Titre : Celui qui
rêvait éveillé, scène 3.
Base : Gundam Wing.
Genre : Sérieux, torture mentale d'un Hee-chan sans défense sous
ma plume, perso parfois kawaï, mais même pas de shonen aï.
Couples : Seulement si on a l'esprit vraiment très mal tourné.
Et parce qu'on ne sait jamais ce que l'avenir nous réserve...
Auteurs : Meanne77, avec la collaboration de Seinseya.
E-mails : meanne77@noos.fr et seinseya@aol.com
Notes : Première fic... Remodelage de la chronologie (mais *quelle* chronologie
??), parce que ça m'arrange. Merci à Sein, sans qui cette fic
n'aurait pas dépassé la cinquième page... La plupart du
vocabulaire utilisé est traduit dans la fic même, enfin, vous verrez...
Langage "châtié" de Duo, mais on lui pardonne...
Disclamer : On se cotise, on se cotise. Mais pour l'instant, ils sont pas encore
à nous... Kotori et le jeune homme nous appartiennent, mais qui s'en
soucie, mis à part nous ?
Archives
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Acte Premier
: Heero
Celui qui rêvait éveillé
Scène 3 :
La voix résonnait
dans sa tête et se répercutait contre les parois du cockpit.
OZ menaçait de tirer un missile sur chaque colonie. Le docteur J avait
été parfaitement clair : s'il acceptait de se rendre, jamais
il ne livrerait les Gundams à l'ennemi. Heero avait compris ce que
cela signifiait et enclencha le système d'autodestruction. Il lui sembla
avoir une impression de déjà vécu mais ne réussit
pas à s'y attarder. Il se retrouva debout sur la porte ouverte de son
cockpit, sans trop savoir comment.
En toute logique, Zechs ne devait pas se trouver très loin mais Heero
n'en avait cure. Il mourait avec Wing sur le champ de bataille. Ça
lui semblait juste, quelque part. Il avait pensé tomber au combat mais
qu'importait. Plutôt mourir que de laisser Wing aux mains de l'ennemi.
Son Gundam était la seule chose qui représentait quelque chose
pour lui. Il le représentait, lui. Heero appuya sur le bouton
déclenchant la mise à feu. L'explosion qui lui déchira
alors le dos le projeta loin devant. La douleur n'était pas aussi intense
qu'il s'y attendait. Peut-être parce qu'il l'avait déjà
vécue ? Non ?
Le noir l'engloutit mais il n'eut pas l'impression de perdre connaissance.
Ce n'était pas normal. Il aurait dû mourir, il devrait ressentir
de la douleur. Il avait l'impression d'avoir les yeux ouverts et fermés
tout à la fois. Dans les ténèbres, cela ne faisait aucune
différence...
Une faible lueur apparut. Relena _ non, c'était Catherine _ allait
se retourner et aller chercher Trowa. Comment le savait-il ? Son esprit marqua
une hésitation, et il sentit le monde se figer un bref instant, puis
son cerveau décida d'accepter les faits comme ils venaient. Tout était
donc normal ici.
La lueur se précisa et il fut surpris de constater qu'il était
debout. Pourquoi, surpris ? Il fallait bien l'être pour arpenter les
ruines. Ses ruines. De ce qui avait jadis été un quartier
paisible, il ne demeurait rien. Non loin, il y avait le parc. Ou ce qu'il
devait en rester. Le parc de la petite fille et son chien...
Le paysage n'était plus que désolation. Sa récompense.
Les immeubles étaient encore fumants, effondrés sur eux-même
pour la plupart, lorsqu'ils n'avaient pas tout bonnement disparu. Wing avait-il
causé tant de dégâts en explosant ? Non, ça c'était
avant. Enfin, après. Peu importait ; avancer.
Tout n'était
que mort et affliction, et au milieu du sol jonché de débris
et de cadavres, il ne trouvait pas ce qu'il cherchait. Il regarda son poing
serré. Il avait perdu la fleur qu'elle ne lui avait pas donné
aujourd'hui. Ou l'avait-il oubliée quelque part ? Où était-il,
d'ailleurs ?
Ses yeux balayèrent l'horizon. Sur sa droite, il reconnut la vague
forme d'une base militaire. Ninmu ryukaï, alors. Satisfaction. Désespoir.
