Chapitre 34 : retour aux sources
En fin de semaine, après avoir repris Henri avec elles, Emma invita Belle et Aladin au loft, afin de dîner tous ensemble, et de faire le point sur la situation. L'ambiance s'était progressivement réchauffée, au sein de la famille recomposée, et le poulet à la basquaise, préparé par Regina, avait mis tout le monde d'accord. Le choc des fourchettes dans l'assiette avait remplacé la conversation, encore un peu ténue. Emma posa ses couverts, et observa la tablée.
- C'était délicieux, chérie, comme d'habitude. Merci.
- De rien.
Aladin sourit et se cala dans son siège.
- Tu ne nous as pas invité pour faire causette, frangine ? Je croyais, mais je peux me tromper…
- Non, grand malin, en effet, nous devons parler de ce que nous allons faire, afin de mettre en lumière les magouilles du conseil d'administration, de Pan, et blanchir Regina au passage.
- Vaste programme ! Alors, on commence par quoi ?
- Par Belle.
- Par moi ?
Belle ouvrit enfin la bouche pour prendre la parole. Chez les Charming, le couple la battait un peu froid depuis sa « fugue ». Elle contempla la blonde, essayant de savoir ce qui lui pendait au nez.
- Et que dois-je faire ?
- Nous allons repartir à Storybrook, toutes les trois.
- C'est risqué, non ?
- Peut-être, mais il faut débusquer le loup du bois, et c'est là-bas que nous allons l'attirer.
- Tu as une idée bien précise de l'identité de cette personne, n'est-ce pas ?
- Oui, c'est Killian. C'est par lui que tout a commencé, et que tout va finir.
- Ok, mais comment faire pour qu'il vienne ? Il n'est pas stupide, il va flairer le piège.
- Je compte sur l'aide inopinée d'un certain agent du cadastre…
- Explique-toi.
- Je vais farfouiller partout à Storybrook, et je vais faire en sorte que ce crétin du cadastre lui en touche deux mots.
- Pourquoi lui ?
- Parce que s'il était innocent, ce bougre, il aurait tout de suite alerté les services fédéraux au sujet du problème des bâtiments fantômes. Or, comme ce n'est pas le cas, il doit être de mèche avec Killian, qui doit lui graisser allègrement la patte. Toujours commencer par le point faible en premier.
Aladin siffla d'admiration.
- Emma, on dirait Regina ! Enfin, sans rancune, hein…
Regina se fendit d'un sourire carnassier.
- Nullement, très cher.
Belle secoua la tête.
- Mais qu'est-ce que je viens faire là-dedans, moi ?
- L'agent ne se méfiera pas de toi autant que si c'était moi, une étrangère à la communauté de cette petite bourgade. Tu es un appât parfait !
- Je vois. Tu veux faire entrer un renard dans le poulailler, mais le renard doit avoir l'air d'une poule…
- Je ne te considère pas comme une poule…
Aladin éclata de rire.
- Pardon Belle, mais tu es l'innocence incarnée !
La jeune femme maugréa quelques mots inintelligibles, avant de se laisser tomber dans le dos de son fauteuil.
- J'ouvre le bal, donc, si je puis dire ?
- Exactement. Tout repose sur tes frêles épaules.
- Mes frêles ?! Non, mais attends, Emma, tu ne perds rien pour attendre !
Belle prit un coussin qu'elle envoya droit dans le visage de la blonde, qui ne s'attendit pas à une attaque aussi déloyale.
- Hey ! Il y a triche !
Emma s'empara de sa serviette de table, et la roula en boule, afin de faire un projectile digne de ce nom. Belle déguerpit de la tablée immédiatement, et elles se poursuivirent durant plusieurs minutes, telles des gosses. Henri soupira.
- Et c'est moi l'enfant ici… On aura tout vu.
Regina lui ébouriffa les cheveux et déposa un tendre baiser sur sa joue.
- Tu es très certainement plus mature que ces deux-là, je te l'accorde. Même si tu restes mon bébé.
Aladin n'en perdit pas une miette et apprécia à sa juste valeur ce moment de détente en famille. Ce tableau s'apparentait à ce qu'il considérait comme le paradis. Il sourit, mais se tut. Il savoura simplement l'instant.
