Blind

Dixième partie

  Le soleil glissa doucement au travers de la fenêtre, en un doux rayon, presque sucré et légèrement doré, pour venir mourir sur la peau découverte du dos de Kyros. Sa chaleur lécha son échine sur toute sa longueur, embrassant le bas de ses reins pour remonter sur son cou mât et finalement s'affiner en un trait lumineux qui s'étira jusqu'à ses yeux.

  S'éveillant doucement, étonnement bien reposé et satisfait, il s'étira quelques instants, détendant ses muscles et replaçant avec plaisir les évènements de ces dernières heures.

  Encore quelque peu lié au sommeil, il déplaça doucement sa main sur le drap froissé pour venir effleurer la place voisine qu'il trouva vide et froide.

  Il ouvrit aussitôt les yeux, étonné de ne pas découvrir Ellan endormit près de lui et grogna quelque peu de déception. Il aurait aimé pouvoir se nicher contre lui et sentir à nouveau la chaleur de sa peau, mais il lui avait apparemment refusé ce plaisir.

  Il devait probablement être en train de préparer les cours de la journée devant un bon bol de café chaud.

  Kyros fut tenté un instant de replonger dans les affres du sommeil, mais s'en abstint au souvenir de tout ce qu'il avait à faire ce jour là. Il fallait en autre qu'il range ses affaires et nettoie la maison avant de rentrer au palais et surtout qu'il se prépare à affronter la montagne de paperasse qui allait l'y attendre. Cette idée ne l'enjoua pas particulièrement, surtout au vu de la situation, mais il n'avait pas le choix.

  Néanmoins, un certain nombre de changements allait venir. Que cela plaise ou non à Laguna, il était désormais hors de questions qu'il passe ses journées et ses nuits à travailler et à effectuer ses tâches. Il allait d'ailleurs prendre un appartement  plus proche du bord de mer et quitter sa résidence au palais. Il pourrait être ainsi plus près d'Ellan.

  Il aurait aimé pouvoir emmener le jeune homme avec lui, mais au vu de la situation, il doutait que ce fut une bonne idée. Il avait de trop grands risques que quelqu'un ne mette à jour sa véritable identité et ne menace ainsi sa vie. Lui-même, s'il n'avait pas compris si tard, n'aurait probablement pas été aussi ouvert et il ne voulait pas risquer qu'il lui arrive quoi que ce soit. De plus, il doutait qu'Ellan n'accepte de quitter sa vie actuelle, sa maison et ses élèves pour le suivre dans le cadre rigide et pompeux du palais.

  C'est sur ces résolutions et pensées quelque peu moroses qu'il se décida à se lever, pour finalement les écarter de son esprit et pouvoir jouir quelques instants encore du simple bonheur de la nuit précédente.

  Sortant du lit, il s'enroula dans un drap et se dirigea vers la salle de bain, non sans avoir récupérer ses affaires placée près de Rédemption appuyée contre la porte du placard.

  Il entra alors dans la pièce, un grand sourire aux lèvres en repensant aux événements de la veille et se glissa rapidement sous la douche.

  Le liquide chaud jaillit puissamment du pommeau pour venir couler à flot sur sa peau et le réveiller complètement, chassant les dernières brumes de ses rêves de son esprit. Il se lava rapidement, puis, s'extirpa de la cabine pour s'emmitoufler dans une épaisse serviette de bain, alors que l'air frais du matin courrait sur son corps nu, le faisant frissonner. Il s'habilla ensuite rapidement et se coiffa.

  Alors qu'il se regardait une dernière fois dans la glace, il réalisa que quelque chose n'allait pas et d'un petit mouvement, il essuya l'étagère vide qui surplombait le lavabo. Sa main se mit à trembler légèrement et il dut fermer le poing pour se calmer.

  Puis, il écouta le silence qui régnait dans la maison, juste déranger par le souffle de sa respiration et les battements furieux de son cœur.

