Bonjour à toutes, bonjour à tous !

Ça y est, la moitié du chemin est fait ! Il y a eu quinze chapitres avant, il y aura quinze chapitres après. Marrant que l'on soit au plus bas exactement au milieu de l'histoire, non ? Il ne reste plus qu'à monter, monter, et encore monter !

Je voudrais profiter de l'occasion pour vous remercier franchement de votre soutien et vos commentaires, vos favoris, vos bookmarks ! 147 reviews en 15 chapitres c'est inespéré avec un ship moins célèbre que le classique Drarry ! Et pourtant, c'est l'histoire la plus lue que j'ai écrite, et ça ça me va droit au cœur. Merci donc à Emmaiwenn, Brigitte26, 77Hildegard, Emilie Narya, Lardonforever, Lectrice de nuit, JessieLandes, Calcyne, Mila, Leeloo, Loulouloute34, Lil'mam, Smily Griffon, Laetyss, Nova Frogster, Fairynaru, LadyTwilightPotter, Coucou, Majaix15, Une lectrice, Cassiopeia Elladora Black, Antoine, ElMatador, Coline, Catcherinethelie, Lostsea, Ngocha et bien évidemment Pouik ! Que vous lisiez sur FFNet ou AO3, que reviewiez régulièrement depuis le chapitre 1 ou occasionnellement quand un passage vous marque, chaque petit message, même d'une ou deux phrases, c'est beaucoup d'amour que je reçois en plein cœur, et ça aide vraiment à se dire qu'on a pas fait tout ça, pendant deux ans d'écriture, pour rien.

Je reviens un peu sur le chapitre précédent, car j'ai été agréablement surpris que personne ne prenne exclusivement la défense de l'un ou l'autre. Al a bien merdé comme il faut, et il est normal que Scorpius réagisse ainsi. Mais je craignais vraiment en écrivant ce fameux passage de rupture dans leur amitié que la raison ne soit pas bien trouvée, ou pas bien écrite, et que par conséquent l'un ou l'autre des personnages passe pour méchant. Votre réaction m'angoissait, et j'ai été soulagé de voir que tout allait bien et que j'avais réussi mon effet.

Il est donc temps de voir quelles sont les conséquences de cette rupture, ainsi que d'en apprendre plus sur ce fameux Effet Pewden. J'espère que ce chapitre vous plaira ! Un shoutout final à Pouik et Shik-Aya-chan pour leur relecture attentive, et on y va !

Bonne lecture


Chapitre 16

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L'effet Pewden


De nombreuses semaines s'écoulèrent ainsi. Albus ne les comptait plus. À vrai dire, il ne faisait plus grand-chose.

Depuis cette fameuse nuit dans l'infirmerie, il était seul. Désespérément seul. Scorpius s'était lancé dans un genre d'opération séduction de Nigel et Kyle qui ne fonctionnait pas trop mal. Il était désormais fréquent qu'Albus rejoigne son dortoir pour y trouver les trois garçons qui devenaient soudain silencieux lorsqu'il en poussait la porte.

Nigel et Kyle côtoyaient suffisamment Scorpius, en tant que colocataires, pour ne pas croire à de stupides rumeurs. Par conséquent, ils faisaient des substituts adéquats à Albus, puisqu'ils permettaient même à Scorpius de l'éviter pendant les cours en se joignant à eux pour les travaux de groupe.

Évidemment, Albus ne s'était jamais senti aussi mal. Ou plutôt, il ne s'était jamais senti aussi désespéré, impuissant et vaincu. Il ne pouvait même plus appeler Scorpius son ami, car il était à présent tout sauf ça. Son esprit était dans un endroit si noir, si sombre qu'il ne ressentait plus que de la douleur et de la tristesse. Il se haïssait autant qu'il haïssait le monde et son corps, en guise de mécanisme de défense, s'était mis dans cet état apathique où la seule manière qu'il avait de ressentir encore la moindre émotion était de repenser à ces vacances de Noël qu'ils avaient passées ensemble. C'était là le dernier souvenir heureux qu'il avait avec son ami. Il s'imaginait l'embrasser, l'emmener dans son lit, l'aimer…

Penser à tout cela ne le rendait pas heureux. Au contraire. Il se remémorait tout ce qu'il avait perdu en ne faisant pas ce saut dans le vide, tout ce que Scorpius ne serait jamais, pour lui, désormais. Adieu le seul véritable ami qu'il avait eu, adieu son frère de cœur, adieu ce garçon si unique et remarquable qu'il se sentait autrefois chanceux rien que de pouvoir l'appeler ami… Tout cela le foudroyait avec une telle douleur chaque fois qu'il y pensait, que même son esprit battu ne pouvait y rester insensible. C'étaient les seules fois où il pleurait encore.

Rose et Lily ainsi que les jumeaux Londubat étaient les seules personnes qui lui adressaient la parole, au château. Il n'y répondait pas, cependant. Ou rarement, par des monosyllabes ou des onomatopées. Pas qu'il n'avait pas envie de leur parler, mais ni Rose ni Lily ne le comprenait. Quand il entendait des trucs comme « tu ne devrais pas te morfondre » ou « la vie continue, Al ! », il avait juste envie de retourner se coucher et de ne jamais se réveiller.

C'était curieux, comme ce genre de pensées avait pris le pas sur ses autres idées. En même temps, il ne voyait plus aucun moyen d'être heureux dans ce monde où il n'avait plus Scorpius Malefoy à ses côtés, où il n'était plus qu'un tas informe d'apathie et de solitude. Alors, autant se projeter dans un monde sans lui. Sans Albus Potter. Cela l'occupait un peu, d'imaginer comment chacun réagirait s'il disparaissait. Sa mère serait triste, évidemment, elle pleurerait, et James et Lily aussi… Cela lui faisait de la peine de les imaginer ainsi, mais d'un autre côté il savait que la tristesse n'était qu'un problème à court terme et que, bien vite, tout le monde l'aurait oublié et serait même plus heureux, lorsqu'il ne serait plus là. Peu lui importait, pour finir, qui viendrait ou qui pleurerait à son enterrement.

