Bonjour à toutes, bonjour à tous !
J'ai l'impression que le chapitre précédent a posé le cliffhanger le plus insoutenable jusqu'à présent, vu vos réactions. Pire que celui à la fin du chapitre 11, quand Scorpius embrasse Oriana devant Albus ? Vu les reviews, on croirait bien que oui, et je dois dire que je ne m'y attendais pas. Mais ça me va ! Car cela ne peut qu'augmenter votre attente pour ce chapitre 17 !
Le voilà ! On reprend l'action juste après la fin du chapitre précédent. Alors, les Fils du Phénix vont-ils réussir leur coup ? Comment Albus va-t-il réagir ? Et Scorpius ? Il est temps de voir ça !
J'en profite comme d'habitude pour vous remercier toutes et tous pour vos reviews ! Ca fait augmenter les compteurs, ça attire de nouveaux lecteurs et lectrices, ça me fait chaud au coeur et me donne envie d'écrire encore... Bref si vous aimez cette histoire, me laisser une review ou un favori c'est encore la meilleure motivation que je puisse avoir à en écrire toujours plus :) Je réponds toujours à tout, par contre il se peut que ceux qui m'écrivent sur l'app FFNet ne voient pas les réponses que j'écris depuis le site, car la synchro entre le site et l'app FFNet se fait pas toujours... Ahlala, cette plateforme, toujours un bonheur hein.
Shoutout à Pouik et Shik-Aya-chan qui ont relu toute cette histoire... Ces chapitre 15/16/17, chaque fois qu'elle les a relus, Pouik les a avalés en une seule fois, incapable me disait-elle de s'arrêter... Désolé de vous forcer à subir la semaine d'attente, niark niark.
Allez, je vous retiens pas plus, bonne lecture !
Chapitre 17
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L'attaque du dortoir des Serpentards
Quelques minutes avant ce raffut, dans le dortoir des garçons de cinquième année de Serpentard, l'ambiance était au plus calme. Albus ne dormait pas, malgré l'heure avancée de la nuit. Il fixait le plafonnier de son lit à baldaquin, comme chaque nuit depuis des semaines… Et comme chaque nuit, il allait s'endormir trop tard, uniquement quand ses yeux seraient trop épuisés pour rester ouverts, avant de se réveiller à peine trois ou quatre heures plus tard.
Le pire, c'était d'avoir l'impression que son esprit était vide. Un grand rien. Aucune pensée ne tournoyait dans sa tête. Ce n'était pas comme avant, quand il ne parvenait pas à s'endormir parce que son cerveau avait décidé de ressasser un quelconque instant de malheur ou de honte, non. Il était juste là, les yeux fixés vers le ciel, à ne rien ressentir.
Il n'avait pas totalement fermé le rideau qui donnait sur le lit de Scorpius. Il faisait cela toutes les nuits. Il ajustait sa position avec attention afin que l'interstice se trouve au niveau de ses yeux, et les laissait ouverts de quelques centimètres, de sorte que depuis son lit, il puisse voir celui de Scorpius. Cela ne servait à rien, évidemment, puisque Scorpius avait cessé depuis longtemps d'en faire de même… Mais ça lui donnait l'impression de veiller encore un peu sur lui, c'était l'un des derniers liens qu'il avait avec son ancien ami. Il y tenait. Parfois, il pouvait voir Scorpius se relever la nuit pour disparaître dans la salle de bains et Albus en profitait alors pour l'observer pendant quelques secondes.
Il fut surpris d'entendre le cliquetis caractéristique de la poignée de la porte de leur dortoir. C'était lent. On la manipulait doucement. Il avait toujours trouvé paradoxal qu'une porte paraisse d'autant plus bruyante qu'on essayait de la manœuvrer en silence. La partie ouverte de ses rideaux donnait sur la moitié de la chambre opposée à la porte d'entrée, si bien qu'il ne vit pas l'intrus. Sans doute un elfe de maison qui venait récupérer du linge sale, cela arrivait parfois. Il croisait bien plus souvent les elfes de maison depuis qu'il ne dormait plus.
Il y eut un bruit de chuchotement étouffé, suivi d'un petit rire pouffé. Puis, dans un vacarme soudain, la porte du dortoir se referma brutalement et sa serrure cliqueta.
— Chut !
Albus sursauta. Ça, ce n'était pas un elfe ! Ça, c'était un adulte, et un adulte qui n'avait pas envie d'être repéré en train d'entrer en silence dans un dortoir de Poudlard. Il sentit d'un coup son cœur se mettre à battre et une bouffée d'adrénaline lui parcourir les veines. Sans bruit, il étendit la main hors des rideaux de son baldaquin pour attraper sa baguette sur sa table de nuit, puis il la tint contre son corps en se demandant ce qu'il devait faire.
Il n'avait aucun moyen de sortir de son lit sans être repéré. À en croire les bruits de pas feutrés sur la moquette, il y avait plus d'un intrus. Il n'avait pas non plus à sa portée la Carte du Maraudeur, et même s'il l'avait eue, l'activer aurait été trop bruyant. Tout ce qu'il pouvait faire c'était attendre et espérer que les choses restent calmes.
Son cœur battant fit accélérer sa respiration. L'adrénaline tambourinait dans ses veines si bien qu'il ne se sentait plus épuisé le moins du monde. Il avait même oublié qu'il était incapable de lancer le moindre sort depuis des semaines. La témérité avait pris le pas sur sa dépression.
D'un seul coup, il se rendit compte qu'il avait peur. Il transpirait, son cœur battait, ses sens étaient en éveil et son instinct de protection et de survie s'étendait au-delà de lui-même : il craignait que l'on veuille du mal à Scorpius. Bon sang, qu'est-ce que cela faisait du bien ! Il se sentait vivant, pour une fois. Confronté à un danger imminent, son corps se réveillait enfin, et il avait peur !
