Nsperis continue à rentabiliser son temps de vacances pour avancer dans ce tome 2!
Dans ce chapitre: Sora et Max tentent toujours de sortir de la mine, tandis que du côté de Ventus, le manoir de la Cité du Crépuscule leur réserve encore quelques surprises...
Il fallut plusieurs minutes à Sora et Max pour venir à bout du premier pan de roches effondrées qui les retenaient emprisonnés dans leur cavité souterraine, à l'intérieur de laquelle leur précieux air commençait de plus en plus à se raréfier. Par conséquent, la force et l'endurance des deux jeunes hommes étaient considérablement amoindries. Épuisés par leur déblayage, les habitants des Îles du Destin et de Disney s'observèrent un instant en suffoquant, devant se tenir à la paroi pour reprendre un peu de souffle.
"Faut qu'on soit plus efficaces… suggéra Sora en épongeant son front, sous sa frange en pic. Sinon on va pas y arriver…"
"Mais à chaque fois qu'on retire des pierres, se plaignit Max en jetant un regard dépité au mur naturel devant eux. Il y a de nouveaux rochers qui roulent et viennent reboucher le goulot… Si seulement on avait une planche ou quelque chose pour retenir un peu le plafond…"
A peine le fils de Dingo eut terminé sa phrase que Sora eut une brusque idée. Sous le regard inquiet du lieutenant de la garde royale, l'Élu fit apparaître Tendre Promesse dans une pluie d'étoiles. Sans lui laisser le temps de rétorquer quoi que ce soit à son plan, Sora grimpa sur un rocher proche et, debout sur ses pointes de pieds, entreprit de caler la lame argentée dans une alcôve bancale, juste au-dessus de leurs têtes.
"Là! décréta-t-il, mains sur les hanches, en redescendant de son perchoir. Les cailloux du dessus arrêteront de nous tomber sur la tête! Et si on arrive à faire une ouverture assez grande pour que l'un de nous passe, on devrait arriver à sortir d'ici assez vite."
"Malin… commenta Max après une quinte de toux. Dépêchons-nous alors!"
Reprenant cœur à l'ouvrage, les deux anciens rivaux prirent encore quelques minutes pour désencombrer, à la force de leurs bras, le passage vers ce qui semblait être une sortie inespérée. Tentant d'ignorer toute crainte d'effondrement de leur galerie de fortune, Sora s'enfila dans le tube de pierres et de terre et glissa à l'intérieur sur le ventre, à la manière d'un gros vers. Pendant une fraction de secondes, il remercia le ciel d'être le plus petit et le plus fluet de l'équipe, après quoi il se maudit intérieurement pour s'être auto-insulté de la sorte.
"Tu vois quelque chose?!" lui cria la voix étouffée de Max.
Alors que l'Élu allait faire demi tour, bredouille, il sentit soudain une légère brise lui effleurer le visage à travers l'obscurité, devant lui. Euphorique, il s'écria:
"Je vois rien du tout, mais je le sens! Il y a de l'air pur de l'autre côté! Je continue!"
A la manière d'une taupe aveugle, Sora déplaça encore quelques pierres qui l'empêchaient de continuer sa progression vers leur salvatrice échappatoire. Enfin, et dans un ridicule cri de surprise, ses paumes de mains glissèrent sur de la terre meuble et il tomba tête la première hors de son trou avec une vague impression de déjà-vu datant de l'époque où il visitait régulièrement la Forêt des Rêves Bleus. Il se releva en pestant et, malgré la pénombre environnante, ses yeux habitués à l'obscurité parvinrent à détecter des railles de métal au sol. Prenant une grande bouffée d'oxygène revigorante, il revint à l'ouverture circulaire et s'époumona:
"C'est bon! On peut sortir par là! Dépêche!"
"Compris!"
Sora n'eut pas même le temps d'attendre que deux mains gantées se présentèrent bientôt à lui, portant en leur sein le corps d'une petite cane endormie.
"Prends la petite", ordonna Max.
Une fois que le meilleur ami de Riku et Iwako se fut exécuté, Max s'extirpa tout aussi inélégamment de leur terrier et roula dans un bruit de boîte de conserve en jurant, jusqu'à stopper sa course dans le mur opposé. Sora ne put s'empêcher de sourire, la mésaventure du lieutenant ne lui rappelant que trop, en cet instant, la légendaire maladresse de son père. Il se redressa pourtant en époussetant, sans succès, son plastron d'armure et vint vers Sora comme si de rien n'était:
"Aucun signe des autres… Ah mais?!"
