Auteur : Aakanee
Genre : romanceBase : FF8
Blind
Vingtième partie
_ Alors monsieur Leonhart, qu'en dites-vous ?
Assis confortablement sur la banquette de cuir d'une voiture de luxe, Squall se donna quelques instants pour réfléchir.
Il avait finalement accepté de suivre l'homme qui s'était présenter plus tard comme étant monsieur Johnson, pour gagner rapidement un véhicule stationner à quelques mètres de l'hôpital. Il n'avait même pas pris le temps de prévenir ses compagnons et pour tout dire s'en moquait royalement. Ne plus avoir Linoa à ses bottes pendant quelques heures lui accordaient une paix indéniable qu'il n'était pas sûr d'être prêt à sacrifier à nouveau le moment venu. La jeune femme savait user ses nerfs comme peu de personnes avant elle et il hésitait parfois à l'épingler au bout de sa gunblade. N'eut été par égard pour le pauvre Ward qui, Hyne seul savait comment, parvenait à la supporter et même, oh miracle, à la rendre moins sotte, il l'aurait probablement déjà fait depuis longtemps.
Heureusement Selphie savait le plus souvent contrebalancer son humeur et adoucir ses ardeurs, d'autant qu'elle avait une affinité avec la jeune femme qu'il n'arrivait toujours pas à saisir, mais qui permettait à sa compagne de jouer sur les deux tableaux. Elle empêchait le plus souvent Linoa de venir l'énerver et savait aussi bien calmer son humeur lorsqu'elle y avait malheureusement échoué. Pour autant, il avait du mal à comprendre comment elle avait pu devenir sa meilleure amie. Enfin, lui-même s'était beaucoup rapproché de Ward dont le silence était un baume pour ses nerfs, malgré son attachement pour son ex.
Il lança un nouveau regard à l'homme devant lui, parfaitement immobile, presque statufié dans son costume cintré, les yeux à nouveau dissimulé sous une paire de lunette opaque qui cachait leur couleur gris ambré. Son visage ne reflétait aucune expression, parfaitement impassible, sans même qu'un tic ou un frémissement ne vienne en effleurer sa surface lisse et presque trop pâle. Au premier abord, Squall ne l'avait pas considéré autrement que comme un homme de main, un laquais obéissant au service de son maître. Mais, il avait rapidement compris son erreur. Plus qu'un simple garde du corps ou soldat, il était le bras droit de son chef, un homme de confiance sur lequel il pouvait toujours compter. Il lui faudrait s'en méfier. Il pouvait sentir jouer sous son calme apparent et sa silhouette un peu trop fine, une force presque égale à la sienne. Il était dangereux et déterminé.
Un petit sourire involontaire vint jouer sur son visage. Il pourrait être intéressant de l'affronter plus tard, ne serait-ce que lors d'un entraînement. Il serait probablement plein de surprises et pimenterait un peu un exercice devenu étrangement monotone depuis quelques mois. Il n'avait plus trouvé depuis longtemps d'adversaire à sa mesure et se fatiguait rapidement des pauvres bêtes qu'il pouvait trouver dans les forêts avoisinant Esthar et qui ne lui résistait jamais bien longtemps.
Oui, un affrontement pourrait se révélait très intéressant.
Mais ce n'était pas vraiment l'affaire qui le concernait à cet instant. Il tourna son regard vers le moniteur où son interlocuteur attendait patiemment sa réponse. L'homme devait avoir à peine plus de vingt-cinq ans, quoi qu'il fut difficile de juger, mais il émanait de la partie découverte de son visage une indiscutable impression de force et de commandement. De peur et de dégoût également lorsque l'on regardait les cicatrices obscènes qui ravageaient complètement son côté droit et seul découvert, mangeant même en partie la peau de son cou. Une longue estafilade partait du bord de sa chevelure brune pour venir couper son visage sur toute sa longueur, évitant à peine paupière et œil, et mourant à l'extrémité basse de sa joue. Mais, comme si cette simple cicatrice ne suffisait pas, tout le reste de sa peau portait les marques évidentes de brûlures qui l'avaient consumé entièrement, le défigurant à vie. Il n'avait plus d'oreilles et la peau reconstituée semblait faite de cuir épais et déformé qui s'étalait en couches irrégulières. Son œil pourtant intact était complètement voilé au point que même les derniers reflets de sa pupille ne pouvaient pas être perçus, comme si elle n'avait jamais existé.
