29. Code Noir

Henry parlait toujours de la fête de James quand je l'emmenais à l'école le lendemain matin. Il ne voulait tout simplement pas s'arrêter d'en parler.

Pendant le petit déjeuner, entre deux bouchées de Frosties, il m'avait dit –comme il l'avait fait durant le trajet de retour la veille au soir et à nouveau quand je l'avais mis au lit– qu'il voulait 'des tas et des tas de Lego' pour son anniversaire et 'pas des livres nuls ennuyeux'. Il pensait clairement à son anniversaire pendant le petit-déjeuner, car quand nous partîmes pour l'école, il ajouta une requête pour avoir les même jeux de fête que James et il voulait aussi que Rosie et Hugo viennent pour sa fête.

"Rosie é Hugo, vi," approuva Annie.

"Rosie et Hugo habitent très loin d'ici," lui rappelais-je.

"Et le cocolat était super bon," ajouta-t-il avec envie.

"Crobon cocolat," ajouta sa sœur.

"Je verrais ce que je peux faire, Henry," lui assurais-je.

Tout en roulant, je considérais la possibilité d'inviter Rose et Hugo à la fête. À l'instar de celui de James, l'anniversaire de Henry tomberait un jeudi. Ils ne viendraient probablement pas c'était vraiment un très long trajet en voiture. Même si les amis de Harry semblaient prêts à parcourir des distances hallucinantes pour leur rendre visite. Les Weasley, ou Granger-Weasley, vivaient loin dans le sud, et pourtant ils étaient arrivés à l'improviste pour l'anniversaire de James. Peut-être qu'ils viendraient.

Ce fut alors que je remarquais que je n'avais pas vu la Mini d'Hermione à Drakeshaugh. S'ils n'étaient pas venus par la route, comment avaient-ils voyagé ? Ils pouvaient avoir pris l'avion et pris un taxi depuis l'aéroport. Mais cela n'avait pas dû être donné et, malgré ce qui m'avait été dit, Ron n'avait pas le profil de l'homme d'affaire de haut vol. Mais, une fois de plus, Harry n'avait pas le profil de l'enquêteur chevronné et du vétéran de guerre. En fait, si ce n'était les cicatrices que je voyais tous les samedis à la piscine, je n'y aurais pas crû moi-même.

C'était un long trajet, mais Ron et Hermione étaient le parrain et la marraine de James peut-être que c'était tout. Ils étaient simplement consciencieux de leur rôle. Nous avions demandé à la sœur de Mike d'être la marraine de Henry. J'aurais dû me rendre compte à quel point c'était une erreur quand elle avait dû être poussée pour venir au baptême par ses parents. Depuis, rien. Elle ne prenait même pas la peine de lui envoyer une carte d'anniversaire.

Quand je me garais devant l'école, le gros Range Rover de Harry était garé dehors. Au moment où je soulevais Annie dans mes bras, il marcha rapidement à travers le portail, son long pardessus noir flottant dans le vent frisquet. Annie cria un bonjour. Quand il nous vit, il nous offrit un joyeux geste de salut et nous attendit près de sa voiture. Nous partîmes rapidement dans sa direction.

"Bonjour les Charlton," dit-il gaiement.

Henry ne s'embarrassa même pas d'un poli bonjour ou même d'un salut. "Veux des tas et des tas de Lego pour mon niversaire," annonça-t-il fermement.

"C'était mon fils étant subtil," dis-je sur un ton d'excuse à Harry.

"Ben oui, j'en veux !" dit Henry.

J'eus un sourire d'excuse pour Harry et secouais la tête avec désespoir. "Je suppose que Ginny t'a parlé de la fête de Henry, Harry, la nuit de Guy Fawkes à Lintzgarth. Vous êtes tous invités et le garçon d'honneur aimerait que Rosie et Hugo viennent aussi."

"É moi," ajouta Annie.

"Et Annie aussi aimerait qu'ils puissent venir, désolée Annie," dis-je. Harry sourit à mes enfants. "Je leur ai dit que Rosie et Hugo vivaient très loin d'ici, mais Henry comme Annie ont insisté pour que je les invite. Est-ce que ce serait… Est-ce que je pourrais…" J'essayais de nouveau. "J'aimerais leur envoyer une invitation, mais je n'ai pas d'adresse."

"Des Lego, hein ? Très populaires, ces petites briques," dit joyeusement Harry à Henry avant de tourner son attention vers moi et de me faire un clin d'œil. "Ils sont déjà sur la liste de Noël de James, et sur celle de Ron, et Ginny m'a demandé si j'en voulais aussi !" Passant ses doigts à travers ses cheveux ébouriffés, il ajouta. "Je suis sûr que Ron et Hermione seront ravis de venir à la fête pour Henry." Il s'interrompit. "C'est d'accord, n'est-ce pas ?"

