(Coughing up blood / "You're safe now." / "Take me instead.")
"Je vous en supplie, laissez-le." murmura TK, désespéré de voir encore un monstre tenter de lui arracher l'amour de sa vie.
Steve s'était cogné la tête durant le rodéo aérien et gisait inconscient. Danny et Max, quant à eux, ne savaient pas vraiment quoi faire pour aider le jeune couple. Adam, lui, regardait ce fantôme qui lui faisait une impression étrange. Il se souvint de sa propre mort et réalisa qu'il ne devrait pas être éveillé dans ce véhicule, mais avec elle. Il réalisa que s'il venait avec elle, elle laisserait Carlos tranquille. Lui était déjà mort, il le sentait au plus profond de ses entrailles.
"Prenez-moi à sa place." dit-il d'une voix claire, sûr de lui.
Le fantôme tourna son visage vers lui et son expression s'adoucit et les traits de la belle japonaise, qu'il avait découvert au premier regard, réapparurent. Il sentit qu'il avait fait le bon choix lorsqu'elle posa sa main sur sa joue. Il n'entendit pas les supplications de ses amis, ni leurs cris, ni leurs larmes. Tout ce qui comptait, c'étaient ces mains qui déshabillaient son corps et ces lèvres sur les siennes. Son corps contre le sien, dans la neige, pour s'unir à jamais. L'orgasme qui montait en lui et sa vie qui s'échappait vers elle. Et il n'y eut plus que le froid, le blanc. Plus rien que du blanc.
Steve avait repris conscience aux derniers mots de son ami. Impuissant, comme les autres, il avait vu la tornade de neige s'enrouler autour de son corps pour l'emmener derrière une congère. Il n'avait pas attendu de savoir ce que ce fantôme faisait à Adam, il avait bien compris que le Japonais venait de se sacrifier et qu'ils ne pouvaient plus rien faire pour lui. La mort dans l'âme, il redémarra la camionnette accidentée et fut soulagé d'entendre le moteur tourner. Malgré les pleurs et les supplications des autres, il sortit du parking, prenant la direction de la maison de Jerry. Il tentait de ne pas penser à Adam alors qu'il s'aventurait hors du bâtiment qui les avait relativement protégés pendant plusieurs heures.
Les rues de la ville ressemblaient à une scène de film post-apocalyptique. Des cadavres jonchaient les rues, partiellement dévorés par des monstres plus ou moins identifiables ; des créatures se battaient entre elles, des marcheurs tentaient d'entrer dans des immeubles ; des dragons volaient dans le ciel, enflammant des tours sur leur passage. Steve craignait qu'un de ces monstres s'intéresse à eux et décide de les attaquer. Dans leur état, il ne savait pas s'ils survivraient. Il jeta un coup d'œil à l'horloge : trois heures trente du matin. Ils avaient encore environ trois autres heures à tenir. Un sentiment de désespoir le saisit, ça semblait être une mission impossible, surtout pour Carlos, mais il se reprit lorsque son regard se posa sur Danny qui arborait un visage fermé. Il jeta un œil dans son rétroviseur et constata que Max et TK entouraient tous deux le blessé, changeant son bandage de leur mieux. Il ne pouvait pas être défaitiste, il devait tenir, pour eux, pour leur donner autant de chances de survie qu'il le pouvait.
Il conduisit prudemment, doucement, soulagé que les créatures ne tournent pas leur attention vers eux et s'attendant à ce qu'elles le fassent à tout moment. Et ce fut alors qu'il quittait le quartier où la concentration de monstres était la plus élevée, quand il commençait enfin à espérer arriver à destination sans encombre, qu'un violent choc les propulsa hors de la route. Ils basculèrent par-dessus la rambarde du pont et furent précipités dans l'eau. Il fallut quelques secondes aux cinq hommes quelque peu sonnés pour comprendre ce qui leur arrivait, tandis que l'eau de mer commençait à s'infiltrer dans l'habitacle et qu'ils étaient projetés d'un côté à l'autre à grand renfort de gros chocs. Steve et TK pensèrent immédiatement aux hydres, craignant d'être retombé entre leurs crocs, mais quand le soldat aperçut le monstre qui jouait au ping-pong avec eux, son cœur manqua un battement. Jamais ils n'en sortiraient tous en vie. Il réfléchit à toute vitesse comment optimiser leurs chances, sachant déjà que le plan qu'il était en train d'élaborer ne plairait pas à Danny. Seulement, l'eau montait et ils n'avaient pas beaucoup de possibilités.
"Va à l'arrière. Attends que j'aie brisé la fenêtre. Quand la camionnette sera remplie d'eau, ouvre la porte arrière et ramène-les à la surface.
- Et toi ?
- Je vais faire diversion."
Il sembla à Danny que son cœur se transformait en pierre lorsqu'il comprit ce qu'impliquait le plan de son homme. Il ne pouvait pas accepter cette idée. Une nouvelle secousse ébranla la camionnette, faisant rentrer un peu plus d'eau. Carlos gémissait à l'arrière, le sel brûlant douloureusement sa blessure.
"On n'a pas le choix, affirma Steve avant de l'embrasser amoureusement. Je t'aime."
Danny lui répondit du bout des lèvres et obéit, le cœur dans l'estomac.
"Prenez une grande inspiration, ordonna Steve. A trois !"
Il se saisit du pommeau de vitesse qui venait de céder.
"Un !"
Il regarda Danny.
"Deux !"
Ils prirent tous une grande inspiration.
"Trois !"
Il frappa de toutes ses forces contre la vitre qui se brisa. L'eau entra avec force dans l'habitacle, faisant tourner la tête du militaire qui perdit ses repères quelques dixièmes de seconde. Quand il reprit le contrôle de son corps et de son esprit, il constata que la porte arrière était ouverte et sortit par la fenêtre. Il nagea jusqu'à se mettre juste en face du Kraken qui finissait de détruire la camionette du légiste. Au moment où leurs yeux se rencontrèrent, Steve sut qu'il venait de signer son arrêt de mort.