Henri dut retourner vivre chez les Charming pour un temps, avec Aladin, car la situation pouvait dégénérer à Storybrook, et Regina refusa que son unique enfant prenne un quelconque risque. Le voyage fut vite préparé, et Belle ne démordit pas de son obsession de rentrer dans sa maison. Aussi invita-t-elle le couple chez elle, mais ces dernières refusèrent, préférant la discrétion quant à la nature de leur relation avec l'ancienne bibliothécaire. Elles y allèrent donc à deux voitures, et Belle arriva chez elle une journée avant le couple, qui avait loué un gîte, à l'orée de la forêt, afin d'être le plus caché possible.
Le petit chalet était charmant, mais rustique. Elles ne désiraient pas y rester trop longtemps, et avaient préféré cet endroit en retrait de la bourgade, afin de pouvoir passer inaperçues en cas de besoin. Le plan était simple : Belle devait demander à l'agent du cadastre la raison du manque administratif quant aux bâtiments inexistants, notamment la conserverie. Emma devait le lendemain, faire semblant de débarquer en ville et poser des questions similaires. Elles savaient qu'il faudrait peu de temps pour que ces interrogatoires tous azimuts ne poussent le loup à sortir du bois. Emma se rendit donc au bar du coin, puis sur les docks, tout en se montrant le maximum aux habitants. Elle furetait partout où elle pouvait, sans se mettre en danger néanmoins. Regina restait au chalet, et attendait fébrilement des nouvelles de sa compagne chaque jour, ayant convenu qu'en cas de pépin, elle accourrait dans la minute, afin de la sortir de ce mauvais pas. Voyant que leur petit manège ne prenait pas, Emma revint au bar, et après avoir balayé la salle du regard, vit l'homme qui lui avait parlé lors de sa précédente venue, voilà des mois. Elle s'accouda près de lui au comptoir, et commanda un bourbon, ainsi qu'un thé.
- Je vous reconnais, blondinette ! Vous posiez des questions sur la tempête ! Pourquoi êtes-vous ici, maintenant ? Le chômage ? L'oubli de notre existence par le reste du monde ? Une invasion d'ogres ?
- Je me dis surtout qu'il y aurait bien un moyen pour que le reste du monde s'intéresse enfin à votre sort !
- Je t'écoute, gamine.
- Faites venir des journalistes. Dites-leur que votre argent vous a été volé par des escrocs, qui se sont enrichis sur le dos des braves gens et des honnêtes travailleurs. Il n'y a qu'ainsi que vous parviendrez à vous faire entendre.
- Mais qui va venir ? Qui ça intéresse ?
- Je connais des journalistes qui seraient ravis de couvrir ce sujet.
- Et qu'est-ce que ça nous apporte ?
- Une enquête, afin que les fonds vous soient restitués ? Et faire repartir l'économie locale ? Il y a encore plein de pêcheurs, ici, je le vois bien.
- Mouais. Y a aussi des mineurs. Bref, que des gens qui n'ont pas grande valeur pour ceux de la ville.
- Je ne crois pas que ce soit le cas. Vous savez, les gens de la ville ont les mêmes préoccupations que vous. Il n'y a pas vraiment de différence…
Emma resta silencieuse, comme perdue dans ses pensées, mais elle avait remarqué la présence de l'agent du cadastre, à une table, dans le fond du bar. Elle sourit intérieurement. Il l'écoutait, ça ne faisait aucun doute. Le poisson était ferré. Elle le vit partir tranquillement, mais un pli barrait son front. Il sortit son téléphone portable dès qu'il fut dehors, et elle entendit distinctement le nom qu'il appelait.
- Allô ? Monsieur Jones ? C'est moi. Je crois que nous avons un problème.
Emma se replongea dans ses pensées. Oh oui, ils allaient avoir un problème, et un gros. Elle laissa son verre de bourbon, qu'elle offrit à son acolyte du jour, avant de finir son thé et sortit rejoindre sa compagne. Son plan fonctionnait enfin.
Regina arpentait le chalet, tel un fauve en cage. Lorsqu'elle aperçut sa moitié se fondre vers la porte, et la claquer, l'air de rien, elle sut que son plan avait fonctionné. Elle se contenta de venir l'enlacer, et déposa un baiser sur ses lèvres.