Le jeune chien observa quelques instants le trou béant dans le mur de pierres avant de tourner un regard navré en direction de son camarade d'évasion:
"Ton arme… "
Sans la moindre explication, Sora reposa le petit corps de Zaza dans ses bras et, un sourire vaniteux aux lèvres, il leva la main droite au-dessus de lui. La keyblade ne tarda pas à s'y matérialiser à nouveau dans un grand flash de lumière, faisant par la même occasion s'écrouler leur brèche dans un bruit sourd.
"Être choisi par une arme magique, ça a ses avantages et ses inconvénients, expliqua Sora, espiègle. Je ne peux pas me débarrasser d'elle, mais du coup je ne peux pas non plus la perdre si facilement..."
"Tssss, siffla Max avec un sourire en coin. Frimeur…"
Les deux jeunes hommes exhorbitèrent bientôt leurs yeux devant le phénomène qui se déclencha contre la volonté du propriétaire de Chaîne Royale: un faisceau de lumière vive, éblouissant dans l'obscurité environnante, jaillit de la pointe de l'arme divine pour aller se perdre dans le couloir souterrain, comme pour leur indiquer le chemin à prendre. Max, par instinct sans doute, releva l'une de ses longues oreilles noires pour allier l'ouïe à la vue.
"Il y a une voix un peu plus loin… déclara-t-il. Ton arme ne sera peut-être pas si inutile que ça en fin de compte…"
Sora décida de ne rien lui répondre: cela n'aurait fait qu'alimenter une nouvelle potentielle dispute. En lieu et place d'un grand discours, l'Élu se précipita dans le boyau béant, suivant la lumière blanche de sa keyblade comme un bâteau aurait suivi celle d'un phare en pleine tempête. Il fut bientôt également capable de percevoir, avec ses oreilles humaines, une voix féminine qui appelait à l'aide:
"Il y a quelqu'un? J'ai trouvé une jeune fille mais j'ai besoin d'assistance au plus vite!"
Le coeur de Sora tapait la chamade à ses oreilles non seulement à cause de son effort physique soutenu, mais également car il avait reconnu le timbre de voix de la jeune femme:
"HAYA! J'arrive!"
Sora et Max dérapèrent bientôt dans le gravier d'une nouvelle caverne naturelle à demi-effondrée. Mais la cavité était, semblait-il, remplie d'une plus importante poche de gaz que la leur: repris d'une subite envie de tousser, Sora plaque son avant-bras devant son nez (vite imité par le lieutenant du château Disney) et observa plus attentivement la position dans laquelle se trouvait la défenseuse. Usant du même stratagème que lui, Hayate avait utilisé Souvenir Perdu de manière à créer un pilier à côté d'elle, soutenant de ce fait une vieille poutre de bois qui retenait, à vue de nez, une dizaine de kilos de roches. Hayate pour sa part était agenouillée devant une forme humanoïde et gardait fermement contre son bustier magenta la Clé de l'Air, qui générait une sphère d'oxygène respirable et continue tout autour d'elle et de la personne rescapée qu'elle protégeait.
"Sois prudent! prévint la jeune femme aux cheveux fraise-vanille en voyant la keyblade de Sora toujours à sa main. Il y a du gaz…"
"...dans les galeries oui je sais, maugréa Sora en la coupant. On va vous sortir de là sans magie, t'en fais pas!"
"Roxane…? appela soudain Max, semblant plus fébrile que de coutume. C'est toi?"
"...Max?" lui répondit la voix éteinte d'une jeune canidé aux cheveux roux emmêlés dans la poussière.
"Comment va-t-elle?!" aboya-t-il à Hayate, semblant totalement paniqué à présent.
"Elle respirait laborieusement quand je l'ai trouvée, expliqua la défenseuse en abaissant ses sourcils de compassion. Et elle ne peut pas se mouvoir car elle doit avoir une jambe et plusieurs côtes cassées, sans doute à cause de la chute."
Sora vit clairement les larmes monter aux yeux du lieutenant, qui déposa délicatement Zaza un peu avant l'entrée de la caverne, en sécurité, avant de revenir au pas de course en direction des deux jeunes femmes prises au piège.
