Blind

Onzième chapitre

  Kyros leva les yeux sur la haute bâtisse qui lui faisait face, tenant Eike, accroché à son cou, contre lui. Le jeune garçon avait niché sa tête au creux de son épaule, visiblement intimidé par toute la population qu'ils avaient croisé, tout le bruit, toutes les nouvelles sensations auxquels il avait du faire face. Seagill le tenait fermement contre lui et frottait doucement son dos pour le réconforter.

  Le palais, sous le soleil de midi, laissait paraître toute la blancheur de ses façades immaculées et semblait immense. Pourtant, il n'impressionnait pas Seagill qui le connaissait par cœur. Mais étrangement, il ne lui paraissait plus aussi familier, plus aussi accueillant.

  Ce n'était plus vraiment sa maison.

  Lentement, il s'avança jusqu'au poste de garde. Le soldat en faction, plongé dans la lecture d'une fiche technique, ne le regarda même pas lorsqu'il le salua et demanda d'une voix presque hargneuse :

  _ Votre laisser passer ?

  _ Je ne crois pas en avoir besoins, répondit sèchement Kyros qui ne se sentait pas d'humeur à supporter le mauvais caractère de l'homme.

  Et qu'est-ce qui peut bien vous faire croire ça ? Demanda ce dernier ironiquement en levant la tête pour le regarder d'un air de défiance.

  _ A votre avis ?

  Le soldat le fixa quelque peu étonné devant son audace. Puis, il le détailla longuement et sembla enfin le reconnaître. Sa bouche se déforma en un « O » de réalisation, ses mains se mirent à trembler et il lâcha le papier qu'il tenait et qui cachait en vérité un magazine typiquement masculin. Il s'empressa de le ramasser maladroitement en bafouillant de plate et morne excuse.

  _ M… Monsieur Seagill… je… je suis désolé… je…

  _ Suffit ! Le coupa Kyros excédé. Laissez-moi passer et je tacherais d'oublier cette malheureuse histoire.

  _ Oui… oui, tout de suite !

  Sans perdre une seconde, le soldat, paniqué, lui ouvrit les lourdes grilles de fer qui barraient l'entrée et Seagill les franchit sans attendre pour remonter rapidement l'allée qui menait au palais.

  Il sentit soudain Eike rire doucement contre lui et il lui jeta un petit coup d'œil étonné.

  _ Qu'est-ce qui te fait rire ?

  _ Tu n'as pas vu ?

  _ Quoi ?

  Le petit garçon pinça ses lèvres pour s'empêcher de rire et souffla :

  _ Il a tellement eu peur qu'il a mouillé son pantalon !

  Seagill en serait presque tomber à la renverse et stoppa net pour dévisager l'enfant cette fois mort de rire.

  _ Non !

  _ Si, si !

  _ Misère et c'est ça qui est censé nous protéger.

  Il jeta un petit coup d'œil en arrière, mais l'homme avait déjà disparu, probablement pour régler son petit problème. Il aurait sûrement rit, lui aussi, si ce n'avait été la situation. Soupirant doucement et sans plus attendre, il repris rapidement son chemin vers les portes du palais qu'il franchit sans un regard pour l'activité fébrile qui y régnait.

  Passant sans même un salut, ni une explication devant les différents soldats et secrétaires qui y travaillaient et qui se mirent, pour certains, à le suivre, visiblement étonné par son retour et par la présence d'Eike dans ses bras, il se dirigea rapidement vers ses appartements. Là, sans prendre le temps de répondre aux quelques questions qui lui étaient poser, ni faisant d'ailleurs même pas attention, il pénétra rapidement dans sa chambre et leur claqua la porte au nez.

  Il franchit en quelques grandes enjambées la distance qui le séparait de son lit et y posa délicatement le jeune garçon. Puis, il s'agenouilla devant lui, lui ébouriffa les cheveux et lui demanda :

  _ Ca va ? Ils ne t'ont pas trop effrayé ?

  Eike hocha timidement, pour signifier que si, un peu quand même, arrachant un petit sourire à l'ancien soldat.

  _ Ne t'en fait pas, c'est normal, ils sont toujours comme ça. Jamais connu glue plus efficace qu'une volée de secrétaires déterminées à obtenir une réponse à leur question. Tu t'y habitueras.

  Le petit garçon lui sourit timidement.