  Lentement, il quitta la salle de bain pour regagner la chambre et s'arrêta sur le seuil de la porte. Il hésita un instant, peu sûr de recevoir la réponse qu'il souhaitait, mais finalement appela doucement :

  _ Ellan ?

  Aucun souffle ne lui répondit.

  Sentant sa gorge se serrer, il fit lentement son chemin jusqu'à la cuisine.

  Déserte.

  Le salon.

  Désert.

  Et pas seulement de toute présence humaine, mais de toutes ces petites choses qui caractérisaient une maison. Sur l'évier, manquait le verre qu'Ellan avait toujours l'habitude d'y laisser, sur la table du salon, tous les livres en braille qu'il avait l'habitude de lire, dans la chambre…

  Dans la chambre…

  Kyros la regagna rapidement, le cœur au bord des lèvres, une simple plainte passant sa gorge serrée.

  _ Nonnnn…

  Sa main, tremblante, une fois à l'intérieur, tourna lentement la poignée de la porte du placard, renversant Rédemption et révélant une penderie vide et sombre.

  _ Nonnnn…

  Il relâcha la poignée comme à regret, en gestes mesurés, presque parfaits, alors que ses jambes se faisaient flageolantes, incapable presque de le porter et doucement, il se laissa glisser à terre, complètement engourdi.

  Ce n'était pas possible. Ce ne pouvait pas être vrai.. Il ne pouvait pas être parti… pas maintenant… pas après tout ce qui s'était passé. Non ! Il ne voulait pas ! Il ne pouvait pas l'accepter ! Il avait besoins de lui, il ne s'imaginait même pas vivre sans sa présence, son rire, son sourire, sa voix, son émerveillement devant certaine chose courante de la vie… sans son âme… sans son… amour.

  Pourquoi ?

  Pourquoi ?

  Il ne s'était jamais sentit aussi seul, aussi vulnérable de toute sa vie. Même Laguna n'avait jamais été capable d'éveiller chez lui une telle souffrance… un tel sentiment de manque qui semblait le brûler de l'intérieur.

  Il l'aimait.

  Hyne, il l'aimait tellement !

  Pourquoi était-il parti ?

  Peut-être pour la première fois, il sentit les larmes menacer d'inonder son regard et noyer ses joues. Il les repoussa avec difficulté et prit une grande inspiration pour calmer les violents tremblements qui parcouraient son corps.

  Il ne voulait pas le perdre !

  Il-ne-voulait-pas-le-perdre !

  Chassant de son regard les dernières touches liquides, il se remit rapidement debout, saisit habilement la gunblade qui reposait à terre devant lui, abandonnée et quitta la maison.

  Il dévala les marches du perron et remonta rapidement la plage vers le boulevard, ignorant les quelques promeneurs qui le saluaient de la main, enjamba la rues presque déserte en quelques pas et entra dans le restaurant d'Elly et Daren, faisant violemment tinter la clochette.

  Aussitôt, Elly apparut, sortant de la cuisine, chiffon et éponge en main, se demandant visiblement qui avait ainsi pu faire éruption chez eux de si bon matin.

  _ Kyros ? Dit-elle étonnée.

  Elle avisa soudain sa mine défaite et son air hagard, choqué, presque perdu et se précipita vers lui. Doucement, elle lui posa une main sur le bras.

  _ Kyros, qui y a-t-il ?

  L'ex soldat força quelque peu sa vision à se focaliser sur sa compagne et, tentant de supprimer tout tremblement à sa voix, demanda :

  _ Est-ce que vous avez vu Ellan ?

  _ N… non. Pourquoi ? Que s'est-il passé ?

  Kyros ne répondit pas et se laissa tomber sur la chaise la plus proche, se passant lentement une main sur le visage.

  _ Kyros, répond-moi, que s'est-il passé ?

  Alerté par le bruit, Daren fit soudain son apparition, essuyant ses mains sur son tablier et s'approcha rapidement.

  _ Qu'y a-t-il ?

  Elly se tourna un instant vers lui.