Scorpius était de manière évidente la pièce centrale de ses plans pour disparaître dans les enfers. La question était de savoir s'il devait lui avouer ce qu'il ressentait pour lui avant de faire le grand saut ou pas. Parfois il en avait envie et parfois non. Scorpius ne le haïrait sans doute que plus s'il lui avouait qu'il en était amoureux secrètement depuis trois mois…

Quand il entrait dans ces spirales infernales, les abysses de la dépression, il pouvait rester des heures à imaginer tout un monde où il n'existerait pas. Cela s'arrêtait de l'une ou l'autre des manières : soit il s'endormait enfin, soit il décidait qu'il était trop lâche pour avoir le courage de mettre l'un de ses plans à exécution et il restait alors dans son lit, à fixer le plafonnier, l'esprit vide et l'âme éteinte.

Tout cela avait bien entendu des effets catastrophiques sur ses cours. Si sa déprime de janvier l'avait rendu meilleur académiquement, il était devenu à présent incapable de tout. Cela faisait un mois qu'il n'avait plus réussi un seul exercice, sa baguette était devenue aussi inerte qu'un simple bout de bois, et toute la magie des potions lui apparaissait comme un simple bouillon dans lequel il trempait des légumes sans savoir ce qu'il faisait. Tout l'espace de son esprit était envahi par Scorpius, par l'inquiétude de ses proches, par l'état de sa vie…

Il passait énormément de temps à l'infirmerie. Lorsqu'il s'endormait sur sa table, ou encore quand un sort trop exigeant lui faisait perdre conscience, ou enfin quand le simple manque de nourriture le rendait trop faible pour monter les sept étages du château, on l'envoyait à l'infirmerie. Il se moquait du fait que personne ne remarquait son état, comme s'il n'avait rien d'autre qu'un petit rhume et des faiblesses d'ado… Quelles conneries… Seuls Lily, Rose, son père et son parrain passaient le voir et s'inquiétaient pour lui. Ils lui posaient un tas de questions, lui ordonnaient de manger plus, de sortir voir du monde, et Albus acquiesçait, parce qu'il avait depuis longtemps compris qu'en disant oui à tout, on finissait par se désintéresser de lui et le laisser tranquille.

Bon, pour leur défense, son visage cadavérique n'avait pas tant changé entre le moment où il supportait encore la vie, et le moment depuis lequel il avait envie de tout arrêter. Il avait juste encore maigri, mais cela ne se voyait pas spécialement sous ses vêtements. Seule Shelby, qui l'auscultait à chacune de ses visites à l'infirmerie, comprenait qu'il était désormais dans une profonde dépression dont il ne sortirait pas seul. Albus lui avait demandé de ne rien dire aux autres adultes et de garder cela pour elle, mais il se doutait qu'elle n'allait pas respecter sa parole. De toute façon, viendrait un jour où elle l'enverrait direct à Sainte-Mangouste et il n'aurait alors plus aucun secret pour personne.

Il repensait parfois à ce qu'il avait vu dans le journal à hypothèses, mais cela ne suffisait pas à calmer ses désirs d'enfer. Scorpius serait plus heureux sans lui, c'était une évidence, et si ce n'était pas ce qu'avait montré le journal, c'était parce qu'il n'avait pas tourné la question correctement. Il lui avait demandé ce qu'il se serait passé s'ils n'avaient jamais été amis. Or là, il avait eu cette amitié et il l'avait ruinée, si bien que Scorpius le détestait désormais et se réjouirait sans doute de sa mort.

Un soir, quatre semaines avant les vacances de Pâques, alors qu'il allait se coucher, Albus entendit à travers la porte du dortoir entrouverte Scorpius s'adresser à Nigel et Kyle. Ils paraissaient être assis près de la cheminée et Scorpius disait d'une voix sèche :

— Moi je vous dis que je n'avais rien vu venir. Si j'avais su, je ne l'aurais jamais laissé me toucher.

— Pourtant, répondit Kyle, sur la photo tu as l'air de bien prendre ton pied !

— J'vais te frapper, Kyle. Surtout si tu reparles de cette foutue photo, okay ? Ça fait trois mois que je sors avec Oriana, je sais pas ce qu'il te faut pour te prouver qu'j'suis pas pédé. C'est pas ma faute si Potter était sur moi !

Albus s'étonnait de l'élocution de Scorpius. Il avait tant changé ! Il utilisait des mots qui lui étaient autrefois étrangers, jusqu'à sa manière de prononcer les phrases avait changé ! Albus se demandait si cette transformation avait été volontaire ou non…

— C'est « Potter », maintenant ? ricana Nigel.

— Ouais. Depuis que j'ai entendu dire qu'il est peut-être bien gay, c'est « Potter », grogna Scorpius en guise d'explication.

Albus eut un rictus macabre derrière la porte du dortoir. Cela l'amusait d'assister à une trahison aussi claire de son ancien ami et de ne rien ressentir. Il aurait dû crier, hurler, vociférer, laisser éclater un scandale à réveiller les morts ! Mais il s'en foutait. C'était ahurissant.

— Et avec Oriana ? Vous l'avez fait ? fit soudain Kyle, curieux.

Il y eut un petit silence. Albus attendit la réponse en retenant son souffle.