  _ Bien, tu es ici dans ma chambre. Tu peux visiter et te servire de ce que tu veux. Mon lit est très moelleux comme tu as pu le remarquer, par contre, je n'ai pas de jeux, mais je suis sûr qu'on devrait pouvoir te trouver ça. Alors, sinon, à trois heures tu as la salle de bain à une quinzaine de pas, à six heures à vingt pas, c'est la porte d'entrée et à neuf heures à une quinzaine de pas tu as la cuisine avec le frigo et sans doute une boite ou deux de gâteaux dans un des placards. Le reste tu le découvriras bien tout seul, je suis tranquille. Tu as compris ?

  _ Oui.

  _ Bon, maintenant, je vais devoir te laisser pour aller voir mon meilleur ami. Normalement, il devrait m'aider à retrouver Ellan. Tu n'as pas peur de rester seul ?

  Eike secoua négativement la tête.

  _ Pas si tu peux le retrouver, dit-il.

  _ Avec Laguna pour nous aider, ça devrait aller.

  _ La.... Laguna ? Le président ?

  _ Oui, je te le présenterais plus tard. Tu verras c'est un vrai clown et il adore littéralement les enfants !

  Le jeune garçon eut une moue adorablement étonné qui fit sourire un peu plus Kyros.

  _ C'est vrai ? Tu le connais ?

  _ Oui !

  _ Alors je suis sûr que tu vas retrouver Ellan !

  Le sourire de Seagill disparut lentement et une mine sombre se peignit à nouveau sur ses traits.

  _ Je l'espère, Eike. Je l'espère.

***

  Laguna serra fortement le poing et respira profondément pour s'empêcher de se lever et d'aller frapper le jeune Delling en face de lui.

  Il s'était toujours considéré d'une nature agréable et conciliante  et tout le monde se plaisait à dire, notamment sa chère Quistis, qu'il en fallait vraiment beaucoup pour le mettre en colère. Mais le président de Galbadia savait user ses nerfs en un temps record. Ce jeune arrogant, tout le portrait craché de son père, si ce n'était pas pire, travaillait depuis deux semaines maintenant sa patience sur des questions d'échanges commerciaux entre leur deux pays. Quelques pouvaient être les propositions, plus que raisonnables, que Laguna lui soumettait, il s'évertuait à les contester et les négociations n'avaient pratiquement pas avancé.

  A croire qu'il le faisait exprès pour déclencher un affrontement entre leur nation.

  Cette fois, il contestait les prix de douanes instaurés par son propre père il y a plusieurs années de cela et refusait chacune de ses propositions avec une monotonie navrante.

  Laguna soupira et se massa rapidement les tempes, alors qu'il sentait poindre une de ses migraines qui l'assaillaient constamment depuis quelques jours.

  Il regretta une fois de plus que Kyros ne soit pas à ses côtés pour le soutenir et l'aider. Il avait bien essayé d'entraîner Squall, mais celui-ci avait bien peu de disposition pour la politique et préférait chasser à l'aide de ses amis les quelques monstres qui hantaient les communes voisines d'Esthar. Il caressa alors doucement l'anneau d'or blanc que Quistis lui avait offert en échange de sa bague de fiançailles la semaine précédente, pour se détendre.

  _ Alors ? Demanda-t-il finalement au jeune homme en face de lui.

  Delling se fendit d'un large sourire sadique, presque prêt à se pourlécher les babines tel un félin devant sa proie et pris son air le plus innocent pour répondre.

  _ Ce n'est malheureusement pas une solution satisfaisante.

  S'il n'y avait pas eu la main de Ward poser à ce moment la sur son épaule, Laguna aurait sûrement explosé. Heureusement, son silencieux compagnon avait su prévoir cette nouvelle action de Delling et tempéra l'exaspération de son ami.

  Loire se renfrogna dans son fauteuil et soupira doucement.

  Il allait sarcastiquement demander au jeune président galbadien ce qui le satisferait enfin, lorsqu'un bruit venant de derrière la porte attira son attention et celle de toutes les personnes présentes.

  La voix, inquiète, de sa secrétaire résonna doucement.

  _ Mais… mais il a une réunion importante…

  Au même instant, les deux panneaux de bois de la porte s'ouvrirent grandement pour laisser passer Kyros.

  Laguna sursauta et eut du mal à le reconnaître pendant quelques secondes. Sa mine était sombre comme jamais auparavant, presque désespérée et à la fois empreinte de détermination. Son regard glissa rapidement de son visage à l'arme qui glissait à son franc et ravala un hoquet en reconnaissant une gunblade, pour finalement revenir à ses yeux. Ils étaient durs et infiniment tristes, plein d'espoirs et de craintes mêlés. Jamais, il ne l'avait vu ainsi, jamais il n'avait encore fait montre si violemment de ses sentiments en publique.