Il essaya de se calmer un peu. Il avait peu de temps pour échafauder un plan. Si une bataille devenait inévitable, il devait essayer de réveiller Scorpius au plus vite afin de ne pas se battre seul. Or il ne connaissait que deux manières de réveiller en un clin d'œil quelqu'un de profondément endormi : le plonger dans l'eau ou le faire tomber. Il n'avait pas d'eau à disposition ni ne connaissait le sort pour en faire apparaître, en revanche, la chute était envisageable…
D'un coup, à travers le rideau clos du côté de la porte d'entrée, Albus sentit une présence. Il cacha sa baguette et ferma à demi les yeux. Une main tira sur le tissu et l'ouvrit légèrement, puis un visage apparut. Du peu qu'il distingua à travers l'obscurité de la pièce et ses paupières quasi-closes, c'était une femme, avec des cheveux mi-longs. Il la vit regarder quelqu'un en dehors de son lit et faire non de la tête.
Ils cherchaient quelqu'un. À présent, Albus en était sûr, Scorpius était en danger. Cela le mit hors de lui. Personne, personne ne touchait à Scorpius Malefoy ! Il se moquait totalement de leur nombre, ou de la dangerosité du moment, si cette mégère osait toucher à son ami, il allait la massacrer.
La femme se détourna de son lit. Albus relâcha sa respiration, mais bien vite il vit à travers l'interstice qu'un homme s'approchait sans bruit du baldaquin de Scorpius. Il en ouvrit le rideau, puis appela tous les autres intrus à lui, toujours en silence. Albus compta huit personnes qui s'amassèrent dans un genre d'arc de cercle entre son lit et celui de Scorpius. Une femme, trois hommes, et quatre élèves qu'il reconnut comme étant les quatre idiots de Poufsouffle dont les parents étaient des Fils du Phénix. Tous avaient la baguette à la main et tous semblaient prêts à en découdre. Albus déglutit, il jura dans sa barbe et raffermit sa prise sur sa baguette.
— Wingardium leviosa ! dit-il de la voix la plus basse qu'il put.
Il ne bougea pas, attendant le bon moment pour déclencher son plan.
Dès qu'il fut certain que tous les indésirables lui tournaient le dos, il inspira un grand coup, puis fit un mouvement de baguette sec vers le haut.
Aussitôt, à la grande surprise de tous les intrus, le matelas de Scorpius se souleva, bascula vers le côté du lit où ils n'étaient pas, et projeta son occupant au sol.
— STUPEFIX !
Il ne savait pas pourquoi ce fut le sortilège de stupéfixion qu'il choisit pour attaquer. Il ne l'avait jamais maîtrisé, contrairement au maléfice d'entrave qu'il connaissait bien. Pourtant, malgré son état, un violent éclair rouge vif quitta sa baguette et alla frapper dans le dos l'un des trois hommes qui tomba au sol, inanimé.
— STUPEFIX ! STUPEFIX !
Il était entré dans une sorte de rage qui lui faisait tirer des éclairs dans tous les sens, sans même se soucier de qui il visait. Il tirait n'importe comment, détruisant le baldaquin de son ami, ricochant sur les murs et les fenêtres, il tirait avec une telle rage qu'il atteignit par hasard l'un des Poufsouffle, puis l'autre, et enfin le plus jeune d'entre eux. Quand son éclair toucha le garçon de troisième année, son grand frère, la femme et l'un des deux hommes encore debout hurlèrent de concert. Le plus jeune s'effondra, inconscient.
— Stupefix ! envoya l'homme dans sa direction.
Il s'y était préparé. Albus plongea au sol derrière son lit, à travers le rideau qu'avait laissé ouvert la femme, et esquiva l'éclair.
— Stup…
— Expelliarmus ! l'interrompit le grand frère.
Avec un juron, il sentit sa baguette lui échapper des mains et atterrir dans celle de l'autre garçon. Mais, tandis que les quatre intrus encore en état de se battre semblaient se désintéresser de Scorpius, celui-ci se releva, hagard et désarmé, à l'autre bout de la chambre.
— SCORP, BAISSE-TOI ! cria Albus depuis sa cachette.
Trop tard. Comme un seul homme, les quatre intrus lancèrent un « stupefix ! » retentissant. Pas moins de quatre éclairs rouges volèrent vers Scorpius qui les reçut en plein cœur. Alors, celui-ci se retrouva projeté en arrière contre le mur de la chambre et, comme suspendu dans les airs, éclairé par la lumière rouge des maléfices, il s'écrasa au sol avec un craquement sinistre et ne bougea plus.
— SCORPIUS !
— Petrificus totalus ! firent deux voix depuis l'autre côté de la chambre.
Des lits de Nigel et Kyle partirent deux bourrasques qui atteignirent les deux hommes. Ils tombèrent au sol, immobilisés. Profitant de la diversion, empli de rage et d'adrénaline, Albus sauta par-dessus son matelas hors de sa cachette et se jeta sur le garçon de septième année. Il lui asséna un coup de poing au visage aussi fort qu'il le put. C'était la première fois qu'il frappait quelqu'un. Cela lui fit mal et la sensation du contact violent le dégoûta. Contre ses phalanges, il put entendre un craquement macabre, et tandis que le garçon gémissait de douleur en se tenant la mâchoire, il lui arracha sa baguette des mains et le mit en joue.
— Laisse-le ! ordonna la femme d'une voix qui vacillait.