Il fouillait frénétiquement les ruines, soulevant les pierres.
Où était le chien ? Il devait le retrouver, c'était tout
ce qu'il restait d'elle. Comment mettre fin à ses jours sur sa tombe
s'il ne pouvait rien enterrer ? Ses muscles lui faisaient mal, ses doigts
étaient en sang mais il continua à gratter, déplacer,
retourner, il refusait de s'arrêter. La sueur lui coulait le long du
visage mais il n'y faisait pas attention. Creuser encore, il ne devait plus
être très loin à présent.
Il tourna au coin de l'immeuble éventré et rentra dans le parc
en courant. Un brise légère effleura son visage ; la sensation
était délicieuse, l'odeur de l'herbe humide et fraîchement
coupée était agréable. Il se permit de reprendre son
souffle, roulant sur la pelouse. Puis il l'attendit.
Elle ne venait
pas. Où était-elle ? Il se redressa et toussa, pour chasser
la cendre et la poussière de ses poumons. Ses yeux le piquaient. Il
les frotta pour ôter la poudre fine et grisâtre de ses cils, puis
toussa encore.
Le chiot jappa et il s'agenouilla pour le caresser. Il lui parut plus gros
que dans son souvenir. Il le gratta derrière les oreilles, s'attirant
un coup de langue affectueux sur la joue. Il avait presque envie de sourire
mais ne se souvenait plus comment on faisait. Il chercha autour de lui mais
ne trouva même pas de branche calcinée à lui lancer. Dommage...
- Nii-chan !
Il leva les yeux vers elle et fut soulagé de la voir immaculée.
Il avait eu peur qu'elle ne salisse sa robe au milieu de toute cette cendre.
Pourvu que le vent ne se lève pas...
- Tu viens jouer ? demanda-t-elle en lui prenant la main. Il voulut
lui répondre qu'il ne pouvait pas, qu'il fallait qu'il détruise
l'avion d'OZ, celui où se trouvait le Maréchal Noventa, mais
aucun mot ne franchit ses lèvres. Pas tuer Noventa. Partisan de la
Paix. Comment savait-il où le Maréchal se trouvait ? Il fronça
un instant les sourcils puis son esprit le rappela à l'ordre : remplir
la mission. Pas poser de question. Obéir.
- Viens jouer !
Obéir.
Il la suivit alors qu'elle le tirait par le bras, étonné de
ne pas avoir à se baisser. Elle était plus grande qu'il ne l'aurait
cru. En fait, ils faisaient la même taille...
Il faisait beau, l'herbe était verte et odorante, les arbres fleuris,
et ils avaient la balançoire rien que pour eux. Elle avait voulu qu'il
la pousse. Obéir.
Du coin de l'oeil, il surveillait l'avion. Il ne pouvait pas le rater, "OZ"
était inscrit en grand dessus. Il avait encore un peu de temps. Il
se demanda un instant où était Wing puis haussa les épaules.
Il le retrouverait bien le moment venu.
Elle riait, criait qu'elle voulait aller encore plus haut et il aurait voulu
pouvoir rire aussi, mais il avait une bombe à poser.
Deux bras se refermèrent autour de lui et il sentit un poids dans son
dos. Elle essayait encore de l'empêcher de remplir sa mission ! Malgré
tout, il ferma les yeux un instant, profitant du doux parfum qui se dégageait
d'elle.
- Tu ne dois pas faire ça, petit. Viens, on va vivre !
Il rompit l'étreinte et se retourna pour la regarder froidement. Elle
le fixait avec un air suppliant _ et un peu en colère. Derrière
elle, la petite fille courait après son chapeau, que le vent prenait
un malin plaisir à faire s'envoler.
Il fit volte-face ; le docteur J lui avait donné une mission à
accomplir. Il avait dit que son passé de terroriste lui serait utile
mais qu'il avait besoin de se "faire les dents". Il avait même
ricané à l'idée d'envoyer un enfant de huit ans détruire
une usine d'armement. Mais Heero n'était pas un enfant ; il ne l'avait
jamais été.
- Petit ! Attends ! Ecoute-moi !
Ne pas écouter Kotori, ne pas écouter Kotori...
- Hey ! Je te parle, gamin !
Elle le rattrapa et le força à rester en place. C'était
facile, elle était plus grande que lui. Mais il était plus dangereux.