Le reste de son visage était couvert d'un masque parfaitement blanc qui dissimulait habillement son identité et le jeune homme s'en irrita. Il aimait savoir à qui il avait à faire, surtout lorsqu'il s'agissait d'un marché. Un visage dissimulé était signe d'un homme sans parole auquel il n'était pas prêt à s'attacher. Néanmoins, il avait parfaitement et silencieusement écouter sa proposition, laquelle, il était vrai, était difficile à refuser. Il savait qu'il lui offrait là une opportunité sans pareille qu'il aurait du mal à saisir à nouveau. Il savait également que l'homme en avait tout à fait conscience et semblait s'en amuser.
Pour autant il ne comprenait ce qu'il avait à y gagner. Une vengeance peut-être… pourtant cela semblait être un projet trop bien préparé et affiné pour quelque chose d'aussi simple. Quoi alors ?
Il maudit une nouvelle fois le masque qui l'empêchait de lire le visage de son interlocuteur, mais conserva son impassibilité, attendant qu'il lui offre un peu plus que cette comédie, tout en sachant qu'il ne lui faudrait pas trop forcer sa chance. Il demeura silencieux, ne détachant pas son regard de l'orbite vide qui lui faisait face.
Un fantôme de sourire passa sur sa bouche aux lèvres pratiquement inexistantes et il put le voir se laisser couler doucement dans son fauteuil.
_ Vous êtes tel que votre réputation le dit, monsieur Leonhart. Que voulez-vous avoir d'autre avant d'accepter ?
_ Pourquoi, par exemple ?
Le sourire se déforma en une grimace horrible qui dévoila deux rangée de dent parfaitement blanche et un petit rire sardonique lui échappa.
_ Disons que j'ai également mes raisons, dit-il en passant machinalement un doigt sur sa cicatrice. Quoi d'autre ? Voyons, nous savons bien tous deux qu'il n'y a pas que cela.
Squall le détailla un long moment encore avant de répondre tranquillement.
_ J'aime savoir à qui j'ai à faire.
_ Nous y voilà donc ! Mais puis-je vous faire confiance monsieur Leonhart ? Cela demande réflexion, ne croyez-vous pas ?
Le jeune homme se contenta de hausser les épaules.
_ Pensez ce que vous voulez. C'est vous qui êtes venu me trouver.
Cette fois un rire franc résonna dans la voiture à travers les haut-parleurs, avant de s'éteindre doucement.
_Oui, bien sûr, bien sûr. Quand pensez-vous monsieur Johnson ? Pouvons-nous vraiment lui faire confiance ?
L'homme sembla le détailler un instant à travers ses lunettes, son visage sans âge parfaitement axé dans sa direction, avant de tourner finalement sa tête vers l'écran et répondre d'une voix sans expression.
_ Non.
Squall sursauta presque à cette simple observation, furieux, mais ne dit rien, curieux maintenant de voir le tour qu'allait prendre les évènements.
Le visage déformé de son interlocuteur ne montra pourtant aucun signe de quelconque inquiétude à l'énoncer de ce simple fait, semblant même sourire d'avantage.
_ Bien, bien. Mais je pense que c'est un risque que nous pouvons prendre n'est-ce pas ?
_ Oui, monsieur.
_ Parfait.