"Ne t'en fais pas, je viens te chercher!" s'exclama encore le fils de Dingo à l'adresse de l'autochtone en joignant le geste à la parole.
"ARRÊTE-TOI!"
La cri d'alerte d'Hayate stoppa net le soldat dans sa course. A peine eut-il posé sa botte de métal aux abords de la keyblade de la défenseuse que, contre toute attente, le sol se déroba soudain sous son pied. Le jeune chien poussa une exclamation alarmée en notant qu'en lieu et place d'un nouveau gouffre de noirceur, la pierre qu'il avait délogée chuta dans ce qui sembla au premier abord être un puits de cristaux à Sora. Mais en y regardant de plus près, il s'avéra que le fond du souterrain était constitué de centaines d'étoiles, brillant sur un fond d'ébène, d'améthyste et d'obsidienne… La galaxie des mondes.
"La structure monde est devenue instable! expliqua rapidement Hayate, dont la position étrangement statique parut soudain plus compréhensible à l'esprit de Sora. Un pas de travers et tout risque de s'écrouler et de se perdre… dans le néant."
"Mais qu'est-ce qu'on peut faire alors…?" s'affola Max.
Au comble de la panique, Sora entendit d'abord un sinistre craquement puis aperçut le bois vieilli de la poutre au-dessus d'Hayate se rompre dans un bruit d'os brisé. Dans un réflexe inouï, la jeune Porteuse de Keyblade se redressa d'un bond, jeta la Clé des Éléments en sa possession au fils de Dingo devant elle, et leva ses deux mains au-dessus de sa chevelure hirsute pour retenir, de la force herculéenne de ses bras et de ses genoux pliés par l'effort, l'intégralité de la voûte de la caverne.
"Le temps joue contre nous… ajouta la jeune femme en grinçant des dents, croulant sous le poids colossal qu'elle soutenait. Sora!"
Comprenant l'ordre mental comme si elle l'avait formulé clairement, le jeune homme fit disparaître Tendre Promesse d'un geste rapide du poignet puis s'élança, à toute vitesse, vers la guerrière de son cœur. Essayant d'ignorer le sol dangereusement mouvant sous ses semelles, il finit par utiliser l'élan qu'il avait pris pour se laisser soudain tomber sur le dos et glisser avec vélocité et précision dans la poussière entre les jambes de sa dulcinée, actuellement l'Atlas le plus héroïque et séduisant que Sora ait jamais vu de sa vie. Il parvint ainsi rapidement à la dénommée Roxane, qu'il prit le plus méticuleusement possible dans ses bras, avant de ramper en sens inverse pour finir par se redresser devant Hayate.
"Prête pour une petite course?" lui lança-t-il avec un sourire goguenard.
"De toute évidence… murmura la jeune femme dont les tempes se mouillaient de sueur à présent. Notre vie dépend régulièrement de notre capacité à courir au-dessus du vide sans être appelé par lui. Ce qui résume métaphoriquement fort bien toute notre existence, à bien y réfléchir…"
"HAYA!" la pressa Sora, qui ne jugeait pas qu'ils se trouvaient actuellement dans une situation propice à la philosophie.
Comprenant l'ordre implicite, la jeune femme relâcha soudain tous les blocs de roches qu'elle avait soutenus depuis leur effondrement et se mit presque immédiatement à courir vers la sortie de la grotte, suivie de près par Sora et Max. Derrière eux, l'éboulement de la cavité déclencha un véritable cataclysme: le sol du souterrain se brisa en mille morceaux sous le coup de l'impact causé par une pluie de pierres tombant du plafond et dégringola dans un grand fracas dans le vide de l'espace, qui s'ouvrait telle une gueule infinie sous eux. Jouant d'équilibre et de dextérité dans leurs sauts, les trois sauveteurs parvinrent, fort heureusement, jusqu'à l'entrée du boyau de la mine sans encombre. Là, Hayate ramassa la petite Zaza toujours au sol et continua son trajet dans le tunnel obscure jusqu'à ce que ses deux camarades s'arrêtent pour reprendre souffle et énergie, se sentant enfin à l'abri du danger.