  _ Je… je ne sais pas ! Dit-elle, inquiète. Il ne veut pas me parler.

  _ Il est parti ! Fut-il soudain murmurer.

  _ Quoi ? Demanda le couple en regardant Seagill.

  _ Ellan… Reprit-il en levant la tête pour leur faire face. Il est parti. Il a emmener toutes les affaires qu'il pouvait transporter et il est parti.

  _ QUOI ??? Cria Elly horrifiée. Ce n'est pas possible ! Ce n'est pas possible ! Que s'est-il passé ? Qu'est ce que tu lui as fait ? Mais répond ! Qu'est ce que tu lui as fait ?

  Daren du retenir sa femme qui secouait, sous la colère, un Kyros hagard et impassible, qui finit par lâcher l'arme qu'il tenait toujours en main.

  La gunblade rebondit au sol dans un énorme tintement de métal qui sembla le sortir de son immobilisme et calmer Elly qui se réfugia en pleurs dans les bras de son mari.

  _ Qu'est ce qui l'a fait fuir, Kyros ? Demanda doucement Daren, alors qu'il caressait gentiment le dos de sa femme pour la calmer, conscient que son ami était autant, sinon plus choqué qu'eux.

  _ Je… je ne sais pas. Je… j'ai fait ce que vous n'arrêtiez pas de me conseiller depuis deux semaines, j'ai sauté le pas et…

  _ Il t'a rejeté ?

  _ Non !… Non…bien au contraire… tout s'est merveilleusement bien passé… merveilleusement… mais ce matin, quand je me suis réveillé, il était… parti…

  _ Il y a bien du y avoir quelque chose, n'importe quoi qui l'ait forcé à agir ainsi. Réfléchis bien.

  _ Je ne sais pas.

  Seagill chercha vainement dans sa mémoire, repassant chaque événement, chaque parole prononcée, jusqu'à ce qu'un nom ne vienne l'effleurer et le faire trembler. Un simple nom, doucement soufflé alors que le sommeil venait le cueillir et dont il réalisait maintenant toute la portée. Un nom qui pour lui n'avait aucune importance mais qui avait du LE terrifier.

  Hyne, il aurait dû le savoir, lui en parler avant, lui expliquer… lui expliquer que tout ceci ne changeait rien à la situation.

  Maintenant il était trop tard, le mal était fait.

  _ Depuis combien de temps ? Demanda-t-il soudain.

  _ Quoi ?

  _ Depuis combien de temps savez-vous pour Seifer ?

  Mari et femme ravalèrent un hoquet de surprise et se figèrent.

  _ Co… comment ? Demanda Elly.

  _ Des petits indices par-ci, par-là, quelques coïncidences étranges. Mais je dois avouer que je n'avais pas vraiment réaliser jusqu'à ce que je vois la cicatrice. Je n'avais jamais vu Seifer jusqu'alors et son visage ne m'avait donc pas interpellé, mais cette marque… Je dois avouer que le maquillage était une bonne idée, il est seulement dommage qu'il résiste si mal au contact de l'eau.

  _ Quand ?

  _ Le soir de notre premier entraînement. Il s'est essuyé la front et une partie de la cicatrice s'est découverte.

  _ Pourquoi…

  _ … je n'ai rien dit ? Je n'avais aucune raison de le faire. Du moins je croyais n'avoir pas besoin de le faire. J'avais appris à le connaître et cela me suffisait. Mais vous n'avez pas répondu à ma question.

  Elly et Daren se regardèrent un instant avant de soupirer et de s'installer sur des chaises près de lui. Son amie le fixa encore quelques instants, puis inspira profondément et commença.

  _Nous avions un fils… Natan. Il venait d'avoir seize ans. Il était exceptionnel à nos yeux, vif, intelligent, tolérant et tellement doux, mais aussi… mais aussi cadet à la GGU.

  Kyros ferma les yeux et raval son air en comprenant les implications de ce qu'elle venait de lui dire.