Je ris. "Bien sûr," lui dis-je. "Rosie et Hugo ne vont pas venir tout seul, si ? Je lui souris et secouais la tête. "J'aurais dû les mentionner, désolée. Depuis quand ai-je arrêté de penser aux parents ? Depuis quand sommes-nous devenus les plus un sur les cartons d'invitation de nos enfants, au lieu de l'inverse ?"

"Dans mon cas, environ cinq minutes après la naissance de James," me dit Harry avec un sourire. "Ron et Hermione habitent Le Nichoir, Allée Verte, Oakford Fitzpayne, Dorset. Je n'ai pas de pl… de stylo sur moi, mais si tu ne retiens pas l'adresse, je te la redonnerais demain."

"Je m'en souviendrais," dis-je. "'Jai une très bonne mémoire."

Harry m'offrit un regard appréciatif et hocha la tête. "Je suis certain qu'ils seront très contents de venir, surtout si Ron vous apporte…" Il jeta un coup d'œil vers Henry, "les feux d'artifice pour la fête." Henry tapa des mains et fit sa danse de joie. "On a pas non plus discuté du bois pour le feu de joie. Ginny m'en a parlé rapidement, mais avec tout le reste, j'avais complètement oublié. Je vais essayer de préparer ça pour vous. L'anniversaire de Henry est dans quatre semaines, c'est bien ça ?"

Je hochais la tête. "À propos de demain…"

"Pour la piscine ? Ça ne devrait pas poser problème ce week-end. Je n'ai pas prévu de travailler demain, donc Ginny et les enfants n'auront pas besoin que vous les emmeniez. On a enfin de bonnes nouvelles. Pas longtemps après que vous soyez partis hier soir, j'ai reçu un appel pour me dire qu'il y avait eu des progrès pour restaurer la mémoire de Frances. Je ne veux pas être trop confiant, mais je pense qu'on se rapproche enfin du tueur. J'en saurais plus en arrivant au travail, donc je ferais mieux d'y aller." Il regarda avec insistance vers le portail de l'école. "Et vous aussi, sans quoi Henry va être en retard. Salut." M'offrant un salut joyeux de la main, il contourna sa voiture, embarqua et s'en alla.

Pendant que Harry et moi parlions, j'avais vu Mary arriver. J'observais sa fille, Helen, débarquer de voiture, prendre son cartable et remonter le trottoir vers nous. Sa mère ne descendit pas de voiture et, à l'instant où Helen disparut à travers la grille de l'école, Mary démarra. Malheureusement, elle ne faisait pas attention et déboîta directement devant Harry. J'eus un hoquet de surprise, m'attendant à un accident. Il n'arriva pas. Incroyablement, il parvint on ne sait comment à arrêter sa voiture presque instantanément, évitant la collision. Harry ne klaxonna pas et Mary continua sa route, apparemment inconsciente de l'accident évité de justesse.

Soulagée, je suivis Helen vers l'école et accompagnait prestement Henry dans sa classe.

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Cet après-midi-là, pendant que nous attendions la fin d'une nouvelle journée de classe, Ginny me confirma ce que Harry m'avait déjà dit ils iraient à la piscine de leur côté le lendemain après-midi. "Mais on partira pour chez Maman dès qu'on sera séchés," dit-elle. "Et on ne rentrera pas avant tard dimanche. On sera aussi absent le dimanche suivant pour une autre fête, Dominique aura sept ans."

"Est-ce que ta mère habite dans le Devon ?" demandais-je.

Ginny hocha la tête.

"Ça doit être à plus de six-cents kilomètres !" dis-je. "Et vous prévoyez de faire ce trajet deux week-ends de suite ?" je secouais la tête, incrédule.

"On va voler," me dit Ginny. "Je sais que c'est un long trajet, Jacqui, mais c'est la famille."

J'étais sur le point de la questionner davantage, mais Ginny pointa vers la route. "C'est la voiture de Mary et elle n'est pas sortie. Est-ce que tu veux venir lui parler ?"

"Je ne sais pas," dis-je. "Qu'est-ce qu'on doit lui dire ? Qu'est-ce qu'on pourrait lui dire ? 'Salut Mary, on sait que tu as été une vraie 'G-A-R-C-E' envers nous, mais maintenant on se demande si c'est parce que ton mari te trompe.' Ça risque de ne pas très bien passer, tu ne crois pas ?" demandais-je nerveusement. "Si c'est vrai, on dirait qu'elle ne veut pas en parler. Je lui ai donné mon numéro, mais elle ne m'a pas contacté. Peut-être qu'elle décharge tout ça auprès de quelqu'un d'autre, ou peut-être que ce n'est tout simplement pas vrai. Et si ce n'est pas vrai, on passera pour les sales tu sais quoi."

"On peut lui dire simplement qu'on a remarqué qu'elle restait dans sa voiture au lieu de tenir audience – non, mieux vaut dire bavarder, ou socialiser – au portail et lui demander si quelque chose ne va pas," suggéra Ginny.

"Socialiser !" Je souris à Ginny en indiquant mon approbation d'un hochement de tête, mais échouait à masquer le sarcasme dans ma voix. "Bonne idée."