Bien plus dangereux.
- C'est ce vieux débris hein ! Le gars aux yeux bizarres, je t'ai
vu traîner avec lui. Qu'est-ce que tu fous avec lui ? Pourquoi tu as
subitement disparu ? Il te fait faire quoi, hein ? C'est quoi ça ?
fit-elle en désignant la bombe qu'il tenait sous son bras.
Il ne se donna pas la peine de répondre. Elle reprit la voix douce
qu'elle utilisait avec lui, la plupart du temps. Il n'avait jamais compris
pourquoi elle semblait vouloir le protéger. Se prenait-elle pour une
grande soeur ? Il la transperça du regard. Il n'avait pas de temps
à perdre, le timing était important.
- Je sais que la vie n'est pas facile mais tu ne t'attireras que des ennuis
en restant avec lui, je le sais. Petit, reviens avec nous, on s'est trouvé
un nouveau coin, tu sais ? On prend soin les uns des autres. C'est peut-être
pas le super pied mais on est tranquille. Et crois-moi, on est bien plus heureux
que certains !
Il ferma les yeux. Elle ne lui avait pas tout à fait dit ça,
mais ça y ressemblait. Elle l'invitait à reprendre le cours
de la vie qu'il avait mené un bref moment avec elle et d'autres enfants,
après la mort d'Odin et avant que J ne lui propose de piloter Wing.
Où était Wing ? Elle lui avait dit que la paix viendrait, que
ce n'était pas à lui de se battre, que la guerre ne menait à
rien. Une autre fille tenait le même discours. Il aurait dû la
tuer, elle aussi, mais J le lui avait interdit. Personne ne protégeait
Kotori. Il ne l'avait pas protégée, lui ; pourtant, elle le
méritait, non ?
Il plaça la bombe à un endroit stratégique et entreprit
de filer en vitesse. Elle était toujours là, furieuse, perdue.
Perdue... Elle les avait fait repérer. Coups de feu. Elle s'était
jetée sur lui, cette idiote, l'empêchant de répliquer,
faisant dévier son tir. Oh, il avait eu le soldat, mais avec la deuxième
balle seulement. Et Kotori pesait lourd sur lui.
- Hey, petit... A ne pas aimer la vie, tu n'attireras que la mort...
Sa voix était faible. Il essuya le sang qui coulait de ses lèvres.
Il aurait voulu pouvoir pleurer pour elle. L'usine ferait une sépulture
acceptable, pensa-t-il en fermant ses yeux noirs. J l'attendait...
- Petit...
Il n'avait pas encore de nom, à l'époque...
- Petit...
- Nii-saaaaaaaan !!!!!
Heero se réveilla
en sursaut.
Il s'était redressé brusquement, un quart de seconde avant d'ouvrir
les yeux. Le noir était toujours là. Il alluma d'un geste empressé
sa lampe de chevet, pour être sûr que le rêve ne continuait
pas. Mais il se savait éveillé. La sueur refroidit rapidement
dans son dos et le fit frissonner. Il était trempé, ses mèches
collaient à son front et son coeur battait vite, trop vite pour un
soldat.
Les quelques meubles projetaient des ombres inquiétantes dans la pièce.
Il tendit l'oreille ; pas un bruit ne vint troubler le silence de la nuit.
Il soupira, soulagé. Il n'avait pas réveillé les autres.
Il se leva pour aller dans la salle de bain ; il ne pouvait pas garder ses
vêtements. Se recoucher dans des draps humides ne serait pas très
agréable, mais il avait connu pire. Il dormirait peut-être sur
le sol...
Il était
sur le point de franchir le seuil de la salle de bain lorsqu'il entendit un
gémissement étouffé derrière lui. Il écouta...
C'était faible. Duo occupait la chambre contiguë à la sienne,
pleurait-il dans son sommeil ? Heero trouva l'idée ridicule. Mis à
part pleurer de rire, ce bouffon ne devait pas savoir ce que signifiait verser
des larmes. Mais lui non plus, après tout. Et lui ne savait même
pas rire...