Albus releva le regard. La femme avait les yeux écarquillés et pointait sa baguette sur lui d'une main tremblante. Elle semblait avoir compris qu'elle avait perdu, mais elle restait prête à tout pour protéger celui qui était sans doute son fils. Vu son état, elle aurait été capable d'envoyer un sortilège impardonnable, aussi Albus préféra se relever, les mains en l'air, et reculer vers Nigel et Kyle qui la menaçaient toujours de leurs baguettes. Le garçon de septième année, prostré au sol, grognait de douleur.
Alors, la porte de leur dortoir vola en éclats.
— INCARCEREM ! tonna une voix autoritaire emplie d'une colère si glaciale qu'Albus en frissonna.
La femme se retrouva immédiatement ligotée et bâillonnée, au sol. Dans l'encadrement se tenait Neville, baguette à la main, suivi de tous les professeurs dont certains ne portaient qu'un pyjama ou une robe de chambre.
Albus se précipita vers le corps inconscient de Scorpius. Celui-ci avait la respiration sifflante et difficile. Ses muscles étaient parcourus de tremblements, il était en nage, et à travers sa chemise de pyjama, Albus pouvait sentir son cœur qui battait à cent à l'heure et tambourinait si fort qu'on aurait cru qu'il tentait de s'échapper du torse du garçon. Albus jura. Son ami ne semblait pas en très bon état, il ne savait pas quoi faire.
Les professeurs découvraient, hébétés, le chaos qui régnait dans la chambre. Nigel et Kyle se tenaient debout sur leurs lits respectifs, la baguette à la main et l'air hagard. Le lit à baldaquin de Scorpius avait éclaté en morceaux à cause des multiples et aléatoires éclairs de stupéfixion d'Albus. Le matelas avait été retourné dans un coin de la chambre, là où gisait Scorpius. De la porte en bois du dortoir ne restaient que deux gonds branlants fixés au mur de pierre. Dans le couloir, plusieurs têtes s'immisçaient entre les portes pour tenter d'apercevoir la raison de ce vacarme.
— Scorpius ! s'écria Drago Malefoy en voyant son fils inconscient dans les bras d'Albus.
Il se précipita dans la salle et rejoignit son fils.
— Il s'est pris quatre stupefix à la fois, Monsieur Malefoy, expliqua Albus sans parvenir à contenir l'anxiété dans sa voix.
Son père sortit sa baguette, la pointa sur son fils et invoqua tout un tas de sorts qu'il ne connaissait pas. Albus l'observa sans bouger d'un centimètre, il s'accrochait à Scorpius comme à sa propre vie. Tout son corps trahissait son intention d'assassiner quiconque essayerait de l'éloigner de lui.
— Ça va aller ? Hein, Monsieur Malefoy, il va s'en remettre, n'est-ce pas ?
Sa voix avait un ton pathétique, mais il s'en moquait. Seul Scorpius comptait pour lui en cet instant. Monsieur Malefoy laissa retomber sa baguette et fixa Albus dans les yeux avec un petit sourire.
— Oui, ne t'en fais pas Albus, il va s'en remettre. Je vais l'emmener à l'infirmerie, tu me laisses le porter ?
Albus hocha la tête faiblement. Il n'arrivait pas à savoir si son professeur était sincère ou s'il disait ça pour le rassurer. Lorsqu'il desserra ses poings, ses doigts étaient courbaturés.
Drago prit son fils dans ses bras et quitta le dortoir. Albus fut surpris de voir son père fondre sur lui et le prendre dans ses bras, mais bien vite il ferma les yeux et se laissa aller contre Harry. Il était reconnaissant pour l'étreinte, il en avait besoin.
— Raconte-moi tout ce qu'il s'est passé, Al. J'ai besoin de savoir, dis-moi tout !
— Prends des notes, Harry, ordonna Neville. Ou enregistre. Son récit va intéresser bien des personnes.
Albus observa son père opiner du chef, mais rien de plus. S'il avait lancé un sort pour enregistrer ou retranscrire ses paroles, Albus n'avait rien vu. Cependant, son père lui fit signe d'y aller, alors il raconta tout depuis le début. Il expliqua comment il avait entendu parler des Fils du Phénix la première fois, avec ce débile de McLaggen, puis comment il avait remarqué les regards hostiles des autres, la haine envers Scorpius qui ne disparaissait pas, et son père écouta. Pendant ce temps, Neville et les autres professeurs accueillirent tout un tas de gens à travers la cheminée de leur dortoir et ses flammes vertes, avant de les emmener ailleurs, ne laissant dans la chambre que Harry, Luna et Hannah qui s'occupaient de Nigel et Kyle.
Bientôt cependant, tous quittèrent la pièce. Seul avec son père, Albus se laissa un peu aller. Il sentit les larmes monter à ses yeux tandis qu'il racontait comment il avait craint pour Scorpius, malgré leur amitié brisée, et comment il lui manquait jusque dans son âme...
Albus ne put s'empêcher de remarquer que son père trépignait un peu, comme s'il cherchait à aborder un sujet sans trop savoir comment. Alors soudain, brutalement, avec toute la subtilité qui caractérisait la famille Potter, Harry demanda de but en blanc :
— Albus, tu me parles de Scorpius… Tu… Tu n'as pas quelque chose à m'avouer, à son sujet ?
Albus baissa les yeux, la gorge nouée. Il savait… Bordel, il savait ! Monsieur Malefoy lui avait raconté ce qu'il avait vu. C'était obligé, il n'y avait aucune chance que son père, cet homme qui n'avait jamais compris le moindre des sentiments qui traversaient sa tête, eût découvert de lui-même qu'il était bel et bien amoureux de Scorpius ! Que faire ? Il était pris au piège, il ne pouvait qu'avouer…
— Je… Je crois que tu le sais déjà, non ?
Harry eut un petit soupir, comme s'il regrettait que cela soit le cas. Il serra tout de même Albus un peu contre lui, puis lui dit d'une voix qu'il voulait sans doute rassurante :
— Oui, tu as raison. Je le sais déjà.