— Ouais, répondit Scorpius sur le ton de la conversation, comme si c'était banal. Deux fois.

À nouveau, Albus eut un rictus sordide. Bordel, son cœur lui faisait si mal…

— Pour de vrai ? Où ?

— Une fois dans les vestiaires de Quidditch après mon entraînement, et une fois dans la salle de bains des préfets, vu qu'elle est préfète. Alors le prochain qui dit que j'suis pédé, je le massacre.

— Woah ! lança Nigel, impressionné. C'est comment ? Tu sais, avec une fille ?

— Tu l'as faite… Tu sais… Jouir ? ajouta Kyle sans la moindre gêne malgré sa phrase à grincer des dents.

C'en était trop pour Albus, qui refusait d'entendre cela. Oriana lui avait déjà volé le premier baiser de Scorpius, il n'allait pas en plus écouter comment elle lui avait volé le reste. Il ouvrit la porte avec fracas, en faisant claquer la poignée, pour être certain que les trois s'interrompissent.

Plus tard, il repensa à la discussion, la trahison, la première fois volée… et il ne ressentit rien. Il était horrible de savoir que l'on devrait s'insurger, mais de n'être à la place qu'un tas de chair et d'os ramolli incapable d'éprouver la moindre émotion. Tout ce qu'il ressentait, c'était son cœur qui battait difficilement.

Dehors, la nuit était tombée depuis plusieurs heures. Il pleuvait. Le printemps avait beau être arrivé depuis trois semaines déjà, il semblait bien décidé à ne pas amener le soleil. Le picotement des gouttes à la surface du lac se réverbérait dans le dortoir en affrontant les craquements des bûches de la cheminée. Albus n'entendait rien d'autre que le silence assourdissant des éléments.

Il risqua un coup d'œil à travers son rideau qu'il laissait toujours entrebâillé, comme du temps où Scorpius et lui complotaient encore, tels deux frères complices. Celui de Scorpius était clos. Albus sentit son cœur battre dans sa poitrine. Des larmes se mirent à couler le long de ses joues, et il maudit cette vulgaire pompe dans son torse qui refusait de se taire.

Ce soir-là, dans le château, se mirent en branle de multiples rouages aux fonctions obscures. Cela commença dans la salle commune de Poufsouffle, où une minuscule chouette de la taille d'un petit oison vint taper avec son bec contre le carreau d'une fenêtre. Un garçon lui ouvrit et détacha le minuscule rouleau de parchemin qu'elle avait à la patte. Autour de lui étaient trois autres garçons, silencieux, qui n'étaient éclairés que par le vacillant feu de cheminée de la salle commune, ce qui leur donnait un air fantomatique.

Le plus grand d'entre eux, qui s'était levé pour récupérer le message, le lut en silence, puis releva les yeux vers les trois autres qui attendaient, suspendus à ses lèvres. Alors, il dit simplement, à voix basse :

— C'est pour ce soir. Le mot de passe, c'est « boomslang ».

— Bon sang… C'est aujourd'hui, c'est ce soir putain ! Boomslang… répéta le plus jeune des quatre garçons avec un genre de vénération.

— Ouais. C'est pathétique, comme mot de passe. Digne de Serpentard, commenta un autre avec mépris. Allez venez ! On va retrouver vos parents !

Alors, les garçons se levèrent et, malgré l'heure tardive, disparurent dans les couloirs du château en s'effaçant dans les ombres.

Au même moment, un certain Drago Malefoy décidait d'ouvrir son courrier du jour dans son bureau situé dans les donjons de la bâtisse. Il fut étonné de constater que l'une des lettres portait le cachet du Ministère de la Magie, ainsi que le tampon du Département des Mystères. Trois de ces mêmes lettres furent livrées à Poudlard ce jour-là, et curieusement, ce fut aussi à cet instant que le directeur de Gryffondor, dans son bureau de la tour éponyme, se décida à ouvrir la sienne. La troisième traînait, déjà décachetée, sur le bureau du Directeur de l'école, qui attendait la tempête en faisant les cent pas et en discutant avec les tableaux de ses prédécesseurs.

Drago Malefoy ouvrit la lettre d'un geste, puis en déplia le contenu avec curiosité. Il lut, et plus il lisait, plus la douche était froide.

« Cher Professeur Potter, cher Professeur Malefoy, Monsieur le Directeur,

Je vous écris afin de prendre des nouvelles de notre petite expérience à laquelle participent encore sans le savoir les messieurs Albus Potter et Scorpius Malefoy. Vous m'aviez assuré, Monsieur le Directeur, que vous me tiendriez informé des évolutions, or je regrette que cela ne soit actuellement pas le cas.

De notre côté, nous allons de découverte en découverte et, à ce stade, il ne manque plus que des résultats pratiques pour publier cette étude qui, croyez-moi, va changer la manière dont nous percevons l'amour au sein de la communauté magique.

J'espère que nos deux sujets se portent bien et vivent à présent à deux aussi heureux qu'ils peuvent l'être ! Je me réjouis de savoir que, grâce à notre intervention, tout s'est bien passé. Qui sait, peut-être qu'un jour, ce jeune couple saura le rôle que nous avons joué dans sa genèse.

En espérant que vous ne resterez pas insensible à mon appel et que nous pourrons nous retrouver tous les quatre sous peu, afin de revenir sur notre expérience et, pourquoi pas, d'évaluer avec les deux sujets quels ont été les moments les plus aisés et les plus difficiles. De cela, nous comptons bien apprendre comment gérer au mieux les cas futurs !

Je vous prie d'agréer, Messieurs, mes salutations distinguées.