La plainte reprit, suppliante et un peu trop aiguë. Saisit d'un brusque
tremblement, il alluma la lumière de la salle de bain, éclairant
ainsi d'avantage la chambre. Il distingua une petite forme claire à
l'opposé de la pièce. Sans la quitter des yeux, il alla chercher
son pistolet sous son oreiller et l'arma silencieusement. Puis il avança
doucement, l'arme au poing. La forme bougeait faiblement. Il s'approcha encore.
Il lui sembla voir un tressautement et un éclair rouge. Le gémissement
reprit, plus fort.
- Nii-san...
Il sursauta et franchit précipitamment les quelques pas qui le séparaient
d'elle. Puis il se figea, avant de reculer d'effroi. Il percuta le mur se
trouvant derrière lui, mais elle semblait toujours aussi près.
Il la voyait parfaitement, à présent. Elle gisait à terre,
le visage convulsé de douleur. Sa petite robe claire était maculée
de sang, elle portait des marques rouge sombre un peu partout, les bras, les
jambes, le visage... Elle personnifiait la souffrance.
- Nii-san... j'ai mal... souffla-t-elle, des sanglots désespérés
dans la voix.
Elle restait étonnamment fixe, seuls son bras gauche et sa tête
paraissaient pouvoir bouger. Il n'y avait rien d'autre qu'elle mais Heero
pouvait deviner les pans de murs sur elle, pouvait sentir leur poids sur lui.
Ainsi, elle n'était pas morte dans l'explosion elle-même...
Elle tourna ses yeux suppliants vers lui. Ses cheveux roux étaient
collés à son visage par des croûtes de sang. Elle saignait
encore par endroit, perdant lentement le fluide vital. Sa main se tendit vers
lui, tremblante.
- Aide-moi... Aide-moi !
Heero sentit ses jambes le lâcher et il se laissa glisser le long du
mur.
Elle était morte écrasée...
- J'ai si mal... Fais cesser... la douleur... je peux plus...
Combien de temps avait-elle agonisé de la sorte ? se demanda-t-il en
sanglotant à son tour.
- Viens me chercher, Nii-san !
- Bien trop longtemps, lui répondit une voix glacée.
Heero remarqua dans un état second qu'un jeune homme était penché
sur elle. D'une main, il décolla délicatement les mèches
rousses, puis il se retourna vers lui. Heero crut le reconnaître, sans
parvenir à le situer.
- Elle est morte à cause de toi !
- J'ai mal...
- Tu l'as tuée !
Heero voulut parler mais une boule douloureuse dans sa gorge l'en empêcha.
- Tu nous as tous tué !
Les larmes coulaient le long du visage du pilote 01, tout comme le sang de
la petite. Et celui qui suintait du coeur du jeune homme.
- Monstre !
- Nii-saaan ! Aide-moi !
Le jeune homme se releva et s'approcha d'Heero, menaçant.
- J'avais toute la vie devant moi, et tu m'as tué, froidement.
Et pourquoi ?? hurla-t-il
Heero plaqua ses mains sur ses oreilles, il ne voulait plus les entendre,
aucun des deux.
- Monstre ! répéta-t-il, Assassin !
- AIDE-MOI !
- Assez ! Je... je ne veux plus...
- Parce que tu crois que je voulais mourir, peut-être ? Tu ne crois
pas que je désirais vivre ?
- Pas... de... témoin...
- Nous étions innocents ! N'es-tu pas censé te battre pour
nous ? Pour que nous puissions vivre ? hurla-t-il encore.
- Je... Je devais...
- Et tu pensais t'en tirer aussi facilement ?
Le jeune homme était tout proche, à présent. Il pouvait
presque sentir son souffle rauque sur lui. Heero le fixa, horrifié.
Le visage du jeune homme n'était plus qu'un masque de haine à
l'état pur.
Alors il allait mourir ? Maintenant ?
*******
Duo ouvrit les
yeux et étouffa un bâillement.
Il se redressa à demi, se grattant la tête d'une main, accoudé
au matelas de l'autre.
Il avait fait un rêve étrange. Il s'effaçait déjà
de sa mémoire, mais une image demeurait... Wu Fei en toge romaine,
les cheveux libres sur ses épaules, brandissant les Tablettes de la
Justice...
Whow ! Plus de soda avant de dormir !
...
Ça lui allait bien, n'empêche ; faudra y songer !
Il sourit d'un air espiègle... avant de se rappeler ce qui l'avait
tiré de son sommeil. Il se leva d'un bond, rejetant ses couvertures
au loin, et se rua dans le couloir, manquant d'arracher la porte de ses gonds.