  _ T'avouer que nous avons détester Seifer pour ce qu'il a fait, serait un euphémisme. Nous l'avons haï. Natan était notre unique enfant. J'ai eu des complications à sa naissance et je suis devenu stérile. Il était toute notre fierté. Tu ne peux pas imaginer ce que nous avons ressenti lorsque nous avons appris le crash de la GGU et lorsqu'un SeeD est venu nous annoncer qu'il faisait parti des trop nombreuses victimes et que malheureusement nous ne pourrions pas récupérer le corps. Nous avons cru souffrir mille morts, nous avons tout simplement été détruits. Nous avons fermé le restaurant et nous nous sommes cloîtrés chez nous, nous laissant dépérire peu à peu.

  La voix d'Elly s'étrangla à ses pénibles souvenirs et Daren serra doucement sa main pour la réconforter et l'inviter à poursuivre.

  _ Environs un mois plus tard, reprit-elle doucement, nous avons décidé de nous rendre au mémorial élevé en souvenirs de ces morts. Nous avions alors à peine conscience que la guerre était fini, tout nous semblait étrange, d'une autre époque, comme si nous avions voyager dans le temps, mais la douleur, elle, était bien présente. Et nous rendre là bas n'a rien arrangé. C'est une des choses les plus dures que nous ayons vécu. C'était tellement impersonnel, tellement froid. Juste un alignement de noms en lettres dorées sur une pierre noire, sans épitaphe, sans mots tendres, sans rien qui puisse réellement nous rappeler qu'il s'agissait d'êtres humains, de jeunes gens plein de vie et d'espoir. Nous nous sommes jurer de ne jamais y retourner.

  _ Lorsque nous sommes retournés en ville, reprit Daren, la nuit était déjà tombée. Nous avons laisser notre véhicule dans les parkings extérieurs et nous avons fait le reste du chemin à pied. Nous étions à peine à quelques rues de chez nous lorsque nous avons entendu des détonations et presque immédiatement après, un couple de jeunes gens visiblement mal en point, nous est rentré dedans. Ils se sont écroulés à terre et lorsque nous avons voulu les aider à se relever, la femme m'a attraper le poignet et a dardé sur moi un regard rouge et suppliant. Elle a protégé son compagnon de son autre bras dans un geste tendre et m'a demandé : « Aidez-le, je vous en supplie ! Ne les laissez pas l'attraper ! Il a assez souffert ! Je vous en pris, aidez-le ! » Il y avait tellement de désespoir dans sa voix que j'ai immédiatement hocher la tête. Elle m'a alors souri avec reconnaissance et avant même que nous ayons pu réagir, elle s'était plus au moins remise debout et repartait déjà en courant dans la direction d'où elle était venu. Tout ce que nous avons entendu après, fut une nouvelle série de coups de feu et un cri.

  _ Hyne, souffla Kyros. Fujin…

  _ Oui… tu imagines sans mal notre peur alors… mais aussi notre surprise lorsqu'en nous penchant sur le corps toujours à terre nous avons reconnu Seifer. J'aurais pu le tuer à cet instant, il n'aurait même pas été capable de se défendre, mais je ne l'ai pas fait. J'ai regardé ce corps étendu devant moi, couvert de sang et j'ai revu l'expression de cette jeune femme qui venait de donner sa vie pour l'homme le plus détesté de cette terre et j'ai tout simplement été incapable l'achever. Je revoyais encore parfaitement son regard et j'entendais encore ses paroles raisonner à mon esprit et je me suis dit que si elle avait été prête à se sacrifier, c'est que peut-être, il n'y avait pas que du mal en lui. Que peut-être, il avait plus souffert qu'aucun de nous n'avait pu l'imaginé. J'ai voulu le prendre alors, pour l'aider, mais il m'a repousser. Je n'avais même pas réaliser qu'il était conscient. Il m'a repousser et nous avons pu voir l'expression terrifié de son visage et son regard… presque entièrement voilé déjà. Il avait presque l'air d'un enfant alors. Un enfant perdu. Et nous avons commencer à comprendre la jeune femme.