Pour la première fois, Squall se sentit véritablement mal à l'aise, il y avait quelque chose dans l'assurance tranquille des deux hommes, d'effrayant. Comme s'ils ne craignaient rien de ce que leur action pourrait engendrer ? Le fait qu'il soit chef des Seed ne semblait pas les impressionné, pas plus que son hérédité, ni son statut de héros. Il paraissait même les amuser plus qu'autre chose et il eut le sentiment dérangeant de n'être qu'un pion entre leurs mains. Il fut tenter un moment de rebrousser chemin, mais n'en fit rien. Il est des propositions qu'il est impossible de refuser et celle-ci en faisait partie.
_ Je vais vous dire qui je suis, soupira finalement son interlocuteur, mais pas avant d'avoir eu votre réponse.
_ Oui.
Elle avait été donnée sans réfléchir et sans hésitation, pleine de tous les désirs qui le brûlaient depuis si longtemps déjà, de toute sa détermination.
L'homme retira alors son masque, mais Squall ne réagit pas, prenant la chose telle qu'elle lui était offerte, faisant fis de toutes les conséquences qui pourraient en résulter.
Pourtant, dans un petit recoin de son être, il sentit un frisson glacé le parcourir, alors qu'il entendait à peine la voix de l'homme continuer à résonner à ses oreilles. Une voix qu'il semblait mieux connaître à présent, un visage qui s'imposait plus fortement à son esprit et une ombre… Une ombre de son passé, auxquels ils étaient liés, mais qu'il était incapable encore de comprendre.
***
Dire qu'il semblait flotter sur un océan de coton aurait été mentir au vu de la douleur sourde, mais bien présente, qui pulsait à son flanc, semblant irradier lentement ses chaires. Il aurait presque pu jurer qu'une personne s'était amusé à laisser un fer chauffer à blanc grésiller à cet endroit, tant il lui paraissait chaud. Mais d'une certaine façon, cela était bien moins douloureux que nombreuses blessures qu'il avait déjà reçues.
Il se sentait vaseux et avait du mal à organiser son esprit, comme si ce dernier était embrumer par il ne savait trop quelle drogue.
Où était-il ?
Il ouvrit machinalement les yeux, pour ne trouver que les ténèbres l'entourant et s'en effraya quelques instants avant de se maugréer. Malgré les longs mois qui s'était écoulé, il lui arrivait encore d'oublié qu'il était aveugle et s'attendait presque à son réveil à trouver, dansant devant son regard, les premiers rayons du soleil. Mais c'était un rêve impossible, si ce n'était par ses souvenirs, qui le faisait toujours un peu souffrir dans ces moments là.
Il avait pourtant la chance de ne pas s'être éveillé d'un cauchemar. D'un de ses univers de sang et de mort où il pouvait encore et encore entendre hurler, hommes, femmes et enfants, où il pouvait voir pleurer sur lui tellement de sang que c'est tout ce qu'il semblait encore exister, où chaque seconde était une torture telle qu'il n'en aurait jamais du exister et à laquelle il avait pourtant pleinement participé. Dans ces moments là, lorsqu'il se réveillait sans espoir de pouvoir allumer une lumière et éloigner ainsi un peu les ombres qui jouaient dans son esprit, il devenait presque fou.
Mais il n'y avait rien eu de tout ceci aujourd'hui.
Il s'en serrait presque félicité s'il avait su qu'il était chez lui, mais ses autres sens, depuis longtemps très affinés, lui avait tout de suite indiquée qu'il n'en était pas ainsi. Il ne pouvait entendre ni le ressac de la mer, ni les cris si particulier des cormorans, volant gracieusement dans le ciel. Il n'y avait pas non plus le son si particulier des pas s'enfonçant doucement dans le sable soit sec, soit humide de la plage, pas plus que celui des voitures et des passants des premières heures sur la route un peu plus loin.