"Merci pour tout… lâcha alors Max en rendant la petite Clé turquoise à la défenseuse, qui la rangea derechef d'une main dans sa poche de pantalon. Sans vous, Roxane serait…"
Il refusa de terminer sa phrase puis se reprit bien vite et affirma, avec un léger malaise:
"Je vous ai mal jugés…Excusez-moi, mais ça fait longtemps que nous vivons sans cesse dans la peur du lendemain et je… me suis peut-être emporté un peu vite."
"Excuses acceptées, décida Sora après un coup d'œil approbateur d'Hayate avant de déposer doucement Roxane contre le sein de son chevalier servant. Tiens, prends-là: je vais essayer quelque chose."
Un sort de soin plus tard, le visage de Max changea du tout au tout: voyant les paupières de la jeune femme s'ouvrir et se poser sur lui, le fils de Dingo fixa deux yeux noirs remplis de gratitude sur Sora et Hayate. Il renifla bruyamment et déclara:
"On devrait repartir à la recherche de Riri et de vos amis maintenant. Il faut qu'on arrive à sortir de cet enfer avant que toute la mine tombe dans le vide… et nous avec!"
"Il faut nous hâter en effet… approuva Hayate tout donnant Zaza à Sora pour retirer ensuite sa veste en cuir, sous les yeux estomaqués des deux jeunes hommes qui lui faisaient face, avant de reprendre la petite cane dans ses bras. Cependant, nos recherches seront tout sauf fructueuses si nous restons aveugles de la sorte…"
Sora papillonna des cils en comprenant, ébahi, que les nervures qui parcouraient le corps de la jeune femme se mettaient à luire, envoyant divers rayons dorés contre les parois du boyau souterrain dans lequel ils se trouvaient jusque là plongés dans le noir quasi total. Souriant devant la bouche bée de l'Élu de la Keyblade, Hayate plaisanta:
"Il… se peut que j'ai trouvé une certaine utilité à ses cicatrices."
Sora secoua ses cheveux en pics en tous sens pour se reprendre et lui répondit, avec une voix à la fois douce et amusée:
"Tu vois… Je t'avais bien dit que tu étais devenue plus rayonnante que jamais."
La défenseuse expulsa brusquement de l'air de son petit nez, acceptant sans doute le compliment, avant de faire volte-face et de remonter en trombe le tunnel tout en annonçant:
"Je vais ouvrir la voie, suivez-moi!"
Max, muet jusque là, prit quelques secondes avant d'emboîter le pas à la défenseuse pour commenter:
"Eh bien, quelle femme! Toi et elle vous êtes…?"
Sora tiqua mais répondit tout de même, en souriant tristement:
"C'est compliqué… Elle… a perdu la mémoire."
Tout en commençant à marcher en direction de la lumière que produisait mystérieusement Hayate, Max lâcha, mal à l'aise:
"Oh… Désolé."
Il réfléchit quelques instants, alors que Sora se mettait en marche à ses côtés, avant de conclure:
"En fait je crois que tu avais raison: être choisi par la Keyblade semble être plus une malédiction qu'autre chose..."
"Tu sais que c'est toujours très sympa de parler avec toi…?" lâcha cyniquement Sora en plissant ses yeux tout en dévisageant le fils de Dingo avec dépit.
Il voulut encore jeter une autre pic au visage du jeune chien mais les paroles fatalistes de ce dernier parurent se réaliser alors que Sora se prenait le pied dans une pierre invisible devant lui, ce qui le fit brusquement chuter vers l'avant.
…
Ventus, sentant trop tardivement un objet entraver sa marche, s'encoubla soudainement sur un bout de molasse pour aller s'étaler de tout son long contre le dallage ocre du hall d'entrée du vieux manoir. Kairi, prévenante, s'accroupit presque aussitôt et, sa main sur son bras recouvert d'un gantelet, la jeune femme l'aida à se relever en demandant:
"Rien de cassé?"
"Non ne t'en fais pas, s'excusa Ven en fermant les yeux dans un sourire feint (car empli de honte). J'avais juste oublié tout le bazar que Lea a balancé ici quand on a débloqué le jardin…"
L'ancien élève d'Eraqus voulut tourner à nouveau son regard vers celui de l'amie d'enfance de Sora, cependant il nota que celle-ci semblait ne plus l'écouter. Ses yeux bleu océan étaient rivés, comme hypnotisés, sur la rambarde effondrée menant à une porte blanche à l'étage, juste au-dessus d'eux.
"Kairi…?" l'appela doucement Ventus, pour essayer de la réveiller.