Herbert Pewden »

Quelques minutes après, Drago Malefoy fonçait à travers les couloirs, la lettre à la main et une colère bouillonnante au fond de lui. Lorsqu'il arriva au pied de l'escalier du bureau du directeur, la gargouille avait été réduite en miettes et la porte laissée ouverte à l'étage permettait déjà d'entendre que l'on criait dans le bureau.

Lorsque Drago arriva au sommet de l'escalier, Harry était là et hurlait à tue-tête en agitant la lettre qu'il avait reçue.

— … parce que ça, ça pue l'abus de pouvoir, Neville ! Y a intérêt que je sache ce que tu as foutu, et vite ! Il est hors de question que je te laisse utiliser mon fils pour mener à bien des expériences dont je ne sais foutrement rien ! Ce n'est pas un rat de laboratoire !

— Cela vaut aussi pour Scorpius, Neville ! tempêta Drago en entrant.

— Ah ! Voilà Drago, fantastique, on va pouvoir commencer, se réjouit le directeur.

— Malefoy ! Tu as reçu cette foutue lettre aussi ? gronda froidement Harry.

— Bonsoir à toi aussi, Potter, répondit l'autre.

— Content de voir que vos bonnes manières existent encore, à tous les deux, commenta Neville d'un ton joyeux. On peut pas en dire autant pour ma porte… Vous voulez du thé ?

— Tu te moques de moi, Nev ? tonna Harry.

— Je vais plutôt te servir une tisane, Harry. Et toi Drago, tu ne prends rien ?

— Ça ira, répondit celui-ci d'un ton calme, mais la voix glaciale.

— Bordel, cesse de te foutre de ma gueule, Nev ! C'est mon fils dont on parle ! J'ai le droit à une réponse !

Neville le foudroya du regard. Il parla avec lenteur, d'une voix doucereuse mais emplie d'autorité.

— Tu as parfaitement le droit à une réponse, Harry, mais si cela ne t'ennuie pas, je préfère te la donner de manière civilisée, pas en vociférant comme un macaque. Je t'invite à t'asseoir et poser tes questions calmement, puis j'y répondrai volontiers.

Harry voulut répliquer, mais rien ne vint. Il regarda Drago, puis Neville, puis Drago, et décida pour finir de s'asseoir en grognant.

— Je suis à deux doigts de remettre ma démission et d'envoyer mon fils à Durmstrang, Neville, lança Drago d'une voix traînante. Tu as intérêt à avoir une bonne explication.

Celui-ci leva les deux mains en guise d'apaisement.

— Je comprends, Drago, et c'est légitime. Je pense en effet avoir une bonne explication. J'attends simplement quelqu'un pour vous la donner. Je lui ai écrit une lettre dès que j'ai eu connaissance de sa méprise.

— Quelle méprise ?

— Il n'aurait pas dû vous écrire. Cette expérience était un secret qu'il a éventé par maladresse.

— Encore mieux ! s'offusqua Harry.

— Ce qui est fait est fait, reprit Neville. S'il est là, il saura vous expliquer mieux que moi pourquoi ce que l'on a fait était nécessaire, donc nous l'attendons.

Quelques secondes plus tard, les flammes de la cheminée s'animèrent en crépitant et virèrent au vert émeraude tapageur. Une silhouette apparut dans le feu, puis un homme de petite taille au gros ventre en sortit. Il portait un chapeau melon, une fine moustache, et une veste en velours côtelé marron assortie à son pantalon.

— Monsieur Pewden ! Bienvenue, cher ami, bienvenue ! accueillit Neville d'un ton poli. Je suis affreusement désolé de devoir vous faire déplacer si tard, mais c'est un cas de force majeure… Vous connaissez sans nul doute les professeurs Malefoy et Potter ?

— Ah, Monsieur le Directeur ! Un plaisir, oui, un plaisir de vous revoir ! Messieurs, je suis enchanté de faire votre connaissance, salua-t-il à l'adresse de Harry et Drago. Avez-vous reçu ma lettre ?

— C'est le sujet de notre entrevue, justement, interrompit Neville avant que qui que ce soit ne puisse répondre.

Harry et Drago saluèrent Pewden d'un petit signe de tête. Tous deux semblaient toujours aussi énervés et pas le moins du monde impressionnés par le nouvel arrivant.

— Monsieur Pewden travaille au Département des Mystères. Il mène en ce moment une recherche sur les mécanismes magiques de l'amour, c'est cela ?

— Scientifiquement, précisa-t-il, il s'agit de l'étude du mécanisme de fusion magique imbriquée.

— C'est cela, approuva Neville comme si c'était la chose la plus passionnante qu'il n'ait jamais connue. Messieurs Potter et Malefoy sont très intéressés par tout cela et aimeraient que vous leur fassiez un petit exposé de vos recherches, comme vous savez si bien les faire ! N'oubliez pas de bien raconter l'histoire de l'étude, surtout ! C'est si passionnant !

Les deux professeurs observèrent leur directeur comme s'il était devenu fou. Mais, au milieu de la colère et des questions, une pointe de curiosité restait et leur donnait à tous les deux envie d'écouter ce qu'il avait à dire. Après tout, si leur directeur se donnait tout ce mal pour organiser un cirque pareil, c'était qu'il avait quelque chose derrière la tête, et cela vaudrait certainement le coup d'y prêter oreille.

— Oh, vous me flattez, Monsieur le Directeur ! rougit Pewden, faussement modeste. Eh bien, messieurs, n'avez-vous jamais rencontré deux personnes qui s'aiment comme si cela était une évidence ? Qui vivent heureux à deux pendant des années malgré une rencontre à un jeune âge ? Et surtout, qui ne sont jamais allés voir ailleurs ?

— Sans doute, oui, lança Drago d'une voix traînante et désintéressée.