Le lit sur lequel il était étendu était faisait de draps rêches qui ne pouvaient lui appartenir et une odeur d'antiseptique puissant se dégageait de la pièce, saturant presque l'air. Il pouvait aussi percevoir le bruit distinct de machines bipant doucement et plus loin celui de conversations murmurées ou de râles étouffés. Enfin, il était difficile d'ignorer la sensation désagréable des aiguilles qui s'enfonçait profondément dans ses bras, ainsi que le pincement à l'un de ses doigts et la sensation des patchs collés un peu partout sur sa poitrine.
Un hôpital.
Que s'était-il passé ?
Il tenta de rassembler ses souvenirs embrumés et ne put empêcher le long frisson qui remonta son échine, lui arrachant presque un cri de douleur.
Oui, il se souvenait parfaitement bien maintenant.
Il pouvait sentir le soleil du début de matinée courir sur sa peau, alors qu'il avançait prudemment sur le bord de la route.
Son bâton et son petit sac à dos étaient ses seules possessions. L'un contenait ses maigres affaires, l'autre l'aidait à éviter les éventuels obstacles qui pourraient se dresser sur son chemin, lui signalant chaque dénivelé de terrain, chaque trou et chaque pierre.
Il voyageait depuis plusieurs jours déjà, plus de deux semaines d'après ses calculs. Une nouvelle fuite en avant.
Toute l'histoire de sa vie. Pathétique.
« Mais au moins cette fois, je n'ai pas choisi la solution de facilité », pensa-t-il en passant rapidement un doigt sur les marques de son poignet.
Pourtant, ce n'est pas l'envie qui lui avait manqué. Il avait cru pendant quelques temps avoir enfin réussi à se débarrasser de ses pulsions, mais comme toujours, elles finissaient par réapparaître et il était parfois très dur d'y résister. Il lui arrivait de marcher littéralement sur le fil du rasoir, prit dans un tel désespoir qu'il ne voyait plus que cette solution offerte à son âme.
Une libération.
Seul la gentillesse d'Elly et Daren, puis de Kyros était parvenu à contrebalancer le poids de sa souffrance, mais maintenant…
Il avait été idiot. Comment avait-il pu se laisser entraîner dans un tel déroulement d'évènements, comment avait-il pu laisser Seagill se rapprocher ainsi de lui ? Il ne pourrait jamais rien lui apporter, il n'avait rien à lui offrir. Il n'était qu'un aveugle doublé du statut peu enviable de chevalier de la sorcière. Il n'avait aucun avenir et une fois de plus, avait failli gâcher celui d'une autre personne.
N'y en avait-il donc pas eu assez ?
N'avait-il donc pas tuer assez de monde, qu'il lui faille en menacer d'autres ?
« Hyne, Kyros, je suis désolé ! »
Pourquoi fallait-il toujours que tout s'écroule autour de lui quand enfin son existence semblait s'améliorer ?
Il soupira doucement.
Ces pensées ne le menaient à rien, sinon à pousser un peu plus son désir de voir enfin sa vie se terminer et ce n'était pas ce qu'il cherchait pour l'instant.
Il ne savait pas trop ce qu'il désirait. Ne savait pas trop où il voulait aller. D'ailleurs il ne savait même pas où il allait.
Depuis presque quatre jours maintenant, il suivait cette route qui le menait doucement vers une destination inconnue, peut-être dans l'espoir de reconstruire à nouveau quelque chose, il ne savait pas.
Il vivait pour l'instant au jour le jour, essayant le moins possible de penser à son avenir ou à son passé, profitant juste de la relative tranquillité qu'il avait pu cueillir sur ses chemins déserts et sans danger.
Enfin quelques heures sans la crainte d'être découvert.
Il marchait d'un train peu pressé, laissant ses sens s'ouvrir au monde qui l'entourait, bruissement des feuilles des arbres, sifflement harmonieux d'un oiseau sur une branche toute proche et parfois la course effrénée d'un petit animal sur le tapis de verdure qui recouvrait la forêt. Senteur des pins et des herbes couvertes de rosées, caresse rafraîchissante de la brise sur sa peau.