Nous étions sur le point de nous élancer, mais trop tard. La sonnerie de l'école retentit et nous avions manqué notre chance.

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Le samedi après le déjeuner, nous nous mîmes en route le long de la vallée vers la piscine. Quand Mike démarra sa voiture, le lecteur CD commença à tonner 'Le chanteur de Slipknot est allé voir le Pape à Rome.' Son expression, la couleur de son visage et la vitesse à laquelle il éjecta le CD m'indiquèrent un chose : c'était une chanson que les enfants ne devaient absolument pas entendre.

Les paroles de l'introduction avaient fait se redresser Annie et le silence qui suivi l'ennuya. Elle exigea que nous passions de la musique. J'essayais de lui dire qu'il n'y en avait pas, mais elle souligna que j'avais tort. Il y avait la musique de Papa, elle venait de l'entendre.

À ce moment-là nous étions déjà sur la route et je n'avais transféré aucun des disques de comptines de ma voiture dans celle de Mike. Fouillant frénétiquement dans la boîte à gants de Mike, je trouvais quatre autres CD. Malheureusement, il s'agissait de Trouble over Bridgewater, Back in the DHSS, Voyage to the Bottom of the Road et Friends of Dope Island. Il était évident à l'échange de regards que j'eus avec Mike qu'aucun d'eux n'était approprié pour des bambins.

J'étais sur le point de changer la fréquence de la radio de Mike de Radio 4 à Radio 2 dans l'espoir que de la pop classique suffise, quand je repérais l'un de mes propres disques – The Sky Didn't Fall – dépasser sous un chiffon dans l'un des vide-poches. Je me demandais depuis combien de temps il était là. Je le cherchais depuis des semaines et Mike avait nié savoir quoi que ce soit quand je lui avais demandé s'il l'avait vu.

J'étais sur le point de le disputer, mais nous avions alors atteint le chemin menant à Drakeshaugh et les complaintes d'Annie montaient en puissance. Je vis la voiture des Potter. Ils étaient garés à l'entrée, nous attendant. Mike les klaxonna amicalement en approchant. Je fis un signe et distrais Annie de ses récriminations en l'encourageant à leur faire signe elle aussi. Ils nous firent signe en retour et démarrèrent derrière nous.

"J'espère que tu vas aimer ça, Annie," dis-je en insérant le disque dans le lecteur.

Mike eut un murmure de protestation quand le CD débuta, mais je soulignais que c'était le seul CD dans la voiture sans problème de paroles et que je lui avais demandé s'il savait où il était des semaines plus tôt, la première fois que je lui avais posé la question. Cela le fit taire.

J'encourageais Annie à écouter la harpe et Kathryn Tickell parler de son endroit préféré. Ce ne fut pas un succès total. Il y avait plus de morceaux instrumentaux qu'Annie n'aimait et, bien qu'elle écoute assez attentivement la mélodie de la flûte et de la harpe, elle fut bien plus contente quand le chant commença.

Nous n'étions qu'à quelques minutes de la piscine quand Felton Lonnen commença. Quand Henry et Annie l'entendirent, ils se mirent tous deux à l'accompagner. Je fus agréablement surprise par la quantité de paroles dont Henry se souvenait. Annie la connaissait presque au mot près, mais elle fut troublée par le fait que la chanson soit à propos de 'mon gars' alors que je lui avais toujours chanté 'ma gosse'. Même Mike reconnut la chanson, bien qu'il ne chante pas.

"Les vac' sin rentrées, mais j'ai point vu min aurée. Les vac' sin rentrées, mais j'ai point vu min infant," chantais-je avec mes enfants.

"Tu avais l'habitude de les bercer avec cette chanson," observa Mike. "Mais tu es sûre qu'il n'y a pas de 'problème de langue' avec celle-là ? Tu encourage toujours les enfants à causer correc', et c'est pas du causer correc'."

"Je la chante toujours, pas vrai Annie ?"

"Vi," confirma Annie.

"Et même si c'est important que les enfants sachent parler correctement," lui dis-je, "c'est…"

"Je te taquine, Maman," dit-il en se garant dans une place de parking. "On y est les enfants, plus la peine de chanter à propos de vaches qui rentrent à la maison. Il est temps d'aller nageouilloter !"

"Youpi !" crièrent-ils. Je soupirais.

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Nos séances de natation commençaient à trouver une certaine routine. Ginny et Mike passaient la plupart de leur temps à patauger dans le petit bain avec Lily et Annie, pendant que j'essayais d'apprendre à James et Henry dans le grand bain. Harry et Al, pendant ce temps, allaient d'un groupe à l'autre. J'avais de la peine pour le cadet de Harry. Le pauvre Al s'ennuyait dans le petit bain, mais il ne pouvait pas toucher le fond dans le grand et il n'avait pas encore assez confiance en lui pour être laissé sans surveillance, même pour une seconde, quand il n'avait pas pied.

"Comment va Frances ?" demandais-je quand lui et Harry vinrent se joindre à nous.