- Je t'aime, Emma Swan.
- Moi de même, très chère. Je crois qu'il est temps de mettre un coup de pression à l'employé du cadastre demain, avec Belle. Je vais l'appeler et nous irons vérifier tous les papiers adéquats. Ça risque d'être drôle.
- Vous devriez être prudentes, j'ai un mauvais pressentiment.
- Ne t'inquiète pas. Il ne m'arrivera rien. Je connais Killian, c'est un lâche. Pas un assassin.
- Lui non. Mais imagine qu'il ne vienne pas, et qu'il envoie un homme de main à la place.
- Alors je le filmerai, et j'enverrai tout aux journaux. Je compte faire du grabuge, et ne pas les laisser respirer une seule seconde. C'est comme cela qu'ils feront une erreur. Et je ne vais pas louper cette incartade, crois-moi.
- Parfois, ton entêtement me fait peur.
- Disons que je suis un pitbull sur son os. Je ne suis pas prête à lâcher mon jouet.
- Emma…
Regina passa sa main dans le dos de la blonde, jusqu'à atteindre ses fesses, qu'elle caressa, se collant à sa compagne.
- Tu aimes quand je suis aussi téméraire, dirait-on.
- Tais-toi…
Emma l'embrassa passionnément, avant de la pousser vers le lit. Regina ne voulut pas se laisser faire, et inversa les positions, laissant la blonde tomber dans les draps blancs.
- J'ai très envie de toi, c'est malin, miss Swan.
- Je suis ta victime consentante.
Un large sourire fendit le visage de la femme d'affaires, qui agrippa les hanches de sa moitié, afin qu'elle la rejoigne. Elle la déshabilla à la hâte, et la laissa en petite culotte.
- Une culotte blanche ? Vraiment, Regina ? Je t'ai connu plus coquine.
- Je me fonds dans le décor.
- C'est réussi.
La blonde sentit les mains de sa compagne la dévêtir à son tour, la laissant dans le plus simple appareil. Le regard gourmand de la brune lui plut, et elle s'offrit à elle, en toute confiance. Regina berça le corps de sa compagne, l'entourant d'amour et d'une infinie tendresse. Elle lui prodigua moult baisers, et s'empara de son corps, sans se soucier de son propre désir. Elle avait l'impression qu'Emma prenait tous les risques, depuis leur arrivée à Storybrook, et elle souhaitait la remercier pour ce geste protecteur. En conséquence, elle prit tout son temps, caressant sa compagne, jusqu'au bord du gouffre, jouant avec ses nerfs, mais toujours avec une grande délicatesse. Emma n'était pas dupe du moment et comprit la manœuvre de la mère de famille. Elle résista autant qu'elle put à ses assauts, avant de succomber avec délice aux bons soins prodigués par sa moitié. Lorsqu'elle voulut lui rendre la pareille, la brune l'en empêcha.
- Attends, je n'en ai pas fini avec toi. Tu devrais en profiter…
- La dernière fois que tu m'as dit une chose pareille, tu m'as fait la peur de ma vie…
- Promis, ce n'est que pour ton plaisir, aujourd'hui.
La blonde ne répondit rien, et se laissa manipuler, avant de se retrouver sur le ventre. Regina sortit un flacon de crème de sous l'oreiller, et en appliqua consciencieusement sur le dos qui lui faisait face. Elle massa sa moitié durant de longues minutes, la sentant se détendre progressivement sous ses doigts agiles. Au bout d'un certain, elle s'aperçut que la respiration de la blonde s'était modifiée, et elle vérifia son visage. Emma dormait à poings fermés. Regina sourit intérieurement, sa jolie blonde avait succombé à ses douces attentions. Elle l'embrassa sur le front, et rabattit la couette sur son corps dénudé, afin qu'elle restât bien au chaud pour la nuit. Elle se prépara une tisane, qu'elle but tranquillement dans le large fauteuil du salon, une lumière l'éclairant chaleureusement. Elle se glissa ensuite aux côtés de sa compagne, et passa un bras autour de son abdomen, dans un geste aimant et protecteur.
- Bonne nuit, mon amour. Que la nuit te soit douce.