Jamais, il n'avait goûté tant de tranquillité.
Pourtant, il regrettait presque sa vie d'il y a quelques semaines. Ses longues heures passées sur la plage, à laisser le vent charrier à son visage le parfum iodé de la mer. Ses élèves, tous différents à leur façon, mais porteur du même espoir, de la même envie de vivre qui lui faisait parfois tant défaut. Eike et son adorable timidité et leurs longs moments passés ensemble, comme père et fils.
Un bruit devant lui, le sortit de ses pensées. Il ralentit, alerte et se concentra sur ce son assourdit, bruissement de graviers enfoncer dans la terre meuble.
Il put rapidement juger qu'il s'agissait de pas d'homme qui s'approchaient rapidement. Un calcul rapide l'avertit qu'il y en avait environs une dizaine, chaussés de lourdes bottes comme on en porte dans l'armée.
Cela ne lui disait rien de bon, mais il ne pouvait pas non plus faire demi-tour sans sembler suspect, d'autant plus qu'ils devaient maintenant l'avoir repéré. Il se contenta donc de réajuster ses lunettes et d'avancer d'un pas assurer qui n'était certes pas le reflet de ses pensées. S'il avait de la chance, il le laisserait en paix, ne voyant en lui qu'un randonneur inoffensif.
Mais les choses sont rarement ce qu'on aimerait qu'elle soit. Lorsqu'ils furent suffisamment près, ils lui ordonnèrent de s'arrêter. Il jura mentalement contre sa malchance, mais s'efforça de sourire en demandant poliment :
_ Que puis-je pour vous, messieurs ?
_ Nous aimerions voir vos papiers.
Il se contenta d'acquiescer doucement et tira rapidement de la poche de son pantalon les fausses cartes d'identité qu'Elly et Daren lui avaient trouvés. Elles étaient parfaites, il le savait, mais ne put repousser totalement l'anxiété qui coulait dans ses veines. Celui qu'il supposa être leur commandant, lui arracha des mains lorsqu'il les tendit devant lui et il l'entendit grogner doucement alors qu'il devait probablement les détailler avec soin.
Les autres soldats restaient silences, mais ils pouvaient les sentir bouger de temps en temps, passant probablement d'un pied à l'autre, et toussotant doucement, visiblement désintéressés par ce simple contrôle de routine.
_ Alors, monsieur Ellan Aldane, c'est ça ? Demanda leur chef. D'Esthar ?
_ Oui. Répondit prudemment Seifer.
_ Que venez-vous donc faire si près de Galbadia.
Le jeune homme faillit hoqueter de surprise et eu du mal à ravaler le juron qui voulut passer ses lèvres.
Galbadia ?
Comment avait-il pu s'engager sur cette route ? Il n'aurait pas pu choisir pire destination que tomber directement dans la gueule du loup. Il venait pratiquement de se condamner. Si jamais, ils venaient à découvrir son identité, il ne donnait pas cher de sa peau. Il s'efforça néanmoins à rester calme et à dissimuler les tremblements de sa voix lorsqu'il répondit :
_ Je viens visiter. Découvrir les splendeurs de la ville.
Même s'il ne pouvait le voir, il aurait pu jurer que son interlocuteur avait lever un sourcil surpris et interrogateur. Mais ce qui le fit réellement frémir fut le murmure étonné et presque furieux qui s'éleva un peu sur sa droite. Il sentit immédiatement une autre personne se porter à leur hauteur et son cœur sembla manquer un battement lorsqu'il l'entendit souffler quelques mot à son supérieur.
Il n'eut pas besoin de les comprendre pour savoir de quoi il retournait et un sentiment de défaite passa sur lui. Mais après tout, peut-être cela était-il mieux ainsi. Il savait bien qu'une telle chose arriverait tôt ou tard. Maintenant semblait le bon moment puisqu'il avait déjà tout perdu.