James et Henry répétaient leurs roulades sous-marines. Harry bougeait lentement vers moi, une main sous le ventre d'Al pour le supporter. Al, qui tenait également l'une des deux nouvelles planches que Harry avait acheté en entrant dans la piscine, avançait en pataugeant nerveusement dans l'eau.

"Elle se remet," me dit-il. "L'équipe de Susan a passé toute la journée hier à la questionner. Elle nous a fourni de nombreuses informations utiles."

"Est-ce que tu crois que…" je peinais à me souvenir du nom. "… Gaheris Robards est toujours vivant ?" demandais-je.

"Je l'espère," me dit Harry, surprit par la question. "Nous le découvrirons dans les prochains jours, j'en suis sûr."

"Étoile de mer," dis-je en recentrant mon attention sur les événements devant moi.

"Pardon ?" demanda Harry.

"Al," dis-je. "Il se tient à sa planche comme si sa vie en dépendait et tu le maintiens à la surface, il ne flotte pas. La planche est censée être une aide, pas une bouée de sauvetage. Al doit savoir qu'il vaflotte. Juste une minute." Je nageais jusqu'à James et Henry, les ramenait jusqu'au bord du bassin, leur donnais chacun une planche et leur fis faire une course de deux longueurs de bassin. Me repoussant contre le mur, deux brasses me ramenèrent jusqu'à Harry et Al et largement devant les garçons plus âgés.

"Salut Al," dis-je. Je jetais un coup d'œil à Harry, m'assurant qu'il n'avait pas d'opposition à ce que j'interfère. Il hocha la tête, je pris donc Al dans mes bras, lui pris la planche et la donnais à son père. "Je te tiens," le rassurais-je en l'allongeant sur le dos dans l'eau. Je gardais une main dans le bas de son dos et l'autre sous sa tête pour le soutenir. "Ne t'inquiètes pas, regarde tout droit vers le plafond," lui conseillais-je.

Pendant que je lui parlais, j'essayais de garder un œil sur James et Henry. C'était une course et James était parti à toute vitesse. Il avait une bonne avance et il ne faisait aucun doute qu'il allait atteindre l'autre bout de la piscine en premier. À cause de ça, je pouvais voir qu'il commençait déjà à fatiguer. Henry, démontrant bien plus de sens tactique que je ne m'y attendais, ne forçait pas, mais ne laissait pas non plus James prendre plus d'avance. Rassurée sur le fait qu'ils n'étaient pas en danger, je ramenais mon attention sur le petit garçon aux cheveux noirs que je soutenais.

"Est-ce que tu peux faire une étoile, Al ?" demandais-je. "En écartant les bras et les jambes." Il fit ce que je demandais et j'abaissais doucement la main sous son dos.

"Si tu as peur, Al, prends une profonde inspiration," lui dis-je. "Autant d'air que tu peux." J'aspirais bruyamment de l'air dans mes propres poumons en démonstration. "Maintenant, retiens ton souffle. "À l'instant où il le fit, je baissais doucement ma main de sous sa tête. Ses yeux s'écarquillèrent, mais il se décontracta quand il réalisa qu'il flottait vraiment. Je regardais son sourire faire fuir ses inquiétudes.

"Tout cet air dans tes poumons aide," lui dis-je. "C'est comme avoir des bouées à l'intérieur de ta poitrine. Peut-être que Papa peut t'aider à t'entraîner à flotter sur le dos." Je me tournais vers Harry. "Reste au-dessus de sa tête. Essaye de l'encourager à respirer, mais seulement par petites respirations. S'il panique ou commence à couler, soutiens sa tête, pas son dos," conseillais-je. "Si tu penses qu'il a confiance dans sa capacité à flotter, alors tu pourras lui proposer de transformer l'étoile en aiguille." Je levais mes bras au-dessus de ma tête et collais mes paumes en démonstration. "Mais seulement si tu penses qu'il est serein. S'assurer qu'il ait confiance est la priorité."

"Merci Jacqui." Le sourire plein de gratitude de Harry était un soleil d'été, mais je n'eus pas le temps d'en être éblouie, car les deux autres étaient sur le retour et Henry venait juste de dépasser James qui peinait désormais. Je m'élançais vers eux d'un battement de jambes, juste au cas où James commence à vraiment défaillir. Il était fatigué mais trop entêté pour abandonner. Quand il parvint enfin difficilement au bord du bassin, il était haletant et presque une longueur de corps complète derrière Henry.

"Bien joué, tous les deux," dis-je.

"J'ai gagné," dit joyeusement Henry. James était au bord des larmes et Henry le remarqua. "Mais James a gagné presque tout le temps," ajouta-t-il généreusement.

"Si vous faites des vraies courses, quand vous serez plus grands, vous découvrirez que vous pouvez tous les deux être les vainqueurs," leur dis-je à tous les deux.

"Peut pas y avoir deux gagnants," dit malheureusement James.

"C'est possible s'il y a deux courses, James," dis-je. "Certaines courses sont comme celle-ci, jusqu'à l'autre bout de la piscine et retour. Mais d'autres ne font qu'une longueur."