Elle éteignit la lampe et respira le parfum d'Emma. Elle s'endormit tout aussi vite, comblée de retrouver la femme qu'elle aimait tant.
Le lendemain, Emma était remontée comme un coucou suisse. Elle piaffait de se rendre à la mairie, afin de mettre un coup de pression supplémentaire à l'employé du cadastre. Elle avait rendez-vous avec Belle devant l'édifice, afin que ce dernier comprenne bien qu'elles étaient de mèche et qu'il était donc inutile de raconter des carabistouilles. Elles se présentèrent au guichet du cadastre, Emma étant particulièrement revêche ce jour-là. Belle préféra se mettre un peu à l'écart de la furie blonde. L'agent les vit, et faillit procéder à un demi-tour expéditif, s'il n'avait été hélé par la femme d'affaires.
- Hey, monsieur l'agent du cadastre, pas si vite !
Belle réprima une violente envie de rire, en voyant le visage de l'homme se décomposer.
- Bonjour, que puis-je faire pour vous ?
- Bonjour. Hé bien, pour commencer, nous dire où sont passés les bâtiments qui devraient exister sur les docks et qui sont indiqués, là, sur le plan de la ville. Par exemple. Ça vous dérange, si j'enregistre la conversation ?
- Oui, assez, madame.
- Ah.
Emma se tourna vers son acolyte.
- Tu crois que je l'ai vexé ?
- Il y a de fortes probabilités, oui…
- Ah. Tant pis.
Elle haussa les épaules, l'air tragique, et se retourna vers sa victime toute désignée.
- Alors, reprenons, ces bâtiments, notamment la conserverie, fleuron de l'économie de cette charmante petite ville, où est-elle ?
- Hé bien, elle est en cours de reconstruction, alors, ça ne se voit pas, forcément…
- Où ça ?
- Hein ?
- En reconstruction, où ça ?
- Hé bien, là où elle se trouvait ?
- Mauvaise réponse ! Je vais inviter les journalistes, ça sent bon les malversations… Qu'en dites-vous, mon cher ?
- Euh, je… C'est de la diffamation !
- Essayez encore…
L'employée blêmit, incapable d'argumenter davantage, et les invectiva, afin de les mettre à la porte. Elles sortirent de la mairie, mortes de rire.
- Oh, que ça fait du bien !
- Emma, franchement, j'ai cru qu'il allait avoir un infarctus…
- Je m'en moque. Il a choisi son camp. Avec ça, je pense que Killian va débarquer très vite.
- Je n'ai guère de doute là-dessus moi non plus.
Elles partirent et déjeunèrent, en compagnie de Regina, dans l'appartement de l'ancienne bibliothécaire. Elles restèrent au calme, Emma continuant de fureter ici et là, mais restant prudente, avant de voir apparaître un fantôme de son passé.
Le lendemain, en fin de matinée, alors qu'elle se rendait au pub, pour tâter le terrain à nouveau, Emma fut dépassée par une berline noire, aux vitres teintées. Elle sursauta presque, en la voyant s'arrêter devant la mairie et vit son ancien compagnon en sortir. Elle se précipita vers une ruelle, afin de ne pas être vue. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Elle savait que revoir cet homme lui causerait un profond malaise, mais jamais elle n'aurait cru que cela serait accompagné d'un profond désir de destruction. Elle pratiqua divers exercices de respiration, afin de se calmer, mais resta cachée durant plus de quinze minutes, incapable de bouger. Lorsqu'elle eut enfin la force de se sortir de là, elle marcha machinalement vers sa destination originelle : le pub. Elle s'effondra dans un fauteuil moelleux, au fond du bar. Le serveur dut la secouer légèrement, afin de la faire reprendre pied dans la réalité. Elle crut entendre des mots, mais secoua la tête, sans comprendre.
- Vous buvez quoi ?
- Heu… Boire… Une bière, s'il vous plaît.
- Ok.
Il repartit, et Emma continua à fixer le vide. Elle n'aurait jamais dû se trouver là, seule, et aussi vulnérable. Sa soif menaçait de la submerger. Elle se cramponna au fauteuil, et cria presque sur le pauvre serveur.
- Plutôt une limonade, à la fraise !