Il perçut les intentions de son interlocuteur avant même que celui-ci ne bouge, mais ne chercha pas à esquiver le canon de l'arme qui vint soudain le cueillir au milieu du front. Cela n'avait plus d'importance.
Il sentit également les autres soldats se déployer rapidement autour de lui, mais ne fit aucun geste pour tenter de leur échapper.
_ En visite ? Demanda sarcastiquement le commandant. Celle de nos prisons je présume, monsieur Almasy.
Il ne prit pas la peine de répondre. Tout ce qu'il lui vint à l'esprit à cet instant, fut qu'il était déjà mort.
Mais mort, bien sûr, il ne l'avait pas été tout de suite. Il savait que les Galbadiens lui réservaient malheureusement un sort tout autre et beaucoup moins enviable jusqu'à ce qu'ils se soient lassés.
En moins de temps qu'il ne faille pour le dire, plusieurs soldats l'avaient « désarmé », mis à terre et enchaîné. Une vague de douleur l'avait submergé lorsque le fer, violemment refermé, avait mordu ses chaires, mais il ne leur avait pas fait le plaisir de crier ou protester. Ils auraient été bien trop contents de pouvoir le torturer sans attendre.
Il avait ravalé sa propre colère et son désespoir et les avait laissés l'entraîné durement vers la cité où l'attendait déjà une foule déchaînée, prête à le lapider.
Bien sûr, il s'y était attendu dès qu'il avait entendu l'un des soldats, annoncer la « glorieuse » nouvelle à sa base. Mais même ainsi, rien n'aurait pu le préparer à ce à quoi il dut faire face ensuite. Des centaines, des milliers de gens, hurlant et vociférant, réclamant sa mort dans chacune de leur parole. Une mort lente et douloureuse, faite de torture et de souffrances inimaginables. Sauf que ces tortures et ces souffrances il les avait déjà goûtés plus qu'ils ne pourraient jamais le savoir et ce n'était pas tant les mots que le ton et le nombre qui l'avaient blessé, désorienté et désemparé.
Ce qu'il avait fait, il le savait, la haine, il la connaissait, mais d'une telle ampleur… ça l'avait terrorisé. Et le fait de ne pas pouvoir les voir, de ne pas pouvoir affronter leur regard, anticiper les coups qui pleuvaient à flot, n'avait rien arrangé.
Il avait presque accueillit avec délivrance, derrière la douleur et le regret, le coup de poignard qui lui avait transpercé le flan et il s'était enfin cru mourir alors, mais…
Kyros… ?
Oui… il l'avait protégé.
Pourquoi ?
Moi aussi… moi aussi, je t'aime…Ce pouvait-il qu'il l'ait vraiment pensé ?
Ce pouvait-il…Il fut coupé dans le cours de ses idées par un léger mouvement qui chiffonna un peu le drap sous sa main. Il prit alors conscience du souffle léger qui s'élevait près de lui et bougea doucement ses doigts pour venir les glisser dans la chevelure qui se répandait doucement sur le rebord du lit. Ils se fondirent sans mal dans la masse fine et douce et remontèrent, hésitant et presque tremblant jusqu'au bord d'un visage dont il entreprit alors de tracer doucement les traits.
Sa respiration se bloqua dans sa poitrine lorsqu'il en reconnu les contours gravés dans sa mémoire et plus encore lorsque la personne ronchonna un peu, manquant de le faire rire si ce n'avait été les circonstances, et s'éveilla.
Ses doigts glissèrent du visage alors que celui-ci se relevait pour tomber dans une main chaude et calleuse qui se resserra quelque peu en une caresse.
_ Bienvenu dans le monde des vivants, souffla une voix groggy mais visiblement heureuse.
A suivre…
Je sais, je suis méchante… bouuuu !! ^^