"Et James il est arrivé de l'autre côté le premier," dit Henry. J'étais fière de lui.

"Donc on a un peu gagné tous les deux," dit James avec espoir.

Je hochais la tête. "Quand j'avais huit ans, j'ai commencé à nager pour une équipe," leur dis-je. "Et si vous nagez un jour dans une équipe, peut-être que vous gagnerez tous les deux. Un dans la course courte, l'autre dans la course longue." Je pointais vers James puis Henry, tour à tour. "Est alors vous pourrez être tous les deux champions."

"Deux champions," se dirent-ils joyeusement.

"Sprint et endurance," leur dis-je. James souriait de nouveau. Il avait déjà oublié son énervement. Ils se tenaient au bord de la piscine et avaient tourné leur attention vers Al et Harry. Pour les faire se reposer, ainsi que pour donner encore plus confiance à Al, je leur suggérais d'essayer de faire l'étoile de mer.

Il ne fallut qu'un rien de temps à Henry et James pour découvrir qu'en ramenant doucement leurs bras le long du corps, ils pouvaient se déplacer tranquillement et rapidement. Ils encouragèrent Al à faire de même. Harry et moi les regardèrent faire.

"Les journaux se sont calmés," dis-je. "C'est comme si tout le monde avait oublié l'affaire."

"Il ne se passe rien qu'ils puissent annoncer," dit Harry. "L'homme qu'on recherche…"

Il hésita, je fournis donc le nom. "Jason Jones."

"Tu en as bien plus entendu dans la forêt que tu ne l'as admis, n'est-ce pas ?" me dit-il vivement.

C'était un interrogateur professionnel et j'étais tombée dans son piège. Je hochais la tête d'un air coupable. "Je ne voulais pas," m'excusais-je. "On jouait au loup et je ne savais pas qui l'était, donc quand j'ai entendu quelqu'un, je me suis cachée."

"Je n'aurais pas vraiment dû le dire à Ron," admit Harry. "Mais le fait que tu connaisses ce nom n'a pas d'importance, parce que ce n'est pas son vrai nom. C'est seulement le nom sur son Badge d'Identification du Ministère même si c'est déjà bien assez inquiétant, puisque obtenir un faux Badge d'Identification devrait être impossible. Frances l'a émis parce qu'il est – ou était – son petit ami. Elle a compromis la sécurité du Ministère pour lui et il a perturbé le… système informatique de Michael. Pas étonnant que ça ne nous ait mené nulle part. Jason l'utilisait pour nous mettre sur de fausses pistes."

"Est-ce que tu devrais me raconter ça ?"

"Non," admit-il. "Mais tu étais là quand Frances est arrivée et tu continues de découvrir des choses. Et puis – autant que je puisse le dire – tu n'as parlé à personne de ce que tu savais. Je te fais confiance pour n'en parler à personne, Jacqui."

"Je ne le ferais pas ! Alors comment Frances a fini avec l'invitation ?" demandais-je. "Je veux dire, je suppose que ce type, Jason, l'a d'une façon ou d'une autre subtilisée à Michael. Tu as dit qu'il travaillait avec lui."

"C'est ce qu'on croit," admit Harry. "Frances a trouvé l'invitation dans sa poche et l'a interrogé à ce sujet. Il lui a dit que 'un de ses amis' lui avait demandé de découvrir notre adresse. Et c'est là que Frances a commencé à avoir des soupçons sur lui. Si elle l'avait dénoncé à ce moment-là, on aurait pu empêcher les deux derniers meurtres, mais au lieu de ça, elle a essayé de le suivre et de capturer son complice. Je suppose que je dois être heureux qu'elle ait réussi à subtiliser l'invitation de sa poche et à la cacher dans sa botte."

"Elle est partie tout seule en chasse de deux hommes ?" demandais-je.

"Elle a toujours voulu un travail dans notre service, donc elle essayait de faire ses preuves. C'était stupide. Elle est parvenue à pister le complice, mais elle a été capturée, et Oub… enfin, elle a perdu la mémoire. Deux personnes sont mortes et elle a eu de la chance de ne pas être la troisième."

"Au moins vous avez des noms et, probablement, des descriptions," dis-je.

Harry hocha la tête. "Et… Ginny t'a dit que Robards travaillait dans un musée, je me trompe ?"

"Oui."

"Le père de Jason travaille dans le même musée… je ferais mieux de récupérer Al."

James et Henry encourageaient Al à s'éloigner de nous et le plus jeune fils de Harry était à présent suffisamment loin de nous pour inquiéter Harry. Il avait raison d'être prudent, car Al n'avait pas de brassard. Me maudissant de m'être laissée distraire – l'affaire était intéressante, mais pas aussi importante que les enfants – je nageais jusqu'à Henry et James et essayais de les faire laisser Al et Harry en paix. Leur faire commencer un exercice de jambes se révéla plus simple que je ne l'aurais cru. Dès que je leur eu dit qu'une bonne technique de battement de jambes les aiderait à nager plus vite, cela devint également une compétition.