Quatre et Trowa se trouvaient déjà là. Wu Fei sortit
de sa chambre juste après Duo, l'air encore ensommeillé, et...
les cheveux détachés. Mais Duo était trop préoccupé
par le reste pour trouver le temps de sourire.
Des sanglots s'élevaient par intermittence de la chambre d'Heero. Quatre
se retenait au mur, les jambes flageolantes. Une de ses mains était
crispée sur son coeur. Il avait l'air de souffrir intensément.
Trowa se tenait près de lui, prêt à le soutenir au besoin.
Quatre lâcha le mur et se dirigea en titubant vers la chambre d'Heero.
Duo lui emboîta immédiatement le pas et ouvrit la porte. Quatre
posa sa main sur le bras de son ami et ils demeurèrent sur le seuil.
Les deux autres se tenaient juste derrière eux.
Une lampe de chevet et la lumière provenant de la salle de bain éclairaient
la pièce. Sur le sol gisait un pistolet, qui semblait avoir été
lâché là. Duo pénétra dans la chambre et
s'agenouilla pour le ramasser. D'un geste empreint d'habitude, il l'examina
et remit en place la sécurité. Puis il dirigea son regard vers
la source des pleurs.
Heero s'était recroquevillé contre le mur, la tête enfouie
dans les genoux et les deux mains plaquées sur les oreilles. Il tremblait.
Duo jeta un coup d'oeil à ses amis. Quatre lâcha des yeux Heero
pour tourner un regard éteint vers le jeune homme à la natte.
- Il est... effrayé... Non ; c'est de la terreur..., souffla-t-il,
la main toujours serrée sur son coeur.
Duo prit une inspiration et se releva, glissant le pistolet d'Heero dans la
ceinture de son pyjama. D'un geste de la main, il fit signe à ses amis
de quitter la pièce. Quatre parut hésiter, mais Duo le regarda
d'un air déterminé. Quatre hocha finalement la tête et,
soutenu par Trowa, quitta la chambre. Il referma la porte avec une infinie
douceur.
Heero ne paraissait
même pas avoir remarqué leur venue. Duo s'approcha précautionneusement
du jeune homme brun. Arrivé à sa hauteur, il s'agenouilla, gardant
malgré tout une certaine distance de "sécurité",
et effleura des doigts la chevelure d'Heero. Celui-ci tressaillit immédiatement
et se recroquevilla encore plus sur lui-même. Duo hésita sur
la marche à suivre. D'ordinaire, c'était lui qui faisait des
cauchemars, mais il parvenait à ne pas réveiller les autres.
Mais là, il s'agissait d'Heero. Heero le Soldat Parfait, un garçon
qui n'avait peur de rien, qui acceptait sans sourciller de s'autodétruire
avec son Gundam si on lui en donnait l'ordre ; quelqu'un pourvu d'une telle
abnégation qu'il avait sacrifié dès son plus jeune âge
son existence pour les Colonies. Heero, qui avait choisi de laisser le docteur
J le transformer en machine, le privant de tout sentiment, de tout ce qui
faisait de lui un être humain, pour gagner _ peut-être _ une guerre.
Heero... qui pleurait dans le noir comme un enfant. Son ami, qui avait besoin
d'aide, et qui refusait d'en demander.
- Heero..., murmura-t-il de la voix la plus douce qu'il eut jamais eu. Il
lui frôla l'épaule. Heero redressa aussitôt la tête.
Duo raidit ses muscles, prêt à parer un coup, mais le Japonais
recula.
- Non !
Le visage haineux du jeune homme se superposait à un autre, aux yeux
violets, un autre visage qu'il connaissait mais qu'il ne parvenait pas à
identifier. Un autre revenant ? Il paniqua.
- Allez-vous-en !
- Heero ! s'exclama Duo en le prenant plus fermement par les épaules.
Il se débattit et Duo dut le maîtriser par une prise. Il ne voulait
pas lui faire de mal, mais visiblement le pilote de Wing avait des difficultés
à sortir de son rêve. Heureusement pour lui, la peur désorganisait
les mouvements d'Heero. Le Japonais se retrouva immobilisé, à
moitié enserré contre le torse de l'Américain. Duo modifia
légèrement sa prise afin de libérer l'une de ses mains
et entreprit de caresser avec douceur les cheveux de son ami. Celui-ci était
trempé de sueur, mais Duo s'en moquait.