Albus s'avoua vaincu. Il détourna les yeux et prononça à voix basse :
— J'ai pas fait exprès, Papa…
Il ne saurait jamais pourquoi, en cet instant, après cet aveu, ce fut ceci qu'il pensa le plus important de préciser.
— Je sais, Albus. Je sais, répéta Harry en serrant son fils contre lui.
La tête appuyée contre le torse de son père, il ferma les yeux. Il se sentait bien ici. Entouré, protégé. Au-dessus de lui, son père eut un léger soupir, si bien qu'il se demanda s'il n'allait pas quand même lui faire la leçon… Mais non, au lieu de cela, il se redressa, puis l'aida à se relever.
— Je suis désolé… souffla-t-il.
— Désolé ? Oh, ne t'excuse pas Albus… Si une seule personne doit s'excuser, c'est moi. Pour t'avoir laissé croire que je t'en voudrais pour ça.
Albus le fixa avec des yeux chargés de larmes. Il lui semblait, pour la toute première fois, ressentir une profonde gratitude envers son père. Il retourna enfouir sa tête contre son torse et profita de l'étreinte paternelle encore un peu, surpris par sa propre répugnance à l'idée de la quitter.
— Viens, finit par dire Harry. Allons à l'infirmerie. On parlera de tout cela une autre fois. Ton ami a besoin de toi.
Albus s'essuya les yeux. Il hocha la tête et se laissa traîner à travers les couloirs, la gorge nouée et l'esprit en friche.
Albus devenait fou. Tout simplement fou.
Après l'attaque, on l'avait emmené voir Scorpius, mais il n'avait toujours pas repris connaissance. Là, il ne put rester qu'une dizaine de minutes à ses côtés avant que Madame Shelby ne le chasse de l'infirmerie, où ne demeura que Monsieur Malefoy. Une fois dehors, son parrain était arrivé accompagné de tout un tas de gens en imperméable avec des chapeaux, ou des moustaches, bref, des gens qui n'avaient pas l'air rigolos.
Ils lui posèrent mille et une questions sur ce qu'il s'était passé, qui étaient ses agresseurs, comment ils étaient entrés et toutes ces bêtises. Il était à peine capable de répondre au quart d'entre elles. La plupart du temps, il disait bêtement qu'il n'en savait rien, et les aurors soupiraient, frustrés. Comment était-il censé savoir les méthodes des intrus alors qu'il était resté dans son foutu lit ?
Tout le temps que dura ce désagréable interrogatoire, son père et Neville étaient à ses côtés. Ils ne disaient pas grand-chose, mais ils s'assuraient qu'il allait bien. Ils étaient là, c'était déjà appréciable.
Lorsque la tempête finit par se calmer, il essaya de demander quand est-ce qu'on l'autoriserait à revoir Scorpius. Il espérait pouvoir être à ses côtés lorsqu'il se réveillerait. Gênés, les deux adultes lui avouèrent qu'ils n'en savaient rien, qu'ils lui diraient plus tard, dès qu'ils sauraient… Albus restait méfiant.
Et avec raison ! Le soir venu, on lui apprit qu'il ne pourrait tout simplement pas revoir Scorpius tant que les aurors n'étaient pas sûrs de la gravité de la menace que les Fils du Phénix faisaient peser sur lui. Dans l'attente, il serait placé à l'isolement dans une chambre cachée du château.
Depuis, il devenait fou.
Il essaya de demander combien de temps Scorpius resterait enfermé, on fut incapable de lui répondre.
— Au moins jusqu'aux vacances de Pâques, lui dit son parrain.
— Quoi ? Mais c'est dans trois semaines ! s'écria Albus, une boule de plomb dans l'estomac.
— Quatre, corrigea le directeur.
Albus ne savait pas quoi faire. Il avait envie de donner un coup de poing dans un mur, ou un truc stupide du genre. Voyant sa détresse, Neville hésita, puis finit par ajouter :
— Je… J'ai essayé de convaincre vos parents à tous les deux, Al.
— Hein ? Comment ça ? demanda Albus, toujours paniqué.
— Je leur ai proposé que tu restes avec Scorpius le temps de son isolement.
— Oh ? Vraiment ? Ce serait super, ça ! Et ils ont dit quoi ?
— Ils ont refusé, Al. Tous les deux. J'ai essayé de leur expliquer, mais… C'est pas trop ma place, vois-tu… Et eux ne savent pas ce que tu ressens…
— Quoi ? Mais… Mais ils savent ! Je leur ai dit ! Tous les deux, ils savent ! Tu veux bien leur redemander, Neville ?
Albus était désespéré et son parrain était sa seule chance.
— Je suis désolé, Al. J'ai essayé.
Neville tourna les talons, prêt à planter là son filleul et son sentiment d'impuissance. Albus était persuadé que son parrain ne lui disait pas toute la vérité ! Il l'observa s'en aller et, juste avant de disparaître dans un couloir, Neville lui lança une dernière remarque :
— Maintenant, c'est à toi de jouer.
Puis il s'enfuit.
À lui de jouer ? Que voulait-il dire ? L'encourageait-il à s'infiltrer dans la chambre ? Non, certainement pas, Neville restait le directeur de Poudlard…
Toutefois… L'idée était lancée et maintenant qu'il l'avait en tête, il ne pouvait s'en défaire. Après tout, il avait les moyens de s'infiltrer. Avec la carte il pourrait savoir sans effort où se trouvait Scorpius, qui le gardait, et il pourrait le rejoindre !
Alors, la nuit tombée, il récupéra la Carte du Maraudeur, la révéla et la parcourut de long en large à la recherche d'un point étiqueté « Scorpius Malefoy ».