Je n'eus pas d'autre occasion de parler à Harry. Al pratiquait ses propres battements de jambes dans le petit bain et, rapidement, Al et Lily voulurent faire de même. Ils y étaient toujours quand le buzzer sonna et que nous dûmes partir. Pendant que nous nous changions, Mike me dit que les Potter iraient directement à l'aéroport depuis la piscine pour voler jusque dans le Devon. Henry et Annie étaient un peu sombres quand nous les séchâmes. Et Henry se plaignit du fait qu'il ne reverrait pas James avant le lundi.

"J'aurais pu n'aller avec lui," dit Henry alors que je l'habillais.

"Pas de place dans la voiture et pas de billet d'avion, désolée Henry," lui dis-je. On pourrait aller à Cragside pour la journée demain. Ça serait sympa, non ?"

Il n'était pas enthousiaste, mais c'était le mieux qu'on puisse lui proposer.

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Harry semblait très joyeux quand je le vis le lundi matin. Pour une fois j'arrivais avant lui, mais tout juste. Je regardais Henry accrocher son manteau quand James et Harry arrivèrent. Après nous être assurés que les garçons étaient installés, nous retournâmes ensemble jusqu'à nos voitures.

"Comment s'est déroulée l'autre fête d'anniversaire de James ?" demandais-je.

"Aussi bruyante que je m'y attendais," me dit-il en souriant. "Un assortiment complet d'oncles, de tantes et de cousins, plus ses grands-parents et les parents d'Hermione – c'est un peu ses grands-parents adoptifs," expliqua-t-il en voyant la question non posée sur mon visage. "C'était le chaos total et très amusant."

"Je peux le voir," lui dis-je. "Tu parais bien plus détendu que tu ne l'as été depuis… enfin, depuis que ce jeune couple a été tué."

Il entendit la mention des deux derniers meurtres avec un sourire triste. "Avec de la chance, tout est terminé. J'ai reçu un message de Terry avant de partir ce matin, Jason est en garde à vue et son père aussi. Je suis en route pour aller voir ce qu'ils ont à dire."

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Ma première question pour Ginny cet après-midi-là fut "Comment avance l'affaire ?"

Elle secoua la tête. "Je n'en ai aucune idée, Jacqui," me dit-elle, me regardant droit dans les yeux. "Est-ce que tu as parlé avec Harry ce matin ?"

Je hochais la tête.

"Alors tu lui as parlé plus récemment que moi," dit-elle. "Il ne m'appelle pas avec des mises à jour pendant la journée, tu sais."

"Oh, heu, désolée," dis-je, me sentant un peu honteuse. "Évidemment qu'il ne le fait pas. Je suis bête. Je devrais réfléchir avant de parler."

Ginny me mit une main sur l'épaule, la pressa et me sourit. "Je suis aussi curieuse que toi, Jacqui," admit-elle. "Tout ce que je peux faire c'est espérer que pas de nouvelles signifie bonnes nouvelles. Regarde, voilà Mary, encore assise toute seule dans sa voiture ? Est-ce qu'on pourrait aller lui parler ? On pourrait avoir notre propre petit mystère à résoudre."

"Pourquoi pas ?"

Nous nous mîmes en route, Ginny poussant la poussette contenant Al et Lily et moi tenant la main d'Annie. Quand nous regardâmes par la fenêtre, la tête de Mary était en arrière contre l'appuie-tête. J'hésitais, Ginny ne le fit pas. Elle toqua à la vitre du côté passager. Mary sursauta, ouvrit les yeux et nous regarda avec horreur. Sans attendre d'y être invitée, Ginny ouvrit la portière. Elle fut accueillie par une effluve d'alcool.

"Oh, Mary," dit Ginny.

Mary commença à jurer et je protestais bruyamment. Ginny tira Al et Lily à l'écart de la porte, loin des jurons de Mary. Plongeant la main dans la poussette, Ginny murmura quelque chose qui ressemblait à 'Mambo Wambo.' Elle était un peu derrière moi donc je ne vis pas ce qu'elle cherchait dans la poussette, mais cela n'importa pas, puisque Mary devint subitement silencieuse.

"Vous ne pouvez pas conduire," lui dis-je.

Elle nous lança des regards noirs mais, la langue apparemment paralysée, ne dit rien.

"Est-ce que vous allez vous tenir correctement ?" demanda Ginny par-dessus mon épaule. "Plus de gros mots devant les enfants ?"

Mary hocha la tête.

"Bien," lui dit Ginny.

Mary fit un bruit claquant, frappant sa langue sur le bas de sa bouche. Cela sembla lui redonner la parole. "Ce ne sont pas vos affaires, ce que je fais," protesta-t-elle.

"Vous pouvez faire ce que vous voulez," lui dis-je fermement. "On ne peut pas vous empêcher de vous mettre en danger, Mary, mais on va vous empêcher de mettre les autres en danger. Si vous conduisez dans cet état, vous êtes un danger pour Helen – et pour n'importe qui d'autre sur la route ! Vous avez déboîté juste devant Harry vendredi matin. Est-ce que c'était parce que vous étiez… ?