— Moi, oui, reprit Harry après une petite réflexion. Les parents Weasley, Arthur et Molly.

— Ah ! Très bien, Monsieur Potter, très bien ! Et ne vous ont-ils jamais raconté de choses particulières qu'ils peuvent faire ensemble ? Presque anormales ?

Il prit à nouveau quelques secondes pour réfléchir.

— Eh bien... Ils parlent parfois du fait qu'ils sentent la présence de l'autre personne dans une pièce avant qu'il n'y entre, ou qu'ils savent ce que l'autre fait alors qu'il est à des kilomètres de là… Ils sont capables de dire quand l'autre va transplaner près d'eux quelques secondes avant que cela ne se passe…

— Exactement ! Très bon exemple, Monsieur Potter, très bon !

Harry avait la désagréable impression que si cet homme replet avait pu lui accorder dix points pour Gryffondor, il l'aurait fait.

— Eh bien ce fait-ci, reprit Pewden, est connu depuis la nuit des temps. Il peuple les romans depuis que l'humanité sait écrire et décrit ce que l'on appelle parfois sans que cela ne soit convenable des âmes sœurs. Nous nous sommes longtemps contentés de cette explication sous prétexte que les histoires d'amour parfaites n'avaient rien de scientifique et n'étaient que des contes de fées, mais c'était une grossière erreur ! Les âmes sœurs existent bel et bien et nous en avons eu la preuve récemment, en étudiant à l'échelle du monde entier des milliers de couples de sorciers d'origines très diverses.

Ni Harry ni Drago n'aimaient la direction que prenait cette discussion. Le premier s'était relevé et faisait les cent pas en gardant un regard noir fixé sur les deux interlocuteurs. L'autre était assis, droit sur sa chaise, les mains croisées et le visage fermé.

— Il s'avère, continua Pewden, que tous ces couples, contrairement à ceux classiques, ont une particularité qui fait toute la différence. Nous nous en sommes rendus compte lorsque nous avons remarqué que tous les couples d'âmes sœurs de notre étude s'étaient rencontrés au début de l'adolescence. Nous avons alors pu étudier ce qu'il se passe lorsque deux jeunes sorciers se rencontrent, et ce que l'on a découvert est absolument fascinant. Lorsqu'un enfant entre en contact avec un autre pour la première fois, un contact se produit également au niveau magique. Or ces énergies, eh bien… Pour simplifier, vous pouvez les penser à la manière de deux aimants : elles peuvent parfois s'attirer ou se repousser. La plupart du temps rien ne se passe, et la rencontre est alors semblable à n'importe quelle rencontre, les enfants peuvent s'apprécier ou se détester. Lorsqu'elles se repoussent, en revanche, les enfants s'ignorent, ou, si on les force à se parler et à passer du temps ensemble, finissent par se détester assez farouchement voire à se battre, sans aucune raison. Pour finir, vous l'aurez deviné, lorsqu'elles s'attirent les enfants finissent en général par développer une forte amitié. S'ils tombent amoureux en grandissant, comme la famille Weasley dont nous a parlé Monsieur Potter, ils vont développer un genre de connexion quasi-télépathique au fil des décennies.

— Je crois savoir dans quel sens la chose s'est produite lorsque je t'ai rencontré pour la première fois, Malefoy, lança Harry.

C'était presque comme si se chamailler avec son ennemi de toujours était la seule chose qui avait du sens, dans ce bureau. Drago l'ignora, absorbé par le récit de Pewden.

— Une forte amitié, ce n'est pas de l'amour, fit-il remarquer.

— Très juste, Monsieur Malefoy, très juste ! Il existe en fait une quatrième possibilité. Le cas le plus singulier de tous. C'est un mécanisme très complexe… Imaginez que l'une de ces énergies confonde l'autre et la prenne pour elle-même. Une véritable erreur de, comment dire… De l'aura du sujet, en quelque sorte, qui identifie mal une aura étrangère. Alors cette confusion va entraîner une fusion, l'aura en erreur va piquer une partie de l'autre et l'absorber, tout simplement. Il arrive que cela se produise unilatéralement, ce qui fait que l'un des sujets est fasciné par l'autre sans réciprocité, mais le plus souvent cela se produit chez les deux en même temps. On dit alors qu'il y a imbrication, et dans ce cas uniquement, un lien se crée entre les sujets qui est d'une nature particulière et surtout d'une force dont nous n'avions jamais vu la portée. Nous avons appelé cela la fusion magique imbriquée, ou, pardonnez ma modestie, l'effet Pewden.

— Neville, explosa Harry, si tu me dis que cette merde s'est produite entre Albus et Scorpius, je casse une vitre.

Pewden fronça les sourcils. Il commençait à comprendre que ses deux interlocuteurs n'étaient peut-être pas ravis que leurs enfants soient de ces « sujets »… Il se tourna vers Neville, les sourcils froncés, mais celui-ci fixait Harry dans les yeux, les mains croisées sur son bureau, et dit simplement :

— C'est en effet le cas.

Son annonce fut aussitôt suivie par le bruit d'une fenêtre que l'on brisait. Harry n'avait pas bougé, mais il paraissait fulminer en cet instant. Un vent froid souffla dans le bureau, l'atmosphère se faisait lourde. On n'aurait pas été étonné de voir d'autres vitres se briser.

— Tu peux casser mes carreaux autant que tu le veux, Harry, continua Neville toujours aussi calmement, mais les choses sont ainsi, elles le sont depuis qu'ils se sont rencontrés à onze ans, et on ne les changera pas.

— Mais c'est une putain de blague ! cria Harry en se prenant la tête dans la main.

Pewden recula de plusieurs mètres vers la cheminée. Il n'aimait pas la tournure que prenait la petite réunion.

