LA BELLE ET LE MONSTRE
Il était une fois un roi et une reine très malheureux parce qu'ils avaient un fils monstre, mi-homme, mi-bête.
Arrivé à l'âge de se marier, il dit à sa mère :
— Mère, je veux prendre épouse comme tout le monde.
La reine lui répondit, triste et amère :
— Mon fils, quelle femme voudrait t'épouser !
Alors le fils devint méchant et la menaça :
— Mère, si dans huit jours je ne suis pas marié, je te dévorerai.
La reine, folle de douleur, s'en alla dans la montagne où elle savait une pauvre femme qui vivait misérablement avec ses trois filles.
— Femme, ta souveraine vient te supplier de donner une de tes trois filles à mon fils. Je te donnerai tout l'argent que tu voudras.
La femme avait beau être très pauvre, elle ne voulait pas de l'argent d'une de ses filles malheureuses.
Mais la reine sut la toucher avec sa peine et elle repartit avec l'aînée des filles.
En chemin, elles passèrent dans un vieux chemin et rencontrèrent une vieille qui les arrêta pour demander à la fille où elle allait d'un pas si décidé.
La fille lui répondit avec orgueil :
— Écarte-toi, vieille, tu ne sais donc pas à qui tu parles ?
Le lendemain, au château, on fit vite la noce car ces chances-là, quand elles se présentent, il ne faut pas les laisser réfléchir trop longtemps.
Le soir, les époux allèrent au lit sans faire de jaloux.
Alors, en le regardant de plus près et dégrisée de son ambition, la fille de la femme lui montra tout le dégoût qu'il lui inspirait.
Blessé, son époux la croqua.
Huit jours après, le fils monstre demanda une nouvelle épouse. Voilà sa mère obligée de retourner quêter la femme de la montagne pour avoir une autre de ses filles.
Elle céda encore devant la peine de la reine qui repartit avec la seconde.
En passant dans le vieux chemin, elles trouvèrent la même vieille qui demanda à la fille où elle allait d'un pas si décidé.
— Écarte-toi, vieille, ce que je fais ne regarde pas le bas peuple.
Le lendemain elle se trouvait mariée au prince monstre et le soir, sur une grimace, son époux n'en fit qu'une bouchée.
Quinze jours après, le fils monstre demanda une nouvelle épouse à sa mère qui, résignée, retourna à la femme de la montagne.
Elle eut la dernière fille de la femme.
En passant dans le vieux chemin, elles trouvèrent la même vieille qui demanda à la fille où elle allait d'un pas si lent.
— Ah ! pauvre vieille, c'est mon dernier voyage de vivante. Je regarde bien tout ce que je vais perdre car, là où je me rends, se trouve la mort.
Alors la vieille lui répondit :
— Je suis sorcière et je veux t'aider. Écoute ce que je vais te dire. Pour le jour de ta noce, fais-toi acheter trois robes : une sera blanche, une autre violette et une autre bleue. Tu les passeras l'une sur l'autre et lorsque ton époux te dira : « Déshabille-toi », tu lui diras : « Déshabille-toi aussi, mais avant moi. » Et tu feras comme ça jusqu'à la dernière robe.
Le lendemain elle était devenue la princesse au prince monstre et, le soir, ils se trouvèrent seuls dans leur chambre.
La fille de la femme ne montra aucune frayeur.
— Déshabille-toi, lui ordonna son époux.
— Déshabille-toi aussi, mais avant moi, lui répondit-elle.
Il hésita à peine devant le sourire encourageant de son épousée. S'y résignant, il enleva sa peau velue.
Dessous, il y en avait une autre.
La fille de la femme enleva sa robe blanche.
— Déshabille-toi.
— Déshabille-toi aussi, mais avant moi.
Le monstre ôta sa seconde peau velue.
La fille de la femme enleva sa robe violette.
— Déshabille-toi.
— Déshabille-toi aussi, mais avant moi.
Alors, il se fit un grésillement sur le corps du monstre et sa peau velue se craquela, tomba et laissa place à une douce peau blanche de beau prince charmant.
La fille de la femme retira sa robe bleue.
Ils allèrent au lit et, faute de robe, mon conte se trouve fini.