Mary me regarda méchamment.

"Il n'y a que nous deux ici," dit calmement Ginny. "Mais la plupart des mères au portail nous regardent. Vous savez comment est cet endroit pour les ragots. En fait, vous êtes une experte. Mais on ne dira rien, si vous ne le voulez pas. Est-ce que c'est votre mari ?"

Mary était horrifiée. Son hochement de tête était presque inexistant. "Qu'est-ce que je vais faire ?" demanda-t-elle.

"Vous allez venir à Drakeshaugh," dit fermement Ginny. "Vous pouvez laisser votre voiture ici. La marche à pied vous fera du bien. Je vais rester assise ici avec vous jusqu'à ce que tous les autres soient partis. On dira que…" Ginny chercha de l'aide en se tournant vers moi.

"On dira que l'une des alertes lumineuses s'est allumée et que votre voiture vous dit de ne pas la conduire," suggérais-je.

"Cette voiture peut parler ?" demanda Ginny avec surprise.

"Non." Je secouais la tête, amusée. Il semblait que Ginny en connaisse encore moins sur les voitures que moi. "Mais il y a toute sorte de signaux d'avertissement et de systèmes intelligents dedans. N'importe lequel d'entre eux peut signifier que quelque chose est sérieusement défaillant. Ça devrait marcher, n'est-ce pas Mary ?"

"Oui," dit-elle. "Merci," ajouta-t-elle dans un murmure.

"Jacqui peut dire ça à toutes celles qui demandent et on peut attendre ici que tout le monde soit parti."

Je retournais jusque devant l'école et expliquais que la voiture de Mary avait un problème et que cela l'avait perturbée. Quand Amanda exprima sa sollicitude et offrit d'aider, je lui dis que Mary était vraiment ennuyée et qu'elle ne voulait pas être embêtée par encore plus de fouineurs. Cela fonctionna.

Tout le monde partit et, quand le dernier minibus s'éloigna enfin, Mary sortit en titubant de sa voiture.

"Merci, Jacqui, mais je peux me débrouiller," dit Ginny quand je lui proposais de marcher avec elle jusqu'à Drakeshaugh. "Ramène juste Annie et Henry à la maison."

En regardant le visage de Ginny, je compris que protester ne me mènerait nulle part. "Si tu es sûre," dis-je avec hésitation.

"Certaine," me dit Ginny.

Je regardais Mary et sa fille. Helen portait un épais et onéreux manteau par-dessus son uniforme scolaire. Ginny et ses enfants étaient eux aussi chaudement emmitouflés, mais Mary n'avait qu'un chemisier et une veste fine et elle commençait déjà à trembler.

"Je vais chercher ma vieille veste," dis-je. Me pressant au-devant d'eux, j'ouvris le coffre de ma voiture et attrapais la vieille veste cirée élimée dont Mary avait été une fois si dédaigneuse. Quand elles nous rejoignirent, Henry et Annie avaient grimpé dans leurs sièges auto. Je tendis la veste à Mary. Elle grimaça mais me la prit.

"Merci Jacqui, à demain," dit Ginny avec gratitude.

"Merci Jacqui," l'imita Mary, bien qu'il n'y ait pas la moindre gratitude dans sa voix.

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Il m'avait fallu toute ma volonté pour ne pas appeler Ginny la veille au soir. Je partis un peu plus tôt que d'habitude pour descendre à l'école et j'y arrivais en même temps que Harry.

Tandis que James et Henry marchaient vers l'école, j'interrogeais Harry au sujet de Mary.

"Elle était partie lorsque je suis rentré," me dit Harry. "Ginny a dit qu'elle et Mary avaient eu une longue discussion et que ça a l'air de se diriger vers un divorce compliqué." Il secoua tristement la tête. "Mais tu devrais vraiment parler à Ginny."

Je me tus et écoutais Henry et James parler bruyamment de tous les Lego qu'ils voudraient. Nous regardâmes nos fils retirer leurs manteaux et les accrocher, puis lorsqu'ils entrèrent dans la classe sans un regard en arrière, nous nous regardâmes en mutuelle commisération.

"Déjà inutiles," observa Harry.

"Pas totalement, ils ont encore besoin de leurs chauffeurs de taxi," lui rappelais-je. Il rit.

Harry était toujours de nonne humeur et pendant que nous retournions vers nos voitures –Annie trottinant à mes côtés–, je rassemblais mon courage pour lui parler de l'affaire. Avant que je puisse lui poser de question, une cloche sonna. C'était un tintement strident de lourd tocsin à faire grincer les dents. Le bruit bruyant et funeste poussa Annie à mettre ses mains sur ses oreilles et me força au silence avant même que j'aie commencé à parler. Cela fit taire tout le monde aux environs.