  Sous le choc de ce retour, ne se rendit même pas compte qu'il s'était levé.

  _ Kyros… Dit-il, toutes autres considérations oubliées.

***

  Lorsque la secrétaire avait tenté de l'arrêter, il lui avait lancer un regard noir qui l'avait fait sursauter et reculer de quelques pas. Il avait ignoré son faible cri de protestation et sans attendre avait ouvert la porte de la salle de conseil pour y pénétrer.

  Aussitôt, une dizaine de paires d'yeux se tournèrent vers lui et il les soutint un à un sans se démonter.

  A peine un mois auparavant, il ne serait jamais permis une telle prise de liberté, il n'aurait même jamais imaginé faire passer ses intérêts personnels avant tout le reste et venir demander de l'aide à Laguna. Mais il y a un mois, la situation était toute autre. Il croyait aimé son meilleur ami tout en sachant qu'il n'avait aucun espoir qu'il lui retourne un jour ses sentiments, alors que maintenant… maintenant, il avait Seifer et il l'aimait.

  Non.

  Faux.

  Il était complètement amoureux de lui et il était prêt à tout pour le retrouver.

  Son regard se posa finalement sur Laguna qui s'était levé.

  _ Kyros…

  _ Laguna…

  _ Je ne savais pas que tu étais revenu.

  _ Je ne suis rentré qu'il n'y a quelques minutes. Est-ce que je peux te parler ?

  Laguna le dévisagea un instant avant de répondre.

  _ Ca ne peut pas attendre ?

  _ Non.

  _ Très bien.

  Kyros fut un peu étonné de voir son ami pousser un petit soupire de soulagement. Apparemment il avait du mal à régler quelques problèmes.

  Loire se retourna vers Delling qui avait perdu son masque d'arrogance pour en prendre un de visible intérêt, puis de franche indignation lorsque Laguna lui sourit et lui dit :

  _ Monsieur Delling, je suis désolé, mais nos négociations vont s'arrêter là pour aujourd'hui.

  _ Vous ne pouvez pas, protesta le jeune président, cette affaire doit être réglée dans la journée !

  _ Je le peux et je le fais ! Répondit Loire d'un ton sec. Vous faites traîner cette affaire  depuis trois jours maintenant, rejetant chacune de mes propositions, et bien je me donne la fin de la journée pour en trouver une nouvelle que vous pourrez à nouveau mettre à la poubelle. Peut-être, lorsque vous aurez fini vos enfantillages à la « d'abord chuis meilleur que toi et tout ce que tu dis je m'en fous », pourrons-nous discuter sérieusement et trouver un terrain d'entente qui satisfera nos deux parties.

  Delling vira écarlate de honte et de colère, alors que des petits rires s'élevaient ici et là que Laguna fit taire d'un coup d'œil sévère.

  _ Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle, gronda-t-il. Maintenant, Monsieur le Président et vous messieurs, si vous voulez bien nous excuser, mais nous avons à parler en privé.

  Kyros sourit intérieurement devant la réaction de Laguna qui avait laissé littéralement ébahis ses conseillés. Ils ne l'avaient probablement encore jamais vu faire preuve d'autant d'autorité et de sérieux et il fut flatté que se fut pour lui. Il venait de prouver une fois de plus qu'il était de ses amis sur lesquels on peut toujours compter.

  Devant l'expression de Loire, Delling ne pipa, mais son air outré promettait une suite difficile aux évènements. Il avait été vexé et humilié devant ses adjoints et ne laisserait certainement pas passer. Finalement, très droit et très digne, il se leva et sortit, immédiatement suivit de sa contingence et des conseillers de Laguna.

  La porte fut refermée par Ward et il se retrouvèrent enfin seul.

  _ Le fils est aussi difficile, sinon pire que le père, remarqua Kyros. Tu vas devoir te méfier, tu l'as vexé et il ne l'a pas apprécié, il cherchera à te le faire payer !

  Laguna détourna ses yeux de la porte pour le regarder très sérieusement, plus qu'il ne l'avait jamais été, toute trace de sourire ayant désertée son visage.

  _ Je sais. Maintenant, si tu me disais plutôt ce qu'il se passe. Après un mois de vacances sans une seule nouvelle, je te vois soudain débarquer en plein milieu d'une réunion d'une extrême importance, armé plus qu'étrangement tu avoueras, pour demander à me parler de toute urgence, avec une expression que je ne t'ai jamais vue, d'aussi loin que je te connaisse. Tu m'expliques ?

  _ Je suis désolé.