La Princesse de Coeur, à l'écoute de son prénom, papillonna plusieurs fois de ses longs cils avant de lever abruptement son visage rond vers le sien, ce qui fit voleter sa coupe au carré tout autour de sa mâchoire.
"Tu as vu quelque chose…?" enquêta Ventus d'une voix calme.
"N-non c'est… hésita la Porteuse de Keyblade en posant une petite paume sur son buste. C'est… Naminé…"
Le jeune homme blond dévisagea longuement la Princesse, redevenue mutique: que ce soit au travers des yeux de Sora ou depuis qu'il voyageait à ses côtés, jamais encore la jeune femme n'avait véritablement parlé du lien qui l'unissait à son ancienne Simili, toujours présente dans son coeur. Contrairement à ce qu'avaient vécu Sora et Roxas, Kairi paraissait bien plus consciente des pensées et émotions de Naminé. Et le fait qu'elle regardait précisément en direction de l'ancienne chambre de l'alliée de Diz ne pouvait être une coïncidence. Ce fut pourquoi Ventus se permit de proposer, avec gentillesse et empathie:
"Lea en aura encore pour un bon moment à fouiller le sous-sol secret… Et puisqu'on est là, autant chercher dans toutes les pièces, non?"
Un court étonnement ouvrit les grands yeux ronds de la jeune femme, avant qu'elle ne lui décroche un radieux sourire tout en murmurant, du bout des lèvres:
"Merci…"
L'accès à cette partie de l'étage étant impossible à pieds, en raison de l'effondrement de toute une partie du balcon, Ventus fit apparaître Rafale Sublime pour la jeter ensuite devant lui. Il dut se concentrer pour ordonner mentalement à sa keyblade de réagencer ses pièces cuivrées et à présent ornées de notes émeraude de manière à transformer l'arme mystique en un engin qui se mit à flotter magiquement à quelques centimètres du sol carrelé devant eux. Ventus sauta à pieds joint sur le planeur, agilement, et invita Kairi à le rejoindre:
"Allez grimpe!"
La jeune femme, de prime abord peu rassurée, monta avec réticence sur la machine volante et, une fois les propulseurs enclenchés par son pilote, poussa un petit cri avant de se cramponner à la taille de son aîné. Ventus, comme à chaque fois qu'il naviguait dans son élément, déplaça souplement son bassin de gauche et de droite pour manoeuvrer le skate aérien, véritable extension de son propre corps, pour le faire docilement grimper l'espace qui les séparait du balcon. Kairi en descendit d'une élégante pointe de pieds tandis que Ven, dans un bond, dématérialisait la keyblade d'un geste habitué de la main.
"Il faudra vraiment que tu nous apprennes à faire ça avec Lea…" commenta la Princesse, qui semblait avoir finalement apprécié le voyage.
"Promis", lui sourit Ven tout en levant un pouce devant sa barbichette.
Sans plus attendre, les deux amis passèrent la porte immaculée et pénétrèrent dans la chambre de Naminé. Encore que le terme de "salle blanche" lui aurait mieux convenu, songea Ventus en ne pouvant retenir un frisson devant la monochromie froide des lieux. Plusieurs émotions de Roxas remontèrent en lui et il dut faire preuve de discipline mentale pour ne pas les laisser le submerger et le pousser à faire demi-tour: en effet, le Simili avait certes trouvé du réconfort en la présence de Naminé lors de son séjour dans la factice cité, mais le teint blafard des murs et du sol, les colonnes grises encadrant les coins de la pièce ainsi que la couleur fantomatique des rideaux qui laissaient entrer une lumière glaciale dans la salle lui faisait désagréablement penser au Manoir Oblivion, ainsi qu'à son enfermement dans la capsule qui l'avait fait fusionner avec Sora…
"C'est étrange… admit-il en caressant un dessin accroché au mur le représentant avec Axel. Je n'ai jamais vraiment compris comment Naminé avait fait pour avoir accès à nos souvenirs, et avoir un tel pouvoir sur notre mémoire…"
Il se retint d'ajouter qu'il avait toujours trouvé la faculté de la jeune fille bien trop "puissante" pour un Simili et laissa la parole à Kairi, qui errait, comme dans un songe.
