journée ! lâcha-t-il en tournant les talons vers la sortie.
- Eh ! tenta-t-elle de l'interpeller en le suivant. Et mon bisou ? demanda-t-elle d'une voix enfantine alors qu'elle le voyait refermer la porte.
- Je peux t'en faire un moi si tu veux… tenta son ex-mari en minaudant.
Candice éclata de rire.
- Jamais… De toute façon tu m'en faisais déjà plus y a dix ans…
- Ouuuuh… lâcha Sacha tout bas à l'oreille d'Emma qui éclata de rire. »
. . . . .
Candice débarqua à la BSU une heure plus tard. Elle grimpa les escaliers et longea le long couloir avant de rejoindre l'openspace. Happée par la porte ouverte du bureau de son compagnon, elle ne résista pas à l'envie de le voir. Elle toqua au bureau et passa sa tête dans l'ouverture de la porte.
« Oui ? demanda-t-il la bouche pleine.
- Bah je croyais que t'avais pas faim… s'exclama-t-elle en voyant le sachet de viennoiseries devant lui.
- Tout à l'heure j'avais pas faim mais maintenant si… répondit-il simplement en la voyant se placer à ses côtés.
Candice se pencha et fouilla dans le sachet.
- Tu m'en as même pas laissé un… bouda-t-elle.
- Bah non… T'avais tes œufs brouillés… Comme au bon vieux temps…
- Ah… C'est pour ça que t'es parti comme un voleur… constata-t-elle en souriant doucement. Allez… Arrête de ronchonner !
Soudain le téléphone fixe d'Antoine retentit.
- Commissaire Dumas j'écoute…. Ok… Très bien ! … J'envoie une équipe…. Merci ! conclut-il en raccrochant le combiné.
- C'est quoi ?
- Homicide au collège Jean Moulin. Ils ont retrouvé une prof devant le parking. Vous vous en chargez ?
- Tu viens pas ? demanda-t-elle en boudant.
- J'ai une tonne de dossiers à remplir Candice… Tu vas très bien réussir à gérer sans moi !
- Ok… Tant pis… À tout à l'heure alors…
- Oui ! À tout à l'heure ! déclara-t-il en se replongeant dans son dossier. »
. . . . .
Sur place, Candice salua ses collègues arrivés depuis quelques minutes déjà. Elle gara sa voiture et observa les environs. Elle se trouvait face à un grand bâtiment gris particulièrement inanimé pour un mardi matin. À sa droite se trouvait une impasse dont l'issue avait été proscrite par la mise en place de rubalise. Elle aperçut Marquez et se dirigea vers lui, placé aux côtés de Nathalie, à genoux devant le corps d'une femme blonde.
« Bonjour Bonjour !
- Ah salut Candice !
- Alors qu'est-ce qu'on a ?
- Il s'agit de Justine Moreau, 31 ans, commença Marquez. Elle est prof d'espagnol au collège et les agents d'entretien ont appelé tout de suite quand ils sont tombés sur le corps ce matin.
- D'ailleurs on les a interrogés avec Ismaël, renchérit Mehdi, et ils étaient très sonnés… Ils l'aimaient beaucoup et certains prenaient même le temps de discuter avec elle le soir pendant leur service.
- Ok ! Donc la mort remonte à quand ?
- Hier soir sans doute ! Impossible de se prononcer précisément pour l'instant mais je dirais en début de soirée.
- En début de soirée ? répéta-t-elle d'étonnement. Et personne n'a rien vu ?
- Non… déplora Val. En fait, là on est dans l'impasse qui conduit au parking des profs. Sa voiture est garée donc elle a pas du quitter l'établissement.
- Oui, et les agents d'entretien se garent de l'autre côté normalement. Sauf que depuis hier leur barrière ne s'ouvre plus, donc en attendant le réparateur ils prenaient le même parking que les profs.
- Ok… Vous avez prévenu ses proches ?
- Oui ! Son compagnon vit à Bordeaux. Il arrive dès qu'il peut.
- À Bordeaux ? s'étonna la commandante.
- Ouais… Elle a été mutée à Sète et comme le système de mutation est complexe dans l'éducation nationale… Ça fait trois ans qu'ils vivent à distance… Ils se voyaient le week-end d'après lui…
- Comme quoi c'est possible ! se mit à sourire Candice en pensant à sa situation personnelle.
- Oui… Sauf que… Sauf que d'après lui, c'était de plus en plus compliqué à vivre au quotidien… Ils pouvaient rien construire et comme chacun avait sa vie de son côté… C'était pas la joie quoi…
- Ah… répliqua Candice légèrement inquiète. Bon en même temps trois ans… C'est long…
- Ouais… Enfin tout ça est bien beau mais ça nous explique pas comment elle a fini la tête fracassée sur cette pierre là… intervint Nathalie.
- Elle se serait battue et serait tombée ?
- C'est ce que je pense… Y a des traces sous ses ongles, des ecchymoses sur les bras…
- Ok… répondit la commandante en réfléchissant. Mais… Y a un truc que je ne pige pas… Si sa voiture était garée sur le parking et qu'elle quittait le collège… Ce qui est certain puisqu'elle à son sac avec ses photocopies et manuels… Pourquoi est-ce qu'on la retrouve à l'extérieur du parking ?
- C'est vrai ça… répondit Mehdi perplexe à son tour.
- Si elle est sortie à pied du parking… C'est qu'elle avait une bonne raison de le faire.
- Peut-être que quelqu'un est venu lui parler…
- Y a des vidéos de surveillance ?
- Elles fonctionnent pas…
- Évidemment ! Sinon cela aurait été trop beau ! Bon… Marquez tu vas venir avec moi, on va aller voir le Principal. Ismaël, Mehdi vous interrogez les alentours, on ne sait jamais… Si quelqu'un a vu quelque chose. Et Val, tu fais un tour en salle des profs ! »
Toute l'équipe acquiesça et délaissa Nathalie pour rejoindre l'intérieur du bâtiment. Ils accompagnèrent Val en salle des professeurs qu'ils trouvèrent vide. D'emblée, la commandante chercha le casier de la victime. Elle l'ouvrit et fouilla dedans.
« Elle était organisée hein… Chaque carton pour chaque classe. Son emploi du temps est collé sur son casier. Ah ! A priori hier soir elle terminait à 17h.
- Ouais… Mais d'après la fiche collée sur la porte y avait des conseils d'enseignement…
- C'est normal ça ! On est en fin d'année… Donc ils préparaient déjà la rentrée prochaine.
Candice referma le casier lorsque la porte s'ouvrit, laissant apparaître un homme muni d'un chapeau de paille sur la tête.
- Bonjour… lâcha-t-il d'étonnement.
- Commandant Renoir de la BSU de Sète. On est là pour votre collègue. Vous êtes ?
- Monsieur Chikhabi, prof de SVT. Je venais arroser le jardin.
- Arroser le jardin ? s'étonna Candice.
- Oui… Y a un petit patio là, les élèves s'en occupent mais en fin d'année ils sont rarement là… Alors je m'en charge… Vous avez pas vu ? On a planté plein de choses, des fraises, de la menthe poivrée, menthe marocaine même… Vous voulez faire un tour ?
- Euh… Nous on va plutôt aller faire un tour à la direction… Hein Marquez ?
- Ah oui oui !
- Je vous laisse avec ma collègue. Elle sera ravie d'un petit atelier botanique !
Val fit les gros yeux à Candice qui sortit de la salle en compagnie du capitaine.
- Il est bizarre non ? demanda-t-il.
- Hum… Et très peu touché par la mort de sa collègue accessoirement.
- C'est vrai… »