Le pauvre gars fit une grimace, mais se contenta de hocher la tête, plutôt que de dire une bêtise. Il lui apporta sa commande, une boisson pour fillette, à son goût, et se retira vers les habitués, qui ne cessaient de ricaner dans le dos de la blonde. Celle-ci descendit d'une traite sa boisson, avant de partir en direction du chalet. Elle avait besoin de Regina, de sa présence rassurante, et de sa force. Elle pourrait lui dire quoi faire, maintenant. Emma avait la désagréable sensation d'avoir la tête vide, incapable d'aligner deux pensées cohérentes. Elle ouvrit la porte à la volée, et cria le nom de sa compagne.
- Regina !
- Oui, je suis dans la salle de bain, attends une seconde.
La brune sortit de la petite pièce d'eau, vêtue d'un pantalon souple et d'une chemise longue, en flanelle. Le tout était très décontracté, et Emma se plongea tête la première dans le giron de la mère de famille.
- Emma ?! Mais que s'est-il passé ?!
- Il est arrivé à Storybrook. Je pensais être tellement plus forte que cela… Mais non, je suis trop… Brisée pour pouvoir lui faire face. Ça m'a fait tellement mal. J'ai failli faire une connerie, mais… J'ai préféré revenir ici, avec toi. Je suis désolée… Pardonne-moi…
- Tu n'as rien à te faire pardonner. Respire, mon amour.
La brune lui caressa les cheveux, et la berça, debout, au milieu de la pièce, le temps que la femme d'affaires reprenne ses esprits. Une fois qu'elle se fut quelque peu apaisée, elle tomba sur le lit, les bras écartés, et gémit.
- Mais pourquoi j'ai cru que je serai plus maligne que tout le monde ? Franchement ? Je suis si stupide, parfois… Tu ne dois pas être aidée tous les jours par ma présence.
- Emma, ça suffit, cesse de te dénigrer. On se doutait toutes les deux que ce moment serait difficile à dépasser, il a détruit ta vie. Il est normal que tu aies peur de lui.
- Peur ?
- Oui, c'est bien de cela qu'il s'agit. De la peur. Mais tu peux la vaincre. Tu es bien arrivée jusqu'ici, pour la simple et bonne raison que tu savais y trouver l'aide nécessaire. Je suis fière de toi.
- Comment peux-tu être aussi optimiste ?
- J'ai confiance en nous. Je te prépare un chocolat chaud, avec un peu de cannelle ? Ça va te permettre de te calmer.
La blonde hocha la tête, et baissa le regard vers le sol. Elle se sentait encore particulièrement fébrile, et ne souhaitait pas que sa compagne le devine. Ce fut peine perdue, mais la brune ne releva pas cet état de fait. Alors qu'elle se retournait pour donner sa petite douceur à Emma, Regina la vit pleurer silencieusement, les yeux vers le mur.
- Oh, non… Ne fais pas ça, il ne le mérite pas. Tiens, bois, ça va te réchauffer et te faire du bien.
- Merci. Qu'est-ce qu'on va faire, Regina ? Je ne sers à rien dans cet état.
- Je m'occupe de tout, maintenant, ne t'inquiète pas.
Elle sortit discrètement son téléphone portable de sa poche et tapa un message à Belle, lui indiquant que Killian était à Storybrook. Elle le replaça et resta près de sa moitié, jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Elle s'assit alors à la table et prit une feuille de papier.
À la mairie, Killian avait pris rendez-vous avec le maire, et salua ce dernier, qui se montra assez froid envers lui. Il ne s'en formalisa guère, le chef de la ville connaissant le passif de son entreprise, et préféra obliquer vers le service du cadastre, dès qu'il fut hors de portée des regards indiscrets. Il aperçut l'employé, et l'attira à lui, derrière un bureau, à l'écart, en le prenant par les épaules. Il était clairement menaçant et peu enclin à discuter.
- Alors, comme ça, il y a des fouines ici ? Qu'as-tu dit ? Réponds !
- Rien ! Le baratin habituel, mais elles ne lâchent pas l'affaire !
- Qui ça, elles ?
- Il y a la bibliothécaire, et sa nouvelle copine, la blonde. J'ai son nom, c'est… Emma. Emma Swan !