"J'arrive parfois à lui parler… avoua-t-elle en regardant rêveusement un dessin d'elle, Riku et Sora sur l'Île de la Destinée. Dans mes rêves… Mais quand je commence à lui poser trop de questions, elle détourne le sujet et je finis toujours par me réveiller…"
"Oh… lâcha Ven, quelque peu désappointé. Et tu lui poses quoi comme questions?"
Kairi voulut lui répondre, lorsqu'elle fut prise d'un soudain vertige et dut se retenir à la table blanche près d'elle pour ne pas tomber. Ventus se précipitait déjà pour la soutenir en cas d'évanouissement mais, lorsqu'il parvint à sa hauteur, quelle ne fut pas son ahurissement de voir un flash de lumière suivi non par le sourire de La Princesse de Coeur, mais bien par celui d'une jeune fille aux longs cheveux couleur des blés encadrant son visage de porcelaine.
"Bonjour, Roxas."
Cette voix le ramena des années en arrière, faisant ressurgir des souvenirs et des émotions d'une autre vie. Trop stupéfait pour répondre, il fit un pas instinctif en arrière, le souffle coupé.
"Navrée de t'avoir fait peur… s'excusa la Simili en prenant doucement place sur la chaise de nacre devant elle, en lissant sa petite robe sur ses genoux. Mais je voulais profiter d'être ici, pour pouvoir te parler un peu…"
Elle l'observa quelques instants avec gentillesse avant de pencher adorablement la tête de côté en déclarant:
"Je suis contente de te revoir dans de meilleures circonstances. Tu as l'air bien plus heureux à présent."
Totalement déstabilisé par la scène qui se jouait sous ses yeux, Ventus continua à reculer jusqu'à se laisser tomber, estomaqué, sur le siège à l'autre bout de la table, parfaitement en face de son interlocutrice. Il mimiqua par ce geste, inconsciemment, leur dernière rencontre en ces lieux.
"M-Merci…" finit-il par articuler, en reprenant peu à peu ses esprits.
Naminé cacha sa bouche d'une main, dissimulant un rire, avant d'affirmer joyeusement:
"Tu as beau être plus âgé que dans mes souvenirs, à chaque fois que tu me vois, tu donnes ta langue au chat. Je suis donc si effrayante que ça?"
"Effrayante? répéta Ven tout en prenant son menton entre deux doigts pour chercher ses mots. Non… Je dirai plus, mystérieuse."
Naminé se contenta de sourire et l'ancien Simili de Sora, se rappelant à présent un peu mieux leur échange d'il y a trois ans en arrière, se permit de revenir sur un sujet qui l'intriguait:
"La dernière fois qu'on était dans cette pièce, tu m'as dit que tu ignorais d'où te viennent tes pouvoirs… Le sais-tu, à présent?"
La jeune femme aux cheveux d'or (qui lui semblaient plus longs que dans sa mémoire) prit quelques instants pour réfléchir, avant de narrer, du bout de ses petites lèvres vermeille:
"Quand je suis née dans le Manoir Oblivion, je ne savais plus qui j'étais, ni d'où je venais. Quand j'ai aidé Sora à retrouver sa mémoire, certains souvenirs m'étaient revenus, me liant à Kairi, mais rien de plus. Le temps a passé et ma présence dans le cœur de Kairi m'a permis de redécouvrir une part de moi que j'avais abandonnée dans le monde des rêves… Alors oui en effet, à présent je me rappelle. De qui je suis. De ce que je suis."
Ventus s'attendant à une suite de révélations, il ne rétorqua rien dans un premier temps, attendant patiemment. Seulement, Naminé s'était résolument tû et le dévisageait maintenant avec une sage gravité, qui contrastait avec l'apparence juvénile qu'elle arborait…
"Et alors..? la poussa le jeune homme avec curiosité. Qui es-tu? Je veux dire… qui es-tu vraiment, Naminé?"
Cette fois-ci, la Simili fit une sorte de moue avant de jeter un rapide coup d'œil au lustre qui pendait au plafond. Elle soupira et posa son regard de ciel sur la table en verre miroitant devant elle, comme soudain harassée par une brutale mélancolie. Ce comportement alarma Ventus, qui s'empressa de combler le vide de leur conversation par de multiples questions:
"Tu as vu que j'allais mieux, Naminé. Et c'est vrai. Mais et toi? Comment vas-tu? Est-ce que tu n'es pas trop triste de devoir vivre dans le cœur de Kairi toute seule? Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi? Peut-être que tu veux que je demande à Hayate de te rendre ton carnet à des…?"