- Là... chh... ce n'était qu'un rêve, c'est fini maintenant...
C'est fini...
Le jeune homme, qui s'était déplacé sur la droite, éclata
d'un rire de dément.
- C'est loin d'être fini ! Ça ne fait même que commencer
!
- Tout va bien maintenant...
- Tu vas payer, assassin !
- Ça va aller, calme-toi...
- Viens m'aider Nii-san... J'ai tellement mal...
- Heero, regarde-moi, murmura Duo en soulevant le menton de son ami.
Heero le fixa d'un air perdu. Duo reçut comme un coup au coeur. Les
larmes avaient laissé des traînées humides sur les joues
du jeune pilote. Jamais il ne l'avait vu comme ça. Il avait l'air si
désemparé, si... humain. A un million d'années lumière
de celui qu'il connaissait.
Ce n'est pas ce que je voulais... Comment puis-je être... heureux
de le voir avec ce visage, alors qu'il a l'air terrifié ? On dirait
un petit garçon qui s'est perdu et qui ne retrouve plus son chemin...
- Tu ne penses tout de même pas que tes amis vont pouvoir te
sauver, pas vrai ?
Heero sursauta encore.
- A...mis...
Un voile de surprise passa sur le visage mobile de Duo, mais il se reprit.
- Euh... oui... c'est moi, Duo...
Jamais encore Heero ne l'avait appelé de la sorte. Il doutait même
parfois que le Japonais puisse le considérer comme tel. De nouveau,
il se sentit mal de se réjouir.
- Du...o...
Heero parut reprendre quelque peu ses esprits. L'Américain lui sourit
en hochant la tête. Le jeune homme sourit également, mais d'un
rictus cruel.
Heero cligna deux fois des paupières. Depuis quand le baka natté
était-il là ? Est-ce qu'il l'avait tué, lui aussi ? Il
fronça légèrement les sourcils ; il n'arrivait pas à
se rappeler quand...
- Tu as fait un cauchemar...
Il était toujours vivant ?
Le rictus du jeune homme s'accentua. Il semblait attendre son heure, le guettait
comme un fauve guette sa proie. Derrière, la petite gémit encore,
plus faiblement.
- ... mais c'est fini maintenant.
Duo décolla les mèches plaquées sur le front couvert
de sueur. Heero pouvait sentir la chaleur réconfortante du corps de
Duo. Un corps en vie.
- Qu'est-ce que... tu... fais ? Laisse... moi... Va-t'en toi aussi... Il ne
voulait pas se montrer si faible, il ne pouvait pas, c'était donner
une ouverture à ses ennemis.
Duo eut un bref rire sardonique.
- C'est ça ouais, je vais te laisser, et puis quoi encore ? Duo Maxwell
n'abandonne jamais ses...
Il s'interrompit.
- Je ne vais pas te laisser là.
- Duooo..., fit le Japonais d'une voix bien plus éteinte qu'il ne l'aurait
voulu. Et presque suppliante. Le visage ouvert du natté trahissait
son inquiétude, même si le sourire se voulait rassurant.
- C'était juste un cauchemar, répéta-t-il.
- Ceux qu'on fait éveillé sont encore meilleurs, tu ne trouves
pas ?
Heero secoua la tête et se raccrocha malgré lui au devant du
T-shirt de Duo.
- Ils sont toujours là...
- Qui ?
- Eux !
Duo fronça les sourcils et jeta un coup d'oeil circulaire à
la pièce.
- Nous sommes seuls, Heero... Tu veux que j'allume la lumière, pour
que tu puisses voir qu'il n'y a personne ? Heero resserra sa prise sur le
T-shirt alors que Duo menaçait de s'éloigner.
- La lumière ne les fait pas partir...
- Ce serait trop facile.
- D'accord... Concentre-toi sur ma voix alors, okay ?
Duo ne comprenait pas bien ce que Heero voulait dire par "eux" mais
il savait que focaliser toute son attention sur une seule chose aidait, parfois.
Il s'installa contre Heero et lui cala la tête contre son épaule.