Ce n'était pas un simple tintement, c'était le retentissement de Big Ben sonnant l'heure. Le bruit semblait sortir de la poche de Harry et avait drainé toute couleur de son visage. Je regardais un homme qui venait d'être subitement submergé par un ouragan d'anxiété. Son visage était livide et sa bouche béait. La sonnerie assourdissante résonnait toujours en moi quand une voix pressante de femme parla par-dessus ses secondes finales.

"Code noir. Alerte à Tous les Aurors ! Code Noir : Portoloin d'Urgence dans cinq…"

Alors que le tintement se dissipait, avant que la voix n'ait commencé à parler, Harry regardait tout autour de lui. Il me lança un regard, puis ses yeux balayèrent le reste des mères au portail. C'était comme s'il cherchait un endroit où se cacher. C'était impossible, tout le monde le regardait fixement, leur attention captée par la cloche.

Sortant son portefeuille, il hurla "Annulation," pile au moment où la femme prononça le mot cinq.

La voix se tut instantanément. Il me regarda comme si c'était la décision la plus difficile qu'il ait jamais prise. Sortant son téléphone, il le regarda et dit "Martha !"

"Oh, Harry," répondit instantanément une femme. Elle semblait au bord des larmes.

"Je ne suis pas sécurisé," lui dit-il. Il fit tourner son téléphone. J'eus le plus bref des aperçus d'une femme au visage fin et aux cheveux bouclés, ayant probablement dix ans de plus que Harry, avant qu'il ne le retourne et fixe l'écran. "Qui ?" demanda-t-il.

"Nous ne savons pas, Harry ?"

"Où ?" essaya-t-il.

"Un hôtel abandonné sur Fullwood Road."

"L'équipe de Polly ! Qu'est-ce que…"

"Attendez, Harry. J'ai Terry sur une autre ligne, il est sur site maintenant." J'observais Harry trépigner avec frustration. "Nous avons vingt-huit, euh… agents sur le… pour aider Terry, et deux Soi… euh… personnels médicaux. Bâtiment effondré… Oh, Harry… Les quatre membres de l'équipe de Polly sont manquants, visiblement ensevelis sous le bâtiment, mais Terry dit 'seulement trois vies détectées'."

"Quatre ?" demanda Harry.

"Polly, Dennis et Trudi avaient l'apprentie, Mademoiselle Cattermole, avec eux."

"Ellie ?" Harry s'avachit. "J'ai entendu l'ATA c'était un code noir. Est-ce que l'A-T a été confirmé ?"

"A-T ? … Oh ! Le… euh… attendez une seconde," dit Martha. L'attente fut plus longue que la seconde promise. Quand elle revint, elle étouffa un sanglot. "Anne White est avec Terry, elle dit "A-T confirmé.' Oh, Harry."

"Je suis en route. Trouvez si qui que ce soit n'a pas répondu à l'ATA et faites-les venir quand même au bureau. Aucune excuse, je me fiche de ce qu'ils font. Et… trouvez les quatre adresses pour moi, s'il vous plaît." Harry tremblait tellement que je plaçais une main réconfortante sur son épaule. Il m'offrit un sourire rempli de gratitude. "Tenez-moi au courant, Martha," ordonna-t-il avant d'empocher le téléphone.

Je n'avais aucun idée de ce que signifiaient le jargon, les acronymes et les abréviations qu'il avait utilisés, mais il était compréhensible que ce ne le soit pas. Tandis que je me demandais qu'elle sorte d'urgence pouvait avoir pour nom de code 'Portoloin', je continuais de regarder le visage de Harry. Il était apparent qu'il était sévèrement secoué.

"Tu as besoin d'une minute avant de conduire où que ce soit," lui dis-je fermement. "Soyons sérieux, tu ne pourras pas arriver rapidement à Sheffield. Prends une minute ou deux pour te calmer. Est-ce que tu veux me dire ce qui vient de se passer ? Tu n'es pas obligé."

Il secoua la tête mais répondit tout de même. "Il est possible… probable… que l'un de mes agents ait été tué," dit-il doucement.

J'ai toujours été partisane des étreintes, je m'approchais donc et le serrais contre moi. "Oh, Harry, je suis tellement désolée." Il hésita un moment avant de répondre à l'étreinte. Je parlais dans son épaule. "Tu vas les avoir, j'en suis sûre. Mais roule prudemment. Sheffield est très loin."

"Merci, Jacqui," dit-il. Plaçant ses mains sur mes épaules, il me repoussa délicatement. Il était, si possible, encore plus abattu. "Je ne vais pas à Sheffield. Je suis le chef, c'est…" sa voix s'érailla. "C'est mon rôle d'informer les proches. Je dois vraiment y aller."

"Si toi – ou Ginny – avez besoin de quoi que ce soit, n'importe quoi, appelez-moi," lui dis-je.

Il hocha la tête et, les épaules voûtées, se précipita vers sa voiture. Alors qu'il s'approchait du portail, les autres mères regardèrent son expression et le laissèrent passer. Elles me tombèrent alors dessus comme une nuée de sauterelles.