Il le trouva après un petit moment, dans l'infirmerie. Évidemment. Il ricana un peu, c'était si gros de cacher un blessé dans une infirmerie qu'il avait commencé par regarder partout ailleurs dans le château.
Scorpius n'était pas dans l'infirmerie à proprement parler, mais dans une petite annexe qui semblait située à côté de la salle principale. On y accédait sans doute par un genre de porte dérobée.
Il était à peine vingt-trois heures lorsqu'il se mit en route, si bien que les couloirs étaient encore encombrés. Peu importe, il s'en moquait. Il refusait de refaire le coup de l'apparition à deux heures du matin, car à le voir une nouvelle fois débarquer soudain dans la nuit, Scorpius tenterait sans doute de l'assassiner.
À l'aide de la carte, il se fraya un chemin en restant dans les ombres et en se cachant dans les alcôves lorsqu'un professeur passait. Il n'eut aucun mal à tous les éviter. Il arriva bien vite devant la lourde porte de bois de l'infirmerie, qu'il poussa dès que Madame Shelby se retira dans son bureau.
Il traversa la pièce à grandes enjambées tout en faisant le moins de bruit possible jusqu'à l'endroit où, selon la carte, devait se trouver la porte de la chambre de Scorpius. À la place, il ne vit qu'un mur de pierre hermétique. Il posa ses mains sur les roches taillées et poussa un peu au hasard, sans effet.
Tandis qu'il longeait le mur en essayant d'appuyer un peu n'importe où, il se cogna contre un objet qu'il ne vit pas. Tâtonnant encore un peu, il finit par poser sa main sur une poignée de porte qu'on avait rendue invisible, et qui s'était douloureusement enfoncée dans ses côtes. Le sourire aux lèvres, il abaissa la poignée et poussa sur le mur, qui pivota.
La chambre était silencieuse, seule bercée par la respiration lente et douce de son occupant. La pièce n'était qu'un simple rectangle pas bien vaste, qui ne comportait qu'une seule fenêtre sur une de ses largeurs, à travers laquelle on pouvait voir la roseraie, et, un peu plus loin, la Forêt Interdite. Elle était équipée de deux petits lits d'un côté et de l'autre, chacun avec une table de nuit. Albus eut un pincement au cœur lorsqu'il se rendit compte que son parrain avait prévu une chambre pour deux.
On trouvait également dans la pièce des paravents, un placard et un fauteuil qui ressemblait à ceux qui meublaient leur salle commune. Sur le petit côté opposé à la fenêtre, une porte donnait sans doute sur une salle de bains. Scorpius était endormi, dans le noir, sur le lit du côté de la fenêtre.
Albus s'approcha du lit. Une petite chandelle était éteinte sur la table de nuit.
— Incendio.
Une flammèche jaillit de sa baguette et alluma la bougie. Il n'avait jamais bien maîtrisé ce sort et était incapable d'avoir une vraie flamme, mais il pouvait tout de même faire quelques étincelles, ce qui était suffisant pour allumer une mèche.
En plus de la lumière de la Lune qui traçait dans la chambre quelques rayons argentés fantomatiques, la lumière orangée et dansante de la flamme vint éclairer le visage endormi de Scorpius. Il paraissait détendu. Le son léger de sa respiration emplissait l'atmosphère de la pièce et la meublait d'une quiétude apaisée. Il était allongé torse nu, avec un bandage autour du front. Sa poitrine luisait comme si on avait appliqué un genre de gel à paillettes bleues. Sans doute un onguent brillant ou un sortilège de soin qu'il ne connaissait pas.
Albus se sentait diablement soulagé de voir que son ami allait bien. Ainsi endormi, il paraissait calme, paisible. Il se demanda s'il était aussi détendu quand il dormait… Vu les nuits horribles qu'il vivait en ce moment, il en doutait.
Sans crier gare, Scorpius papillonna des yeux. Il se retourna un peu dans son lit, revint à lui, puis eut un mouvement de recul lorsqu'il se rendit compte de la présence d'Albus.
— Oh… C'est toi ?
Il hocha la tête.
— Décidément, c'est une manie, soupira Scorpius.
Albus ne put retenir un petit rire. C'étaient les premiers mots que lui adressait Scorpius depuis deux mois. Il était si bon d'enfin réentendre sa voix sans qu'il ne s'en serve pour l'insulter dans son dos… Surtout qu'il parlait avec sa vraie voix, pas cette parodie de langage vulgaire qu'il utilisait depuis des semaines !
— Je voulais voir si tu allais bien… murmura Albus en guise d'explication.
— Tu es bête d'être venu, Al, répondit Scorpius, le ton neutre.
— Je… Quoi ?
— Je suis à l'isolement parce que des tarés veulent ma peau ! expliqua-t-il, toujours neutre. Tu penses bien que ce n'est pas si simple que ça de venir ici… D'ici trente secondes, la pièce sera remplie de profs et même d'aurors…
— Oh…
Il comprit soudain le souci. Il n'allait pas pouvoir passer autant de temps qu'il aurait aimé avec Scorpius. Il devait faire compter chaque seconde…
Il décida de déplacer le gros fauteuil pour le poser au chevet de son ami, puis il s'y installa.
— Tu prends tes aises ?
— J'suis là, autant profiter ! grommela Albus. S'ils veulent me dégager, j'espère qu'ils prendront un pied de biche avec eux.
— Et si moi, je veux te dégager ?
Albus sentit son cœur tomber au fond de son estomac. Il leva deux yeux peinés, mais trouva tout de même en lui la force de demander :
— Tu… tu veux que je parte ?
Il y eut un long, très long silence.
— Je ne sais pas trop, admit pour finir Scorpius dans un souffle.
— Eh bien, le temps que tu te décides, j'ai décidé de rester. Pour t'aider à choisir.