— Cesse de crier, Potter ! Tout cela ne serait jamais arrivé si ton incapable de fils n'avait pas mis la main sur Scorpius en premier.

Harry fit volte-face et pointa sa baguette sur Drago.

— Répète ce que tu viens de dire ! provoqua-t-il d'une voix forte.

Drago se leva aussitôt et tendit à son tour sa baguette avant de répondre, menaçant :

— Ton fils est un incapable et un dépravé, comme son père !

Au moment où Harry allait jeter un sort, un épais bouclier se déploya entre lui et Drago. Sa taille imposante et la bourrasque qui l'accompagna prirent de court tous ceux présents dans le bureau, à tel point que les deux belligérants se retrouvèrent à tituber en arrière de deux bons mètres. Le plus impressionnant cependant, ce fut la force avec laquelle Neville reprit la parole en tonnant :

— Cela suffit !

Le silence retomba dans le bureau. Neville continua, d'une voix forte et autoritaire.

— Je tolère que l'on brise mes vitres ou que l'on saccage mon bureau, mais il est hors de question que deux de mes directeurs se battent l'un contre l'autre, et devant un invité ! Asseyez-vous, et écoutez pour une fois, par Merlin !

Harry et Drago s'observèrent comme deux élèves pris en flagrant délit. Ils revinrent s'asseoir, tout comme Neville se rassit à son tour.

— Voulez-vous un peu de thé, Monsieur Pewden ? proposa-t-il.

— Euh, je… Je… Oui, oui, merci, bafouilla celui-ci, choqué.

— Excusez messieurs Potter et Malefoy, ils sont parfois un peu vifs. Ils vous écoutent à présent.

— Euh… Eh bien, j'avais fini, à vrai dire…

Pewden ne savait plus où se mettre et sa gêne était aussi palpable que la tension qui régnait dans le bureau.

— Ah ! Fort bien ! répondit Neville. Mais comme vous le voyez, nous avons deux pères inquiets pour l'avenir de leurs fils, peut-être pouvez-vous leur expliquer ce que nous avons mijoté à leur égard et ce que cela signifie pour eux ?

— Oh, euh… Tout à fait…

Pewden semblait hésiter à s'approcher de nouveau de la table et des deux professeurs. Les deux hommes le regardaient comme des loups prêts à dévorer un mouton.

— Eh bien, euh… Cela… Cela fait bientôt dix ans que j'étudie ce… mécanisme, voyez-vous.

Pewden déglutit et essaya de retrouver sa contenance.

— Je devais laisser grandir les sujets chez qui nous avions détecté une fusion imbriquée afin de voir quelles étaient les conséquences. Il s'avère qu'à l'approche de la vingtaine, toutes les paires avaient fini par devenir des couples. Nous continuons de les suivre pour voir comment ces couples traversent leur vie, mais cela semble parti pour durer.

— Je peux pas imaginer qu'Albus passe sa vie avec ton chiard, Malefoy, bordel !

— Parce que tu crois que l'inverse est facile ? Ferme-la, Potter, et écoute !

Pewden paraissait hésiter à reprendre la parole. Neville l'encouragea d'un signe de tête ferme.

— Eh bien, après avoir étudié plusieurs de ces couples, j'ai fini par mettre au point un détecteur, voyez-vous. J'ai voulu l'essayer, et je me suis dit que les écoles sont des endroits idéaux pour cela. Quel meilleur choix lorsque l'on recherche un lieu propice aux premières rencontres de jeunes sorciers ? Statistiquement, un couple sur un million environ naît de l'effet Pewden. Il a fallu attendre cinq ans, et le passage de milliers d'élèves entre les murs de Beauxbâtons, Durmstrang, Ilvermorny et Poudlard, pour qu'enfin l'un des détecteurs se réveille. Cela concernait vos enfants. Mes détecteurs ne sont pas parfaitement au point, donc l'alerte n'a été donnée qu'à la fin de leur troisième année. Un an et quelques mois plus tard, nous étions sûrs de ne pas avoir de faux positif et nous avions identifié les élèves, j'ai donc prévenu Monsieur Londubat. Il m'a aussitôt proposé une rencontre, car il avait, disait-il, un problème…

— C'est vrai. Dites à messieurs Potter et Malefoy ce que, en septembre dernier, je vous ai dit craindre à la suite de votre annonce.

Pewden sembla hésiter à répondre, mais tous les regards étaient tournés vers lui. Il bafouilla d'une voix faible :

— Euh… Leurs familles.

— Exact. Vous comprenez où je voulais en venir à présent je suppose.

Neville se tourna vers les deux professeurs et les dévisagea avec intensité. Harry semblait un peu nauséeux, tandis que Drago avait les lèvres pincées et ne disait rien. Il ne le regardait pas vraiment dans les yeux, mais fixait un point un peu au-dessus de son directeur.

— Harry, Drago, je vais être très clair. Nous ne pouvons rien contre ce qui est arrivé à vos fils. C'est arrivé, c'est tout, et depuis ce jour, mon seul but a été d'essayer de leur faciliter la vie, car je savais qu'ils se dirigeaient vers quelque chose de compliqué. Si je ne vous ai pas dit ce que je savais, c'était par pure crainte de votre réaction. Vous faites preuve d'une mauvaise foi presque pathologique quand il s'agit de l'autre, et je craignais que votre querelle soit projetée sur ces deux garçons à un moment charnière de leur vie. J'ai donc inventé cette histoire de cours particulier en espérant que votre avis sur le fils de l'autre changerait, qu'à force de le côtoyer, vous vous rendriez compte que ce sont deux garçons étincelants que vous avez mis au monde, et qu'ils méritent votre attention à tous les deux. J'espérais que lorsque viendrait le temps de vous révéler la vérité, vous l'accepteriez si vous connaissiez l'autre aussi bien que le vôtre. Je… J'ai manifestement échoué. C'est raté.