Naminé leva un délicat doigt devant ses propres lèvres, intimant doucement à Ventus de se taire. Ce qu'il fit sans sommation, comme s'il devait un certain respect à la jeune fille en robe blanche.
"Même si mes mots t'avaient paru cruels à l'époque… reprit la Simili en mesurant chaque parole. Je vais les prononcer à nouveau: tu n'aurais jamais dû exister, Roxas. Et moi non plus. Ni toi, ni moi ne sommes des êtres "normaux", seulement des fragments de ce qui est, ou de ce qui a existé. Nous sommes tous les deux une partie d'un plus grand tout. Toi, tu as su retrouver ton chemin dans les ténèbres et rentrer là où est ta véritable place, au sein du cœur de Ventus. C'est pour cela, que tu ressens de nouveau cette bouffée d'oxygène, cette sensation de liberté. Moi en revanche…"
Naminé posa une main navrée sur son coeur avant de terminer, la tête baissée comme pour se cacher du regard du jeune homme:
"... Je suis condamnée à rester encore incomplète…"
Ventus ouvrait la bouche pour demander des précisions lorsqu'un couloir obscur s'ouvrit dans un bruit sourd à leur côté. Ven fut brusquement éblouit par un rayon de lumière aveuglant et il dut cligner plusieurs fois des paupières pour parvenir à discerner à nouveau la silhouette de Kairi qui le dévisageait d'un air perdu. En face d'eux, Lea, les bras encombrés de divers papiers roulés, s'empressa de transmettre son mécontentement en les voyant confortablement assis sur leurs sièges respectifs:
"Les mecs… y avait plus d'escaliers. Vous savez que j'aime pas utiliser le pouvoir des ténèbres pour passer par les couloirs inter-mondes pourtant…"
Ventus, peinant à revenir les pieds sur terre, commença à se demander si toute la discussion qu'il venait de vivre n'était pas le fruit de son imagination… Ou alors s'agissait-il peut-être d'un rêve éveillé? Kairi devait se poser à peu de choses près les mêmes questions au regard de sa mine déconfite et somnolente. Avait-elle seulement réalisé ce qu'il venait de se produire?
"Et vous pouvez m'expliquer pourquoi vous avez tous les deux des têtes de zombie? enchaîna sarcastiquement Lea en ouvrant les bras pour laisser tomber sa paperasse à côté du pot de marguerites qui ornait la table. Vous étiez pas censé m'aider à chercher des infos en plus?"
"Désolée, s'excusa derechef Kairi en allant vers lui, mains cachées dans le dos, sans doute pour détourner une potentielle explication tarabiscotée. Un bisou pourra nous faire pardonner?"
"Va pour le bisou… accepta le grand rouquin en pliant ses genoux pour laisser sa petite-amie déposer un doux baiser sur sa joue. Mais pendant que vous papotiez dans une chambre glauque et vide, bande de feignasses, j'ai fouillé tout le souterrain et j'ai mis la main sur ça!"
Vexé par le terme de "feignasse", Ventus croisa ses bras sur son torse et fit la grimace, tout en s'approchant de mauvaise grâce de multiples cartes stellaires que son ami était en train d'étaler sur la table rectangulaire au centre de la chambre.
"Qu'est-ce que c'est?" s'enquit Kairi en remettant une mèche magenta derrière une oreille d'un geste coquet.
"Je crois que le vieux chnoque avait eu les mêmes réflexions que moi sur ce monde… lâcha Lea en pointant son long index sur une sphère de la galaxie des mondes titrée comme étant "La Cité du Crépuscule". Là regardez!"
Ventus et Kairi avancèrent leurs mentons sur l'image striée d'anneaux et de termes complexes, ne parvenant visiblement pas à voir ce qui paraissait si évident pour l'ancien Numéro VIII.
"Vous voyez pas? souffla-t-il, estomaqué, en montrant les divers éléments sur la carte tout en parlant. La Cité du Crépuscule se situe à cheval entre deux domaines, celui de la lumière et celui des ténèbres. Le vieux avait entouré ce monde, ainsi que le Manoir Oblivion et la Tour Mystérieuse et avait nommé ça "le domaine du crépuscule". J'ai toujours trouvé ça bizarre quand je les ai visités, tous ces mondes… C'est comme s'ils ne devaient pas se trouver là à la base, mais qu'ils essaient, coûte que coûte, de rester le plus proche possible de la lumière pour ne pas sombrer dans les ténèbres… Ansem devait aussi penser un truc du genre. Regardez la note qu'il a laissée là…"
Ventus fronça ses sourcils châtains en lisant les mots révélés par Lea:
"Mondes détachés du Royaume de la lumière après la Guerre des Keyblades?"