Scorpius eut un petit rire qui soulagea aussitôt le cœur d'Albus. Il n'était pas fou, il se doutait bien qu'ils n'allaient pas redevenir amis du jour au lendemain. Mais ils se parlaient, c'était déjà un bon début. Seuls, ainsi dans la pénombre, Albus se sentait bien. Il observait son ancien ami avec un regard fiévreux, intense, presque comme s'il espérait que ses yeux pourraient exprimer à sa place ce qu'il avait envie de dire. Scorpius soutenait son regard. Albus y voyait quelque chose qu'il ne comprenait pas, mais une chose était sûre : ce n'était pas de la haine.
Albus voulut dire quelque chose, n'importe quoi qui puisse exprimer sa pensée sans être trop niais, mais il n'eut jamais le temps de trouver les bons mots. La porte de la chambre s'ouvrit tout à coup à la volée, révélant Harry, la baguette à la main.
— Toi ! rugit-il en voyant son fils dans le fauteuil.
— Moi, répondit Albus avec insolence.
— Est-ce que tu as la moindre idée de ce que tu as fait en venant ici ? Bon sang, Albus, en ce moment même, il doit y avoir une cinquantaine d'aurors en train de se précipiter en pleine nuit à travers le réseau de cheminée juste parce que tu n'as pas la patience d'attendre quelques jours que ton copain sorte de l'infirmerie !
— Eh bien je suppose qu'il va falloir que quelqu'un leur explique que tout va bien, que c'est juste la sécurité de cette chambre qui laisse à désirer, provoqua Albus avec autant d'insolence qu'auparavant.
Harry, agacé, s'approcha de son fils et le prit par le bras.
— Non ! s'écria Albus. J'ai essayé de vous demander si je pouvais venir et vous avez pas voulu ! Si vous m'aviez dit oui, j'aurais pas été obligé de forcer !
— Il y a des règles, Al, et elles sont pas pour les chiens ! Si on t'a dit non, c'est qu'on a de bonnes raisons ! Tes petits sentiments n'ont pas leur place dans cette équation !
Albus n'eut pas le temps de remarquer le sous-entendu de son père. La porte s'ouvrit à nouveau sur Drago, Neville et Madame Shelby.
— Qu'est-ce que…
— Un intrus ! s'indigna l'infirmière.
— Évidemment, c'est le fils Potter qui fait des siennes… ajouta Drago d'une voix lente.
— S'il vous plaît… grogna Scorpius, grimaçant face au bazar qui se tenait dans sa chambre.
— Ça va, c'est que moi ! rétorqua Albus avec dépit.
— Tu vas venir, Albus, mince à la fin ! gronda son père en essayant de le tirer vers lui.
— Non ! résista-t-il en se tenant à l'accoudoir du fauteuil.
— S'il vous plaît ! s'égosilla Scorpius d'une voix forte.
Le silence revint d'un seul coup dans la pièce, comme si tous se souvinrent qu'ils étaient dans une infirmerie.
— J'ai mal à la tête, se plaignit Scorpius. Si vous voulez bien…
Neville appela d'une voix ferme :
— Harry, Drago, Amélia... Venez avec moi, je vous prie.
Son père cessa d'essayer de le tirer hors de son fauteuil à contrecœur.
— Euh… Et moi, Monsieur ?
— Reste là pour le moment, Albus. On verra ce que l'on fait de toi après.
Tous les adultes sortirent à la suite du directeur et le silence retomba dans la pièce. Albus était soulagé, il ne savait comment remercier son parrain de lui avoir offert cet instant de répit.
— Tu vas bien ? risqua Albus après un petit moment.
— Hmm ? Oh oui. J'ai menti, je n'ai pas mal à la tête. Je vais bien. Mais je voulais qu'ils partent.
— Oh… c'est gentil ! approuva Albus. Je pense que j'en ai pas pour longtemps avant de me faire sortir, cela dit…
Scorpius eut un petit sourire. Albus repensa à ce qu'avait dit son père juste avant… Il priait pour que l'autre garçon ne l'ait pas entendu, aussi pour ne pas lui laisser le temps d'y réfléchir, il essaya de détourner la conversation.
— Tu te souviens de ce qu'il s'est passé ? Hier soir ?
— Un peu, dit-il. On m'a raconté. Moi je me suis réveillé lorsque tu m'as projeté hors du lit, et quelques secondes après je me suis évanoui, avant de me re-réveiller à l'infirmerie en ayant mal partout, et avec un médicomage de Sainte-Mangouste à côté de mon lit… Mais on m'a raconté. Tu m'as sauvé, Al.
— Oh, euh… Je… Je… balbutia Albus.
— J'essaye juste te dire merci, patate. Inutile de paniquer.
Il sentit un énorme poids se soulever de son cœur en entendant ce surnom familier pour la première fois depuis si longtemps…
— Oh ! rit Albus. De rien !
À nouveau, le silence revint. De quoi pouvait-on bien parler, lorsqu'on se retrouvait ensemble pour la première fois après deux mois sans s'échanger un mot ?
Il y avait bien quelque chose… Un sujet qu'Albus devrait aborder tôt ou tard, et le plus tôt était le mieux. Pour s'en débarrasser. Il rassembla tout le courage qu'il fut capable d'amasser, puis commença à voix basse :
— Scorp… Je voulais te dire… Je suis désolé, vieux. Pour tout ! J'aurais… J'aurais dû donner sa chance à Oriana, j'aurais dû te parler, t'expliquer ce que je ressentais, au lieu de… de jouer au con. Je suis désolé, j'espère que tu trouveras un jour en toi la force de me pardonner. Juste… Voilà. Je veux que tu saches que je sais, que je me rends compte… J'ai été méchant, et aveugle, et égoïste, et je voulais… Je voulais…
— Tu avais raison, n'empêche, coupa Scorpius tout à coup.