Harry écoutait, le visage dans ses mains. Il ne se sentait pas très bien.

— De quel droit, Neville, est-ce que tu te permets de t'immiscer dans l'éducation qu'on donne à nos gosses, bon sang ? s'insurgea-t-il d'une voix lente entre ses doigts.

Drago, de son côté était toujours aussi impassible. Il déclara avec un air moqueur :

— Ça a d'autant plus échoué qu'Albus Potter est catastrophique en potions. Il ne note rien, n'écoute pas, n'a aucun esprit scientifique… Je vois pas comment je peux m'attacher à un garçon qui se fiche autant de tout.

Drago avait adressé toute sa tirade vers Harry. Il envoya même sa dernière phrase en bombant un peu le torse, comme pour affirmer la supériorité de son propre fils sur celui de Harry.

— Moi, j'ai changé d'avis, admit Harry à voix basse, à la grande surprise de toute l'assistance.

Drago parut même décontenancé par l'annonce soudaine. Harry reprit, la voix un peu plus claire mais chargée d'émotions.

— J'ai toujours trouvé Scorpius hautain, cassant et arrogant. Enfin, un portrait de son père quoi. Je l'avais jamais vu autrement que pendant les cours, où il se cachait derrière la personnalité plus extravertie d'Al, qui parlait bien assez pour deux. Mais de le rencontrer seul à seul, je sais pas… Je suppose que je me suis attaché à lui. Il s'est révélé très vite assidu en cours de vol. C'est un obstiné quand il se passionne pour quelque chose. Je lui fais lever de la fonte sans cesse depuis cinq mois pour qu'il gagne des muscles, et il a jamais râlé. Il repart vidé, mais il revient toujours avec le sourire. Et parfois, il lui arrive de me parler de choses qui n'ont rien à voir avec le vol… Pendant ces cours, j'ai découvert un garçon vif, marrant aussi… Je comprends que tu sois fier de lui, Drago, car il est talentueux, acharné au travail, passionné par ses cours…

— Tu peux être fier de Albus pour les mêmes raisons, tu sais.

C'était Drago qui venait de parler. Il avait à son tour la voix chargée d'émotion.

— J'ai… Je mentais en disant que je ne m'y étais pas attaché. Ton fils a une manière tellement naïve et souriante de prendre les choses que cela me fait du bien de le voir. Auparavant, il arrivait toujours plein d'énergie en cours, et c'était transmissible. Il lui a fallu du temps pour apprécier la matière et s'y donner vraiment, mais juste après Noël… Juste après… Astoria… Oh, Merlin, que c'était un bonheur de l'avoir ! Cela me réjouissait de savoir qu'on se voyait, le mardi. Une thérapie à l'envers pour moi, en somme. Il apprenait, il furetait, il était excellent ! Parfois un peu morne, moins amical, mais il excellait en cours et j'avais l'impression que les potions lui faisaient du bien, comme une bouée de sauvetage dans sa semaine… Puis il y a eu un… un événement, je dois dire. Quelque chose s'est passé pendant une séance où un chaudron a explosé, et qui l'a troublé. Je… J'ai pas été à la hauteur ce jour-là, je n'ai pas bien réagi. Mais, bref… Après ça, Scorpius a eu son accident et depuis cela, enseigner des choses à Albus est devenu désagréable tant il n'a plus le cœur à rien.

— Scorpius aussi est déprimé, ces jours-ci. Il est mélancolique, ce garçon, tu savais ?

— Oui, je sais, soupira Drago. Il a toujours été comme ça. Je l'ai parfois vu passer des jours entiers à contempler la pluie ruisseler sur une vitre, ou les montagnes au-delà du manoir… Il ne faisait plus du tout cela depuis qu'il connaissait Albus, mais ça lui est revenu. Sans doute à cause de la mort de sa mère.

— Pas sûr… Il m'a avoué il y a quelques temps qu'il avait fait son deuil, qu'il avait même peur de l'avoir fait trop vite… Je ne sais pas, pour ma part j'ai l'impression qu'il parle comme s'il lui manquait quelque chose…

Il y eut un nouveau silence. Pewden et Neville s'échangeaient tout un tas de regards pendant cette conversation. Le scientifique était étonné, curieux, même, tandis que le directeur portait sur toute la scène un petit œil satisfait.

— Je sais qu'Albus est amoureux de Scorpius, lâcha tout à coup Drago.

Harry releva la tête, curieux.

— Depuis environ deux mois, précisa-t-il. Une potion de perceptivité qui a raté. C'était ça, l'événement qui l'a changé. Il a su que je savais, et sur le moment, je me suis stupidement énervé. L'explosion du chaudron produit toujours un effet lié à la perception du monde de la victime, et là, allez savoir par quel coup du sort, ça m'a montré le regard que portait Albus sur Scorpius. Autant vous dire que j'avais rarement vu quelque chose d'aussi mièvre que l'esprit d'un gamin de seize ans qui est amoureux… Cela m'a un peu fait disjoncter.

— Deux mois ! s'offusqua Harry. Pourquoi tu ne m'as rien dit ?

— Parce que ce n'était pas réciproque… Scorpius était et est toujours en couple avec Oriana Bell. Pauvre garçon, quand j'y repense, il était mortifié… Je lui en ai voulu pendant quelques jours, et puis je me suis rendu compte que ce n'était pas bien grave, puisque pas réciproque…

— À aucun moment tu ne t'es dit que cela ne te regardait pas ? demanda Neville avec un brin d'insolence.