  _ Peut-être était-ce folie de notre part, dit Elly, mais il nous a semblés que Natan n'aurait pas voulu que nous l'abandonnions là. Il était toujours tellement gentil, incapable d'en vouloir aux gens malgré leur erreur. Il disait toujours que chacun avait droit à une seconde chance. Alors nous avons décidé de lui donner cette seconde chance malgré ce qu'il nous avait fait. Lorsque Daren a voulu à nouveau l'aider à se relever, il s'était évanoui. Il avait une profonde plaie au flanc et de multiples lacérations. C'est une chance qu'il ai survécu et que nous ayons pu échapper à ses poursuivants. Je ne sais pas qui ils étaient, mais une chose est sûr, ils étaient déterminer à achever ce qu'il avait commencé. Nous avons heureusement réussit à rentrer chez nous sains et saufs, mais ce n'était pas pour autant terminé. Nous ne pouvions pas prendre le risque de prévenir un médecin qui l'aurait à coup sûr achevé, alors nous l'avons soigné du mieux que nous avons pu. Il est rester presque deux semaines inconscient et nous avons craint un moment qu'il ne se réveille jamais. Et lorsque enfin, il a repris connaissance, ce fut pour mieux s'ouvrir les veines. Il était détruit. Nous savions d'après les marques sur ses poignets que ce n'était pas la première fois qu'il essayait, mais je crois que la disparition de ses seuls amis l'a achevé. Il a fallu l'empêcher de recommencer et l'aider à remonter la pente. Au début nous ne l'avons aidé que par pitié, découvrant qu'il était plus humain que beaucoup d'entre nous par certains côtés, portant en lui plus de remords et de souffrances que beaucoup dans le même cas. Mais petit à petit, alors que nous devions développer des trésors de patience pour qu'il accepte notre aide et nous donne sa confiance et plus tard, lorsque nous l'avons aidé à vivre avec sa cécité, nous avons appris à l'aimer. Je ne peux pas te dire comment cela est réellement arrivé, un beau matin nous nous sommes seulement rendu compte que nous en étions venu à le considérer comme notre fils… et lui un peu comme les parents qu'il n'avait jamais eu. Ensuite nous lui avons donner une nouvelle vie, un nouveau nom et une nouvelle apparence.

  _ Ca n'a pas du être facile pour vous.

  _ Ca l'a été plus encore pour lui et nous n'avons pas du le sauver qu'une fois de ses démons, tu l'as toi-même remarqué.

  _ Hmm… je… je n'imaginais pas qu'il avait tant souffert.

  _ Je crois que personne ne sais réellement jusqu'à quel point cela a été terrible pour lui.

  _ Vous a-t-il jamais dit comment il avait perdu la vue ?

  _ D'après ce que nous avons compris, c'est le dernier cadeau d'Ultimécia pour lui avoir désobéi. Il lui a fallu à peine plus d'un mois pour devenir définitivement aveugle.

  _ Je vois.

  _ Que… que comptes-tu faire ? Demanda doucement Elly.

  Kyros les regarda intensément, puis il ramassa Rédemption, se leva et attacha la ceinture de son fourreau à sa taille. Pour la première fois peut-être, la gunblade lui sembla légère et pendre naturellement à son flanc, comme si elle savait qu'il allait lui rendre son maître.

  Finalement, il adressa un sourire triste au couple.

  _ Le retrouver, dit-il simplement. Le retrouver.

***

    Doucement, il referma la porte du bureau et s'y adossa en soupirant. La pointe de la gunblade frappa doucement le panneau de bois derrière lui et il la caressa machinalement, comme pour l'apaiser… ou peut-être bien s'apaiser. L'avoir à ses côtés lui donnait le sentiment qu'il n'avait pas encore tout à fait perdu Seifer.

  Seifer.