"Détachés…? répéta Kairi, intriguée. Ça aurait un lien avec la phrase du journal: "Lumière brisée comme les mondes"?"
"Ouais me suis dit pareil, mentit Lea en lançant un clin d'œil à sa petite-amie avant de désigner un autre gribouilli d'Ansem le Sage sur une seconde carte stellaire située à côté d'un grand globe de lumière blanche. Et vous voyez cette zone blanche entourée à la main? Je m'en suis rendu compte…enfin Axel s'en est rendu compte… en devant trouver sa route dans l'Entremonde: tous les mondes ne se situent pas à la même distance de la lumière, qui est une espèce de soleil qui nous guide. Et on peut dire que les mondes sont comme des planètes qui gravitent en cercle autour de la lumière. Je pense que l'Ile de la Destinée et le Château Disney sont les plus proches… Encore que l'Île est à la frontière de cette zone. Qui a pas l'air tout à fait normale d'après d'Ansem…"
"Domaine de l'aube? Perdu?"
"ça… hésita Ventus. aurait un rapport avec la Ville de l'Aube? D'où je viens avec Skuld?"
"C'est que des notes de ce vieux taré de scientifique après… prévint Lea en haussant ses larges épaules. Il avait pas l'air sûr non plus… Mais c'est une piste."
"Il y a peut-être encore une autre piste…"
Les deux jeunes hommes tournèrent conjointement leurs visages vers leur cadette, qui avait prononcé ces paroles avec un sérieux déconcertant. Quelque peu gênée, Kairi précisa, en plissant ses yeux:
"J'ai… un vague souvenir d'une comptine que me racontait ma grand-mère, quand j'étais petite. Mais je ne m'en souviens plus précisément… Peut-être qu'en… qu'en allant à Jardin Radieux, on pourrait la retrouver…?"
L'hésitation avec laquelle la Princesse de Coeur avait proposé cette alternative ne passa pas inaperçu et Lea, faisant preuve d'une fulgurante vivacité d'esprit, demanda du bout des lèvres, en se penchant gentiment vers la jeune femme:
"Chérie… Tu… serais prête à faire ça? Je veux dire… ça veut dire retrouver ta vraie famille?"
Ventus se rappela alors en effet que l'île de la Destinée n'était pas son monde d'origine, et que Riku et elle n'avaient en réalité aucun lien de sang. Kairi hésita encore quelques secondes, avant de hocher la tête avec témérité tout en affirmant:
"Oui, cette fois je suis prête. Et puis…"
Elle sourit à son bien-aimé avant d'ajouter:
"C'est aussi ton monde d'origine, non?"
Lea se redressa et mit ses mains sur ses hanches, grimaçant.
"C'est vrai que ça fait un baille que j'y suis pas retourné…"
"Alors je crois qu'on a notre prochaine destination… décida Ventus en allant vers ses deux amis avec entrain. Allons explorer un peu Jardin Radieux! Je voulais justement passer par ce monde parce que… j'espère y trouver quelques indices sur Terra."
La fin de sa déclaration fut ponctuée des premiers sons de cloche de la Grande Horloge de la Cité du Crépuscule, qui sonnait sept heures du soir. Les trois gardiens de la Lumière levèrent leurs visages décidés vers la fenêtre de la chambre de Naminé, cherchant du regard le soleil mourant disparaissant poussivement dans le lointain. Après quoi Lea s'exclama, jovialement:
"Et si on cassait un peu la croûte avant? Il est déjà tard, on ferait mieux de passer la nuit ici et de partir demain, non?"
"Bonne idée", confirma Ventus tandis que Kairi validait la proposition d'un signe de tête.
Après tout, une partie de lui voulait, elle aussi, encore profiter de quelques heures dans cette ville chère à son cœur…
C'était un chapitre de transition de côté de Sora, en revanche, gros moment de nostalgie à l'écriture de la partie Ven... J'espère que vous avez apprécié!