- Swan ? Oh, très bien. Je me charge de la blonde, je vais lui expliquer bien gentiment qu'il s'agit d'affaires pour grandes personnes, et qu'elle devrait aller voir ailleurs si j'y suis. D'ailleurs, mon brave, est-elle toujours aussi baisable ?
- Pardon ?
- Elle est toujours aussi bonne ?
- Elle est bien foutue, oui… Mais…
- Tais-toi, je prends les choses en mains, maintenant. Toi, contente-toi de te taire !
L'employé plia presque devant l'homme, qui lui foutait une trouille bleue. Killian sortit de la mairie sans se faire voir, et remonta en voiture.
- J'ai une mission pour toi, tu vas me surveiller quelqu'un.
- Qui ça ?
- La bibliothécaire. Tu te démerdes, mais je veux savoir ce qu'elle sait. Et ne la tue pas, celle-là…
- Promis.
Killian émit un grognement, avant de laisser filer une ombre dans l'obscurité naissante.
Belle et Regina s'étaient revues, pendant que la blonde dormait.
- Elle est épuisée…
- Elle a rencontré une personne qui a provoqué une espèce de crise de panique. Je dois la protéger.
- Regina, que veux-tu que je fasse ?
- Peux-tu glisser cette lettre au pub ? Je suis certaine que le destinataire la recevra, dans ce bouge.
- Très bien. Tu ne veux rien me dire de plus ?
- Non. Moins tu en sais, plus c'est préférable pour toi.
- Ok. Je présume que c'est pour ma sécurité.
- Exactement.
Belle vit deux lettres sur l'enveloppe : K et J. elle fixa la brune, un sourcil relevé. Cette dernière lui sourit et se détourna. Le sujet était clos. Elle s'acquitta donc de sa mission, sans s'apercevoir qu'elle était suivie.
La soirée s'écoula doucement. Regina fit un feu dans la cheminée, et prépara de petites choses à grignoter, se doutant que sa compagne ne serait guère encline à dévorer. Elles se couchèrent tôt, et Regina pensa à son plan. Il était risqué, mais ça devenait une urgence vitale, pour elle. Elle tenait le début de sa vengeance. Elle se leva, laissant sa moitié dormir. Elle lui mit un mot sur le chevet, et partit de bon matin, dans la direction de la forêt. Elle respira une grande bolée d'air pur, avant de voir son objectif en vue. Elle se baissa et espionna les environs. Ne voyant pas trace de vie, et se sachant en avance, elle entra dans la mine, sans bruit. Elle atteignit un point reculé, et avisa son environnement.
- Ici, ce sera parfait.
Pendant ce temps, Killian quitta son hôtel, et s'arrêta à la lisière de la forêt, une lettre entre les mains.
- Emma, petite friponne…
Il marcha à grands pas vers les mines, convoquer par son ancienne compagne, afin de mettre la situation au clair. Il pensa tout haut.
- Toujours aussi écervelée, petite sotte.
Il trouva vite l'entrée de la mine, puisqu'il jouait là, étant gamin. Il appela la blonde, en vain, jusqu'à ce qu'il perçoive un bruit, plus loin dans les profondeurs ténébreuses.
- Oh, tu veux jouer au chat, Emma ? D'accord, alors, tu es la souris, et je suis le matou. Je vais te croquer toute crue, ma belle.
Il crut déceler une forme qui s'enfuyait, en s'enfonçant dans un tunnel plus loin. Il rugit et la poursuivit. Il se stoppa net, en voyant le dos d'une femme, qui se retourna alors.
- Vous n'êtes pas Emma.
- Quelle perspicacité !
- Je vous reconnais… Vous êtes l'ancienne directrice. C'était quoi déjà, votre nom ? Un truc qui sonne comme une bonniche… Attendez… Rosa ? Louisa ? Ah la la, je me perds, dans ces noms hispaniques !
- C'est Regina.
- Ah oui, peu importe. J'attendais une autre personne. Dégagez de mon chemin.
- Je suis au regret de vous annoncer qu'elle ne viendra pas.
- Tiens donc ? Hé bien, je vais aller la chercher, alors. Je suis certain que nous avons de bons souvenirs à partager.
- Je ne crois pas, mon cher Killian.