Et pour la première fois de sa vie, il se rendit compte qu'il ne savait
pas quoi dire. Alors il parla sans même réfléchir, sans
rien de calculé. Il parla simplement, d'une voix douce et étonnamment
grave pour son âge. Et Heero l'écouta, se laissant bercer par
le flot de parole...
Progressivement, très progressivement, Duo sentit Heero se détendre
contre lui. Il n'aurait su dire depuis combien de temps ils étaient
ainsi. Il ne disait rien d'important, rien de personnel, c'était seulement
des mots, mais ils étaient réconfortants. Heero aurait pu passer
le reste de sa vie à écouter cette voix rassurante...
Au bout d'un moment, Duo se risqua à l'interroger.
- Heero ? fit-il d'un ton toujours empreint de douceur. Raconte-moi...
Un long moment passa avant que le Japonais ne répondît.
- Ils reviennent, dit-il tout bas.
- Qui ça ?
- ... Les morts...
Duo hocha la tête sans s'en rendre compte. Il connaissait ce genre de
rêve.
- Je fais des cauchemars moi aussi, parfois, tu sais... Les autres aussi sans
doute... Je ne crois pas qu'on puisse vivre la vie que nous menons sans...
ce genre de chose... Mais tu ne dois pas les laisser te consumer...
- La lumière ne les fait pas partir..., souffla Heero en retour, comme
s'il craignait d'être entendu.
Duo mit quelques secondes à assimiler le nouveau sens possible de cette
déclaration. Il se força à rester détendu.
- Tu veux dire... lorsque tu es éveillé ? demanda-t-il sur le
même ton. De nouveau, il parcourut la pièce du regard. Ils sont
là ?
Heero secoua imperceptiblement la tête contre l'épaule de Duo.
- Tu les as fait partir..., murmura-t-il, sans même réaliser
les implications de cette phrase.
Duo prit une inspiration. Il resta à court de mot pendant quelques
secondes, avant de reprendre la parole.
- Depuis quand ? demanda-t-il d'une voix feutrée.
- ... Trois semaines...
- Ça va aller, Heero, t'en fais pas, tu... tu n'es pas seul. On est
tous là. On va t'aider, on va trouver un moyen pour... pour qu'ils
te laissent tranquille, tu verras. Ça va aller...
- Hum..., fit Heero d'une voix ensommeillée.
- On est une équipe, non ? On se bat contre les même ennemis,
pas vrai ? Je considère tes ennemis personnels comme les miens.
La tête d'Heero glissa légèrement. Duo passa son bras
autour de ses épaules et le resserra un peu plus contre lui.
- On va trouver une solution, décida-t-il d'un ton convaincu. Et tu
sais pourquoi on va y arriver ?
- Hn ?
Heero pouvait entendre le battement régulier du coeur de Duo. Un rythme
calme et assuré. Heero le trouva agréable et bientôt,
il n'entendit plus rien d'autre.
- Parce qu'on est les meilleurs. Tous ensemble, tous les cinq. Y'a personne
qui puisse nous battre, nous. On est les meilleurs... Tu veux bien... qu'on
t'aide ?
- ...
- Heero ?
Duo retint un soupir en s'apercevant que son ami avait fini par se rendormir.
- Dors, Heero, lui murmura-t-il en écartant les quelques mèches
tombées devant les yeux du Japonais. Ils ne reviendront pas cette nuit...
Une minute environ
après qu'Heero eut sombré dans le sommeil, la porte de la chambre
s'ouvrit en douceur. Quatre pénétra dans la pièce en
silence et déposa une couverture sur les deux garçons. Duo le
remercia d'un sourire, que Quatre lui rendit avec un hochement de tête.
Puis il repartit comme il était venu, jetant un dernier coup d'oeil
aux deux formes sombres adossées au mur, avant de refermer la porte.
Duo appuya sa tête contre le mur et resserra sa prise autour d'Heero
afin qu'il ne glissât pas pendant son sommeil. Les lumières de
la salle de bain et de la lampe de chevet étaient restées allumées
mais ça ne le dérangeait pas outre mesure. Il préférait
même qu'elles le restassent, au cas où Heero s'éveillerait
de nouveau. Il ôta de son dos le pistolet d'Heero qui le gênait
et le posa à côté de lui. Puis il ferma les yeux et laissa
les songes l'emporter.