  Inconsciemment, Kyros effleura la gunblade qui pendait à son côté, augmentant l'expression soucieuse et surprise de son ami.

  _ Ecoute Laguna, je ne t'ai jamais rien demandé de toute ma vie, ni faveur, ni aide, mais… mais aujourd'hui j'ai réellement besoin de toi. J'aurais préféré ne pas avoir à t'ennuyer avec mes problèmes, mais je n'ai pas d'autres solutions.

  _ C'est si grave que ça ?

  _ Pour moi, ça l'est.

  _ Nous sommes amis, Kyros, tu sais que tu peux me demander ce que tu veux.

  _ C'est un peu délicat. Disons pour faire simple que pendant ces quatre dernières semaines, j'ai rencontré quelqu'un dont je suis tombé amoureux. Je veux dire réellement amoureux, pas une de ses romances passagères et sans suite. C'est vraiment sérieux et pour ce que j'en sais, c'est réciproque.

  _ Je comprends et je serais tenté de dire que c'est merveilleux, mais il y a un « mais » je présume.

  _ Oui, je… j'ai… j'ai découvert quelques chose qui se voulait secret et… et…

  _ Il a fui !

  _ Oui, soupira Kyros.

  Puis, il dévisagea Laguna.

  _ « Il » ?

  Son ami sourit doucement.

  _ J'ai peut-être l'air aveugle, Kyros, mais je ne le suis pas. Je suis désolé, je crois que nous aurions du avoir cette discussion il y a longtemps. Mais j'avais peur et j'espère qu'un jour tu finisses par te lasser. A chaque fois que je t'ai vu souffrir par ma faute, je m'en suis voulu de ne pas pouvoir te retourner tes sentiments. Et à chaque fois, je me disais qu'il fallait que je t'en parle, mais j'avais peur que cette discussion mette également un terme à notre amitié.

  Dire qu'il fut surpris par cette révélation, eut été un euphémisme, Kyros n'en croyait tout simplement pas ses oreilles. Il n'avait jamais même imaginé que Laguna pouvait avoir des soupçons, alors qu'il puisse savoir… Il n'avait jamais rien laissé paraître. Dire qu'il avait passé vingt ans à craindre qu'il ne le découvre et le rejette, alors qu'il le savait depuis le début. La situation avait de quoi être comique, mais il était surtout soulagé d'une certaine façon. Il s'était enfin débarrassé d'un poids qui le gênait depuis longtemps, mais si ce n'était pas vraiment dans les conditions qu'il avait imaginées.

  _ Ca n'a plus d'importance, maintenant, dit-il. Et tu es pardonné. Peux-tu m'aider ?

  _ Tout ce que tu veux, sourit le président, visiblement lui aussi soulagé. Il va me falloir sa description, taille, poids, cheveux, vêtements, nom et tout ce qui pourraient donner un début de piste. Mais n'oublie pas une chose, si je peux le chercher et peut-être le trouver, je ne peux pas le ramener.

  _ Je sais, je sais. Tout ce que je veux c'est avoir une chance de lui parler.

  _ Alors ça doit pouvoir se faire.

  _ Merci.

  _ Pas maintenant, mais une fois que nous aurons des résultats. Maintenant, suis-moi, je vais te présenter mon nouvel assistant. Il est un peu surprenant de prime à bord, mais très efficace, il nous aidera à dresser son profile et ensuite je ferais jouer mes relations. Et en attendant, tu vas tout me raconter !

  _ D'accord.

***

  Laguna l'entraîna tranquillement dans son bureau, alors qu'il lui exposait dans les grandes lignes, et en omettant certains détails majeurs, les évènements de ces dernières semaines.

  Lorsqu'ils entrèrent dans la pièce, Kyros faillit s'écrouler sous le choc. Celle-ci était tout simplement rutilante. Pas une montagne de papiers n'encombrait la table de travail et tous les dossiers étaient parfaitement rangés et classés par ordre alphabétique dans une série d'étagères réservées à cet effet.

  _ Ne fais pas cette tête, lui tira la langue Laguna en passant une main dans ses cheveux. Ce n'est pas moi qui ait fait tout ça. Il faut dire merci à Quistis et surtout à Hyman.

  _ Hyman ?

  _ Hyman Nels, mon nouvel assistant… un original. Il a débarqué dans mon bureau deux jours après ton départ, en me disant que j'avais besoin d'aide et que je ne trouverais pas mieux que lui. J'ai faillit ne pas le prendre à cause de son âge, mais je ne regrette pas d'avoir finalement accepter, il est formidable. J'ai rarement vu quelqu'un d'aussi méthodique et efficace.