Alors qu'il s'était retourné pour partir, il sentit une lame contre sa gorge.
- Oh, madame a la dent dure ?
- Non, madame veut se venger, de guignols comme toi, qui croyez pouvoir piétiner les autres, tout ça pour quelques dollars.
Elle se rapprocha, en se délectant de l'emprise qu'elle avait sur lui. Il en profita pour lui asséner un coup de coude dans les côtes.
- Mais tu crois quoi, Conchita ? Me faire chanter ? Me menacer ? Tu n'es qu'une souillon !
- Mais au moins, moi, elle m'aime !
- Quoi ?
- Emma m'aime, et nous formons une famille. Contrairement à toi, pauvre tâche ! Incapable de satisfaire la femme la plus magnifique qui existe !
- Sale…
- Oui ? Quoi ? On se sent flouer dans sa masculinité ?
- Tais-toi !
Killian lui asséna une gifle magistrale, qui la fit valdinguer deux mètres plus loin. Elle hoqueta, sous la violence du coup, mais sentit sous ses doigts de quoi renverser la tendance. Elle se releva avec une célérité dont elle ne se soupçonnait pas, et balança la pioche dans l'entrejambe du malotru. Elle s'écarta, pantelante, et contempla son œuvre.
- Tu as tout ce que tu mérites. Tu l'as trahie, sacrifiée, et humiliée. Elle est brisée, à cause de toi. Ce n'est qu'un juste retour des choses ! Sale monstre !
- Au… Au secours, par pitié ! Tu… Tu m'as estropié !
- Disons plutôt que je viens de rendre service à l'humanité !
- Je te tuerai, salope !
- Pour cela, il faudrait pouvoir sortir d'ici, vivant…
Un éclair de peur traversa les prunelles de l'homme, qui était tombé à genoux. Il se tenait les parties intimes, une mare de sang à ses pieds. Il comprit que la mine serait probablement son tombeau.
- D'autres vont venir, et s'occuper de ton cas. J'ai bien une idée, et tu vas morfler, connasse !
- Paroles, paroles, jamais de faits ! J'ai gagné. J'ai Emma, nous sommes heureuses, et toi, tu ne fais définitivement plus partie du paysage ! Tu as perdu, abruti d'arriviste !
Il voulut lui donner un coup dans un dernier effort, mais elle le contourna habilement, le laissa s'effondrer tête la première dans la roche. Elle ria alors, à gorge déployée.
- Je dois t'avouer que c'est absolument jouissif, comme situation. Et ça ne fait que commencer. Mais toi, tu as toujours eu droit à un traitement spécial, dans mon esprit, pour tout le mal que tu lui as fait subir. Sur ce, je te laisse, je vais apporter des croissants à Emma, et lui faire l'amour. Puisque toi, tu es impuissant, dorénavant, et ce, pour l'éternité.
Il hurla sa rage et sa terreur.
- Ne me laisse pas là, c'est un meurtre !
- En effet. Mais ce n'est pas un détail aussi trivial qui pourra m'arrêter. Vous vous en êtes pris à la mauvaise personne, et maintenant, ma vengeance est en marche.
Elle le laissa là, pauvre corps désarticulé, et sortit enfin à l'air libre. Elle trouva sa voiture, sur la route, et la conduisit jusqu'au ravin, qui donnait sur la mer, profonde à cet endroit. Elle s'éjecta de la berline juste avant qu'elle ne bascule dans les flots tumultueux.
- Bye bye, très cher.
Elle repartit tranquillement à Storybrook, l'esprit apaisé par le travail bien fait. Elle pouvait déjà cocher une case sur sa liste. Elle acheta des croissants, comme promis, et se rendit au chalet, trouvant sa compagne qui jouait avec le mot qu'elle avait laissé.
- Regina, tu étais où ?
- Bonjour Emma, à la boulangerie, regarde.
Elle agita le paquet de viennoiseries encore chaudes sous le nez de la blonde.
- Tu es parfaite.
- Pour toi, c'est la moindre des choses. Je t'aime.
- Je t'aime aussi, Regina.
Elles s'embrassèrent et mangèrent leur petit-déjeuner. Pour Regina, ce fut une belle journée qui commençait.