— Hein ? Sur quoi ? s'étonna-t-il en fronçant les sourcils.
— Sur ces Fils du Phénix. Tu avais raison de me croire en danger, tu as essayé de me prévenir, et je ne t'ai pas cru… Je… C'est curieux, je ne sais pas si je dois me réjouir de te voir là, ou te détester… Ton plan était si con, Merlin Albus, si con ! J'ai du mal à exprimer à quel point c'était con, j'ai du mal à comprendre même comment tu as pu croire que ça ne l'était pas… Je ne m'étais jamais senti aussi trahi, aussi abandonné… Parce que le pire ce n'était pas l'idée débile, non ! Le pire, c'est qu'elle venait de toi, Albus. Bon sang, n'importe qui pouvait me faire ça, mais pas toi, Al ! Pas toi ! Je t'en veux encore tellement… Pour ça, pour le reste, et je… Je ne sais pas si je te pardonnerais un jour, mais… Mine de rien, tu avais raison dans le fond. Quant à Oriana, je… J'ai peut-être un peu enjolivé le truc… Je… Je t'en voulais, Al, si tu savais à quel point ! Et je savais que ça te faisait chier, alors…
— Je le méritais, admit Albus.
— Peut-être. Mais peut-être pas. Moi, je suis incapable de ne pas m'en vouloir pour ça. Jouer avec les sentiments de quelqu'un, c'est le pire… Je suis désolé.
Albus fixa ses genoux. Il n'arrivait pas à s'empêcher de balancer ses pieds. Son cœur tapait contre son torse et sa gorge était nouée. La discussion était nécessaire, mais elle le mettait à l'épreuve car malgré elle, il lui était impossible de savoir s'il avait une chance de retrouver un jour son ami.
— Qu'est-ce qu'on doit dire, pour réconcilier deux amis ? articula-t-il d'une voix faible et mal assurée. C'est quoi, la formule magique ?
Scorpius eut un petit sourire.
— Du temps, je suppose. Et qu'on parle. Je crois qu'on a pas mal de trucs à se dire.
Albus hocha la tête, mais Scorpius n'avait pas fini.
— Du genre, qu'est-ce que ton père a voulu dire en parlant de tes « petits sentiments » ?
Albus sursauta. Oh non, pas ça ! Il sentit une sueur froide couler le long de sa colonne vertébrale.
— Oh je… Je sais pas, sans doute rien ! Mon père il fait toujours semblant qu'il m'a compris, alors que pas du tout…
— Moi, j'ai une petite idée, murmura Scorpius.
— Ah ? fit Albus, attendant la suite avec anxiété.
— Oui. Parce que plus je suis avec Oriana, plus tu me manques, Al. Je… Je n'ai pas très bien vécu ces derniers mois, tu le sais ? Je ne savais pas comment te parler, tu étais froid, fermé… Je ne t'avais jamais connu comme cela et je ne savais plus quoi faire. Je me suis tourné vers Oriana, mais… Mais c'est de toi dont j'avais besoin. C'est une fille sympa, cela dit elle manque de… Je ne sais pas, de répartie, de joie de vivre, d'énergie… De tout ce qui fait que tu es toi, en fait.
Albus sentit ses yeux le piquer. Il essaya d'expliquer :
— Moi je m'approchais plus de toi parce que tu étais avec elle et que tu craignais que… Que les gens pensent que…
— Qu'on était ensemble ?
Albus hocha la tête.
— C'est si bête, quand j'y repense… murmura Scorpius. Craindre que l'on soit amoureux…
— Mais tu avais raison de le craindre.
— Comment ça ?
Albus savait ce que sa bouche allait dire. Il le savait. La perspective de passer quatre semaines loin l'un de l'autre forçait sa langue. Mais il ne voulait pas, oh ça non il ne voulait pas ! Il se vit comme hors de son corps prononcer ces mots qui lui étaient étrangers, et tandis qu'il parlait, son âme chavirait avec lui.
— Je… je crois que… je crois que je suis tombé amoureux de toi, Scorpius.
Il se sentit basculer dans le vide. À ces mots, Scorpius pointa sur lui deux yeux brillants, perçants et luisants dans la nuit, comme un loup qui guetterait sa proie. Sans se laisser décontenancer, Albus continua :
— Je… Putain, tu peux pas savoir à quel point je me sens con de devoir dire un truc comme ça… Mais y a pas d'autre mot, c'est vrai. J'ai toujours cru que j'étais ton ami, que j'étais proche de toi, mais c'est pas ça. Depuis trois mois que tout n'est plus comme avant j'ai l'impression que chaque jour qui passe je vais crever si tu ne me parles pas. Tu es dans ma tête en permanence, ça me rend fou ! J'ai parfois passé des jours entiers à me demander comment j'allais pouvoir vivre avec ce sentiment constant, parce que putain Scorp je sais bien que l'inverse ne sera jamais vrai… Et, tu sais, je suis désolé, tellement désolé, de ne pas pouvoir être juste un ami comme tout le monde a, comme tu mériterais d'avoir ! Enfin, voilà quoi, je… je n'attends rien de toi si ce n'est que… que tu sois encore mon ami, mon frère de cœur, comme tu l'as toujours été… Mais… mais voilà, je voulais te le dire.
Scorpius l'avait écouté sans en perdre une miette et il gardait un visage impénétrable. Ses yeux brillaient, mais il paraissait à court de mots, comme s'il n'avait aucune manière d'exprimer ce qu'il avait sur le cœur. Albus quant à lui avait les yeux humides. Ou peut-être pleurait-il carrément, il ne savait pas trop.
— Tu es gay ? demanda Scorpius avec maladresse et sur un ton bien trop aigu.
Albus parut un peu abattu.