  _ Pas même moi ?

  _ Je ne suis pas sûr que ces vacances t'ont vraiment réussit finalement !

  _ Mais si… tu me parlais de son âge ?

  _ Tu verras quand tu le rencontreras. D'ailleurs je me demande où il peut bien être, il ne quitte pratiquement jamais ce bureau.

  A peine Laguna eut-il terminé sa phrase que la porte derrière eux s'ouvrit en grand pour laisser passer un homme enterré sous une montagne de dossier qui, malgré une visibilité devant frôler le zéro absolu, avançait d'un bon pas et leur passa devant pour déposer le tout sur la table de travail en les évitant sans la moindre difficulté.

  Une fois débarrassé de son fardeau, il l'inspecta rapidement, puis, lui fit face et se frotta les mains de visible contentement avant de se tourner vers eux et les saluer un grand sourire aux lèvres.

  _ Monsieur le Président, Monsieur Seagill.

  A cet instant la mâchoire de Kyros alla droit se cracher à terre. Il cligna plusieurs fois des yeux, incapable de parler, avant de les fermer puis, les rouvrir pour s'assurer qu'il n'avait pas rêvé. Mais non, il était toujours là, droit devant lui, le même visage, les mêmes rides, le même regard… le même vieil homme qui lui avait vendu Rédemption.

  C'était tout bonnement impossible.

  _ Hy… Hyman ? Réussit-il à balbutier.

  _ Lui-même ! Sourit le vieil homme.

  Kyros secoua doucement la tête, persuader qu'il était dans un délire. Mais tout semblait tellement réel. Il se massa quelques secondes les tempes et finalement demanda :

  _ On ne serait pas déjà rencontrer ?

  _ Peut-être, lui répondit mystérieusement Hyman sans se départir de son sourire.

  Un original, hein ? Pourquoi cette expression lui semblait tellement familière ?

  Je ne veux pas savoir, pensa-t-il. C'est normal, tout est normal, il y a une explication parfaitement logique à tout ça que tu découvriras bien un jour. Pour l'instant ça n'a pas d'importance. Tout ce qui compte, c'est Seifer.

  _ Ca va ? Lui demanda Laguna devant son air étonné. On dirait que tu viens de voir un fantôme.

  _ Non, non, juste une impression de déjà vu.

  _ Hum ?

  _ C'est sans importance.

  _ Si tu le dis. Bon maintenant, si tu nous faisais une description détaillée de ton ami que nous puissions voir ce qu'on peut faire.

  _ Ok.

***

  Kyros sortit du bureau une heure plus tard, vidé. En plus de tous les renseignements habituels, dont le nom de famille qu'il avait eu bien du mal à retrouver, croyant un moment ne pas le connaître, avant de se souvenir qu'Elly l'avait cité un jour, ils avaient également dressé un portrait robot.

  Il avait bien entendu oublié de mentionner quelques détails, notamment une certaine cicatrice, mais également sa cécité. Il ne savait pas pourquoi, mais il avait répugné à en parler, comme s'il s'agissait de livrer un secret vital.

  Il regagnait lentement sa chambre, lorsqu'il entendit un bruit de pas derrière lui.

  _ Kyros ! L'appela la voix de Hyman.

  L'ex soldat s'arrêta et se retourna pour l'attendre, vacillant une fois de plus en regardant son visage, décidément troublé.

  _ Oui ?

  _ Je voulais juste m'assurer que vous n'avez rien oublié de me préciser avant que je ne fasse un portrait définitif.

  Seagill se sentit frémir sous son regard perçant, comme s'il pouvait mettre à nu toute son âme et lire le plus intime de ses secrets. Il repoussa avec difficulté cette idée stupide et se maugréa, avant de répondre avec tout le calme dont il était capable :

  _ Je vous ai tout dit.

  _ Vous êtes sûr ?

  _ Certain !

  Un petit sourire de compréhension, qui troubla un peu plus Kyros, étira les lèvres du vieil homme.

  _ D'accord. Hum, au fait, vous savez, c'est toujours bon de se confier à un ami de confiance.

  Avant même que Kyros n'ait eu une chance de répondre à ce conseil, Hyman s'était retourner et était déjà repartit en direction du bureau.

  Un original ?

  Décidément pas autant que ça.

  Alors que Seagill le regardait s'éloigner, de plus en plus perplexe, une bombe blonde lui sauta soudain dessus en criant joyeusement :

  _ KYROS !!! ENFIN !!!

à suivre…