Drago sembla hésiter à répondre.

— Non, lâcha-t-il au bout d'un moment, sans plus développer.

— Pour finir, c'est réciproque ou pas ? demanda Harry à Pewden.

Le petit homme replet sembla surpris qu'on lui adresse à nouveau la parole.

— Hum, eh bien… En théorie oui. En pratique je suppose que rien n'est acquis, toutefois nous n'avons jamais eu de cas où un sujet ayant subi une fusion imbriquée rejetait l'autre de lui-même.

— Il y a eu des cas où le sujet rejetait l'autre mais ce n'était pas de son fait ? questionna Drago.

— Bien sûr ! Dans des sociétés très hiérarchisées, comme l'Inde, ou dans d'autres où certains types de couples sont interdits… Pour faire court, tout ce qui constitue ce qu'un écrivain appellerait un amour impossible ne laisse que deux possibilités. Rejeter l'autre ou l'accepter en secret.

— On peut donc rejeter l'autre ? continua Drago avec un fond d'espoir dans la voix.

Pewden répondit pour la première fois avec un sarcasme acerbe.

— Bien sûr, si l'on accepte en contrepartie un taux de suicide vingt fois plus élevé que la moyenne.

Harry et Drago accusèrent le coup tous les deux. Le ton du scientifique se fit plus doux par la suite.

— Messieurs, j'ai vu de mes propres yeux des jeunes hommes et des jeunes femmes pas plus âgés que treize ans tomber dans la plus profonde des dépressions simplement parce qu'on leur interdisait de voir celui ou celle qu'ils aimaient. J'ai vu des garçons mourir à petit feu d'une haine incendiaire envers eux-mêmes parce qu'on leur avait répété, encore et encore, qu'être amoureux d'un autre garçon c'était mal… J'ai… J'avais fini par m'attacher à certains de ces sujets. Vous n'imaginez pas ce que c'est que de voir un ado se détester un peu plus chaque jour parce que son cœur aime quelqu'un qu'on lui a appris à rejeter… Oui, j'avais fini par m'attacher… Et puis vient toujours un jour, où l'on répond à ma demande de rendez-vous par un faire-part de décès. Et c'est une statistique de plus dans mon fichier, mais pour moi, sous mes yeux, c'est un destin fauché, balayé…

Il y eut un long silence. Harry reprit en osant enfin poser la question qu'ils avaient tous en tête.

— Tout de même… Ce sont deux garçons !

Curieusement, ce fut Neville qui répondit, d'un ton doux à son tour.

— C'est vrai, Harry. Ce n'est pas la vie la plus simple. Ce n'est sans doute pas la vie que vous leur auriez souhaitée. En tant que parents, il est possible que cette perspective ne vous enchante guère. Mais tout de même, vos fils ne s'en vont pas en enfer ! Vous avez pu voir comme moi comment ils sont lorsqu'ils sont ensemble. Ils sont faits l'un pour l'autre, et à eux deux ils auront toujours la force de traverser les épreuves qui se trouveront sur leur chemin. Je ne vous demande pas d'accepter cela du jour au lendemain. Je vous demande de laisser les choses suivre leur cours.

— Le fait que Scorpius sorte avec quelqu'un d'autre en ce moment ne met-il pas Albus en danger ? demanda Harry un peu brusquement.

Il n'eut jamais de réponse. D'un seul coup, dans le bureau, une voix forte provint d'un des tableaux. C'était celui de Phinéas Nigellus Black, qui avait un autre tableau dans la salle commune de Serpentard.

— Intrusion ! clama-t-il d'une voix forte. Monsieur le Directeur ! Intrusion dans la salle commune de Serpentard. Quatre adultes et quatre étudiants !

Il y eut un moment de flottement. Une intrusion ? À Poudlard ? Ce n'était pas arrivé depuis la guerre ! Tous les regards se braquèrent sur Neville. Celui-ci était déjà debout, baguette levée. Il annonça :

— Harry, Drago, réveillez toute l'équipe ! Tous les professeurs, et surtout Luna et Hannah ! On met le domaine en état d'alerte, et on clôt tous les accès. Je préviens le ministère. Fiento sempra !

Immédiatement, une puissante lumière s'échappa de sa baguette et parut disparaître dans les murs du château, qui se mit à grincer et claquer comme un paquebot pris dans une tempête. Tout autour du domaine, des barrières s'activèrent, des protections jaillirent du sol, et interdirent de passage la moindre âme vivante.

Porta magnus firmare !

Dans les couloirs, un concerto de claquement de portes et de cliquetis de serrure résonna soudain dans un écho spectral tandis que les accès se verrouillaient.

Spero patronum !

Un panda roux s'échappa de sa baguette et disparut à travers une fenêtre du bureau. Dans le même temps, les patronus de Harry et Drago s'étaient mis en route pour aller réveiller les autres directeurs de section et les professeurs.

— Messieurs, pas de temps à perdre ! On file à Serpentard !

Ils s'enfuirent alors à toute vitesse, laissant sur place un Herbert Pewden médusé.


Merci de m'avoir lu ! J'espère que ça vous a plu !

Bon on est sur du cliffhanger bien rugueux comme il faut, une fois de plus, niark niark. Un peu d'action au prochain chapitre, ça tente qui ? Venez avec moi, c'est l'heure de remonter la pente. Toute la suite et des aveux épiques, ce sera la semaine prochaine, vendredi 21 octobre pour le chapitre 17 : L'attaque du dortoir des Serpentards.

N'oubliez pas de laisser un commentaire, mettre en favori et en alerte, c'est hyper important pour moi ! Dites-moi tout ce que vous en avez pensé, et on se retrouve dans une semaine !

À plus !