— J'sais pas, admit-il. J'ai jamais regardé un autre garçon que toi. Mais j'ai jamais regardé beaucoup de filles non plus…
Scorpius se prit la tête entre les mains et poussa un long, très long soupir.
— Tu vas faire quoi ? demanda Albus avec anxiété.
— Je ne sais pas, Al.
Putain, quelle réponse horrible.
— Ne pas y penser, je crois.
Double réponse horrible.
— Je… Je ne sais pas ce que j'ai dans la tête, ces jours, vieux. Tout se mélange et j'ai juste envie de dormir. Mais… La vérité c'est que tu me manques aussi, Al. J'ai envie que tu restes avec moi. Je les ai entendus dire que je ne sortirai pas de là avant Pâques… Je ne veux pas ne pas te voir pendant quatre semaines, pas après tout ce que tu viens de me dire, pas alors qu'on a une chance de tout remettre à plat…
En une seconde, Albus passa de la déprime à un espoir sans borne. Bon sang, ce n'était pas une déclaration, mais c'était tout comme ! Il lui manquait ! Pas Oriana, lui ! S'il devait choisir une seule personne avec qui se laisser enfermer pendant quatre semaines, c'était lui ! Il avait envie de sautiller partout tellement il était heureux ! Quel plaisir de retrouver enfin ce sentiment de joie qu'il avait fini par oublier…
— J'ai envie que tu restes avec moi.
De l'autre côté de la porte, la voix amplifiée par magie des deux garçons résonnait dans toute l'infirmerie à travers le mur de l'annexe. Tous les adultes entendaient ce que les deux garçons se disaient à l'intérieur, et tous à l'exception de l'infirmière écoutaient avec attention. Aucun ne manifestait de réserve au sujet du voyeurisme absolu de leurs actes, et certainement pas Neville, qui avait mis en place ce plan machiavélique pour convaincre les deux pères et qui était assez fier du résultat.
Lorsque Scorpius finit de parler, Neville leva le sort, puis se tourna vers les adultes rassemblés derrière lui.
— Souvenez-vous de ce que je vous ai dit, messieurs. On ne peut rien faire contre ce qui les attirera toujours l'un à l'autre, mais on peut essayer de leur faciliter la vie et de les préparer au mieux aux épreuves qu'ils subiront, ensemble. Le choix vous appartient.
Madame Shelby ne semblait pas comprendre ce que voulait dire son directeur. Harry et Drago s'observèrent un long moment, en silence, avant que le second ne se tourne vers Neville.
— D'accord, mais il y aura des règles ! maugréa Drago. Hors de question qu'ils prennent du retard sur leurs cours. Et ils utilisent les deux lits ! Ah, et on retire la serrure de la salle de bains !
Neville haussa les épaules en guise d'acquiescement, d'un air de dire « s'il faut ça, il faut ça ! »
— De quoi parlez-vous ? s'enquit l'infirmière au bout d'un moment, suspicieuse.
— Monsieur Potter va rester avec Monsieur Malefoy pendant son isolement, expliqua Neville.
— Quoi ? Vous n'êtes pas sérieux, Neville ! s'offusqua Shelby. C'est une infirmerie, ici, pas un dortoir !
— Monsieur Potter vous assistera dans vos tâches si nécessaire. J'ai cru entendre qu'il devenait excellent potionniste ! Ne vous inquiétez pas, cela ira au mieux, rassura Neville.
Les adultes revinrent dans la chambre au moment où les deux garçons finissaient leur discussion. Albus attendit avec anxiété qu'on lui ordonne de quitter son ami pour les quatre prochaines semaines. Il l'observa, essayant de graver son image dans sa mémoire. Neville annonça alors :
— Albus, peux-tu me rendre un service et aller chercher assez de vêtements dans votre dortoir pour que Scorpius puisse rester ici quatre semaines ?
Albus baissa les yeux.
— Oui, Monsieur, dit-il d'une voix abattue, avant de commencer à se diriger vers la sortie.
Lorsqu'il passa devant le petit groupe des adultes, son parrain ajouta négligemment :
— Et prends des affaires pour toi ! Si tu le veux, tu peux rester ici pour tenir compagnie à Scorpius.
Albus fit volte-face en un quart de seconde, les yeux brillants et un immense sourire aux lèvres.
— Pour de vrai ? s'écria-t-il, sans y croire.
— Absolument, lui répondit Neville d'un ton neutre.
— Oh putain, trop bien ! Merci !
Il s'en alla en courant. Il ne s'était pas senti aussi heureux depuis des mois.
Merci de m'avoir lu ! Niark niark, je suis quasi sûr que vous vous attendiez pas à ce que ce soit dans ce chapitre qu'Albus allait passer aux aveux. Il le fait sans vraiment le vouloir, poussé par la force du moment et l'angoisse d'être forcé à ne pas voir Scorpius pendant quatre semaines. Mais ce qui compte, c'est qu'il le fasse, n'est-ce pas ?
Pour finir ils vont bien être ensemble, isolés, pendant quelques temps. Alors, comment pensez-vous que Scorpius va prendre cette grande révélation ? Comment les deux garçons vont-il réussir à reconstruire leur amitié ? Le prochain chapitre est d'abord et avant tout une longue discussion entre Albus et Scorpius. J'espère qu'il vous plaira, tout cela sera à découvrir le vendredi 28 octobre dans le chapitre 18 : Dans l'annexe de l'infirmerie.
Encore une fois, n'oubliez pas de laisser une review, même anonyme, pour me dire ce que vous avez pensé de tout ça. Faites-moi un signe, un coucou, un bisou, c'est la meilleure motivation qui puisse exister au monde, et le meilleur moyen d'avoir encore des histoires comme celle-ci !
Gros bisous, et à vendredi !