  C'était étrange comment en quelques heures, il avait pris l'habitude de ne penser au jeune homme que par son véritable prénom. Le matin même, seul Ellan existait encore véritablement, mais maintenant… maintenant, il n'avait plus peur de le prononcer. Il lui semblait plus naturel… plus authentique… plus profond.

  Même si c'était sous le nom d'Ellan qu'il avait appris à l'aimer, c'était Seifer qu'il aimait réellement.

  A nouveau, il soupira.

  Il venait de quitter la directrice de son école sans beaucoup plus d'espoir qu'en arrivant et avec même plus d'inquiétude peut-être. Seifer était passé tôt dans la matinée, il y avait de ça plusieurs heures alors, pour lui signifier son départ. La jeune femme avait bien tenté de le retenir, mais il lui avait succinctement expliqué qu'il lui fallait quitter la ville au plus vite, sans lui donner de raison précise.

  Mais ce qui inquiétait Kyros, c'est qu'elle avait sentit sa cicatrice lorsqu'elle avait effleurer son visage au moment de leur adieu, ce qui signifiait qu'il n'avait même pas cherché à la dissimuler, courant ainsi le risque d'être reconnu.

  Mais cela ne pouvait pas arriver, n'est-ce pas ?

  Et quand bien même, ce put être le cas, il savait se défendre. Il lui avait suffisamment prouver à plusieurs reprises qu'il était un redoutable combattant.

  Seulement maintenant…

  Maintenant, il n'avait plus Rédemption avec lui pour le protéger.

  Un long frisson parcourut son échine à cette pensée et il ferma les yeux pour tenter de se calmer et réfléchir logiquement.

  Il ne savait pas quoi faire pour tenter de le retrouver. Il se doutait bien que si Seifer désirait réellement disparaître, il n'aurait aucun mal à le faire. Pourtant, il ne pouvait pas abandonner, il en était tout simplement hors de question.

  Quoi alors ?

  Le fait s'imposa de lui-même à son esprit. Cela lui serrait douloureux car il ne lui avait jamais rien demander de sa vie, mais il solliciterait l'aide de Laguna. Avec le réseau de connaissances, d'espions, d'amis qu'il possédait, il pourrait certainement trouver, ne serait-ce qu'une piste. Peut-être, certainement, cela ne suffirait-il pas, mais il n'avait pas le choix, il ne trouverait pas meilleure solution.

  Avec un peu de chance, il ne serait même pas obliger de révéler sa véritable identité, une simple description suffirait, taille, cheveux, poids, vêtements. Rien qui ne pourrait vraiment le trahir.

  Avec un peu de chance…

  Il fut soudain sortit de ses réflexion par le contact d'un petite main d'enfant lui tirant la manche de sa veste.

  Il ouvrit les yeux et baissa son regard sur la petite forme près de lui. Eike, continuait à secouer doucement son vêtement, les joues presque inondées de larmes qu'il essayait vainement de retenir.

  Il s'accroupit lentement à côté de lui.

  _ Eike ?

  _ Kyros, pourquoi… pourquoi est-il parti ?

  _ Je… je suis désolé Eike… je sais combien tu l'aimais.

  _ Tu vas le faire revenir, dit ?

  _ Je vais essayer.

  Le petit garçon se contenta de hocher la tête, visiblement plein de confiance et ses sanglots se calmèrent quelque peu.

  _ Je… je sais que tu vas y arriver. Il me parlait toujours beaucoup de toi. C'est la première fois que je l'entendais parler autant de quelqu'un. Il avait confiance.

  Les paroles du petit garçon blessèrent et touchèrent à la fois Kyros qui ne put s'empêcher de le prendre dans ses bras. Eike se tendit tout d'abord à cette étreinte inhabituelle de la part d'une autre personne qu'Ellan, avant de si laisser aller.

  Au bout de quelques minutes enfin, le guerrier se dégagea, essuya la visage du petit garçon et doucement lui demanda :

  _ Tu aimerais venir avec moi visiter un grand palais ?

à suivre…